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Pourquoi et comment parler des violences intracommunautaires

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À l’occasion de la 6e édition française du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes, Lallab lance une campagne de mobilisation digitale et médiatique autour des violences que subissent les femmes musulmanes en intracommunautaire et de l’impact de l’islamophobie sur ces vécus. Dans cet article, nous vous expliquons de quoi il s’agit et pourquoi nous avons décidé de nous attaquer à ce sujet.

 

« Violences intracommunautaires », de quoi parle-t-on ?

Les violences intracommunautaires, ce sont toutes les violences commises au sein de nos propres communautés, notamment nos cercles familiaux, religieux et militants. C’est cet homme qui utilise des arguments religieux pour exercer une emprise sur sa conjointe, cette femme qui tient des propos racistes sur les fidèles noir.e.s à la mosquée, ce responsable d’une association religieuse qui profite de la précarité de ses employées qui portent le foulard pour les sous-payer.

C’est un sujet important car ces violences ont un grand impact sur nos vies et notre santé mentale. Nous subissons déjà beaucoup d’oppressions dans les médias, au travail et dans les institutions. Nous aimerions donc que nos familles, nos mosquées, nos espaces militants, soient des lieux bienveillants dans lesquels nous pouvons nous ressourcer et recevoir du soutien. Et malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Certain.e.s musulman.e.s profitent même que nous soyons isolées ou précaires pour exercer des violences. 

En plus de cela, les femmes musulmanes font également face à une violence institutionnelle dans la prise en charge de ces violences. Elles sont soit récupérées pour asseoir un discours raciste et islamophobe, soit discréditées en raison de leur culture et de leur religion considérées comme des sources d’oppressions.

De part et d’autre, cela nous indigne et nous souhaitons apporter tout notre soutien si vous êtes touchée par cela.

 

Pourquoi les violences intracommunautaires sont taboues ?

Pour les femmes musulmanes, dénoncer les violences intracommunautaires est une lutte sans fin ! Les musulman.e.s font l’objet de violences racistes et islamophobes : dans l’imaginaire collectif, ils sont considérés comme moins civilisés que les autres, plus violents, plus sexistes, leur culture et leur religion sont des sources d’oppressions. Ils sont également la cible de violences policières et subissent des discriminations dans les institutions et les entreprises. Face à cela, surgit la crainte, pour les femmes musulmanes, de renforcer ces discriminations en dénonçant des violences commises par des musulman.e.s. Au sein de nos communautés, cet argument est également utilisé pour nous inviter à nous taire.

Nous nous retrouvons ainsi dans un conflit de loyauté : faut-il taire ces violences qui ont un impact important sur nos vies ou bien les dénoncer, au risque qu’elles fassent l’objet d’une récupération islamophobe ? Rester silencieuses ou être accusées de trahison ?

Sur Médiapart, Hanane Ameqrane, militante féministe, communiste et révolutionnaire des quartiers populaires explique le conflit de loyauté auquel sont confrontées les féministes des quartiers populaires. Crédit : capture d’écran de la chaîne youtube de Médiapart.

 

Dans un précédent communiqué, nous avions dénoncé le labyrinthe émotionnel et psychologique dans lequel beaucoup de femmes, victimes de ces violences, se retrouvent, complètement démunies, délaissées par leurs semblables, leurs compagnon.ne.s de lutte, se retrouvant entre l’enclume et le marteau, entre d’un côté les violences institutionnelles et de l’autre les violences communautaires. 

 

En quoi le fait que l’oppresseur soit musulman a une importance ?

Comme dans tous les milieux que nous fréquentons et qui sont traversés par le patriarcat, il existe également dans la communauté musulmane des mécanismes de violences systémiques. En politique, par exemple, on s’est rendu compte que l’une des techniques qui permet de faire taire les femmes était la loyauté au parti (« si tu parles, tu risques de nuire à l’image du parti »). Dans le monde du travail,  il y a le rapport hiérarchique (« si tu dis non, je vais ruiner ta carrière »).

Au sein de la communauté musulmane, ces mêmes mécanismes de silenciation et d’intimidation opèrent, par exemple lorsqu’un homme utilise son savoir religieux pour instaurer un rapport de domination. Ou lorsqu’il s’appuie sur l’appartenance à la même communauté religieuse pour inciter la victime à se taire et à ne pas dénoncer les faits. Ou encore lorsqu’il profite du fait qu’une musulmane soit isolée socialement, professionnellement, à cause des oppressions qu’elle subit, pour exercer des violences.

Crédit illustration : Amani Haydar

 

Et l’instrumentalisation médiatique et politique dans tout ça ?

Le problème c’est que très souvent, les personnes qui abordent le sujet des violences sexistes et sexuelles au sein de la communauté musulmane ne sont pas concernées par ces questions. Elles confisquent la parole aux femmes musulmanes et traitent le problème uniquement sous le prisme du voile ou pour tenir un discours raciste dans les médias.

À présent, comment éviter que l’extrême droite (ou la droite tout court (ou la gauche universaliste (bref, des politiciens))) saute sur l’occasion pour dire que, « vous avez vu, on le dit depuis le début, les hommes musulmans oppressent leurs femmes, et puis de toute façon [insérer propos orientaliste, raciste ou islamophobe] ».

Rappelons d’abord que nous avons plusieurs remparts contre l’instrumentalisation. L’un des objectifs de Lallab est de construire une communauté de femmes musulmanes qui s’apportent du soin, qui créent et se mettent au centre de leurs propres narrations et qui prennent le pouvoir pour s’organiser collectivement et trouver des solutions. Une partie de nos réflexions se fait dans des groupes de parole, des réunions de travail. Nous organisons nous-mêmes nos ressources, de la page Instagram à la prise de parole médiatique en passant par le choix des intervenantes lors du festival, du Lallab Day… nous créons et gérons notre propre agenda féministe et antiraciste.

Ceci étant dit, il est important de le dire : nous ne pouvons pas contrôler ce que les islamophobes vont dire, on n’en est pas responsables et c’est injuste de nous faire porter cette responsabilité. Nous n’avons qu’une priorité : défendre les droits des femmes musulmanes qui se reconnaissent dans notre combat et faire entendre leurs voix.

Donc reformulons la question : est-ce que le risque de l’instrumentalisation est une raison suffisante pour invisibiliser le vécu des victimes et nous priver de réflexions intéressantes pour changer les choses ? Non ! Est-ce que si nous nous taisons l’islamophobie va miraculeusement disparaître ? Non ! Est-ce que notre priorité est de protéger les auteurs de violence, quand bien même ils sont musulmans ? Non !

Par contre, est-ce que nous avons envie de créer nos propres narrations, parler nous-mêmes de ces sujets que nous connaissons en profondeur, trouver nos propres solutions, plutôt que d’autres le fassent à notre place et très mal ? Oui ! Est-ce que nous pensons que ce sont des sujets importants, qui affectent nos vies et qui ont toute leur place dans le débat ? Oui ! Est-ce que nous préférons être à l’initiative de ces débats plutôt que ce soit l’extrême-droite ou les féministes universalistes qui s’en chargent ? Carrément ! 

Pour cette raison et depuis 6 ans chez Lallab, nous nous organisons pour dénoncer les violences intracommunautaires que subissent les femmes musulmanes dans nos mosquées, nos milieux militants, nos familles. Nous pensons qu’il est important et hautement politique de les écouter attentivement et d’être intransigeantes sur les violences qu’elles subissent, d’où qu’elles viennent. Avec cette nouvelle édition du Muslim Women’s Day, nous souhaitons dénoncer ces violences intracommunautaires et l’impact de l’islamophobie sur nos vies. Nous souhaitons mettre en lumière les récits des femmes musulmanes, co-construire une réponse solidaire et commune, alignée sur nos valeurs, ainsi qu’une synergie féministe et antiraciste afin de pouvoir nous organiser, proposer des solutions, briser ces cycles de violences et créer nos propres voies d’émancipation.

Retrouvez nos précédents communiqués sur les violences intracommunautaires (affaire Ramadan, imam de Montpellier, VSS dans les milieux militants).

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L’engagement des femmes marocaines du Women SenseTour, un élan du cœur

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Dans le cadre du parcours bénévole organisé par Lallab, je fus conviée le jeudi 20 octobre 2022 à la projection du film documentaire « Women SenseTour in Muslim Countries », épisode 1 sur le Maroc sans imaginer à quel point j’allais être bouleversée par ces récits de cœur.

 
Sarah Zouak raconte son incroyable aventure dans le 1er épisode de cette série de cinq, réalisé avec Justine Devillaine. Sarah Zouak, réalisatrice, entrepreneuse sociale, co-fondatrice et directrice de Lallab, est partie à la rencontre de femmes engagées à travers le Maroc. Des femmes marocaines plurielles, vivant en ville ou à la campagne, ayant fait des études  ou non, et qui, sans parfois en avoir conscience, ont décidé de livrer un combat sans fin pour le respect de leurs droits.

 

Avant même le début de la projection, une question me taraudait : pourquoi ? Pourquoi, décide-t-on de consacrer sa vie aux autres ? Comment parvient-on à faire ce choix, quelles sont les motivations ? J’obtenais ma réponse dès les premières minutes de visionnage…

 Crédit : @dalal.tmr

 

Une expérience de vie traumatisante comme point de départ

Le levier d’action était toujours semblable : une expérience personnelle saisissante et insoutenable. Aïcha Ech-Channa, Nora Belhacen Fitzgerald, Maha Laziri, Khadija Elharim et Asma Lamrabet disaient toutes la même chose : aider, militer n’était pas une voie sciemment choisie, cela s’était comme imposé à elles. Un jour, la misère, l’injustice, la colère et l’intolérable étaient venus frapper à leur porte. À partir de là, leur cœur avait été touché, meurtri, et il était devenu vital de réagir.

 

 
Maha Laziri, co-fondatrice et présidente de l’association Teach4Morroco à Meknès, a, quant à elle, eu le déclic au détour d’une rencontre avec, selon ses termes « une magnifique petite fille » dans le village d’Ischbaken (Haut Atlas). Frappée par la beauté singulière de la petite Hajer, Maha conjure ses parents d’adopter la petite fille et de lui donner l’instruction « qu’elle mérite en raison de sa grande beauté ». Son père, en colère, lui apportera, en réponse, deux enseignements. Le premier : la beauté ne doit pas être un critère qui donne droit à une éducation, celle-ci doit être souhaitable pour tous. Le second : on ne peut pas arracher un enfant à son environnement. Il faut l’aider à l’endroit exact où il se trouve. Une véritable leçon de vie à l’origine de la fondation de Teach4Morocco, dont l’un des premiers projets a été la rénovation de l’ancienne école de la petite Hajer.
 

