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Femmes musulmanes dans l'histoire Portraits

Lubna de Cordoba : garante de l’essor culturel

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[Publié initialement le 12 mai 2019]
La femme dont je vais vous parler a atteint des sommets par sa seule volonté, son efficacité et sa soif de savoir.
Ses vastes connaissances et compétences lui ont permis de côtoyer les plus grand.e.s de son temps, et d’occuper des postes où les responsabilités furent des plus importantes.
La femme dont je vais vous parler est poète, mathématicienne, bibliothécaire et tellement d’autres choses à la fois.
La femme dont nous allons parler s’appelle Lubna, mais elle est également connue sous le nom de Lubna de Cordoba.

 

De sa naissance, de son enfance, et de son adolescence, nous ne savons que très peu de choses. Nous ne pourrons situer l’année ni même la ville de sa naissance. De Lubna, nous savons qu’elle était espagnole, issue d’une famille en grande précarité et qu’elle fut réduite à la servitude très jeune.
Mais sa condition initiale ne l’empêcha pas de développer un nombre incalculable de passions. En effet, l’écriture, la grammaire, la poésie et les mathématiques l’attiraient, si bien que dès qu’elle le pouvait, elle y consacrait l’ensemble de son temps et de son énergie.
C’est ainsi que, très vite, elle fut repérée et commença alors à servir en ce sens. Elle devint scripte et eut pour mission de recopier et de calligraphier un certain nombre de livres afin qu’ils puissent être diffusés plus facilement. Son efficacité ne fut plus à prouver et son nom se répandit. Bientôt, Lubna commença à être sollicitée par différentes personnalités.

 

Si nous devions citer des modèles de femmes autodidactes aujourd’hui, Lubna de Cordoba devrait nécessairement y figurer. Partie de rien, elle consacra durant des années son temps et son énergie à se former, jusqu’au jour où elle fut appelée par le calife Abd Al-Rahman III pour travailler à ses côtés au sein de la cour royale des Omeyades de Cordoue. C’est ainsi qu’elle devint secrétaire du palais, mais également bibliothécaire, mathématicienne et poète.
Lubna était une femme forte, autonome et ses différentes expériences et connaissances lui permirent très vite de dépasser les fonctions qui lui avaient été confiées. Elle fut en capacité de débattre et de rivaliser avec politicien.ne.s, philosophes et dirigeant.e.s de l’époque. Son charisme et son intelligence lui permirent très vite de figurer parmi les figures les plus importantes du palais des Omeyyades de Cordoue.
En 961, à la mort d’Abd Al Rahman III, son fils Al Hakam b. Abd al-Rahman reprit le pouvoir. A aucun instant il n’eut la volonté de se séparer de Lubna; bien au contraire, il lui donna pour mission d’être garante de l’essor culturel et intellectuel du califat. Ainsi, avec un grand nombre de femmes et d’hommes à ses côtés, elle commença à reproduire, écrire et traduire les livres les plus importants, et ce dans des domaines très différents.

 

C’est en partie grâce à ce travail colossal qu’elle dirigea que nous sommes aujourd’hui en capacité d’étudier et de nous inspirer d’œuvres de philosophes, de mathématicien.ne.s, de physicien.ne.s de la Grèce antique notamment.

Elle fut aussi – avec Hasdaï Ibn Shaprut, médecin, diplomate et mécène juif du Xe siècle – à l’initiative de la création de la fabuleuse bibliothèque de Madinat al-Zahra. A la suite de quoi elle la présida. La bibliothèque royale comptait plus de 500 000 livres, dont Lubna avait la capacité de dire où chacun d’eux se trouvait. Afin qu’elle soit perpétuellement alimentée et que les plus belles pièces y soient recensées, Lubna parcourut seule le Moyen-Orient à la recherche des livres les plus prisés. De sources historiques, on sait notamment qu’elle voyagea fréquemment au Caire, à Damas et à Bagdad.
Sa bibliothèque fut l’une des plus importantes et des plus célèbres de son temps. Cordoue connut, grâce à son travail acharné, un essor culturel conséquent. Les savant.e.s s’y déplaçaient massivement afin d’y trouver les écrits dont il.elle.s avaient besoin. La ville était devenue dans les esprits de chacun.e une cité des sciences et de la culture.

Des siècles se sont écoulés avant qu’une bibliothèque semblable à la sienne voie le jour en Espagne. Al Hakam II était le mécène et le protecteur des philosophes et des poètes, même les plus polémiques, et Lubna en était la cheffe d’orchestre.

 

Lubna a su faire de Cordoue un lieu symbole de pluralisme, de tolérance, où l’équité devait nécessairement régner. A la fin de sa vie, c’est à l’enseignement que Lubna se consacrera; elle enseigna notamment aux enfants la magie des mathématiques et leur transmit son amour des chiffres.
C’est en 984 que Lubna décéda. Cependant, si l’on en croit les chroniques arabes de l’époque, nous savons qu’en partie grâce à elle, la machine avait été amorcée. En effet, comme il est souvent mentionné, il pouvait y avoir dans certains quartiers plus de 170 femmes lettrées chargées de copier, traduire ou rédiger. Ces quelques données suffisent à nous donner une idée de l’héritage qu’elle avait laissé, de nous montrer la place qu’occupait la culture mais également la manière dont les femmes y contribuaient.

 

Lubna fut une femme musulmane aux origines ni royales ni nobles. Seule, elle se façonna, elle s’instruisit, elle se perfectionna. Ce travail acharné qu’elle mena lui valut d’être nommée et renommée. Lui donner, à elle, la charge de ces hautes responsabilités, était une preuve de la confiance et du respect qui lui étaient accordés. C’était également un contre-argument clair contre quiconque prétendait que les femmes en islam n’avaient pas de rôles stratégiques à jouer.

Lubna, bien qu’oubliée, fit partie de ceux et celles ayant contribué à la diffusion des savoirs qui furent essentiels dans la prospérité de nos sociétés.
Sa personne, son histoire et les traces qu’elle nous a laissées devraient nous rappeler qu’avec force et détermination, nous pouvons inverser notre destinée; qu’avec envie et passion nous pouvons faire taire la répression, et qu’avec persévérance et croyance nous pouvons faire évoluer les pires des mentalités.
Alors prenons ensemble Lubna comme modèle, faisons d’elle une source d’inspiration pour notre génération et celle à venir. Utilisons son histoire pour faire valoir justice, égalité et respect.
Pour en savoir plus sur son histoire et son parcours, je vous invite si vous êtes anglophones à écouter ce fabuleux podcast à son sujet.

 

Belle écoute 😉

 

Illustration : Sist’art
Sist’art c’est l’histoire de 3 soeurs passionnées d’art et de dessins.
Pour découvrir leur univers, rendez vous sur instagram : @taekanddoart et @sistart.comics

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Diffuse la bonne parole

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Ateliers d'écriture Nos Voix

[Atelier d’écriture] Comment j’ai su que j’étais femme et musulmane

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Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
Les ateliers d’écriture ont pour but de créer un espace bienveillant afin de rendre l’écriture accessible à toutes et permettre à chacune de reprendre la narration de son histoire.
C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.

