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My Magical Hijab : et si l’héroïne de mon enfance portait un hijab ?

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Les aventures de Mina – My Magical Hijab
My Magical Hijab est un livre pour enfants. On suit les aventures et le quotidien de Mina – personnage principal plein de vie et d’énergie. L’histoire commence le jour de son anniversaire où sa mère lui offre, pour l’occasion, un cadeau particulier : un hijab. Mais pas n’importe lequel…Un hijab magique qui change de couleur ! On voit une Mina pleine de joie et heureuse à la découverte du cadeau.

 

En réalité, c’est une lecture pour les grands et les petits, pour les croyants.e.s et les non-croyants.e.s. Derrière ce personnage drôle et rempli de vie, les auteurs.trices souhaitent briser les nombreux stéréotypes négatifs qu’on peut entendre sur les femmes qui portent le hijab.

Face aux clichés sur les femmes qui sont forcées à porter le hijab ou encore que le hijab soit censé être noir, sombre, nous avons la mère de Mina qui lui offre un hijab qui change de couleur et brille de mille feux. Mina en est très contente.

Dès le début de l’histoire, les auteurs.trices ont brisé ces clichés négatifs et tentent de construire une image positive du hijab dans les esprits des lecteurs et surtout les jeunes filles.

Au fur à mesure de la lecture, les stéréotypes négatifs tombent les uns après les autres. Entre nous, combien et quelles sont les questions ridicules qu’on vous a déjà posées sur votre hijab?

« Est-ce que vous le portez aussi chez vous ? Dormez-vous avec ? Prenez-vous votre douche avec ? » Et à chacune d’elle je refoulais l’envie de répondre « oui, bien sûr ! ».

Il y a plusieurs façons pour faire face à ce genre de situations. L’une d’entre elles est d’ écrire un livre ! My Magical Hijab est un livre qui contribue à lutter contre ces clichés, de manière ludique et artistique. Les auteurs.trices ont pris le soin d’écrire l’ensemble du livre avec des rimes.

Les auteurs.trices souhaitent enseigner de manière moins stricte les raisons pour lesquelles les femmes musulmanes portent le hijab à travers des illustrations et les aventures de Mina. Par exemple, on peut voir que quand Mina est dehors, elle porte le hijab mais quand elle rentre chez elle, elle se met à l’aise (oui, elle ne le porte pas). Le quotidien de Mina est celui de milliers de femmes à travers le monde.

Les illustrations réalisées par Thaakirah Jacobs, une jeune femme musulmane, originaire de l’Afrique du Sud, jouent un très grand rôle dans cet apprentissage. Une image vaut parfois mille mots. N’est-ce pas ?

Suivez les aventures de Mina car ce premier tome n’est pas le dernier !

Doaa et Karter – Les auteurs de My Magical Hijab

 

My Magical Hijab a été écrit par Doaa et Karter.

Doaa Alhawamdeh est née à New York, d’origine palestinienne, elle a fait des études d’infirmières. Aujourd’hui, elle se considère comme une infirmière-voyageuse.

Karter Zaher est né au Canada d’origine libanaise. Il faisait partie du célèbre duo Deen Squad. Le but du duo était de créer de la musique et du divertissement afin de donner de la force à la jeunesse musulmane à travers le monde.

Aujourd’hui mariés, ils vivent à Los Angeles – California. Ils travaillent sur leur marque de divertissement Muzzy.

Leur but est de créer un puissant réseau de musulman.es afin de renforcer la communauté musulmane à travers le monde.
 

« Récemment, nous nous sommes mariés, la meilleure façon de commencer notre relation est de créer un livre et des super-héros qui pourront vivre et grandir dans les cœurs des jeunes femmes. » Doaa & Karter

Le manque de représentation – Les raisons derrière My Magical Hijab.

 

Derrière le succès de My Magical Hijab, se cache un travail colossal. Les auteurs ont tenté plusieurs idées avant de décrocher le jackpot : Mina et le hijab magique ! Ce n’était pas un travail facile, néanmoins ce projet leur tenait à cœur et ils ont réussi à le mener à terme.

Pour quelles raisons, les auteurs ont-ils décidé d’écrire ce livre, qui s’adresse principalement aux enfants ?

Le manque de représentation est cruel, et alarmant à notre époque. Malheureusement, la jeunesse musulmane et plus spécifiquement les femmes musulmanes n’ont pas de héros.oïnes qui les représentent.

L’idée principale était de créer une super-héroïne qui jouera, par la suite, un rôle modèle pour les jeunes femmes de la communauté musulmane.

C’était la réponse des écrivains.

« Nous avons ressenti qu’elles avaient vraiment besoin de représentation dans notre communauté. » Doaa & Karter

La plupart des rôles modèles ne véhiculent pas les bons messages, d’autres personnes ne concernent pas la culture musulmane et ne donnent pas la bonne représentation.

Ce manque de représentation, Doaa l’a ressentie lors de son enfance. Elle me confie, « plus jeune, jamais l’idée de trouver un personnage qui porte un hijab, en ouvrant un livre, m’a traversé l’esprit. En étant enfant, c’était normal, de ne pas se dire ‘’où sont les enfants qui me ressemblent !’’. Et c’est exactement le problème ! »

Doaa continue sur sa lancée et m’explique que les enfants grandissent et dans leurs esprits, ils développent l’idée de ce qui est normal. En grandissant, ce qui est normal ce sont les personnages qu’ils ont vu dans les livres, les films et les shows. C’est la normalité de ne pas voir des personnages avec le hijab. Puis, ils deviennent des adolescents et des adultes, et ce qui est normal n’est pas en adéquation avec leur foi, ce qui signifie par défaut, de manière inconsciente, dans leurs esprits, qu’ils ne sont pas normaux. C’est ça le plus grand problème.

Avec la création de ce livre, et avec de plus en plus de contenus dans le même genre, les filles musulmanes peuvent grandir et se rapprocher de qui est réellement normal.

Maintenant, lorsque les personnes verront une fille portant le hijab, ils le rajouteront à leur liste de ce qui est normal. Elles pourront ainsi grandir et porter le hijab, en considérant ce choix, tout à fait normal, sans se sentir bizarre.

Doaa et Karter m’ont confirmé que la communauté musulmane attendait ce livre avec impatience car les enfants avaient besoin de ce genre de représentation. C’était un réel besoin.

« Nous sommes très en retard, cela devait être fait des années auparavant. » Doaa & Karter

Pourquoi est-il si important de répondre à ce manque de représentation chez les enfants ? Pourquoi est-il si important de les cibler ?

« Aujourd’hui les enfants sont déjà ciblés. Si on laisse nos enfants être la cible d’autres personnes dont on n’est pas d’accord avec leurs méthodes alors nos enfants seront éduqués par toutes ces choses : la télévision, l’internet, les téléphones et les réseaux sociaux. Ils sont à peine éduqués par leurs parents, car les enfants constituent déjà une cible. » , répond Doaa.

L’autrice ne s’arrête pas là dans son explication et enchaîne à propos de My Magical Hijab. « Ce livre est introduit en tant qu’outil pour les familles via une histoire magnifique qui aidera à bâtir la confiance des enfants musulmans. Si les enfants observent le niveau de ce qui est normal dans ce qu’ils ont développé de ce qui est normal à partir de leur enfance, s’ils développent ce niveau de ce qui est normal à travers la télévision, les téléphones et les médias sociaux alors ils ne se sentiront jamais anormaux. Cela n’arrivera pas car ils sont ciblés par d’autres personnes qui travaillent très dur afin de dessiner la vision et l’image de ce qui est normal dans les esprits de nos enfants. »

Elle termine par m’annoncer qu’on doit reprendre ce contrôle, et fournir des outils pour les familles musulmanes afin de les aider à façonner une véritable image de confiance en soi des femmes musulmanes.

« Je suis très triste de ce qui se passe en France, ici, la plupart du temps on célèbre la diversité »Doaa

Les auteurs me confient que les lecteurs.rices se sont sentis tellement fier.es et heureux.se du livre. Certain.es ont porté le hijab en lisant le bouquin afin de ressembler au personnage principal, d’autres ont partagé le livre avec leur école. Certains étudient dans des écoles privées musulmanes tandis que d’autres dans des écoles publiques. Les enfants ont ainsi pu lire le livre à leurs camarades musulmans et non-musulmans.

Certains lecteurs ont acheté le livre pour les enseignant.es qui ne sont pas musulman.es, ces derniers l’ont partagé avec leurs élèves. De cette manière, ils peuvent enseigner aux enfants la diversité et l’acceptation des différences des autres.
 


 

Muzzy Brand – Livres, Musique et NFTs. La nouvelle génération de musulmans.

 

Derrière My Magical Hijab se cache une plus grande vision, une plus grande ambition. Le projet d’une vie. Doaa et Karter aspirent à construire un réseau de musulmans.es à travers le monde. Un réseau fort, confiant et loyal. Ils ne comptent pas s’arrêter à un seul livre, ils visent plus grand, plus loin, sur le long terme.

C’est pour cette raison qu’ils ont lancé la marque « Muzzy » qui est destinée à développer la confiance des musulmans.es, et leur donner une voix. L’origine du mot « Muzzy » vient de l’argot américain qui signifie « Cool Muslim ».

Au-delà des livres, Muzzy propose aussi de la musique.

Dernièrement, Doaa et Karter ont lancé une collection NFT baptisée « Hijab Queens ». Premier projet lancé qui représente les musulmans dans le MetaVerse.

Dans l’une de leurs interviews, les fondateurs expliquent que ce projet NFT a une finalité éducative afin que les femmes puissent apprendre sur la construction de richesse, la cryptomonnaie, la liberté financière et les NFTs. Ils n’hésitent pas à investir dans cette nouvelle technologie ainsi que dans des fresques gigantesques afin de donner à la communauté musulmane la représentation qu’elle mérite.

Entre livres pour enfants, musique, collection d’NFT, il semble que Doaa et Karter se sont donné une mission et sont déterminés à la réaliser.
 

Mot de fin – Amina

 

Pour mieux comprendre la raison derrière laquelle le livre My Magical Hijab a suscité autant d’intérêt chez les enfants, je me suis lancée dans la recherche de témoignages. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Amina, une enfant américaine et musulmane âgée de huit ans.

J’ai passé plusieurs heures à parler avec elle (jusqu’à oublier de couper mon jeûne), c’était un membre de sa famille qui a dû nous arrêter dans notre belle discussion.

Amina me confie plusieurs choses lors de notre échange parfois elle me racontait des anecdotes personnelles, et je me réjouissais de l’écouter.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Amina a aimé le livre. D’abord, elle a été captivée par les belles images, avec une large palette de couleurs. Ensuite, il y a l’humour : les parties favorites d’Amina étaient les plus drôles. En effet, le personnage principal est rempli d’énergie et de bonne humeur, on la suit dans son quotidien joyeux. Au-delà de l’humour, Amina a énormément aimé le côté sentimental, sincère et spirituel de la dernière page.

