Catégories
(Dé)construction

4 raisons de remercier les islamophobes

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

« Il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien », peut-on lire dans le Coran (sourate 2, verset 216). J’ai effectivement la conviction que dans chaque chose, même difficile, il y a du bon. Mais alors, où est le positif dans le fait de vivre dans un climat où le rejet des musulman·e·s s’exprime de manière de plus en plus décomplexée ? J’ai essayé de trouver quelques raisons de remercier les islamophobes…

 

 

1. Je connais mieux ma religion – et j’y adhère encore plus

 

Eh oui, c’est dommage pour les personnes qui voulaient m’en dégoûter en me mitraillant de faits négatifs sur l’islam et les musulman·e·s, mais cela m’a poussée à me renseigner en profondeur sur ce que disent réellement nos sources. Et ce que j’ai découvert m’a prouvé que beaucoup de choses étaient dites par ignorance, mais venaient aussi du fait que nous trahissons de nombreux enseignements du Coran et de la vie du Prophète (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui).
 
Crédit : BDouin / Le Muslim show

 

Je remercie donc tou·te·s les excité·e·s qui ont été à l’origine de la redécouverte de mes propres sources religieuses. Cela m’a permis de comprendre la profondeur de certains gestes que je faisais par habitude, de reprendre confiance dans la place que l’Islam me donne en tant que femme, ou encore de redécouvrir ses valeurs et principes authentiques. Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a rien de tel que de lire la biographie du Prophète (par exemple celle écrite par le Dr Martin Lings) ou les récits des premier·e·s musulman·e·s pour être convaincue que c’est cette éthique et ces exemples que je veux suivre.

 

En bonus, les islamophobes et leurs discours correspondent tellement aux descriptions qui en sont faites dans certains passages du Coran que même les observer ne peut que renforcer ma foi…

 

 

2. Je suis sûre de qui je suis et de mes convictions, car elles ont été durement testées

 

Une chose est sûre : si je n’avais pas vraiment envie de suivre ma religion, j’aurais eu mille occasions de laisser tomber de nombreuses pratiques. Ma vie sociale et ma vie professionnelle en auraient été bien plus faciles, et pas seulement par rapport à mon hijab. Je remercie donc Dieu de m’avoir permis de traverser ces tests et de savoir ce à quoi je tiens réellement, même au prix de sacrifices certains.

 

Ceci est d’autant plus important qu’en Islam, la sincérité est la base essentielle à toute action. Il ne sert strictement à rien de faire quelque chose pour plaire aux gens, pour être bien vu·e, etc. Or, peut-être que si je vivais dans une société musulmane, mon intention aurait été entachée par des motivations « mondaines » : me fondre dans la masse, avoir bonne réputation, éviter les critiques… J’espère donc que les difficultés auxquelles je fais face me permettront au moins de justifier d’une intention sincère, cherchant à satisfaire Dieu même si cela implique de déplaire à mes semblables. Alors merci les ami·e·s pour cette belle occasion de grandir spirituellement et mentalement !

 

 

3. Je vois que les difficultés nous encouragent à dépasser nos limites

 

Je pense que les difficultés que nous rencontrons nous poussent à considérer de nouvelles options et à investir des champs qui ne nous semblaient pas prédestinés. Par exemple, on compte de plus en plus de femmes entrepreneures qui ont lancé leur propre activité parce qu’elles ne trouvaient pas d’emploi à la hauteur de leurs compétences (ou d’emploi tout court) sur le marché du travail classique. On peut aussi penser aux entrepreneur·e·s qui ont constaté qu’aucune offre ne répondait réellement à leurs besoins, et qui ont décidé d’y remédier en créant un nouveau produit ou service.

 

Je vois également de plus en plus de personnes qui partent vivre à l’étranger pour échapper aux limitations que font peser le racisme et l’islamophobie en France. Ces limitations peuvent se ressentir sur les perspectives professionnelles, sur les activités accessibles au quotidien, ou tout simplement sur le potentiel de bien-être et de bonne santé dans un climat où nous sommes constamment pointé·e·s du doigt. Il est triste de devoir quitter son propre pays pour vivre pleinement et sereinement, mais c’est aussi un changement de vie qui peut offrir encore plus d’opportunités, de perspectives et d’épanouissement que si nous avions eu une vie « normale » en France.
 
Crédit : Muslim Travelers

 

Bref, peut-être que si nous ne rencontrions pas de difficultés en tant que musulman·e·s en France, nous resterions tou·te·s dans une zone de confort certes confortable, mais qui ne nous ferait pas beaucoup avancer. Alors merci de nous encourager à élargir notre champ des possibles, c’est vraiment gentil tout plein.

 

4. J’ai eu droit à des cours intensifs en leçons de vie

 

Je pense sincèrement que je ne serais pas la même personne sans l’environnement actuel et les difficultés que j’ai rencontrées parce que je suis une femme, jeune, musulmane, d’origine maghrébine, qui porte le foulard.

 

Il a bien fallu que j’apprenne à me distancier des critiques gratuites, à faire abstraction du brouhaha extérieur pour écouter ce que je voulais vraiment, et à avancer sans me laisser freiner par le regard ou le jugement des gens. Non pas parce que je suis particulièrement forte ou confiante en mes propres capacités, mais parce que sans cela, je finirais par me sentir morte intérieurement, écrasée par les injonctions, le mépris et le piétinement de ma propre identité.

 

J’ai aussi appris beaucoup de choses sur la nature humaine. J’ai encore du mal à croire que des personnes puissent mentir de façon éhontée sans ciller, être aussi convaincu·e·s de leur propre supériorité, se laisser bêtement aveugler par un discours dominant, ou encore abriter une telle haine dans leur cœur. Mais au moins, j’y ai été confrontée et je suis bien obligée d’être consciente que cela existe.

 

Evidemment, de tels apprentissages ne peuvent que me servir, et ce dans toutes les sphères de ma vie. Je ne prétends pas avoir tout vu, tout entendu, connaître le fond de la nature humaine ou être une machine qui ne se laisse jamais déstabiliser. Mais disons qu’il y a du chemin parcouru et que j’ai sans doute plus de cordes à mon arc que la jeune Emnus d’il y a quelques années.

 

 

Alors, qu’on soit d’accord, le but de cet article n’est pas de vanter les mérites des islamophobes ou de nous encourager à sourire et à nous taire face à ce que nous vivons. Mais nous disons en Islam que « la louange est à Dieu en toutes circonstances ». Je suis donc persuadée que Dieu ne veut toujours que notre bien et que si nous vivons ici, maintenant, dans ces conditions, c’est qu’il y a de bonnes raisons. Cela peut aider à patienter… en attendant peut-être de voguer vers d’autres horizons, enrichi·e·s de nos nouvelles expériences, de notre foi consolidée et de nos capacités renforcées.

 

 

Crédit image à la une : Oliver Contreras/Getty Images

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

Top 13 des dialogues quotidiens absurdes sur mon hijab

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

 

 

La patience est une vertu centrale en islam, qu’on nous encourage fortement à développer. Je suis encore loin d’y être parvenue, mais par chance, j’ai l’occasion de l’exercer au quotidien… Surtout depuis que je porte le hijab et que j’entends encore et toujours les mêmes commentaires et questions… plus ou moins absurdes.

 

1. Mais t’as pas trop chaud ?

 

A priori, s’il fait 40 degrés et que tout le monde crève de chaud, il y a des chances pour que j’aie chaud, moi aussi. Même si le doute peut planer, étant donné que je suis une princesse et qu’effectivement, les princesses ne transpirent pas.

Mais même si je n’en étais pas une, vous pourriez dormir sur vos deux oreilles : j’ai des foulards dans des tissus très légers, et les vêtements amples créent une petite brise très agréable quand on se déplace. Vous pouvez donc reporter votre attention sur les personnes qui portent des costumes ou des jeans, ce serait injuste de les oublier.

 

2. Franchement, t’es hyper indépendante, pour une femme musulmane !

 

… Et ça se veut être un compliment.

 

 

S’il y avait des sous-titres pour la traduction, voilà ce que je lirais : « Comme tu es musulmane, je m’attendais à ce que tu sois une femme soumise et dépendante… Mais en fait tu fais quelque chose de ta vie, c’est incroyable ! Bravo, je te donne un bon point. Ca compte double quand ça vient d’une personne bourrée de préjugés et qui ne se rend pas compte que sa légitimité est inexistante. »

Bref, pas vraiment de quoi être flattée.

 

3. C’est bon, les hommes vont pas te sauter dessus juste parce que tu montres tes cheveux…

 

Tu dis ça parce que t’as pas vu mes cheveux…

Plus sérieusement, je couvre aussi mes bras jusqu’aux poignets, or je ne suis pas convaincue que mes avant-bras rendraient fous de désir tous les hommes sur mon passage. C’est donc qu’il doit y avoir une autre logique derrière, qui n’a pas forcément de lien avec le fait d’attirer ou non ces méchants hommes dégoûtants.

 

4. Toutes les femmes dans ta famille le portent ?

 

Non, je suis la seule.

Ah, même pas ta mère ?

Non.

Ni ta sœur ?

Ben, non.

Dans ce cas tes tantes ? Tes copines ? Ta voisine ? Lady Gaga ?

… Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un qui aurait pu avoir une influence sur moi, parce que c’est décidément inconcevable que je puisse porter ce foulard de mon propre gré.

 

5. C’est vrai que ça vous donne un air mystérieux… Tu dois avoir de beaux cheveux ondulés…

 

C’est ça, et dès que je rentre chez moi le soir, je libère ma soyeuse crinière, j’enfile ma tenue de Jasmine et je danse avec des clochettes autour des chevilles.

 

 

Notons au passage que si je couvre mes cheveux, c’est pas pour faire galoper ton imagination, ni pour te les décrire en me donnant un air mystérieux. Tu ne sauras donc probablement jamais si j’ai des longs cheveux ondulés, des dreadlocks violettes ou la boule à zéro.

 

6. Et sinon, chez toi, tu fais comment ?

 

Je le garde jour et nuit. Je dors même avec. D’ailleurs, même moi, je n’ai pas le droit de me voir. Du coup je mets un hijab de bain et je me lave en burkini.

Sinon, quand je suis d’humeur rebelle, je l’enlève devant les femmes et devant les hommes de ma famille proche. Mais ça m’arrive aussi de le garder en rentrant chez moi, parce que je ne l’arrache pas en criant « Libération » dès que je passe la porte. Sauf bien sûr quand je veux libérer ma crinière pour danser avec des clochettes aux chevilles.