Lallab publie les textes des participantes qui le souhaitent.

 

 

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été musulmane.

Enfant, j’avais conscience de cela, car je voyais mon père, mes frères et mes sœurs prier et nous croyions en Allah contrairement à nos voisins. Nous ne fêtions pas Noël et je moquais mes camarades de croire qu’un vieux monsieur barbu viendrait leur déposer des cadeaux dans une cheminée qu’ils/elles n’avaient pas. Je n’avais pas besoin de lui puisque j’avais Dieu partout avec moi et il m’offrait tout ce que j’avais, comme mon père me le répétait.

Je savais que j’étais une petite fille musulmane grâce aux affiches rose que mon frère m’achetait et qui devait m’apprendre à faire mes ablutions, ou ma prière… en rose ! J’avais également un tapis de prière, et un voile prêt-à-enfiler made in Indonesia que je m’amusais à porter et retirer au grès de mes envies.

Ma position de femme musulmane en France fut beaucoup moins confortable, que celle de petite fille. Les affiches roses disparurent laissant place aux jugements incessants. Cet inconfort s’est traduit par un évènement important dans ma vie de musulmane : le jour où j’ai fait le choix de porter le hijab.

Je suis sortie de l’anonymat, une veille de rentrée scolaire : désormais ma spiritualité se verrait.

Et j’avais peur. Peur du regard des autres, peur des conséquences, peur de ne pas être acceptée, peur de n’être acceptée que pour cela. J’avais confiance en Dieu, mais pas en nous.

Ma peur s’est avérée justifiée. Une semaine après cette décision, que j’avais prise du haut de mes quinze ans, un homme musulman m’a arrêté dans la rue, pour me rappeler que mon jean slim n’était pas compatible avec le hijab. Lui, mon frère en Dieu qui oubliait sûrement qu’il avait pour obligation de baisser le regard. C’était donc cela, la vie de femme musulmane ?

Quelques mois après, le lendemain des attentats de Charlie Hebdo, une femme m’a interpellée pour me rappeler que d’autres avant nous, se sont battues pour avoir le droit de porter une mini-jupe, et que mon voile était moche. C’était donc cela, la vie de femme musulmane ?

 

Être musulmane, aujourd’hui, ou hier, en France, c’est une lutte permanente. Pour moi, à quinze ans, à 7 ans, ou aujourd’hui, ce n’est ni plus ni moins que croire en Dieu, et en Ses messagers. C’est recevoir des conseils de mes sœurs, emplis de bienveillance et de douceur.

Être musulmane, aujourd’hui, ou hier, et sûrement demain, en France, c’est une lutte permanente, que je suis prête à mener par amour pour Dieu.

 

 

Ecrit par Myriam

Crédit photo : Lallab

 

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Femmes musulmanes dans l'histoire Portraits

Khawla : femme guerrière

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**Initialement publié le 10 mai 2019**
Je vous avais promis de vous faire découvrir durant ce mois de Ramadan des femmes musulmanes inspirantes, des femmes musulmanes puissantes, des femmes fortes et motivantes.
La femme dont je vais vous conter l’histoire aujourd’hui est clairement tout cela à la fois !
Elle est, je pense, LA FEMME dont l’histoire m’a personnellement la plus étonnée, la plus motivée. Elle est en somme l’héroïne dont j’aurais rêvé durant mon enfance. Elle est cette femme forte, cette femme militante, cette femme toujours persévérante, elle est l’unique, la grande KHAWLA !

 

Khawla bint Al-Azwar naquit dans l’actuelle Arabie Saoudite, durant la première partie du VIIème siècle. Elle était la fille d’un puissant chef d’une tribu connue sous le nom de Bani Assad, et était également la soeur de Dhiraar bin Al-Azwar, légendaire soldat musulman et commandant de l’armée sous le califat d’Abou Bakr.

 

De sa jeunesse, nous ne savons que très peu de choses, hormis le fait que depuis son très jeune âge, Khawla était émerveillée par les nombreux talents que possédait son grand frère, à tel point qu’elle n’aspirait qu’à lui ressembler. Il maniait l’épée comme personne et maîtrisait les lettres avec brio. Si son frère Derar était si habile, c’était car en tant que fils du chef de la tribu  il dut dès son plus jeune âge se former aux arts de la guerre et des lettres.
Derar, qui entretenait une relation aimante et sincère avec sa sœur, lui transmettait l’ensemble des connaissances qu’il possédait. Ainsi, Khawla, en se formant au côté de celui qu’elle admirait, devint secrètement très habile et familière avec les épées, les arcs et les lances.

 

Lorsque Derar fut appelé à rejoindre les armées musulmanes, Khawla n’hésita pas une seconde à se joindre à lui, affirmant qu’elle désirait ardemment apporter son aide et son assistance médicale à ceux qui se trouveraient blessés. Ainsi, Khawla participa aux batailles en se chargeant d’apporter de l’eau aux mourants, en remplaçant les bandages, ou encore en nettoyant le camp.

 

Mais ce qui lui vaut son héroïsme est la manière dont elle reprit le leadership durant la célèbre bataille qui opposa les musulmans aux Byzantins à Yarmouk, en 636 .

 

Un jour, alors que se déroulait une bataille contre l’empire byzantin à l’extérieur de Jérusalem, Khawla, installée sur les hauteurs de la ville, regardait et observait le combat. Soudain, elle vit que son frère Derar, en difficulté, fut désarmé puis capturé en tant que prisonnier. Témoin de l’enlèvement de son frère, Khawla descendit aussitôt de sa crête, courut à la tente de ravitaillement, attrapa une armure, l’enfila, y ajouta par-dessus une robe noire et une écharpe afin de dissimuler son visage, puis s’en alla armée de sa lance et de son épée sur le champ de bataille.

 

La bataille de Yarmouk suivait son cours, quand, soudainement, une Khawla méconnaissable commença à percer les rangs alliés, tuant à tour de bras et portée par l’amour qu’elle ressentait pour celui qui venait d’être fait prisonnier. L’ensemble des combattants pensèrent alors dans un premier temps qu’il s’agissait de leur commandant Khalid Ibn Al Walid. Mais lorsque le général apparut, l’ensemble des soldats se demandèrent qui ce vaillant soldat pouvait bien être.

 

Quand le général vit les dommages causés par Khawla à l’armée adversaire, il ordonna à l’ensemble de ses hommes d’attaquer. A la suite de quoi, les byzantins furent mis en déroute. Khawla avait donc aidé à renverser le cours de la bataille mais contribua également à la libération de son frère. En effet, alors que l’armée byzantine était en route, elle prit sous son commandement un petit détachement et descendit dans les rangs afin de retrouver son frère et les autres musulmans ayant été faits prisonniers.