 
La prise de conscience de Nora Belahcen-Fitzgerald, fondatrice de l’association Amal, un restaurant à Marrakech au profit des femmes issues de milieux défavorisés, se fit avec la visite de son amie américaine au Maroc. Cette dernière fut choquée et indignée devant le nombre de mères vivant dans la rue avec leurs enfants. Touchée par le regard de son amie, Nora décide de délaisser ses préjugés et d’ écouter leurs histoires. L’association Amal verra le jour quelques mois plus tard.
 

 
Pour Khadija El Harim, vivant dans un petit village de la vallée d’Ammeln, co-créatrice de l’association « Féminine pour le Soutien Social », et de l’association et coopérative« la Préservation de l’Arbre d’Arganier », c’était différent : ce fut une expérience de survie personnelle qui marqua le début de son engagement.

Première femme divorcée élevant seule ses cinq enfants, celle-ci va être la première à défendre ses droits et ceux des femmes divorcées. À l’origine de son action, un conflit de voisinage qui sera porté au tribunal. Le voisin en tort pour avoir laissé ses bêtes manger les cultures de Khadija va jusqu’à s’en prendre physiquement à elle. Elle comprend alors qu’ensemble les femmes sont plus fortes et décide de les soutenir à son tour à travers son village.
 

 
Enfin, Asma Lamrabet, médecin biologiste et directrice du Centre d’Études et de Recherches sur la question des Femmes dans l’Islam (CERFI) à Rabat, prend conscience de son futur combat au moment où elle découvre une autre interprétation possible du Coran. En effet, cette dernière propose une relecture de celui-ci pour enrayer l’interprétation traditionaliste, rigoriste et patriarcale des savants, et coller davantage à son esprit, juste et libérateur. Elle prône alors un féminisme musulman de troisième voie en défendant notamment, la conception égalitaire du divorce (les deux époux peuvent en faire la demande), ainsi qu’en démontrant que le Coran encourage fortement à la monogamie.

 

Des valeurs d’humanité et de solidarité comme ressources premières

À la fin de l’épisode, j’ai réalisé où et comment ces femmes marocaines puisaient leurs forces : dans le cœur, l’empathie, la foi, l’intolérable et parfois même la survie. Passé la douleur et la prise de conscience, la mise en action devait se faire. Il fallait frapper fort, vite et à long terme.
 

 
Aïcha ne supportait plus, chaque année, la mort de centaines de nourrissons nés hors mariage au Maroc ; les « ould haram », traduit en français par « bâtards ». L’humanité devait primer. Celle-ci dira – en substance – que la vie humaine, véritable cadeau de Dieu doit être protégée et préservée.

Maha apprit très tôt de ses parents à embrasser une cause plus grande que sa personne. L’éducation deviendra son cheval de bataille.

Nora agissait avec cœur et dans le respect de sa foi musulmane en appliquant au quotidien un célèbre Hadith prononcé par le Prophète Mohamed (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui): « Aucun de vous ne sera croyant jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même » d’après Anas Ibn Malik (qu’Allah l’agrée). Elle nous confiera s’être sentie soutenue par Dieu dès le début de son projet.

Khadija s’est engagée afin de survivre, mais aussi par empathie avec les femmes divorcées qui subissaient la même chose qu’elle.

Enfin, Asma était motivée par l’injustice du sort des femmes de son pays. Il devenait vital d’endiguer les conséquences néfastes d’une justice basée sur une lecture biaisée du Coran.

 

Une expérience saisissante que je n’oublierai pas

Quand les lumières se sont rallumées, j’ai ressenti une profonde admiration envers ces femmes, maghrébines comme moi, qui avaient décidé de prendre le taureau par les cornes et d’agir. Je fus fière qu’une femme telle que Sarah Zouak, fasse le choix de nous montrer ces véritables figures féministes auxquelles on peut désormais s’identifier.

Des personnalités si différentes les unes des autres, mais animées par le même amour de l’autre ; car secourir l’autre, c’est aussi se secourir un peu soi-même.
 

 Crédit : @dalal.tmr

  
Un projection débat du documentaire aura lieu le vendredi 10 mars 2023 à 18h30 à la Maison de Quartier Petit Ivry (44 rue Jean le Galleu, 94200 Ivry sur Seine). Lallab lancera également à cette occasion ses programmes d’éducation populaire POUVOIR pour reprendre le pouvoir face aux oppressions sexistes, racistes et islamophobes. Vous pouvez vous inscrire au 01 72 04 66 06

Crédit photos à la une et portraits : Sarah Zouak

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Aux origines de l’islamophobie

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Pour le magazine Lallab, nous revenons à travers une série de plusieurs articles sur la notion d’islamophobie. Dans ce premier article, nous nous penchons sur les origines historiques de l’islamophobie.

Pour certain·es, le terme « islamophobie » aurait été inventé lors de la révolution iranienne ou par les Frères Musulmans, dans le but de qualifier les femmes souhaitant retirer leur voile d’ « islamophobes ». En réalité, de nombreuses sources montrent que le terme était déjà employé au début du XXème siècle, notamment de la part de certaines personnes critiques à l’égard de la politique coloniale.

De quoi parlons-nous lorsque l’on parle d’islamophobie ? Nous utilisons ici la définition du sociologue Marwan Mohammed :

L’islamophobie est « un processus social complexe de racialisation/altérisation appuyée sur le signe de l’appartenance (réelle ou supposée) à la religion musulmane. »

On parle ici de racialisation, puisqu’il ne s’agit pas de catégories naturelles mais, d’un processus social, historique et politique, « d’un mécanisme qui a permis de créer de l’inégalité entre les groupes », comme l’explique la sociologue Sarah Mazouz.

On parle aussi d’altérisation, puisque tous les discours islamophobes produits par les institutions et les personnes occidentales  visent à essentialiser un groupe de personnes réduit à son appartenance religieuse, créant ainsi deux camps que tout oppose.

Pourquoi se pencher sur cette histoire ? Parce qu’il est essentiel, pour nous, de déconstruire notre histoire et de nous approprier notre narratif. Des enjeux et des stratégies volontaires ont favorisé la construction et l’émergence de l’islamophobie en France. Les connaître, c’est mieux comprendre notre lutte et porter un puissant récit de résistance.

Notre article n’est pas exhaustif, et si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à vous référer aux ressources citées à la fin ! Nous avons choisi de revenir sur trois grandes périodes importantes dans la construction de l’image négative de l’Islam : la période des Croisades, la période des Lumières et enfin l’époque coloniale.

 

Crédit photo : @dalal.tmr

 

Les Croisades (1095-1291) : un enjeu de civilisations

Les Croisades, appelées également « guerres saintes », constituent en une série d’expéditions militaires organisées par les « Chrétiens d’Occident » pour « libérer » Jérusalem (la Terre Sainte et le tombeau du Christ), alors habité par les « Musulmans d’Orient ». En tout, on compte huit croisades principales. No suspens : sur le plan militaire, c’est un échec.

Sur le plan idéologique, par contre, les Croisades laissent des traces, qui perdurent jusqu’à aujourd’hui Pour la première fois, le Coran est traduit en latin, par Pierre le Vénérable, afin d’apprendre aux chrétiens à mieux combattre leur ennemi.

L’Histoire des siècles précédents est réécrite pour servir l’idéologie des croisés. Connaissez-vous la bataille de Poitiers (732), au cours de laquelle Charles Martel repousse les sarrasins ? Aujourd’hui, la figure de Charles Martel est un classique des discours d’extrême droite. Mais, à l’époque, la bataille n’a pas une importance majeure et Charles Martel est loin d’être un héros (c’est même plutôt lui le barbare). C’est précisément à la période des Croisades que la figure est réhabilitée pour la première fois. Elle le sera ensuite lors de la conquête de l’Algérie, avant de sombrer à nouveau dans l’oubli, et ce, jusqu’en 2002, lorsqu’il devient la mascotte de Bruno Mégret, puis 20 ans plus tard, celle d’Eric Zemmour. 

La chanson de Roland est un autre exemple de réécriture historique. En 778, Charlemagne attaque l’Espagne. Il est battu à Saragosse par l’armée d’Abd-al-Rahman. Lors de son retour par les Pyrénées, son armée est sévèrement attaquée par un groupe de rebelles basques. Rien de glorieux, donc. Lors de la première croisade (1097), le poète Turold réécrit cet épisode : sous sa plume, les chrétiens triomphent à Saragosse avec l’aide de l’ange Gabriel. Dans les montagnes, les chrétiens ne sont plus attaqués par quelques brigands basques mais par une armée musulmane puissante, nombreuse (400 000!) et riche (selles serties de pierres précieuses, heaumes en or, etc). Dans les poèmes, comme dans la littérature de l’époque, les musulmans sont nommés “païens”. Ils sont décrits comme étant polythéistes et priant leur prophète. L’Islam n’est pas une vraie religion selon eux mais “la secte de Mahomet” (d’où le terme mahométan, que l’on retrouve bien plus tard).  

Sans surprise, cet épisode de l’histoire laisse une hostilité entre chrétiens et musulmans et par extension entre Occident et Orient.

 

Peinture du XIXème siècle représentant la bataille de Poitiers. Deux armées s'affrontent dans un paysage désertique.

La bataille de Poitiers, Charles de Steuben, 1837. Au moment de la conquête de l’Algérie, on réutilise cette légende.

 

La période des Lumières (1685-1815) : les « modernes » contre les « arriérés »

La deuxième période sur laquelle nous nous penchons est la période des Lumières. Il s’agit d’une période d’émancipation, caractérisée par la volonté de combattre l’ignorance pour diffuser et répandre le savoir (d’où le terme « Lumières »). C’est la naissance de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789). Les Lumières touchent différents domaines : philosophique, juridique, politique, artistique, littéraire, etc.