 

7. J’ai eu un pincement au cœur en voyant ta photo, mais j’imagine que je vais finir par m’habituer…

 

Ah, la douceur des réactions quand les gens me voyaient avec mon hijab pour la première fois… Je ne savais pas que j’aurais dû organiser un référendum pour récolter l’opinion de chacun·e.

J’ai aussi eu droit à quelqu’un qui a dit : « C’est dommage, elle avait tellement de joie de vivre… ». Remettons quand même les points sur les I : j’ai juste décidé de porter un hijab. Je n’ai pas dit que je n’aimais plus la vie ou que je partais en Syrie, hein, donc ravalez vos larmes, tout va bien.

 

8. T’as des beaux cheveux, tu devrais les montrer !

 

Merci pour le compliment, mais je ne vois pas pourquoi je « devrais » les montrer, ni quel en serait l’intérêt. Parce que :

1) je n’ai pas besoin que le reste de la planète sache si j’ai des beaux cheveux ou non

2) le reste de la planète n’a pas besoin de savoir si j’ai des beaux cheveux ou non.

Est-ce que moi je te saoule en te disant que tu as de belles jambes et que tu devrais les montrer alors que tu n’en as pas envie ? Non. A bon entendeur.

 

9. Vous êtes musulmane ?

 

 

 

Non non, c’est juste que je n’arrivais pas à me coiffer ce matin, donc je me suis dit que ça serait pratique pour le cacher.

On m’a aussi posé la question pendant un entretien d’embauche, après environ 3 minutes de questions bidons pour tourner autour du pot. Mon cerveau a pensé : « Non non, je me suis dit que porter un foulard, ça m’aiderait à mettre toutes les chances de mon côté pour l’entretien. Ben oui je suis musulmane, et c’est complètement illégal de me poser cette question ». Malheureusement, ma bouche a dit : « Euuuuuuuh… oui… » – et l’entretien s’est arrêté là.

 

10. Je comprends pas, t’es intelligente, pourtant…

 

Ahlala, quel gâchis : une femme qui fait ses propres choix alors qu’ils ne correspondent pas à ce que moi je pense ! Au moins, c’est assez clair sur l’échelle de jugement de la personne : je comprends = c’est intelligent ; je ne comprends pas ou je n’approuve pas = c’est stupide. Belle ouverture d’esprit, rien à dire.

 

11. Donc pour toi, une femme qui montre son corps, elle mérite pas le respect, c’est ça ?

 

Mais OÙ est le RAPPORT ?!

 

 

J’ai fait ce choix pour MOI et ça n’implique rien sur ce que je pense des autres femmes ou de la manière dont elles s’habillent. Chacune mérite le respect, point barre, et la manière de s’habiller n’a rien à voir là-dedans. D’ailleurs, je ne pense pas que le fait de me couvrir me donne droit à plus de respect, c’est complètement ridicule comme idée. Donc non, je ne juge pas sur les apparences, et heureusement pour certaines personnes que je ne juge pas non plus sur la bêtise…

 

12. Désolé·e mais ça sera pas possible, ton voile est trop en opposition avec mes convictions féministes.

 

Tes convictions féministes, elles devraient t’inciter à soutenir les femmes quelles qu’elles soient et à apprendre ce que veut dire le mot « sororité ». Si elles te servent à refuser ou exclure une autre femme sous prétexte qu’elle a fait un choix que tu ne comprends ou n’approuves pas, sache que ton féminisme est en CARTON. Malheureusement, c’est parfois du carton super solide, comme celui de cette amie qui a préféré ces fameuses « convictions féministes » à notre amitié vieille de 15 ans.

 

13. Are you really French?

 

« Ah bon, t’es sûre ? Parce que tu ne ressembles vraiment pas à l’image que j’ai des Français·es… »

Tu dis ça parce que j’ai un foulard sous la tête, ou bien parce que je ne me balade pas avec un béret, une marinière et une baguette sous le bras ?

 

 

Crédit image à la une : Yes I’m hot in this

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
Nos Voix

Coup de gueule d’une féministe musulmane révoltée

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Un jour banal. Un dimanche ensoleillé, une balade en famille, une glace dans un parc. Ça, c’est ce à quoi j’aspirais. La réalité, c’est une nouvelle journée à la saveur gâtée par l’arrière-goût amer — et familier — laissé en bouche par mon lot quotidien de racisme et d’islamophobie. Mais, contrairement à il y a quelques mois, je ne ressens plus de la tristesse, mais une révolte mêlée de colère.

 

Lorsque j’ai commencé à porter le foulard, que ma vie entière et mes relations se sont trouvées bouleversées (spoiler : pas de manière positive), j’ai surtout été extrêmement déçue de découvrir que le monde qui m’entourait était capable d’autant d’hypocrisie, de haine et de bassesse. Maintenant, la pilule a été avalée et la tristesse a laissé la place à la colère. Mais ça, j’ai mis du temps à l’accepter.

Récemment, je me suis en effet rendu compte qu’en tant que femme musulmane, la colère était tout simplement une émotion à laquelle je n’avais pas le droit. La violence des réactions à laquelle je suis exposée dès que j’exprime la moindre irritation se charge de me rappeler à l’ordre. Pour certain·e·s, en tant que croyante — de surcroît, visible — je ne saurais m’abaisser à un tel registre émotionnel. Pour d’autres, ce registre traduirait précisément la violence inhérente à ma religion. La colère exprimée démontrant par ailleurs en elle-même que mes propos ne peuvent et ne doivent pas être pris en considération.

Sauf que non.

Ce n’est pas parce que je suis musulmane et que je porte le voile que je dois devenir une sainte, et mes réactions être exemplaires. Pas plus que ma religion n’alimente mes émotions négatives — bien au contraire.

Aujourd’hui, les comportements dissuasifs m’ont tellement poussée à ravaler cette colère que je ressens un besoin irrépressible de l’exprimer, de lui donner son droit, de laisser sortir cette boule de feu — en assumant les risques que cela implique. Parce que tant que je ne le fais pas, c’est moi qu’elle brûle de l’intérieur, et puis parce que…

 

Parce que j’en ai MARRE de devoir peser chaque mot et policer tout ce que je dis pour, au choix : ne pas heurter les personnes bien intentionnées aveugles à leurs propres racisme et/ou islamophobie ; ne pas me faire objecter par mes coreligionnaires que mon comportement ne serait pas digne de notre éthique ; ne pas prendre le risque de me discréditer et perdre alors le bénéfice de mon argumentaire ; ne pas donner raison aux rageux·ses qui voient en moi une assaillante pétrie de haine à leur égard etc.

Parce que je suis USÉE de me justifier continuellement face à des personnes qui, en réalité, n’en ont strictement rien à cirer, n’écoutent pas ce que j’ai à dire et balaient mes propos d’un revers de main car ces derniers ne correspondent pas à ce qu’elles et ils ont envie d’entendre — en l’espèce, des variations sur le thème de « je-suis-soumise-aidez-moi-à-devenir-comme-vous », voire de « merci-la-France-de-nous-avoir-colonisé·e·s-ghettoïsé·e·s-et-exploité·e·s-c’est-toujours-mieux-que-dans-notre-pays-amen ».

Parce que je suis RÉVOLTÉE d’être traitée avec tant de condescendance, comme si j’étais une enfant inconsciente et irresponsable. Ma parole est systématiquement méprisée, au profit de celles et ceux qui, glosant à loisir, font figure d’adultes au discours nécessairement légitime.

 

Parce que je deviens DINGUE à m’égosiller dans le vide, quand ma parole provoque immanquablement un acharnement visant à l’étouffer, et que le moindre de mes témoignages est conspué. Dingue que des personnes ne connaissant rien de ce que je vis s’érigent en censeurs·ses pour m’accuser de paranoïa, d’exagération, d’affabulation, de mensonge et de manipulation, quand ce que je décris ne constitue que ma stricte réalité. Dingue de subir le racisme, le sexisme et l’islamophobie dans ma chair, de savoir que je ne suis pas la seule, et qu’on ose me rétorquer que ce que je dénonce n’existe pas.

 

Mon diagnostic officiel : vous êtes un·e abruti·e. / Crédit : Bluntcards

 

Parce que je suis SAOULÉE d’entendre des musulman·e·s ou des racisé·e·s m’accuser de victimisation car ils et elles ne se rendent pas compte que leur niveau d’études, leur statut social, leur apparence physique, leur genre ou même leur situation géographique les protègent de certaines réalités, et que leurs postures servent en fait à légitimer la culpabilisation des discriminé·e·s tout en échappant aux accusations de racisme.

Parce que je BOUS face à l’aveuglement de cette société qui tend le micro et déroule le tapis rouge à celles et ceux qui crachent leur mépris de ceux qu’ils ne supportent simplement pas de ne plus pouvoir dominer. Je vois rouge quand on me dit que nous devrions être reconnaissant·e·s d’être des citoyen·ne·s de seconde zone. Comme si nous avions atterri ici si la France n’avait pas colonisé nos pays d’origine, et comme si nos aïeux n’avaient pas déjà versé assez de sang, de sueur et de larmes pour elle.

Parce que je suis ULCÉRÉE par l’hypocrisie de cette société qui se pare de toutes les vertus, invoque les plus beaux discours pour mieux discriminer, écraser et museler. Ulcérée qu’on invoque le féminisme pour nous discriminer, l’anti-racisme pour discréditer et évacuer nos luttes, la liberté d’expression pour permettre les déversements de haine à notre égard. Ulcérée qu’on nous prenne pour des imbéciles en inventant tous les prétextes possibles et imaginables pour nous exclure sans avoir l’air de nous discriminer.

 

Parce que je suis ÉPUISÉE de me battre contre des moulins, et de ce pays qui refuse d’ouvrir les yeux sur son racisme qui s’exprime de manière toujours plus décomplexée. Épuisée de ce pays dont le premier réflexe est de s’indigner qu’on puisse le mettre en accusation, alors qu’il est le seul sur cette planète à croire encore qu’il est la patrie des droits humains.

Parce que je n’en PEUX PLUS de devoir négocier ma vie en élaborant des stratégies pour décrocher un travail, trouver un logement, partir en vacances, faire du sport, aller chez le médecin, et même me balader — parce que, sachez-le, flâner dans certains quartiers est un vrai calvaire. Je n’en peux plus qu’un nombre si important de mes concitoyen·ne·s considère ces discriminations comme normales parce que c’est ce qu’on leur rabâche depuis des années. Je n’en peux plus que la moindre tâche quotidienne puisse être gâchée par l’insistance des regards méprisants, les remarques racistes, les insultes franches… et le risque que cela aille plus loin.

Je n’en peux plus de l’autocensure, ni de cette inquiétude diffuse chaque fois je me rends dans un nouveau lieu. Je n’en peux plus de constater que tant de femmes autour de moi se trouvent contraintes d’abandonner leurs rêves et planifient leur vie en fonction des discriminations qu’elles savent qu’elles devront affronter.