 

À la fin de la bataille, Khalid, le commandant marqué par ce qu’il venait de voir, partit à la recherche de ce mystérieux chevalier et lui demanda alors de décliner son identité. Dans un premier temps, Khawla, réticente, refusa. Puis, sous la pression elle accepta. Lorsqu’elle révéla son identité, Khalid ne prit à peine le temps de s’étonner du fait qu’elle était femme et se contenta de lui signaler qu’à présent, elle se joindrait à son armée pour les prochaines batailles, et ce nullement masquée, car son talent pour le maniement de l’épée faisait d’elle une solide alliée. A la suite de cet épisode, Khawla continua à servir tout au long de la campagne, se battant fièrement sur son cheval.

 

 

C’est également lors d’une autre bataille que Khawla prouva une fois de plus que, dans la difficulté, il y avait certes de la facilité mais également de l’ingéniosité.

 

Alors qu’elle se battait au corps à corps lors de la bataille d’Ajnadin, Khawla fut propulsée au sol, perdant ainsi le contrôle de sa lance. Alors même qu’elle n’ait eu le temps de se lever, les ennemis étaient sur elle, la capturant et la ramenant dans leur camp. Conscient qu’il s’agissait de la célèbre Khawla, le général byzantin vint la voir. Il lui fit savoir qu’il viendrait la chercher le soir-même, et qu’il l’humilierait publiquement. Afin d’attendre que le soleil soit couché, ils l’emmenèrent dans une tente où se trouvaient déjà un certain nombre de femmes arabes qui avaient été capturées et faites prisonnières.

 

Khawla n’était pas prête à se soumettre. Elle proposa ainsi aux autres femmes de s’organiser pour que, l’heure venue, elles puissent échapper au sort qui leur étaient réservés. Dès que le soleil fut couché, Khawla parvint à se détacher et en profita pour détacher l’ensemble des femmes qui l’accompagnaient. Elles se munirent alors de poteaux, et d’autres objets tranchants qu’elles pouvaient se mettre sous la main. Lorsqu’elles entendirent les gardes arriver, Khawla se fraya un chemin, et à travers le tissu de la tente transperça l’homme qui s’en approcha. Dans la foulée, elle tua les deux autres gardes qui l’accompagnaient.

 

Quelques instants plus tard, Khawla lança l’assaut. Le groupe de femmes, brandissant poteaux et autres matériaux, sortit doucement de la tente et tenta de se frayer un chemin afin de rejoindre les lignes alliées. Soudées, elles parvinrent à éliminer les hommes qu’elles avaient croisés sur leur chemin, et finirent par réussir à s’échapper.

 

De retour au camp, Khawla fut de nouveau saluée pour son courage et sa bravoure. Elle servit le reste de la guerre puis finit par épouser l’un des plus puissants princes arabes.

 

Au sujet de Khawla, on pourrait écrire des lignes et des lignes tant son courage, son audace, et sa maitrise marquèrent son temps. Si elle fut considérée comme l’une des plus grandes guerrières du monde musulman, elle fut également un modèle de leadership pour toute une armée, puis un modèle de leadership féminin pour toutes ces femmes qu’elle embarqua, forma et entraina. En effet, si de remarquables savants tels qu’Al Azdi, écrivirent à son sujet aux VIIIe et IXe siècles, ou encore que des chroniqueurs ultérieurs tels qu’Ibn Kathir et al-Zirkali aient jugé nécessaire d’attribuer une telle importance à cette guerrière dans leurs écrits, c’est avant tout pour toutes ces raisons.  Aujourd’hui, le travail de mémoire en l’honneur de Khawla perdure notamment au Moyen-Orient, où l’on trouve assez fréquemment des écoles portant son nom. Pourtant, son histoire si inspirante, si puissante et si motivante mériterait d’être davantage enseignée car elle permettrait sans aucun doute à un grand nombre de femmes d’y puiser force, détermination et réconfort.

 

Alors, ensemble, contribuons à ce que ses exploits, son courage et sa bravoure soient davantage racontés et partagés.
Crédit Photo Image à la une: Charlotte. Passionnée de dessin et notamment par l’univers de la mode, Charlotte est une illustratrice qui a son style bien à elle.
Retrouvez tous ses dessins sur : son insta @lapagedesign et son Facebook lapagedesign ch.

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Le Ramadan vécu par des musulmanes souffrant de troubles du comportement alimentaire

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**Article publié initialement en juin 2017**

« Et ne vous tuez pas vous-même. Allah, en vérité, est Miséricordieux envers vous », peut-on lire dans le Coran, aux versets 29 et 30 de la sourate 4. Cet extrait est souvent utilisé afin de permettre aux personnes malades de ne pas jeûner et de préserver leur santé. Les troubles du comportement alimentaire sont aujourd’hui nombreux, touchant tout type de personnes, quelles que soient leurs conditions socio-économiques. Les femmes sont cependant l’écrasante majorité des malades, représentant par exemple plus de 90 % des victimes d’anorexie. Houria et Sarah, deux étudiantes âgées de vingt ans, se confient sur leurs ressentis pendant le mois béni de Ramadan.

 

Crédit Mind of Mary

 

Houria et l’anorexie

« Je me sens profondément musulmane et je considère que le Ramadan est un mois d’adoration extrêmement important. L’ennui, c’est que j’ai toujours eu un rapport conflictuel avec mon corps et donc mon alimentation. Je tente de guérir et je suis sur la bonne voie, mais ce n’est pas complètement parti.

Je ne ressens pratiquement jamais la faim durant le Ramadan, habituée à manger le strict minimum depuis mes années lycée. J’avoue également avoir hâte de jeûner durant tout ce mois pour perdre du poids, ce qui me fait culpabiliser, parce que je crois sincèrement que nous aurons des comptes à rendre quant à la façon dont on traite notre corps, dans l’Au-delà.

Je sais qu’Allah n’est pas cruel, mais je me dis que ma maladie n’en est pas vraiment une. L’anorexie me bouffe la vie, je n’accepte toujours pas mon corps parce que je suis dysmorphophobique et que je le vois toujours difforme. Je sais que mon corps est une création d’Allah et que c’est Lui qui l’a façonné. Mais je me trouve toujours pas assez fine et cela obsède mon esprit. Le Ramadan me permet de me rapprocher de Dieu, mais malheureusement, il me conforte aussi dans ma maladie. S’il s’agit de mon mois préféré, c’est parce que je ne fais que lire des textes islamiques, mais aussi bel et bien parce que je perds du poids. C’est atroce de penser ça et je m’en veux, mais c’est ainsi.

 

Crédit Fotolia Fresnel 6

Mes parents considèrent que je ne devrais pas jeûner, m’estimant trop faible pour ça. Ils ont peur que je sois anorexique. Ils m’ont grillée, mais je me cache en disant que j’ai juste peu d’appétit et que le Prophète (paix et bénédictions de Dieu sur lui), par sa modestie, mangeait peu, lui aussi. C’est toujours gênant, durant l’iftar [repas de rupture du jeûne] et le shour [repas juste avant le début du jeûne], parce qu’on ne fait que me pointer du doigt, en affirmant que « je ne mange jamais », que « je vais devenir comme ces mannequins squelettiques », que « c’est du n’importe quoi ».

