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(Dé)construction

L’engagement des femmes marocaines du Women SenseTour, un élan du cœur

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Dans le cadre du parcours bénévole organisé par Lallab, je fus conviée le jeudi 20 octobre 2022 à la projection du film documentaire « Women SenseTour in Muslim Countries », épisode 1 sur le Maroc sans imaginer à quel point j’allais être bouleversée par ces récits de cœur.

 
Sarah Zouak raconte son incroyable aventure dans le 1er épisode de cette série de cinq, réalisé avec Justine Devillaine. Sarah Zouak, réalisatrice, entrepreneuse sociale, co-fondatrice et directrice de Lallab, est partie à la rencontre de femmes engagées à travers le Maroc. Des femmes marocaines plurielles, vivant en ville ou à la campagne, ayant fait des études  ou non, et qui, sans parfois en avoir conscience, ont décidé de livrer un combat sans fin pour le respect de leurs droits.

 

Avant même le début de la projection, une question me taraudait : pourquoi ? Pourquoi, décide-t-on de consacrer sa vie aux autres ? Comment parvient-on à faire ce choix, quelles sont les motivations ? J’obtenais ma réponse dès les premières minutes de visionnage…

 Crédit : @dalal.tmr

 

Une expérience de vie traumatisante comme point de départ

Le levier d’action était toujours semblable : une expérience personnelle saisissante et insoutenable. Aïcha Ech-Channa, Nora Belhacen Fitzgerald, Maha Laziri, Khadija Elharim et Asma Lamrabet disaient toutes la même chose : aider, militer n’était pas une voie sciemment choisie, cela s’était comme imposé à elles. Un jour, la misère, l’injustice, la colère et l’intolérable étaient venus frapper à leur porte. À partir de là, leur cœur avait été touché, meurtri, et il était devenu vital de réagir.

 

 
Maha Laziri, co-fondatrice et présidente de l’association Teach4Morroco à Meknès, a, quant à elle, eu le déclic au détour d’une rencontre avec, selon ses termes « une magnifique petite fille » dans le village d’Ischbaken (Haut Atlas). Frappée par la beauté singulière de la petite Hajer, Maha conjure ses parents d’adopter la petite fille et de lui donner l’instruction « qu’elle mérite en raison de sa grande beauté ». Son père, en colère, lui apportera, en réponse, deux enseignements. Le premier : la beauté ne doit pas être un critère qui donne droit à une éducation, celle-ci doit être souhaitable pour tous. Le second : on ne peut pas arracher un enfant à son environnement. Il faut l’aider à l’endroit exact où il se trouve. Une véritable leçon de vie à l’origine de la fondation de Teach4Morocco, dont l’un des premiers projets a été la rénovation de l’ancienne école de la petite Hajer.
 

 
La prise de conscience de Nora Belahcen-Fitzgerald, fondatrice de l’association Amal, un restaurant à Marrakech au profit des femmes issues de milieux défavorisés, se fit avec la visite de son amie américaine au Maroc. Cette dernière fut choquée et indignée devant le nombre de mères vivant dans la rue avec leurs enfants. Touchée par le regard de son amie, Nora décide de délaisser ses préjugés et d’ écouter leurs histoires. L’association Amal verra le jour quelques mois plus tard.
 

 
Pour Khadija El Harim, vivant dans un petit village de la vallée d’Ammeln, co-créatrice de l’association « Féminine pour le Soutien Social », et de l’association et coopérative« la Préservation de l’Arbre d’Arganier », c’était différent : ce fut une expérience de survie personnelle qui marqua le début de son engagement.

Première femme divorcée élevant seule ses cinq enfants, celle-ci va être la première à défendre ses droits et ceux des femmes divorcées. À l’origine de son action, un conflit de voisinage qui sera porté au tribunal. Le voisin en tort pour avoir laissé ses bêtes manger les cultures de Khadija va jusqu’à s’en prendre physiquement à elle. Elle comprend alors qu’ensemble les femmes sont plus fortes et décide de les soutenir à son tour à travers son village.
 

 
Enfin, Asma Lamrabet, médecin biologiste et directrice du Centre d’Études et de Recherches sur la question des Femmes dans l’Islam (CERFI) à Rabat, prend conscience de son futur combat au moment où elle découvre une autre interprétation possible du Coran. En effet, cette dernière propose une relecture de celui-ci pour enrayer l’interprétation traditionaliste, rigoriste et patriarcale des savants, et coller davantage à son esprit, juste et libérateur. Elle prône alors un féminisme musulman de troisième voie en défendant notamment, la conception égalitaire du divorce (les deux époux peuvent en faire la demande), ainsi qu’en démontrant que le Coran encourage fortement à la monogamie.

 

Des valeurs d’humanité et de solidarité comme ressources premières

À la fin de l’épisode, j’ai réalisé où et comment ces femmes marocaines puisaient leurs forces : dans le cœur, l’empathie, la foi, l’intolérable et parfois même la survie. Passé la douleur et la prise de conscience, la mise en action devait se faire. Il fallait frapper fort, vite et à long terme.
 

 
Aïcha ne supportait plus, chaque année, la mort de centaines de nourrissons nés hors mariage au Maroc ; les « ould haram », traduit en français par « bâtards ». L’humanité devait primer. Celle-ci dira – en substance – que la vie humaine, véritable cadeau de Dieu doit être protégée et préservée.

Maha apprit très tôt de ses parents à embrasser une cause plus grande que sa personne. L’éducation deviendra son cheval de bataille.

