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Soufeina, illustratrice musulmane de foi et européenne de culture

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Soufeina est une artiste née en Tunisie, d’une mère allemande et d’un père tunisien. Lorsqu’elle a sept ans, sa famille déménage en Allemagne, pays dans lequel elle commence à partager ses bandes dessinées en 2015, sur sa page Soufeina – Tuffix. L’illustratrice vit désormais en Irlande. Durant ses études, elle travaille pour différentes organisations, touchant surtout au développement des ressources humaines. Elle rejoint ensuite une académie de leadership à Berlin, dans laquelle elle est gestionnaire de projet et responsable de différents cours en rapport avec l’international. Cependant, véritablement passionnée par le dessin, Soufeina a récemment quitté son emploi afin de se consacrer pleinement à son art.

 

Le foulard, grande inspiration de ses dessins

 

Crédit image : Soufeina – Tuffix. « Ah, je suis très en retard ! » exprimé à la fois par la femme portant un foulard et celle n’en portant pas un. Petite note de fin : « Mais juste entre nous, j’ai entendu une rumeur, il paraît que même les musulmanes lavent leurs cheveux ! »

 

« J’ai commencé à dessiner dès que j’ai su tenir un crayon. Le dessin a toujours fait partie de ma vie. »

 

En 2009, Soufeina suit le conseil d’une amie : s’inscrire sur le site Deviantart. Cela lui a surtout permis de s’inspirer de certaines oeuvres et de suivre les commentaires constructifs d’autres artistes sur ses dessins. Elle considère avoir d’abord partagé des « illustrations banales ».

 

Crédit image : Soufeina – Tuffix / « Oh mon Dieu » –> « De son point de vue… »

 

Mais tout commence véritablement lorsqu’elle partage un dessin, représentant des personnes la fixant du regard en raison de son voile. « Les gens ont commencé à discuter, à s’interroger. J’ai senti qu’il se passait quelque chose alors j’ai continué », explique-t-elle. Ses illustrations sont depuis ce jour directement inspirées de sa vie et de certaines difficultés qu’elle rencontre en raison de ses principes et de ses croyances. « Mon travail a pour but de célébrer nos différences, de montrer ce que cela peut signifier que d’être musulman·e et que nous nous ressemblons tou·te·s beaucoup plus qu’on ne le pense, sans pour autant omettre le fait que le racisme existe », affirme l’illustratrice.

 

Soufeina a commencé à porter le foulard vers ses douze ans. « J’ai très clairement ressenti un changement », confie-t-elle. « Les gens me regardaient de façon différente, ils·elles me faisaient ressentir que je n’étais pas des leurs, que j’étais différente », regrette-t-elle. Soufeina explique également que depuis qu’elle porte le voile, plusieurs personnes l’assimilent à une prosélyte, mais également à une spécialiste de la situation du Moyen-Orient ou de la politique. « J’ai passé tellement de temps à expliquer, à collecter des arguments, à débattre, à me défendre durant les premières années de mon adolescence », se souvient-elle, émue. Elle ne s’est rendu compte que tardivement qu’elle n’avait pas à faire cela, qu’elle avait « le droit d’être une enfant ».

 

Crédit image : Soufeina – Tuffix. « Ne bouge pas ! Nous allons te libérer ! »

 

Son ressenti face à l’actualité

 

Soufeina a récemment déménagé en Irlande, ce qui lui donne l’opportunité d’observer la situation politique allemande depuis l’étranger. « Je ressens quelque chose de bizarre ». Elle déplore les résultats aux élections du Bundestag, en Allemagne. Le parti Afd, Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne) a fait son entrée à l’assemblée parlementaire en septembre 2017, devenant ainsi la troisième force politique du pays.

 

« Le mot le plus approprié pour décrire ma réaction à la suite des résultats serait la déception. J’attendais mieux de la part de mon pays et j’espère encore que nous arriverons à une société forte et ouverte d’esprit qui combattra les idéologies pleines de haine », assure-t-elle, l’air déterminé.

 

Soufeina considère que la montée en puissance de l’extrême-droite dans plusieurs pays d’Europe est le plus effrayant. Se définissant elle-même comme « Européenne de culture », elle déplore la banalisation des idées des partis les plus extrêmes, largement répandues. « Ce n’est pas uniquement l’Allemagne, c’est aussi l’Autriche, la France et plus récemment la Pologne », regrette-t-elle.

Elle est cependant ravie du mouvement général veillant à émanciper les femmes. « Il se passe très clairement beaucoup de choses en ce moment : la marche des femmes, la campagne #metoo et les histoires de harcèlement sexuel révélées chaque semaine. » Elle considère que tous ces éléments permettent de nous rendre plus fortes et d’établir une sororité immense. « Ces initiatives nous font ressentir que nous ne sommes pas seules, que nous sommes soutenues », se réjouit-elle. « Les femmes sentent qu’elles ont plus de pouvoir, qu’elles sont plus fortes et donc prêtes à dénoncer les injustices. »

 


Crédit image : Soufeina – Tuffix

 

Crédit image à la une : Soufeina – Tuffix

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(Dé)construction

4 raisons pour lesquelles la loi de 2004 est antiféministe

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Nous sommes en 1989 quand la première affaire sur le port du foulard à l’école est évoquée dans les médias. S’en suivront de nombreux cas similaires, dont la célèbre affaire « Alma et Lila Lévy » exclues en octobre 2003 du lycée Henri-Wallon à Aubervilliers pour port du voile. Interrogées sur leur refus d’ôter leur foulard à l’école, les deux jeunes filles répondent qu’elles en ont le droit puisque aucune loi ne s’y oppose. Commence alors un grand débat national sur cette question : doit-on interdire le port de signes religieux au sein des établissements scolaires ?

En s’intéressant au contexte dans lequel la Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 a été votée, il était surprenant de voir à quel point l’avis des féministes médiatisées de l’époque s’est imposé de façon presque évidente. On lira dans le journal Libération : « Tolérer le foulard islamique […], c’est ouvrir la porte à ceux qui ont décidé, une fois pour toutes et sans discussion, de lui [la femme musulmane] faire plier l’échine […]. En autorisant de facto, le foulard islamique, symbole de la soumission féminine, vous donnez un blanc-seing aux pères et aux frères, c’est-à-dire au patriarcat le plus dur de toute la planète » – signé de Gaye Petek et Alain Seksig [1]. L’idée que le voile oppresse la femme musulmane, et que, de ce fait, il doit être combattu, l’emporte dans le débat et la loi est votée.

Pourtant, cette loi ne s’inscrit en aucun cas dans une dynamique féministe, bien au contraire ! En voici l’explication en quelques points :

 

1) Une loi qui nie la liberté de choix

 

La liberté des femmes à disposer de leurs corps comme elles l’entendent, sans contrainte, a été une des luttes principales des mouvements féministes historiques. Nous partageons ce combat : chacune devrait pouvoir choisir la manière dont elle s’habille et dont elle souhaite se présenter à autrui. Que ce soit un pantalon, une jupe, des cheveux bleus, ou un foulard, porter les vêtements de nos choix, c’est exercer sa liberté, s’affirmer et mettre en avant sa personnalité ; ce qu’on est. Retirer ce droit aux individus, c’est nier leur identité profonde et aller à l’encontre d’un fondement du combat féministe. Aujourd’hui, ce principe ne s’applique plus pour une partie de la population française.

Comment accepter que ce droit soit devenu illégitime pour les femmes musulmanes ?

 

Crédit photo : lappartementliving.com
 

2) Une loi paternaliste

 

Les jeunes filles portant le foulard à l’école ont été toutes représentées de manière unanime comme n’ayant pas le choix. Il fallait alors les sauver de leur père / frère / oncle / boulanger… Toute figure masculine l’entourant, oppressive et obscure. Ces femmes seraient ainsi particulièrement sujettes au sexisme et au patriarcat archaïque et violent de leurs pairs.

La République avait alors pour devoir de les protéger de cette menace en… leur interdisant le prétendu symbole de cette oppression : le foulard. Ainsi, sous un prétexte puant le paternalisme, l’État français a reproduit le schéma qu’il sous-entendait dénoncer. Tout ceci, en ne donnant que très peu la parole aux principales concernées bien sûr.

Quand on souhaite protéger quelqu’un, on a plutôt tendance à l’écouter et trouver des solutions qui ne lui restreignent pas ses libertés, non ? Cette privation de parole et l’invisibilisation de ces femmes est la preuve que cette loi n’était pas faite pour elles, loin de là.