Après la lecture du livre, en trois mots, Amina était remplie de surprise, de joie et de confiance.

Petite anecdote : Amina m’a fait la lecture du livre My Magical Hijab avec des commentaires sur ses parties favorites. Elle ne s’est pas arrêtée là, et elle m’a également lu le livre The Proudest blue de S.K.Ali et Ibtihaj Muhammad.

Je suis vraiment reconnaissante pour ce moment passé avec elle. Après cette interview, et avec une prise de recul de plusieurs semaines, je me suis rendu compte combien il est important d’offrir aux enfants une représentation qui leur est bénéfique.

Je me pose la question suivante : aujourd’hui en France a-t-on la représentation qu’on mérite ?

Mille mercis à Doaa, Karter et Amina pour ces précieux échanges.

Crédit photos : Muzzybrand, @karterzaher, @iamdoaa94

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Portraits

Entretien avec Les Hijabeuses

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Plusieurs footballeuses professionnelles ou amatrices se sont regroupées au sein de la campagne « Les Hijabeuses » afin d’avoir le droit de pratiquer leur sport avec leur foulard. En effet, la FFF interdit toujours aux joueuses de le porter pendant les matchs. Bouchra, membre du collectif, répond à nos questions. Elle nous explique à quel point les lois liberticides et islamophobes de notre pays, mettent en danger les femmes autant psychologiquement que physiquement.


 
Au départ


Au départ, il y a la FIFA, qui autorise enfin en 2014 les femmes à porter leur voile pendant les matchs de football. Malheureusement en France, la FFF continue obstinément à leur refuser ce droit fondamental. « La FFF est la seule fédération à maintenir la politique d’exclusion des femmes qui portent le foulard sous le principe de laïcité […] alors que les autres pays l’autorisent. Il n’y a aucun argument, même d’hygiène et de sécurité. Les nouveaux hijabs de Nike par exemple sont parfaitement homologués ».


Face à ce refus constant, un groupe de footballeuses décide de s’organiser et de lancer la campagne Les Hijabeuses, accueilli au sein de l’association Alliance Citoyenne. Cette association comporte 4 syndicats principaux et c’est dans le syndicat des femmes musulmanes que Les Hijabeuses ont pu s’inscrire.

 

Bouchra nous explique : « Ce qui nous a motivées, c’est qu’en 2021 nos droits les plus fondamentaux sont bafoués. Le sport est synonyme de bien-être et d’épanouissement. Cela fait des années qu’il y a du sexisme, du racisme et de l’islamophobie qui persistent dans le domaine du sport. Et nous, en tant que femmes, femmes racisées et qui portent le voile, c’est comme une triple sanction. Tous les week-ends, il y a des femmes qui se font exclure des terrains de football car elles portent le foulard sur la tête. Moi personnellement, quand j’ai commencé à jouer en club il y a deux ans, à l’entraînement, pas de soucis, mais dès que je fais des matchs en compétition, je suis interpellée par l’arbitre pour retirer ce que j’ai sur la tête. Et je ne suis pas la seule. Depuis la lancée de notre campagne, on s’est rendu compte qu’on était beaucoup à se faire discriminer. C’est pour ça qu’on a décidé de lancer le collectif ».

 

 

Crédit photo: Marthe Minaret


L’islamophobie de l’état


Alors qu’en France, le 12 avril 2021, le projet de loi « confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme » a été adopté en première lecture par le Sénat, un nouvel amendement vise à interdire le port du voile dans les compétitions sportives.

  
« Aujourd’hui, clairement, on a un contexte politique islamophobe. Les citoyennes françaises qui portent le voile sont la cible du gouvernement. J’ai l’impression qu’on veut penser, choisir et prendre des décisions à notre place. On nous interdit l’accès scolaire, l’accès au sport, l’accès aux baignades publiques… Et ensuite ce sera quoi ? C’est un enchaînement de lois liberticides. Nous, à travers cette campagne, on se lève et on dit stop ».


Se faire entendre devient vital lorsque l’on subit quotidiennement des discriminations liées à son identité. « Moi je suis de nature très timide, réservée et tout ce que j’ai vécu, ça m’a forcé à prendre la parole, à mobiliser, à en parler autour de moi, à essayer de connaître mes droits. Et il y a plein de femmes comme moi qui sont timides et réservées, qui n’auraient jamais pris la parole devant un.e journaliste et aujourd’hui on le fait par nécessité. Si on ne le fait pas nous-même, personne ne va le faire à notre place ». Une nécessité pour nombre de femmes qui subissent ces discriminations. « J’ai vécu des discriminations par rapport à ma tenue vestimentaire, par rapport à mon voile, toute ma vie. Que ce soit à l’école, dans le domaine professionnel, en stage, et même maintenant aujourd’hui dans le sport. J’ai toujours vécu ça ».


Pour Bouchra, l’interdiction même de porter le foulard dans un sport freine les plus jeunes à se lancer dedans. « L’exclusion ça a des conséquences graves sur le plan psychologique et physique. Comme je t’ai dit, je l’ai vécu toute ma vie et ça crée en toi plein de mauvaises choses. Tu manques de confiance en toi, tu stresses constamment, tu as peur du rejet, ça te casse. Avec le temps, tu ne t’en rends plus compte et tu te refuses plein de choses. Juste par peur de te faire exclure et de te faire humilier. On va nous conditionner à nous restreindre psychologiquement et physiquement. Tu n’as même plus envie d’essayer quoi que ce soit et tu te dis « ça sert à rien je porte le voile, il va encore me dire non ».

 

 

 Crédit photo : Charlotte Abramow 

 


Un avenir sorore


Lancée en mai 2020, l’association compte déjà 170 contacts engagés et 66 membres adhérents. « La demande grandit de plus en plus. Ça grandit proportionnellement avec l’islamophobie. Les femmes veulent prendre la parole pour défendre leur droit ». Malheureusement, la crise sanitaire freine quelque peu les actions que voudrait mener le collectif, par exemple en organisant plus de rencontres physiques ou plus de matchs solidaires. N’étant pas une équipe de football officielle, mais bien une campagne, elles souhaitent avant tout se faire connaître du grand public afin de faire évoluer les mentalités. « On n’est pas un club officiel avec des tournois, des compétitions. C’est surtout destiné à la communication, pour partager nos expériences avec les gens, essayer d’accueillir des nouveaux allié.es et avoir des personnes qui peuvent nous aider dans notre campagne ».


Et cela fonctionne. Bouchra voit une vraie évolution dans le regard des gens et aussi de ses collègues masculins. La sensibilisation de leur vécu permet de faire bouger les mentalités. « Je trouve qu’il y a une bonne évolution. Les gens maintenant en parlent de plus en plus, se mobilisent de plus en plus et dans mon entourage personnel, il y en avait plein qui n’étaient pas au courant de toutes ces discriminations que je vivais et que je vis encore. Et par la suite, il y a eu beaucoup d’intérêt et de soutien. Ça fait plaisir, on sent que ça touche, ça éveille les consciences, ça fait évoluer les choses. […] Les hommes dans mon environnement n’étaient pas au courant de toutes ces discriminations que les femmes qui portent le foulard vivent au quotidien. Après qu’ils aient été informés, cela a créé beaucoup d’intérêt. Mes frères se sont montrés très soutenants. Les nouvelles générations sont beaucoup plus ouvertes. C’est mon avis personnel ».

 

Crédit photo : Charlotte Abramow 

 


Le collectif lui donne aussi beaucoup de force pour affronter le quotidien et faire face aux remarques constantes. « Quand tu partages les mêmes choses avec des personnes qui ont vécu les mêmes choses que toi, qui te comprennent, c’est puissant, c’est fort. On est toutes bienveillantes entre nous parce qu’on se comprend, il n’y a pas d’ambiguïtés, que du partage, du plaisir, des conseils et du soutien. On a vécu des choses et cette cohésion d’équipe ça nous aide, c’est fort. J’ai rencontré des personnes formidables et quand je pense à elles, elles m’ont beaucoup inspirée et on a pris le temps depuis le début de la campagne de créer un cocon bienveillant pour grandir et se soutenir. Parce que c’est vrai que quand on a débarqué sur les réseaux, c’était dur, c’était violent. Quand tu commences à prendre la parole sur quelque chose, tu auras beaucoup de soutien, mais il y aura aussi beaucoup de gens qui vont venir te casser gratuitement. Le fait d’être avec des personnes qui sont bienveillantes, à l’écoute et qui comprennent, ça change tout. Ça me fait penser à une célèbre citation anglaise « When women support each other, incredible things happen ». Nous clairement c’était ça, musulmanes ou non, on avance ensemble pour une société qui accepte toutes les femmes comme elles sont ».

 


L’association intègre des personnes très différentes. Certain.es sont concerné.es, d’autres non, mais chacun.e œuvre pour aller dans la même direction. « Il y en a qui pratiquent le foot depuis l’enfance, d’autres qui viennent de découvrir ce sport. Dans tous les cas, c’est des personnes passionnées, des compétitrices. Des compétitrices qu’on empêche d’évoluer dans leur domaine et il y en a aussi qui ne pratiquent pas le foot. Il y a des runneuses, des joueuses de basket, des joueuses de hand. C’est un peu pluriel et en fait elles rejoignent notre campagne parce que ça leur parle. Elles portent le voile ou pas, mais elles se sentent concernées par cette injustice. Il y  en  a même qui nous demandent de faire une campagne pour chaque sport. Il y en a qui font zéro sport même, qui sont juste alliées ! C’est important qu’il y ait des personnes qui nous soutiennent, même si elles ne font pas de sport, même si elles ne sont pas musulmanes, même si elles ne portent pas le voile, même si elles n’ont jamais subi d’injustices ou de discriminations. Je trouve ça beau, car on se lève ensemble contre ces injustices. Et c’est que comme ça qu’on va pouvoir avancer ensemble et créer quelque chose de positif. Juste en tant qu’être humain, on a une responsabilité. Quand une personne subie une injustice ou discrimination, on va se lever contre ça et on a une responsabilité par rapport à ça ».

 


 
Voilà qui est dit. Allié.es, il est temps de s’unir et de se battre aux côtés des personnes concernées, car nous ne pouvons plus continuer à ignorer les injustices que subissent les femmes musulmanes qui portent le voile en France. Les Hijabeuses ont d’ailleurs besoin d’aide, tant pour rejoindre le rang des membres que pour  partager leurs actions. N’hésitez plus !

 

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Communiqués

[Communiqué] Ilhan Omar nous sommes à tes côtés !

