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(Dé)construction

Le Sénégal, point de départ d’une lutte engagée et féministe contre l’excision.

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Sénégal, février 2019.
Mon retour au Sénégal pour la deuxième année consécutive s’inscrit encore une fois dans une démarche personnelle de recherche, d’introspection. Une démarche qui m’a conduite vers la fin de mon périple en mai, à me rendre à Kolda, dans le Sud du Sénégal. Une expérience inattendue et enrichissante pour interroger cette pratique qu’est l’excision.
En guise de première approche, il m’a fallu me réapproprier la définition de ce terme ainsi que les causes et conséquences sous – jacentes de cette pratique.

 

L’excision, un type de mutilations sexuelles parmi d’autres

Pour commencer, j’ai découvert que l’excision n’est en réalité qu’un type de mutilations sexuelles féminines parmi d’autres.  Au Sénégal, le terme d’excision est employé de manière générique pour désigner les formes de mutilations sexuelles féminines existantes. Là – bas, ces mutilations se caractérisent par l’ablation du clitoris, des petites lèvres ou l’infibulation. Elles n’intègrent pas l’ablation des grandes lèvres. Ces informations contextuelles permettent d’identifier trois types de mutilations sexuelles féminines :

  • Type 1 : ablation du clitoris
  • Type 2 : ablation du clitoris + ablation des petites lèvres
  • Type 3 : ablation du clitoris +ablation des petites lèvres + infibulation

Quelque soit le type de mutilation subie, les jeunes filles excisées, à court/moyen/long terme, portent les séquelles de cette pratique. A court terme, peu de temps après leur excision, certaines souffrent  d’urines et/ou de règles douloureuses. A moyen terme, leur paroi vaginale peut encore porter les traces d’une mauvaise cicatrisation due à l’excision ou encore présenter des chéloïdes vulvaires (boursoufflure disgracieuse) empêchant un rapport sexuel. Enfin, à long terme, des complications se présentent  généralement ; d’une part, lors de rapports sexuels  douloureux et dénués de plaisir ; d’autre part, lors de l’accouchement où une épisiotomie est souvent pratiquée, un acte chirurgical qui consiste à ouvrir le périnée au moment de l’accouchement pour laisser passer l’enfant. Outre l’épisiotomie, une fistule obstétricale peut également se déclarer lors de l’accouchement qui résulte  d’un travail difficile pendant l’accouchement opérant une déchirure entre le vagin et la vessie ou le vagin et le rectum ou encore les deux.

Dans certains territoires à forte prévalence, ces conséquences restent méconnues et la pratique perdure. C’est le cas de Matam, Saint – Louis, Ziguinchor, Tambacounda ou encore Kolda où l’excision est pratiquée principalement par les communautés peule, mandingue, sérère. Ce constat n’a pas vocation à pointer du doigt ces communautés mais à interroger les facteurs de résistance qui expliquent que cette pratique perdure.

Des facteurs de résistance nombreux : A commencer par le facteur religieux

Lors de mes discussions avec des personnes sensibilisées et concernées par la question, il m’a été rapporté qu’un homme avait joué un rôle déterminant. Il s’agit de Thierno Mountaga Tall (1914 -2007), descendant de la famille Omarienne, d’El Hadj Omar, anticolonialiste et propagateur de l’Islam. Dans les années 1980, il devient khalife et le guide spirituel de la communauté Hal Pulaar établie au Sénégal (région de Matam) et en Mauritanie (région de Boghé). Son titre lui confère une autorité morale et religieuse sur laquelle il s’appuie pour prononcer une fatwa sur l’excision. Une fatwa est un avis juridique donné par un spécialiste de loi islamique sur une question particulière. Cette fatwa approuvait et encourageait cette pratique. D’où le recours à celle –ci  dans cette zone du Sénégal. Par ailleurs, des hadiths (paroles rapportées du Prophète PSL) feraient allusion à l’excision, notamment celui – ci largement répandu : « On rapporte que le Prophète (PBSL) a dit à « Umm ‘Atiya, une femme qui pratiquait l’excision des filles à Médine : « O Umm ‘Atiya, coupe légèrement et n’exagère pas car c’est plus agréable pour la femme et meilleur pour le mari ». Comme l’atteste de nombreux savants, la chaîne de transmission de ce hadith est faible. Son authenticité n’a pas été vérifiée. Ce hadith ne peut donc être pris en considération et s’annule. Aujourd’hui, ce facteur religieux constitué de fatwas, de hadiths est remis en question, voire écarté pour signifier que cette pratique est avant tout culturelle.

Le facteur culturel pèse aussi lourdement dans le maintien de cette pratique chez certaines communautés, sous la pression des anciennes générations.

A celui – ci, s’ajoute le facteur sexuel : l’excision est ainsi invoquée pour préserver la virginité de la femme, éviter le « dévergondage sexuel ».

Le facteur social est tout aussi important puisque dans certains villages, il est généralement admis qu’une jeune fille excisée est pure, épousable, dégage une odeur agréable. Au contraire, une jeune fille non excisée dégagerait de mauvaises odeurs et serait inépousable. Ces idées reçues concernant les femmes non excisées continuent à être véhiculées et leur sont très préjudiciables. Elles peuvent  conduire dans certains cas à leur stigmatisation, à leur rejet au sein de leur communauté, et plus largement au niveau de la société. Il semble qu’être excisée soit considérée comme la norme. Cette pression sociale peut pousser certaines jeunes filles non excisées à faire le choix de l’être pour ne pas être exclues.  Par ailleurs, le cas de fistules présenté plus haut peut également être source d’exclusion. En effet, les fistules provoquent des incontinences urinaires, parfois fécales. La femme est par conséquent souillée et rejetée dans la sphère privée (le mari) et publique (la communauté).

Enfin, l’excision génère une source de revenus principale ou complémentaire non négligeable chez les exciseuses ; d’où la dimension financière sur cette question.

