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(Dé)construction

Top 7 des pépites, absurdités et dérapages islamophobes du mois d’octobre: Partie I

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Il y a un mois, la France a vécu des évènements tragiques qui nous ont tou.te.s touché.e.s. Les traitements médiatiques de ces attaques terroristes, au vu des éléments d’enquête et des revendications qui rapprochent nécessairement ces méfaits de la religion musulmane, laissent parfois place à d’importants glissements et dérapages dans les débats télévisés notamment, qui nous rappellent ô combien les musulman.e.s sont loin d’être épargnés par la stigmatisation, et surtout dans quelle mesure cela va en s’empirant. 

 

Un discours politico-médiatique quotidien qui culpabilise, crée des ponts directs entre les musulman.e.s et le terrorisme islamiste, s’engage dans une guerre contre l’extrémisme qui finit par ne plus voir ses limites, menant à des répercussions directes sur les musulman.e.s, des discours légitimant l’islamophobie… Nombre d’entre nous essayent d’épargner tout cela à notre santé mentale en s’éloignant des écrans, en particulier les écrans télévisés. Editions spéciales, éditoriaux, débats, confrontations, lunettes rouges de Pascal Praud… On vous emmène en voyage à travers les allégations les plus surprenantes que nous avons pu entendre le mois dernier, car mieux vaut parfois en rire. 

La récurrence de ces propos et schémas de pensée qui reviennent depuis des années maintenant  nous a cette fois mené à basculer notre approche vers un format dossier : il s’agira cette fois d’en analyser les mécanismes.  Je préfère le préciser, il ne s’agit pas ici de vous proposer LE florilège ultime, ce serait un énorme travail dont je n’ai pas la prétention! J’ai seulement tenté  de sélectionner au moins les plus drôles, les plus marquants, sympathiques, et surtout ceux qui nécessitent le plus urgemment d’être déconstruits, tant ils gagnent en terrain dans l’opinion collective.

Préparez les popcorns !

 

 

 

 

1. Désolidarisons-nous du terrorisme en retirant nos voiles au moins pour rassurer Elisabeth Lévy, ou le degré zéro de l’islamophobie.  Sur Cnews

 

En première position, on a du lourd. On se croirait dans une série cliché sympa avec ce petit leitmotiv de la femme musulmane que l’on dévoile, mais en bien pire. Parce qu’ici, non seulement on la dévoile pour un présumé lien avec le terrorisme, mais en plus c’est la vraie vie. 

  La fameuse heure des pros de Cnews. Nous découvrons que les musulman.e.s, plus particulièrement les femmes musulmanes, pourraient avoir une façon bien particulière de rendre hommage à Samuel Paty. Elisabteh Lévy s’étonne en effet de ne pas avoir vu de musulmanes se dévoiler, pour le temps d’« une semaine ou quelques jours», se mettant même à la place de ces femmes, qui devraient penser selon elles : « Mon voile est aussi l’uniforme des ennemis de la France ». 

Ce qu’il faut noter dans l’idée de cette fervente défenseuse du « droit à l’islamophobie », c’est que d’une part, le voile islamique, sans la moindre nuance, se trouve essentialisé à « l’uniforme » de ces dits ennemis de la république. Ce caractère totalisant est un premier problème : en plus de nier la pluralité des femmes qui portent le voile et la façon de le porter, on nie leur faculté de conscience. En effet, on assigne au voile une valeur idéologique innée, (qui plus est, est très violente, on parle quand même d’ennemis de la république) et ce sans que celles dont il couvre les cheveux aient leur mot à dire. Le voile est ainsi détaché du lien personnel avec l’individu qui le porte. Le voile est désigné comme un objet, celui même d’une scission directe, essentielle et irrémédiable avec la république. Mon voile que je crois être mien ne serait donc pas mien du tout, je serais en fait déguisée en ennemi de la république, et je ferais savoir mon approbation des actions de ces derniers par le port de ce vêtement. Halloween à une semaine d’avance. 

 L’acerbe violence de ce propos tient donc au fait que le port de ce voile islamique soit assimilé à une solidarité latente et constante envers ces ennemis et ce avant de faire partie de l’identité de la femme, d’un choix vestimentaire (que rappelons-le, la République elle-même ne reconnaît pas en tant que religieux mais en tant que simple habit comme tout autre comme le stipule le fameux article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat). Selon Elisabeth Lévy ainsi, la femme musulmane qui porte le voile, le porte peut-être parce qu’elle en a envie, mais elle n’est pas censée ignorer ce qu’elle représente : une ennemie de la république. On associe des femmes musulmanes, qui n’ont absolument rien demandé, tout autant meurtries et endeuillées que le reste de la communauté nationale (encore et toujours devoir le préciser…) à l’expression du pire de la sauvagerie humaine. Un cas d’école. La définition la plus simple de l’amalgame. De l’islamophobie banalisée. Les musulman.e.s ne se victimisent pas mais ne font que constater.

 

 

Alors, non, permettez aux femmes qui portent le voile d’en décider : leur voile leur appartient et n’est l’uniforme de rien d’autre que de ce dont ELLES décident !I still wrap my hijab ! 

Tous ces raccourcis, entre de simples pratiques religieuses personnelles, qui pourtant s’inscrivent dans le cadre de la loi, et les idéologies les plus radicales, dénote d’une certaine paresse intellectuelle dans la façon dont les médias appréhendent les musulman.e.s. Ils sont d’une rapidité qui mène directement à la stigmatisation, et rompent par conséquent tout dialogue. Phénomène assez paradoxal quand de fait, les musulman.e.s sont en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. 

 

 

2. « Il ne faut pas avoir peur d’être islamophobe ou d’être traité d’islamophobe ». Retour sur le terme « islamophobie ». Idée proposée à plusieurs reprises, qui a émergé depuis longtemps sous la forme du débat. Dernièrement par Marine Le Pen mais aussi par d’autres.

 

Et bah oui… Pourquoi en rougir finalement ? Il ne s’agira même pas ici de s’attarder sur le fait qu’il n’y ait pas à s’inquiéter : l’islamophobie est largement décomplexée dans le discours médiatique et politique depuis plusieurs années. En dehors des propos de la vidéo de Marine Le Pen, il s’agit surtout de s’intéresser à l’utilisation du terme islamophobie, et de voir en quoi ces déclarations montrent que sa définition est faussée.

Il semble que la construction du terme soit effectivement le meilleur prétexte à libérer les passions. La sémantique entre pour une fois en jeu et le mot est pris en son sens littéral, permettant les meilleures dérives vers un réel déni parfaitement assumé de la dimension islamophobe de l’acte. La définition de l’islamophobie est complètement évacuée et tronquée ; l’islamophobie ne serait ainsi rien d’autre que la peur, le rejet, la critique de la religion musulmane, et pourquoi pas des musulmans. Construit sur la racine du grec ancien « phóbos » (peur) et du terme « islam », on semble vouloir le situer sur un pied d’égalité avec des peurs de même type que l’arachnophobie.

On a pourtant très rarement pu voir quelqu’un justifier publiquement et impunément l’homophobie, ou la négrophobie par exemple, en tant que « phobies » légitimes. Des mots construits sur la même sémantique (construction que l’on peut effectivement contester en outre) mais sur lesquels il y a un consensus collectif au sein de notre société pour les définir comme relevant de la haine, du rejet et du mépris des minorités qu’ils désignent. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’islamophobie est reléguée au statut d’opinion, ce qui crée alors une confusion importante, car les actes de violence et de discrimination envers les musulman.e.s sont ainsi invisibilisés, et dissimulés derrière une fausse définition de ce qu’est réellement l’islamophobie. 

L’islamophobie désigne donc « l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des individus ou des institutions en raison de leur appartenance réelle ou supposée à l’Islam.»(CCIF). Non, l’islamophobie ne qualifie pas un avis ou une critique intellectuelle, ni une simple peur. Intéressons-nous au droit français.  Voici un extrait de l’article 225-1 du code pénal ; « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison […] de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » Ou revenons-en peut-être seulement à la devise de la France : « Liberté, égalité, fraternité » Alors, s’il est nécessaire de le dire sans détour : non, il n’est en France ni normal ni légal de se revendiquer, islamophobe, ni de légitimer cela. Un retour sur la définition que l’on donne aux mots semble particulièrement nécessaire, et cet usage du terme islamophobie traduit donc un réel déni de ce problème dans notre société. 

 

 

Encore faut-il identifier tous les discours qui permettent de l’entretenir

 

 

3. « On vous demande pardon, car il a été décapité au nom de notre religion ». Hassan Chalghoumi le 19/10 

 

(Re)lire : “Communiqué Lallab : sortons de cet engrenage de violences”

L’imam Hassan Chalghoumi en hommage à Samuel Paty.

Dur dur quand l’islamophobie est même alimentée par … des musulmans. Mais en même temps, nous ne sommes pas à la première phrase du genre de notre représentant préféré et unanimement désigné. Que voulez-vous, évidemment, on ne peut rien reprocher à ce porte-parole exhaustif de tous les musulmans. Nous sommes maintenant habitués, après ces longues années, à toutes ces sorties fédératrices et pleines de perspicacité. Non vraiment on vous assure, nous n’avons pas du tout l’impression qu’il est si souvent mis en valeur pour sa capacité à valider en tant qu’imam ces discours médiatiques qui culpabilisent les musulmans, à montrer une docilité et même une approbation parfaite face à des discours islamophobes. 

Il est très important, pour tout le monde, d’exprimer sa condamnation ferme des agissements que nous avons connu, ainsi que son soutien aux victimes. Mais condamner et s’excuser sont deux actions fondamentalement différentes. Je dirais même que s’excuser au nom des musulman.e.s est peut-être la pire chose à faire. Déjà, cela établit un lien explicite et direct entre « les musulman.e.s » et des attentats de type terroristes… dont ils ont souvent été elleux-même victimes ! On oublie complètement que les musulman.e.s peuvent être directement touché.e.s au même titre que les autres, parce que surprise : ils/elles sont pour la plupart français.e.s ! Je suis bien triste d’avoir à le rappeler. Et cette façon d’essentialiser les musulman.e.s, de se désigner porte-parole, d’une parole qui ici nous stigmatise et nous dessert plus qu’autre chose… quel dommage. Disons-le. Ce raccourci est douloureux car il place les musulman.e.s dans un rôle de complicité. Cessons d’opposer français.e.s à musulman.e.s. Cessons de lier sans complexe les terroristes aux musulman.e.s. Nous sommes autant touché.e.s que les autres, nous n’avons pas à présenter d’excuses. 

Pour lire la deuxième partie de l’article, c’est par ici.

 

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Diffuse la bonne parole

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Portraits

Racky Ka-Sy, spécialiste de l’impact psychologique du racisme

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Racky Ka-Sy est psychologue. Elle exerce dans son cabinet, à Chantilly, dans l’Oise, à environ 55 kilomètres de Paris. D’abord destinée à la recherche, elle revient sur son parcours, tout en nous expliquant les ravages psychologiques du racisme intériorisé.

 

Le long chemin vers l’étude de ce phénomène

 

Née à Creil, Racky Ka-Sy est d’origine sénégalaise. Après un bac S, elle se lance dans des études de mathématiques et d’informatique durant 2 ans à Cergy-Pontoise. « Je n’aimais pas ça, alors j’ai lu beaucoup de philosophie ». En effet, on lui a souvent répété qu’il était « plus simple de basculer d’un parcours scientifique vers une voie littéraire que l’inverse ». Elle explique que la psychologie vient historiquement de la philosophie. Une fois tombée par hasard sur un ouvrage là-dessus, sa conception du monde a été bouleversée. « Je me disais : c’est génial ! Cela permet de répondre à des questions philosophiques par des moyens scientifiques ». Renonçant au dilemme littéraire versus science, la jeune étudiante se réoriente en psychologie, continuant le reste de ses études à l’université Paris V Paris Descartes. Suite à son Master 2, elle décroche une bourse accordée par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Ce financement lui a permis de réaliser sa thèse, intitulée Menace(s) du stéréotype et perception de soi : comment modérer l’impact des réputations négatives sur les membres des groupes stéréotypés ? Le cas des femmes et des Noirs de France. Il est d’ailleurs possible de la lire sur ce site.

