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My Magical Hijab : et si l’héroïne de mon enfance portait un hijab ?

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Les aventures de Mina – My Magical Hijab
My Magical Hijab est un livre pour enfants. On suit les aventures et le quotidien de Mina – personnage principal plein de vie et d’énergie. L’histoire commence le jour de son anniversaire où sa mère lui offre, pour l’occasion, un cadeau particulier : un hijab. Mais pas n’importe lequel…Un hijab magique qui change de couleur ! On voit une Mina pleine de joie et heureuse à la découverte du cadeau.

 

En réalité, c’est une lecture pour les grands et les petits, pour les croyants.e.s et les non-croyants.e.s. Derrière ce personnage drôle et rempli de vie, les auteurs.trices souhaitent briser les nombreux stéréotypes négatifs qu’on peut entendre sur les femmes qui portent le hijab.

Face aux clichés sur les femmes qui sont forcées à porter le hijab ou encore que le hijab soit censé être noir, sombre, nous avons la mère de Mina qui lui offre un hijab qui change de couleur et brille de mille feux. Mina en est très contente.

Dès le début de l’histoire, les auteurs.trices ont brisé ces clichés négatifs et tentent de construire une image positive du hijab dans les esprits des lecteurs et surtout les jeunes filles.

Au fur à mesure de la lecture, les stéréotypes négatifs tombent les uns après les autres. Entre nous, combien et quelles sont les questions ridicules qu’on vous a déjà posées sur votre hijab?

« Est-ce que vous le portez aussi chez vous ? Dormez-vous avec ? Prenez-vous votre douche avec ? » Et à chacune d’elle je refoulais l’envie de répondre « oui, bien sûr ! ».

Il y a plusieurs façons pour faire face à ce genre de situations. L’une d’entre elles est d’ écrire un livre ! My Magical Hijab est un livre qui contribue à lutter contre ces clichés, de manière ludique et artistique. Les auteurs.trices ont pris le soin d’écrire l’ensemble du livre avec des rimes.

Les auteurs.trices souhaitent enseigner de manière moins stricte les raisons pour lesquelles les femmes musulmanes portent le hijab à travers des illustrations et les aventures de Mina. Par exemple, on peut voir que quand Mina est dehors, elle porte le hijab mais quand elle rentre chez elle, elle se met à l’aise (oui, elle ne le porte pas). Le quotidien de Mina est celui de milliers de femmes à travers le monde.

Les illustrations réalisées par Thaakirah Jacobs, une jeune femme musulmane, originaire de l’Afrique du Sud, jouent un très grand rôle dans cet apprentissage. Une image vaut parfois mille mots. N’est-ce pas ?

Suivez les aventures de Mina car ce premier tome n’est pas le dernier !

Doaa et Karter – Les auteurs de My Magical Hijab

 

My Magical Hijab a été écrit par Doaa et Karter.

Doaa Alhawamdeh est née à New York, d’origine palestinienne, elle a fait des études d’infirmières. Aujourd’hui, elle se considère comme une infirmière-voyageuse.

Karter Zaher est né au Canada d’origine libanaise. Il faisait partie du célèbre duo Deen Squad. Le but du duo était de créer de la musique et du divertissement afin de donner de la force à la jeunesse musulmane à travers le monde.

Aujourd’hui mariés, ils vivent à Los Angeles – California. Ils travaillent sur leur marque de divertissement Muzzy.

Leur but est de créer un puissant réseau de musulman.es afin de renforcer la communauté musulmane à travers le monde.
 

« Récemment, nous nous sommes mariés, la meilleure façon de commencer notre relation est de créer un livre et des super-héros qui pourront vivre et grandir dans les cœurs des jeunes femmes. » Doaa & Karter

Le manque de représentation – Les raisons derrière My Magical Hijab.

 

Derrière le succès de My Magical Hijab, se cache un travail colossal. Les auteurs ont tenté plusieurs idées avant de décrocher le jackpot : Mina et le hijab magique ! Ce n’était pas un travail facile, néanmoins ce projet leur tenait à cœur et ils ont réussi à le mener à terme.

Pour quelles raisons, les auteurs ont-ils décidé d’écrire ce livre, qui s’adresse principalement aux enfants ?

Le manque de représentation est cruel, et alarmant à notre époque. Malheureusement, la jeunesse musulmane et plus spécifiquement les femmes musulmanes n’ont pas de héros.oïnes qui les représentent.

L’idée principale était de créer une super-héroïne qui jouera, par la suite, un rôle modèle pour les jeunes femmes de la communauté musulmane.

C’était la réponse des écrivains.

« Nous avons ressenti qu’elles avaient vraiment besoin de représentation dans notre communauté. » Doaa & Karter

La plupart des rôles modèles ne véhiculent pas les bons messages, d’autres personnes ne concernent pas la culture musulmane et ne donnent pas la bonne représentation.

Ce manque de représentation, Doaa l’a ressentie lors de son enfance. Elle me confie, « plus jeune, jamais l’idée de trouver un personnage qui porte un hijab, en ouvrant un livre, m’a traversé l’esprit. En étant enfant, c’était normal, de ne pas se dire ‘’où sont les enfants qui me ressemblent !’’. Et c’est exactement le problème ! »

Doaa continue sur sa lancée et m’explique que les enfants grandissent et dans leurs esprits, ils développent l’idée de ce qui est normal. En grandissant, ce qui est normal ce sont les personnages qu’ils ont vu dans les livres, les films et les shows. C’est la normalité de ne pas voir des personnages avec le hijab. Puis, ils deviennent des adolescents et des adultes, et ce qui est normal n’est pas en adéquation avec leur foi, ce qui signifie par défaut, de manière inconsciente, dans leurs esprits, qu’ils ne sont pas normaux. C’est ça le plus grand problème.

Avec la création de ce livre, et avec de plus en plus de contenus dans le même genre, les filles musulmanes peuvent grandir et se rapprocher de qui est réellement normal.

Maintenant, lorsque les personnes verront une fille portant le hijab, ils le rajouteront à leur liste de ce qui est normal. Elles pourront ainsi grandir et porter le hijab, en considérant ce choix, tout à fait normal, sans se sentir bizarre.

Doaa et Karter m’ont confirmé que la communauté musulmane attendait ce livre avec impatience car les enfants avaient besoin de ce genre de représentation. C’était un réel besoin.

« Nous sommes très en retard, cela devait être fait des années auparavant. » Doaa & Karter

Pourquoi est-il si important de répondre à ce manque de représentation chez les enfants ? Pourquoi est-il si important de les cibler ?

« Aujourd’hui les enfants sont déjà ciblés. Si on laisse nos enfants être la cible d’autres personnes dont on n’est pas d’accord avec leurs méthodes alors nos enfants seront éduqués par toutes ces choses : la télévision, l’internet, les téléphones et les réseaux sociaux. Ils sont à peine éduqués par leurs parents, car les enfants constituent déjà une cible. » , répond Doaa.

L’autrice ne s’arrête pas là dans son explication et enchaîne à propos de My Magical Hijab. « Ce livre est introduit en tant qu’outil pour les familles via une histoire magnifique qui aidera à bâtir la confiance des enfants musulmans. Si les enfants observent le niveau de ce qui est normal dans ce qu’ils ont développé de ce qui est normal à partir de leur enfance, s’ils développent ce niveau de ce qui est normal à travers la télévision, les téléphones et les médias sociaux alors ils ne se sentiront jamais anormaux. Cela n’arrivera pas car ils sont ciblés par d’autres personnes qui travaillent très dur afin de dessiner la vision et l’image de ce qui est normal dans les esprits de nos enfants. »

Elle termine par m’annoncer qu’on doit reprendre ce contrôle, et fournir des outils pour les familles musulmanes afin de les aider à façonner une véritable image de confiance en soi des femmes musulmanes.

« Je suis très triste de ce qui se passe en France, ici, la plupart du temps on célèbre la diversité »Doaa

Les auteurs me confient que les lecteurs.rices se sont sentis tellement fier.es et heureux.se du livre. Certain.es ont porté le hijab en lisant le bouquin afin de ressembler au personnage principal, d’autres ont partagé le livre avec leur école. Certains étudient dans des écoles privées musulmanes tandis que d’autres dans des écoles publiques. Les enfants ont ainsi pu lire le livre à leurs camarades musulmans et non-musulmans.

Certains lecteurs ont acheté le livre pour les enseignant.es qui ne sont pas musulman.es, ces derniers l’ont partagé avec leurs élèves. De cette manière, ils peuvent enseigner aux enfants la diversité et l’acceptation des différences des autres.
 


 

Muzzy Brand – Livres, Musique et NFTs. La nouvelle génération de musulmans.

 

Derrière My Magical Hijab se cache une plus grande vision, une plus grande ambition. Le projet d’une vie. Doaa et Karter aspirent à construire un réseau de musulmans.es à travers le monde. Un réseau fort, confiant et loyal. Ils ne comptent pas s’arrêter à un seul livre, ils visent plus grand, plus loin, sur le long terme.

C’est pour cette raison qu’ils ont lancé la marque « Muzzy » qui est destinée à développer la confiance des musulmans.es, et leur donner une voix. L’origine du mot « Muzzy » vient de l’argot américain qui signifie « Cool Muslim ».

Au-delà des livres, Muzzy propose aussi de la musique.

Dernièrement, Doaa et Karter ont lancé une collection NFT baptisée « Hijab Queens ». Premier projet lancé qui représente les musulmans dans le MetaVerse.

Dans l’une de leurs interviews, les fondateurs expliquent que ce projet NFT a une finalité éducative afin que les femmes puissent apprendre sur la construction de richesse, la cryptomonnaie, la liberté financière et les NFTs. Ils n’hésitent pas à investir dans cette nouvelle technologie ainsi que dans des fresques gigantesques afin de donner à la communauté musulmane la représentation qu’elle mérite.

Entre livres pour enfants, musique, collection d’NFT, il semble que Doaa et Karter se sont donné une mission et sont déterminés à la réaliser.
 

Mot de fin – Amina

 

Pour mieux comprendre la raison derrière laquelle le livre My Magical Hijab a suscité autant d’intérêt chez les enfants, je me suis lancée dans la recherche de témoignages. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Amina, une enfant américaine et musulmane âgée de huit ans.

J’ai passé plusieurs heures à parler avec elle (jusqu’à oublier de couper mon jeûne), c’était un membre de sa famille qui a dû nous arrêter dans notre belle discussion.

Amina me confie plusieurs choses lors de notre échange parfois elle me racontait des anecdotes personnelles, et je me réjouissais de l’écouter.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Amina a aimé le livre. D’abord, elle a été captivée par les belles images, avec une large palette de couleurs. Ensuite, il y a l’humour : les parties favorites d’Amina étaient les plus drôles. En effet, le personnage principal est rempli d’énergie et de bonne humeur, on la suit dans son quotidien joyeux. Au-delà de l’humour, Amina a énormément aimé le côté sentimental, sincère et spirituel de la dernière page.

Après la lecture du livre, en trois mots, Amina était remplie de surprise, de joie et de confiance.

Petite anecdote : Amina m’a fait la lecture du livre My Magical Hijab avec des commentaires sur ses parties favorites. Elle ne s’est pas arrêtée là, et elle m’a également lu le livre The Proudest blue de S.K.Ali et Ibtihaj Muhammad.

Je suis vraiment reconnaissante pour ce moment passé avec elle. Après cette interview, et avec une prise de recul de plusieurs semaines, je me suis rendu compte combien il est important d’offrir aux enfants une représentation qui leur est bénéfique.

Je me pose la question suivante : aujourd’hui en France a-t-on la représentation qu’on mérite ?

Mille mercis à Doaa, Karter et Amina pour ces précieux échanges.

Crédit photos : Muzzybrand, @karterzaher, @iamdoaa94

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Diffuse la bonne parole

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Portraits

Portrait de Mouna Jabri : Witech, la startup sociale tech au féminin

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Comment faire (re)naître la présence des femmes dans le monde du digital en Ile-de-France

 

J’ai eu l’occasion de connaître Mouna Jabri, jeune femme inspirante de 26 ans, par le biais de mon entourage. Tout, chez elle, m’a intriguée : son parcours, les associations dont elle est à l’initiative, et surtout cette startup qu’elle vient tout récemment de créer et qui met à l’honneur les femmes dans un secteur peu équitable en termes de parité : le numérique. Son parcours m’a intrigué ainsi que les associations dont elle est à l’initiative et surtout la startup qu’elle vient tout récemment de créer, mettant à l’honneur les femmes dans un secteur peu équitable en termes de parité : le numérique. Après réflexion, il paraissait plus que pertinent de mettre en lumière son cheminement afin de signifier que les femmes ont leur place dans des secteurs d’activité assignés, dans l’imaginaire collectif mais aussi dans la réalité, au masculin. Voici donc le portrait de Mouna, pionnière dans l’émancipation des jeunes filles et le numérique en Ile-de-France ! 

 

Un cadre familial et un entourage bienveillant à l’encontre des clichés

 

Mouna habite à Mantes-la-Jolie. Issue d’une famille marocaine, son père, professeur de mathématiques, et sa mère, d’abord mère au foyer puis professeure de langue, sont tous deux très impliqués dans le monde associatif.