 

Crédit : Victoria Silveyra

 

Je n’en peux plus de sentir cette MERDE chaque jour de ma vie. Je n’en peux plus qu’une bonne partie de la société use de toute son énergie pour écraser ma parole et affirmer, du haut de toute sa condescendance, que ce que je décris n’existe pas… pendant qu’une autre bonne partie, trop occupée à se regarder le nombril et à le poster sur Instagram, ne se soucie pas du glissement en train de s’opérer dans ce pays.

Je n’en peux plus des situations d’injustice, provoquées par quelques-un·e·s, mais rendues possibles uniquement car les personnes présentes alentours se taisent et font semblant de ne pas voir ou de ne pas entendre.

 

Et je suis HORS DE MOI quand, face à tout cela, je n’aurais pas le droit de m’énerver, alors que c’est aussi cette révolte qui me fait me tenir droite et me donne la certitude que je ne me plierai jamais à ce que l’on attend de moi : l’effacement pur et simple de mon identité.

La France a colonisé nos ancêtres, puis elle a fait venir nos parents pour qu’elles et ils se chargent du travail dont les Français·e·s ne voulaient pas. Qu’elle assume, maintenant ! Nous sommes là et nous n’avons aucune intention de nous laisser domestiquer.

Petit clin d’œil à celles et ceux que ce dernier paragraphe aura fait baver de rage : au fond, peut-être qu’on devrait vous remercier, puisque vous contribuez, à votre manière, à alimenter cette flamme de vie et de détermination en nous.

 

Crédit image à la une : Emiliano Ponzi

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

10 conseils pour être un·e bon·ne musulman·e de France

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

On entend de plus en plus le discours selon lequel les musulman·e·s français·e·s, ou vivant en France, devraient adapter leur pratique au contexte dans lequel ils·elles vivent. Une fondation a même été créée pour nous aider à réformer notre religion, c’est vachement sympa. Les contours de « l’islam de France » demeurant toutefois encore un peu flous, j’ai réfléchi à ce que nous pourrions faire pour mieux nous intégrer. Voici donc dix propositions qui devraient nous permettre de devenir des musulman·e·s gentil·le·s et modernes.

 

** POUR INFORMATION CET ARTICLE EST PUREMENT IRONIQUE **
 

1. Rendre certaines pratiques moins contraignantes

 

Il faut le dire, certaines de nos pratiques sont barbares car beaucoup trop contraignantes. Nous pourrions donc les adapter pour les rendre plus compatibles avec la vie en France. Par exemple, nous pourrions imaginer de pouvoir boire pendant les longues journées de jeûne lorsque le mois de Ramadan tombe en été, ou encore réduire le nombre de prières quotidiennes à une ou deux, afin que cela soit plus en adéquation avec notre journée de travail et un esprit de modération.

 

2. Autoriser une plus grande souplesse en société

 

Vous connaissez tou·te·s cette situation : vous participez à l’anniversaire d’un·e ami·e, à la fête des voisin·e·s ou au pot pour le départ en retraite de votre collègue Jean-Michel. Et là… c’est le drame : vous refusez le verre d’alcool qu’on vous tend, marquant ainsi délibérément votre différence, faisant sécession du reste du groupe et, on peut le dire, cassant carrément l’ambiance. C’est dans ce genre de situation qu’un peu de souplesse serait la bienvenue, pour montrer que nous faisons corps avec le reste de la société, et que nous ne nous replions pas sur nous-mêmes. Et puis, comme vous l’a dit Jean-Michel : un p’tit verre, ça n’a jamais tué personne, hein !

 

3. Revoir notre échelle de priorités

 

Soyons honnêtes : jusque-là, on ne peut pas dire que nous ayons fait de gros efforts pour montrer que nous apprécions le patrimoine gastronomique français et que nous nous le sommes approprié. Par exemple, pourquoi nous entêter à refuser de manger du porc dans un pays où la charcuterie est une véritable institution ? En cas de conflit entre les clichés sur la France et notre religion, nous devrions donc systématiquement privilégier ce qui est « typiquement français ». En combinant ce point avec le précédent, à nous les soirées apéro avec un petit verre de rouge et un plateau de saucisson à partager. Ah bah tout de suite, on se sent plus Français·e, non ?

 

4. Bannir tout signe visible

 

Il est temps de se le mettre dans la tête : nous sommes en France, un pays laïc, et Jean-Marie Le Pen a enfin réussi à faire admettre cette vérité indéniable : la religion doit rester dans le domaine PRI-VÉ. L’idéal serait de pratiquer chez nous, la nuit, dans le noir et avec les rideaux fermés. Mais au minimum, nous devrions arrêter d’imposer aux autres la vue de notre pratique, et respecter leur droit de ne pas voir de musulman·e·s. C’est une question de simple respect de leurs libertés fondamentales.

 

 

5. Effacer toute trace de cultures étrangères

 

En complément du point précédent, nous devrions éviter toute confusion pour celles et ceux de nos compatriotes qui ont du mal à faire la différence entre ce qui relève de la religion et ce qui relève de la culture. Nous devrions donc également bannir les qamis, djellabas, salwar kameez, couvre-chefs et autres vêtements arabes, berbères, africains, indo-pakistanais etc., considérés comme islamiques par certain·e·s de nos concitoyen·ne·s. Non, la question n’est pas de savoir si cela a quelque chose à voir ou pas ; il s’agit de démontrer notre bonne volonté et de leur faciliter les choses.

 

6. Editer une nouvelle version du Coran

 

Rappelons-nous qu’en étant en France, nous sommes du bon côté de la Force, celui de la civilisation et du progrès. Montrons donc que nous sommes capables de vivre un islam des Lumières, enfin débarrassé de ses aspects barbares. Pour cela, dotons-nous d’une nouvelle version du Coran, agréée par le Ministère de l’Intérieur. En cas de divergences persistantes, nous pourrons également envisager la possibilité d’adopter la Bible comme principal livre sacré (à voir si nous devrons également l’alléger de ses passages violents).

 

7. Élever nos enfants dans la neutralité

 

Préservons ces âmes innocentes de l’endoctrinement dont nous avons nous-mêmes été victimes et éduquons-les dans la neutralité religieuse la plus stricte. Nous pourrions mettre en place un système de baby-sitting pour les faire garder pendant que nous allons à la mosquée, et aménager une pièce protégée chez nous, où accomplir notre unique prière quotidienne et ranger notre Coran (nouvelle version agréée). Nous augmenterions ainsi leurs chances d’intégration, afin qu’ils·elles ne reproduisent pas les mêmes erreurs que nous, du temps où nous pensions qu’il n’était pas nécessaire de créer un islam spécifique à la France.

 

8. Démontrer notre adhésion aux valeurs progressistes

 

Il est vrai que notre appartenance à l’islam suscite des doutes légitimes chez nos compatriotes : nous réjouissons-nous de la mort d’innocent·e·s ? Sommes-nous pour la lapidation en public des femmes qui ne portent pas le voile ? Rêvons-nous de passer au fil de l’épée les non-musulman·e·s ? Il est important de prendre le temps de rassurer nos concitoyen·ne·s et de leur prouver que nous sommes bien humains, mais aussi que nous vivons avec notre temps. Pour cela, nous devons nous tenir prêt·e·s à communiquer publiquement et à répondre à toutes les injonctions – pardon, demandes – de clarification qui nous sont adressées.

 

« Nous aspirons à une coexistence pacifique. »

 

9. Permettre à tout le monde d’enseigner l’islam

 

Pour prouver notre coopération effective avec l’État, nous pourrions commencer par confier l’enseignement de l’islam et les fonctions d’imam à des fonctionnaires, non-musulman·e·s, afin de garantir leur impartialité. Il faut également reconnaître que de nos jours, en particulier via internet, les connaissances sont facilement accessibles, ce qui permet à nombre de nos concitoyen·ne·s de maintenant connaître l’islam sur le bout des doigts. Ne nous laissons donc plus berner par des professeur·e·s sous prétexte qu’ils·elles ont étudié pendant huit ans, et privilégions des expert·e·s éclairé·e·s et objectif·ve·s, autodidactes formé·e·s grâce à Google.

 

10. Se faire baptiser et aller à la messe le dimanche

 

Tant qu’à faire, ça serait peut-être la solution la plus simple pour qu’on nous fiche enfin la paix…

 

Crédit image à la une : Vincent Kessler / Reuters

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

Top 8 des stéréotypes de femmes racisées dans le cinéma français

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour le remarquer : le cinéma français compte peu d’actrices arabes, asiatiques, noires, etc. Et quand on les voit à l’écran, on se rend vite compte qu’elles sont bien souvent cantonnées à quelques rôles récurrents, comme si les femmes racisées étaient identifiables exclusivement à une poignée de personnages stéréotypés… Voici donc une petite sélection des rôles dont on se lasse légèrement.

 

C’est un problème soulevé par de nombreuses comédiennes racisées, qui se voient majoritairement, voire exclusivement, proposer des rôles correspondant à des clichés basés sur leur origine ou leur apparence. Tandis que des actrices non-racisées bénéficient du privilège d’obtenir les premiers rôles, de se glisser dans la peau de n’importe qui et d’interpréter des personnages complexes et nuancés, les femmes racisées sont à la fois sous-représentées dans le cinéma français et limitées à une palette de rôles souvent caricaturaux. Que nous manquerait-il donc pour pouvoir jouer, nous aussi, des femmes aux milieux, personnalités et parcours divers et variés ?

Bien que la réalité prouve la pluralité des hommes et des femmes issu·e·s des minorités, la majorité des films français se contentent de reproduire des schémas hérités de l’imaginaire colonial, reléguant notamment les femmes racisées au statut de quota ou de touche exotique. Si vous êtes une jeune comédienne d’origine maghrébine, par exemple, bon courage pour décrocher un rôle autre que celui de Karima-qui-vit-en-cité-avec-ses-grands-frères (et ce ne sont pas deux ou trois contre-exemples qui me convaincront du contraire) !

C’est ainsi que, tout en affirmant améliorer notre visibilité à l’écran, une grande partie des films qui prétendent nous représenter ou illustrer nos vécus, renforcent en réalité les clichés nous concernant. Ceci est en grande partie dû au fait que ces films sont réalisés par des personnes ne connaissant absolument pas nos réalités, mais pas seulement. La tendance actuelle est en effet à l’éloge de films réalisés par des concernées et reproduisant les schémas habituels – comme par exemple Divines, de Houda Benyamina.