 

Comme l’indique ce titre, la thèse de Racky Ka-Sy est divisée en deux parties. L’étudiante, dès son mémoire en master 2, travaillait principalement sur les femmes, ce qu’elle a poursuivi durant sa première année de recherche. Puis, une polémique. « Le sociologue Hugues Lagrange avait écrit Le déni des cultures, ouvrage dans lequel il explique qu’il existe une corrélation entre l’origine ethnique et la délinquance, pour les Noir·e·s et les Arabes ». Cela a profondément marqué l’étudiante, qui n’y avait jamais pensé. En effet, son père l’a toujours incitée à être la meilleure de sa classe. « Mon père est hyper strict. Si j’avais 12 et qu’un·e camarade avait 19, il me disait que c’était de ma faute », rit-elle. Elle est d’ailleurs devenue première de sa promotion, à l’université. « On ne m’a jamais appris à faire attention à ma couleur, je ne l’ai jamais perçue comme un frein, même en étant quasiment toujours la seule Noire de mes cours ». Cette polémique a néanmoins contribué à développer la suite de ses travaux, s’intéressant à l’impact des stéréotypes racistes sur les individus. « Mon directeur de recherche était à la fois américain et indonésien, très ouvert d’esprit, donc il a tout de suite accepté ». Elle évoque également un paradoxe. « Durant mes études de psycho, on parlait beaucoup des Afro-américain·e·s, mais jamais des Noir·e·s en France, il y a un tel tabou qu’on ne se regarde même pas ». Racky Ka-Sy est donc à l’origine de la première étude sur l’effet de menace du stéréotype des personnes noires dans l’Hexagone. Cet aspect novateur a été unanimement salué par le jury.

 

Une prise de conscience tout au long de sa thèse

 

Pap Ndiaye. Crédit : Robert Kluba.

 

La psychologue insiste sur le fait de s’être, au fil des lectures, rendue compte du racisme. « Jusqu’à la thèse, je n’en avais pas conscience, ce n’est pas quelque chose qui m’a bloquée ». Suite à la polémique, elle a lu plusieurs ouvrages à ce sujet. Elle évoque notamment La condition noire, essai sur une minorité française de Pap Ndiaye, publié en 2008. Ce dernier a d’ailleurs fait partie de son jury, très intéressé par les travaux de la docteure. « Le fait de travailler là-dessus commençait à m’affecter, je suis devenue plus attentive à mon environnement ». Elle se souvient par exemple de certains épisodes lui étant arrivés plus jeune. A 15 ans, en se rendant au laboratoire afin de récupérer les résultats de sa mère, il lui a été demandé si elle parlait français. « Sur le moment, je me suis simplement dit : pourquoi elle me dit ça ? Mais je n’ai pas songé à ma couleur de peau », confie-t-elle. Désormais, elle se rend compte de certains comportements racistes, y compris dans le métro, où il lui est déjà arrivé qu’une « personne souffle, regarde en l’air », paraissant agacée, simplement parce qu’elle s’est assise près d’elle. La psychologue évoque également le racisme d’un caissier, vérifiant uniquement les billets de Racky Ka-Sy. « Je lui ai demandé pourquoi il était vigilant avec moi. Il m’a expliqué qu’il était stressé en raison de ma présence, que son chef l’observait et que cela l’avait incité à faire attention avec moi, parce que je suis noire ».

 

Tout cela renforce donc la « menace du stéréotype ». Il s’agit de la crainte éprouvée par une personne, lorsqu’elle estime qu’elle risque de confirmer des stéréotypes associés à son groupe. Le premier type de menace du stéréotype consiste à avoir peur d’être personnellement perçu·e comme confirmant les stéréotypes. Il s’agit par exemple de craindre d’échouer ses études, ce qui risque de détruire notre confiance en soi et de renforcer le fait de se trouver absolument médiocre. Quant au deuxième type de menace du stéréotype, cela consiste à avoir peur de ne pas être un bon ambassadeur pour notre groupe. Ainsi, la psychologue mentionne les travaux d’un professeur de psychologie aux Etats-Unis, Claude Steele, qui est à l’origine de la théorie. Ce dernier a eu ses premiers soupçons lorsqu’il a interrogé plusieurs étudiant·e·s noir·e·s, se confiant sur cette crainte de ne pas être à la hauteur pour représenter leur groupe. Il conclut en expliquant que cette menace du stéréotype rend leurs résultats plus faibles que ceux des étudiant·e·s blanc·he·s à cause du contexte qui leur fait penser aux stéréotypes. « C’est une pression de dingue », Racky Ka-Sy mentionnant aussi le cas de personnes noires, faisant toujours en sorte de parler doucement, afin qu’on ne les « prenne pas pour des sauvages », ou encore de sentir bon, dans l’objectif de ne pas confirmer le stéréotype selon lequel « les Noir·e·s puent ». « Plusieurs de mes patient·e·s vivent des situations menaçantes au quotidien, iels font donc attention à leur politesse, iels adoptent un comportement afin d’infirmer les stéréotypes ». La psychologue explique que cela peut être généralisé à tous les groupes : « les chômeurs, les Asiatiques, les femmes ». En France, Jean-Claude Croizet, ayant d’ailleurs fait partie de son jury, a beaucoup travaillé sur « l’influence du stéréotype d’incompétence » vécu par les femmes.

 

Les conseils de Racky Ka-Sy

Rokhaya Diallo, Racky Ka-Sy et Grace Ly, lors de l’enregistrement d’un épisode du podcast Kiffe ta race concernant le coût mental du racisme. Crédit : Kiffe ta race.

 

La psychologue estime que le fait de prendre conscience des stéréotypes racistes permet de prendre de la distance. « Ce n’est pas personnel, il s’agit avant tout d’une hostilité à l’égard de ce que l’on semble représenter aux yeux de l’autre : un·e Noir·e, un·e Arabe ». Néanmoins, elle remarque qu’il est aussi très difficile de subir ces nombreuses injustices. « Certain·e·s se demandent pour quelle raison iels n’ont toujours pas trouvé de travail, contrairement à leurs camarad·e·s blanc·he·s ». Ses patient·e·s viennent souvent la consulter, dans l’espoir d’être compris concernant leur expérience de racisme. « Il y a des Noir·e·s, des Maghrébin·e·s, des Asiatiqu·e·s, un peu de tout. Iels pensent que je peux les aider d’une autre manière, parce que je ne suis pas blanche ». Elle insiste donc sur la nécessité de prendre en considération le poids des stéréotypes « diffusés partout, dans les médias, à la télé, dans les séries, mais aussi au sein de l’Education ». La psychologue estime que nous devons « mettre la pression sur tout le monde » afin de changer les mentalités. « Tu entendras souvent des personnes dire j’aime pas les Arabes, mais toi je t’aime bien, parce qu’une fois que la personne te connaît, elle se rend compte que personne ne correspond à une case et elle accède à ta complexité d’être humain ». Elle prône donc la nécessité de se valoriser et de se distancier de l’effet de groupe. Ainsi, elle conseille aux parents de transmettre leur culture et leur religion. Elle remarque que la pudeur et les traumas de certains parents empêchent leurs enfants de connaître leur Histoire et de se rendre compte qu’iels ont également de belles traditions à valoriser. Cela fait écho aux réflexions de Karima Lazali, concernant le « trauma colonial » des Algérien·e·s. De plus, il est également possible de lire les articles de cette psychologue, sur son propre blog.

 

En conclusion, souvenons-nous de cette phrase de Racky Ka-Sy, très simple et pourtant si difficile à appliquer au quotidien, en cours ou au travail, en tant que personnes stigmatisées, quelles que soient nos caractéristiques : « Tu es toi, avec ton histoire, il faut apprendre à aimer ce que tu es, avec ta propre histoire, il faut d’abord gagner confiance en toi, ensuite tu pourras être un bon représentant de ton groupe, seulement si tu le veux ».

 

Crédit photo image à la une: Racky Ka-Sy.

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(Dé)construction Nos Voix

Pourquoi j’ai refusé de me rendre sur un grand nombre de plateaux télé ?

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Cette semaine, de nombreuses militantes musulmanes françaises voilées ont été contactées par une horde de journalistes de tous bords.
Pour ma part, j’ai répondu par la négative à presque l’ensemble des demandes qui m’ont été adressées.
Depuis quelques jours, je reçois grand nombre de messages de personnes m’expliquant qu’il est de mon devoir de m’exprimer, de représenter les femmes musulmanes qui, quotidiennement, se font agresser, violenter et insulter.
J’aimerais donc prendre quelques minutes pour revenir sur deux, trois réalités.

 

Où sont les médias lorsque nous, femmes musulmanes, souhaitons proposer des sujets qui permettraient de faire évoluer réellement la compréhension de nos vécus et réalités et par la même de favoriser un contexte plus apaisé ?

 
Pour rappel, j’ai été présidente de l’association Lallab durant presque 3 ans et le constat est simple : lorsque nous organisions des événements afin de faire entendre les voix plurielles des femmes musulmanes, peu, voire pas, de médias se mobilisaient pour venir couvrir ces événements
Soyez conscient.e que nous n’avons aucune volonté de jouer la carte de l’agenda politique et médiatique !
Alors, très cher.e.s journalistes, si vous souhaitez réellement donner la parole aux femmes musulmanes, un conseil : invitez-les hors cadre des polémiques afin de favoriser un échange non sensationnel et non passionnel
 

Les sujets proposés : serez-vous en capacité un jour de nous proposer des sujets non biaisés et non orientés ? Peut-être auriez-vous plus de succès !

 
Allez, juste pour rire, je vous partage quelques sujets sur lesquels j’ai été invitée à m’exprimer ces derniers jours :
 
« Pourquoi les femmes portent-elles le voile ? » Journal La Croix
 
Sérieusement ? La Croix, je pense que le sujet aurait plutôt dû être : Pourquoi dans un pays où le cadre juridique et légal assure une liberté de culte, certain.e.s persistent à ne pas le respecter ? Comprenez ainsi que ce n’est pas aux femmes musulmanes de se justifier !
 
« L’affaire du voile » France Culture
 
Faire du choix de porter le voile une «affaire», c’est déjà nier que les femmes qui le portent sont dans leur plein droit. En centrant votre titre sur l’islamophobie ambiante et grandissante, vous auriez sans doute eu plus de succès !
 
Même pas la peine de préciser de sujets : le manque de respect jusqu’au bout ! « Nous aimerions recevoir Mme Trabelsi sur notre plateau demain à 10h » C-News
 
Je vous retranscris ici ma réponse à leur email :
Bonjour,
J’aimerais commencer en vous répondant : MAIS QUEL CULOT !!!
Très sincèrement, si vos choix éditoriaux avaient été autres, j’aurais apprécié me joindre à vous pour répondre à vos questions. Cependant, au vu de vos positionnements récents et de vos choix de programmation, je me vois dans l’obligation de refuser, d’une part par principe et d’autre part car donner de mon temps à ceux et celles qui favorisent l’islamophobie au sein de notre pays n’est nullement dans mes priorités du moment.
Soyez bien conscient.e.s que vous contribuez à alimenter une psychose générale qui favorisent la haine et la violence quotidiennement !
Le seul conseil que je pourrais vous apporter est le suivant : les fois prochaines, avant de souhaiter inviter des femmes voilées sur vos plateaux, merci de faire en sorte que le cadre de votre chaîne et les personnes qui la représentent soient bienveillantes, sinon soyez sûr.e.s de rester dans votre entre-soi islamophobe !
 
« Est-ce que toutes ces polémiques ne cachent pas un racisme de la société ? » Sud Radio
 
Un bravo tout spécial à Sud Radio qui semble enfin toucher quelque chose du doigt… Avez-vous sérieusement besoin d’une femme voilée pour répondre à cette question ? Sincèrement, à ce niveau, le racisme n’est plus réellement caché !
 
Je pourrai continuer pendant un petit moment mais je m’arrêterai là sur les invitations et les sujets proposés ! J’invite les femmes musulmanes contactées à compléter cette liste non-exhaustive.
 