Ce qui est fait pour nous, mais sans nous, est fait contre nous
Nelson Mandela

3) Une loi contre-productive

 

Si tant est que certaines jeunes filles soient bien obligées de porter le foulard, leur restreindre l’accès à l’école n’était pas l’idée la plus brillante du siècle.

En effet, si les seules options données sont : a) la liberté ou b) l’école ; certaines choisiront (ou se feront imposer ;)) d’autres options, comme les cours à domicile par exemple. L’école représentant tout de même un socle commun de connaissances et un lieu de sociabilisation, il est tragique d’imposer de tels obstacles à l’épanouissement scolaire.

 

Crédit photo : Newsnetz

 

4) Une loi aux lourdes conséquences

 

Aujourd’hui, enlever son foulard à l’entrée du collège ou du lycée peut sembler banal pour certain.e.s. Mais quelles sont les conséquences à long terme ? Au-delà de la blessure infligée à ces femmes, c’est l’insertion dans la société française qui devient difficile ensuite. Le voile étant tantôt perçu comme une provocation, tantôt comme un acte de soumission, le rejet se fait ressentir dès l’accès à l’emploi, et même aux loisirs.

Cette Loi est venue légaliser une discrimination absolument scandaleuse, excluant totalement certaines femmes de la société, sous de faux prétextes remplis de racisme, de sexisme et de conformisme.

Bien sûr, nous n’omettons pas l’idée également forte selon laquelle, au nom de la Laïcité – grande valeur salvatrice française – aucun signe religieux « ostentatoire » (nous reviendrons sur cette subtilité juridique) ne devait être présent dans l’enceinte scolaire. En attendant un prochain article sur le sujet, nous vous suggérons de regarder la vidéo de l’association Coexister, qui explique ce qu’est la Laïcité en 3 minutes.

 

 

[1] Delphy Christine, « Anti-sexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme », Nouvelles Questions féministes, n°25, 2006, p59-83

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Communiqués

[Communiqué] Harcèlement des femmes musulmanes dans l’espace public : on dit stop !

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Regards insistants, défiants, méprisants ; remarques, moqueries, insultes, gestes déplacés, bousculades… Voici notre quotidien, femmes musulmanes voilées évoluant dans l’espace public. La rue, les transports, les loisirs sont les lieux quotidiens de violences et de rejets prenant des formes diverses, allant parfois jusqu’au drame d’agressions physiques et sexuelles. Un harcèlement trop invisibilisé, liant sexisme, islamophobie et racisme, nous vise tous les jours, femmes méprisées et stigmatisées.

 

Ce fléau touche les femmes musulmanes depuis bien trop longtemps, et jamais nous n’accepterons ni sa banalisation ni sa généralisation ! Il ne s’agit pas de dire que ce type de harcèlement est plus grave que les autres. Notre but est de le mettre en lumière dans toute sa réalité, d’expliquer sa spécificité et ses conséquences, afin de mieux lutter contre.

 

Des scènes de violences devenues la normalité du quotidien

 

Avec un foulard sur la tête, nous ne sommes définitivement plus comme les autres. J’en viens même parfois à me surprendre à trouver étranges et exceptionnels les gens qui ne me jettent aucun coup d’œil à l’entrée d’un magasin ou d’un restaurant. Et pourtant, jamais une femme ne devrait en arriver à intégrer le fait qu’il est normal qu’elle soit observée, scrutée et jugée, dans la rue ou ailleurs.

L’espace public nous rappelle ainsi quotidiennement un rejet et une détestation de notre existence : de nos choix, de notre foi et de nos identités plurielles de femmes.
 
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Crédit : Paye Ta Shnek
 

Des oppressions systémiques à l’intersection entre islamophobie, sexisme et racisme

 

Ces actes ne peuvent pas être traités comme des comportements isolés. Les femmes concernées vous le diront : non, ces actes ne sont pas exceptionnels, ils sont en fait trop récurrents ! Minimiser ce fait, c’est fermer les yeux sur ses causes : une islamophobie imprégnée dans notre société qui se lie au sexisme et au racisme. Ces violences ne sont pas anodines, elles sont des oppressions.

Le harcèlement généralisé des femmes musulmanes dans l’espace public est une des manifestations d’un système d’exclusion de ces dernières des différentes sphères de la société en général. Ainsi, considérer ces actes comme venant uniquement de personnes mal intentionnées est une erreur. Ces comportements sont en fait normalisés.

 

Il est légitime de nous surveiller…

 

La mise en place et la survalorisation d’un système de surveillance et de contrôle intensif envers la communauté musulmane permet de diffuser l’idée que n’importe qui peut être suspecté, n’importe où et par tout le monde. Ainsi, il serait légitime de surveiller toute personne dont l’appartenance à la religion musulmane aurait une certaine visibilité. Les acteurs.trices dans l’espace public, ayant intériorisé cette méfiance, peuvent la développer, l’exprimer et se sentir en droit de lui laisser libre cours.

 

… et normal de nous observer et de nous juger !

 
La pensée commune infantilise les femmes musulmanes. Elles sont présentées comme incapables d’être autonomes et réfléchies dans leurs choix. Il faudrait ainsi leur indiquer comment elles doivent s’habiller, se comporter et s’engager dans la société. On parle à leur place et le jugement porté sur elles est continu.

Ces conditions valident le fait qu’une femme musulmane peut être contrôlée, être sujette à une intrusion dans sa vie et son intimité, au point de ne plus la considérer comme une personne raisonnée, consciente et libre propriétaire de son corps. Cela peut alors expliquer que des acteurs vont se permettre à n’importe quel moment, dans n’importe quel lieu, de vous signifier leur simple curiosité ou leur questionnement, mais aussi leur désapprobation face à votre vêtement – quelle que soit la manière employée –  et leur dédain. Le corps des femmes musulmanes est perçu comme légitime de jugement par tou.te.s : on peut l’observer, l’analyser, le désapprouver. La voie est libre !
 
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Crédit photo : keepcalmandmuslimon.tumblr.com
« – Tu as vu la manière dont cette femme vient de me regarder à l’instant ? » « – Je déteste avoir à m’inquiéter d’être jugée à chaque fois que je sors dehors avec mon hijab !» « – Je devrais pouvoir porter ce que je veux sans être jugée ! – Je suis d’accord… »

 

Quand l’espace public devient un lieu oppressant et excluant pour les femmes musulmanes, on peut alors se poser la question suivante…

 

… Quelle place pour les femmes musulmanes dans l’espace public ?

 

Tout comme certaines femmes qui, par crainte du harcèlement de rue, s’habillent avec des vêtements jugés « plus couvrants » et « moins voyants », un nombre non-négligeable de femmes musulmanes qui portent un foulard ayant subi des agressions de rue ont décidé de changer leur habillement, la manière dont elles portaient leur foulard ou ont pris la décision de le retirer. Le principe est toujours le même : rentrer dans la « neutralité » et la « normalité » dictées et imposées par ces lieux, pour ne plus subir leurs oppressions.

Les stratégies de contournement et d’invisibilisation sont répandues et multiples. Pendant les périodes où le climat et la tension islamophobes se sont faits d’autant plus violents (notamment les semaines après les précédents attentats qui ont touché la France), beaucoup d’entre nous ont préféré échanger leur foulard contre un bonnet, un chapeau ou une casquette. Sans compter de très nombreuses femmes qui, pendant plusieurs semaines, ont été contraintes de limiter leurs déplacements au minimum, par crainte de se faire agresser.

Se faire la plus discrète possible, jusqu’à s’effacer de l’espace commun…

La violence n’est pas uniquement celle qui est visible de tou.te.s. Elle s’exerce également dans des comportements aussi anodins que des regards trop insistants. Les concernées qui les subissent étant les seules à les percevoir, ces violences sont invisibilisées et réduites à néant par les autres. Beaucoup de femmes restent ainsi seules face à ces agressions quotidiennes. Et quoi de plus violent que de remettre en cause le témoignage de l’expérience quotidienne d’une concernée ?

L’islamophobie, le sexisme et le racisme sont des réalités qui touchent un trop grand nombre de personnes. Ces fléaux altèrent notre quotidien et nous empêchent de mener une vie normale et sereine. Nier qu’il existe des oppressions spécifiques et qui se lient entre elles, c’est aussi participer à ces violences.

 

Mais alors, que faire ?