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#StandWithIlhan

 

Ilhan Omar est l’une des premières femmes musulmanes élue au congrès des Etats-Unis. Arrivée à l’âge de  8 ans avec sa famille aux Etats-Unis pour fuir la guerre civile de Somalie, son ascension politique est l’emblème même du rêve américain. Représentante du Minnesota, elle se définie comme femme, noire, musulmane et immigrée. Elue au sein d’un gouvernement majoritairement blanc et masculin, sa présence au congrès est un symbole fort pour les minorités américaines. Personnalité engagée, elle aborde sans détour la question des droits des  femmes, des afro-américain·e·s, des LGBT ou encore des immigré·e·s. A l’international, son positionnement vis-à-vis de l’Etat d’Israël et son soutien à la Palestine lui ont valu des accusations d’antisémitisme de la part des partis conservateurs, et notamment, de la part de Donald Trump qui ne cesse de multiplier les attaques à son encontre sur les réseaux sociaux.

 

En mars dernier, Ilhan a tenu un discours au Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) lors duquel elle dénonce l’islamophobie. Elle y a notamment évoqué les attentats du 11 septembre, affirmant que le CAIR a été créé parce que les libertés civiles des musulman·e·s étaient bafouées à la suite de ces  attentats en raison des actes de certaines personnes. Le CAIR a en fait été créé en 1994 et non pas après le 11 septembre. Profitant donc de cette erreur, le président Donald Trump a relayé un montage vidéo de la jeune femme scandant : “some people did something”, phrase prononcée lors de son discours au CAIR pour l’attribuer à une autre vidéo du 11 septembre. Ce montage avait pour but de montrer l’élue amoindrir la gravité des attentats du 11 septembre. Suite à la publication de cette vidéo, les menaces de mort à son encontre se sont alors multipliées ainsi que les accusations d’apologie du terrorisme. Cette vidéo qui montre une représentante musulmane, avec un voile, tenir un discours au Conseil des relations américano-islamiques répétant une phrase sortie de son contexte avec des images violentes a eu l’effet recherché : inciter à la haine à envers cette femme et entretenir les préjugés racistes à son égard. Régulièrement diabolisée par les partis conservateurs où le patriarcat et le sexisme sont légions, la moindre parole d’Ilhan Omar est détournée, déformée et amplifiée. A ce jour, la Maison blanche soutient son Président et réfute les accusations d’incitation à la haine contre Trump.

 

La question que nous devons donc nous poser est celle-ci : si Ilhan Omar n’était pas une femme noire musulmane, voilée et immigrée aurait-elle été autant la cible de ces attaques calomnieuses ? Au sein d’un gouvernement patriarcal, sexiste et raciste, Ilhan Omar représente la voix de ces minorités victimes des violences policières, la voix de ces minorités dépeintes comme des terroristes en raison de leur religion,  la voix de ces minorités trop souvent désignées comme étant des délinquant·e·s en raison de leur origine, la voix de ces minorités qui ont immigré aux Etats-Unis dans l’espoir d’une vie meilleure et d’un Etat de droit, et par-dessus tout, l’écho des femmes au cœur d’un système patriarcal blanc.

 

Attaquée pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle représente, Lallab, association féministe et antiraciste se lève aux côtés d’Ilhan Omar. Nous nous reconnaissons dans ses combats pour l’égalité et l’équité pour tou·te·s, nous nous reconnaissons dans son combat contre le racisme, le sexisme et les discriminations envers les femmes. Nous reconnaissons son courage et son abnégation à ne pas flancher face à l’injustice et à la mise à mal des droits humains. C’est cette force-là qui dérange, car elle ose dénoncer et mettre à mal les privilèges du patriarcat et du système raciste et, ne voulant pas y renoncer, Trump et ses acolytes n’ont recours qu’à une vaine manipulation des médias, signe de leur imposture intellectuelle, dans le but de la décrédibiliser et la diaboliser.

 

Chère Ilhan Omar, nous tenons à t’exprimer notre amour et soutien, ici, de ce côté de l’Atlantique. Merci de porter nos voix si haut contre vents et marées. Tu n’es pas seule. Toute l’équipe Lallab t’apporte sa sororité dans cette épreuve, pour tes combats qui sont le reflet et la continuité des nôtres.

 

Anglais:

 

We stand with you Ilhan Omar !

 

#StandWithIlhan

 

Representative Ilhan Omar is one of the first Muslim women elected to the American congress. Born in Somalia, Ms Omar and her family arrived in the US back in 1995, when she was only eight-years old after fleeing from Somalia’s civil war. Her political ascent is the epitome of the so-called American dream.

 

The Minnesota’s congresswoman has proudly identified herself as a Black Muslim immigrant.

 

Elected in a predominantly white and male government, her presence at the congress is a strong symbol for American minorities. She is very committed to raising issues regarding women’s rights, African-Americans, LGBTs and immigrants. At the international level, her position vis-à-vis the State of Israel and her support for Palestine have earned her accusations of anti-Semitism from conservative parties and in particular Donald Trump who multiplies attacks against her on social networks.

 

Last March, Ilhan delivered a speech to the Council on American-Islamic Relations (CAIR) denouncing Islamophobia. She spoke of the 9/11 attacks and said CAIR was created because the civil liberties of Muslims were violated as a result of the attacks because of the actions of some people. But CAIR was actually created in 1994 and not after 9/11. Taking advantage of this mistake, President Donald Trump relayed a video  where we see images of 9/11 with a sentence whose she pronounced during his speech at CAIR : « some people did something ». This Twitter video showing a veiled Muslim representative (Ilhan Omar) giving a speech at the Council on American-Islamic Relations, repeating a sentence taken out of context with violent images, had the desired effect of inciting hatred against her and provided fertile ground to grow racist stereotypes. Regularly demonized by conservative parties where patriarchy and sexism are at their peak, the least of her words are now diverted, distorted and amplified. To this day, the White House stands behind its president and rejects accusations against Trump of inciting hatred.

 

The question we have to ask ourselves is: If Ilhan Omar was not a Muslim black woman, veiled and immigrant would she have been so attacked?

In a patriarchal, sexist and racist government, Ilhan Omar represents the voices of these minorities, victims of police violence, the voices of these minorities portrayed as terrorists because of their religion, the voice of these minorities who are referred to as offenders because of their race, the voices of these minorities who immigrated to the United States hoping for a better life and the security of a State subject to the rule of law, and above all Ilhan Omar represents women’s voices within a white patriarchal system.

 

Attacked for what she is and what she represents, Lallab, a feminist and anti-racist association stands with Ilhan Omar. We recognize ourselves in her struggles for equality and equity for all, we recognize ourselves in her fight against racism, sexism and discrimination against women. We acknowledge her courage and selflessness in not wavering in the face of injustice and in the shattering of human rights. It is this strength that disturbs, because she dares. She dares to denounce and undermine the privileges of the patriarchy, the racist system and she doesn’t give up; Trump and his acolytes/henchmen only have recourse to a futile manipulation of the medias, surely a sign of their intellectual inferiority, to discredit it and demonize it.

 

Ilhan Omar, you who is working so hard on the other side of the Atlantic, we want to express our love and support. Thank you for carrying our voices so high against wind and tides. You are not alone. The whole team Lallab offers you its sisterhood/sorority in this difficult moment. These fights that you lead are in fact the continuity of ours.

 

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(Dé)construction

Top 13 des dialogues quotidiens absurdes sur mon hijab

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La patience est une vertu centrale en islam, qu’on nous encourage fortement à développer. Je suis encore loin d’y être parvenue, mais par chance, j’ai l’occasion de l’exercer au quotidien… Surtout depuis que je porte le hijab et que j’entends encore et toujours les mêmes commentaires et questions… plus ou moins absurdes.

 

1. Mais t’as pas trop chaud ?

 

A priori, s’il fait 40 degrés et que tout le monde crève de chaud, il y a des chances pour que j’aie chaud, moi aussi. Même si le doute peut planer, étant donné que je suis une princesse et qu’effectivement, les princesses ne transpirent pas.

Mais même si je n’en étais pas une, vous pourriez dormir sur vos deux oreilles : j’ai des foulards dans des tissus très légers, et les vêtements amples créent une petite brise très agréable quand on se déplace. Vous pouvez donc reporter votre attention sur les personnes qui portent des costumes ou des jeans, ce serait injuste de les oublier.

 

2. Franchement, t’es hyper indépendante, pour une femme musulmane !

 

… Et ça se veut être un compliment.

 

 

S’il y avait des sous-titres pour la traduction, voilà ce que je lirais : « Comme tu es musulmane, je m’attendais à ce que tu sois une femme soumise et dépendante… Mais en fait tu fais quelque chose de ta vie, c’est incroyable ! Bravo, je te donne un bon point. Ca compte double quand ça vient d’une personne bourrée de préjugés et qui ne se rend pas compte que sa légitimité est inexistante. »

Bref, pas vraiment de quoi être flattée.

 

3. C’est bon, les hommes vont pas te sauter dessus juste parce que tu montres tes cheveux…

 

Tu dis ça parce que t’as pas vu mes cheveux…

Plus sérieusement, je couvre aussi mes bras jusqu’aux poignets, or je ne suis pas convaincue que mes avant-bras rendraient fous de désir tous les hommes sur mon passage. C’est donc qu’il doit y avoir une autre logique derrière, qui n’a pas forcément de lien avec le fait d’attirer ou non ces méchants hommes dégoûtants.

 

4. Toutes les femmes dans ta famille le portent ?

 

Non, je suis la seule.

Ah, même pas ta mère ?

Non.

Ni ta sœur ?

Ben, non.

Dans ce cas tes tantes ? Tes copines ? Ta voisine ? Lady Gaga ?

… Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un qui aurait pu avoir une influence sur moi, parce que c’est décidément inconcevable que je puisse porter ce foulard de mon propre gré.

 

5. C’est vrai que ça vous donne un air mystérieux… Tu dois avoir de beaux cheveux ondulés…

 

C’est ça, et dès que je rentre chez moi le soir, je libère ma soyeuse crinière, j’enfile ma tenue de Jasmine et je danse avec des clochettes autour des chevilles.

 

 

Notons au passage que si je couvre mes cheveux, c’est pas pour faire galoper ton imagination, ni pour te les décrire en me donnant un air mystérieux. Tu ne sauras donc probablement jamais si j’ai des longs cheveux ondulés, des dreadlocks violettes ou la boule à zéro.

 

6. Et sinon, chez toi, tu fais comment ?

 

Je le garde jour et nuit. Je dors même avec. D’ailleurs, même moi, je n’ai pas le droit de me voir. Du coup je mets un hijab de bain et je me lave en burkini.

Sinon, quand je suis d’humeur rebelle, je l’enlève devant les femmes et devant les hommes de ma famille proche. Mais ça m’arrive aussi de le garder en rentrant chez moi, parce que je ne l’arrache pas en criant « Libération » dès que je passe la porte. Sauf bien sûr quand je veux libérer ma crinière pour danser avec des clochettes aux chevilles.

 

7. J’ai eu un pincement au cœur en voyant ta photo, mais j’imagine que je vais finir par m’habituer…

 

Ah, la douceur des réactions quand les gens me voyaient avec mon hijab pour la première fois… Je ne savais pas que j’aurais dû organiser un référendum pour récolter l’opinion de chacun·e.