Nous n’avons pas tou.te.s les mêmes privilèges face aux médias

Et oui, ce n’est plus un secret ! Vous l’aurez compris, lorsque l’on est une femme musulmane et qui plus est voilée, s’exprimer publiquement c’est :
– Prendre le risque de s’exposer à du cyberharcèlement
– Voir ses propos totalement déformés, instrumentalisés (et du coup s’attendre à avoir une vingtaaine d’articles accolant son nom et prénom à des mots super agréables tels que : terroriste, islamiste, islam politique, radicalisation, voilement des petites filles et j’en passe…)
– Se mettre en danger socialement (perte d’emploi, convocations et j’en passe) et physiquement (oui oui, les personnes t’interpellent OKLM dans la rue pour t’insulter ou débattre avec toi d’un sujet
– Perdre de son temps et de son énergie. Tu reçois un mail ou sms pour t’indiquer que tu es invitée à venir t’exprimer le lendemain ou le jour même sur un plateau (à des heures improbables, genre 7h du mat’ ou 22h) mais que tu ne dois pas t’attendre à être payée malgré l’audimat que tu vas générer.
 
Pareil, je m’arrêterai là. Mais il y aurait beaucoup beaucoup beaucoup d’autres points à relayer !
 

Le cadre du débat : Pensez-vous sincèrement que c’est à travers des échanges manichéens et sur format de dualité que les mentalités pourront évoluer ?

 
Le format est bien souvent le même ! 20 minutes d’antenne avec en moyenne 7 minutes par intervenant.e.
Des face à face avec deux visions du monde et de la société littéralement opposées où l’objet n’est nullement de proposer un débat raisonné mais davantage des débats passionnés où l’émotionnel finira toujours par l’emporter.
Clairement, il n’y a rien à y gagner ! Cela ne fera nullement avancer notre société déjà bien trop enragée. Le seul risque est d’y voir sa santé mentale dégradée car le format n’est absolument pas adapté et n’est pas pensé dans l’optique de créer plus de respect envers les musulman.e.s vivant dans cette société.
 
Vous l’aurez compris, si j’ai fait le choix de décliner l’invitation pour un grand nombre d’interventions plateaux, c’est avant tout car j’estime que la temporalité imposée n’est en rien celle qui nous sera profitable. Je refuse tout bonnement de jouer le jeu des médias et politiques, c’est aussi car j’estime que le cœur du problème est bien ailleurs.
Je ne viendrai pas alimenter et commenter des propos qui devraient tout bonnement être juridiquement condamnés pour éviter que la libération de la parole raciste et islamophobe continue à se propager, non pas par moi donc, mais par une super chose qui s’appelle la justice. Coucou Éric Zemour , coucou Jean-Michel Blanquer coucou Yves Threard.
 
Bref, cette semaine je n’étais pas sur les plateaux car donner de mon temps à ceux et celles qui favorisent l’islamophobie au quotidien au sein de notre pays n’est nullement dans mes priorités du moment. Journalistes, politiques, cessez de jouer aux pompiers en voulant éteindre le feu quand le reste de l’année vous relayez des informations qui contribuent à l’alimenter.
 
J’ai bien mieux à faire : j’utilise mon temps pour produire et créer des ressources et contenus qui je l’espère contribueront à plus d’équité, de justice et d’égalité !
 
PS destiné à l’ensemble des médias : la fois prochaine lorsque l’on vous sollicitera pour vous présenter des projets, n’oubliez pas d’accepter d’être nos relais.
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Portraits

Maboula Soumahoro, universitaire faisant honneur aux différentes diasporas africaines

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Lors du troisième anniversaire de Lallab, une griotte nous a fait l’honneur de sa présence au festival. Maboula Soumahoro a été la seule à se hâter de lui donner un billet. “C’est une marque de respect, il faut leur donner des billets, ça fait partie de nos coutumes !”, s’exclame-t-elle. Franco-ivoirienne de l’ethnie dioula, cette maîtresse de conférences, spécialiste de la civilisation américaine et notamment des diasporas africaines, revient pour nous sur son brillant parcours, malgré plusieurs obstacles.

 

Une identité multiple

 

“Je suis musulmane, eh oui, même si je suis une très mauvaise musulmane”, rit-elle. Maboula explique qu’on la perçoit avant tout comme noire et qu’on nie donc son lien avec l’islam. “Je n’ai jamais subi d’islamophobie, ne portant pas de foulard et étant noire, on part tout de suite du principe que c’est incompatible d’avoir une identité multiple”. Elle se souvient d’ailleurs de plusieurs moments de solidarité lorsqu’elle jeûnait avec les autres musulman·e·s de son quartier, souvent d’origine africaine, qu’il s’agisse de l’Afrique du nord ou de celle subsaharienne. La professeure se remémore aussi la présence de sa famille lors de sa soutenance de thèse. Sa mère était vêtue d’un boubou et d’un foulard. Deux minutes avant sa présentation, ses parents lui ont demandé où iels pouvaient prier. “A ce moment-là, je me suis dit, mais qu’est-ce qu’iels me veulent ? Ils cherchent des problèmes. Pourtant, si on les avait empêché·e·s de prier, je me serais battue à mort pour qu’iels en aient le droit”, confie-t-elle avec beaucoup d’émotion.

 

Maboula n’est pas seulement musulmane, elle est aussi une femme noire et cela lui est souvent rappelé. Perçue comme une étudiante plutôt qu’une professeure, elle est considérée comme la “grande soeur” ou encore la “prof Black, cool d’emblée”, comme si le fait d’être noire la rendait incapable d’être sérieuse. Elle demeure cependant ravie de voir que sa présence au sein de l’université peut donner de l’espoir à des étudiant·e·s qui, comme elle auparavant, pouvaient ne pas se sentir à leur place. Maboula souhaite que ce soit “la fin du complexe”, que nous puissions nous assumer tel·le·s que nous sommes. Elle estime que c’est cela, “la dignité”. “En tant que femmes noires, que nos cheveux soient naturels ou pas, là n’est pas le combat, nous ne devons plus subir les injonctions”. Elle a d’ailleurs participé au documentaire d’Amandine Gay, Ouvrir la Voix, consacré à l’expérience des femmes noires en France et en Belgique.

 

La professeure évoque également l’étiquette militante qu’on lui attribue très facilement. “Ça n’est pas évident, comme je suis une femme noire, on me qualifie directement comme militante afro-féministe”. Pourtant, elle se définit avant tout comme professeure. “Je ne me perçois pas du tout comme militante, ce qui m’importe, c’est surtout le partage des connaissances”. Maboula estime que l’enseignement est souvent disqualifié, notamment lorsque cela concerne des choses que nous n’avons pas l’habitude d’étudier. C’est la raison pour laquelle elle tient à ce qu’on ne néglige pas le fait qu’elle soit avant tout professeure. “Je suis engagée politiquement, mais pas vraiment militante”, résume-t-elle. Maboula se méfie également du traitement raciste que subissent beaucoup de personnes non-blanches, y compris celles perçues comme des “sorcières” dans les médias, à l’instar de Houria Bouteldja. Bien qu’elle ne partage pas forcément toutes ses idées, elle refuse de se désolidariser de cette femme arabe, qu’elle considère comme subissant surtout du racisme et rarement de véritables attaques sur ses opinions. Maboula éprouve aussi de la “tendresse” envers les personnes aliénées par le racisme, y compris celles reniant leurs origines, dans l’espoir de bénéficier “d’un rapport particulier à la France”.

Crédit : Ouvrir la Voix d’Amandine Gay. Maboula Soumahoro est au centre, sur la deuxième ligne en partant du haut

 

Maboula insiste également sur le fait d’être française. “Nous sommes français·e·s de fait, nous ne l’avons pas choisi, nous n’avons pas à nous fondre ou à nous intégrer”, affirme-t-elle, estimant que c’est à la France de comprendre “que je fais partie d’elle”. “Quel serait ce chez-nous sinon ?” s’interroge-t-elle, tout en insistant sur le fait qu’il n’y a pas à rejeter “la culture de nos parents”. Elle se souvient notamment des polémiques suite à la naissance de la fille de Rachida Dati, qu’elle avait décidé de nommer Zohra. “On en est quand même arrivé à se demander si la Garde des Sceaux avait le droit de faire ça, mais pourquoi ne pas penser que Zohra fait désormais partie des prénoms français ?”. Cette Franco-Ivoirienne a longtemps connu des difficultés pour comprendre son identité, dans son pays natal. “Dans une république comme la France, comment être noire alors que la race n’y existe pas ?”. La professeure rappelle l’effet majeur de la fabrication de la race. Ainsi, la France n’échappe pas à son histoire impérialiste, ayant donné une société très racialisante, comme nous le rappelle le Code Noir. “Il est temps de se poser cette question”, estime Maboula, ayant constaté qu’elle était noire par rapport au traitement qu’elle recevait.

 

Un parcours universitaire spectaculaire

 

Avec sa famille d’un milieu très modeste, Maboula vivait dans un quartier populaire de la banlieue parisienne, ce qui leur donnait droit à plusieurs aides sociales. Elle se souvient notamment des vacances que lui permettait la DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales). Très jeune, Maboula ne se fait pas d’illusion sur son avenir. Elle se rend déjà compte de plusieurs obstacles à l’école, dont la classe sociale et la catégorisation raciale. Elle l’a notamment ressenti lorsqu’elle souhaitait à l’époque étudier les mouvements de la Nation of Islam et du rastafarisme. “Ce sujet était perçu comme raciste parce que le professeur croyait que c’était mon corps noir qui parlait. Dans ce cas, il faut partir ou se battre”. Son professeur affirmait que cela ne constituait aucune valeur scientifique, comme si cela n’était pas digne du savoir académique. “L’hostilité de nos sociétés est réelle, c’est important de pouvoir s’en préserver”. Maboula estime qu’elle était tellement pauvre qu’elle n’avait rien à perdre. “Je ne veux pas être niée par des théories niant mon expérience alors que celle-ci est légitime”, déplore-t-elle.

 

Crédit : Maonghe M. Maboula Soumahoro durant le Black History Month

 

“Banlieusarde” comme elle se définit, elle décide à 23 ans de tenter sa chance ailleurs, à Tours, où elle a soutenu sa thèse intitulée La couleur de Dieu ? Regards croisés sur la Nation d’Islam et le Rastafarisme, 1930-1950. De plus, en 1995, elle s’envole pour étudier aux Etats-Unis, où elle finit par vivre durant une décennie. Boursière toute sa scolarité sur critères sociaux, Maboula n’a jamais obtenu de bourse pour ses études en Amérique du Nord ni pour le doctorat. Elle rappelle d’ailleurs que les seules bourses existant pour le doctorat ne sont pas sur critères sociaux. Cette Franco-Ivoirienne a donc pu observer les différentes façons d’être noir·e à travers le monde. “Ce qui m’a sauvée de la France, c’est les Etats-Unis”. Maboula s’est sentie “plus librement noire” dans ce pays. “En France, t’es africaine, pas une vraie Française, t’as pas le droit d’exprimer cette identité noire”. Le fait d’avoir des origines ivoiriennes n’était pas excluant. Il s’agissait même de quelque chose qu’elle percevait comme très enrichissant d’un point de vue intellectuel, notamment en rencontrant des membres de différentes diasporas africaines aux Etats-Unis. “C’était valorisé, je me suis donc rendue compte que j’étais noire et que ça m’allait”.

 

Maboula Soumahoro fait ainsi partie de ces personnes si déterminées qu’elles ne cessent de nous donner de l’espoir. Comme dirait Faïza Guène, il s’agit “davantage du fruit d’un accident que du produit d’un système qui fonctionne”, mais ce fruit demeure magnifique à voir.

 

Image à la une: Maboula Soumahoro par DR pour Cheek Magazine

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(Dé)construction

Voyage en terre inconnue : la salle des prof’

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Durant vos années collège-lycée, vous êtes-vous également demandé.e.s ce qui pouvait bien se passer derrière la porte de la « salle des professeur.e.s » ? Estampillée d’un panneau – enfin d’une feuille A4 plastifiée (on parle bien de l’Education Nationale ici, une feuille plastifiée c’est déjà du luxe) – sur lequel les professeur.e.s avaient tapé sur le logiciel WORD, en caractères gras et police taille 48 « INTERDIT AUX ÉLÈVES ».
La première fois que j’ai franchi cette porte en tant que professeure stagiaire, c’est ce que je me suis dit : I MADE IT ! J’avais donc finalement ouvert la porte de ce monde mystérieux et enfin je rejoignais les rangs des « prof’ ».

 

 

La salle des professeur.e.s : cet endroit emblématique et stratégique dans la journée d’un.e professeur.e, cet endroit censé être un refuge, un lieu d’échange entre les professeur.e.s, un lieu où ils et elles sont sûr.e.s de ne trouver ni élève, ni membre de la Direction. C’est le seul moment où ils.elles peuvent se retrouver seul.e.s, « entre soi ».