A Kolda, un combat contre l’excision mené par des femmes concernées et déterminées

La connaissance des facteurs de résistance et des conséquences de l’excision est primordiale. Au Sénégal, comme en France, les associations et structures militantes engagées mettent principalement l’accent sur cet aspect pour sensibiliser, informer les populations. Cependant, ce discours peut susciter bon nombre d’inquiétudes, d’appréhensions chez les personnes concernées s’il n’est pas nuancé. En effet, celui – ci peut parfois laisser à penser que cette pratique subie va impacter leur vie négativement et continuellement, sans qu’elles puissent surmonter cette épreuve. Il est donc important que le discours tenu s’affranchisse de cette vision fataliste pour en intégrer une résolument émancipatrice, résiliente, combattive.

C’est le cas  au Sénégal, de la ville de Kolda dans laquelle je me suis rendue. Là – bas, les femmes de tout âge militent, s’organisent, luttent contre l’excision. Leur engagement témoigne de leur détermination à combattre cette pratique portant atteinte gravement à leur intégrité physique.

A Kolda, les locaux du « Centre Conseil Ado » accueillent le club des  jeunes filles. Il permet à des jeunes filles de se former, de s’organiser collectivement dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En matière d’excision, diverses actions sont mises en place telles que les cercles  de parole ou encore les ateliers d’expression. L’un vise à libérer la parole pour extérioriser le traumatisme vécu ; l’autre à s’exercer au travail de prise de parole publique.  Ces deux exercices sont nécessaires pour mener à bien leur travail principal, celui de sensibiliser les populations concernées dans les zones les plus reculées, en brousse. Le club des jeunes filles de Kolda est la démonstration parfaite de leadership au féminin de femmes jeunes, déterminées et fortes !

Crédit : Dieynaba THIAM

Cette image valorisante est aux antipodes de celle généralement véhiculée sur les femmes excisées considérées comme victimes. Ce regard posé sur elles conduit parfois à leur invisibilisation, à la récupération de cette lutte par des associations et structures, avec généralement à leurs têtes, des membres fondateurs non concernés mais invités à s’exprimer sur l’excision lors de conférences pour apporter un éclairage professionnel, scientifique. Leur intervention, bien que pertinente, ne laisse que peu de place aux témoignages poignants des personnes concernées. En France, cette organisation interne ne m’avait pas questionné  jusqu’à mon arrivée au Sénégal et ma rencontre avec des jeunes filles et des femmes. A Kolda, j’ai pu observer que le combat est mené par des personnes concernées. Et comme on dit souvent chez Lallab, la parole aux concerné.es. Partant de leur histoire personnelle,  elles prennent la parole, elles sensibilisent,  elles rassemblent autour d’elles des personnes concernées et convaincues par l’importance de leur lutte. Qui pourrait mieux qu’elles s’engager et mener à bien ce combat  de manière légitime?

Les visages de la résistance

Face à une lutte d’une telle ampleur contre l’excision, le choix des mots, le choix des représentant.es ont leur importance. De part leur engagement, certaines d’entre eux.elles sont naturellement hissé.es au rang de figures emblématiques, de visages de la résistance. Leurs mots ont un poids, un impact considérable, véhiculant un message fort. Ce sont leurs visages et leurs messages qu’a voulu mettre en lumière le projet «  Les Visages de la Résistance ». A l’initiative de ce projet : Leyla Hussein, psychothérapeute, activiste sociale primée. Au côté du photographe Jason Ashwood, elle a établi une série de portraits mettant en scène des survivantes et des militant.es contre l’excision. De l’Angleterre en passant par la Somalie, pays dont Leyla Hussein est originaire, le projet a également été mené au Sénégal.  Soukeyna DIALLO, Aissatou KOUDJIRA, Fatou KANTE, ASSY DIAMANKA, Fatoumata TAMBA, Maimouna MBALLO ….Parmi ces visages de la résistance au Sénégal, celui de Mariama GNAMADIO a une dimension particulière pour moi.

Ma rencontre avec elle a été très riche autant sur le plan professionnel que personnel dont je témoignerai à travers un portrait qui lui sera consacré.

 

Exposition « Le Visages de la Résistance »à la Maison de la Presse, qui s’est tenue à Dakar, en 2017.

Crédit : Le quotidien

 

 

Mariama Gnamadio, activiste et animatrice de lutte contre l’excision, se tenant devant son portrait.

 

Crédit Image à la une : illustration pour Lallab par Helene Aldeguer autrice de BD politique et illustratrice, à retrouver sur Instagram sur son profil @helenealdeguer

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Nos Voix

La femme que je n’aurais jamais cru devenir

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]Retrouvez le témoignage de Dieynaba, l’une de nos incroyables Lallas, lors de notre Festival Féministe Lallab Birthday #2 à l’Institut du Monde Arabe.

Au commencement, était une petite fille noire.

Si elle devait résumer son enfance en quelques lignes, elle dirait :

L’amitié, c’était ses amies d’origines maghrébines et turques auxquelles elle s’identifiait.

Les voyages, c’était son pays d’origine, le Sénégal, qu’elle rejetait.

L’amour, c’était le couple formé par son frère et une femme blanche qu’elle admirait.

La danse, c’était sa passion qu’elle pratiquait avec les moyens qu’elle avait.

La religion, c’était le ramadan qu’elle respectait et la fête avec les sien·nes qu’elle célébrait.

 

Une période où sa couleur de peau détonnait, étonnait face au climat blanc général

Une période où ses origines étaient secondaires face à celles et ceux de son entourage amical

Une période où son pays d’origine ne suscitait pour elle aucune forme d’attraction, de désir

Une période où son métissage souhaité avec un homme blanc symbolisait l’avenir

Une période où sa pratique de la danse et de la religion n’avaient rien d’immoral

Monument de la Renaissance Africaine Dakar (Sénégal)

 

Aujourd’hui, cette petite fille a grandi, changé son regard sur bien des points

SA COULEUR DE PEAU, elle l’a acceptée

SA CULTURE, SES ORIGINES, elle se les est réappropriées

SON VOYAGE, elle l’a réalisé, en solitaire, pendant son ROAD TRIP africain, au cours duquel elle s’est rendue AU SENEGAL, son pays d’origine tant rejeté et dénigré, où elle rêve désormais de se rendre à nouveau et de s’installer

SON AMOUR, elle l’a trouvé au Sénégal, à Dakar, au pied du Monument de la Renaissance Africaine : un homme bien différent de la figure de l’homme blanc idéalisée et rêvée, car gage de réussite sociale ; idée soutenue par ce slogan «  Le métissage est l’avenir »

SA PRATIQUE DE LA DANSE ET DE LA RELIGION, elle l’a enrichi au fil des rencontres, des échanges, des performances dansées où elle a gagné en confiance et en assurance, convaincue que la religion et la danse peuvent s’exprimer dans un même corps

 

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT IDENTITAIRE, elle le doit à ses rencontres avec des femmes noires modernes, inspirantes, fières ; rompant avec l’image habituelle de la femme noire véhiculée par les médias. (ROKHAYA DIALLO, NICHOLLE KHOBI, AMANDINE GAY…etc.)