Parallèlement, on continue de véhiculer une image négative de l’islam et de l’Orient. Ce rejet s’illustre quand on parle d’une religion qu’on qualifie d’arriérée, de retardée, d’ irrationnelle, violente, fanatique, dangereuse

Dans ses Lettres Persanes, Montesquieu écrit : « La religion de Mahomet ayant été portée en Asie, en Afrique, en Europe, les prisons se formèrent. La moitié du monde s’éclipsa. On ne voit plus que des grilles et des verrous. Tout fut tendu de noir dans l’univers. »

Dans l’article « Sarrasin » de l’Encyclopédie, le philosophe Diderot fait du prophète Mohamed ce portrait  : « On peut regarder Mahomet comme le plus grand ennemi que la raison humaine ait eu. »  ( au passage, on rapelle pourquoi on doit arrêter d’appeler « Mahomet » le prophète de l’Islam !)

Parfois idéalisé (comme a pu le faire Voltaire), ou critiqué, comme dans les exemples ci-dessus, le monde musulman, et l’Orient en général, est dans tous les cas construit en altérité au monde occidental. Le monde oriental tel que perçu est immuable et uniforme, au contraire de l’Occident qui évolue et se développe. On oppose un Occident « moderne » à un Orient « arriéré ». 

Une opposition sur laquelle se construisent les pensées politiques de l’époque ainsi que les conquêtes coloniales.

Lalla Essaydi, Harem revisited

 

La période coloniale : islamophobie savante et orientalisme

La période coloniale, dont on parle dans cet article, s’étend du début de l’empire colonial en Afrique (dans les années 1830) jusqu’aux années 1960. On est alors dans une logique de conquête et de domination à tous les niveaux : économique, sociale, culturelle et religieuse. L’islamophobie construite au cours de cette période est indissociable de la question de la colonisation algérienne.

Le discours islamophobe colonial s’appuie sur l’orientalisme savant et sur les théories de l’inégalité des races. On a recours à des traductions d’ouvrages juridiques ou sociologiques (on traduit ainsi Ibn Khaldoun pour mieux administrer l’Algérie). 

Considéré comme un outil de résistance, l’Islam doit forcément être contrôlé. Les colons codifient un « droit musulman » en Algérie, processus mis en place depuis les années 1835-40 jusqu’en 1880, puis un code de l’indigénat. Par exemple, au début de la colonisation, les Musulmans se rendant à La Mecque pour le pèlerinage sans l’approbation des autorités coloniales sont poursuivis. Les autorités coloniales pratiquent l’internement administratif puis la mise sous surveillance. L’enseignement de l’arabe est traité comme une « atteinte à la sûreté de l’État ». 

Criminalisation de la langue arabe et de la pratique de l’Islam, ces pratiques sont, après l’indépendance, appliquées par importation en France aux enfants d’immigrés arabophones et musulmans, jusqu’à aujourd’hui.  L’année dernière, Lallab rappelait dans un communiqué que plusieurs évènements récents (fermetures d’écoles musulmanes, de lieux de cultes, dissolutions d’associations) montrent une volonté de briser toute organisation de structures musulmanes de la part du gouvernement et de criminaliser les pratiques des musulman·es.

L’une des personnalités les plus importantes dans la construction du discours islamophobe de la période coloniale est Ernest Renan.  Lors de son discours inaugural au Collège de France et dans une conférence en 1883, il parle de « l’infériorité actuelle des pays musulmans, la décadence des États gouvernés par l’islam » et de la « nullité des races qui tiennent uniquement de cette religion leur culture et leur éducation ».

Les discours de Renan sont loin d’être sans conséquence. Il occupe des positions académiques et intellectuelles reconnues jusqu’à aujourd’hui. Il est l’un des pères de la IIIème République. Ses thèses sont reprises dans des manuels scolaires et dans des dictionnaires. Il est encore aujourd’hui cité par des femmes et hommes politiques, ou par des éditorialistes politiques.

Pour prendre un exemple de cet héritage, le dictionnaire Larousse de 1931 utilise pour le mot « Arabe » la formule suivante : « Fanatiques musulmans, les Arabes sont les grands propagateurs de l’islamisme en Afrique. » 

Les politiques ne sont pas les seuls à reprendre les thèses des politiques pro-colonisatrices, comme l’idée que tout·e musulman·e pratiquant l’Islam est fanatique. L’écrivain, Guy de Maupassant, écrit par dans ses correspondances : « Ceux-là des Arabes qu’on croyait civilisés, qui se montrent en temps ordinaire disposés à accepter nos mœurs, à partager nos idées, à seconder notre action, redeviennent tout à coup, dès que le Ramadan commence, sauvagement fanatiques et stupidement fervents. » 

 

De l’orientalisme à l’islamophobie genrée

Au-delà des discours politiques, les discours sur l’Islam imprègnent également les arts au cours de cette période.

Fétichisme, exotisation, orientalisme ; même lorsque les artistes se réclament d’une vision positive de l’Islam, ils créent un imaginaire raciste, qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Au mieux, les artistes occidentaux fabriquent de toute pièce un « Orient » rêvé, au pire, ils tiennent des propos explicitement racistes et islamophobes.

Les artistes orientalistes dépeignent un Orient mystérieux, un monde merveilleux et luxueux. Leurs sujets favoris ? La vie intime des « harems » et les figures de guerriers héroïques.  Les femmes arabes sont le plus souvent sexualisées, lascives. Dépeindre l’intimité des femmes arabes se place dans la continuité de la conquête coloniale. Les femmes sont colonisées comme l’ont été les terres : le rapprochement se fait aussi dans le vocabulaire (possession, conquête, domination, etc.)

 

Lalla Essaydi : Grande Odalisque 2

 

 

L’œuvre ci-dessus, réalisée par l’artiste Lalla Essaydi, s’inspire de la Grande Odalisque d’Ingres. Le peintre est également à l’origine d’autres tableaux emblématiques du mouvement orientaliste (voir aussi « Le Bain turc »), alors qu’il ne s’est jamais rendu dans cet Orient fantasmé.

Si certains peintres n’ont jamais mis les pieds dans les pays qu’ils représentent, d’autres décrivent dans des correspondances, des carnets de voyages.  Le peintre orientaliste Benjamin Constant raconte dans ses « Feuillets d’un carnet de peintre » la réaction qu’il a eue après avoir pénétré dans l’espace réservé aux femmes d’une maison marocaine : « Vous sentez qu’elles ne sont pas le moins du monde embarrassées et qu’elles sont dépourvues de toute faculté d’analyse, dépourvues de raison, de volonté, d’âme : ce sont de jolis petits animaux, dont la fonction est de vivre et de déployer, par des gestes lents et rares, les lignes subtiles de leur beauté. »

 

Le récit colonial est sexualisé. Les femmes des pays colonisés sont objectivées dans les œuvres, et aussi exploitées sexuellement. Les colons se livrent à un véritable tourisme sexuel, parfois relaté avec fierté par des Français dans leurs correspondances (parmi eux, certains des plus célèbres auteurs français comme Gustave Flaubert).

C’est la même idéologie qui est mise en œuvre en 1958, lorsque les épouses des généraux Massu et Salan organisent le dévoilement sur la place publique d’une douzaine de femmes. Comme si se libérer de ce voile, et par extension de l’Islam, serait libérateur.

Pour les colons, le contrôle de l’Islam passe par le contrôle des femmes. Depuis, le contrôle du corps des femmes est toujours au cœur des politiques islamophobes. Ainsi, le combat contre toute forme d’ingérence dans le choix vestimentaire des femmes est au coeur de nos luttes féministes et antiracistes, pour une société dans laquelle toutes les femmes seraient libres de disposer de leurs corps comme elles l’entendent et d’être qui elles veulent être.

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My Magical Hijab : et si l’héroïne de mon enfance portait un hijab ?

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Les aventures de Mina – My Magical Hijab
My Magical Hijab est un livre pour enfants. On suit les aventures et le quotidien de Mina – personnage principal plein de vie et d’énergie. L’histoire commence le jour de son anniversaire où sa mère lui offre, pour l’occasion, un cadeau particulier : un hijab. Mais pas n’importe lequel…Un hijab magique qui change de couleur ! On voit une Mina pleine de joie et heureuse à la découverte du cadeau.

 

En réalité, c’est une lecture pour les grands et les petits, pour les croyants.e.s et les non-croyants.e.s. Derrière ce personnage drôle et rempli de vie, les auteurs.trices souhaitent briser les nombreux stéréotypes négatifs qu’on peut entendre sur les femmes qui portent le hijab.

Face aux clichés sur les femmes qui sont forcées à porter le hijab ou encore que le hijab soit censé être noir, sombre, nous avons la mère de Mina qui lui offre un hijab qui change de couleur et brille de mille feux. Mina en est très contente.

Dès le début de l’histoire, les auteurs.trices ont brisé ces clichés négatifs et tentent de construire une image positive du hijab dans les esprits des lecteurs et surtout les jeunes filles.

Au fur à mesure de la lecture, les stéréotypes négatifs tombent les uns après les autres. Entre nous, combien et quelles sont les questions ridicules qu’on vous a déjà posées sur votre hijab?

« Est-ce que vous le portez aussi chez vous ? Dormez-vous avec ? Prenez-vous votre douche avec ? » Et à chacune d’elle je refoulais l’envie de répondre « oui, bien sûr ! ».

Il y a plusieurs façons pour faire face à ce genre de situations. L’une d’entre elles est d’ écrire un livre ! My Magical Hijab est un livre qui contribue à lutter contre ces clichés, de manière ludique et artistique. Les auteurs.trices ont pris le soin d’écrire l’ensemble du livre avec des rimes.

Les auteurs.trices souhaitent enseigner de manière moins stricte les raisons pour lesquelles les femmes musulmanes portent le hijab à travers des illustrations et les aventures de Mina. Par exemple, on peut voir que quand Mina est dehors, elle porte le hijab mais quand elle rentre chez elle, elle se met à l’aise (oui, elle ne le porte pas). Le quotidien de Mina est celui de milliers de femmes à travers le monde.

Les illustrations réalisées par Thaakirah Jacobs, une jeune femme musulmane, originaire de l’Afrique du Sud, jouent un très grand rôle dans cet apprentissage. Une image vaut parfois mille mots. N’est-ce pas ?

Suivez les aventures de Mina car ce premier tome n’est pas le dernier !

Doaa et Karter – Les auteurs de My Magical Hijab

 

My Magical Hijab a été écrit par Doaa et Karter.

Doaa Alhawamdeh est née à New York, d’origine palestinienne, elle a fait des études d’infirmières. Aujourd’hui, elle se considère comme une infirmière-voyageuse.