 

Dès le collège, ses appétences pour la science et l’informatique permettent à Mouna de donner un coup de pouce à ses parents dans leur travail administratif, que ce soit dans leur métier ou leur engagement associatif. Mouna contribue à la partie support technique et bureautique et rédige des supports de formation. On peut donc dire qu’elle baigne dès sa plus tendre enfance dans l’engagement associatif. Elle vient d’une famille aimante et équilibrée et me précise que son modèle est « très éloigné du modèle familial stéréotypé qu’on peut accoler aux familles maghrébines françaises. »

 

Ses parents lui répétaient qu’il était important d’être sérieu-x-se et d’exceller à l’école mais que ce n’était pas l’essentiel : « il faut aussi laisser son empreinte dans la société française, apporter sa pierre à l’édifice et faire attention à ne pas s’enfermer dans un communautarisme ». Ils ont mis un point d’honneur à lui transmettre des valeurs universelles, et l’idée qu’il ne faut pas se perdre dans une vision trop binaire de la France. Mouna garde la conviction qu’il faut avant tout faire, créer et imaginer avec les personnes qui nous entourent. En d’autres termes, avoir conscience du vivre ensemble. C’est une des valeurs principales qui lui ont été inculquées. Elle me dit que son but est de savoir utiliser le système et vivre avec, en vue de servir une noble cause et la communauté globale, tout en étant le frère ou la sœur de quelqu’un.

 

Après le bac, elle se dirige vers une classe préparatoire en maths-physique, puis, à l’issue d’un concours ardu, intègre les Mines de Nantes, une prestigieuse école d’ingénieur-e-s. Elle y apprend et développe des compétences techniques, des « soft-skills » – c’est-à-dire des compétences humaines – ainsi qu’une importante capacité d’adaptation. Elle n’est pas en reste en ce qui concerne les langues puisqu’elle est inscrite dès l’âge de 2 ans dans une école d’arabe, une double culture qu’elle porte fièrement en elle.

Au sein de l’association Sigma F – dont elle est en partie à l’initiative – elle œuvre en faveur de jeunes lycéens et lycéennes, en les guidant vers la voie du bac. Elle finalise ses études dans son domaine de prédilection en effectuant un stage dans la data science chez Renault. Elle me dit qu’elle se sent reconnaissante car elle admet avoir eu le choix du chemin de l’excellence. 

 

Tout au long de son parcours, un mot l’a guidée : la bienveillance. D’abord grâce à un environnement familial sain et prospère dont un petit réseau qui lui a permis de saisir certaines opportunités, mais également grâce à un environnement professionnel qui lui a été favorable, du moins au début de sa carrière chez Renault. Elle a compris et identifié que ces éléments ont été nécessaires pour son ascension et aujourd’hui, elle veut transmettre à son tour afin de créer un cercle vertueux. Malgré ce constat, Mouna en attend plus en termes d’impact.

 

Les embûches : « On ne connaît la douleur d’un coup de couteau que lorsque l’on en reçoit un » proverbe arabe

 

Malgré ce joli parcours qui paraît sans faille, les premières barrières de la discrimination se dressent sur son chemin. Mouna est une femme musulmane qui porte le voile. Et le monde de l’entreprise, notamment le secteur du numérique, laisse bien souvent ses portes fermées aux femmes, notamment aux femmes voilées.

 

C’est sans tenir compte de la résilience de la jeune ingénieure mantaise. Ses moments difficiles lui ont permis de gagner en humilité et d’anticiper les difficultés qu’elle pourrait potentiellement rencontrer dans le futur. Pour me faire comprendre la manière dont elle a subi des discriminations à l’embauche, Mouna me raconte quelques anecdotes à faire grincer des dents. Après des entretiens téléphoniques, qui s’avéraient des succès, on lui demandait de venir physiquement dans les locaux de l’entreprise comme une simple modalité puis, Mouna constatait une gêne palpable à son arrivée… Les recruteurs n’explicitaient pas la plupart du temps la raison pour laquelle finalement, elle ne pourra pas être prise sur le poste. Ou l’éludaient. Un simple « mais vous savez pourquoi hein ? » la ramenait à la réalité. Ils trouvaient parfois des subterfuges dans le but de se dédouaner : « Ce n’est pas de ma faute, je suis désolée, de notre côté cela ne pose pas de problème mais le client refuse le port du voile… »

 

L’éducation de Mouna lui a permis d’avoir confiance en son intégrité. Sans sa famille, elle m’affirme tout de même qu’elle aurait sans doute baissé les bras tant la pression sociale est forte.

Elle se questionne et se demande pourquoi dans les parcours scolaires de manière générale, on ne nous apprend pas à développer cette force d’affirmation et cette fierté liée à nos identités culturelles et nos métissages. Mais Mouna n’a pas laissé tomber et a continué à chercher un emploi dans le secteur de l’éducation et de la santé. 

 

Une semaine avant de souffler les bougies de sa 23ème année, elle postule à une offre dans le secteur de l’environnement en tant qu’ingénieure data analyst.  En guise de cadeau d’anniversaire, elle est embauchée et vivra dans cette entreprise une expérience très enrichissante. Basée en France, Pur Projet lui a offert un accueil plus que chaleureux, lui a permis d’endosser de grandes responsabilités et d’acquérir un volet de formation sur les aspects numériques du métier. 

Entre-temps, elle poursuit son bénévolat au sein de son association Sigma F, comme évoqué précédemment. C’est aussi un moyen de comprendre les aspirations de jeunes qui ont pu avoir moins de chance. Chez Sigma F, des bénévoles préparent les lycéens à l’épreuve bac durant 3 mois avant leur passage, et leur proposent un programme intensif de révisions et de développement personnel orienté scolaire, programme “sur mesure” qui tente avant tout de bien comprendre les besoins de la population. Sigma F comptait 10 bénévoles et 20 bénéficiaires lors de sa création, aujourd’hui il en compte 300 (bénévoles) et près de 600 bénéficiaires. Cette association connaît donc un fort engouement en plus de créer un réseau de solidarité exemplaire. 

 

Au sein de Sigma F Mouna suit un groupe de jeunes femmes en filière scientifique. Elle se rend compte que le fait d’être seulement entre femmes leur donne plus de confiance, que la parole est plus libérée, un peu comme dans une petite bulle. Mouna souhaite conserver cette ambiance de sororité à l’avenir. Il est temps pour elle de déconstruire les clichés et fondements bancals sexistes que l’on attache à ces domaines. Notons qu’elle a également expérimenté des groupes de paroles et de travail mixtes évoquant des thématiques diverses dans des secteurs autres que les nouvelles technologies.

 

Une passion pour la transmission : naissance de Witech

 

Toutes ses expériences et les personnes rencontrées sur son chemin ont nourri son désir d’impacter positivement la société française.

 

C’est en juillet 2019 que les premières pierres se posent. Elle prend du recul pour établir un plan d’action, et se dit qu’elle a résolument envie de voler de ses propres ailes, de se fixer ses propres horaires, que l’équilibre entre le travail et la vie associative n’est pas chose aisée, qu’elle a besoin de sortir de sa zone de confort, de rompre avec le conventionnel, mais aussi de créer sa propre identité.

En parallèle de cette réflexion, elle suit des formations dans la data science, ce qui l’amène à travailler en tant que freelance, c’est-à-dire en indépendante. Elle peut désormais se dédier à son association à plein temps. Le territoire est également une de ses préoccupations premières, plus particulièrement celui où elle a grandi. Le manque de formation technologique y est criant. La population de Mantes-la-Jolie est comme sa famille, les jeunes qu’elle suit et qu’elle motive ne sont pas des bénéficiaires lambda et elle veut se donner à 100% pour eux.  

 

A l’été 2020, les choses s’accélèrent. Elle forme des élèves de master en langage de Programmation et se lance dans des recherches, fait des ponts avec son parcours, et son plan d’action prend forme. L’idée de créer son propre cadre émerge dans son esprit. Le temps est venu de fonder son association. Ça y est, son projet d’initiation à la programmation informatique pour les femmes et jeunes filles est formalisé : voici Witech

Elle veut aujourd’hui offrir aux jeunes gens, aux jeunes filles surtout, la capacité à s’auto-former de la même manière qu’elle a pu le faire, chose possible via les outils informatiques et internet, terreau fertile inépuisable quand il est manié avec précaution et habilité. 

 

Son but principal ? Transmettre. Pas seulement pour capitaliser de la connaissance mais avant tout pour transmettre à l’Autre. La transmission du savoir, me rappelle-t-elle au téléphone, est aussi un levier d’action sociétal puissant qui agit à la racine des problèmes. L’esprit d’inclusion dans sa start up sociale demeure l’une de ses priorités. Il faudrait, idéalement, se débarrasser des parasites du monde de l’entre-soi ! Mouna me rappelle gaiement qu’“aujourd’hui il y a de la place pour tout le monde ! » L’idée est aussi d’être dans une démarche de réception et non uniquement dans un rapport unilatéral vis-à-vis des apprenants. 

 

Les doutes l’assaillent tout de même et elle m’avoue que le sentiment d’imposture est parfois présent chez elle. C’est pour moi un grand signe d’humilité ! Car Mouna a fait des rencontres avec des acteurs associatifs clefs qui l’ont conseillée et soutenue, mais elle a surtout saisi les opportunités qui s’offraient à elle. 

 

Witech et le futur

 

Mouna a également imaginé cette startup d’après un constat national : la tendance est à la hausse quant à l’embauche des postes dans le numérique – 200 000 emplois en France*mais il réside des inégalités quant à sa présence féminine, tout simplement car, en plus de la barrière psychologique, elles ne tendent pas à s’orienter vers les domaines du numérique. Parmi celles qui font des études supérieures dans le domaine numérique, 25% d’entre elles sont diplômées mais seulement 13% parmi elles travailleront plus tard dans l’emploi numérique**. Seulement 33% des salariés de tous les métiers du numérique sont des femmes*** Le point de vue « androcentrique » dans la sphère numérique est à changer, car n’y intègre pas ou peu l’apport féminin pourtant nécessaire. Le numérique prend pourtant une place centrale dans nos sociétés, notamment depuis la crise sanitaire qui nous oblige à repenser nos modes de communication et de transmission via le digital, presque unique canal de communication viable en ces temps. Un autre aspect à soulever, celui de la présence de « role models » féminin, qui varient en fonction des territoires. Leur besoin est encore plus important dans les quartiers populaires. La fracture numérique dans les banlieues françaises creuse de façon démesurée ces inégalités, ce qui engendre un non-accès à l’information, et de ce fait un non-accès aux opportunités.

 

Plus concrètement, Witech ce sont des actions pour adresser les problématiques sociales dans la bienveillance mais avec une valeur ajoutée : faire en sorte que les femmes se sentent légitimes pour relever le défi du numérique en plus d’apporter de la fraîcheur et de l’innovation. Witech c’est aussi accueillir toutes les femmes. « Chacune de nous à un potentiel inné et des compétences transposables » explicite Mouna, qui veut construire un monde où prévaut l’équité. Le besoin ne peut être compris s’il n’est pensé que par les hommes, rappelle-t-elle.

Trois volets organisent cette start up sociale. Le volet « INITIER » qui initie à la programmation informatique dès la 3ème pour démystifier l’environnement informatique pour tous et ne pas se créer des barrières; le volet « FORMER » qui propose une formation pour acquérir des compétences numériques et bureautiques; et enfin le volet « VALORISER » qui, par l’événementiel, peut répondre aux problématiques sociales afin de créer une dynamique pour que les jeunes filles et même les jeunes  garçons sentent qu’ils peuvent être act-eur-rice-s des changements. 

 

D’ici cinq ans, Mouna souhaiterait fonder une école de formation dans la tech pour les filles avec la possibilité d’accueillir des garçons dans un second temps. Dans un futur plutôt éloigné, elle aimerait aller encore plus loin en outillant les populations en Afrique pour pallier la fracture du numérique, notamment au Maroc où le besoin d’informatique est criant. 

 

Cette start up sociale et le parcours de Mouna, sa créatrice, procurent un sentiment d’espoir et de sororité. Oui, les femmes, de toutes confessions confondues qui plus est, ont en elles toutes les capacités pour travailler dans les secteurs du numérique, de l’informatique et des nouvelles technologies. Prenant à contrepied l’attitude de certains requins de l’entrepreneuriat technologique, Mouna nous démontre que l’éthique et l’empathie ne sont pas des instruments à cantonner uniquement à la sphère caritative, mais qu’il s’agit bien de véritables outils pour orienter notre innovation. 

 

Mouna n’a pas qu’une corde à son arc. Le 1er mars 2020, son premier livre, La Source est publié, ouvrage qui est né à la suite à toutes ses réflexions et inspirations, pour inciter à être à même de pouvoir assumer ses valeurs et montrer un message positif de l’héritage culturel et spirituel qu’il existe en chacun de nous, sans craindre de l’assumer. Son livre insiste sur la bienveillance, notion qui est très ancrée dans l’Islam, me dit-elle. Ce livre émane d’une volonté de partager les aspects universels de son héritage spirituel. 