Nora agissait avec cœur et dans le respect de sa foi musulmane en appliquant au quotidien un célèbre Hadith prononcé par le Prophète Mohamed (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui): « Aucun de vous ne sera croyant jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même » d’après Anas Ibn Malik (qu’Allah l’agrée). Elle nous confiera s’être sentie soutenue par Dieu dès le début de son projet.

Khadija s’est engagée afin de survivre, mais aussi par empathie avec les femmes divorcées qui subissaient la même chose qu’elle.

Enfin, Asma était motivée par l’injustice du sort des femmes de son pays. Il devenait vital d’endiguer les conséquences néfastes d’une justice basée sur une lecture biaisée du Coran.

 

Une expérience saisissante que je n’oublierai pas

Quand les lumières se sont rallumées, j’ai ressenti une profonde admiration envers ces femmes, maghrébines comme moi, qui avaient décidé de prendre le taureau par les cornes et d’agir. Je fus fière qu’une femme telle que Sarah Zouak, fasse le choix de nous montrer ces véritables figures féministes auxquelles on peut désormais s’identifier.

Des personnalités si différentes les unes des autres, mais animées par le même amour de l’autre ; car secourir l’autre, c’est aussi se secourir un peu soi-même.
 

 Crédit : @dalal.tmr

  
Un projection débat du documentaire aura lieu le vendredi 10 mars 2023 à 18h30 à la Maison de Quartier Petit Ivry (44 rue Jean le Galleu, 94200 Ivry sur Seine). Lallab lancera également à cette occasion ses programmes d’éducation populaire POUVOIR pour reprendre le pouvoir face aux oppressions sexistes, racistes et islamophobes. Vous pouvez vous inscrire au 01 72 04 66 06

Crédit photos à la une et portraits : Sarah Zouak

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Portraits

Djihene Abdellilah : une femme, une histoire, des combats, et des victoires

Djihene Abdellillah est une femme qui a fait de son corps sa force, de sa vie un combat et de ses épreuves des victoires. Sportive de haut niveau elle a toujours su trouver sa place dans un monde masculin. Ce monde d’homme où la femme doit s’imposer, qu’elle a su changer par sa force physique, sa force de caractère et son mental. Une femme engagée qui écrit son histoire et nous apprend à nous, étudiant.e.s à trouver notre place ; à nous, femmes, musulmanes ou non, racisées ou non, à nous imposer, à nous battre tous les jours pour nos droits et nos libertés, et faire entendre nos voix.

 

Djihene est passionnée de sport depuis son plus jeune âge, un milieu dans lequel elle grandit, trouve peu à peu ses marques et prend sa place. Elle découvre le sport de combat lors de ses études supérieurs et devient une passionnée de boxe, de MMA et de Grappling. Des arts martiaux qui deviennent rapidement sans secret pour elle et dans lesquels elle excelle et y remporte une dizaine de titre dont le titre de championne du monde de Grappling en 2014 et championne de France de MMA. Malgré des problèmes de santé qui auraient pu l’empêcher de réaliser ses rêves et d’accéder à ces championnats, et face à des médecins catégoriques, lui disant de faire une croix sur le sport, sa force et sa résilience la pousse à participer aux championnats qu’elle remporte haut la main. « On ne nait pas vainqueur on le devient. » Ainsi, cette phrase prend tout son sens. Elle est considérée comme précurseure des sports de combats en France et marque l’histoire du sport, mais aussi l’histoire de l’enseignement car elle est la première à avoir introduit et enseigné les sports de combat dans les lycées et les universités- la Sorbonne notamment.

 

« On ne nait pas vainqueur, on le devient », Djihène

 

 

Femme sportive mais aussi très engagée sur la question des violences faites aux femmes, Elle crée en 2020 la Djihene Academy. Une association qui a pour objectif de démocratiser la pratique des sports de combat dans les milieux féminins. A travers cet engagement, elle veut redonner du pouvoir aux femmes en leur apprenant des techniques d’auto-défense pour pouvoir faire face à de quelconques agressions. Un engagement qui consiste à redonner la place aux femmes dans l’espace publique, leur redonner confiance en elle et leur montrer que même dans cet univers très masculin et fermé par la société, les femmes ont leur place autant que n’importe qui. Elle est engagée aussi sur d’autres causes féministes comme l’endométriose, au sein de l’association Endomind, pour qui elle est marraine. Une cause qui lui tient à cœur et pour laquelle elle s’engage afin de sensibiliser la société sur les questions de santé en démocratisant et faisant connaître la maladie de l’endométriose tout en permettant des recherches sur cette maladie encore méconnue du grand public et à laquelle nous ne donnons pas assez d’importance.

 

« Cette opération me permet de réunir deux choses qui me tiennent à cœur : la place des femmes dans la société et puis la pratique du sport comme élévation sociale » – Djihene

 

 

Avec un parcours aussi inspirant qu’enrichissant, Djihene est l’une des premières femmes racisées que je découvre dans le milieu du sport, en tant qu’étudiante. Je la rencontre à la Sorbonne, où elle a été ma professeure pendant quelque mois. J’ai alors découvert une femme imposante qui nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes et surtout à dépasser nos limites. Elle devient pour plusieurs étudiant.e.s un modèle de femme puissante, auquel j’ai pu m’identifier. Elle nous fait découvrir, nous partage et nous transmet sa passion à travers ses cours. Au-delà de la technique, des méthodes et du sport, elle nous transmet aussi son état d’esprit, nous apprend à nous imposer, à prendre la parole et de la place tout en étant performant et en donnant notre maximum, sans jamais lâcher.