Mais j’aimerais absolument réussir à manger suffisamment le soir, pour me prouver que je suis capable de respecter le pilier d’une religion qui m’est fondamentale. Le fait de ne rien manger durant de nombreuses heures m’incite à moins culpabiliser lorsque je romps le jeûne, mais ça reste peu. Je ne mange qu’à ce moment-là, une petite assiette et ensuite j’arrête, parce que je ne veux pas perdre les bénéfices du Ramadan par rapport à la perte de poids. C’est difficile.

Je me suis promis que si au bout de la première semaine, je me sentais trop faible, j’arrêterais. J’espère de tout cœur que ça ira, inshAllah. Je me demande constamment si l’aliénation des femmes quant à leur apparence corporelle peut vraiment être considérée comme une maladie. Ma mère, algérienne, ne comprend pas qu’on puisse être autant complexé·e par « un peu de graisse », habituée au hammam et à la diversité corporelle. Mais, petite occidentale que je suis, je veux tout maîtriser et ça hante mon esprit. »

 

Sarah et l’hyperphagie

« On dit souvent que manger est le début du bonheur. Je pense que j’ai vraiment pris ce slogan au pied de la lettre, comme je suis hyperphage. On confond souvent ça avec la boulimie. En fait, je mange beaucoup, sans pouvoir m’arrêter, avec des mélanges improbables, sans pour autant tenter de perdre tout ce que j’ai ingurgité, par des vomissements ou des laxatifs, par exemple. J’ai constamment faim. Je mange tout le temps. J’enchaîne les crises, jusqu’à m’en péter le ventre. Et ça, ce n’est techniquement plus possible avec le Ramadan, comme on jeûne de l’aube au coucher du soleil.

Avant le Ramadan, j’ai toujours peur à l’idée de ne plus pouvoir manger durant plus de quinze heures. Cela est strictement impossible en temps normal. Je me fais plusieurs repas géants tout le temps, comme s’il s’agissait d’une obligation. Je me cache pour manger, parce que j’ai super honte de tout ce que j’ingurgite. Dès que je peux manger, je saisis cette opportunité, quitte à me cacher dans un couloir en faisant croire que je vais aux toilettes parce que le sentiment de vacuité dans mon ventre me fait profondément flipper. Mon mal-être ne se voit pas du tout, tout le monde me perçoit comme une personne complètement saine, parce que je ne donne pas l’impression de manger excessivement et que je ne suis pas en surpoids. Et pourtant…

J’attends toujours ce mois avec impatience, parce que je l’estime magique. Se retrouver avec sa famille, manger de bonnes petites choses le soir, s’instruire quant à sa religion, faire des nuits blanches à rire et prier… Mais aussi, aussi incroyable que cela puisse paraître, parce que c’est le seul mois durant lequel j’oublie un peu ma maladie.

Je ne sais par quel miracle, le fait de m’abstenir de manger pour Allah me permet de me calmer. J’ai clairement faim et j’avoue parfois songer à cesser mon jeûne dès midi parce que mon esprit m’affirme que je n’en peux plus et qu’il faut absolument que je prenne ce pain aux raisins, mais je tiens. Certain·e·s verront cela comme un caprice, mais je vous assure qu’il s’agit de compulsions alimentaires extrêmement puissantes. Le Ramadan me permet d’atténuer les conséquences de ma maladie, parce que mon désir de jeûner pour la Seule et Unique entité divine à laquelle je crois est beaucoup plus noble. C’est tellement spirituel que ça dépasse un peu ma maladie, alors qu’elle m’anéantit au quotidien.

J’essaie d’occuper constamment mon esprit, en lisant des hadiths [paroles rapportées du prophète Mohammad], le Coran et plein d’autres choses. Mais c’est toujours difficile, notamment quand je cuisine, parce qu’une voix est toujours présente dans mon esprit, m’incitant à manger les petits fatayers que je suis en train de préparer. Mais je ne lâche pas. J’essaie de m’en sortir et je suis fière de ce qui vous semble sûrement une petite victoire, mais qui est à mon sens une grande bénédiction. Je pense qu’Allah me facilite, al hamdouliLlah [la louange est à Dieu].

Malheureusement, dès que je romps le jeûne, les crises peuvent reprendre… J’ai peur de montrer que je mange beaucoup durant le ftour [repas de rupture du jeûne], alors je me nourris peu, puis je vais me cacher dans une pièce vide, pour manger tranquillement, pendant que les un·e·s regardent leurs séries et que les autres s’en vont à la mosquée. Sauf que pour éviter les allers et retours suspects de la cuisine à la chambre, je fais le plein en cachette, en mettant des produits sous mes vêtements, et ça redevient malheureusement comme avant. »

Crédit image à la une : Sian Butcher

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[Atelier d’écriture] Aucune fatalité

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Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
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C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.
 
Lallab publie les textes des participantes qui le souhaitent.

 
 
Ô société patriarcale, redoutable, telle un mannequin de lingerie « Ravage »,
Méprisant mes droits : tes outrages sexistes et dommages font rages !
Adepte de la phallocratie, tu t’es donnée la liberté de m’inférioriser, à la Christian Grey…
Passant sous silence les injustices, en danger, tu m’as mise, m’abandonnant écorchée, blessée !

 

Enracinée si profondément, jusqu’aux héroïnes Disney, tu me fais peur !
Inanimée, figée, décidément tes promesses d’égalité ne sont que des leurres…
De princesses à guerrières : féminicides, harcèlements, culture du viol, discriminations ;
À l’égard de ces violences coutumières, aucune justification !

 

Une Artémise d’Halicarnasse sommeille en moi, en dépit de ces mots qui décrivent mes maux.
Je n’abdiquerai pas, partisane d’un féminisme intersectionnel, résolue à atteindre mes idéaux !
Désormais réveillée, je suis, à bien y réfléchir, une réalité. Tu n’es qu’une simple construction sociale…
Antithèse de l’Egypte ancienne, ta couronne, tu perdras, même si tu parais immuable !

 

M’obligeant à me protéger seule au milieu du ring, tu as fait de moi une battante !
M’obligeant à fournir plus d’efforts que l’homme, le poing levé, tu m’as rendue puissante !
Merci Marston… À mon tour, je lutterai pour construire une société égalitaire,
Héroïne de mon avenir, avec opiniâtreté, fierté, en vue de te mettre à terre !

 

Pas de Femen, pas de sextremiste, simplement unir l’humanité tout en considérant sa diversité ;
En mon sein, je rêve que soit complémentaires la virilité et la féminité,
Ne formant qu’un, tel un coeur : deux courbes allant vers un même point ! Tu ne perdureras pas éternellement…
… Ô société patriarcale, tu sentiras dans ta poitrine, s’essouffler tes poumons, inévitablement !

 
 

Texte écrit par Nour-Imane et envoyé suite à l’atelier d’écriture #2 du 17 novembre 2019
 
 

Crédit photo image à la une: Lallab

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[Ateliers d’écriture] Affirme-toi !

