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(Dé)construction

Top 10 des phrases sexistes et racistes que l’on peut entendre dans le milieu hospitalier

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Avant de travailler dans le milieu hospitalier, je m’attendais à trouver des personnes bienveillantes, ayant de l’empathie envers leurs collègues et leurs patient·e·s.  Certes, ces personnes existent, mais malheureusement, après des années à exercer dans plusieurs hôpitaux, j’ai dû me faire à l’idée qu’il s’agissait d’un milieu dur, sexiste et raciste. Je vous ai sélectionné quelques petites phrases bien charmantes ! Je les ai retranscrites telles quelles, sans déformation. Voici un top 10 des phrases que je peux entendre au quotidien, en tant que gynécologue.

 

  1. 1. « C’est une question de motivation et de culture. »

 

 

Cette phrase a été dite par un collègue à propos d’une patiente racisée, d’origine arabe, venant d’accoucher. Il se trouve que cette patiente souffrait d’obésité et d’hypertension artérielle. Il lui a été suggéré de faire du sport pour perdre du poids. J’ai alors fait remarquer qu’une mère de 3 enfants en bas âge, dont un bébé, a priori d’un niveau social modeste, n’a peut-être ni le temps ni les moyens de pratiquer une activité sportive. C’est donc la phrase qu’il m’a répondue, en soulignant que dans certains pays, ce n’est « pas dans leur culture » et que ces femmes  n’ont « pas la motivation nécessaire ». Tout en rajoutant qu’il ne voulait pas faire de généralisations. Car oui, c’est bien connu, il y a des cultures de paresseux·ses, où l’on est moins motivé·e·s pour prendre soin de sa santé (#ironie) ! Dire cela sans même prendre en compte tout le contexte socio-économique de ces personnes, c’est être complètement déconnecté·e de la réalité. Et encore une fois, nous, femmes racisées, sommes englobées dans un bloc unique, soumis à des clichés, et non simplement perçues comme des femmes venant d’accoucher, avec leurs problèmes et soucis comme n’importe quelle autres femme.

 

  1. 2. « Il y a une épidémie de grossesses. »

 

 

Vous ne le saviez pas ? La grossesse est une maladie contagieuse qui se transmet à toute vitesse ! Ce type de phrases est carrément rabaissant. Je ne comprends même pas comment ce mot a pu être utilisé dans ces circonstances. Mais le pire, c’est que la personne l’ayant prononcé ne se rend pas compte de sa gravité et des préjugés qu’il sous-entend. L’absence de réaction face à ces propos m’interroge aussi sur les personnes qui en ont été témoins.

 

 

  1. 3. « Regarde, c’est quelqu’un comme toi qui te soigne ! »

 


Une femme noire consulte aux urgences gynécologiques pour fausse couche, accompagnée par sa belle-mère, blanche. Elle est prise en charge par une interne noire. La belle-mère, voyant sa belle-fille pleurer, tente de la consoler en lui disant : « Regarde, c’est quelqu’un comme toi qui te soigne ». La belle-mère ne pensait probablement pas que sa phrase pouvait être raciste, mais l’interne ayant entendu cela fut réellement choquée. Qu’est-ce que cela veut dire « quelqu’un comme toi » ? Cette phrase est tellement remplie de préjugés. Et puis comme si, dans ces conditions de souffrance, la couleur de peau de la personne qui nous soigne avait une importance. Enfin, peut-être était-ce l’avis de la belle-mère…

 

 

  1. 4. « Elles sont toutes avec leurs trucs sur la tête, ça donne une mauvaise image de l’hôpital. »

 

 

Dans l’hôpital où je travaillais auparavant, il y avait 3 internes voilées et moi-même, gynécologue. Autant vous dire qu’on ne passait pas inaperçues. Nous avions à l’époque la possibilité de porter un bonnet ou un turban. Une sage-femme s’est donc plainte à d’autres membres du personnel du service : selon elle, on aurait déjà dû me l’interdire avant que n’arrivent les internes, car « maintenant que nous sommes nombreuses, nous donnons une mauvaise image de l’hôpital à cause de notre voile ». Ça me fait penser à cette phrase : « Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup que ça crée des problèmes ». Bien sûr, aujourd’hui les mesures sont devenues tellement strictes qu’aucun couvre-chef n’est toléré. Ou comment empêcher la visibilité des femmes voilées dans le milieu hospitalier.