Karter Zaher est né au Canada d’origine libanaise. Il faisait partie du célèbre duo Deen Squad. Le but du duo était de créer de la musique et du divertissement afin de donner de la force à la jeunesse musulmane à travers le monde.

Aujourd’hui mariés, ils vivent à Los Angeles – California. Ils travaillent sur leur marque de divertissement Muzzy.

Leur but est de créer un puissant réseau de musulman.es afin de renforcer la communauté musulmane à travers le monde.
 

« Récemment, nous nous sommes mariés, la meilleure façon de commencer notre relation est de créer un livre et des super-héros qui pourront vivre et grandir dans les cœurs des jeunes femmes. » Doaa & Karter

Le manque de représentation – Les raisons derrière My Magical Hijab.

 

Derrière le succès de My Magical Hijab, se cache un travail colossal. Les auteurs ont tenté plusieurs idées avant de décrocher le jackpot : Mina et le hijab magique ! Ce n’était pas un travail facile, néanmoins ce projet leur tenait à cœur et ils ont réussi à le mener à terme.

Pour quelles raisons, les auteurs ont-ils décidé d’écrire ce livre, qui s’adresse principalement aux enfants ?

Le manque de représentation est cruel, et alarmant à notre époque. Malheureusement, la jeunesse musulmane et plus spécifiquement les femmes musulmanes n’ont pas de héros.oïnes qui les représentent.

L’idée principale était de créer une super-héroïne qui jouera, par la suite, un rôle modèle pour les jeunes femmes de la communauté musulmane.

C’était la réponse des écrivains.

« Nous avons ressenti qu’elles avaient vraiment besoin de représentation dans notre communauté. » Doaa & Karter

La plupart des rôles modèles ne véhiculent pas les bons messages, d’autres personnes ne concernent pas la culture musulmane et ne donnent pas la bonne représentation.

Ce manque de représentation, Doaa l’a ressentie lors de son enfance. Elle me confie, « plus jeune, jamais l’idée de trouver un personnage qui porte un hijab, en ouvrant un livre, m’a traversé l’esprit. En étant enfant, c’était normal, de ne pas se dire ‘’où sont les enfants qui me ressemblent !’’. Et c’est exactement le problème ! »

Doaa continue sur sa lancée et m’explique que les enfants grandissent et dans leurs esprits, ils développent l’idée de ce qui est normal. En grandissant, ce qui est normal ce sont les personnages qu’ils ont vu dans les livres, les films et les shows. C’est la normalité de ne pas voir des personnages avec le hijab. Puis, ils deviennent des adolescents et des adultes, et ce qui est normal n’est pas en adéquation avec leur foi, ce qui signifie par défaut, de manière inconsciente, dans leurs esprits, qu’ils ne sont pas normaux. C’est ça le plus grand problème.

Avec la création de ce livre, et avec de plus en plus de contenus dans le même genre, les filles musulmanes peuvent grandir et se rapprocher de qui est réellement normal.

Maintenant, lorsque les personnes verront une fille portant le hijab, ils le rajouteront à leur liste de ce qui est normal. Elles pourront ainsi grandir et porter le hijab, en considérant ce choix, tout à fait normal, sans se sentir bizarre.

Doaa et Karter m’ont confirmé que la communauté musulmane attendait ce livre avec impatience car les enfants avaient besoin de ce genre de représentation. C’était un réel besoin.

« Nous sommes très en retard, cela devait être fait des années auparavant. » Doaa & Karter

Pourquoi est-il si important de répondre à ce manque de représentation chez les enfants ? Pourquoi est-il si important de les cibler ?

« Aujourd’hui les enfants sont déjà ciblés. Si on laisse nos enfants être la cible d’autres personnes dont on n’est pas d’accord avec leurs méthodes alors nos enfants seront éduqués par toutes ces choses : la télévision, l’internet, les téléphones et les réseaux sociaux. Ils sont à peine éduqués par leurs parents, car les enfants constituent déjà une cible. » , répond Doaa.

L’autrice ne s’arrête pas là dans son explication et enchaîne à propos de My Magical Hijab. « Ce livre est introduit en tant qu’outil pour les familles via une histoire magnifique qui aidera à bâtir la confiance des enfants musulmans. Si les enfants observent le niveau de ce qui est normal dans ce qu’ils ont développé de ce qui est normal à partir de leur enfance, s’ils développent ce niveau de ce qui est normal à travers la télévision, les téléphones et les médias sociaux alors ils ne se sentiront jamais anormaux. Cela n’arrivera pas car ils sont ciblés par d’autres personnes qui travaillent très dur afin de dessiner la vision et l’image de ce qui est normal dans les esprits de nos enfants. »

Elle termine par m’annoncer qu’on doit reprendre ce contrôle, et fournir des outils pour les familles musulmanes afin de les aider à façonner une véritable image de confiance en soi des femmes musulmanes.

« Je suis très triste de ce qui se passe en France, ici, la plupart du temps on célèbre la diversité »Doaa

Les auteurs me confient que les lecteurs.rices se sont sentis tellement fier.es et heureux.se du livre. Certain.es ont porté le hijab en lisant le bouquin afin de ressembler au personnage principal, d’autres ont partagé le livre avec leur école. Certains étudient dans des écoles privées musulmanes tandis que d’autres dans des écoles publiques. Les enfants ont ainsi pu lire le livre à leurs camarades musulmans et non-musulmans.

Certains lecteurs ont acheté le livre pour les enseignant.es qui ne sont pas musulman.es, ces derniers l’ont partagé avec leurs élèves. De cette manière, ils peuvent enseigner aux enfants la diversité et l’acceptation des différences des autres.
 


 

Muzzy Brand – Livres, Musique et NFTs. La nouvelle génération de musulmans.

 

Derrière My Magical Hijab se cache une plus grande vision, une plus grande ambition. Le projet d’une vie. Doaa et Karter aspirent à construire un réseau de musulmans.es à travers le monde. Un réseau fort, confiant et loyal. Ils ne comptent pas s’arrêter à un seul livre, ils visent plus grand, plus loin, sur le long terme.

C’est pour cette raison qu’ils ont lancé la marque « Muzzy » qui est destinée à développer la confiance des musulmans.es, et leur donner une voix. L’origine du mot « Muzzy » vient de l’argot américain qui signifie « Cool Muslim ».

Au-delà des livres, Muzzy propose aussi de la musique.

Dernièrement, Doaa et Karter ont lancé une collection NFT baptisée « Hijab Queens ». Premier projet lancé qui représente les musulmans dans le MetaVerse.

Dans l’une de leurs interviews, les fondateurs expliquent que ce projet NFT a une finalité éducative afin que les femmes puissent apprendre sur la construction de richesse, la cryptomonnaie, la liberté financière et les NFTs. Ils n’hésitent pas à investir dans cette nouvelle technologie ainsi que dans des fresques gigantesques afin de donner à la communauté musulmane la représentation qu’elle mérite.

Entre livres pour enfants, musique, collection d’NFT, il semble que Doaa et Karter se sont donné une mission et sont déterminés à la réaliser.
 

Mot de fin – Amina

 

Pour mieux comprendre la raison derrière laquelle le livre My Magical Hijab a suscité autant d’intérêt chez les enfants, je me suis lancée dans la recherche de témoignages. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Amina, une enfant américaine et musulmane âgée de huit ans.

J’ai passé plusieurs heures à parler avec elle (jusqu’à oublier de couper mon jeûne), c’était un membre de sa famille qui a dû nous arrêter dans notre belle discussion.

Amina me confie plusieurs choses lors de notre échange parfois elle me racontait des anecdotes personnelles, et je me réjouissais de l’écouter.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Amina a aimé le livre. D’abord, elle a été captivée par les belles images, avec une large palette de couleurs. Ensuite, il y a l’humour : les parties favorites d’Amina étaient les plus drôles. En effet, le personnage principal est rempli d’énergie et de bonne humeur, on la suit dans son quotidien joyeux. Au-delà de l’humour, Amina a énormément aimé le côté sentimental, sincère et spirituel de la dernière page.

Après la lecture du livre, en trois mots, Amina était remplie de surprise, de joie et de confiance.

Petite anecdote : Amina m’a fait la lecture du livre My Magical Hijab avec des commentaires sur ses parties favorites. Elle ne s’est pas arrêtée là, et elle m’a également lu le livre The Proudest blue de S.K.Ali et Ibtihaj Muhammad.

Je suis vraiment reconnaissante pour ce moment passé avec elle. Après cette interview, et avec une prise de recul de plusieurs semaines, je me suis rendu compte combien il est important d’offrir aux enfants une représentation qui leur est bénéfique.

Je me pose la question suivante : aujourd’hui en France a-t-on la représentation qu’on mérite ?

Mille mercis à Doaa, Karter et Amina pour ces précieux échanges.

Crédit photos : Muzzybrand, @karterzaher, @iamdoaa94

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(Dé)construction Actualités

Victime de violences conjugales : nommer et agir.

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En regardant les images de victimes de violences conjugales choisies pour illustrer cette thématique dans les médias, vous n’en voyez que des visages tuméfiés, défigurés, balafrés…. Et si vous ne correspondez pas à ces images, vous vous dites peut-être : « je souffre, mais pas assez, pas autant que ces autres femmes, je ne suis donc pas totalement légitime à demander de l’aide et à en recevoir ».

 

Cette violence peut être invisible, cette violence peut être banalisée ou minimisée par votre entourage qui va vous expliquer que tous les maris sont jaloux ou peuvent s’emporter.
Cette violence pourra être romantisée ou normalisée, dans une société où l’amour passionnel est souvent présenté comme synonyme de disputes, de jalousie et d’effusion.

 

Si vous êtes un homme, ou si vous n’êtes pas dans un couple hétéro, vous ne vous sentez peut être même pas concerné.e par cette thématique.
Toutefois, si vous êtes en souffrance, en raison des agissements de votre partenaire, vous êtes probablement victime de violences conjugales. Qu’iel vous ai frappé ou non, que vous soyez un homme ou une femme, que ces comportements soient quotidiens, ou ponctuels, peu importe, vous êtes légitime à vous qualifier de « victime de violences conjugales ».

 

Voici 6 comportements parmi les plus fréquents mis en œuvre par un.e conjoint.e violent.e.