 

Ne pas l’accepter, condamner fermement et soutenir les victimes. Ne pas tenter de négocier notre existence et de minimiser les oppressions qui nous touchent par n’importe quel argument. Toutes les femmes, dans leur diversité, ont le droit à la sécurité dans tous les espaces communs, et ce, quels que soient leurs vêtements et leur apparence ! Non, porter un foulard n’est pas une menace adressée aux citadins et à la vie en société. Et enfin, oui, une société juste doit permettre à celles et ceux qui le souhaitent de pouvoir s’exprimer et de s’émanciper, y compris au sein de l’espace public.

Jamais nous n’accepterons qu’une femme soit rejetée et exclue de n’importe quelle sphère de la société. Alors n’ayons pas peur de nous exprimer, de nous soutenir et de nous indigner !
 
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Crédit photo : Maeril @itsmaeril

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Portraits

Mariame Tighanimine : l’empowerment par le business

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Mariame Tighanimine est entrepreneuse dans l’âme. Elle se lance pour la première fois en 2007 avec Hijab and the city, premier webzine féminin à destination des femmes françaises de culture musulmane avant de clore le chapitre 4 ans plus tard, en 2011. Aujourd’hui, elle se consacre à une nouvelle aventure : Babelbusiness, une méthode qui encourage les personnes désireuses de créer leur entreprise à sauter le pas.
Retour en 3 questions sur le parcours de cette femme persévérante, dont le travail est de changer la vie des autres de manière positive et remarquable.

 

Ex-Hijabandthecity, ex-Babelbag, actuel Babelbusiness, chargée d’enseignement au Centre pour l’entreprenariat à Sciences Po, chassez l’intrus ou le compte est bon ?

 

Le compte est bon et j’espère encore développer un tas d’autres projets ! Contrairement aux apparences, il y a une véritable continuité entre eux. Hijab and the City a été ma première startup. Créée en 2007 avec ma sœur, Khadija, il s’agissait du premier webzine féminin francophone et participatif à destination des femmes françaises de culture musulmane. On en avait marre d’entendre constamment parler des femmes musulmanes dans les médias alors que personne ne leur donnait la parole, ne leur tendait le micro. On a donc créé cette tribune qui réunissait jusqu’à 350 000 visiteurs uniques par mois, des femmes et même des hommes venant d’horizons culturels, cultuels et sociaux complètement différents, ainsi qu’une trentaine de contributrices de différentes sensibilités, nationalités et religions. On a bénéficié d’une couverture médiatique internationale puis nationale importante et on a eu la chance de rencontrer notre lectorat tous les mois, lors d’événements, de brunchs ou de soirées. Cette extraordinaire aventure humaine et entrepreneuriale a duré jusqu’en 2011. Puis elle a laissé place à Babelbag.

Si avec Hijab and the City, nous avons montré que la première action d’empowerment était la prise de parole, le droit et le devoir de se raconter soi-même, la seconde action devait être économique. C’est en discutant avec certaines de nos lectrices que nous nous sommes rendu compte que beaucoup de femmes avaient besoin d’avoir un revenu ou un complément de revenu pour mieux vivre et s’épanouir. Avec Redha, mon associé actuel, qui était notre mentor à l’époque de Hijab and the City, nous avons donc réfléchi à un projet qui pouvait répondre à cette problématique. Mais nous voulions qu’il s’adresse également à des femmes qui n’avaient pas forcément de problèmes économiques mais qui aspiraient néanmoins à sortir de leur routine, à exprimer leur potentiel et à tester leur emprise sur le monde. C’est comme ça qu’en 2012 est né Babelbag, un business collaboratif qui a consisté en la co-création d’un premier produit, le sac à main Babelbag, et à la promotion ainsi qu’à la distribution de celui-ci par le bouche-à-oreille et le main-à-main. Nous avons même créé une collection capsule avec le site Auféminin.com qui a soutenu le projet dès ses débuts. Nous avons permis à une centaine de femmes de démarrer leur micro-activité et de gagner un revenu. Plus de 500 sacs et plus de 10 000 petits accessoires (porte-sacs, accroche-sacs…) ont été vendus. De l’expérience Babelbag, nous avons compris qu’au-delà du produit, ce qui intéressait les femmes, c’était d’apprendre à faire du business. De ce constat est né Babelbusiness.

Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de personnes voulaient se lancer dans le business mais avaient peur, ne savaient pas comment faire. Le manque de moyens était vraiment la dernière des craintes, c’est surtout la peur de l’échec, la peur du changement, le manque de compétences, qui étaient les véritables freins à leur lancement. Nous avons donc laissé de côté les produits et avons travaillé sur des programmes et outils qui s’adresseraient à tout le monde, sans distinction de diplôme, de langue, d’âge, d’origines ou de sexe… Et c’est comme ça que nous avons développé la méthode Babelbusiness, ainsi que les programmes et outils pour permettre à n’importe qui de se lancer en 24h avec très peu de moyens. Nous l’avons testé sur plus de 500 personnes, avec des associations d’insertion économique pour les jeunes et les femmes dans le 92, le 78, avec des allocataires du RSA, avec des vendeurs ambulants en France, au Maroc et en Ouganda, avec des grands groupes comme Danone pour former des micro-distributeurs… Aujourd’hui, nous sommes en train de mettre en place une plateforme sur laquelle tous nos outils et programmes seront proposés en ligne, à n’importe qui, que la personne soit à Paris, Lagos, Rio ou Singapour, qu’elle soit étudiante, retraitée, sans activité ou salariée. Pour nous, tout le monde peut et devrait faire du business. C’est une discipline formidable, dont on peut apprendre énormément de choses sur soi et sur les autres !

Vous voyez les liens entre ces différents projets maintenant ?

 

Pensez-vous que le business est un outil d’empowerment pour les femmes ?

 

Oui. En fait, il en est un pour tout le monde. Et tout dépend du type d’empowerment que l’on recherche, économique ou social.

Magellan par exemple est le premier homme à avoir fait le tour du monde de l’histoire de l’humanité pour une histoire d’épices, de négoce, d’appât du gain. Mais quand vous grattez bien, vous vous rendez compte qu’il l’a aussi fait pour sortir de sa condition, pour marquer l’Histoire.

On peut faire du business pour s’autonomiser ou pour n’importe quelle autre raison. Pour moi, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises raisons. Mais il faut le faire sérieusement, comme n’importe quelle discipline, parce qu’on ne sait pas comment cela peut se terminer. Vincent Van Gogh ne savait pas qu’il deviendrait Van Gogh. Et pourtant, malgré la maladie, les difficultés qu’il a rencontrées, il n’a jamais cessé de produire des œuvres.

 

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Crédit photo : Mariame Tighanimine

 

En France aujourd’hui, de nombreuses femmes voilées, bardées de diplômes, sont exclues du marché de l’emploi à cause de leur voile. Que diriez-vous à celles qui veulent se lancer dans l’entreprenariat mais qui tanguent encore ?

 

Je n’ai pas de leçons à donner ni de conseils particuliers à adresser. Mais je vais vous raconter comment j’en suis venue à entreprendre.

Je portais le hijab et j’étais étudiante. Je voulais faire de la recherche en sciences sociales, j’étais plutôt douée selon mes professeurs. Mais je savais que cela poserait problème à un moment donné. Dans ce milieu, c’était déjà compliqué d’être issue de l’université et non d’une école, mais avoir un hijab, c’était une difficulté supplémentaire. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’une de mes profs qui m’a dit texto :

Vous êtes une excellente étudiante, je n’aurais aucune difficulté à vous soutenir et à vous prendre dans mon labo, mais pas avec votre voile.

Je suis sortie de son bureau triste, en colère, mais je me suis juré de ne pas céder. Par principe. Au même moment, ma sœur Khadija, elle aussi voilée, venait d’être diplômée d’une école d’architecture et de l’université. Elle aussi était un très bon élément. On voulait bien d’elle dans certaines entreprises mais tête nue. Par principe, elle a également refusé. Quand j’ai vu tout ça, je me suis dit « à quoi bon continuer mes études ? ». Même si j’étudiais aussi par passion, je savais qu’à un moment donné, j’allais être confrontée au chômage et je ne suis pas issue d’un milieu aisé pour me permettre de vivre de passion et d’eau fraîche. Il fallait donc que j’anticipe tout ça et surtout, que j’évolue dans un milieu qui m’accepte comme je suis.