 

Merci et bravo à toi Mouna pour ces initiatives ! 

 

 

*(source : chiffre conclu selon les données de France Stratégie / la Dares, confirmée par Pole emploi > https://www.pole-emploi.org/accueil/actualites/2021/metiers-du-numerique–developper-aujourdhui-les-competences-de-demain.html?type=article

**(source : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/84bd6dea-2351-11e8-ac73-01aa75ed71a1/language-fr)

***(source : https://syntec-numerique.fr/sites/default/files/Documents/cp_attractivite_des_femmes_-_opiiec_pour_diffusion.pdf)

 

Crédit photo image à la une: Mouna Jabri

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Diffuse la bonne parole

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Portraits

Entretien avec Les Hijabeuses

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Plusieurs footballeuses professionnelles ou amatrices se sont regroupées au sein de la campagne « Les Hijabeuses » afin d’avoir le droit de pratiquer leur sport avec leur foulard. En effet, la FFF interdit toujours aux joueuses de le porter pendant les matchs. Bouchra, membre du collectif, répond à nos questions. Elle nous explique à quel point les lois liberticides et islamophobes de notre pays, mettent en danger les femmes autant psychologiquement que physiquement.


 
Au départ


Au départ, il y a la FIFA, qui autorise enfin en 2014 les femmes à porter leur voile pendant les matchs de football. Malheureusement en France, la FFF continue obstinément à leur refuser ce droit fondamental. « La FFF est la seule fédération à maintenir la politique d’exclusion des femmes qui portent le foulard sous le principe de laïcité […] alors que les autres pays l’autorisent. Il n’y a aucun argument, même d’hygiène et de sécurité. Les nouveaux hijabs de Nike par exemple sont parfaitement homologués ».


Face à ce refus constant, un groupe de footballeuses décide de s’organiser et de lancer la campagne Les Hijabeuses, accueilli au sein de l’association Alliance Citoyenne. Cette association comporte 4 syndicats principaux et c’est dans le syndicat des femmes musulmanes que Les Hijabeuses ont pu s’inscrire.

 

Bouchra nous explique : « Ce qui nous a motivées, c’est qu’en 2021 nos droits les plus fondamentaux sont bafoués. Le sport est synonyme de bien-être et d’épanouissement. Cela fait des années qu’il y a du sexisme, du racisme et de l’islamophobie qui persistent dans le domaine du sport. Et nous, en tant que femmes, femmes racisées et qui portent le voile, c’est comme une triple sanction. Tous les week-ends, il y a des femmes qui se font exclure des terrains de football car elles portent le foulard sur la tête. Moi personnellement, quand j’ai commencé à jouer en club il y a deux ans, à l’entraînement, pas de soucis, mais dès que je fais des matchs en compétition, je suis interpellée par l’arbitre pour retirer ce que j’ai sur la tête. Et je ne suis pas la seule. Depuis la lancée de notre campagne, on s’est rendu compte qu’on était beaucoup à se faire discriminer. C’est pour ça qu’on a décidé de lancer le collectif ».

 

 

Crédit photo: Marthe Minaret


L’islamophobie de l’état


Alors qu’en France, le 12 avril 2021, le projet de loi « confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme » a été adopté en première lecture par le Sénat, un nouvel amendement vise à interdire le port du voile dans les compétitions sportives.

  
« Aujourd’hui, clairement, on a un contexte politique islamophobe. Les citoyennes françaises qui portent le voile sont la cible du gouvernement. J’ai l’impression qu’on veut penser, choisir et prendre des décisions à notre place. On nous interdit l’accès scolaire, l’accès au sport, l’accès aux baignades publiques… Et ensuite ce sera quoi ? C’est un enchaînement de lois liberticides. Nous, à travers cette campagne, on se lève et on dit stop ».


Se faire entendre devient vital lorsque l’on subit quotidiennement des discriminations liées à son identité. « Moi je suis de nature très timide, réservée et tout ce que j’ai vécu, ça m’a forcé à prendre la parole, à mobiliser, à en parler autour de moi, à essayer de connaître mes droits. Et il y a plein de femmes comme moi qui sont timides et réservées, qui n’auraient jamais pris la parole devant un.e journaliste et aujourd’hui on le fait par nécessité. Si on ne le fait pas nous-même, personne ne va le faire à notre place ». Une nécessité pour nombre de femmes qui subissent ces discriminations. « J’ai vécu des discriminations par rapport à ma tenue vestimentaire, par rapport à mon voile, toute ma vie. Que ce soit à l’école, dans le domaine professionnel, en stage, et même maintenant aujourd’hui dans le sport. J’ai toujours vécu ça ».


Pour Bouchra, l’interdiction même de porter le foulard dans un sport freine les plus jeunes à se lancer dedans. « L’exclusion ça a des conséquences graves sur le plan psychologique et physique. Comme je t’ai dit, je l’ai vécu toute ma vie et ça crée en toi plein de mauvaises choses. Tu manques de confiance en toi, tu stresses constamment, tu as peur du rejet, ça te casse. Avec le temps, tu ne t’en rends plus compte et tu te refuses plein de choses. Juste par peur de te faire exclure et de te faire humilier. On va nous conditionner à nous restreindre psychologiquement et physiquement. Tu n’as même plus envie d’essayer quoi que ce soit et tu te dis « ça sert à rien je porte le voile, il va encore me dire non ».

 

 

 Crédit photo : Charlotte Abramow 

 


Un avenir sorore


Lancée en mai 2020, l’association compte déjà 170 contacts engagés et 66 membres adhérents. « La demande grandit de plus en plus. Ça grandit proportionnellement avec l’islamophobie. Les femmes veulent prendre la parole pour défendre leur droit ». Malheureusement, la crise sanitaire freine quelque peu les actions que voudrait mener le collectif, par exemple en organisant plus de rencontres physiques ou plus de matchs solidaires. N’étant pas une équipe de football officielle, mais bien une campagne, elles souhaitent avant tout se faire connaître du grand public afin de faire évoluer les mentalités. « On n’est pas un club officiel avec des tournois, des compétitions. C’est surtout destiné à la communication, pour partager nos expériences avec les gens, essayer d’accueillir des nouveaux allié.es et avoir des personnes qui peuvent nous aider dans notre campagne ».


Et cela fonctionne. Bouchra voit une vraie évolution dans le regard des gens et aussi de ses collègues masculins. La sensibilisation de leur vécu permet de faire bouger les mentalités. « Je trouve qu’il y a une bonne évolution. Les gens maintenant en parlent de plus en plus, se mobilisent de plus en plus et dans mon entourage personnel, il y en avait plein qui n’étaient pas au courant de toutes ces discriminations que je vivais et que je vis encore. Et par la suite, il y a eu beaucoup d’intérêt et de soutien. Ça fait plaisir, on sent que ça touche, ça éveille les consciences, ça fait évoluer les choses. […] Les hommes dans mon environnement n’étaient pas au courant de toutes ces discriminations que les femmes qui portent le foulard vivent au quotidien. Après qu’ils aient été informés, cela a créé beaucoup d’intérêt. Mes frères se sont montrés très soutenants. Les nouvelles générations sont beaucoup plus ouvertes. C’est mon avis personnel ».

 

Crédit photo : Charlotte Abramow 

 


Le collectif lui donne aussi beaucoup de force pour affronter le quotidien et faire face aux remarques constantes. « Quand tu partages les mêmes choses avec des personnes qui ont vécu les mêmes choses que toi, qui te comprennent, c’est puissant, c’est fort. On est toutes bienveillantes entre nous parce qu’on se comprend, il n’y a pas d’ambiguïtés, que du partage, du plaisir, des conseils et du soutien. On a vécu des choses et cette cohésion d’équipe ça nous aide, c’est fort. J’ai rencontré des personnes formidables et quand je pense à elles, elles m’ont beaucoup inspirée et on a pris le temps depuis le début de la campagne de créer un cocon bienveillant pour grandir et se soutenir. Parce que c’est vrai que quand on a débarqué sur les réseaux, c’était dur, c’était violent. Quand tu commences à prendre la parole sur quelque chose, tu auras beaucoup de soutien, mais il y aura aussi beaucoup de gens qui vont venir te casser gratuitement. Le fait d’être avec des personnes qui sont bienveillantes, à l’écoute et qui comprennent, ça change tout. Ça me fait penser à une célèbre citation anglaise « When women support each other, incredible things happen ». Nous clairement c’était ça, musulmanes ou non, on avance ensemble pour une société qui accepte toutes les femmes comme elles sont ».

 


L’association intègre des personnes très différentes. Certain.es sont concerné.es, d’autres non, mais chacun.e œuvre pour aller dans la même direction. « Il y en a qui pratiquent le foot depuis l’enfance, d’autres qui viennent de découvrir ce sport. Dans tous les cas, c’est des personnes passionnées, des compétitrices. Des compétitrices qu’on empêche d’évoluer dans leur domaine et il y en a aussi qui ne pratiquent pas le foot. Il y a des runneuses, des joueuses de basket, des joueuses de hand. C’est un peu pluriel et en fait elles rejoignent notre campagne parce que ça leur parle. Elles portent le voile ou pas, mais elles se sentent concernées par cette injustice. Il y  en  a même qui nous demandent de faire une campagne pour chaque sport. Il y en a qui font zéro sport même, qui sont juste alliées ! C’est important qu’il y ait des personnes qui nous soutiennent, même si elles ne font pas de sport, même si elles ne sont pas musulmanes, même si elles ne portent pas le voile, même si elles n’ont jamais subi d’injustices ou de discriminations. Je trouve ça beau, car on se lève ensemble contre ces injustices. Et c’est que comme ça qu’on va pouvoir avancer ensemble et créer quelque chose de positif. Juste en tant qu’être humain, on a une responsabilité. Quand une personne subie une injustice ou discrimination, on va se lever contre ça et on a une responsabilité par rapport à ça ».

 


 
Voilà qui est dit. Allié.es, il est temps de s’unir et de se battre aux côtés des personnes concernées, car nous ne pouvons plus continuer à ignorer les injustices que subissent les femmes musulmanes qui portent le voile en France. Les Hijabeuses ont d’ailleurs besoin d’aide, tant pour rejoindre le rang des membres que pour  partager leurs actions. N’hésitez plus !

 

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Diffuse la bonne parole

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Récit de lutte en Belgique : la parole aux concernées – Partie III

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Dans le cadre du dossier sur le récit de lutte des étudiantes musulmanes en Belgique, une série d’entretiens consacrés aux partages d’expérience de collectifs, ayant initié et/ou participé au mouvement #HijabisFightBack, a été réalisée au mois de février 2021. Parce que l’histoire de leurs collectifs respectifs constitue également un récit de lutte, nous avons décidé de publier l’intégralité des entretiens avec  Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées, que vous trouverez ci-dessous, Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous, et Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine.

 

Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées

 

  • Pourriez-vous présenter le collectif des 100 diplômées ? Quand et comment est né le mouvement ?

 

Le Collectif a pour objectif de lutter contre les discriminations et les exclusions dont sont victimes les femmes ayant fait le choix de porter le foulard.

L’histoire va paraître assez incroyable ! Tout est parti d’une invitation des organisatrices de la manifestation Hijabis Fight Back du 5 juillet qui avait pour objectif de contester l’avis de la Cour Constitutionnelle de juin dernier. Le mouvement était porté par des associations composées de jeunes étudiantes qui subissent cette interdiction du port de signes convictionnels. Ces jeunes militantes ont proposé à une de leur aînée un espace pour prononcer un discours lors de la manifestation. Après réflexion, s’est posée la question de la pertinence de tenir un énième discours sur la question: un exemple valait mieux qu’un long discours. Pour  cette raison, l’idée a été lancée de mener une action symbolique : réunir 100 femmes qui portent le foulard et qui, en dépit des difficultés, ont réussi à décrocher un diplôme, voire plusieurs. Notre première action a donc eu lieu le 5 juillet. Les images de ces cent femmes coiffées de leur foulard et de leur toque de diplomation qui se tenaient debout sur les marches du Mont des Arts, à proximité de la Cour Constitutionnelle, en solidarité avec leurs petites sœurs, a connu un relai médiatique inespéré.

Il y a donc un aspect intergénérationnel certain : d’une part, le mouvement Hijabis Fight Back qui est composé de jeunes étudiantes, et d’autre part le Collectif Les 100 diplômées, leurs aînées, qui ont subi ces mêmes discriminations, qui ont elles-mêmes lutté à leur échelle. Le message qu’elles voulaient apporter était donc un message de soutien et de solidarité envers ces filles.

D’une simple invitation est née une action symbolique, et de cette action est né le mouvement. C’est ainsi que nous nous sommes lancé le formidable défi de former le collectif Les 100 diplômées qui aujourd’hui est l’un – parmi d’autres – des plus actifs en matière du droit pour le port du foulard.

Aujourd’hui le mouvement est composé d’un réseau de professionnelles actives dans toutes les sphères de notre société : des professeures, des architectes, des ingénieures, des médecins, des infirmières, des journalistes, des chercheuses, et bien d’autres. Ensemble, nous luttons contre les discriminations et les exclusions dont nous sommes victimes.