Pourtant, ce n’est pas faute de disposer d’alternatives à proposer, mais il semblerait que les personnages sortant des clichés ne correspondent pas tout-à-fait aux attentes du milieu. Amandine Gay, réalisatrice d’Ouvrir la voix, explique dans une interview que, lorsqu’en tant que scénariste, elle proposait des personnages de femmes noires non-stéréotypés, on lui répondait que ces personnages n’étaient pas réalistes, de telles femmes n’existant pas en France. Ces dernières sont pourtant bel et bien réelles puisque qu’elle les connait ou s’inspire de sa propre expérience pour créer lesdits personnages ! Cette déconnexion avec la société actuelle, et le déni de la pluralité des femmes racisées en France, se reflètent ainsi tristement dans la palette extrêmement restreinte de rôles vus, revus et re-revus.

Alors je pose la question : un milieu censé être synonyme de créativité et d’imagination ne pourrait-il pas mettre en scène des personnages de femmes racisées ne correspondant pas aux clichés suivants ?

 

La racaille de banlieue

 

En gros, sa vie dans une cité HLM oscille entre les grands frères violents, les traditions familiales archaïques, l’ignorance, les bagarres entre filles, le chômage, la vulgarité, la drogue, la misère sociale, le décalage avec le reste de la société française… Je continue ou ça va ?

Dernièrement, on a vu s’ajouter à cet inventaire la radicalisation et le fondamentalisme religieux. Ben alors, vous voyez bien que la vision des banlieues dans le cinéma se renouvelle !

 

Capture d’écran : Bande de filles, de Céline Sciamma

 

Bande de filles constitue pour moi l’exemple typique du film qu’on encense parce qu’il représente enfin des femmes noires à l’écran, qu’on se félicite d’avoir vu ou plébiscité parce que cela prouve notre ouverture d’esprit, sans s’interroger deux secondes sur les stéréotypes lassants qu’il véhicule.

Par ailleurs, et heureusement pour ces femmes de banlieue, un homme blanc aisé passe parfois par là et leur permet de s’élever en devenant des jeunes femmes respectables, comme dans Le brio d’Yvan Attal, où Daniel Auteuil transforme la banlieusarde jouée par Camélia Jordana en une superbe jeune femme enfin capable de s’exprimer correctement.

 

Daniel Auteuil et Camélia Jordana dans Le brio, d’Yvan Attal / Crédit : David Koskas

 

La femme asiatique effacée et/ou fétichisée

 

J’ai demandé à des amies concernées quels étaient les films avec des personnages de femmes asiatiques qui leur faisaient lever les yeux au ciel. L’une d’entre elles m’a très justement fait remarquer qu’en recherchant « actrice asiatique française » sur Google, on ne trouvait quasiment que du porno.

Et les rares fois où le cinéma nous présente des personnages de femmes asiatiques, leur rôle est défini par leur origine plus précise : chinoise, japonaise ou coréenne, c’est l’intello ou la première de la classe ; thaïlandaise, cambodgienne, philippine ou d’un autre pays d’Asie du Sud-Est, c’est la touche exotique, sexy et docile, quand ce n’est pas la victime de commerce sexuel. Pour ce qui est des femmes originaires du sous-continent indien, c’est bien simple : je n’en ai pas trouvé.

 

« Ça vous ennuie si je me mets toute nue ? » : oui, c’est bien ce que Linh Dan Pham dit à ce moment-là. / Capture d’écran Le bruit des gens autour, de Diastème

 

La Maghrébine qui échappe à sa famille grâce à son mec blanc

 

Honnêtement, je ne sais pas ce que serait le cinéma français sans ce scénario. Extrait du synopsis de Samia, film de Philippe Faucon (également réalisateur de Fatima, et apparemment en panne d’inspiration pour ses titres) :

« Marseille. Samia, quinze ans, vit dans une famille d’origine algérienne très traditionaliste. Elle est obligée de suivre une morale extrêmement rigide. Tandis que Yacine, le grand frère chômeur, se porte garant de ces valeurs, Amel, la sœur aînée, profite d’une liaison amoureuse pour prendre ses distances avec le milieu familial. Samia, elle, en situation d’échec scolaire, connaît un premier flirt clandestin. Elle réalise à quel point il est vital pour elle d’être absolument indépendante. »

Alors d’un côté, on a les méchants hommes, ceux de la famille, qui étouffent les héroïnes bien intégrées ; et de l’autre, les gentils, extérieurs à leur culture arriérée, grâce à qui elles découvrent la vraie vie. Super original.

 

Sofia Essaïdi et Alex Kiener dans Aïcha, de Yamina Benguigui / Crédit : France Télévision Distribution

 

La femme de ménage

 

Bon, ça, c’est un classique. Elle ne parle pas bien français et porte le poids du monde sur ses épaules.

 

Capture d’écran : Soria Zeroual dans Fatima, de Philippe Faucon

 

A l’exception du film Fatima où elle occupe le rôle principal, elle est souvent là dans le décor, petite touche de couleur visible (ben voilà, on vous montre à l’écran !), mais ne prenant pas trop de place non plus.

 

L’infirmière antillaise

 

Dans le même genre de « quota-pas-trop-visible-non-plus », on a l’infirmière ou l’aide-soignante noire, souvent antillaise. Non, elle n’est pas médecin, faut que ça reste réaliste, voyons !

 

Firmine Richard et Marie Bunel dans Coup de cœur, de Dominique Ladoge / Crédit : Gilles Scarella/FTV

 

La « beurette » ou la « niafou »

 

Décidément, ces femmes ne savent pas faire dans la mesure : incapables de maîtriser l’art subtil de la séduction et de la coquetterie à la française, elles tombent bien facilement dans la vulgarité et deviennent par conséquent peu respectables. D’ailleurs, véritables « michtonneuses », leur but ultime est souvent de trouver des hommes riches assez sensibles à leurs charmes pour leur offrir vêtements et accessoires de luxe.

 

Karina Testa dans Des poupées et des anges, de Nora Hamdi / Crédit : Flach Film

 

La mama africaine

 

Elle a un accent bien prononcé, des formes généreuses et un caractère bien trempé, sous lequel elle cache un grand cœur. Elle essaie tant bien que mal d’élever sa nombreuse marmaille dans la cité, souvent malgré un père absent, ou complètement effacé à côté d’elle.

 

Capture d’écran : Marie-Philomène Nga dans Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste

 

La maman maghrébine

 

Contrairement à la mama africaine, elle est plutôt effacée, écrasée par son mari et dépassée même par ses fils, qu’elle ne peut toutefois pas s’empêcher de privilégier au détriment de ses filles.

 

Capture d’écran : Nadia El Koutei, Kheira Oualhaci et Mohamed Chaouch dans Samia, de Philippe Faucon

 

Ici par exemple, la mère s’interpose, mais dit tout de même à sa fille qu’elle doit obéissance à son grand frère.

 

Mettons-nous bien d’accord : je n’affirme pas que de tels personnages n’existent pas dans la réalité. Mais ils sont représentés de manière totalement disproportionnée au cinéma, éclipsant ainsi la possibilité de rôles reflétant l’incroyable diversité des femmes racisées en France. Si j’avais mauvais esprit, je me demanderais pourquoi seuls les rôles de ce type intéressent les producteurs·trices, au détriment de ceux qui montreraient les femmes racisées sous un autre jour.

Quitte à suivre les scénarios classiques du cinéma français, à quand des films dont les personnages principaux sont une femme noire enquêtrice, une bande d’amies asiatiques dont on suit les vacances dans le Sud, ou une prof de fac maghrébine dont on suit les interrogations existentielles dans le Quartier latin ?

 

Image à la une : Firmine Richard dans 8 femmes de François Ozon

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

Peut-on être musulman·e sans être écolo ?

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Pour moi, le mois de Ramadan est l’occasion de revenir à l’essentiel, de nous détacher de nos désirs matériels et de réfléchir au sens que nous donnons à notre vie et à nos actes quotidiens. Et dans une société où nous sommes avant tout défini·e·s comme des consommateurs·trices, cela concerne aussi notre manière de consommer et l’impact que celle-ci a sur le reste de la Création – humains, animaux, végétaux, etc. Aujourd’hui, c’est ma foi qui m’aide à revoir mes pratiques et à tenter de les orienter vers plus de sobriété, de respect de notre environnement et de justice sociale.

 

Lorsque je relis nos sources scripturaires, le Coran et la Sunna (les actes et les propos de Muhammad, que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui), je me demande comment on fait pour passer à côté d’enseignements si importants. Pourquoi la surconsommation et le gaspillage sont-ils si répandus parmi nous, en particulier pendant Ramadan, alors que notre Prophète vivait de manière si sobre ? Pourquoi ne sommes-nous pas les pionnier·e·s en termes de protection des humains et de la nature, alors que l’éthique islamique est si claire à ce sujet ?

 

Le rôle essentiel de la nature dans notre rapport à Dieu

 

En effet, nombreux sont les versets coraniques qui nous incitent à admirer la nature qui nous entoure, à prendre conscience des bienfaits qu’elle représente, et à méditer sur ce que les musulman·e·s considèrent comme des signes de l’existence de Dieu.

 

« N’avons-Nous pas disposé la Terre comme un berceau et les montagnes comme des rivets de fixation ? Ne vous avons-Nous pas créés par couples, institué le sommeil pour votre repos, étendu la nuit sur vous comme un manteau et réservé le jour à la recherche de votre subsistance ? N’avons-Nous pas élevé au-dessus de vous sept Cieux inébranlables, dans lesquels Nous avons placé un flambeau éblouissant ? Et des nuages accumulés ne faisons-Nous pas descendre une pluie abondante, par laquelle Nous faisons pousser des grains, des plantes et des jardins luxuriants ? »
(Sourate 78 – An-Naba (la Grande nouvelle), versets 6 à 16)

 

Il existe même une adoration particulière qui consiste à méditer sur la Création divine. Elle se nomme en arabe tafakkur, ce qui pourrait se traduire par « contemplation méditative ». C’est une pratique recommandée pour revivifier notre cœur et nous rapprocher de Dieu. Malheureusement, enfermé·e·s comme nous sommes dans nos grandes villes, entouré·e·s par le béton, nous avons perdu cette connexion à la nature qui nous mène vers Dieu. Tout nous paraît banal, et nous ne nous émerveillons plus de l’eau qui fait pousser notre nourriture, de l’immensité de l’univers, ou de l’incroyable diversité des plantes et des animaux.
 

Crédit : Nujabes

 
Pour les arabophones et/ou les anglophones parmi vous, je recommande l’excellente mini-série Faseero du cheikh Fahad Alkandari, qui fait joliment le lien entre nature, foi et science (en arabe sous-titré anglais).
 