Un jour de 2007, ma sœur est venue me voir en me disant qu’elle voulait monter sa boîte. Je n’y connaissais strictement rien mais comme je bloguais, je lui ai proposé de tenir un blog sur son activité, une sorte de carnet de bord qu’elle pourrait partager avec ses potentiels clients. Puis de fil en aiguille, nous nous sommes retrouvées à créer Hijab and the City. Ça n’avait strictement rien à voir avec ce que nous voulions faire au départ mais c’était aussi un moyen pour nous de nous affirmer, de refuser un énième ostracisme. Même si je ne porte plus le hijab, je n’ai jamais pensé à toquer aux portes du marché du travail. Je suis entrepreneure, j’aime ce que je fais et je me rends compte que je ne sais pas faire autre chose.

Pour en revenir à votre question, en général, j’encourage tout le monde à faire du business, les femmes qui portent le voile et toutes les personnes qui sont discriminées sur le marché du travail en font partie. Maintenant, reste à savoir quoi faire. Beaucoup de femmes que je connais dans ce cas sont tentées de faire du business qui ne s’adresse qu’à la « communauté ». Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure des idées et en plus, je ne crois pas à ce concept de « communauté », sauf au sens marketing. Il faut faire quelque chose qui réponde à un besoin. Je le précise parce que beaucoup de personnes qui se lancent dans cette optique se retrouvent désillusionnées et écœurées par l’accueil que leurs soi-disant semblables leur réservent. Quand on faisait Hijab and the City, les premiers à nous mettre des bâtons dans les roues étaient les « nôtres » et malheureusement, les plus virulents étaient des femmes. Même si nos détracteurs étaient beaucoup moins nombreux que nos supporters, ils existaient malgré tout. Il faut juste être consciente de ces choses et se concentrer sur celles et ceux qui vous veulent du bien !

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(Dé)construction Nos Voix

Voilées ou pas voilées, jamais la paix !

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Musulmane, pendant longtemps non voilée, puis voilée et enfin « enturbannée », j’ai vécu d’innombrables agressions, sexistes, islamophobes, ou encore voilophobes ou voilophiles – c’est selon le contexte.

 

« Voilophobes » (et pas islamophobes) car il se trouve que les agressions anti-voile ne viennent pas que de non-musulman.e.s. Elles peuvent également venir d’hommes ou de femmes musulman.e.s, voilées ou pas. Bien sûr, puisque beaucoup (trop) de gens se sentent obligés de commenter la tenue vestimentaire et/ou l’apparence des femmes, pourquoi pas les femmes elles-mêmes entre elles ?

« Voilophiles », parce que sur notre belle planète, il existe des hommes et des femmes musulman.e.s qui sont convaincu.e.s que Dieu leur a attribué comme mission sur Terre d’insuffler le voile à toutes les femmes qui se déclarent musulmanes. Le VOILE royal qui permet de cheminer vers le Divin…

Revenons à nos moutons (je vous jure, c’est sans arrière-pensée !)… J’ai constaté que beaucoup d’autres musulmanes, voilées ou pas, ont vécu les mêmes situations que moi. Que ce soit en extra ou intra-communautaire, c’est-à-dire à l’extérieur ou à l’intérieur de la communauté musulmane, peu importe les choix que nous faisons, les gens auront toujours leur mot à dire sur la manière dont les femmes musulmanes vivent leur vie.

 

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Crédit photo : Pomme d’humour

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Portraits

« J’en veux à la France de faire de nous l’Ennemi Public Numéro Un »

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Dans Confidences à mon voile, Nargesse Bibimoune, déjà auteure du roman à succès Dans la peau d’un thug, revient sur son parcours de femme voilée en France. Sans fioritures, avec une simplicité transperçante, Nargesse raconte des bribes de vie qui ne seront que trop familières à plus d’une femme voilée/enturbannée/couvre-cheffée. Voilée ou non, femme ou homme, c’est un livre à lire absolument.

 

Ce journal intime, je l’ai lu d’une traite, en ne m’arrêtant que lorsque je devais attraper un mouchoir pour essuyer mes larmes. Je parle de journal intime car c’est la forme qu’a donnée Nargesse Bibimoune à son second livre. Elle y revient sur toutes les étapes marquantes de sa vie de femme voilée en France : de sa décision de se voiler à l’été 2002, à sa vie actuelle de femme épanouie, en passant par la loi de mars 2004 (interdisant le port de signes religieux à l’école) et les débats sur le voile qui n’ont cessé depuis. Munie de mon petit crayon, j’ai souligné tous les passages révélateurs du climat français, criants de vérité, émouvants… avant de me rendre compte que l’ensemble du livre l’était. Je me suis naturellement mise à écrire tant ses mots faisaient écho à ma vie et mes maux. Il est temps que nos pensées, nos combats, nos vies soient mis en lumière.

 

« Je suis à bout mon hijab »

 

Nargesse ne veut pas incarner les femmes voilées mais son texte peut faire écho à chacune d’entre nous. Même si les scènes vécues ne sont pas exactement les mêmes, les ressentis sont similaires. En premier lieu le sentiment d’injustice. A juste titre, elle écrit :

Nous n’avons même pas le temps de découvrir la justice que nous sommes déjà confrontées à l’injustice.

L’injustice prend différentes formes comme les discriminations, les inégalités, le racisme de nouveau décomplexé… Mais la première strate de l’injustice, la plus pernicieuse, est la violence symbolique. Les regards désapprobateurs, les remarques marmonnées de façon à n’être audibles que par nous, la boule au ventre en se rendant dans un nouvel endroit, la peur d’être refusée à cause de notre voile… La violence symbolique fait des ravages et ne nous aide pas à nous construire. Nargesse décrit parfaitement son parcours de fille devenue femme non sans difficultés. Son témoignage se lit avec émotion et illustre le développement psychologique accéléré. Nous grandissons trop vite, surtout celles qui ont décidé de le porter en pleine adolescence. Dans cette période où l’on cherche l’approbation des autres, il est extrêmement dur de se construire dans l’adversité. Les humiliations sont autant de poignards plantés dans nos jeunes cœurs. Avec résignation, nous nous devons de panser ces plaies béantes.

Ce livre est précieux pour comprendre le processus qui mène de l’incompréhension à la souffrance, et de la souffrance à la révolte. Après les temps de l’humiliation, du désarroi, du ras-le-bol, de la dépression, de la douleur et bien d’autres, vient celui de la colère et de la révolte. En effet, les solutions d’avenir qui se proposent aux femmes voilées ne sont pas illimitées : la dépression ; le repli sur soi et communautaire pour être enfin tranquille ; la révolte. La première n’est pas viable et la deuxième se révèle souvent décevante.

Nous sommes donc programmées à être révoltées pour exister dans cette société qui nous rejette. Je me joins complètement au cri du cœur de Nargesse : « J’en veux à la France de faire de nous l’Ennemi Public Numéro Un ». Le côté positif est que cette adversité a insufflé en moi la hargne pour maîtriser la langue, l’envie de connaître mes droits, le besoin de me battre pour changer ma situation. Mais à quel prix ? Ce combat imposé peut nous rendre fortes, mais surtout très fragiles. Lorsque Nargesse confie « Je suis à bout mon hijab », les mots se suffisent à eux-mêmes.

 

Cachez cette faiblesse que je ne saurais voir

 

Choisir de mettre le foulard en France, c’est accepter que « la moindre des activités devien[ne] un combat » comme l’explique si justement Nargesse. Ecole, plage, magasin, entreprise… On apprend à vivre sur la défensive, au point de friser la paranoïa. Mais à notre niveau, c’est franchement justifié. Pour s’accorder un peu de répit, on se surprend à rêver comme Nargesse : « Des fois, j’aimerais que tu sois transparent, que tu sois si petit que personne ne te voie, et que l’on arrête enfin de me parler de toi ». Par là même, on entre dans le cycle d’adaptation aux attentes de la société. Dans mon cas, cela a revêtu la forme d’un engagement personnel à ne plus mettre de foulard noir, « parce que ça fait trop peur », me disais-je il y a cinq ans. En réalité, noir ou coloré, foulard ou turban, mon voile fera toujours peur et ne sera accepté que lorsqu’il disparaîtra.