J’ai aussi eu droit à quelqu’un qui a dit : « C’est dommage, elle avait tellement de joie de vivre… ». Remettons quand même les points sur les I : j’ai juste décidé de porter un hijab. Je n’ai pas dit que je n’aimais plus la vie ou que je partais en Syrie, hein, donc ravalez vos larmes, tout va bien.

 

8. T’as des beaux cheveux, tu devrais les montrer !

 

Merci pour le compliment, mais je ne vois pas pourquoi je « devrais » les montrer, ni quel en serait l’intérêt. Parce que :

1) je n’ai pas besoin que le reste de la planète sache si j’ai des beaux cheveux ou non

2) le reste de la planète n’a pas besoin de savoir si j’ai des beaux cheveux ou non.

Est-ce que moi je te saoule en te disant que tu as de belles jambes et que tu devrais les montrer alors que tu n’en as pas envie ? Non. A bon entendeur.

 

9. Vous êtes musulmane ?

 

 

 

Non non, c’est juste que je n’arrivais pas à me coiffer ce matin, donc je me suis dit que ça serait pratique pour le cacher.

On m’a aussi posé la question pendant un entretien d’embauche, après environ 3 minutes de questions bidons pour tourner autour du pot. Mon cerveau a pensé : « Non non, je me suis dit que porter un foulard, ça m’aiderait à mettre toutes les chances de mon côté pour l’entretien. Ben oui je suis musulmane, et c’est complètement illégal de me poser cette question ». Malheureusement, ma bouche a dit : « Euuuuuuuh… oui… » – et l’entretien s’est arrêté là.

 

10. Je comprends pas, t’es intelligente, pourtant…

 

Ahlala, quel gâchis : une femme qui fait ses propres choix alors qu’ils ne correspondent pas à ce que moi je pense ! Au moins, c’est assez clair sur l’échelle de jugement de la personne : je comprends = c’est intelligent ; je ne comprends pas ou je n’approuve pas = c’est stupide. Belle ouverture d’esprit, rien à dire.

 

11. Donc pour toi, une femme qui montre son corps, elle mérite pas le respect, c’est ça ?

 

Mais OÙ est le RAPPORT ?!

 

 

J’ai fait ce choix pour MOI et ça n’implique rien sur ce que je pense des autres femmes ou de la manière dont elles s’habillent. Chacune mérite le respect, point barre, et la manière de s’habiller n’a rien à voir là-dedans. D’ailleurs, je ne pense pas que le fait de me couvrir me donne droit à plus de respect, c’est complètement ridicule comme idée. Donc non, je ne juge pas sur les apparences, et heureusement pour certaines personnes que je ne juge pas non plus sur la bêtise…

 

12. Désolé·e mais ça sera pas possible, ton voile est trop en opposition avec mes convictions féministes.

 

Tes convictions féministes, elles devraient t’inciter à soutenir les femmes quelles qu’elles soient et à apprendre ce que veut dire le mot « sororité ». Si elles te servent à refuser ou exclure une autre femme sous prétexte qu’elle a fait un choix que tu ne comprends ou n’approuves pas, sache que ton féminisme est en CARTON. Malheureusement, c’est parfois du carton super solide, comme celui de cette amie qui a préféré ces fameuses « convictions féministes » à notre amitié vieille de 15 ans.

 

13. Are you really French?

 

« Ah bon, t’es sûre ? Parce que tu ne ressembles vraiment pas à l’image que j’ai des Français·es… »

Tu dis ça parce que j’ai un foulard sous la tête, ou bien parce que je ne me balade pas avec un béret, une marinière et une baguette sous le bras ?

 

 

Crédit image à la une : Yes I’m hot in this

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Catégories
(Dé)construction

8 preuves que les arguments contre le voile sont bidons

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On connaît la musique en France : la Terre entière est invitée à parler du voile, tout le monde est légitime à s’exprimer sur la question – tout le monde, sauf bien sûr les premières concernées. Pendant qu’un ministre, un pseudo-expert et la boulangère du quartier dissertent – pardon, vomissent leur mépris sur des plateaux télé et radio, c’est l’occasion d’analyser en quoi leurs arguments sont toujours aussi bidons.

 

Je préviens : la liste est LOIN d’être exhaustive.

 

  • Ils·elles invoquent la laïcité à tort et à travers, en lui faisant dire n’importe quoi

 

Franchement, je n’en peux plus d’entendre des irresponsables diffuser leurs conceptions tout simplement erronées de la laïcité. J’aimerais sincèrement savoir qui a lu la loi de 1905 parmi celles et ceux qui prétendent la défendre. Alors pour la énième fois : la laïcité est la neutralité religieuse de l’ETAT, pas des individus. Etre dans un Etat laïque, c’est avoir la garantie que l’Etat ne privilégiera aucune religion par rapport à une autre et qu’il garantira la liberté de culte. Il n’a jamais été question de cantonner la religion à l’espace privé ou d’interdire le port de certains signes religieux, aussi visibles soient-ils. Aristide Briand, à l’origine de la loi, avait d’ailleurs refusé d’interdire le port de vêtements religieux. Donc avant de parler, on se renseigne sur la question et on évite de dire des bêtises, merci.

 

 

  • Lorsque l’argument de la soumission ne fonctionne plus, ils·elles passent à celui de la dangerosité

 

Le bon vieil argumentaire selon lequel les femmes voilées seraient soumises, sous l’emprise de leur père, frère ou mari, fonctionne de moins en moins, car nous prouvons de jour en jour que : 1) c’est, dans la majorité des cas, un choix libre et individuel ; 2) nous sommes tout-à-fait indépendantes.

Qu’à cela ne tienne, les femmes voilées sont maintenant les chevaux de Troie de l’islamisme en France, une preuve de l’infiltration des Frères musulmans, etc. Bref, leur voile est forcément le signe d’un certain projet politique – quand il n’est pas la preuve de leur appartenance à une mouvance sanguinaire qui ne rêve que de faire exploser la moitié des Français·es et de réduire l’autre en esclavage.

Sinon, on peut aussi arrêter les drogues et prendre le voile pour ce qu’il est vraiment : un choix religieux, qui n’a rien à voir avec la politique et qui n’a pas pour but de provoquer. Point. Barre.

Crédit photo : Alohanews

 

 

  • Ils·elles écoutent et croient tout le monde… sauf les premières concernées

 

Nous avons beau dire et répéter toutes ces choses – que notre voile est choisi et qu’il est une affaire de foi -, rien n’y fait. Il suffit que les guignols qu’on nous présente comme notre soi-disant élite intellectuelle et politique aient décrété que notre voile est un signe de soumission et/ou un signe de dangerosité pour que cela devienne une norme, une pseudo-vérité que l’on n’a même plus besoin de justifier tellement elle irait de soi. Face à ça, le simple fait de faire entendre nos voix est une véritable lutte, acculées comme nous sommes entre le préjugé des femmes soumises dont l’absence de discernement ne permet pas qu’on les prenne au sérieux, et celui des dangereuses islamistes dont les complots secrets n’autorisent pas qu’on les croie.

 

 

  • Ils·elles invoquent le féminisme pour réduire les droits de certaines femmes

 

Par pitié, qu’on laisse le féminisme tranquille et qu’on arrête de l’invoquer là où il n’a absolument rien à voir. Ah, mais j’oubliais : le ministre, l’expert et la boulangère ont décrété que le voile était un signe d’infériorité des femmes musulmanes par rapport à leurs coreligionnaires masculins. Au passage, j’attends toujours qu’on s’émeuve du sort des pauvres hommes sikhs contraints de porter un turban alors que ce n’est pas le cas de leurs femmes. Enfin bref, tant qu’on a décrété que le voile était contraire au féminisme, tout va bien, on peut décider de retirer des droits à ces pécheresses coupables de lèse-féminisme. Pourtant, le féminisme, c’est lutter pour les droits des femmes, c’est cocasse, non ? Allez, on pousse la cocasserie jusqu’à menacer régulièrement, voire retirer leurs droits : avoir un emploi, étudier, se baigner, participer à la vie politique, avoir des fonctions de représentation, etc. Et vive le féminisme, surtout !

 

 

  • Ils·elles disent tout et son contraire et jouent avec les mots

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c’est rarement clair lorsqu’un·e intervenant·e donne son « opinion » sur le voile – dont on se fiche royalement, soit dit en passant. L’idée est d’entretenir un flou artistique dans lequel ils·elles disent généralement que c’est le droit de telle ou telle femme de porter le voile, et enchaînent la minute d’après sur le fait que quand même, elle ne devrait pas le faire, parce que c’est contraire à la laïcité, au féminisme, à la République, au soin des cheveux, ou que sais-je encore. Ou alors, elle pourrait le faire, mais en restant sagement à sa place et en évitant de revendiquer les mêmes droits que le reste de la population. Non mais oh, faudrait pas non plus exagérer !

 

Crédit photo : Bluntcard

 

 

  • Ils·elles formulent des attentes et des reproches contradictoires

 

De manière générale, ça dérange quand les musulman·e·s ont leurs propres codes ou se regroupent entre eux·elles – on leur reproche d’être communautaristes, de ne pas être intégré·e·s, et tout le tralala. Mais si vous pensez qu’il suffit d’adopter la culture et les codes français pour qu’on vous foute enfin la paix, ha ha, c’est là que vous faites erreur ! Parce qu’en fait, quand les musulman·e·s montrent qu’ils·elles vivent de la même manière que tout le reste du pays, ça dérange aussi. C’est facile, ça fonctionne en 3 étapes : 1) on exige que tu fasses comme tout le monde ; 2) tu fais comme tout le monde, en participant à une émission musicale mainstream, en t’engageant dans un syndicat étudiant, ou tout simplement en aidant l’école de ton enfant, en ayant des loisirs, en travaillant, en faisant des études ; 3) on te reproche de chanter, de militer, d’accompagner des sorties scolaires, d’aller à la mer, de vouloir faire des études ou travailler. En fait, la demande initiale devrait être plus explicite : si tu pouvais éviter d’exister, ça serait pas mal, merci.

 

 

  • Ils·elles prétextent le débat d’idées pour s’en prendre à des femmes

 

Nombreux·ses sont celles et ceux qui justifient leur islamophobie revendiquée par la liberté d’expression, le débat d’idées ou le droit de critiquer une religion. Sauf que l’islamophobie n’est pas une critique de l’islam, mais bien des actes à l’encontre de véritables personnes, en raison de leur appartenance – réelle ou supposée – à l’islam. Débattre d’une idée ou d’une pratique, y compris le port du voile, c’est une chose ; s’acharner sur une femme voilée trop visible à son goût, dénigrer et stigmatiser toute une partie de la population, déblatérer à longueur de journée sur les droits qu’on veut leur retirer, c’en est une autre. Et ça ne relève en aucun cas d’un débat d’idées pour lequel on voudrait nous imposer des conditions inacceptables.