 

1. Une jalousie obsessionnelle

 
Votre partenaire ne cesse de vous traquer, de vous questionner, de vous harceler de questions par peur que vous le trompiez ? C’est une forme de violence.
Si iel exige que vous preniez des photos de l’endroit où vous êtes pour y « confirmer » votre présence, regarde à votre insu votre correspondance privée, vous fait le reproche d’être trop « sexy » et de chercher à dessein à attirer l’attention et le désir sur vous, vous reproche d’adresser la parole ou d’être en contact avec d’autres personnes, vous demande de mettre un terme à certaines amitiés, de ne plus côtoyer vos ancien.ne.s partenaires etc… Cela signifie qu’iel vous considère comme sa possession, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec l’amour.
 

2. La culpabilisation et la punition par le silence (silent treatment and punishment)

 
Votre partenaire prend plaisir à vous punir pour votre comportement en vous ignorant pendant des heures, voire des jours. Si iel estime que vous avez fauté, iel vous punit : en vous interdisant de sortir, en vous rabaissant devant vos proches, en vous criant dessus, en cherchant à vous humilier. C’est une violence.
 

3. Le « détournement cognitif » ou gaslighting

 
Votre partenaire refuse de rendre des comptes pour son comportement, pire, vous en impute la responsabilité. Si iel a « pété un cable », ce serait de « votre faute », et dès que vous tentez de lui expliquer que ce qui s’est passé n’est pas normal, iel vous reproche votre sensiblerie, « c’est pas le monde des bisounours ici ». Ce serait donc vous qui auriez un problème à ne pas apprécier qu’iel crie car selon lui, iel ne fait que « parler fort ».
Pire, iel modifie la réalité, réinvente ses faits et gestes en sa faveur, nie farouchement l’existence de faits passés, au point de vous faire douter de vous, de vos souvenirs, de vos sensations et sentiments. c’est qu’iel tente de vous manipuler. C’est une violence.
 

4. Un climat anxiogène

 
Votre partenaire a instauré un climat de violence permanente, iel crie, iel hurle, vous avez toujours peur que tel ou tel événement déclenche chez lui/elle une colère soudaine. Cela lui arrive de casser des objets, de montrer le poing, de vous postillonner au visage, de vous laisser dormir par terre, ou nue. Certes, iel ne vous a pas encore tapé, cependant, iel a su vous montrer qu’iel était capable de le faire à tout instant.
A tel point que la nuit, vous pouvez avoir peur qu’iel vous tue.

 

5. Le chantage

 
Iel a des informations compromettantes à votre sujet (vous avez retiré votre voile, vous avez pris des drogues, vos pratiques sexuelles, des photos intimes…), et les utilise comme moyens pour vous empêcher de lae quitter.
Iel peut également vous menacer de faire du mal à vos proches, de vous prendre les enfants, si vous décidez de lae quitter définitivement.
Autre forme de chantage courante : il vous menace de se suicider si vous lae quitter et précise que vous aurez sa mort sur la conscience si vous partez.
 

6. Le refus de rendre des comptes

 
Votre partenaire vous parle parfois de son passé douloureux qui l’a conduit à agir de la sorte, et vous ne pouvez que compatir aux épreuves qui l’ont brisées par le passé. Cependant, si iel refuse de se faire aider ou pire, si iel fait semblant de l’être c’est qu’iel a fait le choix de continuer d’être violent. Il en va de même si iel vous répète souvent qu’iel va changer, qu’iel s’excuse, et que vous devez « tourner la page » sans rien mettre en œuvre pour changer effectivement de comportement.
 

Comment vous sentez-vous ? Si vous êtes angoissé.e à l’idée de rentrer à la maison, si vous rêvez de partir, mais que vous vous êtes terrorisé.e à l’idée qu’iel se venge d’une manière ou d’une autre sur vous. Si vous tremblez de peur à l’idée de lae quitter, ce n’est pas normal : vous êtes dans une relation toxique et victime de violences conjugales.

 

Comment agir pendant les violences ?

 
Lorsque vous êtes pris.e dans le tourbillon des violences, il n’est guère aisé d’avoir les idées claires pour agir et anticiper l’action judiciaire.
A ce stade, et tant que vous n’êtes pas encore prêt.e à partir, vous pouvez collecter des preuves qui pourront vous être utiles dans vos démarches futures.

  • –   Si cela vous est possible, filmez-lae ou enregistrez-lae à son insu lors d’une de ses crises de colère.
  • –   Débriefez par message chaque épisode de violence : envoyez-lui un message un le lendemain pour lui rappeler ce qu’il s’est passé, et pourquoi ce n’est pas normal.
  • –   Parlez-en à une personne, si possible par message, qui pourra témoigner des violences que vous subissez. Si vous n’avez pas envie de parler de votre situation avec des proches ou que vous n’êtes pas prêt·e, il existe des numéros de téléphone utiles.
  • –   Si vous n’êtes pas encore prête à porter plainte, par peur des représailles, vous pouvez également déposer des mains courantes.
  • –   Laissez un sac de vêtement chez un.e proche, qui sera au courant de la situation, et qui pourra vous accueillir à toute heure du jour ou de la nuit.

 

Connaître ce qui est illégal avant de porter plainte

 
Pour commencer, sachez que vous êtes en droit de porter plainte auprès de n’importe quel commissariat, et que les policier.e.s n’ont – en théorie – pas le droit de refuser de prendre vos plaintes.
En pratique, c’est une toute autre histoire, et vous avez de grands risques de devoir affronter des policier.e.s qui vous dissuaderont de porter plainte en vous expliquant que le comportement de votre conjoint n’est pas interdit par la loi, que vous ne pouvez pas porter plainte dans ce commissariat pour des raisons de domiciliation ou que vous feriez mieux de déposer une main courante. Tenez bon, et si possible, venez accompagné.e, c’est votre droit (art. 10-4 et 10-2 CPP)
A ce sujet, vous pouvez également demander à être soumis à un examen médical, et à vous voir remettre les conclusions de cet examen.
 
Si votre conjoint.e consulte, supprime, modifie vos mails et messages sans votre accord, c’est un délit sanctionné aux articles 323-1 et suivant du code pénal.
 
Si votre conjoint.e a révélé des informations concernant votre intimité, votre sexualité, ou pire, a diffusé des images dénudées de vous, une sex tape, vous a enregistré à votre insu ou vous géolocalise en permanence, c’est un délit sanctionné à l’article 226-1 et 226-2-1 du code pénal.
 
Si votre conjoint.e, a un tel comportement toxique comme nous l’avons décrit plus haut, au point que cela affecte votre santé mentale : vous êtes dans un état de peur et d’hypervigilance permanente, alors vous êtes victime de « harcèlement » au sens de la loi. Vous pouvez donc faire constater la dégradation de votre santé auprès d’un psychiatre, condition nécessaire pour porter plainte sur ce fondement : article 222-33-2-1 du code pénal.
 
Si votre conjoint.e vous a poussé au désespoir de par son harcèlement au point que vous ayez tenté de vous suicider : article 222-33-2-1 du code pénal.
 
Si votre conjoint vous a volé des biens, de l’argent, il est fort probable que les policier.e.s vous explique que ces vols ne peuvent donner lieu à des poursuites. Sachez que ce principe connaît de nombreuses limites, notamment si vous étiez séparé.e.s au moment des vols, ou si ces vols portent sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d’identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d’un étranger, ou des moyens de paiement ou de télécommunication : article 311-12 du code pénal.
 
Si votre ex conjoint.e s’est introduit chez vous sans votre accord, notamment en usant de la violence ou des menaces : art. 226-4 code pénal.
 

Les dispositions judiciaires qui peuvent vous protéger

 

Attribution à la victime de violences conjugales d’un droit de jouissance sur le logement commun

 
Depuis la loi du 30 juillet 2020 lae juge aux affaires familiales (JAF) peut attribuer la jouissance du logement conjugal, (sauf circonstances particulières), au conjoint.e qui n’est pas l’auteur.e des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence (C. civ., art.  515-11, 3°). La solution est identique s’agissant du logement commun de partenaires lié.es par un PACS ou de concubin.es (C. civ., art.  515-11).
 

Ordonnance de protection

 
Il vous est également possible de demander une ordonnance de protection auprès du JAF en formulant cette requête via ce formulaire, accompagnée de toutes les preuves que vous avez en votre possession afin que votre conjoint.e reçoive l’ordre de ne plus vous approcher, vous, ou vos enfants.
Lae juge pourra désormais demander la mise en place d’un bracelet électronique ou vous donner un « téléphone grand danger » vous permettant d’alerter au plus vite les services de police si votre bourreau menace votre vie.
 
Bien sûr, nous savons que réussir à quitter son bourreau est des plus difficile, car il/elle a tout mis en œuvre pour vous garder captive/captif : chantage, menaces de révéler des informations sur vous, vos proches, de se suicider ou de vous prendre vos enfants, isolement, travail minutieux pour détruire votre confiance en vous, sont autant de stratégies mises en œuvre pour vous empêcher de partir. Ce n’est pas de votre faute, vous n’êtes pas responsable et vous ne méritez pas les violences que vous subissez.
 
En moyenne, une femme effectue 7 tentatives avant de réussir à quitter définitivement son conjoint violent.
 
Ne considérez jamais qu’une tentative ratée est un échec, c’est au contraire une étape importante vers une future libération.
 
Enfin, nous rappelons que la moitié des féminicides interviennent pendant l’annonce d’une rupture, en conséquent, nous vous recommandons de procéder à votre départ – si possible – en l’absence de votre conjoint.e violent.e.
 
Vous avez tout notre soutien, et notre amour. Nous vous croyons, et nous vous soutenons.
 

Crédit photo à la une : @Shirin Neshat

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(Dé)construction

Pas d’argent, pas de valeur… Vraiment ?

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Une jeune femme de 24 ans, son master en poche, passe à la maison les quelques mois avant sa première embauche. Une mère de 4 enfants, affectueuse et dévouée, a passé une quinzaine d’années au foyer, tâchant de répondre aux besoins de ses enfants. Une autre, fraîchement diplômée de sa licence de psy, prend une année sabbatique pour réfléchir à son orientation. Une autre encore fait une « pause » dans sa carrière professionnelle pour se marier et ainsi mieux endosser ce nouveau rôle d’épouse.

Elles ont des choix de vie différents, sont à des étapes différentes de leur croissance personnelle, mais toutes ont un point commun : si on leur lance d’un ton détaché « tu fais quoi alors ? / …en ce moment ? / …dans la vie ? ». Il est probable qu’elles répondront « bah rien », l’air embarrassé, le visage rougissant, le regard fuyant. 