Malheureusement, le « ton voile fait trop peur » a un frère siamois. J’ai nommé « ton voile est trop occidentalisé ma sœur », prêché par les apôtres de la haram police (aujourd’hui utilisé à tort et à travers, haram signifie illicite en arabe et est un concept religieux à l’origine utilisé pour désigné ce qui a strictement été interdit par les textes sacrés et la pratique prophétique). « Ma sœur on voit ton cou », « tu mets du vernis », « tu t’épiles les sourcils ». Pour beaucoup, ce sont des signes de coquetterie, pour certain.e.s musulman.e.s, ce sont des signes d’impudeur. (Je tiens à préciser que je ne veux surtout pas lancer un énième débat sur l’épilation des sourcils ou le vernis. Ici, je déplore uniquement la focalisation qui est faite sur des détails physiques alors que nous nous devons de travailler notre spiritualité.) Donc en gros, on se doit de correspondre au modèle de la Marianne au sein nu (aux dernières nouvelles elle aurait le sein nu car elle est libre, elle, selon Valls !) et en même temps respecter une vision monolithique du modèle de la femme musulmane « respectable ». Nausée. L’infantilisation des femmes n’a aucune frontière. Mais chut, on ne se plaint pas ! Au risque d’être pointée du doigt comme « militante de l’islamisme politique qui ose se victimiser ». Face palm.

 
Sorority
La sororité selon Sanaa K.
 

Face à toute cette adversité, que nous reste-t-il ? La famille, lorsqu’elle est compréhensive, les ami.e.s les plus proches, ceux et celles qui nous aiment pour ce que nous sommes, et surtout la sororité. Vers la fin de son livre, le passage de Nargesse sur la sororité m’a mis du baume au cœur. La sororité, c’est ce groupe de personnes qui sont, comme nous, à l’intersection de plusieurs discriminations. Celles qui, non seulement nous écoutent, mais comprennent notre vécu car elles sont également passées par là. A chacune de construire sa propre sororité (un conseil : Lallab constitue un vivier de sœurs de lutte). La sororité, ce sont aussi ces inconnues, que nous ne connaissons pas mais auxquelles nous sommes reliées par ce voile commun, ce vécu commun.

Un sourire d’une sœur de lutte suffit à insuffler du courage et illuminer une journée pleine d’adversité. La sororité est essentielle à la survie en milieu hostile.

 

Quand la sœur de sang devient une sœur de lutte

 

J’ai versé les larmes les plus chaudes à la lecture de la lettre qu’elle a adressée à sa petite sœur lorsqu’elle a décidé de se voiler à son tour. Et pour cause, j’ai vécu exactement la même chose il y a de cela quelques semaines. J’ai été déstabilisée en surprenant ma sœur en train de tenter tant bien que mal d’attacher son foulard. Je ne m’y attendais pas, j’espérais que ça n’arriverait pas si tôt. Tout comme moi exactement six ans auparavant, elle n’avait prévenu personne, avait pris sa décision dans son coin.

Après la surprise, place à l’interrogatoire en bonne et due forme.

Tu es sûre ? Tu le fais à 100% pour Dieu ? Je t’ai expliqué combien c’était dur, tu penses être prête ?

Que des réponses affirmatives, je ne peux plus rien faire, je dois me résoudre à la laisser voler de ses propres ailes. Mon Dieu que c’est dur. Les bras s’enlacent, les visages se collent et les larmes s’entremêlent. Des larmes d’émotion, des larmes d’appréhension, des larmes de peur. Entre deux sanglots, j’arrive à lui dire « Tu entres dans un monde dans lequel je ne pourrai plus te protéger ».  

Ce monde nous détruit par à-coups vicieux, par petites piques en apparence inoffensives mais qui suffisent à nous ébranler. Ce monde ne nous laisse pas l’opportunité de nous développer normalement. Notre société crée une génération meurtrie mais se met des œillères pour ne pas constater les dégâts. Ce qu’il nous reste sont les quelques porte-voix qui portent nos histoires mais aussi nos espoirs. Nargesse Bibimoune en fait partie. Son livre est une des rares briques qui construisent le récit de nos vies. A nous de bâtir le reste.

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(Dé)construction

Ma réponse aux 14 arguments les plus courants contre le voile

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Je commence à en avoir un petit peu marre d’user ma salive pour répondre encore et encore aux mêmes arguments contre le hijab. Alors toi qui voudrais entamer un énième débat ou me demander de justifier mes croyances et mes choix personnels, lis ceci, ça nous fera peut-être gagner du temps à tou.te.s les deux.

 

1) Je n’aime pas le voile.

 

Bah okay, d’accord. Autre chose ?

Pour ton information et ta culture personnelle, « respecter » et « approuver » ne sont pas des synonymes. Et il se trouve que je ne te demande pas d’approuver mon hijab, ni d’être d’accord avec, de l’aimer, ou même de le comprendre. Juste de res-pec-ter mon choix de le porter. C’est si difficile que ça à comprendre ? Je peux te la faire en allemand, si ça peut aider.

 

2) Le voile, qu’est-ce que je trouve ça moche…

 

Et moi, je ne vis pas ma vie pour plaire à tout le monde. La base de mon hijab, c’est que je veux plaire à Dieu, être en accord avec moi-même et me détacher de la quête jamais finie d’approbation. Mais merci quand même pour ton intervention, c’était essentiel pour moi de savoir ce que tu en pensais.

Je tiens quand même à dire que moi aussi, il y a des choses que je n’aime pas, mais je n’ai pas développé une obsession au point de chercher tous les sites en lien pour crier au monde entier que ça ne me plaît pas. Par contre, ça m’intéresse de connaître ton secret pour avoir des journées plus longues, parce que personnellement, je n’ai pas le temps d’inonder internet de commentaires ET d’avoir une vie.

 

3) Vous nous imposez votre religion !

 

Mmh, à ce que je sache, si je pratique ma religion et que je ne demande à personne d’en faire autant, je n’impose rien à personne, non… Genre le foulard magique qui transformerait en musulman.e chaque personne qui le regarde. Pitié, aie plus de considération pour tes propres capacités intellectuelles.

D’ailleurs, c’est plutôt toi qui fais preuve de prosélytisme, à vouloir me faire adopter ton point de vue à tout prix. Si la vue te déplaît, regarde ailleurs, au lieu de me dévisager avec des yeux de merlan frit. Evite aussi de taper « invasion islam femmes voilées » sur YouTube : je sais que ça peut surprendre, mais tu risquerais effectivement de tomber sur des femmes voilées.

 

Crédit moosleemargh

Crédit photo : moosleemargh

 

4) Le voile ne fait pas partie de notre culture.

 

Alors tu m’expliqueras pourquoi les sœurs catholiques, la Vierge Marie et certaines femmes juives se couvrent les cheveux, tout comme le faisaient des femmes catholiques il n’y a encore pas si longtemps. Avant, le fait que les femmes soient couvertes était un signe de distinction entre les « civilisées » et les « sauvages ». Maintenant, c’est ce qui différencie les femmes « soumises » des femmes « libérées ». C’est marrant comme on dirait que c’est un peu toujours l’Occident qui dicte les normes…

 

5) Le voile est un signe d’infériorité de la femme.

 

Qui a décrété ça, à part toi et les hommes musulmans mégalos qui croient que le hijab est là pour montrer leur supériorité ? Je sais que tu n’as pas une grande estime pour mes capacités intellectuelles, mais je ne suis pas sotte au point de vouloir consciemment quelque chose qui va à l’encontre de ma dignité.

Ce n’est pas parce que les hommes ne portent pas le hijab qu’il y a un rapport de valeur : différence ne veut pas dire inégalité. Les hommes sikhs couvrent leur tête avec un turban, et pas les femmes – est-ce pour autant que les hommes sikhs sont inférieurs aux femmes ?

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J’ai oublié d’être oppressée / Trop occupée à être géniale
Crédit photo : Faineemae

 

6) Les femmes sont forcées à le porter.

 

Il y a DES femmes qui sont forcées à le porter. Et il y en a d’autres qui le choisissent. Les chercheurs.ses sur la question en France affirment qu’on a fait une généralisation de certains cas de femmes forcées à le porter, et qu’on a présenté comme des exceptions celles qui l’ont choisi, alors que c’est l’inverse : la plupart des femmes en France le portent de leur plein gré. Et il se trouve qu’elles aimeraient bien mener leur vie tranquillement, qu’on respecte leur libre-arbitre et qu’on les laisse un peu RESPIRER. Aider les femmes qui ne veulent pas porter le hijab n’est pas incompatible avec le fait de laisser celles qui l’ont choisi le porter.

De toute façon, si on est des victimes oppressées, il faut nous bichonner et s’en prendre plutôt à nos bourreaux, non ?

 

7) Vous êtes lobotomisées.