 

 

  • Ils·elles ont des œillères et font preuve d’hypocrisie sur plusieurs sujets

 

Les œillères sont utiles pour plusieurs choses. Elles servent à voir le sexisme, par exemple, uniquement chez les musulman·e·s ou les hommes noirs et arabes, et à fermer les yeux sur celui des autres. Elles servent aussi à défendre une laïcité à géométrie variable, où la présence de la religion ne pose problème que lorsqu’il s’agit de l’islam, mais où elle peut parfaitement s’afficher lorsqu’il s’agit des « racines judéo-chrétiennes » (pour autant que cela veuille dire quelque chose) de la France. Enfin, elles sont utiles pour répéter les attaques sur le sujet du voile, tout en prétendant ne pas faire une fixette dessus. Lorsque certain·e·s argumentent en disant qu’il n’est pas écrit noir sur blanc dans le Coran de porter le voile, par exemple, je me demande toujours pourquoi ils·elles ne se scandalisent pas aussi que nous priions de la manière dont nous le faisons alors que ce n’est pas non plus écrit noir sur blanc dans le Coran, ou que nous jeûnions en dehors du mois de Ramadan alors que ce n’est pas obligatoire. Peut-être à cause d’une légère obsession sur un autre sujet… ?

 

 

Crédit image à la une : Videoblocks

 

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Portraits

Habiba Bent Mouloud : « Réveille la Bédouine en toi »

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A toi de t’assumer et d’être qui tu es pleinement. Là est le remède. » Comment oublier cette phrase, issue du livre Réveille la Bédouine en toi ? Écrit par Habiba Bent Mouloud, créatrice de la marque de foulards minimalistes Bédouine, il s’agit du genre de récit que l’on dévore d’une traite et que l’on referme en se sentant différent·e.

 

« La Bédouine, je la vois comme une femme de force, qui sait lutter contre les tempêtes de sable dans le désert. Je me considère comme une Bédouine en Occident, car je trace mon chemin malgré le fait que l’on essaye de me faire trébucher. Je reste digne, droite et je marche avec ambition. Une Bédouine, personne ne peut la mettre à terre. » Habiba Bent Mouloud plante le décor, entre deux verres de thé à la menthe.

 

« Je suis une femme libre, portant le voile, chef d’entreprise, épouse épanouie, mère de famille dévouée… Bref, une femme qui n’a nullement l’intention de nager à contre-courant de ses valeurs », écrit la jeune créatrice dans son livre. Il y a quelques années, alors qu’elle se préparait pour emmener sa première fille chez le pédiatre, elle laisse échapper près de son bébé l’une des épingles avec lesquelles elle attache son foulard. « J’ai directement eu un flash : j’ai vu le concept du hijab Safar, que j’ai créé ensuite. » Un voile de qualité que l’entrepreneuse a passé des années à mettre au point. Cousu dans une matière au retombé parfait, avec bandeau intégré et clips, il se suffit à lui-même : « Il est minimaliste, à mon image ». Dans son concept, tout est soigné, jusqu’au moment où l’on reçoit son colis, le hijab soigneusement emballé dans son petit pochon, délicatement parfumé et accompagné d’un mot manuscrit personnalisé.

 

Le concept de hijab Safar, porté par @sakinabblog. Crédit photo : Bédouine

 

 

« Dieu ne t’a pas sauvée pour que tu ne fasses rien de ta vie. »

 

Dans Réveille la Bédouine en toi, Habiba Bent Mouloud reprend son parcours de A à Z :

« Le livre n’était pas prévu. Jamais dans ma vie je ne pensais que j’allais écrire un livre ! Moi qui fais des fautes d’orthographe même en parlant ! », plaisante-t-elle. « Et pourtant, je l’ai fait. Quand tu te débarrasses de toutes tes barrières psychologiques, de tes croyances limitantes, tu es capable de faire beaucoup de choses et tu vas au-delà de ce que tu aurais imaginé faire. » L’idée de ce récit est née au fil des salons qu’elle écume en France pour faire connaître sa marque. « J’ai remarqué qu’on me posait beaucoup de questions et que je pouvais transmettre des choses à travers mes petites anecdotes, j’ai vu la motivation que j’apportais. J’ai eu un déclic : juste avant d’avoir ma troisième fille, j’ai accouché de mon histoire sur le papier. »

Elle y aborde son cheminement, sans tabou mais avec beaucoup de pudeur. Tout commence avec ces deux fois où, encore bébé et enfant, elle frôle la mort : « Quand ma mère m’a raconté ça, je me suis dit ‘Dieu ne t’a pas sauvée à maintes reprises pour que tu ne fasses rien de ta vie, que tu n’apportes rien au monde’ », explique-t-elle aujourd’hui. Elle ne cache rien des difficultés qu’elle a rencontrées, notamment avec sa décision de porter le voile, qui a fait trembler jusqu’à sa propre famille. Elle insiste également sur les retombées de son voyage à La Mecque : « J’ai pu y goûter au désert, au minimalisme pur. Nouveau déclic, en rentrant chez moi, j’ai tout trié. D’abord le matériel : j’ai vendu ma télé, mon canapé, je voulais me débarrasser de ce qui m’encombrait. On aurait dit que je déménageais ! J’ai aussi fait le tri du côté des gens : l’entourage toxique, les personnes sans ambition qui me freinaient… En enlevant le superflu, j’ai vu plus clair. J’étais face au désert que représente ma vie et j’ai eu l’idée du concept Safar et du lancement de mon entreprise. »

 

Celle qui me confie qu’elle se pensait « juste capable de réaliser une génoise aux pêches » se lance. « Je ne m’imaginais pas ne rien faire de mes dix doigts. Ce n’était pas du tout un besoin d’argent, mais je ne me voyais pas être juste mariée, avoir des enfants et gérer mon foyer. J’avais besoin de plus, d’avoir quelque chose qui m’appartient vraiment. Au final, aujourd’hui, cela m’aide à être une femme épanouie : je suis là pour mes enfants, mais ils ne me voient pas faire mon ménage et zapper devant la télé. Ils voient une femme heureuse, active. Et je pense que cela va aussi avoir un impact sur leurs propres vies : je suis sûre que je suis en train d’élever de futures entrepreneuses. »

 

Crédit photo : Bédouine

 

 

Une détermination à toute épreuve

 

Ses origines, sa foi, Habiba les revendique profondément. « Quand je dis aux gens ‘ma marque s’appelle Bédouine’, des fois, j’ai des réactions du type : ‘oh… encore une Maghrébine qui parle de ses origines, elle nous fait honte…’. Non, au contraire ! Moins tu assumes qui tu es, plus tu vas pousser les gens à te rabaisser, puisque toi-même tu ne t’acceptes pas. Moi, je suis née en France, dans le fin fond du Sud-ouest, et pourtant je suis très fière de mes racines qui sont au Maroc », explique-t-elle.

 

Lucide sur les difficultés d’intégration des femmes voilées et/ou racisées dans le monde du travail en France, elle regrette : « Aujourd’hui, quand on se présente à un entretien, c’est rare que l’on soit pris·e si l’on est issu·e de la diversité, et encore plus si l’on est voilée ». Mais rien n’entache son optimisme. « Notre intégration se fera, mais cela va être long. Le chemin qui va nous y mener le plus rapidement, c’est l’entreprenariat. On ne nous laisse pas notre chance, donc ce que l’on doit faire, c’est être positives et voir loin : développer nos compétences, créer des boîtes, nous rendre visibles pour arriver à nous asseoir à la table des grands patrons et ainsi nous intégrer petit à petit au monde du travail. Je fais mon bonhomme de chemin, je vais voir des fournisseurs, je rencontre d’autres professionnels du milieu et parfois, je me dis ‘ah oui, c’est vrai que je suis voilée’, c’est un détail que j’oublie ! Et du coup, eux aussi l’oublient. Ils n’ont plus en tête l’image infondée de la femme voilée inculte : je suis devenue une cliente lambda, une personne à part entière, qui a sa boîte et sait la gérer. Il faut que l’on cesse nous-mêmes de nous considérer uniquement comme des femmes voilées. »

 

Avec son livre, Habiba encourage chacun·e d’entre nous à se révéler : « Pour se lancer, il faut faire un cheminement dans son propre désert. Il faut se libérer de tous ces trucs qui obstruent notre vue : les séries télé, les réseaux sociaux, la télévision… On ne se retrouve jamais avec soi-même pour réfléchir. Il faut déterminer la chose que l’on peut passer des heures à faire sans voir le temps passer et ne pas se cantonner à ce que l’on voit autour de nous. Moi-même je design des modèles que je suis la seule à vendre : car c’est moi qui les ai inventés. Tout le monde vend des foulards carrés ou rectangulaires, moi non ! Il y a de la place pour tout le monde. »

 

Crédit photo à la une: Habiba Bent Mouloud

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Portraits

Hanane Karimi, une autre définition de soi est possible

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Lors d’une fin d’après-midi, j’écoute son histoire, je la regarde et j’ai du mal à imaginer que cette femme si engagée, Hanane Karimi, put être un temps, chez elle, à ne pas partager ses riches idées. « Morte socialement », comme elle le dit.
Actuellement doctorante en sociologie, cette féministe musulmane nous montre qu’une autre réalité, une autre définition de soi-même est possible. A tout moment. Comment a-t-elle pris sa vie en main ? Comment est-elle devenue une des figures médiatiques de la lutte contre le sexisme, l’islamophobie, et de nombreuses autres injustices ?
C’est l’histoire d’une Femme plus que d’une militante que j’ai envie de partager. Bien que l’un n’aille pas sans l’autre. Je veux essayer de comprendre ce qui se passe dans une vie pour que tout change…

 

Premier évènement

 

Le premier évènement marquant dans la vie d’Hanane se produit à ses 19 ans. Elle est en BTS à Nancy. Son voile ne plaît pas. Les tensions montent au sein de son établissement avec cette islamophobie latente. Plutôt que de se faire virer, c’est elle qui quitte son lycée. Nous sommes en 1998, bien loin encore de la loi du 15 mars 2004.

Elle finit son BTS dans un autre établissement, puis se retrouve femme au foyer. Par ses propres mots, elle dit « jouer son rôle assigné d’épouse, de mère » pendant 10 ans. Son expérience familiale, maritale, va être chargée de sexisme. Au départ, cela concerne essentiellement son environnement familial. Mais pas que… Elle commence à le vivre, à le voir, de plus en plus dans d’autres sphères. Rebelle et revendicatrice, c’est à la naissance de son troisième enfant que les choses changent.

 

L’épreuve

 

A 27 ans, elle se sent morte socialement. Pour elle, c’est « la mort, la fin ». Puis naît son troisième enfant, malade. Tout est chamboulé. Cette épreuve remet en question toutes ses certitudes. Rien ne sera plus comme avant. Elle ne rentre plus dans le « moule de la structure familiale, religieuse, communautaire ». Elle ressent l’envie « de reprendre [s]a vie en main, d’agir ».