L’ « entre soi », parlons-en. Dans mon établissement par exemple, nous ne sommes qu’une poignée de professeur.e.s racisé.e.s. Mes collègues sont en grande majorité des personnes blanches, issues de la classe moyenne. Le métier est très féminisé. La salle des prof’ est devenue un lieu de soutien et d’entraide dans lequel j’ai beaucoup appris. Dans ce lieu, j’ai également bénéficié de nombreux conseils de la part de mes collègues. Mais paradoxalement, j’y ai subi énormément de violences.

Il est important de le préciser : je suis jeune, je suis une femme, je suis française d’origine maghrébine et musulmane (moyennement pratiquante). On m’a donc classée « bonne arabe ». Depuis que j’en ai pris conscience, c’est une violence de plus que je vis.

Sans plus attendre, je vous livre ici les perles racistes entendues en salle des professeur.es.

Passeras-tu le test ?

Suis-je une bonne ou mauvaise Arabe ? Les collègues ont très vite trouvé une façon de répondre à cette question.

Test 1 : MANGES-TU DE LA VIANDE HALAL ?

Après plusieurs semaines d’observation intensive de mon assiette à la cantine. Oui, je te vois lorgner sur mon assiette jour après jour…

Lui.elle : « Dis-moi j’ai remarqué que tu ne mangeais jamais de viande… »

Moi : « Oui, je suis végétarienne. »

Lui.elle : « Ah bon ? t’es végétarienne…TOI ? »

Résultat du test : non concluant. Les Maghrébin.e.s ne peuvent pas être végétarien.ne.s.

Test 2 : FAIS-TU LE RAMADAN ?

Venant de personnes avec qui je n’ai pas l’habitude de manger à la cantine. Question posée tous les jours de la semaine :

Lui.elle : « Tu viens manger à la cantine avec nous ? »

Moi : « Non, allez-y sans moi. »

Résultat du test : non concluant. Elle ne l’avouera pas d’elle-même. Il faudra donc envoyer quelqu’un.e pour lui demander directement si elle fait le R

Test 3 : la tenue vestimentaire

Lorsque je porte une jupe.

Lui.elle 1 (en s’adressant à moi) : « C’est bien, je vois que tu mets des mini-jupes. Ça te va bien. »

Lui.elle 2 : « Oui, il y a des quartiers où on ne peut pas se promener en jupe. »

Lui.elle 1: « Oui, mais elle met des mini-jupes souvent elle, je l’ai bien vu. C’est bien ! »

Résultat du test : concluant. C’est une bonne Arabe, libérée. Elle ose braver son quartier en mettant des jupes. Aucun témoignage de la principale concernée n’aura été nécessaire pour arriver à ces conclusions.

De façon générale, les résultats de ces tests étaient toujours peu concluants. D’une part parce qu’ils étaient tellement grotesques que je les voyais arriver de très loin, je me faisais donc un malin plaisir à brouiller les pistes. Mais surtout parce qu’ils reposaient sur un tas de clichés.

La place des clichés

En tant que minorité racisée au sein de la majorité blanche des professeur.es, j’ai aussi pu être témoin de nombreuses perles racistes. Ces perles ont pu tout aussi bien concerner les élèves racisé.e.s que moi-même.

Les Maghrébin.e.s et le bled

A l’approche des vacances scolaires, alors que nous déjeunions à la cantine, chacun.e s’est mis.e à raconter ce qu’il.elle avait prévu pour occuper ses vacances.

Lui.elle : « Et qu’est-ce que tu fais de beau pendant les vacances ? »

Moi : « Je suis super contente je vais en Jordanie ! »

Lui.elle : « Ah tu vas au bled ? »

Moi : « Non, pas du tout ! »

Lui.elle : « … »

Lui.elle « … »

Parce que les Maghrébin.e.s ne partent jamais en vacances. Ils.elles ne vont qu’au bled.

Deuxième scénario « type » :

Lui.elle 1 : « Les élèves n’ont aucune culture littéraire ! C’est désolant !»

Lui.elle 2 : « Moi j’essaie de parler d’art à mes enfants, de les cultiver. Surtout à table quand on est tous ensemble. »

Lui.elle 1 : « Bah en même temps les élèves, chez eux, à table, ils ne parlent que du bled ! »

 

Les maghrébins et Aljazeera

Pendant la correction de l’épreuve du Baccalauréat.

Lui.elle : « Les résultats des STMG au bac sont catastrophiques. Ils n’ont vraiment aucune culture ! »

Moi : « Je ne pense pas que ça ait grand-chose à voir, ils sont à mon avis un peu plus scolaire, ils.elles ont besoin de voir du vocabulaire en classe et comme c’était un document inconnu… »

Lui.elle : « Oui mais justement c’est ce que je dis ils n’ont pas culture.  De toute façon, ils ne regardent que Aljazeera, ils ne risquent pas de progresser. »

Les familles maghrébines et le féminisme

Discussion autour d’un café sur le sujet du féminisme.

Lui.elle : « Oui, moi je ne me suis jamais posé la question du féminisme jusqu’à maintenant. Je m’y intéresse que depuis très récemment. »

Moi : « Moi, ça fait quand même depuis très longtemps. Dans mon adolescence je me suis très vite identifiée comme féministe. »

Lui.elle : « Oui je comprends, après c’est vrai que quand le sexisme vient de la famille… »

Moi : « Euh non… Justement ma mère est féministe. »

Lorsque l’on est maghrébine et féministe, notre cheminement ne peut commencer qu’en réaction à nos pères et frères soi-disant autoritaires. Non Jaqueline, merci mais j’ai un cerveau. J’ai surtout une maman féministe formidable qui très tôt, m’a transmis ses valeurs et ses combats que tu as eu si longtemps le privilège d’ignorer.

Les enfants d’immigré.e.s et la langue française

En discutant au sujet d’une élève :

Moi : « Oui, elle a des difficultés de rédaction. »

Lui.elle : « Après c’est normal qu’elle ne sache pas parler français, ils ne parlent pas français à la maison ! »

Cette phrase, je l’ai entendue des dizaines de fois. Avoir deux langues maternelles c’est ce qu’on appelle être bilingue. Enfin ça dépend. Pour mes collègues, j’ai l’impression qu’être bilingue c’est lorsque tes parents t’apprennent des langue « stylées » type anglais, allemand ou russe. Pour d’autres langues en revanche, on ne les assimile pas au bilinguisme mais plutôt au refus de s’intégrer. Elles auraient un effet à la fois magique et incroyable : elles empêcheraient l’enfant de parler un français correct. Un.e bilingue darjia-français ou wolof-français, ça n’existe pas.

La terreur

Alerte générale : Un petit mot écrit en arabe a été trouvé sur le sol. Est-ce un verset du Coran ? Un complot ? Ce n’est certainement pas un mot d’amour. Sait-on qui en est l’auteur.e ?

C’est dans cet état de crise maximale que je trouve mes collègues lorsque je rentre en salle des prof’.

Puis, à ma grande surprise, on me tend le mot : « Tiens, tu peux nous le lire ?

Moi « Bah…non, je ne lis pas et ne parle pas l’arabe.»

Cela ne leur viendrait jamais à l’esprit que le mot ait pu être écrit par un.e non-Maghrébin.e. Ni même que moi, en tant que Française d’origine maghrébine, je ne puisse pas leur déchiffrer ce mot. Dans leur esprit, tout est catégorisé et rangé soigneusement dans des boîtes. Ces catégories, ils.elles sont les seul.es à pouvoir les définir.

Une après-midi, une de mes collègues est entrée en salle des prof très inquiète. En effet, un élève avait passé une partie de son cours à marmonner dans sa barbe. Ma collègue en était persuadée : l’élève en question était surement en train de prier…Il fallait absolument faire un signalement. Cet élève que je connaissais passait surtout le plus clair de son temps… à rapper. Même en classe. Je l’avais d’ailleurs plusieurs fois rappelé à l’ordre. Et il m’avait assuré que parfois c’était plus fort que lui…il ne se rendait même plus compte qu’il le faisait en classe.

Les noms de code

Les noms de codes sont, pour certains professeur.e.s, une façon de faire des sous-entendus classistes et racistes, sans utiliser les mots qui fâchent. Il faut toujours garder en tête que les antisémites, les homophobes et les sexistes sont les élèves racisé.e.s. Aussi, telle une pierre de Rosette, je suis là pour vous aider à décrypter tout cela.

Les STMG

Les classes de STMG sont pour les professeur.e.s une véritable obsession. Ils.elles en parlent à longueur de journée pour s’en plaindre ou pour se féliciter de les avoir domptées pendant quelques minutes. En vérité «  STMG » est un nom de code pour «  Noir.e.s et Arabes ». Visuellement d’ailleurs, ça ne trompe pas. Je suis toujours choquée de constater le manque de mixité dans les différentes filières. Lorsque je fais cours devant des STMG, je me retrouve devant des élèves noir.e.s, arabes et portuguais.e.s. Mes classes de filière scientifique sont à majorité blanches.

Les élèves n’ont pas les codes

Un des grands reproches que mes collègues font aux élèves racisé.e.s et issu.e.s des classes défavorisées est de ne pas avoir les « codes ». Pendant longtemps, j’ai cherché ces foutus codes que les élèves auraient perdus. De quoi parle-t-on ? Un code… des codes ? Quels codes ? Ce qu’ils devraient dire, c’est plutôt que les élèves n’ont pas les « bons » codes. C’est-à-dire leurs codes. Ils.elles aimeraient donc que d’une baguette magique, les élèves se rendent enfin compte que tous les codes liés à leur classe sociale, leur origine et/ou leur jeune âge sont méprisables et donc à abandonner au plus vite. Ces personnes n’ont manifestement jamais entendu parlé du switching code (l’alternance codique) qu’elles méprisent car ne comprennent pas. Il s’agit en réalité d’une véritable force pour ces élèves, qui leur permet de comprendre et de pouvoir évoluer dans pleins de mondes différents.

Tu sais, le grand black là…

Dans la salle des professeur.e.s, il y a une façon bien particulière de parler des garçons racisés.

Les jeunes garçons noirs par exemple, sont toujours décris comme étant « grands » et « blacks ». Sachons-le donc, tous les élèves noirs sont grands…très grands. C’est d’ailleurs la seule caractéristique qui pourrait les décrire.

La laïcité AKA l’éponge magique

La laïcité à l’école… ce sujet tant débattu et si cher aux yeux de mes collègues.

Du moins, c’est ce que je pensais. Ma surprise fut totale le jour où une de mes collègues a proposé avec aplomb l’intégration de « la lutte contre l’islamisation des élèves » au projet d’établissement de l’année suivante.

Même surprise lorsque plusieurs collègues en pleine soirée parents-professeur.e.s se sont insurgés et ont exigé du proviseur qu’il ne laisse pas les mamans voilées entrer dans l’établissement.

Ces deux fois, mes collègues se sont vus refuser leur demande car elles allaient à l’encontre de la laïcité.

Pour certain.e.s professeur.e.s, la laïcité est définitivement devenue un moyen d’exclusion et un outil d’oppression contre ces populations.

Les mêmes personnes qui s’insurgent de voir une élève entrer dans l’établissement avec une jupe trop longue, n’auront aucun scrupule à policer la pratique religieuse des élèves musulman.e.s : « Mais, ce n’est pas écrit dans le coran qu’il faut jeûner pendant le bac. Ma voisine ne jeûne plus maintenant qu’elle est en France. »

Toutes ces expériences douloureuses, sont surtout la preuve qu’il est urgent de briser l’ « entre soi ». Les professeur.e.s enseignent à une diversité d’élèves. Les adultes de l’Education Nationale participent à la construction et à l’éducation des enfants. Tous ces clichés racistes et sexistes qu’ils peuvent donc projeter sur eux ont des effets dévastateurs à long terme. Les jeunes adultes que nous devenons après avoir évolué dans ce contexte violent, intègrent ce racisme et mettent des années à s’en défaire. Ces comportements ont des conséquences directes sur la vie des jeunes. Il ne s’inscrivent pas dans une mission éducatrice mais plutôt dans la volonté de développer une « mission civilisatrice » d’enfants qui sont déjà citoyen.ne.s français.e.s.  Il faut plus d’enseignant.e.s racisé.e.s et/ou déconstruit.e.s dans l’Education Nationale. Il faut également ouvrir le dialogue sur ces questions dans les salles des professeur.e.s, car l’éducation est un moyen de se construire. Aucune construction sereine n’est possible dans une telle atmosphère de violence.