 

Je l’avoue, je suis lobotomisée. Par cette société de consommation de masse, où nous achetons, portons, mangeons, écoutons et regardons tou.te.s les mêmes produits, vêtements, repas, chansons, films, publicités et émissions abrutissantes.

Par contre, pour mon hijab, ça m’a demandé une sacrée volonté de passer le cap malgré toutes les pressions pour m’en dissuader. D’ailleurs, beaucoup de femmes qui le portent le font à l’encontre des opinions de leur famille et de leur entourage. Il semblerait que je sois, comme l’immense majorité des concernées, une grande fille, douée de raison et capable de prendre des décisions par et pour moi-même. Appelle BFM, ils seront contents d’avoir le scoop.

 

8) Les femmes qui portent le voile le font par provocation.

 

Maintenant je vais me fâcher toute rouge s’il y a encore quelqu’un qui prétend mieux savoir que moi ce qu’il y a dans ma tête ou pour quelles raisons je porte mon hijab. Il va falloir accepter que je le porte par rapport à Dieu et à moi-même – donc ni pour des gens qui voudraient que je le fasse, ni contre des gens que je voudrais embêter. Ça va vous décevoir de l’apprendre, mais vous n’êtes pas le centre du monde.

empowerment

Crédit photo : Meaghan Brittini

 

9) Ailleurs, des femmes se battent pour l’enlever.

 

Oui, et je les soutiens; de toute façon, un acte accompli sans conviction sincère n’a aucune valeur en islam, donc même de ce point de vue, je ne vois pas l’intérêt de forcer quelqu’un. Mais ce n’est pas une raison pour laquelle je devrais l’enlever, comme si c’était forcément comme ça que je devrais exprimer ma solidarité. Ce n’est pas parce que dans certaines sociétés barbares, les femmes sont obligées de souffrir le martyr en s’épilant, tout ça pour le regard des autres et la satisfaction de leur mâle dominant (qui, lui, n’a pas à subir ce traitement), que je vais te saouler pour que tu arrêtes de t’épiler « par solidarité avec elles ». L’important, c’est que celles qui veulent le faire puissent le faire, et que celles qui ne veulent pas, puissent ne pas le faire. Et pour ça, on a besoin de se serrer les coudes, pas de se tirer dans les pattes.

 

10) Il faut interdire le voile pour que les femmes puissent s’émanciper.

 

Tu m’expliqueras comment je pourrai « m’émanciper » (note que c’est un verbe réflexif, qui ne nécessite aucune intervention extérieure) sans pouvoir aller à l’école, à l’université ou au travail. Super plan, bravo, rien à dire. D’autant plus que si mon père/frère/mari est mon bourreau, j’imagine que le choix sera vite fait dans sa tête entre ma carrière et mon hijab…

 

11) La religion appartient au domaine privé.

 

Ah bon, et depuis quand ? Depuis qu’on amène l’islam dans les débats publics en permanence ? Pour info, il y a quelques petites choses qui vont avec la liberté de conscience, et qui s’appellent la liberté de culte et la liberté d’expression. Ça va être fun, une société qui garantit la liberté de conscience et d’expression à condition que ça reste dans l’opinion dominante ou bien au chaud dans notre tête.

 

12) Quand je voyage dans des pays musulmans, je m’adapte, alors c’est normal que vous vous adaptiez aussi

 

Tu l’as dit toi-même : vous voyagez dans des pays musulmans, où vous êtes étranger.e.s. Moi, je suis citoyenne de ce pays. Et puis tu critiques ces pays, mais tu veux faire la même chose qu’eux, à savoir imposer aux femmes une certaine façon de s’habiller ? Sans oublier que la plupart des pays musulmans n’impose pas le voile, encore moins aux touristes (oui, parce que les pays musulmans ne se limitent pas aux pays du Golfe, Wikipedia est ton ami). De toute façon, j’imagine que tes voyages t’emmènent moins souvent en Iran qu’à Djerba, or ça m’étonnerait que tu aies dû y porter un hijab assorti à ton bikini.

 

13) Ce n’est pas écrit textuellement dans le Coran.

 

Okay, je veux bien discuter d’interprétation religieuse, mais il vaut peut-être mieux qu’on parte avec les mêmes bases. Quand je discute avec quelqu’un qui a une foi différente de la mienne, j’ai l’humilité de reconnaître que cette personne a très probablement plus de connaissances que moi dans ce domaine. Et de mon côté, je me réserve le droit de ne pas donner beaucoup de poids aux arguments « religieux » de quelqu’un qui, loin de présenter les années d’étude et la maîtrise de l’arabe coranique nécessaires pour émettre des avis religieux, n’a même pas des connaissances de BASE. Parmi celles-ci, le fait que les musulmans s’appuient sur deux sources principales, le Coran ET la Sunna (la vie et les paroles rapportées de Muhammad). Si tu ne sais même pas ça, tu peux servir ton exégèse bidon sur les plateaux télé, mais moi je ne vais pas apprendre la physique quantique avec un élève de CM2.

 

14) « Ici on ai en France rantré ché vous !!! » (citation authentique)

 

Tiens, c’est marrant, ça nous fait un point commun : notre pays à tou.te.s les 2, c’est la France. Par contre, j’espère franchement que la ressemblance s’arrête là.

Allez, bisous !

 

 

Crédit photo de couverture : traitspourtraits.tumblr.com

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(Dé)construction

10 anecdotes qui prouvent qu’enlever mon hijab ne me débarrasserait pas des préjugés

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On me dit régulièrement que si j’en ai marre des discriminations, je « n’ai qu’à » enlever mon foulard. Ah ben oui, c’est une super solution, d’ailleurs les Noirs n’ont qu’à devenir blancs et les homos n’ont qu’à devenir hétéros. Au-delà de cette aberration, même si je pourrais techniquement enlever mon hijab, il est naïf de penser que cela suffirait pour être débarrassée des préjugés.
Le jour où j’ai commencé à porter le hijab n’a en effet pas été le début de mes déboires. En témoignent ces anecdotes, qui sont loin d’être exhaustives, mais ont toutes le point commun de m’être arrivées avant que je porte le hijab. Bref, bienvenue dans la vie d’une jeune femme maghrébine en France.

 

1. Les questions pour savoir si mon père était « sympa »

Dis, Emnus… J’ai récemment lu « Mariée de force » et « Brûlée vive ». Du coup je me posais une question … Ton père, il est sympa quand même ?

Lui, il est très sympa. Moi par contre, je risque de l’être un peu moins.
 
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2. Mes profs ou collègues qui confondaient mon prénom avec celui de l’autre fille maghrébine

Vous savez, celle qui ne me ressemblait pas du tout, avait une personnalité et un comportement aux antipodes des miens, et un prénom totalement différent.

C’est quand même fou de réussir à différencier des centaines de lycéen.ne.s aux noms et aux looks similaires, mais de ne pas distinguer les DEUX filles avec des cheveux noirs bouclés et un prénom qui a tout au plus le A final en commun.

 

3. L’impression de venir du pays d’Aladdin

Alors, tu viens d’où, en fait ? D’Arabie ?

[Là je me rends compte qu’elle ne se fout pas de moi et qu’elle est sérieuse.]

« Mmh en fait, « l’Arabie », ça n’existe pas. Au mieux tu as l’Arabie Saoudite, mais c’est UN pays parmi plein d’autres. Moi, je viens de Tunisie.

– Ah … Alors, euh… Vous parlez quelle langue, là-bas ? Le tu…ni…sien ? »

La réponse, c’est l’arabe, mais franchement, j’ai peur que ça t’embrouille encore plus.

« Excuse-moi, je voudrais envoyer une photo de cette calligraphie arabe à mes amis. Tu peux me montrer le drapeau du pays où on parle arabe ? »

 

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Ben c’est pas compliqué, c’est l’Arabie. C’est un immense et merveilleux désert, où la danse du ventre vous hypnotise, où on achète les femmes contre des chameaux, et où on se déplace en tapis volant. C’était un peu trop compliqué de distinguer la quinzaine de pays arabes, alors ils ont décidé de se réunir en un pays unique. Ils font des vols directs vers Agrabah, tu devrais y aller, c’est une ville sympa.

 

4. La fille à la fac qui m’a demandé de quel pays je venais pour mon semestre d’échange

« Alors, t’es en échange universitaire ? Tu viens d’où ?

– Euh… Non, je suis pas en échange, je suis française.