Première étape : reprendre des études, contre l’avis de sa famille. C’est son premier pas vers SA définition d’elle-même. Elle ose un voyage aux Etats-Unis et part suivre une université d’été de bioéthique. Une nouvelle Hanane renaît.

Le plus dur au départ est de dépasser la peur. Elle parle de cette « peur de l’émancipation, peur de l’inconnu et peur de changer la personne que je suis ». Elle parle de cette nécessité de cependant « dépasser les structures limitantes sans se nier ».

C’est le premier pas de ce changement : « Accepter que je ne sois plus la même ».

Elle se lance dans la sociologie, avec une préférence pour la bioéthique. Son choix de l’éthique rentre en total accord avec sa quête de justice au sein de la société. Un brin de philosophie s’y mêle. De spiritualité aussi…

 

Les premières rencontres féministes

 

Ses plus belles rencontres ont eu lieu dans des livres, dans des romans historiques. Ce sont, comme elle le dit si joliment, « des fenêtres ouvertes sur le monde ».

Elle est inspirée en premier lieu par des femmes musulmanes telles que Khadija et Aïcha, deux des femmes du prophète Mohammed (que la Paix et le Salut soient sur lui).

 

« Ces femmes sont, à leur époque, déjà émancipées. Il y a un tel décalage avec le rôle, la fonction qu’on veut nous donner par rapport à ce qu’étaient ces femmes-là. Elles avaient des fonctions sociales, politiques, économiques reconnues. »

 

Sa vie change. Les rencontres se multiplient. Pendant deux ans, une fois par mois à Paris, elle rejoint le collectif Musulmanes en mouvement. C’est un lieu où d’autres femmes musulmanes partagent les mêmes questionnements sur le sexisme. C’est également un lieu de ressourcement, de sororité, d’unité.

Sa première action visible sera sa place de porte-parole au sein du mouvement Les femmes dans la mosquée en 2013. Elle ira y défendre, avec d’autres sœurs, une prise en considération des besoins des femmes au sein de la communauté musulmane, luttant contre l’invisibilisation dont elles souffrent déjà socialement du fait de l’islamophobie.

 

Crédit photo : Citizende/Michel Stoupak

 

Puis s’enchaînent de nombreuses autres actions et une médiatisation importante d’Hanane. Son but est de défendre les droits des femmes musulmanes, avec en particulier la Marche de la dignité et contre le racisme, organisée en 2015 et à laquelle elle participe activement.

Depuis, elle poursuit sa thèse. Son engagement a pris le pas sur tout le reste. Elle cherche à comprendre l’impact de la loi du 15 mars 2004, interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements d’enseignement publics, sur la vie des femmes musulmanes.

 

Crédit photo : 7 sur 7.be

 

Pour cela, elle interviewe nombre d’entre elles. Elle cherche à savoir ce que sont leurs réalités sociales, économiques, familiales, religieuses. A comprendre leurs trajectoires de vie et les stratégies qu’elles ont adoptées.

Elle croit en la force de l’exemple, en l’identification qui permettra à un plus grand nombre de femmes de trouver les outils pour se construire et avancer malgré les difficultés.

Son rêve, son souhait est « que chaque être soit considéré comme un être humain à part entière. Une vie respectée comme sa propre vie. Que les catégories de couleur de peau, de religion, d’origine, de sexe, de handicap ne soient plus des critères de sélection ».

 

Quelques conseils

 

Je lui demande quelques conseils inspirants pour les femmes qui, comme elle, souhaitent trouver LEUR place :

  1. S’auto-définir : on ne doit pas accepter que l’autre nous définisse et s’en contenter.
  2. L’affirmation de soi. Dire oui à SA vie. Ne pas accepter une projection du pouvoir de quelqu’un d’autre que soi.
  3. Oser faire le premier pas vers ses objectifs, aussi irréalisables semblent-ils. Juste le premier pas, se projeter. Faire les causes. Rêver.
  4. Ne pas rester seule, être entourée de personnes inspirantes, bienveillantes et motivantes.

 

Ses forces et ses ressources pour lutter

 

La lutte qu’elle mène est source d’attaques permanentes. Il y a eu des moments de grandes difficultés : « Ce n’est pas possible de lutter sans souffrir, ce n’est pas une ballade ». Je me demande où elle trouve sa force. Elle parle de la sororité, de ses sœurs avec qui elle partage une solidarité, une empathie qu’elle ne trouve nulle part ailleurs.

Puis elle me parle de Dieu, de sa foi. « L’islam, c’est LE refuge qui me permet de tenir. »

Elle récite ces versets de la sourate Ad-Duha, « Le jour montant » : « Ne t’a-t-Il pas trouvé orphelin ? Alors Il t’a accueilli. Ne t’a-t-Il pas trouvé égaré ? Alors Il t’a guidé. » (sourate 93, versets 6-7).

 

 

Crédit photo : Pexels

 

C’est dans l’épreuve que Hanane a compris que la cause pour laquelle elle se bat est très grande. Elle comprend alors que les attaques personnelles et les menaces qu’elle reçoit sont destinées à ce qu’elle représente et ce qu’elle porte comme message.

 

Une source d’inspiration pour les sien·ne·s

 

Et autour d’elle, auprès de sa propre famille, les lignes aussi ont bougé. Sa plus grande fille la remercie : « Merci. Merci d’avoir fait le travail que tu as pu faire ». Hanane refuse que sa propre fille ait à subir ça. Une fille qui rêve de devenir avocate…

Sa sœur, boostée par son parcours, a elle aussi repris le chemin du travail.

Et cette phrase sublime de sa propre mère : Ma fille, je t’ai longtemps enfermée dans mes propres convictions. Ce sont les femmes qui doivent s’affirmer. Je n’ai pas entendu. C’est toi qui as raison ».

Elle est la preuve vivante qu’on peut se réaliser en tant que femme avec sa propre définition, qu’un autre possible existe et est réalisable. Dix ans après, elle a dépassé ses projets.

 

Et maintenant ?

 

Je me demande si on ne pourrait pas la retrouver en politique un jour. Elle me répond : « J’ai déjà été sollicitée deux fois, mais j’ai refusé, car je ne suis plus en accord avec le système ». Elle croit en un changement du système de l’extérieur, même s’il faut un peu plus de temps.

 

« Regardez les luttes de décolonisation en Algérie, et d’émancipation aux USA. Il faut une grande détermination collective pour ébranler un système. Un contre-pouvoir qui serait le peuple. La force est dans le collectif. Il ne faut pas s’isoler. Quand on voit les obstacles, il faut continuer à y croire. »

 

Crédit Photo : Hassan Kodak

 

Elle poursuit sa route, en passant peu à peu le relais à d’autres. Elle finit sa thèse puis espère écrire un roman. Elle continuera ainsi à inspirer d’autres femmes par ses écrits et nous partagera sa propre « fenêtre ouverte sur le monde ».

Merci Hanane.

 

 

Pour continuer à suivre cette femme inspirante :

Sur twitter : @7Lou_Anne

Sur Facebook : Hanane Karimi

Elle a participé à l’écriture de Voiles et préjugés aux éditions Melting Book

 

 

Prochaine actualité : 

Une performance artistique le 13 mars à Rennes : « Est-ce que tu crois que je doiVe m’excuser pour les attentats ? »

Sa soutenance de thèse à la rentrée, si Dieu le veut.

 

Crédit photo à la une : Laurent de Martini

 

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(Dé)construction Nos Voix

Les filles voilées, on va procéder aux fouilles !

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Comme de nombreux lycéen·ne·s de première, Baraa a passé son bac de français le 15 juin dernier. Au centre d’examen, la jeune femme et ses camarades ont été sommées de retirer leurs voiles, pour ensuite être soumises à une fouille très minutieuse sans raison apparente. Une expérience déstabilisante pour Baraa, qui se confie ici.

« Le jeudi 15 juin, des camarades et moi nous sommes rendu·e·s au lycée Victor Hugo, notre centre d’examen, afin de passer notre épreuve écrite du bac de français. Il s’agit d’un lycée public du troisième arrondissement de Paris. Nous étions élèves dans un lycée privé universaliste, dans lequel nous pouvions porter un foulard. Selon la loi du 15 mars 2004, nous avons le droit de porter un signe religieux, puisqu’elle s’applique uniquement aux élèves d’établissements publics. Nous ne l’avons donc pas retiré dans ce lycée. Une fois installé·e·s dans notre salle d’examen, au moment où nous allions recevoir les consignes, la principale nous a interpellées : « Les filles voilées, on va procéder aux fouilles ! »

Ce que j’ai d’abord ressenti, c’est de l’incompréhension. Je ne savais pas si cette injonction était légale. Mes camarades et moi l’avons donc suivie jusqu’aux vestiaires. Pour le brevet, ce n’était pas le même établissement, mais on m’avait seulement demandé de montrer mes oreilles. Nous avons traversé notre salle, puis une autre. Ces deux dernières étaient pleines de candidat·e·s, ce qui était particulièrement désagréable, puisque nous nous faisions remarquer et qu’il s’agissait une énième fois d’un « problème » dû à un foulard… Elle nous a demandé d’enlever nos voiles, puis de passer nos mains dans nos cheveux, de soulever nos hauts, nos jupes et nos gilets. La cheffe d’établissement était également présente, nous observant de façon silencieuse. Ces femmes ne nous ont apporté aucune explication. Nous étions sept filles ne connaissant pas suffisamment nos droits, et qui, en tant que musulmanes portant le foulard, subissons constamment un traitement différent et humiliant. Nous avons donc accepté. Pourtant, c’était profondément dégradant.

Nous sommes retournées dans notre salle, profondément choquées par ce qui venait de se passer. L’épreuve était sur le point de commencer. Nous étions déstabilisées et nous n’avions pas pu assister aux consignes. Bien qu’un surveillant soit très rapidement revenu dessus, avec quelques notes au tableau, nous n’avons clairement pas bénéficié de bonnes conditions d’examen.

Cela s’est reproduit le lundi 19 juin, dans ce même lycée, pour l’épreuve de sciences de la vie et de la terre (SVT). Nos camarades nous ont expliqué qu’on leur a cette fois-ci demandé de lever leur jupe, d’écarter leurs jambes… L’une de nos amies était tellement indignée qu’elle a expliqué son expérience dans un tweet et c’est à ce moment-là que j’ai véritablement pris conscience du fait que ce qui nous était arrivé n’était absolument pas juste. Malheureusement, certain·e·s l’ont accusée de mentir juste pour le buzz. Si seulement ces dernier·e·s savaient à quel point porter un foulard, en France et en 2017, est difficile… Bien entendu, la principale a nié ce qui s’était passé. Elle a affirmé que nous avions fait tout cela sans qu’aucun adulte de l’établissement ne nous le demande et qu’il s’agissait de notre initiative personnelle. Mais c’est complètement stupide.

Au quotidien, notre choix vestimentaire est compliqué à assumer.