 

« Mon métier […] c’est d’accompagner mes élèves dans leurs projets, pour moi c’est super important » – Djihene

 

 

Je l’ai aussi rencontrée à des ateliers d’auto-défense physique, lors des lallabday . C’est lors de ces ateliers que j’ai découvert la seconde casquette de Djihene : son engagement pour la cause des femmes. Une femme douce mais tout aussi déterminée qui a su mettre des mots sur des problèmes que vivent les femmes au quotidien dans nos sociétés. Elle nous a mis face à notre réalité pour mieux comprendre la raison de cet atelier. Djihene nous a appris des techniques d’auto-défense assez simples et facilement réalisables mais elle nous a surtout appris à occuper l’espace, à nous imposer et ne pas avoir peur face à de potentiels agresseurs, parce que nous sommes capables de nous défendre. Car se défendre c’est aussi prendre conscience de son corps et de sa force. La peur doit changer de camps, la société aussi.

 

Crédit photo : @chrisetnico

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(Dé)construction

La foi au service de la résistance, la spiritualité au service de la résilience

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Quelle est notre plus grande force ? À nous, militantes féministes musulmanes ?
C’est devant le film « Derrière les fronts : résistance et résilience en Palestine » que je me suis rappelé que cette force, c’était notre foi.

 

À mesure que retentissent les voix, les paroles musicales de Sanaa Moussa, Julia Boutros ou Shadia Mansour, à mesure que défilent des images imprégnées de l’âme palestinienne, Alexandra Dols nous emporte . Militante féministe anti-impérialiste, réalisatrice, Alexandra Dols nous emmène avec elle à travers un chemin périlleux, un chemin qui a peut-être été risqué, mais qui nous offre un petit bout de divin ici-bas. Un petit bout de divin. Le Sublime.

 

En ces temps parfois difficiles où tout ce système nous pousse à nous mettre en retrait et à invisibiliser nos luttes, il y a cette petite voix intérieure qui nous enflamme  et nous permet de continuer.

 

Continuer, ne rien lâcher, et cela, en toute sororité. C’est ce qu’Alexandra Dols met merveilleusement en avant à travers les combats queers, féministes et décoloniaux de puissant.e.s palestinien.ne.s qui luttent contre l’occupation.

 

Assoiffés de justice et emplis d’injustices, les territoires palestiniens dégagent malgré tout une magnifique atmosphère rythmée par les adhan et les chants spirituels, la simplicité, l’essentiel. Car il ne reste plus que ça, n’est-ce pas ?

 

La Paix du divin devient la seule à laquelle on peut se raccrocher. 

 

Mettre leur foi au service de la résistance, c’est ce que font les nombreuses femmes interviewées qui conjuguent féminismes et islamité :

 

Samah Jabr, experte, psychiatre, nous explique en quoi la colonisation des territoires est aussi une colonisation mentale, affectant la santé des palestinien.nes. Elle aide ses patient.e.s à se désaliéner, à décoloniser leur état d’esprit malgré les nombreux traumas sans cesse revivifiés. Les questions de santé mentale, de self care et de community care s’entremêlent et rejoignent, également les questions d’héritage, de transmissions.

 

 

Ainsi, comment peut-on affirmer et conjuguer ses multiples identités, sans jamais renoncer à l’une d’entre elles comme son identité palestinienne ? Ghadir Al Shafie, femme à la fois palestienne, musulmane et lesbienne, nous mène vers ces réflexions à travers la lutte contre l’occupation et le pinkwashing présent en territoires occupés.

 

Comment fait-on pour résister dans ce contexte ? Pour lutter contre les violences policières, protéger ses enfants, survivre face à cette peur qui nous ronge et nous empêche de véritablement souffler ? C’est ce que nous démontre Deema Zalloum mais aussi Rula Abu Diho, ancienne prisonnière politique.

 

À travers le regard d’Alexandra Dols porté sur cette convergence de luttes, on se sent emporté.e, on est plongé.e, transporté.e, et on a pas envie que ça s’arrête, mais en même temps on peut avoir besoin de pauses.

 

SubhanAllah. 

C’est le premier mot qui me vient à l’esprit, je te jure. D’ailleurs je n’ai même pas capté que le film allait se terminer. J’étais devant, et j’ai vu que c’était la fin mais j’avais pas envie que ça se termine. J’ai pas les mots mais tout ce que je peux dire c’est que c’est hyper poignant. Franchement Bravo Alex, c’est un travail immense, un film d’une tristesse infinie et en même temps d’une puissance et d’une force sans équivalent.J’en reste encore émue et j’ai beaucoup d’admiration pour tout ce que tu as fait et cette merveilleuse psychiatre présente tout au long du film. Toutes les personnes interviewées et leurs témoignages sont juste bouleversants.

 

 

C’est l’art au service de nos luttes, de nos convictions, de nos aspirations, l’art au service de notre thérapie collective.

Tous ces mots, la musique, toutes ces images…. Tout, tout ! SubhAnallah. Il y a une phrase qui m’a beaucoup marquée ; quand la psychiatre dit :

« L’occupation n’est pas seulement un contrôle du territoire. Et s’insinue dans les os et les esprits des Palestinien.ne.s.