– Ah bon, t’es pas une étudiante internationale ? Je croyais… T’es née en France alors ? [Vas-y, cache ta déception.]

– Non plus.

– Ah ! [Elle retrouve son intérêt et réfléchit.] Donc … tu t’appelles Emnus, t’es pas née en France, mais tu te définis comme Française ? C’est intéressant, ça !»

Seriously ? C’est plutôt moi qui devrais t’emmener dans mon labo pour étudier un cas pareil.

 

5. Ma correspondante mythomane qui disait que je la forçais à jeûner pendant Ramadan

Et mon lycée qui ne s’est pas senti obligé de vérifier sa version, ni même de me prévenir que j’étais désormais exclue de tous les échanges futurs. Bande de navets atrophiés (ouais, je suis comme ça, moi, faut pas me chauffer).

 

6. Certains mecs avec des conceptions pour le moins… intéressantes

« Jasmine », « princesse orientale », « gazelle du désert »… Il paraît que ça se veut flatteur. Sauf que quand le reste du discours révèle surtout une envie de rajouter une conquête exotique à leur tableau de chasse, merci mais non merci.

« Tiens, j’ai jamais eu de copine arabe ! »

 

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Cool ta vie, mais je ne suis pas une case à cocher sur une liste d’ethnicités pour dire « une Arabe : check », donc va chercher ailleurs.

Parfois, le fait d’être issue de parents mixtes me réservait aussi de jolies surprises. Comme ce mec qui m’a abordée en pensant que j’étais Italienne. Quand je lui ai révélé l’effroyable vérité, il m’a dit avec le sourire du capitaine Crochet : « Ah ouais, okay… J’ai voté FN, tu sais ».

Cool, on peut être Roméo et Juliette, alors ?

 

7. Les gens qui débattaient sans cesse pour savoir si j’avais l’air arabe ou non

Non mais ça va, toi t’es pas trop typée !

Euh… Pourquoi tu le dis sur le ton d’un compliment ?

 

8. Les gens qui croyaient déjà toutes les bêtises que je racontais

Mon grand classique, c’est de dire que j’ai égorgé un mouton dans ma baignoire. Et si je suis vraiment en forme et que mon interlocuteur.trice est crédule, j’ajoute que je me suis fait un gilet avec la peau. C’est un bon baromètre pour savoir si la personne en face de moi a déjà rencontré des musulman.e.s ou si sa seule source d’informations est BFM. Depuis que je porte le hijab, autant vous dire que je m’en donne à cœur joie avec mes histoires de Cosette.

 

9. Les gens (et oui, encore eux) qui imaginaient un destin assez linéaire pour moi

Alors toi, à la fois ch’ti et arabe, tu vas te marier avec un cousin, c’est sûr ! 

Attends, je dois reprendre mon souffle tellement j’ai rigolé. Mais je t’assure, Ryan Gosling et moi n’avons aucun lien de parenté.
 
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10. Les vigiles qui me tenaient compagnie dans les magasins

Il y a l’énième fois où les vendeuses dans un magasin de cosmétiques étaient trop occupées à me suivre pour voir la blonde bourgeoise en train de glisser du mascara dans sa poche. La fois où, dans une grande librairie, le sentiment d’être regardée m’a brusquement fait relever la tête du livre que je feuilletais, pour rencontrer le regard du vigile qui m’observait tranquillement, accoudé sur la rampe d’escalier. La fois où j’ai été incroyablement soulagée de découvrir que l’homme qui me fixait dans les miroirs du magasin et se cachait entre les rayons pour me suivre n’était pas un psychopathe qui allait me violer dans une cabine d’essayage, mais un agent de sécurité en civil (sécurité, c’est exactement le mot qui reflétait mon sentiment).
 
A l’époque, je crois que je me disais : « De toute façon, même si je décide de porter le foulard, j’ai déjà droit à ce genre de bêtises, et toutes les autres. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de plus ? »

Eh bien maintenant, je peux le dire : il peut y avoir beaucoup, beaucoup plus !

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(Dé)construction Nos Voix

Les 10 personnages récurrents de ma vie de femme voilée

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Avec mon foulard sur la tête, je me suis rendu compte que beaucoup de gens gravitaient autour de moi : ils parlent de moi, se soucient de moi, veulent m’aider à mener ma vie – bref, que du bonheur. D’autant plus que (presque) tous ces gens font tout ça pour moi, bien évidemment. Voici les portraits-types des quelques personnages qui reviennent régulièrement dans ma vie, que je les y aie invités ou non…

 

1) La féministe qui ne voit pas le paradoxe dans le fait de dicter à une autre femme ce qu’elle doit faire

Mais non, c’est pour ton bien. Je suis juste tellement heureuse d’avoir trouvé la vérité absolue que je veux partager ce bonheur avec toi. Je ne vais pas te laisser tomber. En fait, je ne vais pas non plus te laisser respirer.


Le féminisme de la troisième vague : le choix de faire le « bon » choix. 

 

« Je pense que les femmes devraient avoir le droit de choisir ce qu’elles font de leur corps !

Enfin… Sauf si elles choisissent de faire de la chirurgie esthétique, de raser leurs poils pubiens, d’être mère au foyer, de ne pas allaiter, d’être travailleuse du sexe ou mannequin, de porter le voile, ou de faire toute autre chose que j’ai décrétée oppressante pour les femmes.

Certaines femmes ne savent tout simplement pas ce qui est bon pour elles ! »

 

2) Le.la Maghrébin.e qui veut être plus royaliste que le roi et qui pense que me rejeter l’intégrera mieux dans la société

 

… Sauf que même si tu es considéré.e comme un.e gentil.le Maghrébin.e, tu seras toujours un.e Maghrébin.e – c’est la triste réalité et j’en ai fait l’expérience pendant toutes les années où je ne portais pas le foulard. Sans compter que si vous vous débarrassez de nous, c’est toi qui seras le plus différent.e et donc à la marge, coco, alors, réfléchis bien à ce que tu défends comme projet de société.

 

3) Le beauf de base qui pense que les mots « musulman.e » et « arabe » sont interchangeables

 

Au passage, les Arabes représentent seulement 20% des musulman.e.s de la planète, et le plus grand pays musulman du monde est l’Indonésie. Désolée si cette découverte vous fait un point commun avec le beauf de base… Oups 😉

 

 

4) La personne qui veut interdire mon foulard pour me protéger et me libérer

 

… Mais qui, bizarrement, me traite généralement en coupable et est beaucoup plus prompte à s’en prendre à moi qu’à mon prétendu oppresseur. En même temps, c’est vrai qu’ils font peur, ces mecs arabes, alors mieux vaut ne pas prendre de risques…

 

5) Une de mes préféré.e.s : la femme qui me voue un mélange de fascination et de répulsion

 

C’est celle qui me regarde du coin de l’œil quand je fais les magasins et qui détourne les yeux dès que nos regards se croisent, mais qui a encore la mâchoire à moitié décrochée. Le moindre truc que je fais comme elle lui semble incroyable – y compris faire du shopping, apparemment.

Elle aime bien les histoires du genre « Jamais sans ma fille » et doit s’imaginer que je vis dans un HLM transformé en harem, où je fais la danse du ventre et cuisine du couscous toute la journée pour mes 20 gosses. Elle pense me faire peur en parlant de suppression des minima sociaux, alors que mes cotisations salariales paient son arrêt maladie, la retraite de son oncle et le chômage de sa voisine.

 

6) Le politicien qui a bloqué toutes les propositions de loi punissant plus sévèrement le harcèlement sexuel, couvre ses confrères accusés d’agression sexuelle, ferme les yeux sur les violences conjugales et les 75 000 viols commis chaque année en France, fait des blagues graveleuses aux journalistes, siffle sa collègue parlementaire parce qu’elle est en robe, préfère payer des amendes plutôt que de respecter la parité dans son parti, ne fait rien pour l’application de la loi sur l’égalité des salaires… mais qui se passionne tout d’un coup pour les droits des femmes et l’égalité des sexes.

 

Parce que vous le valez bien.

5-vous-le-valez-bien

 

7) La personne encore un peu enfermée dans ses représentations néo-coloniales et qui voit en moi une victime de plus à sauver

 

– Euh… Non mais j’ai cédé à rien du tout, c’est moi qui ai voulu le porter, ce foulard !

Eh oui, parce que parfois, j’ai l’impression de penser ou vouloir quelque chose, mais heureusement, il y a toujours quelqu’un pour me dire ce qu’il y a VRAIMENT dans ma tête. Merci, Maître.