Le khilafat, une responsabilité qui incombe aux humains

 

Cette prise de conscience que tout ce qui nous entoure appartient à la Création divine est une première étape : l’islam est ensuite clair sur la responsabilité qui incombe aux êtres humains pour la préserver.

 

Le Prophète (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui) a ainsi dit :

« Le monde est beau et verdoyant et en vérité, Dieu, soit-Il glorifié, a fait de vous Ses intendants, dans ce monde, et Il voit de quelle façon vous vous acquittez de cette tâche. »
(rapporté par Mouslim)

 

Selon la notion de khilafat, nous sommes, en tant qu’êtres humains, des vicaires, des intendants sur Terre. Au même titre que notre corps, les éléments de la nature sont un dépôt, une amâna : ils ne nous appartiennent pas, mais nous avons la responsabilité de leur gestion. En tant que musulman·e·s, nous avons la conviction que nous devrons donc rendre des comptes, au Jugement dernier, sur la manière dont nous aurons pris soin de cette amâna. C’est pourquoi nous devons agir au quotidien pour être à la hauteur de cette responsabilité.

 

« Va de l’avant, à condition que ce soit à titre de bienfaiteur et non de voleur, de cultivateur et non de destructeur. »
(Ali ibn Abi Talib, un des plus proches compagnons du Prophète et le dernier des « 4 califes bien guidés »)

 

 

Préserver les ressources naturelles et faire preuve de bienveillance envers tous les êtres vivants

 

Comment cette « bonne gestion » doit-elle se manifester ? Les enseignements islamiques soulignent notamment l’importance de faire preuve de miséricorde envers tous les êtres vivants sans distinction. Il est par exemple question d’une personne ayant vu ses péchés pardonnés pour avoir abreuvé un chien qui mourait de soif.  A ses compagnons qui s’en étonnaient, le Prophète avait répondu : « Il y a une récompense pour tout bien fait à tout être vivant. » A l’inverse, il est relaté qu’une femme est entrée en Enfer pour avoir séquestré et affamé une chatte jusqu’à ce qu’elle meure (hadiths tous deux rapportés par Boukhari et Mouslim).

 

L’islam nous enjoint également à préserver les ressources naturelles. Alors que le compagnon Sa’d ibn Abî Waqas faisait ses ablutions, le Prophète lui demanda : « Qu’est-ce que ce gaspillage, ô Sa’d ! ». Sa’d répondit : « Y a-t-il un gaspillage dans l’ablution ? » Le Prophète dit alors : « Oui ! Quand bien même tu serais au bord d’une rivière ! » (rapporté par Ibn Majah).

 

Ceci fait écho à l’éthique islamique de la modération, qui nous incite à vivre de manière sobre et à nous contenter de peu :

« Celui d’entre vous qui se réveille le matin en sécurité parmi les siens ne souffrant d’aucun mal dans son corps et possédant la nourriture de sa journée, c’est comme si l’on avait amassé pour lui tous les biens de ce monde. »
(rapporté par at-Tirmidhi)

 

Crédit : Muslim travelers

 

 

Comment remédier au décalage avec nos modes de vie et de consommation actuels ?

 

On ne peut que constater le gouffre qui sépare ces paroles de notre mode de vie actuel. Bien souvent, nous n’apportons pas l’attention qu’il faudrait à ce que nous consommons : dans quelle quantité, de quelle manière, et surtout avec quel impact sur nos frères et sœurs en humanité et sur notre environnement.

 

Pouvons-nous ainsi nous contenter d’un sticker « halal » sur la viande que nous achetons, sans nous soucier des devoirs que nous avons envers les animaux et des conditions affreuses de la production industrielle ? Ou sans nous inquiéter du rôle de la surconsommation de viande sur la persistance de la faim dans le monde, du fait de la monopolisation de terres agricoles pour nourrir le bétail ?

 

Pouvons-nous ingurgiter tout et n’importe quoi, en oubliant que notre corps est un dépôt, une amâna, et que nous l’empoisonnons à coups de produits chimiques et d’excès en tout genre ?

 

Pouvons-nous acheter et jeter sans réfléchir, sans penser au fait que « Dieu n’aime pas ceux qui gaspillent » (sourate 6 Al-An’âm (les Bestiaux), verset 41) ?

 

Pouvons-nous remplir notre armoire d’habits ou d’objets aux prix dérisoires, en fermant les yeux sur le fait qu’ils ont été fabriqués par des esclaves modernes ?

 

Pouvons-nous nous soucier seulement d’acheter les produits les moins chers, en omettant qu’ils maintiennent d’autres humains dans des conditions de vie indignes, et alors que nous avons des alternatives avec les producteurs locaux et le commerce équitable ?

 

 

Pourrons-nous plaider l’ignorance alors que nous disposons de tant de moyens de nous informer ?

 

Je suis la première concernée par ces questions, et bien que mes habitudes évoluent petit à petit, j’ai encore énormément de chemin à parcourir pour que mon mode de vie soit en adéquation avec mes aspirations éthiques. Fort heureusement, des initiatives existent pour nous accompagner dans cette transition, comme le blog d’Oum Naturel, celui de Consomouslim, ou encore la page des Permaculteurs musulmans.

 

Il y a une autre bonne nouvelle – c’est qu’il n’est jamais trop tard :

 « Si la fin du monde venait à survenir alors que l’un d’entre vous tenait dans sa main une plante, alors s’il peut la planter avant la fin du monde, qu’il le fasse ! »
(rapporté par Ahmad)

 

 

Crédit image à la une : Iris / Scanpix

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

8 raisons de ne pas utiliser le terme « racisme anti-Blanc »

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Quand je pense au « racisme anti-Blanc », ça me fait un peu penser aux licornes. Ils sont tous les deux à la mode, ressemblent tous les deux à quelque chose qui existe bel et bien, mais… comment dire, il ne suffit pas d’ajouter une corne en plastique à un cheval blanc pour en faire une licorne. Je sais que cette annonce va faire beaucoup de remous et briser quelques cœurs – et pas seulement du côté des petits enfants qui espéraient voir un animal magique à leur prochaine sortie en forêt.

 

Je précise tout de suite : je ne dis pas qu’il n’existe aucune manifestation d’hostilité envers les Blanc·he·s. Moi aussi, je suis tombée sur des tweets affligeants, par exemple. Ce que je dis, c’est que le terme de « racisme » est inapproprié, car il donne l’impression trompeuse que les vécus des personnes blanches en France sont comparables à ceux des minorités ethnicisées. Voyons en quelques points en quoi les deux situations ne sont pas assimilables, comme l’expliquent depuis des années des militant·e·s comme João Gabriell ou la youtubeuse Naya Ali.

 

  • Le racisme dénoncé par les personnes blanches prend seulement la forme d’actes interpersonnels

 

Quand on parle du supposé « racisme anti-Blanc », ce qu’on entend principalement, c’est : « On m’a traité·e de « sale Blanc·he » », ou bien « Il y a des tags « Nique les Blancs » ». Il n’est pas étonnant que cela suffise à certain·e·s pour parler de « racisme inversé » (oubliant au passage la légère différence de proportions), car on a réduit le racisme à son expression la plus simple, le racisme individuel. Merci notamment aux dictionnaires, qui ne sont pas les livres objectifs qu’on voudrait nous faire croire, mais le reflet de la perception des dominant·e·s qui les ont écrits. Cette conception du racisme domine également la majorité des associations les plus institutionnalisées, qui limitent l’antiracisme à la lutte contre des comportements de méchant·e·s racistes, évidemment d’extrême-droite.

Or, comme le rappelle le sociologue Fabrice Dhume, « (…) le racisme n’est pas une question, comme on le croit souvent, d’individus racistes qui commettraient des actes moralement ou juridiquement condamnés ». Il s’agit d’un ordre social hiérarchisé, qui implique des privilèges pour les un·e·s – même si ils·elles n’en veulent pas ou ne s’en rendent pas compte – et des torts pour les autres. Parler de racisme en France, cela implique donc autre chose que des insultes ou des moqueries.

 

Ceci n’est pas une licorne. / Crédit : Universal Pictures
 

  • Les Blanc·he·s ne subissent pas les discriminations systémiques que vivent les minorités

 

L’antiracisme politique propose une autre lecture du racisme, en tant que phénomène structurel et systémique. Cela signifie que les personnes non-blanches vivent des discriminations répétées qui affectent leur accès aux droits les plus fondamentaux, comme le logement, l’emploi, l’éducation, les soins, etc.

Ce que ne vivent pas les personnes blanches en France, contrairement aux personnes issues de minorités, ce sont les rejets répétés ou les traitements inégalitaires pour obtenir un logement, trouver un emploi, se faire orienter vers la filière désirée, bénéficier de soins médicaux, accéder à des lieux de loisirs, etc. Dans son enquête sur le « racisme anti-Blanc », l’Institut national d’études démographiques (INED) conclut que ce racisme « ne produit pas d’inégalités sociales » et « ne se matérialise pas par une privation de droits ou d’accès à une ressource ».

Je précise à toutes fins utiles que les événements organisés de manière autonome par des personnes non-blanches ne sont pas « interdits aux Blanc·he·s » et ne constituent donc pas du racisme. Pour les réunions en non-mixité, vous pouvez toujours (re)lire notre article dédié.

 

  • Un·e Blanc·he peut être lésé·e dans ses droits, mais pas EN RAISON de sa couleur de peau ou de son origine

 
Evidemment, cela ne veut pas dire que tou·te·s les Blanc·he·s sont immunisé·e·s contre toute difficulté et vivent comme des pachas. Seulement, ce qui explique leurs difficultés, ce n’est pas leur couleur de peau ou leur origine, mais d’autres critères de discrimination.

On ne se verra pas refuser un emploi, un logement ou un service de base en France parce qu’on est blanc·he, mais parce qu’on est obèse, en situation de handicap, trans, qu’on a des ressources modestes, etc. D’où la nécessité de penser les luttes de manière intersectionnelle, en prenant en compte les différents facteurs de discrimination.

 

Cher·e·s Blanc·he·s : personne ne dit que votre vie ne peut pas être difficile si vous êtes blanc·he, mais si elle est difficile, ce n’est pas parce que vous êtes blanc·he
Crédit : capture d’écran Twitter @kvxll

 

  • Les Blanc·he·s en France ne font pas l’objet de discriminations de la part de l’Etat ou des institutions

 
Le racisme en France est aussi institutionnel, c’est-à-dire que des discriminations sont perpétuées par les institutions et l’Etat lui-même. Des enquêtes répétées, y compris par le Défenseur des droits, montrent notamment des discriminations autour des contrôles policiers au faciès – pour ne citer qu’un exemple.