 

« Les coquelicots continueront à pousser sous les ruines d’un pont….« 

 

Le son, les images, le déroulé… tout est tellement bien fait. C’est à la fois un film politisé, engagé, très concret, réaliste et qui incarne véritablement nos combats pour la justice, contre toutes les formes d’oppressions.

 

Le peu de films qui m’ont marquée sont quasi tous sur la Palestine…. dont Les Citronniers….

Je pense que Derrière les Fronts, pour moi, c’est clairement un des films les plus marquants.

 

J’ai été particulièrement touchée par ce film. Par différentes formes de tension et de prières.

 

Au début j’avais les bras croisés, je me sentais plutôt en colère… puis je me suis rendue compte que petit à petit j’avais les bras sur le cœur, comme quand tu pries, les mains en dessous de ma poitrine. C’était hyper prenant.

 

Certes c’est infiniment triste et il y a des témoignages durs et en même temps on voit la force qu’il y a derrière, on voit la force de la résistance, celle qui se transmet notamment à travers l’art, la danse.

 

Le film porte très bien son nom, et quelque chose me murmure qu’au-delà même de l’art comme outil émancipateur facilitant nos thérapies, notre foi est au service notre résistance, notre spiritualité au service notre résilience. Ce « sumud » décrit et illustré par ce film n’est pas seulement un état d’esprit mais bien une force immense qui nous pousse à agir.

 

Et je suis sûre que ça peut résonner en chacune et chacun de nous. Nous avons toutes et tous une responsabilité à notre échelle.

 

Me rappelant des souvenirs du Caire et d’Abou Dhabi, des soirées palestiniennes et un voyage en Jordanie, je me demande : pourquoi n’ai-je pas regardé ce film plus tôt ?

 

À la thérapie se mêlent entre autres l’art, la spiritualité et le militantisme. La Beauté. MashAllah

 

Foncez !

 

Mille mercis à Alexandra Dols et à toutes les personnes qui ont contribué à ce film qui ajoute à ce monde ici-bas un petit bout de Divin qui nous laisse tout sauf indifférent.e.s. Un petit bout de Divin qui nous redonne la force et l’énergie, celle de croire, de lutter et d’aspirer à un monde meilleur.

 

Pour aller plus loin : 

10 raisons pour lesquelles le film Derrière les fronts va faire du bien à votre féminisme ! par la réalisatrice Alexandra Dols : https://bit.ly/3az0poh

Pour soutenir et voir le film en ligne : http://derrierelesfrontslefilm.fr

Film en VOD : https://vimeo.com/user44880668

Et si vous voulez découvrir la gastronomie palestinienne, la résistance dans l’assiette c’est par ici, chez Ardi : https://www.instagram.com/ardi.concept.store/?hl=en

Voir l’article sur Rania Talala : http://www.lallab.org/rania-talala-la-resistance-palestinienne-dans-lassiette/

 

Crédit photo à la Une : HybridPulse

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Communiqués

[Communiqué] Notre silence ne nous protégera pas : les violences sexistes et sexuelles dans les milieux militants ou religieux ne doivent plus passer sous silence

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Communiqué Lallab

Lorsque nous luttons pour nos droits au sein de la société, nous luttons pour notre émancipation et notre libération sans condition, dans tous les pans de notre vie. Nous nous efforçons de construire une société meilleure où nos voix sont entendues, nos douleurs estompées et notre dignité respectée. Partout, jusque dans notre intimité, car faut-il encore le répéter : le privé est profondément politique.

Les violences sexistes et sexuelles que nous subissons sont un problème politique et social. Ce sont des violences systémiques, au même titre que les violences racistes et islamophobes. Elles découlent de systèmes oppressifs et doivent être adressées en tant que telles, en tant que violences à combattre au nom de la lutte pour la justice dont nous nous réclamons tant dans nos environnements militants.
Ce texte vise à s’opposer plus particulièrement aux violences sexistes et sexuelles perpétrées dans nos espaces de luttes et de résistances ou les milieux religieux que nous fréquentons. A la retenue, plus ou moins fermement suggérée, car il serait mieux de “laver notre linge sale en famille” ; au silence recommandé afin de “ne pas trahir la cause commune” ; à la peur d’une instrumentalisation islamophobe, nous répondons que nous refusons de perpétuer des logiques de domination et d’intimidation. Nous le savons, car Audre Lorde, essayiste, poetesse et militante féministe afro-américaine et lesbienne nous l’a appris : “notre silence ne nous protégera pas”.

Régulièrement, des témoignages de violences sexistes et sexuelles émergent. Nous l’avons vu avec le témoignage bouleversant de Sarah publié dans Saphirnews, victime d’agressions sexuelles par l’imam de Montpellier ou encore par les demandes de soutien que nous recevons chez Lallab ou que reçoivent d’autres associations féministes amies.
En 2018, le collectif Femmes en Lutte 93 écrivait déjà ce texte très courageux “Soutien aux victimes de violences sexistes dans les milieux militants”.

Le plus souvent, ces histoires impliquent des personnages respectés voire vénérés – généralement des hommes – qui sont accusés d’actes horribles de violence physique, sexuelle et/ou spirituelle.