 

 

  1. 5. « Il faut arrêter de recruter des femmes, elles ne font que pondre ! »

 

 

Malheureusement, je n’ai pas entendu cette phrase qu’une seule fois, et étonnamment, elle n’a pas été prononcée uniquement par des hommes. Comme si recruter une femme, aussi compétente soit-elle, était délétère pour le service. Car qui dit femme, dit maternité, dit congé, dit plus de travail pour les collègues, notamment les hommes qui, eux, ne prennent jamais de congés paternité n’est-ce pas… ?
Dans notre système hospitalier, nous les femmes, nous avons cette pression. Lorsque nous avons un projet de grossesse, c’est comme si cela concernait tout le service alors que cela relève de l’intime. D’ailleurs, nous ne sommes en rien responsables du manque d’effectifs. Notre volonté de maintenir une vie professionnelle épanouie ne doit pas empiéter sur notre vie privée. À noter que lorsqu’une femme ne souhaite pas avoir d’enfants et qu’elle dépasse un certain âge, les réflexions vont dans l’autre sens.
Cela n’est absolument pas normal. Que les femmes aient ou non un projet de maternité, cela ne doit regarder qu’elles.

 

 

  1. 6. « Déjà qu’on le·la soigne gratuitement, il·elle ne va pas non plus se plaindre… »

 

 

C’est le genre de phrases que vous pourrez entendre au sujet de patient·e·s racisé·e·s – Français·e·s ou non. Comme si les soigner dans les hôpitaux publics était une faveur qu’on leur accordait : il ne faudrait donc pas non plus qu’ils·elles exagèrent en pensant qu’ils·elles peuvent se plaindre ou réclamer lorsque l’on ne s’occupe pas assez d’eux·elles.
Je précise que ces personnes, de nationalité française ou non, ne bénéficient d’aucune faveur de la part des soignant·e·s. Elles sont dans leurs droits et c’est la loi qui leur permet d’avoir accès à ces soins comme n’importe quel·le citoyen·ne. Avoir un nom à consonance étrangère ou être racisé·e n’est pas une raison pour être traité·e·s différemment. Les soignant·e·s ne devraient pas faire de distinction à ce niveau : cela va à l’encontre de notre éthique.

 

  1. 7. « Encore une à la CMU et qui fait des gosses, il faudrait peut-être qu’elles apprennent à prendre une contraception. »

 

 

Je ne compte plus le nombre de fois où cette phrase a été dite et redite par des sages-femmes, gynécologues ou autres professionnel·le·s de santé, en parlant de femmes pour la plupart réfugiées ou immigrées, vivant généralement sur le sol français depuis peu. Alors… comment dire… on choisit rarement cette situation. Il faut rappeler que les personnes ayant droit à la CMU vivent dans une misère extrême, et les soins qui leur sont accordés sont des soins de nécessité. Être réfugié·e ou à la CMU ne veut pas dire que l’on n’a pas de désir de maternité ou de fonder une famille. Pourquoi leur retirer ce droit du fait de leur situation précaire ? Dans cette phrase, il y a pour moi comme une déshumanisation. On ne parle plus de femmes ou d’hommes, mais de « gens à la CMU qui font des gosses ». La plupart des patientes se sont retrouvées dans cette situation à un moment ou  elles avaient déjà fondé leur famille, ou arrivent enceintes après avoir fuit la guerre dans leurs pays. Notre système de santé français a au moins cela de positif : chacun·e peut accéder aux soins.

 

 

  1. 8. « C’est normal que les patientes ne te respectent pas, regarde-toi. Maquille-toi et coiffe-toi ! »

 

 

Pour remettre la phrase dans son contexte, elle a été dite par un médecin à une interne qui porte le voile, mais qui a dû le retirer pour respecter « la loi ».

Cette interne s’est plainte qu’une patiente lui manquait de respect et voici ce qu’on lui a répondu. Non mais sérieusement, quand j’ai entendu ça, j’étais atterrée. Non seulement il faut répondre à des injonctions vestimentaires du type interdiction de se couvrir les cheveux, ensuite il faut répondre à des standards de beauté comme le maquillage, les cheveux coiffés et bien lissés parce que « frisés ça passe pas, tu comprends »… C’est quoi la prochaine étape ? En quoi cela justifie le manque de respect à l’égard d’une professionnelle de santé ? Si la situation avait été inversée – une patience racisée qui manque de respect à une professionnelle blanche – le tort reviendrait très probablement à la patiente. Triste deux poids deux mesures auquel on est habitué·e·s.