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Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
Les ateliers d’écriture ont pour but de créer un espace bienveillant afin de rendre l’écriture accessible à toutes et permettre à chacune de reprendre la narration de son histoire.
C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.
 
Lallab publie les textes des participantes qui le souhaitent.

 

Thème : un court dialogue qui démarre par une critique que l’on nous a souvent faite et qui se termine par le retournement de cette critique en quelque chose de positif.
 
 
– Affirme-toi davantage ! déclara Siham à son amie Lalya. C’est une phrase que celle-ci avait beaucoup trop entendue depuis sa plus tendre enfance. Jeune fille, calme et réservée, Lalya manquait de confiance en elle. Elle se sentait inférieure aux autres. Moins bien que ses camarades féminines, moins belle, moins intelligente… Trop grosse aussi, trop petite…

– Mais comment ?, interrogea l’adolescente. J’ai toujours été nulle. Depuis toute petite, on n’a pas arrêté de me rabâcher que je ne servais à rien, que je n’y arriverais jamais. Je suis constamment critiquée par les uns et les autres. De toute façon, quoi que je fasse ou que je dise, ce n’est jamais assez bien. Te souviens-tu, Siham, l’an passé ? Quand vous m’avez poussée à aller proposer à Hakim de m’accompagner à la fête d’anniversaire d’Abdoulaye ? Te souviens-tu de sa réponse ? Moi, je m’en souviens, et j’aurais voulu, à ce moment-là, ne jamais avoir existé ! »

 

Lalya se remémora, encore émue, les propos tenus ce jour-là par le jeune homme sur sa peau « un peu trop noire » à son goût.
 
– « Je comprends. Et à ta place, je ne sais pas du tout comment j’aurais réagi, répondit son amie. Tu sais très bien Lalya, qu’Hakim est un peu spécial comme type. Ceci étant, il serait vraiment temps que tu apprennes à t’aimer… Ne serait-ce qu’un peu ! Regarde-toi ! Tu es magnifique, intelligente. Tu as tout pour toi, ajouta-t-elle.

– J’ai tellement de rêves à réaliser, de choses à accomplir… dit Lalya en soupirant. Je rêve de monter sur les planches, d’écrire mon roman, de faire de l’humanitaire et pleins d’autres choses… Continua-t-elle, perdue dans ses pensées.

– Il est temps de passer à l’action ! s’exclama Siham avec enthousiasme. On va en réaliser un dès à présent ! L’atelier théâtre de Madame Dellacourt débute la semaine prochaine et il reste encore quelques places. On va s’y inscrire ensemble si tu veux ? proposa-t-elle.

– Tu penses que j’y arriverai ? demanda Lalya d’un air un peu perdu.

– J’en suis sûre et certaine ! Répondit au tac au tac son amie. Tu verras comment ce sera libérateur pour toi.

– Allons-y, avant que je ne change d’avis ! Dit la jeune fille, enchantée par l’idée de pouvoir, un jour peut-être, se voir à l’affiche d’un spectacle.

 
 

Anonyme
 
 
Crédit photo image à la une : Lallab

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[Ateliers d’écriture] Lettre à la petite fille que j’ai été II

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Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture exclusivement réservés aux femmes musulmanes. Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole de ce climat d’islamophobie généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits, femmes musulmanes ou non. 

Dimanche 27 octobre 2019

Chère Mayem,

Je t’écris aujourd’hui pour te donner des nouvelles de toi plus tard.

Sur la photo que j’ai de toi, tu as un peu plus de 2 ans et tu souris de toutes tes dents. Pourtant, tu as déjà vu et vécu des choses pas très belles, des choses que tu vas traîner avec toi très longtemps, des choses que moi, la toi du futur, je suis à peine en train de résoudre. Mais ne t’en fais pas, parce que peu importe ce qui va t’arriver, tu ne vas jamais t’arrêter de sourire. Parfois, ton sourire sera plus triste, moins lumineux ; quand la vie se fera particulièrement difficile, tu vas même avoir peur d’avoir perdu ton sourire pour toujours. Mais crois-moi, si tu tiens bon et que tu ne te fais pas trop de mal, ton sourire reviendra, plus fort que jamais. Tellement fort que ça te fera mal aux joues !

J’aimerais t’ordonner de ne jamais écouter les voix des personnes négatives, des personnes méchantes, des personnes qui pensent savoir mieux que toi ce dont tu es
capable, mais je ne le ferai pas. Oui, toutes les voix, de toutes ces personnes forceront l’entrée dans ton esprit. Elles te feront perdre du temps, de l’énergie, et parfois, elles te feront sentir comme un gros caca bouda alors que tu es une belle plante qui prend son temps pour pousser. J’aimerais t’ordonner de ne pas les écouter, sauf qu’elles te seront essentielles dans la construction de toi, car bientôt, tu les défieras. Eh oui ! Derrière ce sourire, ce trop de patience face aux vilains pas beaux, cette tendance à douter de tout et surtout de toi, se cache un pouvoir magique : celui de te connaître, d’écouter ton cœur et de te reposer sur ta foi pour suivre ta voie. Et c’est ce qui va te sauver ma chérie. C’est ce qui fait que nous sommes encore en vie : notre obstination à suivre notre instinct, envers et contre tous.

Alors comme le chanteront Jocelyn et Cheela dans une douzaine d’années : laisse, laisse parler les gens, car on s’en fout fiche !

Merci pour ton attention,
Je fais des gros bisous sur tes grosses joues.

Intimement,
Toi.

P.S. : Si tu pouvais accorder moins de temps de ton précieux cerveau à penser aux garçons,
je t’en serais très reconnaissante.

 

 

 

Leïla Ino,

Leïla, qui es-tu ?

Plus le temps passe, plus ma mémoire me fait défaut.
C’est d’ailleurs, pour cela que j’ai pris goût à écrire.
Écrire non seulement pour extérioriser mes sentiments, mes non-dits, mais également pour laisser une trace derrière moi. Au moment même où je t’écris mes pensées ne sont pas claires, et ton enthousiasme de transmettre tes connaissances, ton amour à ton prochain est toujours présent, et pour cela je t’en remercie.
Je suis à la fois reconnaissante et désolée. Désolée, car mes souvenirs que j’ai de toi ma petite repose essentiellement sur des photos que Papa et Mama prenaient. Dieu merci, j’ai une traçabilité de ton enfance et de ce fait de la mienne. Mes yeux me permettent ainsi de visualiser tes instants T tels que ces fameux voyages animés que chaque année nous faisons pour aller au Maroc, avec cette fameuse Renault 21. Cependant, comment saisir, percevoir ressentir ces moments avec exactitude ? Comment pourrais–je prétendre savoir avec certitude ce que tu ressentais, voyais, touchais, goûtais, sentais à un instant donné. Rassure-toi, j’ai toutefois quelques souvenirs ….
Te souviens-tu de ce jour, ou peut être n’est-il pas encore arrivé ? Je prends le risque de te le dévoiler, car ce jour-là, ta Mama fut heureuse de voir ses petites princesses sourire. Ta sœur, Mina, ou devrais-je dire ta « fausse jumelle » de vêtements, et toi participiez à un concours de fin d’année, dans lequel les participants devaient porter leurs costumes.
Ce jour-là, Inna Inooo a prit le plaisir de nous mettre les tachktas, maquillées, parfumées pour cette occasion. Pour elle, nous n’étions pas déguisées, loin de là. Tu étais fière de porter ce vêtement qui t’identifie. Papa, quant à lui, était prêt à prendre des tonnes de photos même si cela allait lui coûter une fortune. 50 Francs ? Peu importe le prix, tu connais la famille bebenss. Ce courage, cette force, cette fierté d’exprimer ta différence est ta principale force.
Leïla, tu as de gros yeux marrons,
Mais pas ceux d’un cochon.
Tu as 10 ans,
Mais tu n’es pas un enfant.
Pour terminer, je te dirais ces quelques mots (car malheureusement je suis contrainte d’achever cette lettre pourtant j’ai tant de choses à te dire…)
Écoute ton sixième sens, qui repose sur ton cœur. Sache que rien n’est acquis. Garde ton sourire. Ta Positive attitude. Crois-en tes principes, tes valeurs.
Exprime-Toi. N’aie pas peur d’être différente. Une chose est sûre, on ne peut pas plaire à tout le monde.
Regarde-Toi, Aime-TOI,
Be Yurself,
Je t’aime comme TU ES.