 

 

  • Suite à la décision de la Cour Constitutionnel de juin dernier 2020 qui autorise l’interdiction du port du voile en Belgique, quelle a été votre réaction ? Comment vous êtes-vous mobilisées ?

 

En juin dernier, la Cour constitutionnelle rendait un arrêt relatif au port du foulard dans l’enseignement supérieur. Cette dernière estimait que le port de signes convictionnels pouvait être interdit dans l’enseignement supérieur afin de “protéger l’ensemble des étudiants contre la pression sociale qui pourrait être exercée par celles et ceux, parmi eux, qui rendent leurs opinions et convictions visibles”. La plus haute juridiction du plat pays participe à la banalisation et à la légalisation de l’islamophobie ambiante. Au sein du collectif, nous trouvons cet arrêt islamophobe, sexiste et paternaliste. Nous sommes des femmes adultes qui ne pouvons disposer de notre liberté de nous vêtir comme  nous le souhaitons. 

Comme mentionné, nous avons mené une action symbolique et visuelle forte qui a connu un franc succès et a occupé l’espace médiatique.  De cette action, une demande est née : s’organiser pour devenir un mouvement au sens propre. Aujourd’hui, nous  agissons sur plusieurs leviers :  politique, médiatique et de sensibilisation.  Nous interpellons les politiques à travers un processus de lobbying et de mentoring, nous occupons l’espace médiatique quand l’occasion nous est donnée, et nous faisons un travail de sensibilisation à travers le relai de témoignages.

 

 

  • Quels ont été vos acquis dans cette lutte ? Récemment, il y a eu une victoire partielle en matière du port du foulard puisque la Fédération Enseignement Wallonie-Bruxelles l’autorise dans son réseau. Quelle est la suite de votre lutte ?

 

En réalité, cette victoire de la Fédération Enseignement est due à l’action d’une délégation étudiantes CEHEB2 de la Haute École de Brabant qui s’est opposée au règlement de son école. La note a été introduite au sein du conseil d’administration et les suites des discussions ont débouché sur une levée de l’interdiction généralisée pour toutes les Hautes Écoles de ce réseau-là. 

Il y a encore toute une série de règlements de certaines Hautes Écoles en Belgique qui continuent d’infantiliser ces femmes adultes en leur interdisant de porter ce qu’elles souhaitent.  

Cette marginalisation sociale à de lourdes conséquences tant psychologiques qu’économiques : un choix d’études limités, des espérances et ambitions restreintes et un avenir socioprofessionnel incertain dans une société qui connaît déjà un indice d’inégalités de genre important. Cette récente décision de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’autoriser le port de signes convictionnels dans son réseau, y compris le foulard, est une avancée mais la lutte continue.

En termes d’acquis, donc, je peux dire que nous avons gagné en terme d’organisation et de synergie avec d’autres structures. Je dois également   souligner que la question du foulard est de plus en plus médiatisée et qu’en tant que collectif, nous avons eu à plusieurs reprises voix au chapitre au sein de certains espaces médiatiques. Les principales concernées, sont, doucement mais sûrement, incluses sur cette question qui les touche directement. Récemment, j’ai également pu sensibiliser les jeunes sur mes expériences de discriminations en tant que femmes portant le foulard. Ce projet permettra de toucher un public plus vaste via la diffusion d’une web-série européenne.

Sur le plan des acquis et des suites à donner à notre collectif, notre philosophie est de converger avec tous les mouvements qui ambitionnent de faire avancer la cause des femmes… toutes les femmes !

 

Crédit image à la Une : Hijabis Fight Back d’Imanys World

 

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(Dé)construction

Récit de lutte en Belgique : la parole aux concernées – Partie II

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Dans le cadre du dossier sur le récit de lutte des étudiantes musulmanes en Belgique, une série d’entretiens consacrés aux partages d’expérience de collectifs ayant initié et/ou participé au mouvement #HijabisFightBack, a été réalisée au mois de février 2021. Parce que l’histoire de leurs collectifs respectifs constitue également un récit de lutte, nous avons décidé de publier l’intégralité des entretiens avec Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine, que vous trouverez ci-dessous, Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous, et Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées

 

Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine

 

 

  • Pouvez-vous présenter le collectif Imazi Reine ?

 

On est quatre pour l’instant. Il y a Fatima-Zohra qui est la fondatrice, Bettina, Yousra et moi-même. C’est un collectif qui, à l’échelle de l’associatif, est assez jeune. Au début, c’était juste Fatima Zohra et son talent de personne qui arrive à mener les projets assez loin. Ce qui est marrant, c’est que les gens pensent que c’est une association déjà très établie parce que Fatima Zohra arrive vraiment à faire en sorte que tout ait l’air professionnel, mach’Allah. C’est un collectif féministe anti-raciste qui est radicalement inclusif et qui travaille à mettre en avant, dans un premier temps, l’héritage des peuples indigènes. On a commencé avec les Amazighs parce que Fatima est chelha [un des peuples amazigh marocain] et je suis du Rif [région amazigh du Maroc]. Et après, on s’est dit qu’on voulait étendre [notre action] à toutes les femmes des peuples indigènes. Dans un premier temps, on a vraiment envie de le faire à travers l’art. En parallèle de ça, on mène aussi des actions militantes . […] On s’est forcément retrouvées dans ce monde-là, de par nos identités qui nécessitent malheureusement de se battre dans la société. Le premier gros combat militant qu’on avait mené, c’est la campagne #HijabisFightBack et il y a d’autres actions qu’on mène ensemble.

 

 

  • Le 4 juin, la Cour constitutionnelle décide l’interdiction du port des signes religieux dans les établissements supérieurs en Belgique, quelle a été votre réaction et comment vous êtes-vous organisées ?

 

En Belgique, on a une situation un peu complexe, dans le sens où il n’y a pas d’interdiction stricte et étatique du port du foulard dans les écoles, que ce soit dans les écoles du secondaire ou du supérieur. En gros, l’Etat a décidé de donner cette responsabilité aux différents établissements et il y a différents réseaux. En secondaire, la très grosse majorité des écoles a choisi d’interdire le foulard et dans le supérieur, on a une espèce de situation hybride où la majorité des universités accepte le foulard, mais dans les autres écoles, et dans les écoles de promotion sociale – ce sont des écoles pour adultes qui travaillent la journée et qui ont des cours, des formations le soir – c’est déjà beaucoup plus difficile. Il faut savoir qu’il y a quelques années, il y a un groupe de jeunes filles qui a mené une action contre une école en particulier, la Haute Ecole Francisco Ferrer qui refusait de les laisser entrer dans l’école et étudier avec leur foulard. Le 4 juin, la décision de la Cour constitutionnelle était en lien avec cette école-là. La cour a décidé que l’école Francisco Ferrer était dans son droit et en faisant ça, elle ouvrait la porte à toutes les écoles supérieures pour une interdiction.

Donc forcément, on l’a vraiment accueilli comme une très mauvaise nouvelle étant donné la portée que ça pouvait avoir et en parallèle de ça, on a aussi eu la ville de Bruxelles qui s’est réjouie de ça. Il y a tout ce contexte et nous on voit tout ça et il faut savoir qu’on est quatre personnes à l’origine du mouvement Hijabi Fight Back qui nous connaissons plus ou moins, Fatima Zahra et moi (du collectif Imazi Reine), Sarah (de la plateforme Belges comme vous) et Selma (du collectif La Cinquième Vague), mais on avait un groupe toute ensemble et on a toutes réagi de notre côté avec colère, frustration, déception, etc. On s’est rejointes sur ce groupe et on a commencé à parler, on s’est dit OK, ça ne mènera à rien d’être frustrées, donc essayons de mener une action. On a commencé à discuter de ce qu’on pouvait faire à notre échelle, en tant qu’étudiantes. Nous ne sommes pas avocates ou autre, donc on ne peut pas forcément rentrer dans le système pour essayer d’avoir un impact direct  sur la décision. On s’est dit qu’on allait faire une manifestation et une campagne en ligne, en utilisant la force des réseaux sociaux. On a commencé à travailler ensemble pour créer #HijabiFightBack, on a brainstormé, on a tout d’abord mené une campagne en ligne avec des vidéos explicatives de la situation et ensuite des appels à manifester, ce qui a été fait en juillet. On a fait une manifestation qui a réuni plus ou moins 4 000 personnes. En parallèle, on archivait aussi des récits parce que ce qui revient très souvent dans les débats autour du foulard, c’est cette idée de ce que ça représente, ce que ça peut avoir comme impact dans la société, etc, tout en oubliant que derrière tout ça, il y a des femmes, des vécus. On voulait vraiment mettre en lumière ces vécus-là pour montrer les conséquences directes de ce genre d’arrêtés, de ce genre de règlement et autre.

Il faut savoir que nous on a fait une action, dans un contexte plus global, il faut savoir qu’avant nous, il y a eu des femmes qui ont fait des actions. Après nous, il y a des gens qui ont fait des actions et c’est l’addition de toutes ces actions-là qui fait qu’on a réussi à avoir une nouvelle positive le 16 janvier. Nous, très récemment, on a appris le rôle du cercle d’étudiants CEHE2B. C’est là qu’on se rend compte que c’est une action, la nôtre a fait du bruit parce que c’était voulu, on voulait vraiment médiatiser le truc parce qu’on a fait le constat qu’autour de nous, beaucoup de personnes, blanches majoritairement ou non-musulmanes, ne savaient même pas qu’il y avait une interdiction. La première fois que je m’en suis rendue compte, je discutais avec une fille de mon auditoire – il faut savoir que je fais des études d’Histoire en option didactique dans l’optique de devenir professeur, tout en sachant que je ne pourrais pas devenir professeur si je garde mon foulard – dans la discussion, j’aborde ce sujet-là et elle m’a vraiment regardée très interpellée et elle me dit : «Comment ça, il y a une interdiction ? ». Je lui dis : « Oui, pour les professeurs, mais aussi pour les élèves », j’étais choquée et face à ce constat-là qui est très répandu, on s’est dit on va médiatiser pour que les gens réalisent et qu’il y ait potentiellement des retombées positives.

 

  • Alors que ce soit avant ou après l’arrêt constitutionnel, l’Etat laisse la responsabilité aux établissements, qu’est-ce qui a changé avec cette décision de justice ?

 

Ce qui se passe, c’est qu’on a une décision légale, qui légitimise. Il y a beaucoup d’écoles qui vont autoriser [le port des signes religieux] parce que dans la logique des choses, on est face à des adultes, donc les arguments qu’ils vont nous sortir pour le secondaire ne fonctionnent plus et ils veulent éviter le problème, donc ils vont accepter le foulard dans l’école. Sauf qu’avec une décision légale qui leur dit qu’ils ont le droit de l’interdire, certaines écoles vont choisir de l’interdire et de sortir la décision de la Cour constitutionnelle. Connaissant le climat en Belgique, c’était extrêmement dangereux comme décision et même si ça n’avait pas d’impact direct, connaissant les écoles, on savait que ça allait avoir un impact. On a d’ailleurs interpellé des universités qui ont confirmé qu’elles gardaient l’autorisation du foulard dans les écoles pour éviter que ça puisse changer au cours du temps. En Belgique, on a ce flou qu’on aimerait supprimer en direction d’une autorisation du port du foulard. En France, il y a une loi qui interdit le port du foulard dans les écoles, ce qu’il n’y a pas chez nous, donc on est vraiment dans une situation où il faut qu’on fasse attention à chaque décision de loi, chaque petit document avec une portée légale qui pourrait ouvrir les portes à des interdictions supplémentaires.

Quand on ne vit pas en Belgique et même quand on vit en Belgique, c’est compliqué. Chez nous, il y a différents réseaux d’études et chaque réseau a ses écoles et il y a un ou deux ans, il y a un parti politique qui a réussi à débloquer un réseau et dans ce réseau-la, au niveau de l’enseignement supérieur, les femmes avaient le droit de porter le foulard. Donc, au niveau du supérieur, on est vraiment en train de débloquer des réseaux. 

 

 

  • Quand vous avez commencé toute cette mobilisation, est-ce que vous saviez vers où vous tourner pour faire un maximum de bruit et surtout pour être entendu ? Est-ce que vous aviez une idée des allié.e.s ou ça s’est fait au fur et à mesure ?

 

Nous, les quatre membres de Hijabis Fight Back, on était déjà très impliquées dans le monde associatif, donc on savait exactement vers qui se tourner quand on avait besoin d’informations ou d’éléments plus techniques. Donc typiquement, dès le début de la campagne, on a travaillé avec le CCIB – le collectif contre l’islamophobie en Belgique – ce qui fait qu’on avait tout le pan informatif, on avait vraiment quelqu’un qui nous aidait à structurer notre projet, etc Vraiment, autant médiatiquement on a quatre personnes qui représentent le mouvement Hijabi Fight Back, autant le nombre de personnes sans qui on n’aurait jamais pu y arriver, c’est hallucinant. Il y a eu une telle solidarité autour du mouvement, vraiment je me dis c’est que de la baraka [bénédictions]. C’était incroyable, ça fait des années que je suis dans l’associatif et je n’ai jamais vu autant de travail solidaire. On avait le CCIB dès le début à nos côtés qui était là, qui nous soutenait, qui nous aidait. Ce sont des gens qui sont très qualifiés, qui sont sur le terrain depuis des années, mais qui pour autant n’ont jamais rabaissé notre travail. Donc, c’était très agréable de travailler avec eux. On avait fait des contacts dans le monde militant qui nous aidaient sur certains aspects qui étaient plus de l’ordre de l’organisation de la manifestation, des gens qui étaient là et qui pouvaient aider au niveau technique. On nous a fait remarquer que lors de la manifestation, le son était extrêmement propre, ça peut sembler être un détail secondaire, mais en réalité ça souligne le fait que c’était un mouvement collectif. 