         Pourtant c’est loin d’être le cas !

Elle se lève chaque matin aux aurores, s’extirpe du confort de son lit pour son premier rendez-vous avec le Divin. Elle réveille les enfants, les habille, invoque toute la patience de l’univers lorsque le petit dernier rechigne à avaler ses céréales à 8h17 alors qu’elle doit le déposer à l’école à 8h25. Elle fait de sa maison un endroit où il fait bon vivre : dépoussiérer par-ci, épousseter par-là. Elle range les vêtements qui tapissent le sol de la chambre de son adolescente, qui, à 15 ans, n’a toujours pas compris le principe d’une armoire. Farine, eau, sel, elle prépare les ingrédients nécessaires pour faire du pain maison. A 14h, elle se dépêche, au risque d’être en retard à son atelier de lecture. Oui, et puis sa grand-tante âgée lui a demandé un coup de main pour trier ses vêtements, alors elle va lui prêter main forte. Fort heureusement, les courses sont déjà faites, elle a pris l’initiative de s’en débarrasser la veille. Après le retour de l’école, elle endosse le rôle de maîtresse : elle aide son fils à faire ses devoirs même si elle doit lutter face à Bob l’éponge pour capter son attention volatile. Un imprévu tombe le lendemain avec la belle-famille… Tant pis pour ce colloque auquel elle voulait assister sur Paris. Même couchée, elle continue de travailler : elle est gestionnaire et passe en revue les tâches à accomplir pour le lendemain…

        

         Mais alors d’où vient ce malaise à confesser ce « rien » qui est en réalité « tout » ?

En réalité, ce qu’elle fait est très semblable à ce que fait un-e boulanger-e, une femme de ménage, un-e auxiliaire de vie, un-e professeur-e particulier-e, un-e gestionnaire, un-e chercheu-r-se, un-e personnal shopper, etc… Après tout, comme le.a boulanger-e, elle mélange les mêmes ingrédients, elle produit le même pain. À la différence que le.a boulanger-e facture 1 euro au consommat-eur-ice, tandis qu’elle fait cela gratuitement. Le travail de l’un est comptabilisé dans le Produit Intérieur Brut (PIB), tandis que pour l’autre, c’est du travail invisible. Pourtant, elle produit tout de même de la richesse !

         Cela n’a pas grande importance pour une société qui fonde la valeur sociale d’une chose sur son aspect monétaire. Tu es infirmièr-e et tu changes les pansements de tes patient-e-s tous les matins ? Ton activité est socialement valorisée. Tu es maman et tu panses le genou de ton enfant blessé ? Ça ne compte pas.

         Le but ici n’est pas de dévaloriser le travail extérieur féminin ! Celles qui cumulent un emploi à temps plein – ou temps partiel – en plus de toutes leurs tâches domestiques du quotidien sont des battantes. Il s’agit plutôt de revaloriser ce qui n’est pas considéré par notre société marchande.

Alors non, le travail et l’emploi ne se superposent pas : le travail ne se réduit pas à l’emploi. Non, tu ne fais pas « rien », au contraire : tu fais tout ! Et prends bien conscience que ce que tu fais, si tu ne le fais plus, un-e professionnel-le devra s’en charger moyennant salaire.

 

         Parlons salaire justement !

Dans la sourate « Hûd » du Coran (nom du prophète des Aad), on peut lire les paroles de ce prophète qui s’exprime en ces termes  : « Ô mon peuple, je ne vous demande pas de salaire pour cela. Mon salaire incombe à Celui qui m’a créé. Ne raisonnez-vous pas ? » [Sourate Houd/11 _ verset 51].

         Tout travail mérite salaire ! Sache que si tu ne perçois rien ici-bas, Dieu se fait un devoir de te rémunérer dans l’Au-delà. Si aujourd’hui tu envies le salaire mondain des autres, sache que demain, tous t’envieront ton salaire divin. Lorsque Dieu rémunère, Il est Généreux comme personne. Tu es payée même si tu ne le vois pas. La seule différence, c’est qu’au lieu de tomber tous les mois, ta rémunération tombera en un seul versement à la fin de ta vie de travail. Ça vaut le coup d’attendre non ?

Dieu dit dans le Coran : « Certes, Dieu a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. (…) Réjouissez-vous donc du commerce que vous avez fait. Et c’est là le très grand succès ! » [Sourate at Tawba _ verset 111]

 

R.S.

 Crédits photo : R.S.

 

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(Dé)construction

La femme-Kaaba : l’art contemporain pour dégenrer le divin

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J’ai choisi ici de vous parler d’une œuvre qui m’a marqué pour les différentes pistes de déconstruction qu’elle offre. Il s’agit de Kaaba1 d’Aidan Salakhova, que vous pouvez découvrir à travers cette vidéo. Créée en 2002 et exposée en 2015 au Teutloff Museum de Cologne, l’installation vidéo Kaaba se présente dans une pièce sombre au centre de laquelle une forme noire cubique représente la Kaaba personnifiée sous la forme d’une tête de femme, et dont les murs accueillent des projections grand format de quatre derviches tourneurs masculins. 

 

J’ai des réserves quant à l’emploi de la notion de féminisme musulman à tout va, mais en ce qui concerne l’installation Kaaba d’Aidan Salakhova, artiste russe d’origine azérie, il me semble que nous sommes face à une belle démonstration de la pensée féministe musulmane appliquée à l’art. Je fais référence ici à ce courant intellectuel, militant et religieux, qui émerge en Égypte au début du XXe siècle et qui ne cesse depuis de déconstruire les lectures traditionalistes et patriarcales de l’islam. Or, quand l’artiste affirme en commentant son œuvre que “l’origine de l’âme est féminine et que Dieu est une femme”, on pourrait considérer avoir affaire à une vision quelque peu simplifiée de cette pensée. Si je dois être tout à fait honnête, cela a en effet été mon premier ressenti face à cette œuvre d’Aidan Salakhova. Je dois reconnaître également avoir été quelque peu rebutée par la représentation de ces hommes derviches tourneurs, qui dans un contexte occidental est devenue un raccourci très galvaudé de la mystique musulmane. Enfin, pour saisir la portée polémique de cette œuvre, il faut d’emblée clarifier que pour un.e spectateur.ice musulman.e, le fait de prêter des traits humains à cet édifice sacré le transforme de facto en idole, ce qui peut choquer plus d’un.e, mais je reviendrai plus en détail sur cette question. 

 

Quelques obstacles s’érigent donc à la première lecture de cette œuvre qui superpose un peu rapidement plusieurs références. Naturellement, je préfère généralement écrire à propos d’œuvres pour lesquelles j’ai une adhésion immédiate, mais si j’ai persévéré dans l’analyse de cette œuvre, c’est qu’il m’a semblé que des pistes de réflexion très intéressantes se dégagent en deuxième lecture. Je dois prévenir d’emblée les lecteur.ices que je propose là une analyse très subjective, façonnée par mon éducation soufie, et que si j’emmène la portée de l’œuvre sur un terrain pas explicitement développé par l’artiste, il me semble néanmoins être dans la continuité de son intuition.

 

Crédit photo: Kaaba, Aidan Salakhova, 2002, ©TEUTLOFF MUSEUM

 

Saint des saints de l’islam, la Kaaba est une construction préislamique 2 qui servait de demeure aux déités et dont les effigies ont été mises à terre par le Prophète Muhammad lors de son retour pacifique dans sa ville natale. Ce geste iconoclaste marque l’effacement des polythéismes afin d’établir le Dieu unique des monothéismes. Dès lors, l’intérieur de la Kaaba est totalement vide, ce qui en soit est l’illustration la plus probante de l’aniconisme de l’islam. Mais si tout.e.s les musulman.e.s de la terre se tournent vers elle cinq fois par jour pour prier, c’est sans doute parce qu’elle centralise, d’une certaine manière l’Essence divine, sans pour autant la contenir. En effet, dans la pensée islamique, aucune forme terrestre ne saurait contenir le Divin.

 

Aidan Salakhova détourne cet édifice emblématique en lui donnant l’apparence d’une tête de femme voilée d’un niqab, pièce de vêtement qui laisse seulement apparaître les yeux. Il s’agit d’un dispositif assez simple : au sommet du cube, un écran entouré d’un voile noir diffuse en plan fixe un regard féminin qui balaye l’espace. Ainsi, l’artiste propose une similitude entre le voile de la femme et la grande étoffe de soie noire brodée de lettres d’or qui recouvre la Kaaba. Il est intéressant de remarquer que cette étoffe, nommée kiswa en arabe est de genre féminin et que de cette même racine sémantique découle les termes de parure, voile et jupe. De même, dans la langue arabe, la Kaaba est genrée au féminin : ce qui pourrait paraître comme une simple coïncidence, ne l’est jamais en grammaire arabe, encore moins concernant les termes religieux. Lors de la prière, les musulman.e.s se prosternent donc cinq fois par jour devant une entité féminine.

 

Par ce geste, l’artiste donne corps à ce lieu sacré, lui donne forme humaine, et pas n’importe laquelle, celle d’une femme. Ce qui n’a pas manqué de faire hurler au scandale nombre de rigoristes3. Pourtant, Aidan Salakhova n’est pas la première à prêter à la Kaaba des traits féminins : le grand maître soufi Ibn Arabi (mort en 1240 à Damas) relate avoir vu en vision la Kaaba sous la forme d’une jeune fille à la beauté inouïe qui s’avançait vers lui en retroussant sa robe noire (cf. la kiswa), le menaçant de l’écraser sous ses fondations. Il interprète cette vision comme une manifestation de la majesté du féminin. C’est d’ailleurs à la Mecque, alors qu’il effectuait le rituel du tawaf4 autour de la Kaaba, qu’Ibn Arabi rencontre la jeune Persane Nizâm qu’il reconnaît comme une théophanie5 de Dieu au féminin et qui jouera un rôle fondamental dans le cheminement spirituel de ce grand mystique. 