Crédit : Huda Fahmy / Yes I’m hot in this
« Hey, musulmane !
– Oh mon Dieu, c’est reparti… Oui ?
– Je voulais vous faire savoir que vos vêtements ne sont pas appropriés aux Etats-Unis.
– Oh, ce vieux truc ! Pas de panique, j’en ai un de rechange.
– Que Dieu soit avec vous. »

Je prends souvent le métro et j’ai quelques anecdotes. Par exemple, une femme âgée m’avait poussée exprès, en me donnant des coups de coude, l’air agacée par ma présence. Elle a finalement affirmé que je n’avais « rien à faire ici ». Mais si elle n’est pas contente, elle n’a qu’à se déplacer autrement qu’en transports en commun… Je me souviens également de cet homme qui bloquait les tourniquets, puis qui m’empêchait d‘entrer dans le métro en me poussant. En rentrant des cours, accompagnée de camarades du lycée, une femme qui promenait son chien m’a insultée de terroriste. Les gens peuvent être vraiment violents, parfois. La simple vue d’une femme ayant un foulard sur sa tête déclenche en eux une haine considérable. Nous ne leur avons pourtant rien fait. On vit juste selon nos principes, sans juger les autres.

Si nous dénonçons cela aujourd’hui, ce n’est pas pour nous. Nous n’avons personnellement rien à y gagner. Nous voulons simplement que ce genre de discriminations ne soit plus autant banalisé et nous devons faire en sorte d’aller jusqu’au bout pour défendre nos droits et notre dignité, en tant qu’êtres humains. »

Balsam, la grande sœur de Baraa, nous fait part de son ressenti, portant elle aussi le foulard.

« Les femmes voilées subissent la haine tous les jours. Dans tout ce qu’elles veulent entreprendre, il y aura toujours un obstacle. Nous ne sommes pas traitées comme les autres femmes. Déjà qu’à la base, les femmes doivent lutter contre le patriarcat les rendant inférieures aux hommes, en portant le foulard, nous valons encore moins que l’écrasante majorité des femmes, dans la société. Cette haine est banalisée. Lorsque ma sœur m’a fait part de son histoire, je savais que ce n’était pas normal. Elle a le droit d’être voilée. Nous avons donc lancé une procédure et saisi le Défenseur des droits, qui est chargé de défendre les droits des citoyen·ne·s face aux administrations. Nous sommes soutenues par plusieurs associations, notamment le Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF), qui ne souhaite pas que nous laissions passer une énième humiliation de ce type. Ce sont toutes ces petites discriminations qui finissent, une fois accumulées, par aggraver notre situation avec le temps. Il est nécessaire de remettre en cause la cheffe d’établissement, de faire valoir nos droits, parce qu’il s’agit purement d’une atteinte à la dignité. Pour quelle raison n’a-t-elle pas demandé aux autres filles de passer leurs mains dans leurs cheveux, de soulever leur jupe ou leur gilet ? Ma sœur et ses camarades ont tout de suite été soupçonnées de fraude. Tout cela pour un foulard.

Crédit photo : The news tribe

Auparavant, cette haine envers nous existait. Désormais, on ne s’en cache vraiment plus, c’est même revendiqué. On ne cesse de nous mettre des bâtons dans les roues. Avant, c’était de façon subtile ; aujourd’hui, on explique clairement que c’est en raison du voile. Nous subissons cela au quotidien, mais nous sommes des femmes comme les autres. Nous avons un corps, un cœur, un cerveau. Nous sommes des êtres humains à part entière.

Tout cela est contradictoire. Lorsque les musulmanes restent à la maison, on leur reproche de ne pas suffisamment s’intégrer. Mais si on ose respecter nos principes religieux, tout en étudiant ou travaillant, nous sommes profondément humiliées. On ne veut surtout pas d’une femme émancipée, qui passe des examens ou qui va à la plage, tout en portant un foulard. Partout, nous sommes mal regardées, alors que nous aspirons juste à vivre comme tout le monde ».

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(Dé)construction

Le féminisme, ce mot qui sent la poudre…

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Tantôt revendiqué, tantôt décrié, le féminisme fait parler de lui et divise – même les femmes – . Certain.e.s voient en effet en lui une idéologie où les féministes, en véritable « anti-hommes » hystériques qu’elles sont, voudraient inverser l’ordre des choses en transformant notre société dominée par les hommes en une société dominée par les femmes.

 

 

 

« Les féministes ces hystériques »

 

Cette théorie est préconisée notamment par l’oracle Zemmour qui voit en cela le début d’une ère apocalyptique pour la France. Cette destruction du patriarcat est en effet pour lui une des raisons principales de « la mort de la France », cette France forte et virile où les femmes savent rester à leur place et n’aspirent pas aux absurdités kafkaïennes que sont l’accès au savoir et l’égalité homme-femme. De la même manière, depuis que l’on a permis aux femmes de s’exprimer sur le harcèlement sexuel, elles ne savent plus apprécier un gentil sifflement dans la rue, ni même une caresse innocente sur la cuisse sans crier au scandale.

 

 

En réalité, diaboliser les femmes qui revendiquent leurs droits n’est pas chose nouvelle et n’est pas réservé à la France, les suffragettes en Angleterre ont été l’exemple parfait de cette tendance qui consistait – et qui consiste toujours – à faire passer les féministes pour des hystériques ingrates et aigries qui demandent toujours plus de droit que de raison et qui finiront par mener toute l’humanité à sa perte.

Outre cette vision fanatique, qui n’est en réalité que la traduction d’une misogynie exacerbée, le féminisme est parfois même rejeté par des femmes elles mêmes. Combien de fois n’avons-nous pas entendu « Je suis bien évidemment pour l’égalité homme-femme, mais je n’irais pas jusqu’à dire que je suis féministe. Elles m’énervent les féministes ».

 

 

 

Force est de constater qu’il y a un rejet, voire une haine du féminisme qui peut certainement s’expliquer par la polysémie du terme.

Il s’agit en vérité de déterminer de quel féminisme parle-t-on ? Tandis que pour certain.e.s, le féminisme correspond simplement à la volonté d’accéder à une égalité entre les hommes et les femmes d’un point de vue légal, social et professionnel, pour d’autres, le féminisme est un mouvement assez extrémiste auquel ils ne préfèrent pas s’affilier. Ainsi, l’image qui vient à l’esprit de ces personnes à l’écoute du mot féministe est une horde de femmes en colère, manifestant le poing levé, les seins nus et étant très souvent irrespectueuses et intolérantes à l’égard des religions qu’elles jugent comme étant indiscutablement misogynes.

Or non, les féministes ne se résument pas à ce cliché. Une femme au foyer peut être aussi féministe qu’un homme qui peut être aussi féministe qu’une femme d’affaires qui peut être aussi féministe qu’une femme voilée.

 

 

« Des féministes musulmanes hein ? »

 

En effet, ce dernier point semble être une pilule difficile à avaler pour certaines personnes et notamment certaines féministes pour lesquelles l’association voile/féminisme est un paradoxe qui relève de l’absurde. Un discours a alors émergé consistant à dire qu’être musulmane et féministe, c’était probablement possible (il ne faudrait tout de même pas passer pour des islamophobes) mais qu’entre le voile et le féminisme, il fallait faire un choix. Ce discours séduit un grand nombre de personnes intolérantes au voile féministe dont la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, qui avait sans aucune honte comparé les femmes qui portent le voile aux « nègres américains qui étaient pour l’esclavage ». Outre l’utilisation nauséabonde et scandaleuse du terme « nègre », la ministre, dans une ignorance assumée, exclut purement et simplement l’idée qu’une femme voilée puisse penser librement en lui enlevant toute notion de libre-arbitre et de lucidité.

Mais quel est donc ce féminisme exclusif qui veut imposer une manière bien définie d’être libre à toutes les femmes ?

Ironiquement, en pointant ce soi-disant paradoxe, ces féministes deviennent l’incarnation parfaite de ce qu’elles condamnent, à savoir des juges bien-pensants qui, arbitrairement, décrètent ce qui est bon ou pas pour toutes les femmes, ce qui fait ou pas qu’elles sont libres. Elles imposent à toutes leur concept de liberté et leur vision du féminisme, s’arrogeant ainsi ce combat en regardant, avec une pitié condescendante, ces pauvres femmes voilées qui croient être libres. Ce féminisme paternaliste et exclusif est très courant en France.

Il est exclusif parce qu’il rejette de son cercle tout féminisme qui se pense autrement, toute femme qui pense sa liberté autrement.

Toutes les critiques, toutes les condamnations seraient donc pour le bien de ces femmes qui n’ont pas la lucidité de voir que le cocktail voile/liberté est un leurre. C’est ici que se justifie l’emploi du terme « paternaliste » pour ce féminisme. Il est en effet question de ce même paternalisme occidental post-colonial qui consiste à faire du « bon Homme occidental » un guide pour les autres, pauvres créatures qui n’ont pas accès à la lumière de l’intelligence, un peu à la manière des hommes enchaînés et aveuglés dans le mythe platonicien de la Caverne. Si l’on transpose cela au féminisme, cela se traduit par le fait que, estimant qu’elles ont eu la chance d’être illuminées en première de l’émancipation religieuse, elles veulent en faire profiter les autres, en niant par la même occasion les subtilités spirituelles et culturelles de chacun.e.

Crédit : Tuffix

 

Pourtant, le féminisme musulman et le féminisme islamique existent bel et bien.

De Fatima El Fihriya, fondatrice au IXème siècle de la plus vieille université du monde encore active à Fatima Mernissi, grande féministe marocaine et musulmane titulaire du Prix Érasme, en passant par Leila Ghandi, globetrotteuse, photographe et écrivaine, les exemples de féministes musulmanes ne manquent pas. Il suffit d’ouvrir ses yeux et son esprit. Mais l’ignorance des féministes anti-voile les pousse à mettre en exergue un paradoxe qui n’existe que de leur songe : celui d’être voilée et féministe, ou plus largement, celui d’être musulmane et féministe.

Les mouvements féministes ne sont pourtant pas nés dans les sociétés occidentales.

La remise en cause du patriarcat a été, dès la révélation de l’Islam, une question essentielle. En réalité, l’Islam a libéré les femmes de l’époque en leur accordant des droits dont elles ne disposaient guère comme la liberté d’expression puisque les femmes étaient invitées à parler directement au Prophète pour lui poser des questions ou lui faire part de leurs opinions politiques ou religieuses. Nul besoin d’homme intermédiaire donc. De la même manière, l’Islam n’a jamais interdit aux femmes le droit de travailler et a donc toujours permis l’émancipation financière des femmes. Il en va de même pour les postes de haut rang au sein des gouvernements qui n’ont jamais été interdits aux femmes. Dans ses nombreux ouvrages, tels que Sultanes oubliées ou encore Le harem politique : le Prophète et les femmes, Fatima Mernissi a démontré la place des femmes chefs d’État en Islam qui a été volontairement oubliée.