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT CULTUREL, elle le doit à ses amies, des femmes inspirantes, voyageuses ; l’encourageant à franchir le cap du voyage en solitaire, si bénéfique pour renouer avec sa culture et ses origines et s’affranchir de la tradition culturelle et familiale

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT SPIRITUEL, elle le doit à des femmes de sciences ; élevant sa connaissance et sa pratique spirituelle par la découverte du féminisme musulman.

Elle reconnaît, elle sait que

SON CHEMINEMENT ARTISTIQUE, elle le doit à des femmes artistes, bienveillantes, au grand cœur ; l’aidant à accepter son statut de danseuse qu’elle niait par l’absence d’une formation professionnelle suivie en danse

 

Elle reconnaît, elle sait que

Sans LALLAB

Ces rencontres de femmes si inspirantes,

Ces discussions si intéressantes,

Ces nouvelles connaissances si nourrissantes,

Ces nouvelles sources d’intérêt si passionnantes,

Ces transformations identitaires si étonnantes,

n’auraient jamais été possibles

 

 

ALORS, cette petite fille que j’ai été, devenue cette jeune femme qui se tient devant vous, vous dit

« MERCI »

de m’avoir aidé à accepter et à faire cohabiter mes identités multiples :

FEMME, NOIRE, MUSULMANE et DANSEUSE

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Diffuse la bonne parole

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Nos Voix

Le voyage, une quête identitaire et spirituelle

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Notre désir de voyager suscite parfois de nombreuses interrogations : «  Voyager, mais pourquoi ? ». C’est la question que me pose généralement ma mère lorsque je lui annonce mon projet de vacances et mon départ imminent.

 

Cette question me contraint à rendre des comptes. Elle me paraît tellement étrange que je ne sais quoi répondre. Elle me trouble et me fatigue à la fois. Pour d’autres, mes ami·e·s en l’occurrence, cette question laisse transparaître une once d’inquiétude, accrue cette fois-ci en raison de mon désir de voyager seule pour la première fois. Cette décision était mûrement réfléchie, car les voyages ont la particularité de nous faire apprécier ou au contraire rejeter certaines choses.

Le rejet d’un·e compagne·on de route en raison d’une conception du voyage incompatible avec la tienne. Le rejet d’une forme de discrimination en raison de ta couleur de peau. De manière (in)consciente, je choisis donc de partir seule, à l’aventure, dans deux pays qui constitueront mes destinations principales et dans lesquelles je ne craindrai pas d’être discriminée : le Sénégal et le Mali.

Influencée par l’exposition « Trésors de l’islam en Afrique » à l’Institut du Monde Arabe, faisant entre autres un tour d’horizon des plus belles mosquées africaines, je décide que la ligne directrice de mon voyage sera celle-ci. Au Maroc, avec la mosquée Hassan II ; au Sénégal, avec la mosquée de Touba ; au Mali, avec la mosquée de Djenné. Malgré la visée spirituelle de ce voyage, il semblerait que celle-ci ne suffise pas à convaincre mon entourage.

 

Mosquée Hassan II à Casablanca (Maroc) / Crédit : Dieynaba

 

L’incompréhension ressentie dans notre cercle familial ne relève pas uniquement d’un conflit de générations, mais également d’un conflit culturel et religieux. Un certain nombre d’années nous sépare de nos parents. Mais dans certaines cellules familiales, s’ajoute aussi la question de la culture, du religieux, interférant alors dans nos aspirations personnelles. Sans chercher à s’en soustraire, ces questions impliquent une réflexion, une remise en question.

La réelle nécessité de voyager me paraît pour ma part évidente. Le voyage tel que je l’ai pensé s’inscrit dans une démarche personnelle, au croisement d’identités qui peuvent être plurielles : africaine, danseuse, féministe, musulmane.

 

L’Ecole des Sables, fondée par Germaine Acogny, à Toubab Dialaw (Sénégal) / Crédit : Dieynaba

 

Des identités que tu questionnes, que tu renforces au fil des rencontres, des échanges, des sorties qui composeront ton voyage. Lors d’une de ces rencontres, nous avons brièvement échangé au sujet du voyage et de sa dimension culturelle : « Ce n’est pas culturel, chez nous, de voyager », me dit Khadija, une Sénégalaise qui ajoute n’avoir jamais quitté son pays natal. La mosquée de la Divinité à Dakar sera notre point de séparation, symbolisant la dimension spirituelle de ce voyage qui n’est pas sans provoquer une remise en question.

 

Mosquée de la Divinité à Dakar ( Sénégal) / Crédit : Dieynaba

 

Certain·e·s invoqueront la religion musulmane pour affirmer qu’une femme seule n’est autorisée à voyager que si elle est accompagnée d’un mahram, un homme qu’elle ne pourra jamais épouser en raison des liens de sang et de lait, ou bien à qui elle est déjà mariée. A partir de cette affirmation – texte à l’appui ou non – s’opère alors une remise en question. Mon projet de partir seule en voyage est-il vraiment acceptable si la religion ne le tolère pas ? Lever une interdiction dans la religion ne pourrait-elle pas me causer bon nombre de problèmes, tracas, soucis au cours de mon périple ? Pourtant, un voyage dont la visée est spirituelle ne pourrait-il être que béni par Dieu ?