On était quatre, mais si on était restées quatre tout le long et si on n’avait pas travaillé avec les gens, la manifestation n’aurait pas eu la portée qu’elle a eue. Tout ce qui est de l’ordre de la campagne sur les réseaux sociaux, c’est nous quatre, on aurait pu amener des gens sur le terrain à la manifestation, mais la portée du message n’aurait pas été la même sans tous les gens qui ont travaillé derrière. On a eu des centaines de bénévoles qui sont venus à la manifestation pour encadrer le tout. C’est vraiment là qu’on s’est rendu compte à quel point cette question était brûlante. Il y avait des gens – et on en fait aussi partie – qui en ont marre de cette situation et donc on a eu cette mobilisation collective de toutes les personnes qui veulent faire changer les choses. Et c’est encore le cas, là, on est en train de parler, je suis sûre qu’il y a des gens qui organisent des choses pour essayer de faire avancer la situation.

 

  • Qu’apporte la décision de la Fédération Enseignement Wallonie-Bruxelles d’autoriser les signes convictionnels dans son réseau ?

 

Le réseau Wallonie-Bruxelles a essentiellement des Hautes Écoles et des écoles de promotion sociale, qui représentent quand même une vingtaine d’établissements. J’ai une amie qui était dans l’une de ces écoles et qui a dû retarder la fin de ses études à causes d’un cours de piscine parce qu’elle ne voulait absolument pas se mettre en maillot de bain, on refusait même qu’elle viennent avec une combinaison short, ce qui n’a aucun sens, c’est un maillot avec un peu plus de tissus… Ce genre de situations n’arrivera plus dans ces établissements, donc c’est toujours une nouvelle qu’on accueille positivement. Ça ne va pas supprimer les profs islamophobes, mais ils auront moins d’arguments. Le combat n’est pas encore terminé. Même si la fédération Wallonie-Bruxelles accepte, il y a encore des écoles qui refusent le port du foulard dans leurs établissements.

 

  • En quoi cette victoire n’est pas seulement symbolique ? Quels sont les acquis du mouvement autre que la décision de Wallonie-Bruxelles Enseignement ?

 

Je ne pense pas qu’elle soit que de l’ordre du symbolique. Par exemple, mon amie qui a tout terminé et on lui refuse l’accès à son diplôme çà à cause du cours de piscine. Ce sont des situations absurdes qui n’arriveront plus et du moins qui ne pourront plus se reposer sur ce qu’ils considèrent comme des bases tangibles. On a aujourd’hui deux réseaux qui ont officiellement autorisé la port du foulard dans leurs établissements. Même si c’est une petite portion d’établissements à l’échelle du territoire belge, c’est quand même des milliers d’étudiantes qui vont voir la liste de possibilités s’allonger. Là où certaines femmes se tournaient clairement vers des établissements parce qu’elles voulaient garder leur foulard, ce sera toujours le cas malheureusement, mais la liste s’allonge et donc elles ont plus d’opportunités. Personnellement, je suis le genre de personnes qui se dit que si ça a un impact positif sur une seule personne, c’est qu’il y a une victoire qui n’est pas négligeable. Dans le tas d’étudiantes qui veut aller en supérieur, l’année prochaine, il y a certainement des jeunes filles qui voulaient aller dans un des établissements de la liste de la Fédération Wallonie Bruxelles qui portent le foulard et qui envisageaient ça un peu avec crainte et qui, avec la décision qu’on a eu en janvier, ont ressenti un soulagement. Et cette personne hypothétique me dit que cette victoire n’est pas seulement symbolique. 

La grosse victoire de Hijabis Fight Back, ce n’est pas tant la décision parce que pour moi, la décision est de l’ordre du travail collectif, je ne pourrais pas dire que c’est Hijabis Fight Back qui a fait que. On a fait un mouvement qui a eu une portée assez importante et qu’on ne peut pas nier, néanmoins, je pense qu’il serait assez difficile de décortiquer les éléments qui ont amené à cette victoire-là. J’imagine qu’il y a un gros travail du cercle d’étudiants de la HE2B et je pense qu’il y a aussi tout le travail des femmes qui sont sur ce combat depuis des années. Il y a des femmes avec qui on a travaillé, avec qui on a parlé pendant le mouvement qui sont sur le terrain depuis 10 ans, sur la même question. Ce sont tous ces éléments-là qui ont mené à la décision. 

Ce sur quoi on a agi avec Hijabis Fight Back, c’est la visibilité du problème. Là où beaucoup fermaient les yeux, on les a obligés à le regarder en face et à se poser la question : “Est-ce que je suis pour ou contre et pourquoi ?” On est même allées dans un média qui s’appelle Views, qui fait partie de la RTBF et qui est assez regardé, et on a fait part de nos récits. Et je me rappelle qu’au-delà du flot de remarques et insultes islamophobes qu’on pouvait trouver dans les commentaires, il y avait vraiment une certaine conscientisation de certaines personnes qui disaient : “Je ne m’étais jamais posé la question et c’est vrai qu’en y réfléchissant, ce sont des personnes majeures donc pourquoi on devrait les forcer à faire ça ou ça.” Le gros point fort de Hijabis Fight Back en termes d’impact externe, c’est vraiment cette visibilité du problème, cette obligation de le regarder en face et de se poser la question de ce qu’on va en faire. Là où on ne nous entendait pas vraiment, maintenant on est un peu obligés de se poser la question. Il y a des politiques qui sont vraiment venus vers nous, par intérêt politique, mais qui sont venus chez nous et qui nous ont dit : “On vous soutient” et du coup qui sont forcés de se positionner sur ces questions-là. Avant ils pouvaient juste l’occulter ou essayer d’en parler le moins possible. Mais il y a eu un moment où ils ont dû se positionner. 

Et il y a un gros impact, je ne sais pas si on peut le quantifier et si certains en parleraient comme un gros impact, mais personnellement, je pense que notre plus grosse victoire, c’est peut-être le fait que quand on a organisé cette manifestation et qu’on a assumé nos identités pleinement, publiquement, on a eu des jeunes filles et peut-être même plus âgées, en tout cas des femmes qui n’avaient pas forcément honte de leurs identités, mais à qui on renvoyait tellement d’images négatives de leurs identités qu’elles avaient peur de s’exprimer là-dessus. J’en connais une par exemple personnellement qui m’a vraiment touchée dans le sens où elle a grandi, dans le temps, avec beaucoup de personnes islamophobes, donc elle était présente mais elle avait des réticences à montrer un peu son identité religieuse ou s’expliquer sur certains points et de voir qu’il y avait autant de personnes à cette manifestation qui avaient sur certains points la même opinion qu’elle, ça l’a aidée à s’assumer. C’est une personne qui a réussi à s’assumer plus en tant que femme qui porte le foulard et de ne pas avoir honte de cette part de son identité et c’est un discours qui m’est beaucoup revenu. Dans la manifestation, beaucoup de femmes se sont soutenues, même si on est fortes et qu’on se dit qu’on a pas besoin du soutien d’autres personnes, mais être à la manifestation et voir qu’il y a un tel engouement sur une question qui nous touche personnellement, se sentir réellement soutenues par des femmes qui nous ressemblent ou pas, par des hommes, mais il y en avait quand même, ça a été une expérience positive pour beaucoup. et là où on est peut-être plus dans l’ordre du symbolique, du sentiment impersonnel, mais je pense que c’est aussi un aspect important que c’est important de retenir. C’est comme toute la question de la représentativité, cette idée qu’on n’a besoin de personnes qui nous ressemblent, qui soient visibles dans les médias et pendant tout un moment, ça été le cas sur les réseaux sociaux. Je parle et je me rappelle de toutes les personnes qui ont travaillé, qui ont fait de ce mouvement quelque chose d’abouti et vraiment, c’est incroyable.

 

Crédit image à la Une : Hijabis Fight Back d’Imanys World

 

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Récit de lutte en Belgique : le port du voile dans l’enseignement supérieur

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Le 4 juin 2020, la Cour constitutionnelle autorise l’interdiction du port des signes convictionnels dans les établissements d’enseignement supérieur en Belgique. Une décision de justice accueillie avec «mécontentement et surtout incompréhension » de la part des étudiantes musulmanes belges «scandalisées » et des militant.e.s du plat pays. « Une colère, une frustration et une déception » qui vont pousser environ 4 000 personnes au Mont des Arts, à Bruxelles, le 5 juillet 2020, afin de protester contre l’arrêt constitutionnel. Le 16 janvier 2021, Wallonie-Bruxelles Enseignement annonce l’autorisation du port des signes convictionnels dans ses établissements supérieurs à compter de septembre 2021. Mais que s’est-il passé entre ces dates-clés ? Quels sont les collectifs qui se cachent derrière cette lutte ? Retour sur ce récit de lutte en pays voisin.

« Il y beaucoup d’initiatives et d’efforts complémentaires qui sont faits et ça ne peut qu’être bénéfique pour la lutte. », Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous.

« Il faut savoir qu’avant nous, il y a eu des femmes qui ont fait des actions. Après nous, il y a des gens qui ont fait des actions et c’est l’addition de toutes ces actions-là qui fait qu’on a réussi à avoir une nouvelle positive le 16 janvier. », Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine.

Chez Lallab, nous avons conscience que nos combats sont l’héritage des luttes qui nous ont précédées et que d’autres nous ont ouvert la voie. Au-delà de la sororité internationale, il s’agit ici de mettre en lumière le combat de ces femmes musulmanes et allié.e.s belges qui, comme tout récit de lutte, constitue pour nous un véritable outil de pouvoir inspirant. Et pour ce faire, rien de tel que de leur laisser la parole pour raconter le pan de l’Histoire à laquelle elles ont participé.

 

« On a une décision légale qui légitimise l’interdiction du port du voile. »

« Avec une décision légale qui dit [aux établissements supérieurs], vous avez le droit d’interdire [les signes convictionnels], certaines écoles vont choisir d’interdire et sortir la décision de la Cour constitutionnelle. Connaissant le climat en Belgique, c’était extrêmement dangereux comme décision.», Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine.

« La plus haute juridiction du plat pays participe à la banalisation et à la légalisation de l’islamophobie ambiante. Au sein du collectif, nous trouvons cet arrêt islamophobe, sexiste et paternaliste. Nous sommes des femmes adultes qui pouvons disposer de notre liberté de nous vêtir comme nous le souhaitons. », Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées.

« Étant donné qu’on a dû faire face à de l’islamophobie dans le milieu de l’enseignement supérieur et qu’on nous a refusé certaines formations parce qu’on porte le foulard, lire qu’on puisse se réjouir de l’exclusion de tant de femmes, […] se réjouir qu’on écrase [leurs] ambitions, c’était trop douloureux et on n’a simplement pas accepté de rester silencieuses, surtout parce qu’on savait qu’on n’était absolument pas des cas isolés. », Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges comme vous.

« On a consulté nos étudiants et étudiantes qui nous ont dit, à une grande majorité, on veut continuer à le garder et d’un autre côté, on veut bien pouvoir le porter et c’est de là qu’est né le combat. […] On s’est saisi de cette problématique, d’une part, par souci d’uniformisation du respect du règlement et d’autre part, pour écouter les étudiant.e.s et par la même occasion, pousser vers l’inclusion et non l’exclusion. », Leïla El Guenouni, co-présidente du Conseil des Etudiants de la Haute Ecole Bruxelles-Brabant – CEHE2B.

 

« On a voulu réagir. »

« Le mouvement #HijabisFightBack est né de l’initiative de quatre jeunes femmes étudiantes scandalisées [Fatima Zohra et Souheila du collectif Imazi Reine, Sarah de la plateforme Belges comme vous et Selma du collectif La Cinquième vague]. Toutes les quatre, […] on a fini par se concerter et c’est là que l’idée de lancer la campagne a pris forme le 12 juin. […] C’était deux choses : un appel à témoignages et une manifestation. Pour ce qui est des témoignages, on a dit aux femmes concernées de nous les envoyer ou de les poster sur les réseaux avec le hashtag #HijabisFightBack. On a tout archivé et ce sera bientôt posté sur une plate-forme dédiée. […] Notre but, c’était surtout de faire assez de bruit pour qu’on soit contraint de nous écouter. […] Instinctivement on s’est tournées vers le CCIB [Collectif contre l’islamophobie en Belgique] évidemment, mais aussi vers les associations féministes d’une part et les associations anti-racistes de l’autre. », Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous.