Comme l’analysent et l’expliquent brillamment l’association Heart et le collectif “Justice for Muslims”, lorsque les victimes parlent, leurs témoignages s‘inscrivent toujours dans des cycles identiques d’événements et de répétitions des violences, et ce à tous les niveaux de la société :

Les témoignages d’un.e ou plusieurs survivant.e.s sont révélés ; d’autres se présentent pour confirmer l’histoire, et partagent leurs propres histoires de violences, souvent aux mains du même dirigeant ou de la même institution.
Le tumulte de l’entourage de l’accusé commence : on trouve des excuses à l’accusé, on le défend. Les survivant.e.s et leurs défenseurs sont réduits au silence et des preuves sont exigées
L’organisation/communauté tente une solution rapide (c’est-à-dire retirer l’accusé, organiser une formation, etc.) ou, pire, ne fait rien et, comme il n’y a pas de neutralité dans ces situations, se range du côté de l’accusé.
Se répand la narration qui place l’accusé comme véritable victime, visé en raison de son identité ou du pouvoir, de l’argent ou de la réputation dont il dispose. Des dons, soutiens et une plateforme sont toujours fournis à l’organisation et à l’accusé.
Les oppressions au sein de l’organisation ou de la communauté ne sont pas remises en cause et la solution rapide ne permet pas de s’attaquer aux causes profondes de la violence.
Le suivi des survivant.e.s est laissé à un petit groupe de défenseurs, qui sont encore plus vilipendés et accusés de détruire les communautés et les familles.
– Cet incident individuel participe à un processus de silenciation de survivant.e.s qui sont moins susceptibles de se manifester en raison du manque de soutien de la communauté et de l’hostilité active et de la stigmatisation à leur égard.

Et le cycle se poursuit, quelques mois plus tard, parfois avec des acteurs différents (d’autres fois avec les mêmes acteurs) mais avec la même série d’événements classiques. Si nous nous taisons face à cet amas de violences, nous finissons par vivre dans un cycle d’impunité où les victimes, les survivant.e.s sont systématiquement éliminé.e.s et exclu.e.s, et où les systèmes de pouvoir et de privilège sont préservés. Un cycle qui montre la relation qui existe entre la violence interpersonnelle, la violence communautaire, la violence institutionnelle et la violence structurelle.

Se pose donc la question : comment contribuons-nous, en tant qu’individus, en tant que communautés et en tant qu’institutions, à ce cycle de violence ? À quel moment avons-nous le pouvoir de perturber ce cycle ?

Et qui, exactement, trahit la cause pour la justice que nous défendons, lorsqu’une femme dont on soutient publiquement l’accès aux droits, se retrouve mise au ban dans un espace militant ou religieux, car elle a osé dénoncer les agissements de ses pairs ? Les luttes contre le racisme, l’islamophobie et toutes les formes d’oppressions sont avant tout des luttes pour la dignité de toutes et tous. Personne ne devrait retrouver sa dignité sacrifiée et reléguée en arrière-plan dans nos milieux.

En tant qu’association féministe et antiraciste, en tant que militantes, en tant que femmes engagées, il est donc de notre responsabilité chez Lallab de briser ces cycles de violences et de nous assurer de la qualité de nos espaces et de faire en sorte que les organisations avec qui nous choisissons de travailler en face tout autant.

Si nous soutenons de toutes nos forces les causes militantes féministes, antiracistes, anticapitalistes et toutes les luttes que cela englobe, défendre coûte que coûte des hommes soupçonnés de harcèlement et d’agressions sexuelles et les organisations qui les protègent, nous semble une aberration qui, elle, dessert la lutte autant qu’elle annihile tous les espoirs que nous portons autour d’une résistance commune.

Il est crucial que ces violences ne soient plus passées sous silence dans nos environnements de lutte. Nous en avons assez que ces milieux ne se responsabilisent pas sur ces questions-là au détriment de nos santés physiques et mentales, et de notre intégrité. Nous voulons pointer du doigt le labyrinthe émotionnel et psychologique dans lequel beaucoup de femmes, victimes de ces violences, se retrouvent, complètement démunies, délaissées par leurs semblables, leurs compagnon.ne.s de lutte, oscillant entre l’enclume et le marteau, entre d’un côté les violences institutionnelles et de l’autre les violences communautaires. Nous devons aussi assumer et déconstruire le sexisme intériorisé auquel, toutes militantes que nous sommes, nous n’échappons pas nécessairement.

Ces situations sont aggravées par le manque de ressources, d’espaces et d’instances ou processus de prises en charge adéquats. C’est, encore une fois, la double peine : pas ou peu de parole possible dans les espaces militants qui ne pensent pas et refusent de voir ces violences, et mauvaise prise en charge au mieux, ou refus d’écoute voire agressions sexistes, racistes ou islamophobes dans les institutions associatives ou publiques lorsque les victimes souhaitent parler.

Notre objectif chez Lallab consiste à faire entendre les voix des femmes musulmanes, ce pour quoi nous œuvrons depuis déjà 5 années. A cet égard, il est aussi important et hautement politique de les écouter attentivement et d’être intransigeantes sur les violences qu’elles subissent, d’où qu’elles viennent, y compris des collectifs militants qu’elles côtoient.