YurselfLey.

 

 

 

27 octobre 2019

Chère Meriem

À l’aube de tes six ans, tu ris aux éclats avec ta famille, tes sœurs et tes presque sœurs.
Insouciante, revenant de vacances, après deux mois au Maroc, tu ne le sais pas encore, mais tu ne rencontreras ta famille et ton pays d’origine qu’à l’âge de 17 ans. Cette injustice fera que vous visiterez tout, sauf ce pays. Mais ce sera ta richesse et ton envie de découvrir et voyager qui s’instaurera petit à petit.
Eh oui, tu ne t’en rends pas encore compte, mais c’est sur ces moments-là que tu pourras te reposer quand tu grandiras : la fraternité, l’amour et la famille.
Dans les bons moments et mauvais moments ça sera ton plus grand soutien, ton réconfort, face à l’adversité, aux épreuves, l’injustice que tu subiras, l’humiliation, et j’en passe. Face à la maladie, au bonheur et aux moments de joie.
Chéris tous ces moments partagés, car tes parents, ta famille t’ont donné la force, l’amour, les merveilleux souvenirs de joie, le courage, la capacité de lutter pour tes droits, et surtout d’être la meilleure version de toi-même.
Sache que ton cocon doré, tu pourras toujours t’y ressourcer, t’y nourrir à n’importe quel moment, n’importe quel âge, dans toutes les étapes de la vie. Alors profite, ris, voyage, lis, aime, chante, danse, élève-toi de plus en plus vers Dieu. Lui, combiné à ta famille, sera ta plus grande force mentale lors de toutes les épreuves de la vie que tu vas traverser, et sache-le : pas tout le monde a cette chance-là. Tu t’en rendras compte bien assez tôt. Conserve cette âme pure et sache que la vie est belle, pleine de surprises et de belles rencontres, riches et humaines. Ne brise jamais tes rêves, va loin. Je t’aime.

Meriem Saghrouni

 

 

 

Crédit photo : Lallab

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[Ateliers d’écriture] Lettre à la petite fille que j’ai été I

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Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
Les ateliers d’écriture ont pour but de créer un espace bienveillant afin de rendre l’écriture accessible à toutes et permettre à chacune de reprendre la narration de son histoire.
C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.
Lallab publie les textes des participantes qui le souhaitent.

Thème : Ecris une lettre à la petite fille que tu étais.

Chère Kenza,

À ton âge, tu joues encore les dimanches après-midi dans le jardin, sous le figuier que tu viens de planter avec maman, sous les rayons de ce Soleil de Drancy ou d’Algérie. Les étés sont longs, mais que de beauté lorsque l’on voit de belles lumières rosées. Avec Lounes et maman, tu dois adorer les sorties au parc, ou tu te fais des amis chaque après-midi, les goûters entourés des amies de maman, Khalti Malika, Taous et Rosa…

Ma petite chérie, ma petite Kenza, tu vois ta mère comme une maman ordinaire, une personne comme les autres t’apportant la paix et le bien, mais regardes mieux et regarde-la. Son sourire pour toi, ses yeux verts te surveillant, les gâteaux qu’elle apporte chaque fois, ses msemens, son attey et tant de moments partagés. Profite de chaque moment passé avec elle, respire son parfum et observe la plus longtemps, tu verras que yéma est une reine, et que toi, tu es une princesse. Malgré les épreuves du temps, la pluie qui t’angoisse, l’orage qui te fait peur, les matins nuageux que tu appréhendes, malgré les maladies et tes peurs la nuit, souviens-toi de ces instants, écrit-les et revis-les.

À travers tes grands yeux, tu vois la magie partout, et tu as bien raison. Ramdan est un père qui te porte jusqu’aux étoiles, Lounes est un soldat qui te protège des monstres que tu imagines derrière la porte de ta chambre, et Kamélia, ta meilleure amie, qui fera face au monde pour toi.

Pour toi, le monde est beauté, soleil et voyages. Pour toi, la pensée de tous ceux qui t’entoure est magie et bonté. Alors, comme toi, ils aperçoivent la magie de ces journées avec maman dans le jardin. N’oublie pas que ta vision est différente et émerveillée, que les couleurs que tu vois sont accentuées, que ta perception est occultée, et que ton amour pour ces instants ne sont pas une honte, mais une fierté.

Saches que, peu importe où tu iras, pays ou villes, de Tanger à Barcelone, de Tizi Ouzou à Amsterdam ou de Meknès à Rome, tu y verras ta maman, entendras sa voix, verras les lumières de ses yeux. Ses paroles, ses dou’as et ses blessures. Ces images, ne les enfouient pas, mais apprécie les, garde-les en mémoire tout en marchant dans ces ruelles, puis écris-les et envoie ces mots à maman.

Pour qu’elle voyage comme tu le fais, sourit comme tu souris, et rit comme tu riras. C’est à son tour de découvrir le monde à travers tes yeux.

Je t’aime fort petite fée des djinns.

 

Kenza Amoura

 

 

 

 

Chère petite catastrophe,

Je t’aime. Je t’aime, car tu es entière et rien ne t’arrive sans que toute ton âme ne soit touchée : bonheur ou malheur, tu vis tout à cent à l’heure. Aujourd’hui, tu le vois comme une faiblesse, mais crois moi, c’est ta plus grande force. Pleure, rit, crie, chante, prie. Aie peur, continue d’être maladroite, en bref : vis.

Je t’aime. Je t’aime, car aujourd’hui ce qui me rend la plus heureuse, c’est toi qui me l’as donné : tu m’as donné un rêve, une vie. Tu m’as donnée des passions et des envies.