Autre cas, celui du racisme véhiculé par les représentant·e·s de l’Etat, comme lorsque Brice Hortefeux, alors Ministre de l’Intérieur, déclarait en 2009 à propos des Arabes : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes », ou encore lorsque Manuel Valls affirmait en 2013 que la proximité de campements roms provoquait une augmentation de la délinquance.

Il serait tout simplement malhonnête d’affirmer que des discriminations ou des déclarations similaires touchent les Blanc·he·s.

 

  • Les Blanc·he·s ne vivent pas les conséquences du racisme que connaissent les personnes issues de minorités

 
Combinez les agressions verbales et/ou physiques dès le plus jeune âge, les discriminations dans des droits fondamentaux, l’expression du mépris de la part même des institutions – y compris l’école -, et vous obtiendrez un terreau particulièrement fertile pour l’auto-détestation de nombreuses personnes non-blanches et le rejet de ce qui fait leur identité. Mais dites-moi si certain·e·s Blanc·he·s détestent leurs cheveux lisses parce qu’ils·elles auraient aimé qu’ils soient crépus, portent des lentilles pour avoir les yeux marron, changent de prénom pour s’appeler Fang ou Rakesh, ou ont honte de porter des jeans et se sentent obligé·e·s de porter des djellabas…

Dites-moi aussi si les personnes blanches en France sentent sur leurs épaules le poids de la responsabilité, car elles savent que chacune de leurs actions sera reprochée au groupe auquel elles appartiennent. Ou si chaque fait divers impliquant une personne blanche alimente les préjugés et la haine envers les Blanc·he·s.

Laissez tomber, je connais la réponse.

 

  • On ne peut pas expliquer toute agression d’une personne non-blanche envers une personne blanche par une question de couleur de peau

 
Pour illustrer le « racisme anti-Blanc », on met souvent en avant des actes de violence de personnes noires, maghrébines, etc., envers des personnes blanches, comme si la couleur de peau était le seul facteur d’explication possible. Dommage, mais il ne suffit pas d’affirmer qu’il s’agit de « racisme anti-Blanc » pour que cela aille de soi, sans prendre la peine de décrire ou prouver en quoi ces faits sont dus au fait que la victime était blanche.

Il ne suffit pas non plus de faire un montage avec trois photos sorties de leur contexte pour affirmer qu’il s’agit d’un phénomène de masse, sans apporter de sources ou de chiffres pour étayer cette affirmation. Au contraire, l’enquête de l’INED précitée affirme que le racisme anti-Blanc n’a « pas le caractère d’une expérience de masse ».

 

  • L’existence ou la présence de minorités en France ne correspondent PAS à du racisme anti-Blanc

 
 
Pour certain·e·s, la présence même de minorités ethnicisées serait en fait une preuve que les Blanc·he·s sont en danger, et même une volonté raciste de les éradiquer à coups de mariages mixtes et de gènes dominants (*insérer générique de X-Files*). Ils·elles semblent ainsi oublier que la présence de minorités est principalement due au passé colonial de la France et à son recrutement en masse de main-d’œuvre dans ses (anciennes) colonies.

Une illustration de ce « Grand Remplacement » serait que les Blanc·he·s ne peuvent soi-disant plus aller dans certains quartiers. Bon, on note certes quelques incidents où des individus avec de la peinture sur le visage sacrifient des personnes blanches sur un bûcher en faisant des danses tribales autour d’elles, mais pas de quoi en faire tout un plat, quoi.

Dans ce gloubi-boulga, certain·e·s ont aussi du mal à faire la distinction entre la haine des Blanc·he·s et les critiques ou insultes envers la France, certains conflits géopolitiques dans le monde, ou même la construction de mosquées en France :
 

Crédit : France Nation (qui ne précise pas si Carole est la petite fille en photo, qui serait donc particulièrement précoce)

 

… Elle dit qu’elle voit pas le rapport.

 

  • Le racisme anti-Blanc est généralement utilisé par des personnes ou des mouvements qui s’opposent aux luttes antiracistes

 
On pourrait maintenant penser que parler de « racisme anti-Blanc » revient, au pire, à utiliser un même mot pour désigner une réalité qui est simplement différente. Or, l’utilisation du même terme donne l’impression trompeuse que les minorités ont finalement des vécus semblables à ceux des populations blanches, tout autant victimes de racisme.

Il est aussi intéressant de noter que ce concept est majoritairement défendu par des mouvements identitaires ou des idéologues qui remettent systématiquement en cause les dénonciations de racisme qui émanent de personnes issues de minorités, leur reprochent de « se victimiser », voire véhiculent des discours de haine à leur égard. Difficile, donc, de ne pas voir ce concept comme un outil pour décrédibiliser les luttes antiracistes et désigner les Blanc·he·s comme les victimes des immigré·e·s et de leurs descendant·e·s « barbares ».

 

Conclusion : « Si tu veux ma place, prends aussi mon handicap »

 
Tout cela me fait penser à ces panneaux qui ont pour but de dissuader les personnes valides de se garer sur des places de parking réservées aux personnes en situation de handicap. Si vous voulez vous dire victimes de racisme, prenez donc TOUT ce qui va avec et renoncez à vos privilèges. Ensuite seulement, nous pourrons parler de « racisme inversé ».
 

 

Dommage qu’il ne suffise pas de proclamer l’existence d’une chose pour qu’elle existe, parce que nous aussi, on aimerait bien qu’à force de répéter le mot « licornes », elles deviennent réalité…

 

 

Merci à Lina et Justine pour leur précieuse relecture !

Crédit image à la une : Organisation de Lutte contre le Racisme Anti-blanc

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

8 preuves que les arguments contre le voile sont bidons

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

On connaît la musique en France : la Terre entière est invitée à parler du voile, tout le monde est légitime à s’exprimer sur la question – tout le monde, sauf bien sûr les premières concernées. Pendant qu’un ministre, un pseudo-expert et la boulangère du quartier dissertent – pardon, vomissent leur mépris sur des plateaux télé et radio, c’est l’occasion d’analyser en quoi leurs arguments sont toujours aussi bidons.

 

Je préviens : la liste est LOIN d’être exhaustive.

 

  • Ils·elles invoquent la laïcité à tort et à travers, en lui faisant dire n’importe quoi

 

Franchement, je n’en peux plus d’entendre des irresponsables diffuser leurs conceptions tout simplement erronées de la laïcité. J’aimerais sincèrement savoir qui a lu la loi de 1905 parmi celles et ceux qui prétendent la défendre. Alors pour la énième fois : la laïcité est la neutralité religieuse de l’ETAT, pas des individus. Etre dans un Etat laïque, c’est avoir la garantie que l’Etat ne privilégiera aucune religion par rapport à une autre et qu’il garantira la liberté de culte. Il n’a jamais été question de cantonner la religion à l’espace privé ou d’interdire le port de certains signes religieux, aussi visibles soient-ils. Aristide Briand, à l’origine de la loi, avait d’ailleurs refusé d’interdire le port de vêtements religieux. Donc avant de parler, on se renseigne sur la question et on évite de dire des bêtises, merci.

 

 

  • Lorsque l’argument de la soumission ne fonctionne plus, ils·elles passent à celui de la dangerosité

 

Le bon vieil argumentaire selon lequel les femmes voilées seraient soumises, sous l’emprise de leur père, frère ou mari, fonctionne de moins en moins, car nous prouvons de jour en jour que : 1) c’est, dans la majorité des cas, un choix libre et individuel ; 2) nous sommes tout-à-fait indépendantes.

Qu’à cela ne tienne, les femmes voilées sont maintenant les chevaux de Troie de l’islamisme en France, une preuve de l’infiltration des Frères musulmans, etc. Bref, leur voile est forcément le signe d’un certain projet politique – quand il n’est pas la preuve de leur appartenance à une mouvance sanguinaire qui ne rêve que de faire exploser la moitié des Français·es et de réduire l’autre en esclavage.

Sinon, on peut aussi arrêter les drogues et prendre le voile pour ce qu’il est vraiment : un choix religieux, qui n’a rien à voir avec la politique et qui n’a pas pour but de provoquer. Point. Barre.

Crédit photo : Alohanews

 

 

  • Ils·elles écoutent et croient tout le monde… sauf les premières concernées

 

Nous avons beau dire et répéter toutes ces choses – que notre voile est choisi et qu’il est une affaire de foi -, rien n’y fait. Il suffit que les guignols qu’on nous présente comme notre soi-disant élite intellectuelle et politique aient décrété que notre voile est un signe de soumission et/ou un signe de dangerosité pour que cela devienne une norme, une pseudo-vérité que l’on n’a même plus besoin de justifier tellement elle irait de soi. Face à ça, le simple fait de faire entendre nos voix est une véritable lutte, acculées comme nous sommes entre le préjugé des femmes soumises dont l’absence de discernement ne permet pas qu’on les prenne au sérieux, et celui des dangereuses islamistes dont les complots secrets n’autorisent pas qu’on les croie.

 

 

  • Ils·elles invoquent le féminisme pour réduire les droits de certaines femmes

 

Par pitié, qu’on laisse le féminisme tranquille et qu’on arrête de l’invoquer là où il n’a absolument rien à voir. Ah, mais j’oubliais : le ministre, l’expert et la boulangère ont décrété que le voile était un signe d’infériorité des femmes musulmanes par rapport à leurs coreligionnaires masculins. Au passage, j’attends toujours qu’on s’émeuve du sort des pauvres hommes sikhs contraints de porter un turban alors que ce n’est pas le cas de leurs femmes. Enfin bref, tant qu’on a décrété que le voile était contraire au féminisme, tout va bien, on peut décider de retirer des droits à ces pécheresses coupables de lèse-féminisme. Pourtant, le féminisme, c’est lutter pour les droits des femmes, c’est cocasse, non ? Allez, on pousse la cocasserie jusqu’à menacer régulièrement, voire retirer leurs droits : avoir un emploi, étudier, se baigner, participer à la vie politique, avoir des fonctions de représentation, etc. Et vive le féminisme, surtout !

 

 

  • Ils·elles disent tout et son contraire et jouent avec les mots

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c’est rarement clair lorsqu’un·e intervenant·e donne son « opinion » sur le voile – dont on se fiche royalement, soit dit en passant. L’idée est d’entretenir un flou artistique dans lequel ils·elles disent généralement que c’est le droit de telle ou telle femme de porter le voile, et enchaînent la minute d’après sur le fait que quand même, elle ne devrait pas le faire, parce que c’est contraire à la laïcité, au féminisme, à la République, au soin des cheveux, ou que sais-je encore. Ou alors, elle pourrait le faire, mais en restant sagement à sa place et en évitant de revendiquer les mêmes droits que le reste de la population. Non mais oh, faudrait pas non plus exagérer !