 

8) Le pseudo-intellectuel qui connaît mieux l’islam que les musulman.e.s

 

Aaaah, en fait il n’y a qu’une seule bonne interprétation de l’islam, et il se trouve que c’est toi qui en détiens la clé ? Et donc, les femmes n’ont pas besoin de porter le hijab ? Mince, tout ce temps où je me suis embêtée pour rien ! Merci pour l’info, en tout cas, il vaut mieux tard que jamais.

 

9) La personne qui se veut ouverte mais qui pense que mon identité est un fardeau dont il faut me débarrasser

 

« C’est vraiment dégueulasse, cette discrimination envers les musulman.e.s. Alors que vous avez juste besoin d’un peu de temps pour vous intégrer et vous libérer de vos traditions. Même toi, tu verras, tu arriveras à enlever ton voile. Allez, tu peux me le dire, je suis de ton côté, moi : c’est ton père ou ton frère qui te l’impose ? »

 

10) Mes coreligionnaires qui pensent que je suis censée être devenue une sainte du jour au lendemain

 

Mmh oui, effectivement, je suis humaine, j’ai des défauts, des faiblesses et des contradictions. Autre chose ?

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Pourquoi le slogan « ni voilée ni violée » me révolte

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Un soir de semaine comme les autres. Je sors du métro, une longue journée dans les pattes, quand mon attention est attirée par une petite vignette collée sur la vitre de la bibliothèque en bas de chez moi.

 

Ni voilée, ni violée – Touche pas à ma sœur

 

Je me frotte presque les yeux pour vérifier que j’ai bien lu. Alors que je reprends ma route, les mots résonnent dans ma tête.

Surtout, une question me laisse perplexe… Comment peut-on comparer mon voile à un viol ?!

Je m’imagine la réunion où ce slogan a été choisi. La personne qui a trouvé ce brillant jeu de mots a dû être toute contente d’elle : « Hé, écoutez, j’ai une trop bonne idée ! Voilée, violée, on inverse les lettres, vous avez capté ?! »

clap clap source : https://media.giphy.com/media/gRxjhVNfFgqI0/giphy.gif

Ouais, j’ai capté. Mais il y a certaines choses que toi, tu n’as apparemment pas bien comprises alors ouvre grands tes yeux et tes oreilles, je vais t’expliquer.

 

1. Il y a une chose qu’il va falloir se mettre dans la tête : mon voile, je l’ai choisi.

(J’ai mis le mot en gras, italique, et surligné, mais s’il y a une option pour l’écrire avec un néon rouge qui ressorte de ton écran en 3D, je suis preneuse aussi.)

 

Comparer une de mes décisions les plus intimes et les plus convaincues avec la violence absolue qu’est un viol, cela me blesse tout autant que cela me choque pour les victimes de viol.

Tu peux très bien ne pas comprendre ce choix, le désapprouver, le trouver ridicule, choquant ou pathétique si ça occupe bien ta vie de juger celle des autres. Là n’est pas la question : je l’ai choisi et je ne suis donc pas victime d’un quelconque homme qui aurait « violé » ma liberté.

Je ne suis pas non plus « forcée sans m’en rendre compte », soumise à un système oppressant, ou lobotomisée par mon éducation. A l’époque où j’ai décidé de porter le hijab, ce foulard qui couvre les cheveux et le cou, j’étais la seule dans ma famille et quasiment la seule dans mon entourage. Ca ne sert à rien de chercher quelqu’un qui m’aurait influencée dans ce sens puisqu’au contraire, je nageais à contre-courant. Je te laisse le temps de digérer le choc, car je sais que c’est difficile à envisager dans ta conception du monde où les femmes voilées sont forcément des idiotes qui se laissent dominer ou manipuler.

 

Crédit photo : Emna H.
Crédit photo : Emnus

 

J’ai pourtant bien l’impression que ma cervelle et mon esprit critique sont à peu près en état de fonctionnement ; et j’ai même le sentiment que sur les centaines de milliers de femmes qui portent le hijab en France, je ne dois pas être la seule. Les études académiques menées à ce sujet démontrent d’ailleurs que mon parcours n’est pas « l’exception qui confirme la règle » mais plutôt ladite règle. Après, si tu veux t’accrocher à ta condescendance et à ta conviction que tu sais mieux que nous ce qui se passe dans nos têtes, libre à toi.

Je ne sais plus dans quelle langue il faudrait que je m’exprime pour que tu comprennes que pour moi et tant d’autres femmes en France, porter le voile est un choix individuel, libre et réfléchi.

 

2. Un foulard sur la tête, c’est comme un rapport sexuel : en soi, ce n’est ni bien, ni mal. Tout dépend des circonstances. De l’intention. Du consentement.

 

Bah oui, puisque tu as l’air d’aimer les comparaisons graveleuses, je vais rester dans ton registre : qui sait, peut-être que tu comprendras mieux. Un viol, c’est un rapport sexuel forcé. Est-ce que cela veut dire que tous les rapports sexuels sont mauvais et à bannir ? Non. Un rapport sexuel voulu n’est pas comparable avec un rapport sexuel forcé.

 

Lallab Femme musulmane #Lallab
Crédit photo : South park studios

 

De la même manière, un voile porté par choix personnel n’est pas comparable avec un voile porté de manière contrainte. Alors si tu tiens à ta métaphore sexuelle, ne compare pas mon expérience avec le hijab à un viol mais plutôt à une nuit d’amour, de tendresse et de passion. Tu seras plus proche de la réalité.

Au moins, sois plus précis.e dans tes propos. Peut-être que tu voulais dire « ni voilées de force, ni violées », ça aurait déjà un peu plus de sens (t’as vu, je suis sympa, je t’aide même à mieux t’exprimer). Effectivement, pour certaines femmes, le voile est quelque chose de subi.

Mais je te vois venir avec tes gros sabots, alors n’essaie pas de me faire porter la responsabilité de ce qu’elles vivent, ou de me dicter la manière dont je devrais être solidaire avec elles. Car nous ne sommes pas en opposition les unes avec les autres : au contraire, bien que les pressions que nous subissons soient différentes et parfois opposées, nous menons le même combat pour affranchir notre corps de toute tentative de contrôle.

 

3. Ma « sœur », mon « frère », ta volonté de me protéger est bien aimable mais je me passe volontiers de ce genre de famille.

 

C’est vrai, c’est sympa de prendre ma défense comme ça. Enfin, quelqu’un me tend la main et me prend sous son aile, moi qui n’ai pas les ressources pour savoir ce qui est bon pour moi et m’élever contre ceux qui m’oppriment. « Touche pas à ma sœur »… En éternelle victime, j’apprécie que quelqu’un ait le courage de s’interposer entre moi et… euh, bah moi-même du coup, puisque c’est moi qui m’inflige cette atroce condition de femme voilée.

… C’est peut-être ça que tu aimerais entendre. Parce qu’il faudrait que je te remercie de t’improviser en brigade de défense, alors que je ne t’ai rien demandé  et que tu me fais plus de tort qu’autre chose en renforçant les préjugés sur moi ? Dommage, tu es tombé.e sur une ingrate qui ne veut ni qu’on lui ouvre les yeux, ni qu’on l’aide à soi-disant se « libérer » de son voile. Parce qu’en réalité, c’est lui qui me libère – des préoccupations futiles ou égocentriques, de la course sans fin au paraître, des diktats qui imposent aux femmes à quoi leur corps devrait ressembler et quelle quantité elles devraient en montrer.

Malheureusement, ta fraternité ou ta sororité manque de respect et de considération à mon goût – pour moi, mes choix et mes capacités intellectuelles. Au lieu de parler à ma place, tu ferais donc peut-être mieux d’écouter ce que j’ai à dire. Parce qu’au fond, de l’aide, j’en veux bien : pour combattre l’ignorance et les préjugés qui en découlent, les interprétations fallacieuses de la laïcité, les dérives populistes, et bien d’autres choses encore. Mais ni mes sœurs de foi ni moi n’attendons ta bénédiction pour nous défendre et agir. A mille lieues des victimes que tu vois en nous, je peux te dire que pour porter le voile dans ce pays, il faut une bonne dose d’inventivité et d’optimisme, et surtout une sacrée force de caractère. Alors sois-en sûr.e, on est des vraies femmes Barbara Gould et on n’a pas besoin que quiconque nous prenne en charge.

 

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Diffuse la bonne parole

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