Tu vas traverser des épreuves que tu n’imaginais même pas. Tu vas souffrir, mais crois moi, tu comprendras ta vraie nature après ça. Dieu va t’éprouver dans ce qui t’es le plus cher. Et c’est à ce moment-là que tu te découvriras. Je ne te demande pas d’être forte ou de passer cette épreuve haut la main. Je te demanderais seulement d’être toi. Que tu y arrives avec les honneurs ou pas, peu importe. Ce qui compte, c’est que tu prennes le temps de te rencontrer, de te découvrir.

Après ces épreuves, et surtout pendant, n’oublies pas Dieu. Reviens à lui. Écoute ton cœur, car lui seul entend les signes du Seigneur, et lui seul peut te les murmurer.
On te voudra du mal. En apprenant à aller vers l’autre, tu apprendras le rejet. En découvrant le monde, tu perdras ton innocence. En grandissant, tu seras animée par des sentiments nouveaux. Et parfois, tu perdras espoir. Ne le perds plus. Garde-le et continues à te battre pour tes idées. Aujourd’hui, j’aimerais avoir ta force et ton courage.

Enfin, je ne te dirais pas ce qui t’arrivera, car la vie est une merveilleuse aventure emplie de surprises. Peu importe ton objectif, rappelle-toi que ta quête, ton chemin, donnera de la valeur et de la saveur à tes victoires.

Contrairement à ce que tu penses, ton prénom ne veut pas dire « sensibilité » mais « sentiments ». Alors sois sensible avec les plus beaux sentiments, sois rudes avec les plus fermes sentiments, et sois vraie, avec tous tes sentiments.

Intimement toi.

Anonyme

 

Crédit photo : Lallab

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Nos Voix

Coup de gueule d’une féministe musulmane révoltée

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Un jour banal. Un dimanche ensoleillé, une balade en famille, une glace dans un parc. Ça, c’est ce à quoi j’aspirais. La réalité, c’est une nouvelle journée à la saveur gâtée par l’arrière-goût amer — et familier — laissé en bouche par mon lot quotidien de racisme et d’islamophobie. Mais, contrairement à il y a quelques mois, je ne ressens plus de la tristesse, mais une révolte mêlée de colère.

 

Lorsque j’ai commencé à porter le foulard, que ma vie entière et mes relations se sont trouvées bouleversées (spoiler : pas de manière positive), j’ai surtout été extrêmement déçue de découvrir que le monde qui m’entourait était capable d’autant d’hypocrisie, de haine et de bassesse. Maintenant, la pilule a été avalée et la tristesse a laissé la place à la colère. Mais ça, j’ai mis du temps à l’accepter.

Récemment, je me suis en effet rendu compte qu’en tant que femme musulmane, la colère était tout simplement une émotion à laquelle je n’avais pas le droit. La violence des réactions à laquelle je suis exposée dès que j’exprime la moindre irritation se charge de me rappeler à l’ordre. Pour certain·e·s, en tant que croyante — de surcroît, visible — je ne saurais m’abaisser à un tel registre émotionnel. Pour d’autres, ce registre traduirait précisément la violence inhérente à ma religion. La colère exprimée démontrant par ailleurs en elle-même que mes propos ne peuvent et ne doivent pas être pris en considération.

Sauf que non.

Ce n’est pas parce que je suis musulmane et que je porte le voile que je dois devenir une sainte, et mes réactions être exemplaires. Pas plus que ma religion n’alimente mes émotions négatives — bien au contraire.

Aujourd’hui, les comportements dissuasifs m’ont tellement poussée à ravaler cette colère que je ressens un besoin irrépressible de l’exprimer, de lui donner son droit, de laisser sortir cette boule de feu — en assumant les risques que cela implique. Parce que tant que je ne le fais pas, c’est moi qu’elle brûle de l’intérieur, et puis parce que…

 

Parce que j’en ai MARRE de devoir peser chaque mot et policer tout ce que je dis pour, au choix : ne pas heurter les personnes bien intentionnées aveugles à leurs propres racisme et/ou islamophobie ; ne pas me faire objecter par mes coreligionnaires que mon comportement ne serait pas digne de notre éthique ; ne pas prendre le risque de me discréditer et perdre alors le bénéfice de mon argumentaire ; ne pas donner raison aux rageux·ses qui voient en moi une assaillante pétrie de haine à leur égard etc.

Parce que je suis USÉE de me justifier continuellement face à des personnes qui, en réalité, n’en ont strictement rien à cirer, n’écoutent pas ce que j’ai à dire et balaient mes propos d’un revers de main car ces derniers ne correspondent pas à ce qu’elles et ils ont envie d’entendre — en l’espèce, des variations sur le thème de « je-suis-soumise-aidez-moi-à-devenir-comme-vous », voire de « merci-la-France-de-nous-avoir-colonisé·e·s-ghettoïsé·e·s-et-exploité·e·s-c’est-toujours-mieux-que-dans-notre-pays-amen ».

Parce que je suis RÉVOLTÉE d’être traitée avec tant de condescendance, comme si j’étais une enfant inconsciente et irresponsable. Ma parole est systématiquement méprisée, au profit de celles et ceux qui, glosant à loisir, font figure d’adultes au discours nécessairement légitime.

 

Parce que je deviens DINGUE à m’égosiller dans le vide, quand ma parole provoque immanquablement un acharnement visant à l’étouffer, et que le moindre de mes témoignages est conspué. Dingue que des personnes ne connaissant rien de ce que je vis s’érigent en censeurs·ses pour m’accuser de paranoïa, d’exagération, d’affabulation, de mensonge et de manipulation, quand ce que je décris ne constitue que ma stricte réalité. Dingue de subir le racisme, le sexisme et l’islamophobie dans ma chair, de savoir que je ne suis pas la seule, et qu’on ose me rétorquer que ce que je dénonce n’existe pas.

 

Mon diagnostic officiel : vous êtes un·e abruti·e. / Crédit : Bluntcards

 

Parce que je suis SAOULÉE d’entendre des musulman·e·s ou des racisé·e·s m’accuser de victimisation car ils et elles ne se rendent pas compte que leur niveau d’études, leur statut social, leur apparence physique, leur genre ou même leur situation géographique les protègent de certaines réalités, et que leurs postures servent en fait à légitimer la culpabilisation des discriminé·e·s tout en échappant aux accusations de racisme.

Parce que je BOUS face à l’aveuglement de cette société qui tend le micro et déroule le tapis rouge à celles et ceux qui crachent leur mépris de ceux qu’ils ne supportent simplement pas de ne plus pouvoir dominer. Je vois rouge quand on me dit que nous devrions être reconnaissant·e·s d’être des citoyen·ne·s de seconde zone. Comme si nous avions atterri ici si la France n’avait pas colonisé nos pays d’origine, et comme si nos aïeux n’avaient pas déjà versé assez de sang, de sueur et de larmes pour elle.

Parce que je suis ULCÉRÉE par l’hypocrisie de cette société qui se pare de toutes les vertus, invoque les plus beaux discours pour mieux discriminer, écraser et museler. Ulcérée qu’on invoque le féminisme pour nous discriminer, l’anti-racisme pour discréditer et évacuer nos luttes, la liberté d’expression pour permettre les déversements de haine à notre égard. Ulcérée qu’on nous prenne pour des imbéciles en inventant tous les prétextes possibles et imaginables pour nous exclure sans avoir l’air de nous discriminer.