 

Crédit photo : Bluntcard

 

 

  • Ils·elles formulent des attentes et des reproches contradictoires

 

De manière générale, ça dérange quand les musulman·e·s ont leurs propres codes ou se regroupent entre eux·elles – on leur reproche d’être communautaristes, de ne pas être intégré·e·s, et tout le tralala. Mais si vous pensez qu’il suffit d’adopter la culture et les codes français pour qu’on vous foute enfin la paix, ha ha, c’est là que vous faites erreur ! Parce qu’en fait, quand les musulman·e·s montrent qu’ils·elles vivent de la même manière que tout le reste du pays, ça dérange aussi. C’est facile, ça fonctionne en 3 étapes : 1) on exige que tu fasses comme tout le monde ; 2) tu fais comme tout le monde, en participant à une émission musicale mainstream, en t’engageant dans un syndicat étudiant, ou tout simplement en aidant l’école de ton enfant, en ayant des loisirs, en travaillant, en faisant des études ; 3) on te reproche de chanter, de militer, d’accompagner des sorties scolaires, d’aller à la mer, de vouloir faire des études ou travailler. En fait, la demande initiale devrait être plus explicite : si tu pouvais éviter d’exister, ça serait pas mal, merci.

 

 

  • Ils·elles prétextent le débat d’idées pour s’en prendre à des femmes

 

Nombreux·ses sont celles et ceux qui justifient leur islamophobie revendiquée par la liberté d’expression, le débat d’idées ou le droit de critiquer une religion. Sauf que l’islamophobie n’est pas une critique de l’islam, mais bien des actes à l’encontre de véritables personnes, en raison de leur appartenance – réelle ou supposée – à l’islam. Débattre d’une idée ou d’une pratique, y compris le port du voile, c’est une chose ; s’acharner sur une femme voilée trop visible à son goût, dénigrer et stigmatiser toute une partie de la population, déblatérer à longueur de journée sur les droits qu’on veut leur retirer, c’en est une autre. Et ça ne relève en aucun cas d’un débat d’idées pour lequel on voudrait nous imposer des conditions inacceptables.

 

 

  • Ils·elles ont des œillères et font preuve d’hypocrisie sur plusieurs sujets

 

Les œillères sont utiles pour plusieurs choses. Elles servent à voir le sexisme, par exemple, uniquement chez les musulman·e·s ou les hommes noirs et arabes, et à fermer les yeux sur celui des autres. Elles servent aussi à défendre une laïcité à géométrie variable, où la présence de la religion ne pose problème que lorsqu’il s’agit de l’islam, mais où elle peut parfaitement s’afficher lorsqu’il s’agit des « racines judéo-chrétiennes » (pour autant que cela veuille dire quelque chose) de la France. Enfin, elles sont utiles pour répéter les attaques sur le sujet du voile, tout en prétendant ne pas faire une fixette dessus. Lorsque certain·e·s argumentent en disant qu’il n’est pas écrit noir sur blanc dans le Coran de porter le voile, par exemple, je me demande toujours pourquoi ils·elles ne se scandalisent pas aussi que nous priions de la manière dont nous le faisons alors que ce n’est pas non plus écrit noir sur blanc dans le Coran, ou que nous jeûnions en dehors du mois de Ramadan alors que ce n’est pas obligatoire. Peut-être à cause d’une légère obsession sur un autre sujet… ?

 

 

Crédit image à la une : Videoblocks

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

10 conseils pour parler d’islam avec des musulman·e·s

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

 

Lorsque je parle d’islam avec une personne qui n’est pas musulmane, la conclusion est souvent la même : elle est contente d’avoir pu discuter (je suis plus sympa dans la vraie vie que dans mes articles 😉 ), car ces moments d’échange et de dialogue sont rares. Or, malheureusement, ce sont souvent les personnes les mieux intentionnées qui osent le moins aborder le sujet. Pourtant, la majorité des musulman·e·s seraient heureux·ses de parler de leur foi – du moment, bien sûr, que c’est bien un échange, et non pas un réquisitoire où nous devons nous justifier. Voici donc dix conseils pour nous apprivoiser avec tact et engager une conversation constructive.

 

Jauger la situation et ce que vous pouvez vous permettre de demander

 
En tant que musulmane, je suis souvent désarçonnée par l’indiscrétion des questions qui me sont posées par des personnes que je ne connais pas ou presque. Mon premier conseil serait donc de vous demander si les liens que vous avez avec cette personne vous permettent vraiment de lui poser cette question sans la mettre mal à l’aise. Un bon moyen peut être de retourner la situation : si cette personne vous posait une question similaire, comment est-ce que vous vous sentiriez ? Bien sûr, ça ne veut pas dire qu’il faut avoir fait trois soirées pyjama avec la personne concernée pour lui poser la moindre question. Mais aborder la fille qu’on a vue au service du 3ème étage pour lui demander de but en blanc pourquoi elle « ne boit pas d’alcool aux soirées du personnel alors qu’aux infos ils ont dit qu’un verre c’était bon pour la santé », ça peut être lééégèrement intrusif.

 

Accepter que la personne en face de vous n’ait pas forcément envie de répondre

 
Il y a une différence entre poser une question et exiger une réponse. Et il peut y avoir une multitude de raisons pour lesquelles votre interlocuteur·trice n’a pas envie de vous en fournir une. Tout d’abord, peut-être que c’est un sujet intime, et qu’il·elle n’a pas forcément envie d’en parler, ou d’en parler avec vous (… désolée). Il se peut aussi que le sujet soit complexe, et qu’il requière plus que les 2 minutes que vous avez devant vous. Personnellement, c’est ce que je ressens quand on me pose par exemple LA question – « Pourquoi tu portes le foulard ? » – et que la personne en face de moi s’attend à une réponse en 47 secondes, alors que ça représente deux années de cheminement et un tas de raisons entremêlées. Une dernière raison possible, c’est tout simplement la lassitude : quand on nous pose encore et toujours les mêmes questions (et pas toujours subtilement), oui, il y a des moments où on a la flemme de répondre. Je ne vous cache pas que j’ai déjà rêvé d’un fascicule que je pourrais distribuer pour répondre à la fameuse question sur mon foulard…

 

Accepter que votre interlocuteur·trice ne connaisse pas la réponse

 
Parfois, on nous pose des questions extrêmement pointues, comme si nous étions tou·te·s théologien·ne·s. Nous ne décidons pas d’être musulman·e après avoir étudié le droit musulman et la jurisprudence, mais parce que nous ressentons un amour pour Dieu et pour toutes les valeurs que notre Prophète (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui) nous a transmises. Vous ne savez pas non plus à quel stade la personne en face de vous en est de son cheminement. Il est donc possible qu’elle ait peu de connaissances, surtout sur des points qui vous intéressent mais qui ne la concernent absolument pas. Par exemple, je me suis renseignée sur la question de la polygamie pour répondre à des questions qu’on me posait, mais ça ne m’avait jamais particulièrement intéressée, puisque je ne l’avais jamais vue pratiquée et que cela me paraissait bien loin des questions liées à ma réalité et à ma foi au quotidien. Ca ne veut pas dire que votre interlocuteur·trice est stupide, ou qu’il·elle suit une religion aveuglément, mais qu’il·elle y a trouvé des bénéfices spirituels et éthiques, et qu’il·elle chemine à son rythme pour approfondir ses connaissances. En lui permettant de dire « Je ne sais pas » sans prendre le risque d’être agressé·e, vous éviterez qu’il·elle réponde n’importe quoi juste pour garder la face.
 

Des étudiant·e·s américain·e·s tiennent un stand pour encourager leurs camarades à venir leur poser leurs questions sur l’islam / Crédit : Oona Goodin-Smith / USA Today

 

Ne pas chercher à juger et/ou à convaincre

 
Ce que vous obtiendrez de la conversation dépendra très fortement de l’intention avec laquelle vous vous y engagez. Si, même inconsciemment, vous prenez la position d’un·e juge et placez votre interlocteur·trice dans celle d’un·e avocat·e dont le rôle est de défendre l’islam et l’ensemble des musulman·e·s, il·elle le ressentira forcément et vous pourrez dire adieu à toute discussion constructive. L’intention doit être de comprendre, pas de juger ou de déterminer, en fonction de la réponse de la personne en face de vous, si sa pratique et ses croyances sont légitimes ou non à vos yeux. Soyons d’accord pour ne pas être d’accord…

 

Montrer et expliciter l’intention qui vous anime

 
Si votre intention est sincèrement d’assouvir votre curiosité et de mieux comprendre la foi et la pratique de votre interlocuteur·trice, n’hésitez pas à le lui faire savoir pour poser les bases d’un rapport apaisé. En tant que musulman·e·s, nous sommes constamment sommé·e·s de nous justifier ; pour ne pas être mis·es encore une fois sur le banc des accusé·e·s. nous pouvons parfois éviter toute conversation sur l’islam. Ce n’est donc pas un détail de nous faire savoir – et sentir – que nous ne sommes pas face à quelqu’un qui attend le moindre mot de travers pour nous piéger et nous condamner. Personnellement, je suis toujours touchée par le tact de celles et ceux qui cherchent sincèrement à trouver les bons mots, qui ont un vrai souci de ne pas me blesser. Lorsque j’entends « Désolé·e, je vais peut-être être maladroit·e, mais je cherche vraiment à comprendre », mes épaules se détendent et je suis prête à parler avec mon cœur.

 

Formuler une VRAIE question

 
Souvent, lorsqu’on me pose des questions au sujet de l’islam, ce sont en fait des opinions déjà toutes faites qu’on me présente en attendant que je les confirme ou les démente, arguments à l’appui. A l’inverse, poser une question ouverte, comme « Pourquoi ? » ou « Que penses-tu de », ouvre plus de portes que « Est-ce que » ou « C’est vrai que… ? ». Ces dernières formulations impliquent tout de suite une idée déjà conçue, et amènent votre interlocuteur·trice à se positionner par rapport à elle. Cela s’applique aussi au sujet : si vous demandez à un·e musulman·e ce que lui apporte sa spiritualité, ce qui est important dans sa religion, etc., il y a peu de chances qu’il·elle aborde les sujets que vous auriez peut-être choisis vous-mêmes, et qui sont souvent largement influencés par les médias et les polémiques ambiantes. Eh oui, car nous avons un scoop : être musulman·e ne se résume pas à jeûner pendant Ramadan, à porter un voile ou une barbe, et à se prononcer pour ou contre le terrorisme mené au nom de l’islam…

 

Bien choisir les mots employés

 
Certains mots ont le pouvoir de déclencher une alarme dans notre tête, ou de nous faire nous mettre sur nos gardes sans même que vous réalisiez que vous avez dit quelque chose de problématique.

