Souleymane, l’allégorie de la banlieue

par | 10/11/21 | (Dé)construction

Souleymane, c’est un roman qui nous raconte l’année scolaire d’un jeune adolescent du 93 à la recherche de vie et de liberté dans un monde où sa couleur de peau, ses origines, sa culture et sa religion ne sont pas acceptées. Dur pour lui de se définir positivement dans ce contexte. Les violences, la précarité et le racisme font partie de son quotidien. C’est devenu banal  à Saint-Denis, dans le 93. Une ville dans laquelle la vie n’est pas de tout repos, loin des immeubles Haussmanniens et de la belle ville de Paris, pourtant pas si éloigné que cela.  Jeune adolescent en quête d’identité, tiraillé entre la rue et l’école, le décrochage et la réussite scolaire, la liberté et l’enfermement, la vie et la mort : une oscillation perpétuelle entre le bien et le mal.

 

Tous ses regrets s’empilent, chacun alimentant son spleen,
Et s’amoncellent en son cerveau comme un amas d’épines.
(…)
Liaisons d’anges et démons
En lui se font et se défont.

 

On plonge dans l’univers de ce collégien, dans sa vie, son quotidien fait de violence, de rap, de boxe et de combat perpétuel. Son histoire est écrite en vers par Sherine Soliman, qui fut lui-même enseignant à Saint-Denis. Rime après rime, il nous transporte et nous tient en haleine jusqu’à la dernière page d’un ouvrage plein de rebondissements.                                                                                                             

Une œuvre engagée dans laquelle l’auteur nous fait part de ses expériences, de ses révoltes, de son ressenti et de sa vision d’une société bien loin d’être utopique. À mille lieues des clichés que nous servent les médias, Souleymane est une fenêtre poétique ouverte sur la “VRAIE” vie en banlieue.

 

Stigmatisé comme condamnée à supporter le poids
Du racisme français,
Des discriminations,
Et tout le monde le sait :
De la relégation,
alors par quel accès
par quelle voie d’insertion 
Réussir à percer
Si l’État fait pression ? 

 

Sherine Soliman, dans ce premier roman urbain entièrement rimé, dépeint la banlieue à travers l’histoire rythmée de Souleymane et des nombreux personnages qui l’accompagnent entre amour et haine, espoir et désespoir, désillusion et enchantement, peine et joie. Cette poésie urbaine met en lumière la situation compliquée dans laquelle vivent ces hommes et ces femmes, ces jeunes et ces adultes évoluant dans des zones souvent délaissées des pouvoirs publics. C’est donc une vie de résistance pour Souleymane : 

 

Un caractère en fer, ado têtu rêvant de gloire,
Dont le parcours sera semé de très nombreux déboires.
Une trajectoire ahurissante avec des moments clés,
Parfois il tombera, parfois il prendra des raclées ;
Mais dans la vie, en vérité, tout est question de choix :
Voyons s’il saura se relever et trouver sa voie.  

 

   Mais face au racisme et à la précarité qui l’enserrent, Souleymane n’est pas seul, il est soutenu par de beaux personnages, des femmes notamment. Ces dernières, l’aident et le poussent à devenir la meilleure version de lui-même. Souvent mises de côté, elles jouent dans cette histoire un rôle important et représentent une autre force, plus tranquille, mais tout aussi déterminante. Femmes courageuses et de caractères, elles le soutiennent tout au long de sa quête d’identité et de son parcours scolaire et personnel. 

 

Voilà : tourne la page afin de suivre le chemin
De Souleymane, habitant Saint-Denis depuis gamin.

 

Rares sont les histoires où l’on raconte la « vraie » vie, la réalité et l’horreur de la vie des personnes racisées. La manière claire dont est mise en avant les injustices sociales auxquelles nous faisons face tous les jours, nous, femmes et hommes racisé·es, m’a permis de me sentir encore plus légitime de combattre ces injustices. A travers, la vie et le combat de Souleymane, qui est aussi celui d’une grande majorité de femmes et d’hommes racisé·es habitant en Seine-Saint-Denis notamment, j’ai pu me rendre compte que ce qui se passait au quotidien dans nos villes n’était pas « normale » et qu’il fallait réagir, montrer et faire comprendre aux gens que la norme n’est pas le racisme, la norme n’est pas la précarité, la norme n’est pas les violences ni l’injustice. Pourtant, l’impression que tout ce quotidien est la norme plane dans nos villes, cette atmosphère où l’injustice est légitimée.

Je voyais ces injustices, je voyais cette horreur, j’en était consciente, elles faisaient partie de mon quotidien à moi, femme musulmane racisée. Tout cela a permis de motiver mon militantisme, et ma volonté de montrer à la société que la vie des personnes racisées femmes ou homme, ce n’est pas ce que l’on dit ni ce que l’on voit dans les médias, la vie c’est aussi la discrimination, le racisme, le sexisme… auquel les individus font face, ce n’est pas des « voyous » violents qui n’ont aucun avenir et « ne sont pas fait pour l’école », comme si l’éducation n’était légitime qu’à un type de personne. Aujourd’hui, je me sens légitime de combattre pour mes droits, nos droits à tous en tant que femmes, hommes, noir.es, arabes, asiatiques, racisé·es ou non, grâce à cette histoire et à Lallab aussi je me sens PUISSANTE.

 

 

 

Crédit photo image à la une: Maryème

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