 

 

Crédit photo Image à la Une : Zohra Khaldoun

 

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Communiqués

[Communiqué] Lallab s’élève contre l’amendement voté au Sénat contre le port du voile des mères lors des sorties scolaires

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COMMUNIQUÉ

 

Le 15 mai 2019, un amendement proposé par Les Républicains qui interdirait aux mères portant un voile d’accompagner leurs enfants lors de sorties scolaires a été voté, dans le cadre du projet de loi sur « l’école de la confiance ». Alors que cet amendement est censé concerner tous les signes religieux dits « ostensibles » – Les Républicains ont exposé leur obsession islamophobe en ciblant explicitement le port du voile dans leur communiqué. Il s’agit encore une fois d’une nouvelle atteinte à la liberté et à la dignité de nos concitoyennes qui portent le voile.

 

 

Les femmes musulmanes qui portent le voile voient en permanence leurs droits constitutionnels être bafoués, qui plus est dans un pays qui se positionne constamment en exemple pour le respect des droits humains. Encore une fois ce sont nos mères, nos soeurs, nos collègues, nos amies qui sont visées par cette dangereuse tentative de déshumanisation et de suppression. Interdire le port du voile aux mères accompagnatrices, c’est associer les femmes voilées au danger, et apprendre à nos enfants la peur, et le rejet d’une partie de la population. Pire, l’État promeut clairement une ségrégation entre parents “acceptables”, et parents musulman.e.s. Si cet amendement est voté, il engendrera également des traumatismes pour les enfants qui verront leur mères être exclues.

 
Quelle(s) place(s) alors laisse-t-on à ces mères dans le parcours scolaire de leurs enfants ? Seront-elles ensuite interdites de participer aux kermesses, aux réunions parents-professeur.e.s, aux anniversaires ? Pourront-elles être élues comme représentantes des parents d’élèves ? Seront-elles prohibées d’accompagner leurs enfants jusqu’au sein de l’école ? En maternelle, les enfants sont trop petits pour aller seul.e.s en classe et c’est donc leurs parents, et souvent leurs mamans, qui les y accompagnent ; devront-elles les laisser désormais sur le pas de la porte là où les autres parents peuvent assurer la sécurité de leurs enfants jusqu’en classe ?
 
Accompagner des enfants en sortie scolaire est un travail bénévole que les mamans offrent à la communauté.
C’est grâce à leur dévouement que vos enfants peuvent sortir toutes les semaines à la piscine, au gymnase ou dans des lieux d’activités culturels, sportifs et artistiques. De nombreux professeurs eux-mêmes expliquent que c’est déjà un combat quotidien pour trouver des parents accompagnateurs, et que cet amendement ne ferait que compliquer encore plus leur travail.
Si ces mamans sont interdites de sorties scolaires, les enfants seront inévitablement privé.e.s de sorties, et c’est dans les quartiers où il y a le plus de mamans voilées que ces conséquences se feront ressentir. Pour les enfants, la sanction est double. Privé.e.s de mamans et privé.e.s de sorties.
 
En agissant ainsi, les élites politiques françaises prouvent une fois de plus au monde entier qu’iels cherchent à empêcher les personnes musulmanes d’exister dans l’espace public, en s’appuyant sur des instincts misogynes qui justifieraient la régulation de l’apparence extérieure des femmes. Cette énième expansion de la portée de la loi 2004 pour cibler une pratique religieuse minoritaire et inoffensive révèle les intentions funestes de pseudo-sophistes pour qui le harcèlement politique des femmes musulmanes n’est qu’une stratégie de plus pour rallier une opinion publique lassée par leur incapacité à confronter les vrais problèmes en France. Encore une fois, les femmes musulmanes voilées sont prises en otage par des institutions politiques desquelles elles sont de facto exclues.
 
Nous ne sommes pas dupes : resserrer l’étau législatif autour des choix vestimentaires des femmes musulmanes traduit indéniablement l’islamophobie et la misogynie du parti Les Républicains, mais aussi de celleux resté.es silencieu.xes face à ce nouvel affront pour la liberté de nos sœurs. Que cette transgression n’ait pas suscité plus d’émoi chez nos élites politiques atteste de la banalisation de l’islamophobie misogyne à laquelle les femmes musulmanes font face depuis des années en France. N’ayons pas peur des mots, cette guerre contre le voile stigmatise, réprime, repousse nos mères, divise notre société et, en fin de compte, est une menace à la laïcité et au vivre-ensemble.
 

Lallab ne restera pas silencieuse

 
Nous refusons d’être les boucs émissaires ou les complices silencieu.ses d’une machine qui ostracise constamment les femmes qui portent le voile. Nous ne laisserons personne empiéter sur leur dignité et sur celles de leurs enfants. Nous ne laisserons personne les exclure d’activités et de moments qu’elles souhaitent légitimement partager avec leurs enfants. Voilées, non voilées, musulman.es ou pas, parent.es ou pas, nous devrions toutes et tous être outré.es par cette énième intrusion liberticide et discriminatoire de l’État.

 

Aujourd’hui, nous appelons nos élu.es à s’élever contre cette proposition anticonstitutionnelle, contre l’ingérence de l’État dans les choix vestimentaires des femmes ; pour le droit de toutes les mères à êtres présentes dans la vie scolaire de leurs enfants ; et contre la rhétorique islamophobe qui empoisonne nos débats publics.

 

État actuel de la législation

 

Si elle est adoptée, cette loi serait contraire à l’Etat de droit et au principe de proportionnalité des lois qui prévoit qu’une loi ne peut être adoptée que si ses mesures sont proportionnées au regard de la gravité et du danger à l’ordre public visé par ces mesures. En outre, l’invocation de la laïcité comme prétexte à cet amendement n’est pas légitime – comme l’explique sur Twitter le Rapporteur général de l’Observatoire de la Laïcité Nicolas Cadène – s’il ne cible qu’une seule conviction, comme c’est le cas ici.

Or, cette loi ne répond à aucun problème, si ce n’est celui d’assouvir encore une fois un délire islamophobe.

Il n’existe actuellement aucune norme nationale restreignant l’accompagnement des sorties scolaires. La loi de 2004 sur le port de signes religieux ostentatoires à l’école ne peut s’appliquer en aucun cas à des adultes qui ne sont ni élèves, ni salarié.es de l’Éducation nationale. Le Conseil d’État a rappelé en 2013 que les accompagnateur·ices de sorties scolaires, bénévoles, ne sont pas concerné.es par la législation sur la neutralité religieuse, sauf en cas de menace pour le “bon fonctionnement du service public de l’éducation”. Au-delà des fantasmes islamophobes, le port du voile dans un cadre scolaire par des parents volontaires ne représente pas une menace: son interdiction serait donc injustifiée.

 
Crédit photo à la une : Manifestation du collectif « sorties scolaires avec nous! » en novembre 2013, au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis.

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(Dé)construction

8 raisons de ne pas utiliser le terme « racisme anti-Blanc »

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Quand je pense au « racisme anti-Blanc », ça me fait un peu penser aux licornes. Ils sont tous les deux à la mode, ressemblent tous les deux à quelque chose qui existe bel et bien, mais… comment dire, il ne suffit pas d’ajouter une corne en plastique à un cheval blanc pour en faire une licorne. Je sais que cette annonce va faire beaucoup de remous et briser quelques cœurs – et pas seulement du côté des petits enfants qui espéraient voir un animal magique à leur prochaine sortie en forêt.

 

Je précise tout de suite : je ne dis pas qu’il n’existe aucune manifestation d’hostilité envers les Blanc·he·s. Moi aussi, je suis tombée sur des tweets affligeants, par exemple. Ce que je dis, c’est que le terme de « racisme » est inapproprié, car il donne l’impression trompeuse que les vécus des personnes blanches en France sont comparables à ceux des minorités ethnicisées. Voyons en quelques points en quoi les deux situations ne sont pas assimilables, comme l’expliquent depuis des années des militant·e·s comme João Gabriell ou la youtubeuse Naya Ali.

 

  • Le racisme dénoncé par les personnes blanches prend seulement la forme d’actes interpersonnels

 

Quand on parle du supposé « racisme anti-Blanc », ce qu’on entend principalement, c’est : « On m’a traité·e de « sale Blanc·he » », ou bien « Il y a des tags « Nique les Blancs » ». Il n’est pas étonnant que cela suffise à certain·e·s pour parler de « racisme inversé » (oubliant au passage la légère différence de proportions), car on a réduit le racisme à son expression la plus simple, le racisme individuel. Merci notamment aux dictionnaires, qui ne sont pas les livres objectifs qu’on voudrait nous faire croire, mais le reflet de la perception des dominant·e·s qui les ont écrits. Cette conception du racisme domine également la majorité des associations les plus institutionnalisées, qui limitent l’antiracisme à la lutte contre des comportements de méchant·e·s racistes, évidemment d’extrême-droite.

Or, comme le rappelle le sociologue Fabrice Dhume, « (…) le racisme n’est pas une question, comme on le croit souvent, d’individus racistes qui commettraient des actes moralement ou juridiquement condamnés ». Il s’agit d’un ordre social hiérarchisé, qui implique des privilèges pour les un·e·s – même si ils·elles n’en veulent pas ou ne s’en rendent pas compte – et des torts pour les autres. Parler de racisme en France, cela implique donc autre chose que des insultes ou des moqueries.

 

Ceci n’est pas une licorne. / Crédit : Universal Pictures
 

  • Les Blanc·he·s ne subissent pas les discriminations systémiques que vivent les minorités

 

L’antiracisme politique propose une autre lecture du racisme, en tant que phénomène structurel et systémique. Cela signifie que les personnes non-blanches vivent des discriminations répétées qui affectent leur accès aux droits les plus fondamentaux, comme le logement, l’emploi, l’éducation, les soins, etc.

Ce que ne vivent pas les personnes blanches en France, contrairement aux personnes issues de minorités, ce sont les rejets répétés ou les traitements inégalitaires pour obtenir un logement, trouver un emploi, se faire orienter vers la filière désirée, bénéficier de soins médicaux, accéder à des lieux de loisirs, etc. Dans son enquête sur le « racisme anti-Blanc », l’Institut national d’études démographiques (INED) conclut que ce racisme « ne produit pas d’inégalités sociales » et « ne se matérialise pas par une privation de droits ou d’accès à une ressource ».

Je précise à toutes fins utiles que les événements organisés de manière autonome par des personnes non-blanches ne sont pas « interdits aux Blanc·he·s » et ne constituent donc pas du racisme. Pour les réunions en non-mixité, vous pouvez toujours (re)lire notre article dédié.

 

  • Un·e Blanc·he peut être lésé·e dans ses droits, mais pas EN RAISON de sa couleur de peau ou de son origine

 
Evidemment, cela ne veut pas dire que tou·te·s les Blanc·he·s sont immunisé·e·s contre toute difficulté et vivent comme des pachas. Seulement, ce qui explique leurs difficultés, ce n’est pas leur couleur de peau ou leur origine, mais d’autres critères de discrimination.

On ne se verra pas refuser un emploi, un logement ou un service de base en France parce qu’on est blanc·he, mais parce qu’on est obèse, en situation de handicap, trans, qu’on a des ressources modestes, etc. D’où la nécessité de penser les luttes de manière intersectionnelle, en prenant en compte les différents facteurs de discrimination.

 

Cher·e·s Blanc·he·s : personne ne dit que votre vie ne peut pas être difficile si vous êtes blanc·he, mais si elle est difficile, ce n’est pas parce que vous êtes blanc·he
Crédit : capture d’écran Twitter @kvxll

 

  • Les Blanc·he·s en France ne font pas l’objet de discriminations de la part de l’Etat ou des institutions

 
Le racisme en France est aussi institutionnel, c’est-à-dire que des discriminations sont perpétuées par les institutions et l’Etat lui-même. Des enquêtes répétées, y compris par le Défenseur des droits, montrent notamment des discriminations autour des contrôles policiers au faciès – pour ne citer qu’un exemple.

Autre cas, celui du racisme véhiculé par les représentant·e·s de l’Etat, comme lorsque Brice Hortefeux, alors Ministre de l’Intérieur, déclarait en 2009 à propos des Arabes : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes », ou encore lorsque Manuel Valls affirmait en 2013 que la proximité de campements roms provoquait une augmentation de la délinquance.