 

Crédit photo: Kaaba, Aidan Salakhova, 2002, ©TEUTLOFF MUSEUM

 

Dans l’installation, la présence des derviches qui tournoient autour de la femme-Kaaba, confortent ce rapprochement avec le soufisme. En effet, les derviches tourneur.euses appartiennent au courant ésotérique soufi et plus particulièrement à l’ordre Mevlevi, fondé par le grand mystique Rumî au XIIIe siècle, à Konya en actuelle Turquie. Ce rapprochement m’a donc semblé quelque peu incongru de prime abord car le mouvement wahhabite d’Arabie Saoudite, où se situe la Mecque, est très loin de l’expérience mystique musulmane, notamment en faisant de la gestion du patrimoine architectural islamique un business extrêmement lucratif, ce qui le vide littéralement de sa sacralité. C’est alors que le geste artistique intervient, délocalisant le lieu saint de l’islam, le sortant de son contexte historique et géographique, pour le transposer dans le monde de l’art et symboliquement le ramener à sa fonction spirituelle.

 

Il s’agit maintenant de comprendre ce que représentent ces derviches et leur rapport à cette femme-Kaaba, et c’est le geste giratoire qui nous indique la voie. L’un des rituels les plus importants du Hajj6 est le tawâf, c’est-à-dire le fait de tourner sept fois autour de la Kaaba dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Cette forme de circumambulation n’est pas proprement rattachée à l’islam, mais se retrouve dans de nombreuses traditions religieuses : « exécutée le plus souvent autour d’un pôle central – représentation terrestre de la demeure divine ou de l’axis mundi– [la circumambulation] imite la rotation du soleil ou des sphères célestes et émule le flux et le mouvement du domaine physique en contraste avec la stabilité et l’immuabilité de la “demeure de Dieu”7 ». Le parallèle se crée aisément avec les derviches tourneur.euses car pour les soufi.e.s Mevlevis, si les danseur.euses ne vacillent pas c’est qu’iels ne sont plus soumis à leur condition terrestre et matérielle, mais que par l’effet de la transcendance qu’iels accueillent, iels sont justement relié.e.s à cet axis mundi. Ainsi, iels tournent, une main levée vers le ciel pour recevoir la clémence divine, tandis que leur deuxième main dirigée vers le bas la répand sur l’humanité. 

 

Crédit photo: Kaaba, Aidan Salakhova, 2002, ©TEUTLOFF MUSEUM

Ce qui a donc révolté les fondamentalistes musulmans, qui décidément manquent d’imagination, est que non seulement l’artiste a humanisé la Kaaba sous les traits d’une femme, mais de plus c’est autour d’elle et pour elle que des hommes tournent en tant qu’incarnation de l’axe divin. Même si, personnellement, cette lecture me plait pour ce qu’elle contient de subversif vis-à-vis de la culture musulmane (je dis bien « culture » et non « religion »), il serait un peu expéditif de n’y voir que la simple tentative d’introduction d’une sorte de female gaze. Il m’apparaît clairement que l’idée de l’artiste n’est pas de rester dans une personnification genrée de Dieu, en opposant une femme de chair8 à la vision judéo-chrétienne d’un vieil homme barbu trônant dans les nuées. Lorsqu’elle affirme que Dieu est une femme, elle nous parle en réalité de son essence, de son principe créateur, car si on en croit les livres sacrés et toutes les cosmogonies, la fonction première du divin est la création. 

 

Loin de moi l’idée de vouloir essentialiser les femmes en les réduisant à leur fonction procréatrice, pensée qui ouvre grand la porte à une définition éculée des caractéristiques féminines comme avant tout dans le don de soi, le soin des autres, la douceur et l’empathie. Au contraire, ce parti-pris artistique m’évoque davantage une complémentarité du féminin et du masculin et renvoie à la question de l’androgynie primordiale. Également développée par Ibn Arabi, cette notion reconnaît l’état d’indifférenciation sexuelle de l’humain avant qu’il ne soit incarné dans un corps dont les attributs génitaux féminins ou masculins ne sont que simple contingence. Pour aborder ce concept, je me permets de citer l’islamologue Éric Geoffroy : « Le principe de l’androgynie primordiale nous fait comprendre que la complétude se joue en amont, avant la distinction socioculturelle des sexes. Lorsque l’homme réalise le féminin en lui et la femme le masculin en elle, ils deviennent des miroirs assumés l’un de l’autre. Réintégrés dans l’Un9, ils peuvent […] ne plus vivre la dualité créaturelle comme une souffrance10 »

 

J’aimerais conclure sur l’idée qu’à travers cette installation, Aidan Salakhova suggère que la mystique musulmane offre des perspectives aptes à déconstruire une interprétation sclérosée et dogmatique de l’islam. Elle nous démontre ainsi que le féminisme musulman n’est pas uniquement la destruction des idoles patriarcales, mais un véritable retour aux sources scripturaires de l’islam, un rappel de l’importance du pluralisme de la pensée et de l’effort d’interprétation des sources islamiques (ijtihad11). Ces yeux qui percent à travers le voile incarnent donc une vision féministe pour une nouvelle grille de lecture, une possible voie d’émancipation, d’où le sous-titre explicite donné par l’artiste : The Eyes of Freedom. 

 

 

Édifice préislamique d’environ treize mètres de haut qui se situe au centre de l’esplanade de la Grande Mosquée de la Mecque.

Elle a subi de nombreuses destructions et reconstructions à travers le temps, principalement à cause d’inondations, mais sa forme est restée inchangée.

Il est intéressant de noter cependant que le grand Mufti de Russie a décrété que cette œuvre n’avait rien de contraire à l’esprit de l’islam.

Tawaf (aṭ-ṭawâf, en arabe: الطَواف), la circumambulation, désigne les sept tours que les musulman.e.s effectuent autour de la Kaaba, lors du pèlerinage (hajj) à La Mecque.

Manifestation, révélation de Dieu aux humains.

Pèlerinage à la Mecque.

Paul B. Fenton, “Le symbolisme du rite de la circumambulation dans le judaïsme et dans l’islam, étude comparative”, in Revue de l’histoire des religions, 1996, 213-2, pp. 161-189.

C’est malheureusement la lecture qui en est faite par un certain Prof. Dr. Siegfried Zielinski dans les commentaires de la vidéo proposée par le Teutloff Museum. Celui-ci s’arrête en effet à une vision très sociologique de l’œuvre et passe complètement à côté de sa dimension spirituelle en posant la sempiternelle et très creuse question du rôle des femmes en islam (mémo : une multitude de femmes, une multitude de rôles), ce qui aboutit malheureusement à une conclusion pleine d’angélisme sur l’importance du dialogue entre les cultures. Peace, Love and Unity, merci bien Docteur, on a beaucoup avancé.

L’Un renvoyant ici à l’unicité divine, à Allah, encore genré au masculin cependant.

10 Éric Geoffroy, Allah au féminin, Albin Michel, 2020, p.30. Et oui, il s’agit en effet de mon père.

11 Effort d’interprétation des sources islamiques.

 

 

 

Pour aller plus loin :

Biographie de l’artiste

Asma Lamrabet, Le Coran et les femmes : Une lecture de libération, Tawhid, 2007.

Éric Geoffroy, Allah au féminin, Albin Michel, 2020.

Fatima Mernissi, Le harem politique. Le Prophète et les femmes, Albin Michel, 1987.

Inès Safi, «La spiritualité islamique invite à réhabiliter le rôle des femmes», sur bibliobs.nouvelobs.com, 8 mars 2016.

Malika Hamidi, Un féminisme musulman, et pourquoi pas ?,  Editions de l’Aube, 2020.

Zahra Ali, Féminismes islamiques, La Fabrique éditions, 2012.

 

 

Crédit photo image à la une : Kaaba, Aidan Salakhova, 2002, ©TEUTLOFF MUSEUM

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Souriez… Vous êtes photoshoppé.e.s !

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A l’angle mort du féminisme classique

 

Sillonnant les rues de ma ville, je ne peux m’empêcher de remarquer un déséquilibre dans le paysage visuel. N’as-tu pas remarqué cette prépondérance – pour ne pas dire cette omniprésence – du corps féminin, de préférence nu, par rapport au corps masculin sur les panneaux publicitaires ? Comment expliquer ce fossé ?

Fossé d’autant plus incompréhensible à l’heure du féminisme – mimétisme occidental, alias « tout ce que l’homme fait, je veux le faire ». Pourquoi n’entendons-nous pas les féministes classiques monter au créneau, exigeant la parité, réclamant d’habiller ces panneaux géants de portraits d’hommes déshabillés ? 

Comprenons-nous bien, l’objet de cet article n’est nullement de formuler une revendication perverse. L’objectif est plutôt de mettre en exergue un point oublié dans l’angle mort du féminisme contemporain occidental. En somme, souligner ses imperfections, ses contradictions. 

En vérité, si le corps féminin dénudé est partout où l’œil se pose, c’est parce que les publicitaires ont bien compris une chose : il est ce qui suscite le plus le désir ; à la fois chez l’homme et chez la femme. Dans le cas de l’homme : il s’agit d’un désir d’ordre sexuel. Mais quid de la femme ?

Ces publicités débridées viennent en réalité stimuler un désir particulier chez la femme : celui de plaire. Mesdames, n’est-ce pas vrai que nous regardons ces femmes parfaites d’un œil envieux, nous exclamant : « comment fait-elle pour avoir un corps de sirène ? » « Qu’est-ce qu’elle met sur ses cheveux pour les avoir soyeux comme ça ? » « Quel épilateur utilise-t-elle pour n’avoir aucun poil incarné ? Je veux le même » …

Ne jouons pas les dupes, nous savons que le but des publicitaires, en stimulant ainsi nos désirs, est de provoquer l’acte d’achat. Le corps féminin, dans toute sa splendeur, a le mérite de faire d’une pierre deux coups, en éveillant les désirs à la fois des hommes et des femmes. D’où son omniprésence. Ainsi, voit-on une femme jouir de plaisir en mangeant un simple yaourt ; une femme nue pour une pub de gel douche (passe encore), mais une femme nue pour un aspirateur ? Si le lien n’est pas évident, qu’à cela ne tienne, les publicitaires n’hésitent pas à être créatifs.

 

Mise en concurrence généralisée du corps de la femme

 

Que le corps de la femme soit réifié, qu’il soit présenté comme un simple objet de jouissance, cela n’est pas une nouveauté. D’ailleurs, les féministes classiques occidentales l’ont suffisamment critiqué sans qu’il soit nécessaire d’y revenir dans cet article. 

Ce que je souhaite discuter ici c’est le phallocentrisme qu’induit la situation. En effet, dans nos sociétés, les hommes ont constamment sous les yeux, un éventail de belles femmes à contempler. Mais en plus de cette jouissance oculaire, les publicitaires ont aussi été à l’origine d’une mise en concurrence généralisée du corps de la femme.