« Ce qui revient très souvent dans les débats autour du foulard, c’est cette idée de ce que ça représente, ce que ça peut avoir comme impact dans la société… tout en oubliant que derrière tout ça, il y a des femmes, des vécus. On voulait vraiment mettre en lumière ces vécus-là pour montrer les conséquences directes de ce genre d’arrêtés. […] Tout ce qui est de l’ordre de la campagne sur les réseaux sociaux, c’est nous quatre […], mais la portée du message n’aurait pas été la même sans tous les gens qui ont travaillé derrière. On a eu des centaines de bénévoles qui sont venus à la manifestation pour encadrer le tout. C’est vraiment là où on s’est rendu compte à quel point cette question était brûlante. Il y avait des gens – et on en fait aussi partie – qui en ont marre de cette situation. On a eu cette mobilisation collective de toutes les personnes qui veulent faire changer les choses. Et c’est encore le cas. Là, on est en train de parler, je suis sûre qu’il y a des gens qui organisent des choses pour essayer de faire avancer la situation.[…] Il y a des femmes avec qui on a travaillé, avec qui on a parlé pendant le mouvement qui sont sur le terrain depuis dix ans sur la même question.», Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine.

« Tout est parti d’une invitation des organisatrices de la manifestation Hijabis Fight Back […]. Ces jeunes militantes ont proposé à une de leur aînée un espace pour prononcer un discours lors de la manifestation. Après réflexion, s’est posée la question de la pertinence de tenir un énième discours sur la question : un exemple valait mieux qu’un long discours. Pour  cette raison, l’idée a été lancée de mener une action symbolique : réunir cent femmes qui portent le foulard et qui, en dépit des difficultés, ont réussi à décrocher un diplôme, voire plusieurs. […] Les images de ces cent femmes coiffées de leur foulard et de leur toque de diplomation qui se tenaient debout sur les marches du Mont des Arts, à proximité de la Cour Constitutionnelle, en solidarité avec leurs petites sœurs, a connu un relai médiatique inespéré. […] Aujourd’hui, nous  agissons sur plusieurs leviers : politique, médiatique et de sensibilisation. Nous interpellons les politiques à travers un processus de lobbying et de mentoring, nous occupons l’espace médiatique quand l’occasion nous est donnée, et nous faisons un travail de sensibilisation à travers le relai de témoignages. […] Cette récente décision de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’autoriser le port de signes convictionnels dans son réseau, y compris le foulard donc, est une avancée, mais la lutte continue.», Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées.

 

« Ça ne va pas supprimer les profs islamophobes, mais ils auront moins d’arguments. »

« En Belgique, on a une situation un peu complexe, dans le sens où il n’y a pas d’interdiction stricte et étatique du port du foulard dans les écoles, que ce soit dans les écoles du secondaire ou du supérieur. En gros, l’Etat a décidé de donner cette responsabilité aux différents établissements et il y a différents réseaux. », Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine.

« Au moment de la fusion [de la Haute École Bruxelles-Brabant – HE2B] entre la Haute École de Bruxelles où les signes convictionnels étaient interdits et la Haute École Paul Henri Spaak où ils étaient autorisés dans certains campus, ils ont indiqué dans le règlement que les signes ostentatoires philosophiques, politiques et religieux étaient interdits. On s’est retrouvés avec certains campus qui continuaient à autoriser les signes convictionnels et d’autres campus qui les interdisaient. », Leïla El Guenouni, co-présidente du Conseil des Etudiants de la Haute École Bruxelles-Brabant – CEHE2B.

« Nous avons demandé que le règlement soit appliqué partout de la même manière, en appliquant l’inclusion. Il y alors eu des débats, des réflexions […] et en septembre 2020, durant le conseil d’administration, au moment de voter le règlement des études, nous avons décidé de voter contre et avons réclamé l’uniformisation inclusive […]. Comme nous n’arrivions pas à trouver un consensus, le commissaire délégué du gouvernement a conseillé de renvoyer ce point à notre pouvoir organisateur, Wallonie-Bruxelles Enseignement, pour que la question soit tranchée pour l’ensemble de ses établissements. Nous avons accepté que le point soit envoyé et avons demandé que notre note de position soit envoyée. », Raoul Thelen, ancien président du Conseil des Etudiants de la Haute Ecole Bruxelles-Brabant – CEHE2B.

« Les suites des discussions ont débouché sur une levée de l’interdiction généralisée pour [tous les établissements] de ce réseau-là. Il y a encore toute une série de règlements de certaines Hautes Écoles en Belgique qui continuent d’infantiliser ces femmes adultes en leur interdisant de porter ce qu’elles souhaitent. », Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées.

« Le réseau Wallonie-Bruxelles a essentiellement des Hautes Écoles et des écoles de promotion sociale, ce qui représente […] une vingtaine d’établissements. […] Donc c’est toujours une nouvelle qu’on accueille positivement. […] Même si c’est une portion d’établissements à l’échelle du territoire belge, c’est quand même des milliers d’étudiantes qui vont voir la liste de possibilités s’allonger. Là où certaines femmes se tournaient clairement vers des établissements parce qu’elle voulait garder leurs foulards, ce sera toujours le cas malheureusement, mais la liste s’allonge et elles ont plus d’opportunités. […] Notre plus grosse victoire, c’est peut-être le fait que quand on a organisé cette manifestation et qu’on a assumé nos identités pleinement, publiquement, on a eu des jeunes filles et peut-être même plus âgées, en tout cas des femmes qui n’avaient pas forcément honte de leurs identités, mais à qui on renvoyait tellement d’images négatives de leurs identités qu’elles avaient peur de s’exprimer là-dessus. […] Être à la manifestation et voir qu’il y a un tel engouement sur une question qui nous touche personnellement, se sentir réellement soutenues par des femmes qui nous ressemblent ou pas, par peu d’hommes, mais il y en avait quand même, ça a été une expérience positive pour beaucoup et là, on est peut-être plus dans l’ordre du symbolique, du sentiment personnel, mais je pense que c’est aussi un aspect important.», Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine.

« On a pu faire assez de bruit pour que plus de personnes s’intéressent et s’interrogent sur les réalités de vie des femmes qui portent le foulard en Belgique. Mais on est aussi conscientes que ce n’est que le début et qu’on devra faire bien plus pour arriver aux victoires qu’on espère.», Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous.

Si vous voulez en savoir davantage sur les collectifs de femmes musulmanes mentionnés, retrouvez prochainement les interviews intégrales de de Sarah Tulkens-Azami de la plateforme Belges Comme Vous, Souheila Amri du collectif Imazi Reine et d’Imane Nachat du collectif Les 100 diplômées

Crédit image à la Une : Illustration de Myriam’s Arts

 

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(Dé)construction

Récit de lutte en Belgique : la parole aux concernées – Partie I

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Dans le cadre du dossier sur le récit de lutte des étudiantes musulmanes en Belgique, une série d’entretiens consacrés aux partages d’expérience de collectifs ayant initié et/ou participé au mouvement #HijabisFightBack a été réalisée au mois de février 2021. Parce que l’histoire de leurs collectifs respectifs constitue également un récit de lutte, nous avons décidé de publier l’intégralité des entretiens avec Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous, que vous trouverez ci-dessous, Souheila Amri, membre du collectif Imazi Reine et Imane Nachat, porte-parole du collectif Les 100 diplômées

 

Sarah Tulkens-Azami, fondatrice de la plateforme Belges Comme Vous

 

          Pouvez-vous présenter la plateforme Belges Comme Vous ?

Derrière ce compte se cachent pour le moment deux personnes racisées – une femme maghrébine et un homme noir – soucieuses de créer une plateforme d’information et de sensibilisation concernant les problématiques liées au racisme, à la xénophobie et à d’autres formes d’oppression. L’idée est également de mettre cette plateforme à profit de personnes issues de minorités culturelles ou religieuses en Belgique afin de les mettre en avant et parler de leurs réalités de vie. En se développant, Belges Comme Vous est devenu un des porteurs du mouvement #HijabisFightBack, et d’autre part une volonté plus ferme de dénoncer les violences étatiques, et particulièrement policières, s’est dessinée. Cette plateforme s’engage dans une démarche féministe, décoloniale, et intersectionnelle.

Belges Comme Vous, c’est parce que qu’on soit afro-descendants, arabes, asiatiques, etc, notre identité belge n’est pas moins forte de par notre nature cosmopolite. Nous sommes tou.te.s belges, nous ne partageons pas forcément la même culture, ni les mêmes origines, ni la même religion, ni les mêmes traits, ni la même couleur de peau, mais nous partageons la même nationalité, et nous foulons tou.te.s le même sol de nos pieds. Nous sommes belges. Tout comme vous. Nos différences ne changent rien à ce fait, ne rendent en aucun cas illégitime notre place dans cette société, et ne nous soumettent pas à un devoir de discrétion ou de conformisme quelconque. Il est temps aujourd’hui de changer notre définition de ce que c’est que d’être belge, et d’accepter et accueillir – et pas simplement tolérer – la diversité et le multiculturalisme, qui nous enrichissent plutôt que de nous appauvrir.

          Pouvez-vous raconter comment est né le mouvement #HijabisFightBack ?

Le mouvement #HijabisFightBack est né de l’initiative de quatre jeunes femmes étudiantes scandalisées par l’arrêt de la Cour constitutionnelle belge du 4 juin 2020 affirmant que les interdictions de port de signes convictionnels dans les établissements d’enseignement supérieur ne constituent ni une atteinte au droit à l’éducation ni une atteinte à la liberté de religion. Toutes les quatre, on a voulu réagir, on a fini par se concerter et c’est là que l’idée de lancer la campagne #HijabisFightBack a pris forme, le 12 juin. Mais je pense qu’à côté de l’arrêt de la Cour, ce qui nous a beaucoup secoué.e.s aussi, c’est le communiqué de la Ville de Bruxelles qui s’en réjouissait. Les mots de l’Echevine de l’Instruction Publique de Bruxelles, Faouzia Hariche, paraissaient tellement insultants pour des femmes qui avaient dû faire des choix douloureux concernant leur éducation.

Étant donné que toutes les quatre, on a dû faire face à de l’islamophobie dans le milieu de l’enseignement supérieur et qu’on nous a refusé certaines formations parce qu’on porte le foulard, lire qu’on puisse se réjouir de l’exclusion de tant de femmes, qu’on puisse se réjouir qu’on écrase les ambitions de tant de femmes, c’était trop douloureux et on n’a simplement pas accepté de rester silencieuses, surtout parce qu’on savait qu’on n’était absolument pas des cas isolés. Preuve en est qu’on a reçu d’innombrables témoignages dès le début de la campagne.

          En quoi consistait la campagne #HijabisFightBack ? Comment vous êtes-vous organisées ?

La campagne #HijabisFightBack c’était deux choses : un appel à témoignages et une manifestation. Pour ce qui est des témoignages, on a dit aux femmes concernées de nous les envoyer ou de les poster sur les réseaux avec le hashtag #HijabisFightBack, on a tout archivé et ce sera bientôt posté sur une plate-forme dédiée. La manifestation a eu lieu le 5 juillet, on l’a organisée à quatre, mais on a bénéficié de l’aide d’énormément d’autres personnes, que ce soit pour l’aide matérielle ou pour la diffusion de l’information.

Une chose importante à relever à mon sens, c’est aussi qu’ organiser tout ça, ça a révélé un problème de division dans les communautés musulmanes belges. On a dû faire l’effort conscient de rendre cette campagne inclusive, et je suis persuadée qu’on aurait pu et aurait dû faire d’autant plus, parce que c’est loin d’être assez. #HijabisFightBack, ce sont les réalités de vie des femmes musulmanes en Belgique dans leur pluralité, pas juste les femmes maghrébines, pas juste les femmes sunnites, pas juste les femmes qu’on estime assez pieuses pour mériter qu’on les défende. C’est une question de droits des femmes et on espère vraiment que tout le monde a pu s’y sentir à sa place, tout en étant conscientes que l’état actuel de ce qu’on appelle la Oummah [communauté musulmane] nous oblige à faire tous les efforts possibles pour inclure là où on a trop souvent exclu.

          Aviez-vous une idée des potentiel.le.s allié.e.s ? J’ai eu l’honneur de discuter avec le CEHE2B [Conseil des étudiants de la Haute Ecole Bruxelles-Brabant] et j’ai l’impression – je me trompe peut-être – que vous avez, sans vous consulter, travaillé sur la même problématique à différents niveaux ?

Non, nous ne savions pas vraiment à quelle porte frapper. Toutes les quatre, nous sommes des militantes, notre but c’était surtout de faire assez de bruit pour qu’on soit contraint de nous écouter, on n’a pas ciblé de porte en particulier. Le travail de plaidoyers politiques etc, ça n’a jamais été ce qu’on a voulu faire. Dès le départ on a dit aux personnes avec lesquelles on a collaboré et qui, elles, travaillent au niveau politique, que nous, on voulait explorer un autre terrain et être une force de frappe pour booster et visibiliser leurs initiatives. Notre opinion, c’est que ce sont des efforts qui sont pleinement complémentaires. On pense que ça a plutôt bien fonctionné de ce point de vue là, qu’on a pu faire assez de bruit pour que plus de personnes s’intéressent et s’interrogent sur les réalités de vie des femmes qui portent le foulard en Belgique. Mais on est aussi conscientes que ce n’est que le début et qu’on devra faire bien plus pour arriver aux victoires qu’on espère.