Il serait tout simplement malhonnête d’affirmer que des discriminations ou des déclarations similaires touchent les Blanc·he·s.

 

  • Les Blanc·he·s ne vivent pas les conséquences du racisme que connaissent les personnes issues de minorités

 
Combinez les agressions verbales et/ou physiques dès le plus jeune âge, les discriminations dans des droits fondamentaux, l’expression du mépris de la part même des institutions – y compris l’école -, et vous obtiendrez un terreau particulièrement fertile pour l’auto-détestation de nombreuses personnes non-blanches et le rejet de ce qui fait leur identité. Mais dites-moi si certain·e·s Blanc·he·s détestent leurs cheveux lisses parce qu’ils·elles auraient aimé qu’ils soient crépus, portent des lentilles pour avoir les yeux marron, changent de prénom pour s’appeler Fang ou Rakesh, ou ont honte de porter des jeans et se sentent obligé·e·s de porter des djellabas…

Dites-moi aussi si les personnes blanches en France sentent sur leurs épaules le poids de la responsabilité, car elles savent que chacune de leurs actions sera reprochée au groupe auquel elles appartiennent. Ou si chaque fait divers impliquant une personne blanche alimente les préjugés et la haine envers les Blanc·he·s.

Laissez tomber, je connais la réponse.

 

  • On ne peut pas expliquer toute agression d’une personne non-blanche envers une personne blanche par une question de couleur de peau

 
Pour illustrer le « racisme anti-Blanc », on met souvent en avant des actes de violence de personnes noires, maghrébines, etc., envers des personnes blanches, comme si la couleur de peau était le seul facteur d’explication possible. Dommage, mais il ne suffit pas d’affirmer qu’il s’agit de « racisme anti-Blanc » pour que cela aille de soi, sans prendre la peine de décrire ou prouver en quoi ces faits sont dus au fait que la victime était blanche.

Il ne suffit pas non plus de faire un montage avec trois photos sorties de leur contexte pour affirmer qu’il s’agit d’un phénomène de masse, sans apporter de sources ou de chiffres pour étayer cette affirmation. Au contraire, l’enquête de l’INED précitée affirme que le racisme anti-Blanc n’a « pas le caractère d’une expérience de masse ».

 

  • L’existence ou la présence de minorités en France ne correspondent PAS à du racisme anti-Blanc

 
 
Pour certain·e·s, la présence même de minorités ethnicisées serait en fait une preuve que les Blanc·he·s sont en danger, et même une volonté raciste de les éradiquer à coups de mariages mixtes et de gènes dominants (*insérer générique de X-Files*). Ils·elles semblent ainsi oublier que la présence de minorités est principalement due au passé colonial de la France et à son recrutement en masse de main-d’œuvre dans ses (anciennes) colonies.

Une illustration de ce « Grand Remplacement » serait que les Blanc·he·s ne peuvent soi-disant plus aller dans certains quartiers. Bon, on note certes quelques incidents où des individus avec de la peinture sur le visage sacrifient des personnes blanches sur un bûcher en faisant des danses tribales autour d’elles, mais pas de quoi en faire tout un plat, quoi.

Dans ce gloubi-boulga, certain·e·s ont aussi du mal à faire la distinction entre la haine des Blanc·he·s et les critiques ou insultes envers la France, certains conflits géopolitiques dans le monde, ou même la construction de mosquées en France :
 

Crédit : France Nation (qui ne précise pas si Carole est la petite fille en photo, qui serait donc particulièrement précoce)

 

… Elle dit qu’elle voit pas le rapport.

 

  • Le racisme anti-Blanc est généralement utilisé par des personnes ou des mouvements qui s’opposent aux luttes antiracistes

 
On pourrait maintenant penser que parler de « racisme anti-Blanc » revient, au pire, à utiliser un même mot pour désigner une réalité qui est simplement différente. Or, l’utilisation du même terme donne l’impression trompeuse que les minorités ont finalement des vécus semblables à ceux des populations blanches, tout autant victimes de racisme.

Il est aussi intéressant de noter que ce concept est majoritairement défendu par des mouvements identitaires ou des idéologues qui remettent systématiquement en cause les dénonciations de racisme qui émanent de personnes issues de minorités, leur reprochent de « se victimiser », voire véhiculent des discours de haine à leur égard. Difficile, donc, de ne pas voir ce concept comme un outil pour décrédibiliser les luttes antiracistes et désigner les Blanc·he·s comme les victimes des immigré·e·s et de leurs descendant·e·s « barbares ».

 

Conclusion : « Si tu veux ma place, prends aussi mon handicap »

 
Tout cela me fait penser à ces panneaux qui ont pour but de dissuader les personnes valides de se garer sur des places de parking réservées aux personnes en situation de handicap. Si vous voulez vous dire victimes de racisme, prenez donc TOUT ce qui va avec et renoncez à vos privilèges. Ensuite seulement, nous pourrons parler de « racisme inversé ».
 

 

Dommage qu’il ne suffise pas de proclamer l’existence d’une chose pour qu’elle existe, parce que nous aussi, on aimerait bien qu’à force de répéter le mot « licornes », elles deviennent réalité…

 

 

Merci à Lina et Justine pour leur précieuse relecture !

Crédit image à la une : Organisation de Lutte contre le Racisme Anti-blanc

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Top 10 des phrases sexistes et racistes que l’on peut entendre dans le milieu hospitalier

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Avant de travailler dans le milieu hospitalier, je m’attendais à trouver des personnes bienveillantes, ayant de l’empathie envers leurs collègues et leurs patient·e·s.  Certes, ces personnes existent, mais malheureusement, après des années à exercer dans plusieurs hôpitaux, j’ai dû me faire à l’idée qu’il s’agissait d’un milieu dur, sexiste et raciste. Je vous ai sélectionné quelques petites phrases bien charmantes ! Je les ai retranscrites telles quelles, sans déformation. Voici un top 10 des phrases que je peux entendre au quotidien, en tant que gynécologue.

 

  1. 1. « C’est une question de motivation et de culture. »

 

 

Cette phrase a été dite par un collègue à propos d’une patiente racisée, d’origine arabe, venant d’accoucher. Il se trouve que cette patiente souffrait d’obésité et d’hypertension artérielle. Il lui a été suggéré de faire du sport pour perdre du poids. J’ai alors fait remarquer qu’une mère de 3 enfants en bas âge, dont un bébé, a priori d’un niveau social modeste, n’a peut-être ni le temps ni les moyens de pratiquer une activité sportive. C’est donc la phrase qu’il m’a répondue, en soulignant que dans certains pays, ce n’est « pas dans leur culture » et que ces femmes  n’ont « pas la motivation nécessaire ». Tout en rajoutant qu’il ne voulait pas faire de généralisations. Car oui, c’est bien connu, il y a des cultures de paresseux·ses, où l’on est moins motivé·e·s pour prendre soin de sa santé (#ironie) ! Dire cela sans même prendre en compte tout le contexte socio-économique de ces personnes, c’est être complètement déconnecté·e de la réalité. Et encore une fois, nous, femmes racisées, sommes englobées dans un bloc unique, soumis à des clichés, et non simplement perçues comme des femmes venant d’accoucher, avec leurs problèmes et soucis comme n’importe quelle autres femme.

 

  1. 2. « Il y a une épidémie de grossesses. »

 

 

Vous ne le saviez pas ? La grossesse est une maladie contagieuse qui se transmet à toute vitesse ! Ce type de phrases est carrément rabaissant. Je ne comprends même pas comment ce mot a pu être utilisé dans ces circonstances. Mais le pire, c’est que la personne l’ayant prononcé ne se rend pas compte de sa gravité et des préjugés qu’il sous-entend. L’absence de réaction face à ces propos m’interroge aussi sur les personnes qui en ont été témoins.

 

 

  1. 3. « Regarde, c’est quelqu’un comme toi qui te soigne ! »

 


Une femme noire consulte aux urgences gynécologiques pour fausse couche, accompagnée par sa belle-mère, blanche. Elle est prise en charge par une interne noire. La belle-mère, voyant sa belle-fille pleurer, tente de la consoler en lui disant : « Regarde, c’est quelqu’un comme toi qui te soigne ». La belle-mère ne pensait probablement pas que sa phrase pouvait être raciste, mais l’interne ayant entendu cela fut réellement choquée. Qu’est-ce que cela veut dire « quelqu’un comme toi » ? Cette phrase est tellement remplie de préjugés. Et puis comme si, dans ces conditions de souffrance, la couleur de peau de la personne qui nous soigne avait une importance. Enfin, peut-être était-ce l’avis de la belle-mère…

 

 

  1. 4. « Elles sont toutes avec leurs trucs sur la tête, ça donne une mauvaise image de l’hôpital. »

 

 

Dans l’hôpital où je travaillais auparavant, il y avait 3 internes voilées et moi-même, gynécologue. Autant vous dire qu’on ne passait pas inaperçues. Nous avions à l’époque la possibilité de porter un bonnet ou un turban. Une sage-femme s’est donc plainte à d’autres membres du personnel du service : selon elle, on aurait déjà dû me l’interdire avant que n’arrivent les internes, car « maintenant que nous sommes nombreuses, nous donnons une mauvaise image de l’hôpital à cause de notre voile ». Ça me fait penser à cette phrase : « Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup que ça crée des problèmes ». Bien sûr, aujourd’hui les mesures sont devenues tellement strictes qu’aucun couvre-chef n’est toléré. Ou comment empêcher la visibilité des femmes voilées dans le milieu hospitalier.

 

 

  1. 5. « Il faut arrêter de recruter des femmes, elles ne font que pondre ! »

 

 

Malheureusement, je n’ai pas entendu cette phrase qu’une seule fois, et étonnamment, elle n’a pas été prononcée uniquement par des hommes. Comme si recruter une femme, aussi compétente soit-elle, était délétère pour le service. Car qui dit femme, dit maternité, dit congé, dit plus de travail pour les collègues, notamment les hommes qui, eux, ne prennent jamais de congés paternité n’est-ce pas… ?
Dans notre système hospitalier, nous les femmes, nous avons cette pression. Lorsque nous avons un projet de grossesse, c’est comme si cela concernait tout le service alors que cela relève de l’intime. D’ailleurs, nous ne sommes en rien responsables du manque d’effectifs. Notre volonté de maintenir une vie professionnelle épanouie ne doit pas empiéter sur notre vie privée. À noter que lorsqu’une femme ne souhaite pas avoir d’enfants et qu’elle dépasse un certain âge, les réflexions vont dans l’autre sens.
Cela n’est absolument pas normal. Que les femmes aient ou non un projet de maternité, cela ne doit regarder qu’elles.

 

 

  1. 6. « Déjà qu’on le·la soigne gratuitement, il·elle ne va pas non plus se plaindre… »

 

 

C’est le genre de phrases que vous pourrez entendre au sujet de patient·e·s racisé·e·s – Français·e·s ou non. Comme si les soigner dans les hôpitaux publics était une faveur qu’on leur accordait : il ne faudrait donc pas non plus qu’ils·elles exagèrent en pensant qu’ils·elles peuvent se plaindre ou réclamer lorsque l’on ne s’occupe pas assez d’eux·elles.
Je précise que ces personnes, de nationalité française ou non, ne bénéficient d’aucune faveur de la part des soignant·e·s. Elles sont dans leurs droits et c’est la loi qui leur permet d’avoir accès à ces soins comme n’importe quel·le citoyen·ne. Avoir un nom à consonance étrangère ou être racisé·e n’est pas une raison pour être traité·e·s différemment. Les soignant·e·s ne devraient pas faire de distinction à ce niveau : cela va à l’encontre de notre éthique.

 

  1. 7. « Encore une à la CMU et qui fait des gosses, il faudrait peut-être qu’elles apprennent à prendre une contraception. »

 

 

Je ne compte plus le nombre de fois où cette phrase a été dite et redite par des sages-femmes, gynécologues ou autres professionnel·le·s de santé, en parlant de femmes pour la plupart réfugiées ou immigrées, vivant généralement sur le sol français depuis peu. Alors… comment dire… on choisit rarement cette situation. Il faut rappeler que les personnes ayant droit à la CMU vivent dans une misère extrême, et les soins qui leur sont accordés sont des soins de nécessité. Être réfugié·e ou à la CMU ne veut pas dire que l’on n’a pas de désir de maternité ou de fonder une famille. Pourquoi leur retirer ce droit du fait de leur situation précaire ? Dans cette phrase, il y a pour moi comme une déshumanisation. On ne parle plus de femmes ou d’hommes, mais de « gens à la CMU qui font des gosses ». La plupart des patientes se sont retrouvées dans cette situation à un moment ou  elles avaient déjà fondé leur famille, ou arrivent enceintes après avoir fuit la guerre dans leurs pays. Notre système de santé français a au moins cela de positif : chacun·e peut accéder aux soins.