 

  1. 9. « Ah bon, une femme peut être chirurgien ? »

 

 

Ça vous étonne, mais oui, une femme peut très bien être chirurgien, elle peut choisir d’exercer n’importe quel métier. C’est fou : en 2018, on croit encore que certaines professions sont attribuées à un genre spécifique. Ce type de réflexion ne vient pas, comme on pourrait le supposer, uniquement d’hommes racisés voulant soumettre les femmes (#second degré). Non, il vient aussi d’hommes blancs, la cinquantaine d’années, mais aussi de femmes blanches ou racisées. C’est un préjugé général. J’ai même déjà entendu : « Quand on m’a dit que j’allais voir le chirurgien, je m’attendais à  voir un homme grand, cheveux grisonnants ». Il y a du travail…

 

  1. 10. « Elle est chiante, mais ça va, elle est jolie, on peut lui pardonner. »

 

 

 

Quand une femme donne un ordre ou est stricte, voilà pour quoi elle passe : une personne chiante. Alors que chez un homme, cela passe pour une qualité, un souci d’exigence. Mais bon, quand on a un beau physique, il faut croire que cela passe mieux, n’est-ce pas ? Je pense que ce cas concerne n’importe quel secteur et pas uniquement le milieu médical. Certains hommes sont plus indulgents, par intérêt probablement, avec les femmes ayant un physique correspondant à leurs standards de beauté.

 

 

Voilà, le top 10 est fini, mais malheureusement, la liste aurait encore pu se prolonger. Le milieu médical, et en particulier hospitalier, est rempli de préjugés, d’idées construites, sexistes et racistes. Les femmes et hommes qui y exercent sont ceux de la société dans laquelle nous vivons. La déconstruction doit se faire partout, et également dans ce milieu.

 

Crédit photo image à la une: ISNI/paulinedetraz.fr

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Affaire Aquaboulevard : Viens, je t’emmène à la salle !

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C’est l’idée qu’a eue une jeune femme : emmener l’une de ses amies à la salle de sport où elle est abonnée, pour un cours collectif. Elles auraient pu passer un très bon moment, cependant elles étaient loin d’imaginer ce qui allait se produire. La scène se passe dans un complexe sportif du 15ème arrondissement de Paris, le Forest Hill d’Aquaboulevard. Les jeunes femmes s’installent pour débuter leur séance. Seulement voilà, l’une d’elle porte un turban et, devant les 200 autres personnes présentes, les responsables décident de les exclure pour « raison d’identification ». Sous le choc, l’une d’elle a tout de même le réflexe de filmer la scène et de la diffuser sur le web. S’en suit un tollé sur les réseaux sociaux, où les internautes ont vivement réagi.

 

Mais pourquoi cette exclusion ?

 

En entendant parler de cette histoire, on s’est posé plusieurs questions. Qu’est ce qui peut autoriser un établissement privé à expulser des adhérent·e·s pour cette raison ? En quoi un turban gêne-t-il un cours de sport ? On a l’habitude de certains arguments…

 

La laïcité ? On ne le répètera jamais assez : la laïcité est la neutralité religieuse de l’Etat, et n’interdit pas de porter des signes religieux dans l’espace public. Au contraire, elle garantit l’expression de culte à tou·te·s les citoyen·ne·s. La neutralité religieuse ne prévaut que pour les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, et les élèves de l’école publique depuis 2004. La laïcité garantit donc à cette jeune femme le droit de porter un foulard lors d’un cours de sport.

Un règlement intérieur ? C’est l’argument donné par les responsables de la salle. Le règlement intérieur de l’établissement interdirait le port d’un couvre-chef, y compris des casquettes, capuches ou bonnets. Premièrement, les jeunes femmes ont pu constater que plusieurs personnes autour d’elles portaient des casquettes sans en être inquiétées. Certains couvre-chefs semblent donc être admis.

De plus, un signe religieux n’est pas un banal couvre-chef mais représente un signe extérieur d’une conviction religieuse, appartenant de ce fait à la liberté de culte. Le droit national et international protège les femmes qui voudraient notamment porter un foulard.