Dans ce contexte, entre le poids des traditions culturelles et religieuses, il n’est pas facile de voyager sereinement. On essaie d’occulter ces questions, jusqu’à ce qu’elles ressurgissent lors de la préparation d’un prochain voyage, car évoquées par des membres de notre entourage familial et amical.

Et si ces personnes, bien qu’elles soient animées par des intentions sincères à notre égard, se taisaient ? Ne nous pensent-elles pas capables de faire nos propres choix en prenant en considération notre culture, notre religion ? Savent-elles ce qui nous anime réellement dans le fait de voyager ?

Mon intention n’est nullement ostentatoire. Ma démarche se veut sincère, personnelle, dans une logique de partage et d’échanges d’expériences.

Ces expériences de voyages relatées par des femmes de tous horizons sur les réseaux sociaux forgent le caractère, l’esprit, l’envie de franchir ce cap : celui de partir seule. A travers ces voyages et ces discussions entre femmes, c’est la construction de notre identité singulière dont il est question.

Une autre femme se construit, désireuse de liberté, d’indépendance, d’égalité… Un ailleurs devient possible :

Là-bas, où ton identité religieuse ne fera pas autant débat

Là-bas, où la vie semble plus paisible

Là-bas, loin des tiens, où tes décisions ne soulèveront aucune interrogation

Là-bas, où un sens plus profond guidera chacune de tes actions

 

On ne ressort pas indemne de ces voyages qui nous permettent d’apprécier ces moments rares de solitude, de quiétude, de nous ressourcer pour mieux nous retrouver, et ainsi déterminer la nouvelle orientation que nous souhaitons donner à notre vie, très éloignée de celle que nous menons.

En quête…

D’authenticité,

De simplicité,

De spiritualité.

 

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Portraits

Les cheveux, un marqueur capillaire et identitaire

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Fatou N’Diaye, Bloggeuse

Christiane Taubira , Ancienne Garde des Sceaux

Sandra Sainte Rose, Danseuse & Chorégraphe

Alice Diop, Réalisatrice

Aissa Maiga, Actrice

Imany, Chanteuse

 

 AFRO !                                                                   

 

Vous vous demandez certainement pourquoi ces noms et pas d’autres ? Parce que ces noms, CES FEMMES ont retenu mon attention, mon regard durant de longues minutes lors de l’exposition photo « AFRO ! » de la réalisatrice, journaliste, écrivaine, et militante antiraciste Rokhaya Diallo et la photographe Brigitte Sombié. Inspirée de leur livre du même nom, cette exposition contribue à donner encore plus de visibilité à leur projet initial, celui de faire reconnaître et de valoriser la beauté des afropéen·ne·s et tout particulièrement celle de leurs cheveux, s’opposant aux canons de beauté capillaires imposés par nos sociétés occidentales. La beauté serait-elle seulement synonyme de blancheur et de cheveux raides ? Cette exposition tend à s’opposer à cette idée encore partagée par beaucoup.

 

«  Les cheveux sont des cheveux. Cependant ils portent sur des questions plus larges : l’acceptation de soi, l’insécurité et ce que le monde considère comme beau. » Chimamanda Ngozi Adichie – The Guardian, 7 avril 2013

Photo de Chimamanda Ngozi Adichie

Crédit photo : Lakin Ogunbanwo for New York Magazine
 

Prononcée par la féministe nigériane dont le discours a été popularisé par la célébrissime Beyoncé dans sa chanson «  Flawless », cette phrase amorce l’exposition. Elle englobe et rappelle ce que les cheveux véhiculent comme message. Nos cheveux, et surtout notre rapport à nos cheveux se reflètent dans nos coiffures : nous les assumons pleinement, partiellement ou nous en rejetons l’aspect. La photographie illustrant ce propos est celle d’une femme afro-descendante avec un afro à la teinte assez claire dont le volume et l’ombre cachent légèrement son œil gauche mais laisse toutefois percevoir ce léger sourire qu’elle esquisse. BEAUTE, NATUREL·LE, ACCEPTATION DE SOI, FIERTE : Voilà les maîtres mots qui se dégagent de cette exposition, se prolongeant dans cette pièce aux murs blancs sur lesquels sont apposés des portraits de personnalités et d’anonymes qui ont accepté de se prêter au jeu de la photo pour véhiculer un message fort.

 

« Il est aussi important que les femmes noires gardent les cheveux naturels que les Chinoises ne se débrident pas les yeux. La beauté de l’humanité c’est que les beautés multiples s’assument et s’affichent. Elle s’appauvrit si on se ressemble tous. » Christiane Taubira, Ancienne Garde Des Sceaux.

 

«  Nous avons été tellement habitués à voir, dans les médias, des filles noires avec les cheveux au vent que c’est devenu notre critère de beauté. Etre noire et belle, c’était avoir des cheveux lisses. » Fatou N’Diaye, Bloggeuse.

 

Photo de Fatou N’Diaye

Crédit photo : © Brigitte Sombié

 

Notre révolution capillaire est en marche…

 

Comme le dit si bien Fatou N’Diaye -alias BlackBeautyBag, bloggeuse incontournable en matière d’esthétique capillaire dont les recommandations sont suivies et relayées-, être noire et belle ne signifie pas avoir des cheveux lisses. Bien que des personnalités d’envergure internationale telles que Beyoncé ou encore Naomi Campbell ont recours au lissage, des personnalités fortes telles que Fatou N’Diaye ou Solange Knowles s’y opposent farouchement. Malgré leur lien de parenté étroit, Solange et Beyoncé véhiculent deux messages forts opposés auxquels chacun·e d’entre nous peut s’identifier. L’une prône un retour au naturel affiché et assumé ; l’autre prône une esthétique capillaire bien plus lisse, avec une tendance à recourir aux extensions et aux tissages. Dernière polémique en date : un magazine britannique du nom de « London Evening Standart » a mis en couverture de l’un de ses numéros Solange Knowles, qui n’a pas du tout été satisfaite de la version définitive. En effet, la coiffure que Solange arbore fièrement sur la couverture a été tronquée, avec une esthétique beaucoup moins impressionnante que la version de départ. Je vous laisse en juger par vous-même.