A force de regarder ces profils idéaux, les femmes se disent : « pourquoi pas moi ? ». En somme, elles sont poussées à relever le défi esthétique et sont contraintes de tendre vers toujours plus de coquetterie, toujours plus de beauté…

Je dénonce cette surenchère esthétique qui a pour fâcheuse conséquence de provoquer un réel mal-être chez bon nombre de femmes qui, pour des raisons financières ou personnelles, ne peuvent plus tenir la compétition. 

Elles se sentent alors mal dans leur peau, se comparent à des chimères photoshopé.e.s, se dévalorisent et perdent en estime personnelle. 

 

Voilà la conclusion à laquelle j’aboutis : reconnaissons la dimension factice et artefactuelle de ces beautés publiques ; et surtout, apprenons à aimer nos personnes, à voir le beau là où aucun projecteur ne s’attarde. Voilà un combat féministe digne de ce nom !

 

 

Crédit photos : R.S

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Souleymane, l’allégorie de la banlieue

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Souleymane, c’est un roman qui nous raconte l’année scolaire d’un jeune adolescent du 93 à la recherche de vie et de liberté dans un monde où sa couleur de peau, ses origines, sa culture et sa religion ne sont pas acceptées. Dur pour lui de se définir positivement dans ce contexte. Les violences, la précarité et le racisme font partie de son quotidien. C’est devenu banal  à Saint-Denis, dans le 93. Une ville dans laquelle la vie n’est pas de tout repos, loin des immeubles Haussmanniens et de la belle ville de Paris, pourtant pas si éloigné que cela.  Jeune adolescent en quête d’identité, tiraillé entre la rue et l’école, le décrochage et la réussite scolaire, la liberté et l’enfermement, la vie et la mort : une oscillation perpétuelle entre le bien et le mal.

 

Tous ses regrets s’empilent, chacun alimentant son spleen,
Et s’amoncellent en son cerveau comme un amas d’épines.
(…)
Liaisons d’anges et démons
En lui se font et se défont.

 

On plonge dans l’univers de ce collégien, dans sa vie, son quotidien fait de violence, de rap, de boxe et de combat perpétuel. Son histoire est écrite en vers par Sherine Soliman, qui fut lui-même enseignant à Saint-Denis. Rime après rime, il nous transporte et nous tient en haleine jusqu’à la dernière page d’un ouvrage plein de rebondissements.                                                                                                             

Une œuvre engagée dans laquelle l’auteur nous fait part de ses expériences, de ses révoltes, de son ressenti et de sa vision d’une société bien loin d’être utopique. À mille lieues des clichés que nous servent les médias, Souleymane est une fenêtre poétique ouverte sur la “VRAIE” vie en banlieue.

 

Stigmatisé comme condamnée à supporter le poids
Du racisme français,
Des discriminations,
Et tout le monde le sait :
De la relégation,
alors par quel accès
par quelle voie d’insertion 
Réussir à percer
Si l’État fait pression ? 

 

Sherine Soliman, dans ce premier roman urbain entièrement rimé, dépeint la banlieue à travers l’histoire rythmée de Souleymane et des nombreux personnages qui l’accompagnent entre amour et haine, espoir et désespoir, désillusion et enchantement, peine et joie. Cette poésie urbaine met en lumière la situation compliquée dans laquelle vivent ces hommes et ces femmes, ces jeunes et ces adultes évoluant dans des zones souvent délaissées des pouvoirs publics. C’est donc une vie de résistance pour Souleymane : 

 

Un caractère en fer, ado têtu rêvant de gloire,
Dont le parcours sera semé de très nombreux déboires.
Une trajectoire ahurissante avec des moments clés,
Parfois il tombera, parfois il prendra des raclées ;
Mais dans la vie, en vérité, tout est question de choix :
Voyons s’il saura se relever et trouver sa voie.  

 

   Mais face au racisme et à la précarité qui l’enserrent, Souleymane n’est pas seul, il est soutenu par de beaux personnages, des femmes notamment. Ces dernières, l’aident et le poussent à devenir la meilleure version de lui-même. Souvent mises de côté, elles jouent dans cette histoire un rôle important et représentent une autre force, plus tranquille, mais tout aussi déterminante. Femmes courageuses et de caractères, elles le soutiennent tout au long de sa quête d’identité et de son parcours scolaire et personnel. 

 

Voilà : tourne la page afin de suivre le chemin
De Souleymane, habitant Saint-Denis depuis gamin.

 

Rares sont les histoires où l’on raconte la « vraie » vie, la réalité et l’horreur de la vie des personnes racisées. La manière claire dont est mise en avant les injustices sociales auxquelles nous faisons face tous les jours, nous, femmes et hommes racisé·es, m’a permis de me sentir encore plus légitime de combattre ces injustices. A travers, la vie et le combat de Souleymane, qui est aussi celui d’une grande majorité de femmes et d’hommes racisé·es habitant en Seine-Saint-Denis notamment, j’ai pu me rendre compte que ce qui se passait au quotidien dans nos villes n’était pas « normale » et qu’il fallait réagir, montrer et faire comprendre aux gens que la norme n’est pas le racisme, la norme n’est pas la précarité, la norme n’est pas les violences ni l’injustice. Pourtant, l’impression que tout ce quotidien est la norme plane dans nos villes, cette atmosphère où l’injustice est légitimée.

Je voyais ces injustices, je voyais cette horreur, j’en était consciente, elles faisaient partie de mon quotidien à moi, femme musulmane racisée. Tout cela a permis de motiver mon militantisme, et ma volonté de montrer à la société que la vie des personnes racisées femmes ou homme, ce n’est pas ce que l’on dit ni ce que l’on voit dans les médias, la vie c’est aussi la discrimination, le racisme, le sexisme… auquel les individus font face, ce n’est pas des « voyous » violents qui n’ont aucun avenir et « ne sont pas fait pour l’école », comme si l’éducation n’était légitime qu’à un type de personne. Aujourd’hui, je me sens légitime de combattre pour mes droits, nos droits à tous en tant que femmes, hommes, noir.es, arabes, asiatiques, racisé·es ou non, grâce à cette histoire et à Lallab aussi je me sens PUISSANTE.

 

 

 

Crédit photo image à la une: Maryème

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(Dé)construction

La petite dernière

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« Je m’appelle Fatima. Je porte le nom d’un personnage symbolique en islam. »

Française d’origine algérienne, elle porte« un nom qu’il ne faut pas salir ». Musulmanes pratiquantes et lesbiennes, l’auteure et la narratrice se confondent dans cette autofiction

 

À 24 ans, Fatima Daas, féministe intersectionnelle, signe son premier roman. Un premier texte sur son rapport à l’islam, écrit pendant son master de Création littéraire à Saint-Denis Paris 8, la mènera à La petite dernière. Chaque chapitre débute par « Je m’appelle Fatima » et marque sa quête identitaire. Française d’origine algérienne, musulmane, lesbienne et « banlieusarde qui observe les comportements parisiens », Fatima lutte pour faire coexister toutes ses identités. Des identités qui semblent contradictoires.

 

« Je m’appelle Fatima.

Je suis musulmane, alors j’ai peur :

Que Dieu ne m’aime pas. »

 

Des phrases courtes et des fragments de vie, qui racontent des conflits intérieurs et extérieurs. La narratrice questionne sa place à l’école, dans sa famille, dans la société… On l’accompagne de l’enfance à l’âge adulte et lors de ses trajets de Clichy à Paris. On se joint à elle dans la cuisine avec sa mère ou encore à l’hôpital, où elle se rend pour soigner son asthme. On la découvre dans sa relation compliquée avec Nina. En est-elle amoureuse ou fait-elle le choix d’une histoire impossible ? On ne sait jamais avec Fatima. Rien n’est acquis dans le roman, tout est mouvement. La possibilité d’accepter que nous sommes sans cesse en cheminement, se ressent aussi dans les interviews données par l’auteure.

« Je m’appelle Fatima Daas.

Je suis une menteuse.

Je suis une pécheresse. »

 

Fatima découvre son homosexualité à 12 ans. Un sentiment de honte la pousse à taire tout désir et la rend parfois violente. Tiraillement et honte d’être lesbienne mais aussi d’être musulmane dans le milieu lesbien… Et le sentiment d’être incomprise car « c’est difficile d’être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque ». Silencieuse dans ses relations amoureuses, elle est souvent tentée de fuir. Elle pense que « c’est terrible de dire « Je t’aime » […] c’est aussi terrible de ne pas le dire ». Mais « L’amour, c’était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi. »

 

« Ma mère dit qu’on naît musulman.

Je crois pourtant que je me suis convertie. »

 

Sans réel enseignement religieux, elle pratique d’abord par mimétisme. Puis, elle ressent une foi immense et se met à prier, avec conviction. Au journal Le Monde, l’auteure confie : « ce que je voulais livrer d’intime, c’est surtout les moments de prière où je sens la présence réelle de Dieu en moi, parce que la relation avec Lui est beaucoup plus forte que celle que je peux avoir avec une fille. C’est au-delà de tout. » Cependant, la culpabilité envahit Fatima, qui va à la rencontre de plusieurs imams dans l’espoir d’obtenir des réponses. « Dieu a créé Adam et Ève et non pas Ève et Ève » tranche l’imam. Ses prières s’intensifient, son amour pour Dieu ne faillit pas, elle « jure de ne plus recommencer ». Mais elle jure « sans promettre ». Elle ne renoncera pas.

 

« J’ai la sensation que ma vie commence tout juste à avoir un semblant de stabilité. »

 

Malgré quatre années de psychothérapie, elle continue « d’écrire des histoires pour ne pas vivre la sienne ». On se demande où est la vérité et où est la fiction. La jeune auteure a le courage de ne pas renier des parts d’elle-même, de ne pas choisir entre pratiquer sa religion et aimer les femmes. Elle lève surtout des tabous et parle à une génération en manque de représentation. Fatima Daas ne veut pas « réformer l’islam » et résiste également à la pression de la société, qui voudrait qu’elle choisisse. Si elle craint les récupérations de toute part, elle réaffirme à chaque fois, que son « désir profond est de discuter de littérature ».

 

Ce monologue ne donne pas de solutions mais nous permet de découvrir le parcours de Fatima Daas, en chemin vers l’acceptation de soi.

 

La petite dernière, Fatima Daas – éditions Notabilia, août 2020 – 192 pages – 16€

 

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Diffuse la bonne parole

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