 

 

Ainsi, il s’agit d’un féminisme qui ne met pas à distance le religieux mais qui, bien au contraire, puise dans le religieux et dans les textes sacrés pour prouver que l’égalité homme-femme a toujours été consacrée dans l’Islam, à commencer par l’épisode du péché originel. En effet, pendant des siècles, cet épisode a justifié le patriarcat et la misogynie dans les sociétés occidentales chrétiennes, car la femme est, selon cet épisode biblique, à l’origine de l’expulsion du Paradis d’Adam et d’Eve et par conséquent, elle est la cause de tous les maux de l’univers. Cet épisode a donc servi de fondement au fait que la femme devait être contrôlée et encadrée par l’homme du fait de son inaptitude à résister à la tentation. Le péché originel est différent en Islam puisque c’est conjointement qu’Adam et Eve ont choisi de toucher au fruit défendu. Ainsi, cet épisode religieux n’a jamais pu et ne peut être instrumentalisé en Islam pour asseoir la légitimité du patriarcat. Dans les sociétés arabo-musulmanes, c’est donc sur la culture et sur des traditions que se fonde le patriarcat et non sur la religion musulmane.

 

 

Lors de l’affaire du burkini l’été dernier, les « féministes mainstream », soit celles qui pratiquent un féminisme exclusif et paternaliste, ont toutefois soutenu l’idée qu’aucune femme ne devrait être humiliée pour ce qu’elle porte, qu’il s’agisse d’une mini-jupe ou d’un burkini. Les bases sont posées, reste maintenant à considérer les femmes voilées comme des égales féministes et comme des citoyennes lambda, car le problème n’est définitivement pas dans ce qu’elles sont, mais bien dans la perception intolérante et condescendante que l’on a d’elles.

 
Photo de couverture : Crédit roaringsoftly

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Portraits

Mariame Tighanimine : l’empowerment par le business

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Mariame Tighanimine est entrepreneuse dans l’âme. Elle se lance pour la première fois en 2007 avec Hijab and the city, premier webzine féminin à destination des femmes françaises de culture musulmane avant de clore le chapitre 4 ans plus tard, en 2011. Aujourd’hui, elle se consacre à une nouvelle aventure : Babelbusiness, une méthode qui encourage les personnes désireuses de créer leur entreprise à sauter le pas.
Retour en 3 questions sur le parcours de cette femme persévérante, dont le travail est de changer la vie des autres de manière positive et remarquable.

 

Ex-Hijabandthecity, ex-Babelbag, actuel Babelbusiness, chargée d’enseignement au Centre pour l’entreprenariat à Sciences Po, chassez l’intrus ou le compte est bon ?

 

Le compte est bon et j’espère encore développer un tas d’autres projets ! Contrairement aux apparences, il y a une véritable continuité entre eux. Hijab and the City a été ma première startup. Créée en 2007 avec ma sœur, Khadija, il s’agissait du premier webzine féminin francophone et participatif à destination des femmes françaises de culture musulmane. On en avait marre d’entendre constamment parler des femmes musulmanes dans les médias alors que personne ne leur donnait la parole, ne leur tendait le micro. On a donc créé cette tribune qui réunissait jusqu’à 350 000 visiteurs uniques par mois, des femmes et même des hommes venant d’horizons culturels, cultuels et sociaux complètement différents, ainsi qu’une trentaine de contributrices de différentes sensibilités, nationalités et religions. On a bénéficié d’une couverture médiatique internationale puis nationale importante et on a eu la chance de rencontrer notre lectorat tous les mois, lors d’événements, de brunchs ou de soirées. Cette extraordinaire aventure humaine et entrepreneuriale a duré jusqu’en 2011. Puis elle a laissé place à Babelbag.

Si avec Hijab and the City, nous avons montré que la première action d’empowerment était la prise de parole, le droit et le devoir de se raconter soi-même, la seconde action devait être économique. C’est en discutant avec certaines de nos lectrices que nous nous sommes rendu compte que beaucoup de femmes avaient besoin d’avoir un revenu ou un complément de revenu pour mieux vivre et s’épanouir. Avec Redha, mon associé actuel, qui était notre mentor à l’époque de Hijab and the City, nous avons donc réfléchi à un projet qui pouvait répondre à cette problématique. Mais nous voulions qu’il s’adresse également à des femmes qui n’avaient pas forcément de problèmes économiques mais qui aspiraient néanmoins à sortir de leur routine, à exprimer leur potentiel et à tester leur emprise sur le monde. C’est comme ça qu’en 2012 est né Babelbag, un business collaboratif qui a consisté en la co-création d’un premier produit, le sac à main Babelbag, et à la promotion ainsi qu’à la distribution de celui-ci par le bouche-à-oreille et le main-à-main. Nous avons même créé une collection capsule avec le site Auféminin.com qui a soutenu le projet dès ses débuts. Nous avons permis à une centaine de femmes de démarrer leur micro-activité et de gagner un revenu. Plus de 500 sacs et plus de 10 000 petits accessoires (porte-sacs, accroche-sacs…) ont été vendus. De l’expérience Babelbag, nous avons compris qu’au-delà du produit, ce qui intéressait les femmes, c’était d’apprendre à faire du business. De ce constat est né Babelbusiness.

Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de personnes voulaient se lancer dans le business mais avaient peur, ne savaient pas comment faire. Le manque de moyens était vraiment la dernière des craintes, c’est surtout la peur de l’échec, la peur du changement, le manque de compétences, qui étaient les véritables freins à leur lancement. Nous avons donc laissé de côté les produits et avons travaillé sur des programmes et outils qui s’adresseraient à tout le monde, sans distinction de diplôme, de langue, d’âge, d’origines ou de sexe… Et c’est comme ça que nous avons développé la méthode Babelbusiness, ainsi que les programmes et outils pour permettre à n’importe qui de se lancer en 24h avec très peu de moyens. Nous l’avons testé sur plus de 500 personnes, avec des associations d’insertion économique pour les jeunes et les femmes dans le 92, le 78, avec des allocataires du RSA, avec des vendeurs ambulants en France, au Maroc et en Ouganda, avec des grands groupes comme Danone pour former des micro-distributeurs… Aujourd’hui, nous sommes en train de mettre en place une plateforme sur laquelle tous nos outils et programmes seront proposés en ligne, à n’importe qui, que la personne soit à Paris, Lagos, Rio ou Singapour, qu’elle soit étudiante, retraitée, sans activité ou salariée. Pour nous, tout le monde peut et devrait faire du business. C’est une discipline formidable, dont on peut apprendre énormément de choses sur soi et sur les autres !

Vous voyez les liens entre ces différents projets maintenant ?

 

Pensez-vous que le business est un outil d’empowerment pour les femmes ?

 

Oui. En fait, il en est un pour tout le monde. Et tout dépend du type d’empowerment que l’on recherche, économique ou social.

Magellan par exemple est le premier homme à avoir fait le tour du monde de l’histoire de l’humanité pour une histoire d’épices, de négoce, d’appât du gain. Mais quand vous grattez bien, vous vous rendez compte qu’il l’a aussi fait pour sortir de sa condition, pour marquer l’Histoire.

On peut faire du business pour s’autonomiser ou pour n’importe quelle autre raison. Pour moi, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises raisons. Mais il faut le faire sérieusement, comme n’importe quelle discipline, parce qu’on ne sait pas comment cela peut se terminer. Vincent Van Gogh ne savait pas qu’il deviendrait Van Gogh. Et pourtant, malgré la maladie, les difficultés qu’il a rencontrées, il n’a jamais cessé de produire des œuvres.

 

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Crédit photo : Mariame Tighanimine

 

En France aujourd’hui, de nombreuses femmes voilées, bardées de diplômes, sont exclues du marché de l’emploi à cause de leur voile. Que diriez-vous à celles qui veulent se lancer dans l’entreprenariat mais qui tanguent encore ?

 

Je n’ai pas de leçons à donner ni de conseils particuliers à adresser. Mais je vais vous raconter comment j’en suis venue à entreprendre.

Je portais le hijab et j’étais étudiante. Je voulais faire de la recherche en sciences sociales, j’étais plutôt douée selon mes professeurs. Mais je savais que cela poserait problème à un moment donné. Dans ce milieu, c’était déjà compliqué d’être issue de l’université et non d’une école, mais avoir un hijab, c’était une difficulté supplémentaire. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’une de mes profs qui m’a dit texto :

Vous êtes une excellente étudiante, je n’aurais aucune difficulté à vous soutenir et à vous prendre dans mon labo, mais pas avec votre voile.

Je suis sortie de son bureau triste, en colère, mais je me suis juré de ne pas céder. Par principe. Au même moment, ma sœur Khadija, elle aussi voilée, venait d’être diplômée d’une école d’architecture et de l’université. Elle aussi était un très bon élément. On voulait bien d’elle dans certaines entreprises mais tête nue. Par principe, elle a également refusé. Quand j’ai vu tout ça, je me suis dit « à quoi bon continuer mes études ? ». Même si j’étudiais aussi par passion, je savais qu’à un moment donné, j’allais être confrontée au chômage et je ne suis pas issue d’un milieu aisé pour me permettre de vivre de passion et d’eau fraîche. Il fallait donc que j’anticipe tout ça et surtout, que j’évolue dans un milieu qui m’accepte comme je suis.

Un jour de 2007, ma sœur est venue me voir en me disant qu’elle voulait monter sa boîte. Je n’y connaissais strictement rien mais comme je bloguais, je lui ai proposé de tenir un blog sur son activité, une sorte de carnet de bord qu’elle pourrait partager avec ses potentiels clients. Puis de fil en aiguille, nous nous sommes retrouvées à créer Hijab and the City. Ça n’avait strictement rien à voir avec ce que nous voulions faire au départ mais c’était aussi un moyen pour nous de nous affirmer, de refuser un énième ostracisme. Même si je ne porte plus le hijab, je n’ai jamais pensé à toquer aux portes du marché du travail. Je suis entrepreneure, j’aime ce que je fais et je me rends compte que je ne sais pas faire autre chose.

Pour en revenir à votre question, en général, j’encourage tout le monde à faire du business, les femmes qui portent le voile et toutes les personnes qui sont discriminées sur le marché du travail en font partie. Maintenant, reste à savoir quoi faire. Beaucoup de femmes que je connais dans ce cas sont tentées de faire du business qui ne s’adresse qu’à la « communauté ». Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure des idées et en plus, je ne crois pas à ce concept de « communauté », sauf au sens marketing. Il faut faire quelque chose qui réponde à un besoin. Je le précise parce que beaucoup de personnes qui se lancent dans cette optique se retrouvent désillusionnées et écœurées par l’accueil que leurs soi-disant semblables leur réservent. Quand on faisait Hijab and the City, les premiers à nous mettre des bâtons dans les roues étaient les « nôtres » et malheureusement, les plus virulents étaient des femmes. Même si nos détracteurs étaient beaucoup moins nombreux que nos supporters, ils existaient malgré tout. Il faut juste être consciente de ces choses et se concentrer sur celles et ceux qui vous veulent du bien !

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