 

Crédit photo : © 2017 CMI marketing

Etrange décision, alors que l’artiste attache une grande importance aux cheveux et surtout aux coiffures tressées qu’elle décrit comme un «  art à part ». Son formidable « Don’t Touch My Hair » ne semble pas avoir été entendu et compris par tou·te·s apparemment.

Mon propos, comme celui de l’exposition, n’a pas pour but de dénigrer ou de valoriser une esthétique plutôt qu’une autre. Elle vise à (re)donner la visibilité à « l’afro » trop souvent caché car moqué de ceux et celles qui le considèrent comme une négligence lorsqu’il est porté. Considère-t-on comme négligent·e celui ou celle qui attache ses cheveux en permanence sans les accessoiriser ? Bien que sûr que non ! Pour certains points, et l’aspect capillaire en faisant partie, les connotations négatives ne semblent concerner qu’une certaine catégorie de personnes, en l’occurence les personnes racisées.

Une réalité tout aussi tranchée lorsqu’il s’agit des cheveux tressés qui peuvent être considérés comme «  chic » ou « banal/ghetto/retro » en fonction de celui ou de celle qui les portera. A ce sujet, l’exemple le plus évocateur est bien entendu les fameuses tresses collées de Kim Kardashian. Rectification : les tresses collées que s’est gentiment appropriée Kim Kardashian de la culture africaine. C’est plus juste, non ?! Un parfait exemple de ce que l’on appelle plus communément l’appropriation culturelle. Le contexte actuel met en valeur la culture africaine, notamment d’un point de vue vestimentaire et capillaire, mais provoque dans le même temps une appropriation, une récupération de celle-ci par intérêt purement économique. Autre exemple : Stella McCartney, lors de sa collection printemps-été 2018 présentée lors de la Fashion Week à Paris dont les mannequins arborent des tenues créées à partir du WAX et vendues à un prix exorbitant. Pour les principales concernées, leur culture, reposant sur leurs propres codes vestimentaires et capillaires, n’a pas qu’une simple dimension économique. S’agissant de nos cheveux, ils ont une dimension avant tout politique, sociale et IDENTITAIRE. C’est bien de notre identité dont il est question, et il nous faut plus que jamais l’affirmer et la revendiquer. Faire de ce qui est considéré comme une différence, un défaut ou encore une anomalie, une richesse participant à l’amour de soi et à l’écriture d’une nouvelle définition plus inclusive de la beauté.

 

Alors, si vous n’avez pas vu l’expo « AFRO ! », vous savez ce qu’il vous reste à faire : Rendez-vous à la Maison des Métallos à PARIS (11ème). Faites vite, l’exposition ne dure que jusqu’au 29 octobre !

Crédit photo à la une : Plumelle

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(Dé)construction Nos Voix

Peut-on voyager partout quand on est une femme noire ?

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On peut dire qu’avoir un passeport français est un privilège : sûr·e·s d’obtenir notre visa pour quasiment tous les pays du monde, on a l’embarras du choix pour partir en voyage. Sauf que quand on est Noire, d’autres réalités entrent en jeu et les vacances peuvent vite avoir une drôle de saveur, nous incitant à réfléchir à deux fois avant de choisir notre prochaine destination…
« Cho – cho – chocolat, chocolat ! »

Non, il ne s’agit pas du dernier tube qui passe sur toutes les ondes de radio. C’est l’appellation utilisée par les habitant·e·s pour nous qualifier, ma sœur et moi, pendant nos vacances à Marrakech. Vous trouvez ça marrant, insignifiant ? Moi, je dirais plutôt insultant, rabaissant, humiliant… et j’en passe. Alors qu’en France, nous aurions certainement réagi de façon virulente, là-bas, nous adoptons un tout autre comportement : essayer de passer outre, faire mine de ne rien entendre… Horrible !
 
Déçue par cette expérience courte – mais amplement suffisante à mes yeux -, j’engage, quelques mois plus tard, la préparation d’un autre voyage avec une amie, cette fois en Inde. Plusieurs personnes essaient de me mettre en garde sur le fait que le Sud de l’Inde n’est pas une région connue pour son ouverture à l’égard des étranger·e·s, notamment de couleur noire. Sur mon nuage et très enthousiaste à l’idée de m’envoler vers cette destination, je minimise leurs propos et n’en mesure pas la portée. Pourtant, j’aurais dû…
 

Crédit photo : Manuel Secher

 
Voilà que j’arrive en Inde avec mon amie, pleine d’illusions, de rêves et d’espoirs. Les premiers jours se passent relativement bien, jusqu’au jour où nous arrivons à Pondichéry, dans la région du Tamil Nadu, au Sud de l’Inde. Nous décidons de nous rendre au marché pour nous mêler à la vie, à la population locale. Après avoir acheté ce qu’il nous fallait en fruits et légumes auprès d’une marchande, nous voulons nous prendre en photo avec elle. Et là, comment vous dire ? Je m’aperçois de manière claire et évidente que ma présence près d’elle sur la photo la gêne et qu’elle préférerait que mon amie, qui est blanche, prenne ma place. Je souris tant bien que mal, alors que je trouve la situation gênante, humiliante, et qu’immortaliser ce moment n’a vraiment aucun sens à mes yeux. Je garde pour moi le malaise provoqué par cette situation et mon mal-être d’être dans ce pays qui me rejette clairement du fait que je suis Noire. Je cogite, je me dis que je me fais des films, qu’il n’y a rien, que c’est dans ma tête… Mais non ! Tout ce que je vis, tout ce que je ressens de négatif dans mes échanges avec les locaux est bien réel. Le soir, je me confie à mon amie, qui me conseille de passer outre, d’ignorer… Plus facile à dire qu’à faire !
 
D’autant plus qu’au cours de notre voyage, je suis de nouveau confrontée à des situations tout aussi gênantes, comme les nombreuses fois où nos interlocuteurs·trices s’adressent uniquement à mon amie, même lorsqu’il s’agit de questions me concernant (hey, ho, je suis là !). J’ai déjà entendu que les étranger·e·s attirent beaucoup l’attention en Inde ; mais contrairement à la curiosité que suscite la présence de Blanc·he·s, ma couleur de peau suscite l’hostilité.
 