A Lallab, la rédaction de ce communiqué s’inscrit dans un plan d’action plus large pour protéger les personnes victimes de ces violences. Celui-ci passe par :
– L’organisation de groupes de réflexions en interne pour améliorer nos processus d’écoute et de recueil des paroles
– Le développement d’outils et la meilleure intégration des questions de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans nos formations, nos sensibilisations et nos événements, en interne comme en externe à Lallab. Ainsi, dans le cadre du Muslim Women’s day, la journée internationale des femmes musulmanes, qui aura lieu le samedi 27 mars, l’une de nos tables rondes traitera spécifiquement, aux côtés d’autres collectifs féministes, de ces violences sexistes et sexuelles que nous vivons au sein de nos espaces de luttes et communautaires, et nos victoires face à celles-ci.
– La prise de contact avec plusieurs collectifs féministes et antiracistes pour aborder la question des violences sexistes et sexuelles dans les milieux communautaires et antiracistes dans le but de co-construire ensemble une réponse solidaire et commune ainsi qu’une synergie féministe contre ces violences organiser des événements afin qu’ils soient alignés sur nos valeurs.
Nous lançons d’ailleurs un appel à tous les collectifs intéressés merci de nous écrire à hello@lallab.org

En cette journée spéciale qu’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, et comme tous les autres jours du reste de l’année, aux femmes victimes de violences, d’où qu’elles viennent et quelles qu’elles soient, nous apportons et apporterons toujours notre écoute attentive, notre amour ainsi que notre soutien indéfectible.

Crédit photo : Amani Haydar, à retrouver sur son compte instagram

A propos de cette image, l’artiste écrit :

Cette peinture est issue de ma série « Solidarité ».
La série est inspirée par le rassemblement de femmes du monde entier pour partager leurs expériences et leurs histoires à travers le mouvement #metoo et les marches des femmes. Comme le titre l’indique, il s’agit d’une exploration du pouvoir et de la résilience qui surviennent lorsque les femmes travaillent ensemble pour pousser au changement et générer la guérison.
Il peut également être interprété comme une représentation des nombreuses humeurs, émotions et expériences que nous accumulons chacune au cours de notre vie.

This painting is from my Solidarity series.
The series is inspired by the coming together of women across the world to share their experiences and stories through the #metoo movement and women’s marches. As the title suggests, it is an exploration of the power and resilience that comes when women work together to push for change and generate healing. It can also be interpreted as a representation of the many moods, emotions and experiences we each accumulate during our lives.

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Portraits

Retour sur le film Rocks

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J’ai été introduite au film Rocks par son affiche promotionnelle qui a tout de suite attirée mon attention. Cette affiche n’a rien d’extraordinaire en soi, on n’y voit qu’un groupe de jeunes collégiennes qui sourient à l’objectif de la caméra. Sauf que, chose assez peu ordinaire, deux d’entre elles sont visiblement musulmanes. Il s’agit des personnages de Soumaya, jouée par Kosar Ali et de Khadija, jouée par Tawheda Begum. Ce film est le premier long métrage des deux jeunes actrices.

 

 

Le film est réalisé par la cinéaste Sarah Gavron (Les Suffragettes, Rendez-vous à Brick Lane) et écrit par les scénaristes Theresa Ikoko et Claire Wilson. Rocks raconte l’histoire de Olushola, surnommée Rocks, une adolescente britannique Noire vivant à Londres. Un matin, sa mère les abandonne, elle et son petit frère, les forçant ainsi à se débrouiller seuls avec l’aide de leurs fidèles amies.

 

Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. Dans la foire aux questions qui suivit la diffusion du film, Sarah Gavron a annoncé que les actrices ont participé à l’écriture du film pour qu’il soit le plus authentique possible à l’expérience de la jeunesse londonienne. L’actrice Kosar Ali et sa famille furent les consultant.e.s principaux.ales pour les scènes du film représentant la culture Soudanaise.

 

Cette représentation est importante car les musulman.e.s Noir.e.s sont nettement moins représenté dans l’industrie du spectacle que les musulman.e.s d’origine Arabe ou Nord Africains. Les musulman.e.s ne sont pas un monolithe, nous sommes de toutes couleurs et formes et malheureusement notre diversité n’est pas représentée à l’écran.

 

 

 

Les femmes sont plus susceptibles d’être victime de harcèlement sur leur lieux de travail et les risques sont d’autant plus grands lorsque, comme les actrices Kosar Ali et Tawheda Begum, l’on est racisé et de confession musulmane. Mais ces dernières ne retiennent qu’un bon souvenir du tournage. « C’était ma première expérience en tant qu’actrice et c’était incroyable. C’était plus une famille qu’un plateau de travail, » affirma Kosar Ali. « C’était une opportunité incroyable. Je n’aurais jamais pensé faire un jour partie d’un film. Ma famille et tout le monde était si heureux pour moi. Travailler avec ces filles était incroyable parce qu’elles m’ont toutes fait sentir vraiment à l’aise, » ajouta Tawheda.

 

Loin des clichés de la femme soumise ou du dangereux terroriste, on suit ici deux jeunes filles musulmanes avec des rêves et des ambitions et qui sont confrontées aux mêmes difficultés que leurs camarades. Je sais qu’énormément de jeunes filles musulmanes s’identifient à leurs vies. Lorsque leur professeur demande aux élèves quel métier iels aimeraient faire lorsqu’iels grandiront, la jeune Khadija dit vouloir devenir avocate. Sa professeure la décourage en lui répondant qu’elle n’aura jamais le niveau. Elle est alors confortée par ses amies. Ceci est un scénario assez familier pour beaucoup d’élèves et encore plus pour celleux racisé.e.s et de confession musulmane.   

 

Soumaya, quant à elle, est très peinée à l’idée de se retrouver sans ses frères et sœurs vivant désormais en dehors du domicile familial mais elle va devoir se confronter à son privilège social lorsque sa meilleure amie Rocks se retrouve abandonnée par sa mère.