 

Feel Kenny GIF - Find & Share on GIPHY

 

Cela peut être des mots connotés négativement, ou exprimant un jugement. Honnêtement, lorsque quelqu’un me demande si le jeûne de Ramadan, ce n’est pas « débile » ou « cruel », et qu’on me dit que c’était de la simple curiosité, sans préjugé, je me demande si on parle bien la même langue. Mais mon exemple préféré reste tout de même les phrases « je-pas-mais » : si quelqu’un me dit « Je suis pas raciste, mais… », c’est comme s’il me donnait un énorme warning disant : « ATTENTION JE VAIS TE SORTIR UN TRUC SUPER RACISTE ». Du coup, évitez d’amorcer la conversation par un délicat « J’ai rien contre les musulmans, mais »

 

Accepter le ressenti de la personne concernée sans le remettre en cause

 
Et ce, même si sa réaction vous semble « exagérée », « parano », etc. Qui que vous soyez, vous ne partagez pas sa situation, que ce soit sa religion, ses origines, son apparence physique, sa sensibilité, son histoire personnelle – bref, toutes ces choses qui font que son vécu lui est propre et qu’elle est la plus légitime à déterminer ce qui est la réaction la plus appropriée.  Elle a fait l’effort de s’ouvrir à vous et de vous confier des choses qui sont sans doute intimes, votre rôle n’est pas de la juger ou de lui infliger une violence supplémentaire en niant son droit à ressentir certaines émotions. Sincèrement, je suis toujours effarée de voir la condescendance avec laquelle des personnes qui ne partagent pas mon vécu balaient d’un revers de la main ma légitimité à définir ce qui me pose problème, me révolte ou me blesse.

 

Ne pas forcément se sentir visé·e

 
Il est possible qu’au cours de votre conversation, la personne en face de vous critique des comportements dans lesquels vous vous reconnaissez. Ne voyez pas ça comme une attaque (il·elle n’en sait d’ailleurs peut-être rien), mais comme une opportunité de comprendre ce qui est blessant pour les personnes concernées, et savoir comment être plus attentif·ve à l’avenir. Ce n’est donc pas nécessaire de chercher à vous justifier, cela donnerait seulement l’impression que vous cherchez à légitimer un comportement problématique. Au pire, ne dites rien, prenez note et corrigez le tir les prochaines fois.

 

Garder à l’esprit qu’il s’agit d’UN avis parmi tant d’autres

 
Un piège peut être de se dire que l’on a parlé avec des musulman·e·s, et que l’on connaît donc « leur » opinion. Rappelez-vous que nous sommes presque 2 milliards sur Terre, plusieurs millions en France, et qu’il existe une palette extrêmement diverse d’interprétations et de manières de vivre notre foi, y compris entre des personnes qui peuvent vous sembler similaires. Il faut être vigilant·e pour ne pas généraliser le vécu ou les opinions de quelques personnes avec qui on aurait échangé – surtout dans le contexte actuel, où l’on essaie de faire croire que nous sommes un bloc monolithique. Gardez également un esprit critique, car même avec les meilleures intentions, nous pouvons dire des choses erronées – car nous aussi, nous avons encore beaucoup de choses à apprendre sur l’islam…

 

Image à la une : pour lutter contre les préjugés, la chanteuse Mona Haydar offre aux passant·e·s des donuts, du café, des fleurs, et une occasion de discuter avec des musulman·e·s / Crédit : Allison Michael Orenstein

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
Nos Voix

Mon foulard, j’ai décidé de me réconcilier avec toi

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

 

Trois ans après l’avoir fait entrer dans ma vie, j’écris cette lettre à mon foulard pour signer notre réconciliation, et marquer le début d’un rapport enfin apaisé avec ce qu’il implique dans ma vie.

 

Mon cher foulard,

 

Cela fait quelques jours que j’ai envie de t’écrire. Que j’ai envie de t’ouvrir mon cœur, de te faire part de mes derniers ressentis et de mes réflexions à ton sujet. Mais je n’ai pas tout de suite osé. Peut-être parce que je n’ai pas été très tendre avec toi, ces derniers temps…

Mais voilà, il y a eu cette claque. Cette conversation qui m’a fait prendre conscience que je devais réapprendre à vivre en harmonie avec toi. Après tout, tu fais partie de ma vie. Tu es là tous les jours pour moi, et lorsque j’ai envie de te mettre au placard, pour te troquer contre un simple bonnet qui me permettra de me fondre dans la masse, tu ne bronches pas. Et tu es toujours là le lendemain, te rendant disponible pour moi selon mes envies : noir et souple, rouge et épais, gris et pailleté, bleu et léger…

C’est cette sœur qui m’a dit que ce qui serait terrible, ce serait que quelqu’un dise qu’il nous avait vues, la tête baissée et l’air misérable, et qu’il s’était dit que si c’était ça, être musulman·e, il·elle était bien content·e de ne pas l’être. C’est là que j’ai réalisé que ces derniers temps, je correspondais malgré moi à cette description.

J’ai repensé à cette amie qui m’avait demandé pourquoi je m’accrochais à toi, si tu me rendais la vie si difficile. J’essayais tant bien que mal de lui expliquer que ce n’était pas toi, qui me rendais la vie difficile, mais les personnes qui ne savaient pas t’accepter. Mais au fond, comment pouvait-elle le comprendre, si j’étais incapable de réaliser, et encore moins d’expliquer, tout ce que tu m’apportais ?

Je me revois lui dire que certaines personnes faisaient une obsession de toi, alors qu’au fond, tu n’étais qu’un simple morceau de tissu.

 

Crédit photo : Hazel Nicholls

 

Elle m’avait alors naïvement demandé : « Mais si ce n’est qu’un simple bout de tissu, pourquoi tu t’y accroches autant ? » Eh bien oui, bien sûr que tu es plus qu’un morceau de tissu. C’est seulement que les gens te prêtent des significations aux antipodes de celles que je te donne.

Je me suis souvenu de mon cheminement avec toi. D’abord une réalité lointaine, puis une idée qui m’effleurait l’esprit, qui me paraissait à la fois de plus en plus attrayante et effrayante. Lorsque je te portais maladroitement pour aller à la mosquée, j’étais apaisée par ce sentiment, en tant que jeune femme, de ne plus exister que comme un corps. Mais j’étais aussi effarée par la différence flagrante dans les yeux des gens que je croisais, m’observant crûment, ou au contraire fixant le trottoir pour éviter de croiser mon regard. En l’espace de quelques minutes, je devenais, aux yeux de la société, foncièrement différente.

Deux ans de questionnements et de doutes plus tard, j’ai finalement décidé de surmonter ma peur que ce traitement différent devienne désormais mon quotidien. Je me suis dit qu’il était temps de vivre ma vie comme je l’entendais, d’être en accord avec moi-même et de faire mes propres choix, sans laisser la peur du jugement des autres me brimer.

On ne va pas se mentir, j’ai perdu quelques plumes au passage. Quand j’y pense, j’aimerais retrouver cette insouciance des premiers temps. J’étais tellement heureuse d’être allée au bout de mes convictions et d’avoir surmonté une de mes peurs les plus profondes, que le regard des gens glissait sur moi. J’allais partout, comme avant, et tu ne m’as aucunement empêchée de voyager, de sortir, de travailler, de faire du sport, ou n’importe quelle autre chose que je faisais auparavant… Ou du moins de vouloir le faire, jusqu’à ce que des gens te voient comme une raison suffisante pour m’exclure.

Je ne pense pas qu’il y ait besoin de revenir sur ce qui a altéré ma confiance en moi et en toi, parfois brutalement, parfois par petites touches insidieuses. Je m’en suis suffisamment plainte à toi ces derniers mois, et je pense que je n’ai pas besoin de te le rappeler. Et surtout, je ne suis pas là pour ça, aujourd’hui.

Ce que je voulais te dire, c’est que j’ai décidé de me réconcilier avec toi. J’ai sincèrement envie que l’on reprenne notre route, tous les deux, sans craindre ce que pensent les gens de notre union. Après tout, ce qui compte, c’est ce qu’on s’apporte mutuellement, et pas ce que les gens pensent de toi, non ?

 

Crédit photo : Ayqa Khan

 

Les dernières fois où je t’ai troqué contre un bonnet, je dois même dire que tu m’as manqué. Tout d’un coup, cela m’a paru absurde de vouloir te cacher, et surtout, cela m’a fait réaliser ce que tu m’apportais au quotidien, spirituellement, et que seuls toi, moi et Dieu connaissons. J’ai réalisé que si les nuisances étaient le prix à payer pour assumer mon choix et être fidèle à mes convictions les plus intimes, j’étais prête à le faire et je l’acceptais avec sérénité.

Je dois dire aussi que tu m’as aidée à faire ce chemin pour apprendre à m’affirmer et à assumer mes propres choix, envers et contre tous si nécessaire. Je savais que ça allait être un challenge, mais c’est justement pour ça que j’ai choisi de te porter malgré ma peur de la désapprobation des autres – ou peut-être justement en raison de cette peur, en voulant combattre le mal par le mal. Tu m’as jetée dans le grand bain, et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai appris à nager.

Je pense toujours que les leçons les plus amèrement apprises sont celles dont on se souvient le mieux. Je peux te dire que j’ai retenu celles que tu m’as apprises – principalement le fait qu’il y aura toujours des gens qui ne seront pas contents, mais qu’ils ne feront jamais le poids face à la sérénité et la satisfaction d’être en accord avec moi-même. Aujourd’hui, je suis heureuse de ne pas t’avoir abandonné, et heureuse de la force que tu m’as apprise. Ce que je ressens, c’est une détermination apaisée, tranquille.

Bizarrement, depuis ce déclic où j’ai décidé de te porter non plus comme un fardeau mais comme l’ami que tu es, le comportement de beaucoup de gens a effectivement changé. Rends-toi compte, il y a des gens qui me sourient dans le métro ! Je crois que c’est parce que je ne suis plus la fille à l’air misérable qu’on a envie de secouer en lui demandant pourquoi elle s’inflige ça, si ça la rend si malheureuse. Je laisse rayonner ce que toi et d’autres m’apportez dans le secret de ma spiritualité.

J’applique enfin ce mot qui me parlait tant, sans avoir de traduction exacte en français : unapologetic. Etre là et prendre ma place sans m’excuser d’être ici et d’être ce que je suis.

 

Il m’aura fallu presque trois ans pour enfin avoir un rapport apaisé avec toi, et avec ce que ta présence implique dans ma vie. Trois ans pour que nous soyons en paix.

Pardon, et merci.

 

 

 

Crédit image à la une : Musegold

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]