Après trois longues semaines et un passage au Sri Lanka, arrive enfin ce moment tant attendu : notre départ, ma délivrance. Jusqu’à la dernière minute, je suis pointée du doigt : lors de nos derniers instants au Sri Lanka, mon amie remarque que des personnes me regardent avec insistance et se moquent de moi dans la rue (je ne savais pas que c’était si hilarant de voir des Noir·e·s, mais why not ?). Visiblement, sous d’autres latitudes, les gens ne sont pas non plus habitués à voir des Noir·e·s : à l’aéroport, un couple originaire d’un pays de l’Est me dévisage…
 

Pourquoi ?

 
Avec le recul, j’essaie de comprendre… Comment de tels comportements, qu’il s’agisse du Maroc ou de l’Inde, peuvent-ils s’afficher si ouvertement ? Malheureusement, je crains qu’il soit monnaie courante dans ces pays d’interpeller les Noir·e·s en les qualifiant de « chocolat » ou encore de les regarder avec insistance, avec moquerie, avec dédain. Ma vision idéaliste me faisait supposer – à tort – que ces pays adoptaient, conformément à leurs religions, des valeurs humanistes, de tolérance et d’ouverture d’esprit. Malheureusement, l’Histoire montre combien les Noir·e·s, réduit·e·s à leur couleur, ont fait l’objet de discriminations et de persécutions.
 
Alors, je me questionne… Qu’est-ce que cette couleur renvoie de si terrible, de si violent intérieurement pour que l’on ait envie de l’extérioriser en blessant tant physiquement que verbalement ?
 
Au sein même de certaines communautés, la couleur de peau est à l’origine de discriminations, la blancheur étant considérée comme le critère ultime de beauté. En Inde, un mouvement appelé « Fair and lovely » (Claire et belle), promouvant et incitant à la blancheur, avait été lancé sur les réseaux sociaux… Ce à quoi le slogan « Unfair and lovely » avait répondu en guise de contestation. Comme le demandait Rokhaya Diallo lors d’une conférence à laquelle j’ai assisté, la beauté serait-elle réservée aux Blanc·he·s ?!
 

Photo avec le hashtag « Unfair and lovely », célébrant les peaux foncées
 
Des mentalités, des points de vue orientés s’inscrivent, comme des traditions, et se perpétuent de génération en génération. Il s’avère donc difficile de bouleverser ce qui est déjà bien ancré dans les esprits en termes de conception de la beauté, de relation à l’autre dans le respect des différences liées à la culture, à la religion, à la couleur de peau.
 
Aujourd’hui, je ne peux plus refréner l’énervement, l’agacement profond qui m’envahit lorsqu’un garçon me regarde avec insistance à la caisse d’un supermarché, que des serveurs·ses nous dévisagent, mes sœurs, mes cousines et moi lorsque nous allons boire un verre, ou qu’un serveur refuse de placer et de servir mon frère dans le restaurant dans lequel il souhaite manger.
 
J’ai finalement choisi de boycotter purement et simplement les destinations où je sais que je rencontrerais de telles discriminations. Est-ce la bonne solution ? Je n’en suis pas convaincue, mais c’est la seule que j’ai trouvée à ce jour. Toutefois, à celles et ceux qui trouvent cette solution radicale, à celles et ceux qui justifient ces discriminations par le fait qu’ « ils·elles ne sont pas habitué·e·s à voir des Noir·e·s », je leur répondrai qu’il est difficile d’entendre ce genre de discours simplistes à notre époque – surtout que cela n’efface pas le tort causé et le mal-être que ces rejets provoquent.
 
 
Crédit image à la une : Oneika the traveller
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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction Nos Voix

Noire et musulmane, mon identité est multiple

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« Tu connais MHD ? Tu dois comprendre les paroles, alors ? »
« Y a beaucoup de Maliens à Montreuil, hein ?! »
« Hein ?! Tu bois pas d’alcool ? Elle doit être triste, ta vie ! »

 

De cette soirée que j’ai passée, je retiens ces trois phrases prononcées par deux hommes que je ne connaissais pas. Je m’en souviens comme si c’était hier, ce qui prouve l’empreinte négative qu’elles ont laissée dans mon esprit. Je n’avais rien demandé, pourtant… La soirée avait si bien commencé… Mais c’était sans compter ces trois phrases que j’essaie tant bien que mal de décrypter depuis.

 

Non, je ne parle pas « l’africain »

 
La première me fait doucement rire et m’agace à la fois. De son point de vue, il me semble que cet homme est parti du postulat le plus simpliste qu’il m’ait été donné d’entendre, à savoir que les Noir·e·s parlent et comprennent tous la même langue. Ô toi, homme que je ne verrai certainement plus, sache que les Noir·e·s ne parlent pas tous la même langue car en « Afrique » aussi bien qu’en Europe, il n’existe pas une seule langue commune à tou·te·s. Désolée de te décevoir.

L’Afrique n’est pas un « grand pays », il serait temps que nous arrêtions de parler de « l’Afrique » comme étant un territoire homogène, sans nuances.
 

 
L’Afrique est un CON-TI-NENT qui compte 55 Etats et sur lequel plus de plus de 2 000 langues sont dénombrées, dont une centaine serait maîtrisée par plus d’un million de locuteurs. Les langues les plus parlées seraient, selon des sources très variables et parfois divergentes, dans cet ordre : l’arabe (plus de 150 millions de locuteurs), le kiswahili (plus de 100 millions), l’amharique (entre 28 et 50 millions), le haoussa (entre 18 et 50 millions), le yorouba (30 millions), l’oromo (25 millions) et l’ibo (24 millions), avant le lingala (entre 2 et 25 millions, selon les sources) puis le kinyarwanda et le kirundi (entre 15 et 20 millions), deux langues cousines qui partagent avec l’isizoulou et l’isixhosa (respectivement, 10 et 8 millions de locuteurs) leur appartenance au grand sous-groupe des langues bantoues. Bref. Voilà pour « la langue africaine ».
 