 

Le film est authentique dans les moments de joie tout comme dans les moments de peines. Mais la sororité est présente tout au long du film. Le groupe d’amies, d’origine et de confession différentes, s’entraide et se sort de situations difficiles grâce à leur endurance et leur bienveillance. La réalisatrice a affirmé au Festival international du film de Toronto : « Nous voulions représenter Londres telle qu’elle est. Si vous allez dans les écoles, vous verrez ces groupes d’amitié”. Pari réussi pour Sarah Gavron qui démontre qu’être à l’écoute de l’expérience de ces jeunes filles permet de réaliser un film d’autant plus authentique.

 

Rocks est un drame tout aussi déchirant qu’il est réconfortant. Intimement féministes, les personnages ne vous laisseront pas indifférent.e.s. Il met en vedette de jeunes actrices talentueuses et que nous retrouverons bientôt sur nos écrans, je l’espère. Certes dur concernant les thématiques abordées, le film réussit pourtant à nous mettre le sourire au lèvres grâce à son authenticité rafraîchissante. 

 

 

Références :

TIFF Talks (2019). ROCKS Cast and Crew Q&A | TIFF 2019 https://www.youtube.com/watch?v=Mokj3VV2HR4&t=1829s&ab_channel=TIFFTalks    

Crédit photo : Rocks

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Portraits

Shehnaz Haqqani, au service de la liberté religieuse pour tou·te·s

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Shehnaz Haqqani est professeure à l’université mais aussi blogueuse et youtubeuse. Passionnée par le féminisme islamique, elle partage ses réflexions tout en démocratisant celles de grands noms de ce mouvement, à l’instar de la marocaine Fatima Mernissi, de l’américano-égyptienne Leila Ahmed ou encore de l’afro-américaine Amina Wadud.

 

Du Pakistan à l’enseignement d’études de genre en lien avec l’Islam aux Etats-Unis

 

Shehnaz est née dans le district de Swat, au Pakistan, tout comme Malala Yousafzai. Elle y a grandi jusqu’à ses 12 ans, avant de rejoindre les Etats-Unis, aux côtés de ses parent·e·s. Durant la fin de son adolescence, Shehnaz assistait à des cours islamiques à la mosquée chaque dimanche. « Ce jour était réservé aux femmes mais notre professeure était tellement merveilleuse et encourageante que lorsqu’elle nous a informé qu’elle enseignait le samedi dans une autre mosquée, nous avons commencé à y aller aussi ! ». Shehnaz et sa soeur étaient émues aux larmes lorsque cette enseignante leur affirmait : « mes soeurs, vous n’avez pas à cuisiner, faire le ménage, etc. Cela ne fait aucunement partie de vos obligations en tant que femmes musulmanes ». Cela a constitué un déclic pour Shehnaz, découvrant la possibilité d’un féminisme basé sur les écrits religieux.

 

 

Shehnaz Haqqani, durant une conférence. Crédits : Fernando Ferraz, The Ithacan

 

 

Durant ses premières années d’université, la jeune femme lit les travaux d’Amina Wadud, de Fatima Mernissi et de Kecia Ali. Il s’agit d’un véritable bouleversement. « Je me suis rendue compte qu’à la mosquée, ma prof enseignait une sorte de “patriarcat bienveillant”, même si je lui suis éternellement reconnaissante de m’avoir permis de découvrir les droits des femmes en islam ». Destinée à des études de médecine, comme le souhaitaient ses parent·e·s, Shehnaz tombe par hasard sur un cours concernant le genre, l’islam, les musulman·e·s ainsi que les lois islamiques à l’université. « C’était tellement fascinant et cela suscitait tellement de réflexion que je me suis réorientée ». Elle détient ainsi une licence en Etudes du Moyen-Orient et d’Asie du Sud, un master en Cultures et langues du Moyen-Orient ainsi qu’un doctorat en Etudes Islamiques. Cette décision n’a pas plu à ses parent·e·s, bien qu’iels aient fini par accepter. « Je suis si heureuse d’avoir choisi ce chemin ! ».

 

Du blog Freedom from the Forbidden au vlog What the Patriarchy?!

Shehnaz profite de ses études afin de partager ses réflexions sur un blog, Freedom from the Forbidden, « La liberté de l’interdit », dans lequel elle évoque de nombreux péchés communément admis en islam, afin de les questionner à partir d’écrits islamiques, tels que le Coran ou les hadiths, l’ensemble des traditions concernant les actes ainsi que les paroles du Prophète Muhammad, que la paix et le Salut d’Allah soient sur lui. Nous y trouvons également plusieurs fiches de lectures, concernant les femmes et l’islam, à l’instar de celle sur l’ouvrage Le Coran et les femmes, une lecture de libération d’Asma Lamrabet. Elle écrit également sur des travaux à propos des femmes originaires d’Asie du Sud, tels que Forger la fille éduquée idéale : la production de sujets désirables en Asie du Sud musulmane de Shenila Khoja-Moolji, connue pour ses études concernant les femmes chiites. Ainsi Shehnaz rappelle ses origines pachtounes, un groupe culturel présent en Afghanistan mais aussi au Pakistan. « Le peuple de ma région natale, Swat, est pachtoun. Notre langue est le pashto ». Elle insiste sur le fait de n’accepter aucune forme de patriarcat, y compris dans certaines interprétations religieuses ou encore dans les traditions pachtounes. « Je combats cela autant que possible, où que je sois et dans toutes les langues que je maîtrise. Je crois en la dignité et aux droits de tous les êtres humains et cela inclut les femmes musulmanes et/ou pachtounes ».