 

Parce que je suis ÉPUISÉE de me battre contre des moulins, et de ce pays qui refuse d’ouvrir les yeux sur son racisme qui s’exprime de manière toujours plus décomplexée. Épuisée de ce pays dont le premier réflexe est de s’indigner qu’on puisse le mettre en accusation, alors qu’il est le seul sur cette planète à croire encore qu’il est la patrie des droits humains.

Parce que je n’en PEUX PLUS de devoir négocier ma vie en élaborant des stratégies pour décrocher un travail, trouver un logement, partir en vacances, faire du sport, aller chez le médecin, et même me balader — parce que, sachez-le, flâner dans certains quartiers est un vrai calvaire. Je n’en peux plus qu’un nombre si important de mes concitoyen·ne·s considère ces discriminations comme normales parce que c’est ce qu’on leur rabâche depuis des années. Je n’en peux plus que la moindre tâche quotidienne puisse être gâchée par l’insistance des regards méprisants, les remarques racistes, les insultes franches… et le risque que cela aille plus loin.

Je n’en peux plus de l’autocensure, ni de cette inquiétude diffuse chaque fois je me rends dans un nouveau lieu. Je n’en peux plus de constater que tant de femmes autour de moi se trouvent contraintes d’abandonner leurs rêves et planifient leur vie en fonction des discriminations qu’elles savent qu’elles devront affronter.

 

Crédit : Victoria Silveyra

 

Je n’en peux plus de sentir cette MERDE chaque jour de ma vie. Je n’en peux plus qu’une bonne partie de la société use de toute son énergie pour écraser ma parole et affirmer, du haut de toute sa condescendance, que ce que je décris n’existe pas… pendant qu’une autre bonne partie, trop occupée à se regarder le nombril et à le poster sur Instagram, ne se soucie pas du glissement en train de s’opérer dans ce pays.

Je n’en peux plus des situations d’injustice, provoquées par quelques-un·e·s, mais rendues possibles uniquement car les personnes présentes alentours se taisent et font semblant de ne pas voir ou de ne pas entendre.

 

Et je suis HORS DE MOI quand, face à tout cela, je n’aurais pas le droit de m’énerver, alors que c’est aussi cette révolte qui me fait me tenir droite et me donne la certitude que je ne me plierai jamais à ce que l’on attend de moi : l’effacement pur et simple de mon identité.

La France a colonisé nos ancêtres, puis elle a fait venir nos parents pour qu’elles et ils se chargent du travail dont les Français·e·s ne voulaient pas. Qu’elle assume, maintenant ! Nous sommes là et nous n’avons aucune intention de nous laisser domestiquer.

Petit clin d’œil à celles et ceux que ce dernier paragraphe aura fait baver de rage : au fond, peut-être qu’on devrait vous remercier, puisque vous contribuez, à votre manière, à alimenter cette flamme de vie et de détermination en nous.

 

Crédit image à la une : Emiliano Ponzi

 

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La femme que je n’aurais jamais cru devenir

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]Retrouvez le témoignage de Dieynaba, l’une de nos incroyables Lallas, lors de notre Festival Féministe Lallab Birthday #2 à l’Institut du Monde Arabe.

Au commencement, était une petite fille noire.

Si elle devait résumer son enfance en quelques lignes, elle dirait :

L’amitié, c’était ses amies d’origines maghrébines et turques auxquelles elle s’identifiait.

Les voyages, c’était son pays d’origine, le Sénégal, qu’elle rejetait.

L’amour, c’était le couple formé par son frère et une femme blanche qu’elle admirait.

La danse, c’était sa passion qu’elle pratiquait avec les moyens qu’elle avait.

La religion, c’était le ramadan qu’elle respectait et la fête avec les sien·nes qu’elle célébrait.

 

Une période où sa couleur de peau détonnait, étonnait face au climat blanc général

Une période où ses origines étaient secondaires face à celles et ceux de son entourage amical

Une période où son pays d’origine ne suscitait pour elle aucune forme d’attraction, de désir

Une période où son métissage souhaité avec un homme blanc symbolisait l’avenir

Une période où sa pratique de la danse et de la religion n’avaient rien d’immoral

Monument de la Renaissance Africaine Dakar (Sénégal)

 

Aujourd’hui, cette petite fille a grandi, changé son regard sur bien des points

SA COULEUR DE PEAU, elle l’a acceptée

SA CULTURE, SES ORIGINES, elle se les est réappropriées

SON VOYAGE, elle l’a réalisé, en solitaire, pendant son ROAD TRIP africain, au cours duquel elle s’est rendue AU SENEGAL, son pays d’origine tant rejeté et dénigré, où elle rêve désormais de se rendre à nouveau et de s’installer

SON AMOUR, elle l’a trouvé au Sénégal, à Dakar, au pied du Monument de la Renaissance Africaine : un homme bien différent de la figure de l’homme blanc idéalisée et rêvée, car gage de réussite sociale ; idée soutenue par ce slogan «  Le métissage est l’avenir »

SA PRATIQUE DE LA DANSE ET DE LA RELIGION, elle l’a enrichi au fil des rencontres, des échanges, des performances dansées où elle a gagné en confiance et en assurance, convaincue que la religion et la danse peuvent s’exprimer dans un même corps

 

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT IDENTITAIRE, elle le doit à ses rencontres avec des femmes noires modernes, inspirantes, fières ; rompant avec l’image habituelle de la femme noire véhiculée par les médias. (ROKHAYA DIALLO, NICHOLLE KHOBI, AMANDINE GAY…etc.)

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT CULTUREL, elle le doit à ses amies, des femmes inspirantes, voyageuses ; l’encourageant à franchir le cap du voyage en solitaire, si bénéfique pour renouer avec sa culture et ses origines et s’affranchir de la tradition culturelle et familiale

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT SPIRITUEL, elle le doit à des femmes de sciences ; élevant sa connaissance et sa pratique spirituelle par la découverte du féminisme musulman.

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT ARTISTIQUE, elle le doit à des femmes artistes, bienveillantes, au grand cœur ; l’aidant à accepter son statut de danseuse qu’elle niait par l’absence d’une formation professionnelle suivie en danse

 

Elle reconnaît, elle sait que

Sans LALLAB

Ces rencontres de femmes si inspirantes,

Ces discussions si intéressantes,

Ces nouvelles connaissances si nourrissantes,

Ces nouvelles sources d’intérêt si passionnantes,

Ces transformations identitaires si étonnantes,

n’auraient jamais été possibles

 

 

ALORS, cette petite fille que j’ai été, devenue cette jeune femme qui se tient devant vous, vous dit

« MERCI »

de m’avoir aidé à accepter et à faire cohabiter mes identités multiples :

FEMME, NOIRE, MUSULMANE et DANSEUSE

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Diffuse la bonne parole

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