Non, ce n’est pas parce que je suis noire que je connais tou·te·s les Noir·e·s

 
Il arrive très souvent que l’on me pose des questions sur le « type » de population vivant dans mon quartier. « Il y a beaucoup de Maliens à Montreuil, hein ? » Je suppose que cet homme voulait signifier que j’étais en mesure de recenser le nombre de Malien·ne·s vivant autour de moi. Car comme eux, je suis noire. Evidemment, puisque selon lui, entre Noir·e·s, nous nous connaissons tou·te·s… Il ne nous viendrait bien sûr pas à l’esprit de demander à Pierre du XVème s’il y a beaucoup de Portugais·es dans son quartier parce que l’on suppose qu’il les connait tou·te·s. Il serait absurde de penser que la couleur de peau comme dénominateur commun fait de nous des êtres identiques et appartenant au même cercle.
 

Je ne bois pas d’alcool et je vais bien, merci

 
Pour finir, j’ai eu droit à une phrase concernant mon rapport à l’alcool, ou devrais-je plutôt dire mon non-rapport à l’alcool. Sous prétexte que je ne bois pas d’alcool, certaines personnes estiment que je ne profite pas assez, que je passe à côté de ma vie… Je ne savais pas qu’il existait un lien étroit entre boire et profiter de la vie. Pour ma part, « profiter de la vie » passe par de tout autres manières d’agir, comme me retrouver en famille, avec mes amies, faire de nouvelles rencontres, voyager, etc. Pour expliquer mon comportement, j’aurais pu invoquer des raisons religieuses difficilement audibles dans le contexte dans lequel je me trouvais. Alors, j’ai préféré me taire pour ne pas m’engager dans un débat sans fin – qui lui aurait certes peut-être permis d’accepter et de respecter celles et ceux qui agissent à contre-courant de cette norme qui encourage la consommation d’alcool.
 

Ma différence, c’est ma force

 
Malgré un contexte difficile, cultiver ma différence et affirmer mon identité culturelle et religieuse ne m’a jamais tenu plus à cœur qu’aujourd’hui.
 

Crédit photo : Lallab

 
Il est vrai qu’étant originaire de province, plus précisément d’une commune portant le doux nom de Brive-la-Gaillarde, je n’avais jamais ressenti le besoin de me démarquer, mais plutôt de suivre une norme. Une sorte de mimétisme involontaire, lié à mon groupe d’appartenance, composé essentiellement de personnes d’origine maghrébine – j’étais la seule Noire de ce groupe mais aussi du quartier dans lequel je vivais. Minoritaire, je me laissais bercer par leurs influences diverses : musique, nourriture, robes, … Par exemple, à l’occasion de mariages, il me semblait inconcevable de porter des robes sénégalaises, les considérant inappropriées à des mariages marocains. Aujourd’hui, fort heureusement, mon point de vue sur la question a évolué.

Non seulement j’ose porter des robes traditionnelles lors de mariages de cultures variées, mais également dans mon quotidien. Dès qu’arrive le mois béni du Ramadan, en plus d’être impatiente de le vivre et d’en tirer tous les bénéfices possibles, j’ai aussi hâte de faire confectionner une nouvelle tenue que je vais pouvoir arborer fièrement lors de la fête de l’Aïd et en d’autres occasions. L’art vestimentaire, le pouvoir du wax (tissu ayant reçu un cirage sur les deux faces, aux motifs et aux couleurs variées) participe à mon affirmation culturelle, que je développe par d’autres biais, dont l’art capillaire. Pour ma part, l’art capillaire passe par un retour à l’afro. Ce mouvement afro-capillaire est très en vogue à l’heure actuelle et réunit de plus en plus d’adeptes. La règle : assumer ses cheveux naturels, autrement dit son afro, et délaisser les produits les dénaturant (défrisage, tissage, …). La finalité : devenir une nappy girl (contraction de natural et happy) ! Mais comme le dit si bien Solange Knowles : don’t touch my hair – je défends quiconque de toucher mes cheveux.
 

Crédit photo : Solange Knowles – Don’t touch my hair

 
Solange Knowles, la bloggeuse de Black Beauty Bag Fatou N’Diaye, Rokhaya Diallo, la page Facebook « Sois une nappy », etc. : toutes ces figures mettent en lumière la diversité et la beauté des femmes africaines qui n’ont pas besoin de recourir à des artifices pour s’assumer pleinement. Cette vision dans laquelle je ne me suis pas reconnue au départ, mais à laquelle j’ai été de plus en plus sensible, m’a encouragée à remettre en question mon rapport à mon corps, plus exactement à mon identité, à l’image que je voulais renvoyer : celle d’une femme revendiquant sa culture, ses origines au travers de ses coiffures et de son style vestimentaire laissant transparaître une touche africaine.

Mon point de vue sur ce sujet a évolué, car bien que présentant un certain nombre d’inconvénients (les transports en commun, les retards, les bouchons et j’en passe !), Paris a toutefois l’avantage de concentrer des groupes de populations auxquels il est possible de s’identifier, ce qui n’est pas forcément le cas en province. Ainsi, une personne noire portant une coiffure afro pourra être pointée du doigt par des gens qui estiment qu’elle n’est pas coiffée, alors que c’est le cas. Contrairement à ce que les gens ont coutume de penser, porter l’afro nécessite beaucoup d’entretien ; il ne s’agit pas de laisser ses cheveux à l’air libre au risque de les voir se casser.

A titre individuel, mon cheminement culturel et identitaire est en cours et est en bonne voie, me semble-t-il. Néanmoins, d’un point de vue collectif, il reste des points à améliorer pour permettre à chacun·e d’avoir accès à des leviers à partir desquels s’opèrera une pleine prise de conscience de la richesse et de la beauté de sa diversité culturelle – qu’il·elle décidera ou non d’affirmer.
 
 
Crédit image à la une : Ben Biayenda
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Vers une recherche de sens du Ramadan

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Plus que quelques mois.
Quelques semaines…
Quelques jours et…
Le voilà, enfin arrivé !