Instinctivement on s’est tournées vers le CCIB, évidemment, mais aussi vers les associations féministes d’une part et les associations anti-racistes de l’autre. On a pu trouver beaucoup d’allié.e.s comme ça. Ça semblait logique parce que pour nous c’est clairement une question féministe et décoloniale/anti-raciste. Au-delà de ça, on a aussi pu trouver du soutien auprès de professeur.e.s d’université. Ça s’est fait au fur et à mesure, on ne savait pas forcément tout dès le départ mais tout s’est déroulé très naturellement, et après le bruit de notre première publication de lancement de la campagne, qui avait fait plus de 20 000 “j’’aime” en moins de 24h sur Instagram, il y a aussi des allié.e.s qui se sont manifesté.e.s d’eux-mêmes.

Pour ce qui est du CEHE2B, effectivement, on ne s’est absolument pas concerté.e.s, et c’est même après avoir entendu la bonne nouvelle qu’on a découvert leur implication dans cette victoire, on n’en avait aucune idée. Ça rejoint ce que je disais avant, il y a beaucoup d’initiatives et d’efforts complémentaires qui sont faits, et ça ne peut qu’être bénéfique pour la lutte.

          Quelles sont les prochaines actions du mouvement ?

Pour le moment, chez Belges Comme Vous et Imazi Reine, nous travaillons sur le lancement d’une nouvelle plateforme sur Instagram où nous allons poster les témoignages que nous avons reçus. Et on aimerait organiser un événement Hijabis Fight Back dès que ce sera à nouveau possible. C’est loin d’être fini donc évidemment la lutte continue et on ne lâche rien.

 

Crédit image à la Une : Hijabis Fight Back d’Imanys World

 

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Nos Voix

Je m’appelle Déborah, je suis française, musulmane et j’ai retiré mon foulard pour redevenir une musulmane anonyme

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Je m’appelle Déborah, je suis française, musulmane et il y a quelques jours, j’ai retiré mon voile.

 
Ce pays a eu raison de mes libertés, de mes envies et de mes choix.

Après 5 ans de bons et loyaux services, j’ai décidé il y a quelques jours d’ôter le foulard que je portais fièrement avant…

Avant…

Avant les humiliations, avant les discriminations, avant l’infantilisation, avant le racisme, avant l’islamophobie, avant les mauvaises rencontres, avant la méchanceté, avant l’épuisement.

La discrimination raciale, je connaissais bien déjà. Mariée depuis 17 ans à un Noir, on a pris l’habitude d’être mis à l’écart pour l’emploi, le logement, ou toute démarche administrative. On a appris à toujours faire mieux que les autres, à être meilleurs que les meilleurs pour mériter d’être traités avec équité. On a appris à monter des dossiers sans faille, à prouver continuellement qu’on pouvait nous faire confiance, qu’on était des « gens bien » … On a appris les lois, on a appris qu’elles ne marchaient pas pour tous et on a appris aussi à faire profil bas lors des contrôles policiers pour ne pas risquer à nouveau les coups et les sévices de la Police Française.

 

Le voile fut une succession de claques en pleine face…

J’ai eu l’impression ces 5 dernières années de devoir me justifier en permanence.

Me justifier pour mon choix, l’expliquer, l’argumenter, le défendre.
Mais pas que !

Non ! J’ai aussi régulièrement dû me justifier pour les attentats du 11 septembre, puis pour tous les actes terroristes de la planète. Oui, puisque pour les simples d’esprit (et ils sont nombreux…) musulmans = terroristes !

Admettons ! Le raccourci peut donc être accepté pour tous ?!

C’est comme si on demandait à un catholique de se justifier pour tous les prêtres pédophiles !

Quelqu’un oserait-il ?! Et quand bien même, le catholique prendrait-il sur son capital patience pour répondre avec douceur et bienveillance ?

J’ai donné ces 5 dernières années des « cours » de Coran à chaque fois qu’on m’invectivait sur ma belle religion.

« La femme est une perle en Islam, un joyau, une pierre précieuse bla-bla-bla. »

S’en suivait une tonne de questions sur l’alcool (apparemment ça froisse beaucoup que le musulman pratiquant ne se bourre pas la gueule), sur le porc (ben oui pourquoi on ne mangerait pas des bonnes rillettes pour « faciliter notre intégration » ?), sur l’éducation (non, on ne défonce pas nos enfants à coups de ceinture s’ils ne font pas le ramadan à 4 ans…), sur la prière, sur le jeûne (oui, oui, on a le droit d’avaler notre salive…), sur nos choix d’instruction (non l’instruction en famille n’est pas une usine à terroristes… D’ailleurs aucun des auteurs d’attentats en Europe sur les 10 dernières années n’a pratiqué l’IEF…), sur le rapport à la religion de nos enfants etc. etc. etc.

 

Ces 5 dernières années, je me suis fait sortir d’une piscine dans un camping avec ma famille parce que j’étais trop habillée… On m’a prise à partie plusieurs fois sur des plages publiques pour les mêmes raisons devant les yeux de mon fils qui n’a jamais compris pourquoi la dame installée à côté avait le droit d’être en string et seins nus sur cette même plage où je n’avais pas le droit d’être en saroual et en tee-shirt à manches longues…

Ces 5 dernières années, j’ai dû apprendre à mes enfants la tolérance et le respect des choix de chacun tout en vivant en permanence opprimée pour mes choix à moi dans le pays des droits de l’Homme ! Ce même pays qui hurle à la libération de la femme musulmane ! Ah ah ! Quelle ironie !

Ces 5 dernières années, convaincue du bien-fondé de ma liberté, de mon joli foulard et de ma religion aussi pure que bienveillante, j’ai toujours répondu avec douceur, toujours pris de mon temps pour expliquer, détailler, citer des hadiths ou des versets explicites…

Ces 5 dernières années, j’ai toujours souri même quand on m’a blessée. J’ai toujours tourné à l’ironie leurs questions aussi absurdes que rabaissantes…

« Vous partez au pays cet été ? (puisque les petits esprits confondent aussi religion et origine. Une femme musulmane descend forcément tout juste du bateau…)

– Oui, en Bretagne ! »

 

« Non ma petite dame, il est écrit en bas SIGNATURE DU REPRÉSENTANT LÉGAL » (avec une articulation prononcée au possible et un volume au max comme si, en plus d’être forcément illettrée, j’étais complètement sourde !)

 

« Vous n’avez pas le droit à la pilule chez vous c’est ça hein ? » (en regardant avec la bouche pincée mes 5 magnifiques enfants que, bien entendu, je n’ai pas pu vouloir et concevoir de mon plein gré)

 

« Vous n’êtes pas si frustrée et soumise pour une voilée !» lors d’une consultation dans mon cabinet…

 

La mixité raciale nous a tellement porté préjudice ces 17 dernières années en France ! Alors le voile en plus…

« Handicaps sociaux » au top niveau que ce soit dans notre travail, dans nos recherches de logements, dans nos relations avec les autorités, dans nos relations tout court, et dans chacun de nos projets !

Quand on est musulmane voilée, on a pourtant intérêt à répondre avec douceur et patience. Pour beaucoup de monde, on ne se représente pas en tant qu’être humain, on représente toute une communauté, une religion, un Livre…

Si je m’étais énervée à chaque abus, à chaque mauvaise rencontre on n’aurait jamais dit « Cette femme elle pète les plombs ! », non ! On aurait dit « ils sont comme ça ces gens-là… »

Parce qu’en marchant voilée dans ce pays je ne suis pas moi, je suis « ces gens-là »

Avec mon foulard j’étais quand même investie d’une mission de paix. Celle de véhiculer une belle image auprès des adeptes de BFM et de « prouver » que l’Islam est paix et amour !

 

Portés par l’Islam, depuis toujours avec mon mari, on aide…

On a, de base, une espèce de vocation à aider, à rendre service, à se plier en 42 pour servir, dépanner, sauver.

Je ne pourrai pas compter ce que tous les « sauvetages » nous ont coûté en temps, en argent, en énergie, et en problèmes !

Ce que je peux compter, c’est le nombre de fois où l’aide que nous avons apportée représentait notre « communauté » et a changé certains regards et certaines mentalités. En voilà une belle récolte me direz-vous, n’est-ce pas ?!

On a semé ces 17 dernières années des petites graines du « Bel Islam » sur notre chemin ! Al hamdoulillah ! (cela veut dire Dieu merci hein. Ne criez pas à l’attentat !!)

Ces derniers mois ont été plus que jamais éprouvants pour moi. J’ai perdu brutalement celle qui était tout pour moi. Quelques semaines plus tard, notre maison a pris feu et nous avons perdu tout ce que nous possédions, juste après, deux contrôles routiers en 7 jours, dans ma propre rue, motivés par un excès de zèle et de discrimination, un gendarme m’a retiré mon permis de conduire me condamnant à me retrouver à pieds avec mes 5 enfants le temps de la procédure.

Nous avons aussi croisé la route de personnes ignobles et sans cœur qui ont horriblement profité de notre gentillesse et de notre générosité exacerbée. Ce genre d’humains qu’on aimerait ne jamais rencontrer tant ils peuvent nous faire perdre foi en l’humanité !

Nous avons été victimes, chaque jour, d’abjectes discriminations sur nos lieux de travail !

Depuis plusieurs mois maintenant, je mène un combat invisible mais douloureux.

J’ai dû, il y a quelques jours, choisir par élimination où récupérer de l’énergie pour affronter son départ et toutes nos épreuves.

J’ai éliminé le voile.

Pas parce que je ne suis plus convaincue de son bien-fondé, pas que je ne sois plus en accord avec ce qu’il représente, pas non plus que ma foi ait diminuée mais parce que j’ai besoin de mon énergie pour sortir la tête de l’eau et qu’être une musulmane voilée en France est très, très, énergivore !

Sourire et répondre avec douceur ou ironie alors qu’on a juste envie de sortir la phrase la plus malpolie qu’on connaisse demande une énergie folle !

Je me bats pour mes enfants, pour leurs rires, leur liberté, je me bats pour mon travail, ma passion, je me bats pour ne pas répondre aux horreurs par l’horreur. Je devais éliminer un combat pour pouvoir affronter les autres. J’ai éliminé le voile.

J’ai éliminé les justifications permanentes, j’ai éliminé les explications longues et houleuses. J’ai éliminé « l’obligation » d’être aimable. J’ai éliminé mon rôle de représentante officieuse de l’Islam en France.

Je m’appelle Déborah, je suis française, musulmane et j’ai retiré mon foulard pour redevenir une musulmane anonyme parce que je n’ai plus la force ni de me battre pour mon droit d’être libre ni de représenter l’Islam avec bienveillance et douceur.

Déborah F.

 

Crédit image à la une : Hélène Aldeguer, autrice de BD politique et illustratrice, pour Lallab

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Communiqués

[Communiqué] Agression sexiste et islamophobe au Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté : notre soutien aux victimes est total

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Ces derniers jours ont été extrêmement douloureux pour nous, membres de Lallab.
Nous avons assisté, atterrées, abattues et horrifiées, à l’épisode tragique de cette mère, qui porte le voile, et qui s’est retrouvée prise à partie et agressée par un élu du Rassemblement National (RN) au sein du conseil régional de Bourgogne Franche-Comté où elle accompagnait la classe de son fils lors d’une sortie scolaire. Nous avons vu ces images d’un petit garçon qui a fondu en larmes dans les bras de sa maman, traumatisé et touché par les violences qui la visaient.

Avant toute chose, nous apportons tout notre soutien à cette mère, à son fils et à leur famille. Vous avez tout notre amour ! Nous sommes terriblement admiratives de sa force et de la tendresse avec laquelle elle a protégé son fils alors qu’elle était victime d’attaques si violentes. Nous sommes solidaires, unies et nous n’oublions pas !

Nous sommes également reconnaissantes de voir que nous, femmes musulmanes, continuons de participer bénévolement aux sorties scolaires. C’est grâce à la dévotion de ces mères que tous les enfants peuvent profiter de sorties. Et ce malgré les violences et les humiliations que nous vivons au quotidien et qui ont des conséquences lourdes sur nos vies, sur nos corps et nos santés mentales, ainsi que sur celles de nos familles et de nos enfants.

Si – une fois n’est pas coutume – des élus et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations Marlène Schiappa ont témoigné leur soutien à l’égard de cette mère de famille agressée, nous ne sommes pas dupes. Nous avons vraiment le sentiment que cette condamnation a été faite uniquement parce que l’agresseur était d’extrême droite.