Par ailleurs, un règlement intérieur ne peut comporter des articles qui ne seraient pas conformes à la loi. La liberté religieuse est un droit fondamental, garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et la Constitution Française du 4 octobre 1958. En aucun cas, le règlement intérieur d’un établissement peut passer au-dessus de ce principe fondamental.

 

Des raisons de sécurité ? Dans certains cas, le port d’un foulard peut ne pas être adapté aux activités proposées. Il est possible qu’un foulard se coince dans une machine par exemple, et entraine des risques pour la personne le portant. Mais cet argument ne fonctionne pas ici : la jeune femme exclue de la salle de sport portait un turban qui ne pendait pas, et ne posait donc aucun problème de sécurité. A noter que l’argument de l’identification n’est également pas valable : la plaignante avait donné son identité à l’entrée de l’établissement, carte d’identité à l’appui, et son visage était bien visible.

Rien ne justifie donc l’exclusion de cette jeune femme. Nous sommes bien ici en présence d’un cas de discrimination sexiste et islamophobe. Et ce n’est en aucun cas acceptable.

 

 

 

Pourquoi est-ce si révoltant ?

 

Ce supposé règlement intérieur interdisant le port de turban ne permettrait-il plutôt pas d’exclure des lieux une seule catégorie de personnes : les femmes voilées ?

Il s’agit ici d’un complexe sportif, mais des faits comparables se sont déjà produits ailleurs : école, banque, restaurant, milieu médical… Les femmes désirant se couvrir les cheveux sont de plus en plus fréquemment exclues de certains lieux privés sous couvert du règlement intérieur. Il faut dire stop à ces mesures discriminatoires, ne pas les rendre courantes et acceptables.

Etant moi-même voilée, je déteste dire « les femmes voilées » ou « moi, femme voilée » car cette expression est réductrice. Mais ce type de comportement nous stigmatise toutes, nous réduit au seul fait que nous portons un voile, nous empêche de nous exprimer en tant que femmes. Exclure une personne en raison de sa tenue et in fine de son appartenance religieuse, réelle ou supposée, est profondément humiliant. Cela provoque inévitablement le sentiment d’être considéré·e comme un·e individu·e à part dans la société. A l’heure où l’on parle de violences faites aux femmes, il est temps de considérer ces comportements islamophobes comme tels.

Nous sommes souvent cataloguées comme « soumises » lorsque nous choisissons d’être femmes au foyer ou de rester chez nous. Nous sommes exclues des lieux publics lorsque nous voulons avoir des activités comme n’importe quelle autre femme. Et nous sommes ensuite accusées de communautarisme lorsque nous nous retrouvons entre nous, pour nous préserver de toutes ses violences. Cela doit cesser.

Dénoncer ces pratiques ne veut pas dire se victimiser. Se positionner en tant que victime ne veut pas dire que l’on est inactif·ve . Bien au contraire, la solution réside dans l’action.

 

Comment réagir ?

 

 

Quel comportement adopter face à ces événements ?  Il ne faut pas penser que nous n’avons pas de pouvoir, car même l’action la plus minime vaut mieux que l’inaction. Il ne faut pas se taire. Il faut soutenir les victimes de discriminations, et dans ce cas tout notre soutien va aux deux jeunes femmes. Il est également nécessaire de faire du bruit : en signalant son mécontentement sur les réseaux sociaux, mais aussi auprès des structures concernées, ici l’Aquaboulevard. L’appel au boycott peut aussi être envisagé.

Ensuite, il faut avoir recours à la voie juridique pour que ces faits soient punis et que cela serve d’exemple. Dans ce cas comme dans d’autres, le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) a été saisi. Pour preuve que nous pouvons agir, dans des cas similaires, les personnes ayant porté plainte contre ces établissements ont eu gain de cause. En juin 2014, le Tribunal de Grande Instance de Thionville a retenu le délit de discrimination contre le gérant d’une salle de sport, car celui-ci avait exigé le retrait du foulard d’une cliente afin qu’elle puisse être adhérente.

La loi, contrairement à ce que l’on peut penser, n’autorise pas les règlements intérieurs des établissements privés à interdire ce qu’ils veulent. La législation protège les citoyen·ne·s en leur permettant de jouir de leur liberté religieuse dans des lieux privés. Il est donc nécessaire de ne pas abandonner et de toujours se battre pour ses droits et lutter contre les discriminations, que l’on soit concerné·e ou allié·e.

 

 

 

Crédit photo à la une : merdeka-online.com

 

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