 

Notre mois béni, comme on aime si bien à l’appeler : LE RAMADAN

 

Le Ramadan, une tradition séculaire et familiale

 

Le Ramadan fait partie des 5 piliers de l’Islam ; les quatre autres étant la croyance en un Dieu unique, l’aumône, l’accomplissement des 5 prières rituelles et le pèlerinage à la Mecque. Concernant le Ramadan, ce rite est évoqué dans le Coran, dans la sourate 2, « Al Baqarah » (La vache) dont les versets en question sont traduits ainsi : « (Ces jours sont) le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc, quiconque d’entre vous est présent en ce mois, qu’il jeûne ! »

 


 
En tant qu’enfants, il n’est pas toujours facile de comprendre dans quel cadre s’inscrit le Ramadan. Les raisons, les motivations nous poussant à suivre cette pratique étaient au début pour moi plus de l’ordre du mimétisme. On fait comme nos parents, nos frères et sœurs, tout simplement ! Alors que j’étais en classe de CM2, m’approchant du portail quelques minutes après la sortie des classes, une femme venant chercher sa fille s’étonne de me voir manger et s’adresse à moi sur un ton réprobateur, jugeant qu’il était de mon devoir de faire le Ramadan à mon âge. Contrairement à elle, mes parents me considéraient trop jeune pour accomplir le jeûne – il est en effet d’usage pour les jeunes de commencer le Ramadan à la puberté. Bien que certains enfants ne l’accomplissent pas à cet âge, le jour de fête célébrant la fin du Ramadan réunit toute la famille, petit·e·s et grand·e·s, quitte à louper une journée d’école ! C’est le moment aussi d’enfiler sa plus belle tenue, achetée quelques semaines plus tôt, d’aller chez l’épicier du quartier car tous les enfants ont entendu dire qu’il donnait des bonbons ce jour-là, de jouer avec ses copains-copines en bas de l’immeuble, d’imaginer les motifs à donner au directeur pour justifier notre absence… Que de bons moments remplis d’amour et de partage avec nos proches !

Au fil des années, à partir du collège, le Ramadan prend une toute autre dimension. Il devient une marque d’affirmation de notre pratique religieuse, de notre identité religieuse partagée par d’autres. Ces autres qui sont généralement des ami·e·s de quartier, scolarisé·e·s dans le même établissement et avec lesquel·le·s une solidarité se crée naturellement. Le jeûne, sa dimension rituelle, est accompli, respecté ; cependant, sa dimension spirituelle n’est pas ou peu conscientisée. Jusqu’au jour où nous cherchons à aller plus loin, à approfondir notre pratique et science de la religion, à ne pas considérer les choses comme une simple privation alimentaire.

 

La dimension spirituelle et sociale du Ramadan

C’est bien plus qu’une privation alimentaire.

C’est un cheminement spirituel,

C’est un véritable détachement matériel.

Cet état d’esprit «  ramadanesque », auquel j’adhère totalement, est certainement partagé par d’autres musulman·e·s de France. Pour mettre en application cet état d’esprit, il est indispensable de se fixer des objectifs très concrets. Pour ma part, je souhaitais partager avec vous mes objectifs durant ce mois de Ramadan :

 

Crédit photo : Muslim Mall | Le blog
 

  1. Réduire le gaspillage alimentaire
  2. Lire le livre sacré
  3. Prier « al fajr » à l’heure
  4. Aller à la mosquée
  5. Rester naturelle et sobre

 

Durant ce mois béni, étonnement, la consommation des musulman·e·s de France augmente de façon vertigineuse alors que nous sommes censé·e·s moins manger, donc moins consommer. Au moment de la rupture du jeûne, il est si agréable de voir une table bien garnie, mais il est encore plus essentiel de s’inscrire dans une démarche citoyenne anti-gaspillage pour respecter celles et ceux qui ont moins.

Chaque année, je me fixais comme objectif de lire le Coran, ce qui me paraissait insurmontable. Cette année, à l’aide d’un outil créé par « Imane Magazine », je poursuis mon objectif un peu plus chaque jour. Cet outil se compose de deux fiches et prend la forme d’un planning de lecture de Coran. Cette lecture hebdomadaire est très riche à la fois intellectuellement et spirituellement. Je ne la raterais pour rien au monde. Elle fait partie de mon rituel nocturne.

Autre objectif : prier « al fajr » à l’heure. Cette prière de l’aube est très méritoire pour celui ou celle qui l’accomplit à l’heure. Ce mois béni est l’occasion de surmonter sa fatigue très accentuée et de trouver la force spirituelle de se lever et de prier. Et quelle satisfaction j’éprouve lorsque j’y parviens.

La maison de Dieu, la Mosquée, accueille plus de musulman·e·s qu’habituellement durant cette période. Hommes et femmes  s’y retrouvent pour prier et accomplir des prières surérogatoires appelées « tarawih ». Cette salle de prière située à 10 minutes à pied de chez moi m’incite à m’y rendre dès que j’en ai la possibilité, et la motivation est d’autant plus grande lorsque je partage ce moment avec mon amie.

Bien que je ne l’aie lu dans aucun livre, mon esprit assimile le Ramadan avec l’idée de la sobriété concernant mon aspect physique. Pour ma part, j’ai décidé par exemple de ne pas me maquiller du tout pendant cette période mais chacun·e est libre de répondre à ce « critère » de sobriété comme il·elle l’entend.

Tout en respectant les prescriptions obligatoires, durant le Ramadan, chacun·e peut se fixer des objectifs personnels. Bien entendu, mes objectifs ne sont pas universels. Chacun·e doit trouver ceux qui auront du sens à ses yeux et qui seront atteignables. En effet, il est courant d’éprouver de la déception à la fin du Ramadan car nous n’avons pas pu accomplir telle ou telle chose. La déception n’est pas le sentiment qui doit nous habiter à la fin du Ramadan. C’est un sentiment de plénitude spirituelle, d’entière satisfaction qui doit nous envahir, estimant que nous avons vécu un mois riche et bénéfique, et qui le sera d’autant plus l’année prochaine si Allah nous accorde de le vivre avec nos proches.

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Diffuse la bonne parole

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