Car où se trouvaient ces élu.e.s de gauche comme de droite pour dénoncer le projet de lois de ségrégation visant à exclure les mères voilées du milieu scolaire ? Où se trouvaient ces élu.e.s lorsque des partis politiques (comme la France Insoumise) débattent encore du droit ou non d’être islamophobe ? Où se trouvaient ces élu.e.s lors de la retransmission irresponsable des discours de haine d’Eric Zemmour qui appelle à la guerre civile contre les musulman.e.s, sur une chaîne d’info continue (Cnews) ? Où se trouvaient ces élu.e.s pour dénoncer les mensonges islamophobes de Blanquer sur la déscolarisation des petites filles ? Où se trouvent ces élu.e.s, aujourd’hui, pour dénoncer l’incitation à la délation des enfants supposé.e.s musulman.e.s qui refusent de tenir la main à leur camarade du sexe opposé ? Où se trouvent ces élu.e.s, qui demandent aux universités de dénoncer leurs étudiant.e.s musulman.e.s ? Où sont-ils enfin quand le Ministre de l’intérieur Christophe Castaner appelle à la délation contre l’ensemble des musulmans pratiquants sous prétexte de lutte contre la radicalisation et le terrorisme, entretenant un amalgame lourd de conséquences pour ses citoyen.ne.s ?

Nous ne sommes donc pas crédules face aux politiques qui dénoncent à demi-mots le Rassemblement National (RN) mais qui oublient soudainement qu’ils ont eux-mêmes alimenté cette ligne de pensée islamophobe et participé au harcèlement médiatique et politique des femmes musulmanes qui portent le voile. Et ne nous y trompons pas, si cet évènement a été médiatisé, combien de mères vivent dans l’ombre cette même humiliation alimentée par un discours islamophobe ambiant ?

Cet énième épisode raciste et sexiste qui vise les femmes musulmanes nous effraie terriblement et pose de réelles questions sur l’avenir de ce pays ! Vers quelle société avançons-nous ? Celle où des enfants sont les témoins impuissants d’une humiliation qui vise leurs parents ? Celle où le moindre soupçon à leurs égards les fragilisera et les rabaissera ? Celle où ils auront toujours le sentiment d’être rejeté.e.s pour ce qu’ils et elles sont ?

A Lallab, nous dénonçons l’acharnement sexiste, raciste et islamophobe de la classe politique qui, avec la complicité des médias, contribue à banaliser un discours xénophobe visant les musulman·e·s. Nous ne voulons pas d’une société de vigilance qui n’est rien d’autre qu’une incitation à la délation raciale. Les « petits riens qui deviennent des grandes tragédies », comme le dit Macron, semblent surtout acter d’une « traque aux musulman·e·s » en les faisant passer pour des terroristes, et ce pour n’importe quel détail lié à leur pratique religieuse, lequel sera automatiquement jugé suspect.

Port de la barbe, pratique exacerbée lors du ramadan, refus de faire la bise, présence de la tabâa sur le front, refus de tenir la main à une fille à l’école, autant d’éléments plus invraisemblables les uns que les autres mais qui seraient des signes de radicalisation pour nos politiques. Ces discours alimentent une paranoïa collective sur les musulman·e·s et témoignent avant tout de l’ignorance abyssale de notre gouvernement sur les questions de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Aujourd’hui, des innocent.e.s paient déjà le lourd tribut de cette politique de la délation : discrimination à l’embauche, licenciements, mises au placard, discriminations à l’éducation, à l’accès aux loisirs, voire pire, agressions, et tentatives de meurtre.

Ce climat de surveillance stigmatise une partie de notre population, une fois de plus érigée en bouc-émissaire, et se développe à une vitesse inattendue. Nous voyons en France mais aussi à l’étranger les conséquences d’une islamophobie exacerbée : un million de musulman.e.s interné.e.s dans des camps de concentration pour Ouïghour.e.s en Chine, le muslim ban aux États Unis, le génocide des Rohingyas en Birmanie, la perte de nationalité des musulman.e.s en Inde, la persécution des musulman.e.s en Centrafrique, en Ouzbékistan, l’attentat islamophobe en Nouvelle-Zélande… La montée du terrorisme d’extrême droite islamophobe nous montrent que ce climat délétère a des conséquences dramatiques, qui nous terrifient.

Nous demandons aujourd’hui que des mesures fortes soient prises par les politiques et la justice contre l’islamophobie en France. Nous leur demandons de condamner l’agression que cette mère et son fils ont vécue et de sanctionner Julien Odoul, qui a enfreint les règles et créé un trouble à l’ordre public. Nous en appelons aussi à la responsabilité des médias, qui participent à nourrir ce climat de terreur. Nous leur demandons de ne pas donner de tribune à des multi-récidivistes de la haine raciale, de ne pas alimenter le racisme et le sexisme à l’endroit des musulman·e·s et d’assumer le rôle qu’ils entretiennent dans le développement de ce climat nauséabond.
 
Les Lallas
 
 

Crédit photo : CCIF

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Diffuse la bonne parole

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Catégories
(Dé)construction

Voile et travail : l’expérience de la discrimination

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“C’est vraiment dommage vous avez un bon profil, mais le voile n’est pas toléré au sein de notre entreprise.”

 

Étudiante, j’étais à la recherche d’un job étudiant qui me permettrait d’arrondir mes fins de mois. J’ai donc postulé à plusieurs offres et envoyé une candidature spontanée à plusieurs entreprises et agences d’intérim. Les jours, les semaines, les mois s’enchaînaient et je n’avais toujours pas de réponse, mise à part quelques refus. Pendant ce temps, j’entendais mes camarades parler de leur job étudiant si fascinant ou si fatiguant. Je voyais tou.te.s ces étudiant.e.s qui avaient réussi à obtenir un emploi, la plupart d’entre elles/eux avaient été reçu.e.s en entretien au bout de 2 ou 3 candidatures. Moi j’en étais à ma 40ème candidature et pourtant, pas un entretien d’embauche.

 

Je m’étais résignée. Je n’y croyais plus jusqu’à ce qu’un jour je reçoive l’appel d’une agence d’intérim. Elle me proposait de rencontrer un de leur client dans le cadre d’un entretien collectif, suite à ma candidature au poste de standardiste. Au bout du fil, la chargée de recrutement me demanda de me préparer à l’entretien d’embauche, de lui envoyer ma pièce d’identité, mon RIB, etc. J’étais tellement contente que je me suis pincée ! Enfin j’allais faire mon premier entretien ! Pour mettre toutes les chances de mon côté, je suis allée dès le lendemain m’acheter une tenue professionnelle, j’ai fait des recherches sur l’entreprise et sur ce qu’est un entretien collectif, j’ai également demandé à mon entourage de m’aider à me préparer… J’étais heureuse et stressée en même temps.

 

Le jour-j est arrivé, ce moment tant attendu et redouté. Je me suis présentée aux locaux de l’entreprise, nous étions huit candidates dans la salle d’attente. Plus le temps passait plus le stress montait en moi, mais je ne le montrais pas. Au bout de quelques minutes, deux responsables vinrent nous chercher et nous firent entrer dans une grande salle.

 

A l’issue d’un entretien de deux heures et demie, alors que les autres candidates avaient été conduites vers la sortie, l’un des deux responsables me demanda de rester quelques minutes supplémentaires.
– Savez-vous pourquoi j’ai demandé à vous parler ? Me demanda-t-il.
– Non, à vous de me le dire, répondis-je.
– Il faut que vous sachiez que le port du voile n’est pas toléré dans notre entreprise.
– Pourquoi ? Demandais-je.
– Nous n’avons pas à nous expliquer sur notre position, c’est comme ça.
– Étonnant, répondis-je, selon la loi un signe religieux ne peut être interdit en entreprise privée que sous certaines conditions comme l’hygiène ou le contact avec la clientèle. Et encore, l’entreprise doit justifier que c’est « une exigence professionnelle essentielle et déterminante » et proportionnelle aux tâches à effectuer. Or les missions du poste de standardiste que vous proposez se résument à décrocher le téléphone et orienter les appels…
– Écoutez, je ne vais pas rentrer dans ce débat avec vous…
– Non, mais je vous explique pourquoi j’ai postulé pour ce travail. Car juridiquement parlant rien ne m’empêche de l’exercer avec mon voile. Votre interdiction ne répond pas, comme l’indique la loi, à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante ». Sans oublier que la neutralité doit être générale et ne pas porter uniquement sur un signe religieux…
– Écoutez, chez nous c’est comme ça. Le voile n’y est pas toléré. Votre profil nous intéresse beaucoup. Vous vous exprimez bien. Si vous avez la possibilité de l’enlever…
– Non, je préfère travailler avec vous en étant moi-même.
– Je suis aussi embêté que vous, c’est dommage. Vous êtes sûre que vous ne pouvez pas l’enlever ? Votre profil est vraiment intéressant…
– Je ne peux pas travailler avec vous. Vous me demandez de renoncer à mes droits et ma liberté religieuse alors que votre intolérance au voile dont vous me parlez est tout simplement illégale… Je préfère qu’on en reste là.

 

Alors que je me dirigeais vers la sortie, je lui demandai :
– Est-ce seulement le voile qui est interdit ou aussi les autres ports de tête et autres signes distinctifs ?
– Ce n’est que le voile… (Monsieur prend le temps de réfléchir et se ravise)… ah tout ce qui est distinctif est interdit. »

 

Tout le long de notre échange, il n’a utilisé l’adjectif “interdit” qu’à la fin de notre échange. Alors qu’au début il a parlé d’intolérance. J’ai compris que ce n’était pas une question juridique, mais une question de point de vue. Mon voile le dérangeait personnellement. Ce n’était pas moi en tant que personne qui le dérangeait, mais mon voile. Je lisais dans ses sourcils froncés, de l’incompréhension face à mon voile et de la pitié pour moi. “Vous êtes sûre que vous ne pouvez pas l’enlever ? Votre profil est vraiment intéressant…” m’a-t-il dit avec une voix adoucie comme s’il voulait m’aider, me délivrer de quelque chose qui occultait mes compétences.

 

En sortant de l’entretien, les autres candidates avec qui j’avais sympathisé m’attendaient. Elles étaient sûres qu’il m’avait retenue en privé pour me parler du voile. L’une d’entre elles qui était une femme musulmane me dit : “Tu sais… à un moment donné, tu seras amenée à choisir entre Dieu et le travail”. Elle n’avait certainement pas l’intention de me faire du mal, mais cette phrase m’a profondément heurtée. Devrais-je finalement faire un choix ? Serais-je obligée d’abandonner une partie de moi-même ? Étais-je condamnée à me confronter sans cesse à ce dilemme ? Autant des questions qui me torturaient l’esprit.

Le lendemain de cet entretien, j’ai été la seule candidate ayant des disponibilités toute la semaine à être évincée du recrutement. J’étais effondrée, même pour un poste de standardiste mon voile était un frein. Je m’étais tellement préparée, j’avais mis ma plus belle tenue pour cet entretien, mais ce n’était pas suffisant ! J’ai mis des jours avant de m’en remettre. Les paroles de cet homme et son regard étaient encore dans ma tête. En quelques mots, en un simple regard, il avait réussi à briser ma confiance en moi et mes espoirs. Depuis, je n’ai pensé qu’à une seule chose : quitter la France ! Partir loin, très loin de ce pays qui ne voulait pas de moi, de ce pays qui ne voyait que mon voile, de ce pays pour lequel j’étais invisible…

 

Un an après cet incident, j’ai obtenu un stage avec mon voile. J’étais tellement reconnaissante envers ma structure d’accueil, comme si on avait eu pitié de moi. Je faisais des heures supplémentaires, j’étais toujours la première arrivée, je faisais le double de mon travail, j’avais de moins en moins de temps pour mon mémoire, je ne voulais pas les faire regretter de m’avoir acceptée avec mon voile. Je ne me sentais pas à la hauteur du poste. J’avais du mal à me sentir compétente, j’avais du mal à croire que c’était grâce à mes compétences que j’avais été prise. Je devais être excellente, je devais montrer à chaque instant que mon voile ne nuirait nullement à mon travail, je devais m’intégrer très rapidement au sein de l’entreprise, je m’efforçais d’aller vers mes collègues alors que j’étais de nature timide. Je devais tout simplement faire plus, même si cela m’épuisait.

 

Il m’a fallu du temps pour arrêter de me sous-estimer, du temps et du soutien pour reprendre confiance en moi. Je ne sais pas si à la fin de mes études je trouverai un travail. Mon avenir professionnel est incertain, mais je ne laisserai plus jamais des islamophobes me faire douter de moi ni même me forcer à mettre une partie de moi au placard. En France, les femmes musulmanes sont malheureusement à l’intersection des multiples discriminations : le genre, l’origine, la religion, etc. C’est pourquoi aujourd’hui, je tiens à dire à toutes celles qui me liront : ne doutez jamais de vous, ne baissez pas les bras, ne renoncez surtout pas à vos droits ! Ne vous enfermez jamais dans l’espace qu’on vous a injustement assigné. Face à celles et ceux qui s’obstinent à être sourd.e.s et aveugles à votre humanité et votre liberté, prenez le micro et écrivez votre propre histoire. Ne leur donnez pas le plaisir de voler votre plume, de travestir vos paroles et vos aspirations. Soyez celle que vous voulez être, même si c’est difficile accrochez-vous à celle que vous êtes ou que vous voulez devenir. Quels que soient les obstacles, ne laissez personne vous définir.

 

Crédit photo Image à la une: Zohra Khaldoun

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Diffuse la bonne parole

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