 

 

  1. 8. « C’est normal que les patientes ne te respectent pas, regarde-toi. Maquille-toi et coiffe-toi ! »

 

 

Pour remettre la phrase dans son contexte, elle a été dite par un médecin à une interne qui porte le voile, mais qui a dû le retirer pour respecter « la loi ».

Cette interne s’est plainte qu’une patiente lui manquait de respect et voici ce qu’on lui a répondu. Non mais sérieusement, quand j’ai entendu ça, j’étais atterrée. Non seulement il faut répondre à des injonctions vestimentaires du type interdiction de se couvrir les cheveux, ensuite il faut répondre à des standards de beauté comme le maquillage, les cheveux coiffés et bien lissés parce que « frisés ça passe pas, tu comprends »… C’est quoi la prochaine étape ? En quoi cela justifie le manque de respect à l’égard d’une professionnelle de santé ? Si la situation avait été inversée – une patience racisée qui manque de respect à une professionnelle blanche – le tort reviendrait très probablement à la patiente. Triste deux poids deux mesures auquel on est habitué·e·s.

 

  1. 9. « Ah bon, une femme peut être chirurgien ? »

 

 

Ça vous étonne, mais oui, une femme peut très bien être chirurgien, elle peut choisir d’exercer n’importe quel métier. C’est fou : en 2018, on croit encore que certaines professions sont attribuées à un genre spécifique. Ce type de réflexion ne vient pas, comme on pourrait le supposer, uniquement d’hommes racisés voulant soumettre les femmes (#second degré). Non, il vient aussi d’hommes blancs, la cinquantaine d’années, mais aussi de femmes blanches ou racisées. C’est un préjugé général. J’ai même déjà entendu : « Quand on m’a dit que j’allais voir le chirurgien, je m’attendais à  voir un homme grand, cheveux grisonnants ». Il y a du travail…

 

  1. 10. « Elle est chiante, mais ça va, elle est jolie, on peut lui pardonner. »

 

 

 

Quand une femme donne un ordre ou est stricte, voilà pour quoi elle passe : une personne chiante. Alors que chez un homme, cela passe pour une qualité, un souci d’exigence. Mais bon, quand on a un beau physique, il faut croire que cela passe mieux, n’est-ce pas ? Je pense que ce cas concerne n’importe quel secteur et pas uniquement le milieu médical. Certains hommes sont plus indulgents, par intérêt probablement, avec les femmes ayant un physique correspondant à leurs standards de beauté.

 

 

Voilà, le top 10 est fini, mais malheureusement, la liste aurait encore pu se prolonger. Le milieu médical, et en particulier hospitalier, est rempli de préjugés, d’idées construites, sexistes et racistes. Les femmes et hommes qui y exercent sont ceux de la société dans laquelle nous vivons. La déconstruction doit se faire partout, et également dans ce milieu.

 

Crédit photo image à la une: ISNI/paulinedetraz.fr

 

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(Dé)construction

La négrophobie dans les sociétés arabo-musulmanes n’a rien de nouveau

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La fin de l’année 2017 a été marquée par la diffusion d’une vidéo  de la chaîne américaine CNN montrant la mise aux enchères de migrant·e·s en Libye. La vidéo a été largement relayée dans les médias et sur les réseaux sociaux, suscitant de nombreux débats et de vives réactions. Parmi certaines réactions partagées sur internet, on a pu observer deux tendances : celle consistant à penser que la réduction en esclavage des migrant·e·s était quelque chose de nouveau, et celle consistant à dénoncer uniquement les responsabilités de l’impérialisme occidental, niant ainsi la négrophobie présente au sein de certaines communautés arabes

 

Pourtant, comme le montre le Global Slavery Index, l’esclavage moderne n’a rien de nouveau. Selon cet indice, « sur le continent africain, plus de 1 % de la population congolaise, soudanaise, sud-soudanaise, somalienne, centrafricaine ou encore mauritanienne serait en situation d’esclavage ». Au quotidien, les migrant·e·s issu·e·s des pays d’Afrique noire sont confronté·e·s aux attaques xénophobes et racistes en Libye. En septembre 2000, des violences meurtrières avaient éclatées à Zawiya, opposant les habitant·e·s de la ville aux immigré·e·s sub-saharien·ne·s et faisant de 130 à 500 morts.

 

Selon un rapport de l’Organisation Internationale du Travail, bien que le terme d’esclavage moderne ne soit pas défini dans la législation, il est utilisé comme terme générique synthétisant des aspects juridiques qui se recoupent. Il se réfère essentiellement à « des situations d’exploitation qu’une personne ne peut refuser ou quitter en raison de menaces, de violences, de coercition, de tromperie, et/ou d’abus de pouvoir ». Si la vidéo de l’esclavagisme pratiqué en Libye a mis en lumière un effroyable trafic d’êtres humains commis en toute impunité, ce n’est pourtant pas le seul pays dans lequel on rapporte des faits de violences et de racisme dirigés contre les populations noires. La négrophobie des pays arabo-musulmans s’étend dans d’autres pays d’Afrique du Nord, que ce soit en Algérie, au Maroc, en Tunisie, mais aussi dans les pays du Golfe, dans lesquels les attaques négrophobes se multiplient contre les migrant·e·s.

 

Le « paradigme de l’infériorité de l’homme noir »

 

Si la mise en esclavage d’Africain·e·s noir·e·s en Libye et dans d’autres régions du monde est pointée du doigt à juste titre, nous ne devons pas pour autant oublier que le racisme et la négrophobie ne sont pas des faits nouveaux au sein des communautés musulmanes. Alors que la traite transatlantique est souvent mentionnée lorsque l’on parle d’esclavage, on estime le nombre de victimes de la traite arabo-musulmane, qui a duré treize siècles, à 17 millions de mort·e·s et/ou déporté·e·s, comme le rappelle l’anthropologue et économiste sénégalais Tidiane N’Diaye dans son livre Le génocide voilé.

Pour l’anthropologue, alors que la fraternité religieuse devrait rassembler les croyant·e·s, le « paradigme de l’infériorité de l’homme noir » est toujours présent. Ceci est principalement dû à une dévalorisation sociale et statutaire des femmes et des hommes noir·e·s, qui s’articule notamment à travers une disqualification religieuse. En Libye, mais aussi en Algérie, en Tunisie et en Égypte, on les appelle “azi”, l’équivalent de “nègre”, de même que “abd”, “esclave”, des termes péjoratifs utilisés pour qualifier « l’ homme noir ».

 

Un « privilège arabe »

 

Lorsque l’on étudie le racisme, il est intéressant de voir qu’il peut prendre des formes très diverses. S’il contribue à disqualifier des personnes sur la base de leur couleur de peau ou de leurs origines, en conséquence, les personnes issues du groupe dominant bénéficient de privilèges liés à cette appartenance.

En effet, on peut observer dans les communautés musulmanes un “privilège arabe” que l’on peut associer à une valorisation des populations issues de pays arabo-musulmans ou originaires de ces régions. Une conception largement répandue tend à accorder une plus grande légitimité aux Arabes, comme si l’Islam était l’apanage des sociétés arabo-musulmanes, tandis que dans un autre versant, on remet sans cesse en question la légitimité et la “religiosité” des musulman·e·s noir·e·s.

Pourtant, la diversité ethnique et culturelle des êtres humains est rappelée maintes fois dans le Coran. L’Islam, au-delà de l’ethnie, de la lignée ou du statut social, considère tous les êtres humains comme égaux :

« Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. »
(Sourate 49 Al Hujurat (Les appartements), verset 13)

Ainsi dans l’Islam, l’origine ou la langue parlée ne constituent pas un marqueur de supériorité auprès de Dieu et les plus nobles se distinguent par leur piété. Par ailleurs, la diversité ethnique et culturelle des musulman·e·s se traduit par les origines variées des 127 000 prophètes de l’Islam ; parmi ceux cités dans les sources islamiques, seuls quelques-uns parmi eux étaient arabes.

Pour autant, le “privilège arabe” est bien ancré et s’infiltre dans de nombreuses sphères politiques, sociales et religieuses. On observe ainsi une représentation dominante au sein des professions relatives aux sciences religieuses, au droit musulman, qu’il s’agisse de savant·e·s ou de théologien·ne·s, mais aussi chez les personnalités internationales de confession musulmane. Sur le devant de la scène, on trouve très souvent des conférencièr·e·s arabes.

C’est également le cas dans les conseils d’administration des organisations et associations fondées par des musulman·e·s, de même que dans les instances représentatives. Combien de musulman·e·s noir·e·s siègent dans des postes à responsabilités au sein de ces structures ?

 

Le “privilège arabe” est pourtant loin d’être la seule cause des expériences de discriminations à l’encontre des populations musulmanes noires. On peut également parler de “privilège asiatique”.  En effet, les communautés musulmanes présentes et/ou originaires des pays d’Asie du Sud, comme l’Indonésie, la Malaisie et le Pakistan, bénéficient également d’une plus large représentation que les musulman·e·s noir·e·s et afrodescendant·e·s.

Loin d’être uniquement limitée aux questions de manque de représentation, la négrophobie se manifeste aussi par un rejet, voire des propos négrophobes à l’encontre des personnes musulmanes noires, perçues comme “inférieures” en comparaison aux personnes musulmanes arabes. La “légitimité” des musulman·e·s noir·e·s est souvent questionnée et constitue un point récurrent dans les discours négrophobes.

Étant originaire du Sénégal, Hawa a souvent eu affaire à des remarques et à des préjugés concernant sa pratique de la religion, supposément liée aux pratiques de son pays d’origine. « J’ai déjà entendu pas mal de remarques de la part de musulman·e·s originaires de pays arabes sur la façon dont les musulman·e·s de pays d’Afrique noire pratiquaient la religion. Un peu comme si on était des “musulman·e·s de seconde zone”, pas vraiment considéré·e·s comme musulman·e·s et pas vraiment considéré·e·s comme légitimes. Un peu comme si, sous prétexte que l’Islam a été révélé dans la langue arabe, certain·e·s musulman·e·s arabophones se pensaient supérieur·e·s aux autres. »

 

Rassemblement du 25 novembre 2017 à Paris / Crédit photo : Louiza Lamia

 

Ces jugements sur une prétendue légitimité en tant que musulman·e·s ont également été vécus par Dieynaba, qui raconte : « Dans mon quartier, les Noir·e·s se comptaient sur les doigts d’une seule main : trois, allez quatre familles tout au plus. Deux de ces quatre familles, dont la mienne, étaient de confession musulmane, ce qui suscitait parfois l’étonnement. Un étonnement qui se transformait par un rejet de notre identité religieuse à laquelle d’autres musulman·e·s refusaient de nous associer. Je me souviens de cette scène à laquelle j’ai assisté alors que je n’étais qu’enfant. C’était dans l’école primaire où je me rendais avec mes sœurs. Ma mère avait entendu dire que des cours d’arabe étaient mis en place et souhaitait donc tout naturellement nous inscrire. Étonnamment, elle a dû faire face au « non » catégorique du professeur de langue arabe, qui nous a refusé l’accès à ces cours. Pour quel motif ? La réponse est évidente, non ?! Et puis les gens s’offusquent, s’étonnent de constater que je suis musulmane mais que je ne parle pas arabe. Visiblement, mon identité religieuse resurgit uniquement pour pointer du doigt mes lacunes et ainsi remettre en cause ma légitimité à m’affirmer et à me considérer comme musulmane.

 

En dehors de la salle de classe où j’étais visiblement la seule élève noire, il en était de même de la mosquée dans laquelle je me rendais. La diversité de cette mosquée n’était représentative qu’à travers ma famille, la majorité de l’assemblée étant composée de personnes d’origine maghrébine. Cette absence de mixité suscitait chez moi un sentiment de malaise dû aux regards qui pesaient sur moi. Ces regards étaient-ils réels ou imaginaires ? Mon malaise, lui, était en tout cas bien réel. J’ai décidé de l’affronter par la fuite : ne plus me rendre à la mosquée. Mais la mosquée n’est-elle pas la maison de Dieu pour tou·te·s, quelque soient notre culture, notre couleur de peau ? »
 

Rassemblement du 25 novembre 2017 à Paris / Crédit photo : Louiza Lamia

Ce n’est pas en se cachant derrière une pseudo unité de personnes racisées que l’on parviendra à régler le racisme au sein de la communauté musulmane

Un des aspects positifs est de voir que la négrophobie au sein de la communauté musulmane est de plus en plus dénoncée. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses voix s’élèvent contre le racisme et les traitement différenciés à l’encontre des musulman·e·s noir·e·s. On trouve également des initiatives comme Black and Muslims in Britain, une série de vidéos traitant de différents sujets : représentation, identité, amour et relations à travers les expériences d’influenceuses et d’influenceurs musulman·e·s noir·e·s en Angleterre.

Cependant, même si la négrophobie est bien plus discutée et interrogée aujourd’hui au sein des communautés musulmanes, elle reste un sujet tabou, souvent évacuée des débats. Par conséquent, on délaisse des sujets tels que la négrophobie au profit de ce qui est considéré comme plus “important” avec des thèmes tels que la lutte contre l’islamophobie. Le problème avec cette approche et cet agenda imposé de ce que devraient être nos “priorités” est qu’ils nient les expériences vécues par des musulman·e·s confronté·e·s à la fois au racisme systémique et au racisme au sein de leur communauté religieuse. Ce n’est pas en se cachant derrière une pseudo unité de personnes racisées que l’on parviendra à régler le racisme au sein de la communauté musulmane. Nous avons tou·te·s des responsabilités sur ces sujets ; en parler, c’est déjà reconnaître le problème et trouver des solutions pour y remédier. En tant que membres de diasporas diverses, les questions de négrophobie ne doivent plus être étouffées, elles doivent être discutées de manière constructive.

L’unité dans la foi entre musulman·e·s ne peut être effective si elle ne se traduit pas dans les faits.

 

Article écrit par Dieynaba, Hawa et Romy
 
 

Crédit photo à la une : Louiza Lamia

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Top 8 des perles sexistes / islamophobes / racistes du mois d’octobre

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Les femmes – musulmanes ou non – semblent être, bien malgré elles, un des sujets de discussion préférés de nos personnages publics français. Chaque mois, retrouvez le top des perles sexistes et/ou islamophobes du mois précédent !
Octobre a été à la hauteur de nos attentes. Avec le succès des hashtags #Metoo et #BalanceTonPorc et surtout la réaction des dits porcs, nous avons eu notre lot de sexisme puissance 1000 pour l’année, je dirais. Malheureusement, ce n’est sûrement que le début…

 

Dimanche 1er octobre : D’après Dossier Tabou, le harcèlement sexuel… c’est la faute de l’Islam.

Selon le chroniqueur de l’émission Dossier Tabou, diffusée sur M6, l’une des causes du harcèlement de rue serait l’Islam. On se demande franchement le rapport car le comportement et les paroles des hommes que l’on voit dans le reportage n’ont strictement rien à voir avec l’Islam.

En aucun cas la religion ne cautionne ce genre de comportement. L’émission fait également un rapprochement douteux avec les agressions qui se sont produites à Cologne ou durant les manifestations sur la place Tahrir en 2011 en Egypte. L’Islam prône pourtant le respect, aucun texte sacré ne dira le contraire. Il est si facile d’instrumentaliser une religion pour faire de l’audimat ou pour récupérer des voix électorales… C’est d’ailleurs sur cette vague que surfe une certaine Marine, aidée de temps en temps par des journalistes dont les reportages mettent en cause l’Islam comme explication à tous les maux du monde…

Nous savons pourtant que le harcèlement de rue concerne toutes les femmes, et que les harceleurs sont partout et de toutes les origines ou religions. Jusqu’à preuve du contraire, Denis Baupin, DSK ou encore Weinstein, pour ne citer qu’eux, ne sont pas musulmans. L’historienne Christine Bard, professeure à l’Université d’Angers et auteure de Ce que soulève la jupe, revient avec justesse sur l’émission et défait certains propos tenus dans l’article Harcèlement : « Il n’y a pas eu d’âge d’or des libertés des femmes ». La page féministe qui dénonce le harcèlement de rue, Paye ta Shnek, qui a d’ailleurs refusé de participer à l’émission pour ne pas voir sa parole déformée à des fins racistes et islamophobes prévisibles, a également commenté l’émission sur son fil Twitter. Comme elle l’écrit, « On ne cessera de rappeler que le harcèlement sexiste n’est pas une nouveauté, encore moins un privilège d’hommes musulmans comme cela a été insinué. Les attitudes sexistes sont pratiquées par tous les types d’hommes, que cela arrange vos affaires ou non, c’est un fait. »

 

Mardi 3 octobre : Manuel Valls confond sexisme et « Islam politique ».

Dimanche 1er octobre, Danièle Obono, députée LFI (La France Insoumise), est interviewée sur BFM TV au sujet des lois anti-terroristes mises en place par l’Etat. La journaliste lui demande alors : « Un chauffeur qui refuse de conduire un bus après une femme, est-ce un homme radicalisé ? ».

Danièle Obono a très justement estimé qu’un chauffeur refusant de prendre son service dans un bus sous prétexte qu’une femme l’avait précédé faisait preuve de sexisme et pas nécessairement de radicalisation.

Sur RTL, quelques jours plus tard, Manuel Valls ne s’est pas gêné pour analyser les propos de la députée, lui reprochant de faire « acte de complaisance » et preuve de « complicité avec l’islam politique ».

Voyons Manuel, pas à nous s’il te plaît…

 

 

Mercredi 4 octobre : Pour le footballeur américain Cam Newton, les femmes ne comprennent rien au sport.

 

« C’est drôle d’entendre une femme parler de tracés, c’est marrant !»

Ce propos a été prononcé lors d’une conférence de presse par le footballeur américain Cam Newton, à une journaliste de The Observer, Jourdan Rodrigue, et tout cela avec un large sourire hautain… Cette dernière a préféré répondre sur twitter :

« Je ne pense pas que ce soit « drôle » d’être une femme et de parler de tracés. Je pense que c’est mon travail. J’ai parlé avec lui ensuite et c’était pire. J’ai choisi de ne pas le partager parce que j’ai un vrai boulot à faire et il ne m’en empêchera pas. »

Les propos du quarterback ayant fait scandale, un de ses sponsors, la filiale américaine de Danone, s’est retiré…

Et oui… Qui s’y frotte s’y pique…

 

 

Jeudi 5 octobre : On demande à Christiane Taubira de disserter sur les insultes dont elle a été victime.

 

 » Quand on subit une telle violence, c’est à moi de venir face à cette dame-là, à ce qu’elle dit ? Je vais venir faire de grands développements philosophiques ? Enfin, où sommes-nous ? Elle attaque juste une personne, là ? Elle attaque un pays, des valeurs, une histoire ! Et vous m’interrogez moi ? »

Invitée de l’émission Complément d’Enquête, sur France 2, un journaliste demande à Christiane Taubira de réagir à une vidéo revenant sur les insultes dont elle a été victime au cours des quatre ans qu’elle a passés au ministère de la Justice. On y voit une femme la comparer à un singe. Blessée, l’ancienne ministre décide de mettre fin à l’interview…

Et on la comprend : qui aurait aimé donner de son temps pour revenir sur des insultes effroyables et leur donner du crédit en discutant à leur sujet ? Débattre de la bêtise, c’est comme donner de la confiture aux cochons.

 

Samedi 7 octobre : Anne Nivat, grand reporter, est présentée comme « la femme de Jean-Jacques Bourdin ».

 

Invitée de l’émission Salut les terriens sur C8, Anne Nivat, grand reporter, est venue parler de son livre Dans quelle France on vit. Mais lorsqu’il la présente, Tom Villa, chroniqueur, semble pourtant oublier l’essentiel.

« Il n’a quand même pas dit le principal en ce qui me concerne. C’est que ma fonction, ce n’est pas « être femme de Jean-Jacques Bourdin ». C’est grand reporter. Oui, pour tout le monde, il l’a dit. »

Ce à quoi Laurent Baffie nous rétorque : « Où est le dresseur ? ».

 

 

Non, Monsieur Baffie, Anne Nivat n’est pas une chienne enragée que l’on doit dresser, comme vous le sous-entendez. Elle souhaite juste être présentée à sa juste valeur, et notamment sa valeur professionnelle. La journaliste, au demeurant peu soutenue par les autres invités (exclusivement masculins) autour d’elle, demande donc à ce que la chronique soit refaite. Tom Villa s’exécute et termine sur une dernière remarque très pertinente de Laurent Baffie : « C’est du sexisme. (ironie) ».

Well ! Laurent Baffie (et tous les autres), effectivement vous avez assisté à une scène sexiste où la femme est diminuée au profit de son mari alors que l’objet de la venue du couple est bien de présenter le livre d’Anne Nivat. Oui ! Vous lisez bien ! Une femme écrivaine ! IN-CRO-YA-BLE ! Rappelons-le, le titre de son livre est Dans quelle France on vit. Et bien visiblement dans une France sexiste, comme nous en avons eu la démonstration.

 

Lundi 16 octobre : Bruno Le Maire explique sur France Info qu’il ne dénoncerait pas un homme politique coupable de harcèlement sexuel.

 

« – Connaissez-vous aujourd’hui un homme politique dont on dira dans dix ans : « Nous savions qu’il était un harceleur » ?
– Non.
– Sinon vous le dénonceriez ?
– Non.
– C’est compliqué ?
– C’est compliqué, mais… la dénonciation ne fait pas partie de mon identité politique. »

Premièrement, non, ce n’est pas compliqué de dénoncer une personne qui commet un délit et encore moins si celle-ci est détentrice de l’autorité publique. C’est un devoir.

Deuxièmement, rappelons que vous prononcez ces propos alors que dans le même temps, votre collègue Marlène Schappia prépare une loi sur la pénalisation du harcèlement sexuel.

Troisièmement, quelle que soit votre identité politique, selon l’article 40 du Code pénal, « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République… ».

Bruno Le Maire s’est-il rendu compte de son erreur de com’ ? Toujours est-il qu’il a diffusé un correctif dans une vidéo sur Twitter où il reconnaît : « Je me suis mal exprimé, je le regrette ». Il dit même qu’il veut devenir féministe. Non, pardon ! Là je vais trop loin ! Mais il est prêt à participer à ce combat « avec sincérité et avec cœur ».

 

 

Mardi 17 octobre : Sur Europe 1, Eric Zemmour compare le #BalanceTonPorc à la délation des Juifs·ves durant la Seconde Guerre mondiale.

« Ben moi, vous savez, dès que je vois une meute je me méfie, et là en plus c’est vraiment des méthodes étonnantes, de délation, c’est-à-dire pendant la guerre, on aurait dit de libérer la parole aussi : Dénonce ton Juif, ça aurait été parfait. »

Monsieur Zemmour, ouvrez s’il vous plait le dictionnaire à la page « délation ». Vous y trouverez comme définition : « dénonciation intéressée, méprisable, inspirée par la vengeance, la jalousie ou la cupidité ». #BalanceTonPorc ne correspond pas à cela, ce sont des femmes, des victimes de harcèlement ou d’agression-s sexuelle-s qui témoignent, par esprit de justice. Celles qui parlent aujourd’hui ne sont pas les collabos d’hier mais des victimes, comme l’ont été,  dans une autre mesure, les Juifs·ves durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Mercredi 25 octobre : La Une du Parisien sur le harcèlement sexuel des femmes confisque totalement la parole aux concernées.

 

Crédit photo : France Info

 

Messieurs, nous vous remercions énormément de votre engagement contre le harcèlement sexuel que subissent les femmes. Néanmoins, nous sommes les principales concernées par ce phénomène. Il est donc normal que ce soit nous qui portions le message (pour une fois) et qui fassions la Une. Malheureusement (et encore une fois), on nous silencie, on prend la parole à notre place. Qui mieux que nous pour parler et témoigner du harcèlement sexuel ? Surtout pas un homme ! Surtout pas seize hommes !

Il serait bon, la prochaine fois, de nous laisser la Une, nous laisser la place, nous laisser la parole, tout simplement !

 

 

Auteures : Lamia et Hannanas

 

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Diffuse la bonne parole

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