 

 

Le blog Freedom from the Forbidden. Crédits : Freedom from the Forbidden

 

 

Ainsi, Shehnaz n’hésite absolument pas à tout remettre en question, y compris certains sujets tabous, tels que l’impact des règles sur la pratique religieuse des musulmanes. Elle y a d’ailleurs consacré un article sur son blog, mais également une vidéo sur son vlog, What the Patriarchy?!, Qu’est-ce que le patriarcat ?!, entièrement dédié au sexisme dans certaines interprétations religieuses islamiques. Pour résumer, elle y explique que les personnes ayant leurs règles sont avant tout dispensées de pratiquer certains rituels, durant cette période pouvant être douloureuse, et que rien ne justifie le fait qu’on les considère comme « inférieures en religion » en raison de leur supposée impureté. De plus, la professeure insiste sur l’aspect radicalement pro-féministe de l’islam, en rappelant que cette religion a accordé de nombreux droits aux femmes, dès son apparition durant le VIIème siècle, à l’instar du droit au divorce, du droit de choisir son partenaire, du droit à l’éducation ainsi que du droit à l’indépendance financière. « Malgré cela, on refuse concrètement ces droits à de nombreuses femmes musulmanes encore aujourd’hui dans le monde entier ». Elle estime que nous ne devons jamais oublier que ces droits, qui semblaient radicaux au VIIème siècle, sont un rappel nous incitant à toujours lutter, quelle que soit notre époque, pour une avancée encore plus poussée vers la justice et l’égalité.

 

Désormais professeure à l’Université de Mercer, la plus ancienne de Géorgie aux Etats-Unis, elle enseigne les études religieuses, en étant surtout spécialisée sur l’islam et le genre. Nous pouvons suivre ses activités sur les réseaux sociaux et il est également possible de s’abonner à sa nouvelle chaîne Youtube mais également à son blog. En attendant ses futures réflexions et publications, nous ne lui souhaitons que du succès, inshAllah.

Crédit photo image à la une : Elias Olsen, The Ithacan[/vc_column_text]

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Communiqués

[Communiqué] 8 mars 2020 : « Nous sommes fatiguées »

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Nous, femmes musulmanes, sommes fatiguées. Fatiguées par ces violences racistes, misogynes, islamophobes que nous vivons depuis des années, des décennies, des siècles, tous les jours, dans nos chaires, entraînant des impacts immenses sur nos santés, tant physiques que psychologiques.

 
Nous sommes fatiguées de cette déshumanisation quotidienne qui découle de polémiques nationales où tout le monde a son mot à dire, sauf nous. Nous sommes fatiguées de lutter pour avoir accès à l’éducation, au marché de l’emploi, aux salles de sport, aux restaurants, à des emplois et des logements décents, à des papiers, pour pouvoir accompagner nos enfants lors de sorties scolaires. Nous sommes fatiguées de lutter chaque jour pour ne plus être humiliées et pour préserver nos droits les plus fondamentaux que l’on ne cesse de nous ôter. Que nous soyons des femmes exclues du système éducatif, du marché de l’emploi, des femmes de ménages exploitées, des femmes racisées objectivées, nous sommes des corps fatiguées.
 
Nous sommes épuisées.
 
Mais disons-le, crions-le ! Ces mêmes corps qu’on exploite, ces mêmes corps sur lesquels on projette un imaginaire raciste et néo-colonial, ces mêmes corps évincées de l’espace médiatique et politique, ces mêmes corps objets de débats, ces mêmes corps fatiguées par la lutte, ne se tairont plus ! Nos corps souffrent et nous disons stop. Notre guérison sera notre priorité et elle se fera sans négociation.
 
Nous refusons de discuter les contours de notre émancipation et de notre humanité. Résister, défier le discours dominant, se mettre au cœur de nos récits, créer nos propres outils, notre propre monde : c’est une affaire de survie.
 
Et notre émancipation ne sera garantie que le jour où les femmes ne seront plus jugées, discriminées, surveillées, enfermées ou violentées en raison de leur genre, de leur physique, de leur orientation sexuelle, de leur travail mais aussi de leur origine et de leurs convictions religieuses.
 
Partout dans le monde, ici et aujourd’hui, des femmes se rassemblent, descendent dans la rue, font état de leurs revendications, imprègnent les sociétés de leurs clameurs et de leurs émotions, inspirent celles qui viendront après elles, rendent hommage à celles qui les ont précédées. Et nous sommes fières de partager ce combat : toutes ensemble, sortons de l’effroi et renversons l’islamophobie, le capitalisme et le blantriarcat !
 
 
 

Crédit photo : Maya Mihindou

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Ateliers d'écriture Nos Voix

[Atelier d’écriture] Aucune fatalité

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Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
Les ateliers d’écriture ont pour but de créer un espace bienveillant afin de rendre l’écriture accessible à toutes et permettre à chacune de reprendre la narration de son histoire.
C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.
 
Lallab publie les textes des participantes qui le souhaitent.

 
 
Ô société patriarcale, redoutable, telle un mannequin de lingerie « Ravage »,
Méprisant mes droits : tes outrages sexistes et dommages font rages !
Adepte de la phallocratie, tu t’es donnée la liberté de m’inférioriser, à la Christian Grey…
Passant sous silence les injustices, en danger, tu m’as mise, m’abandonnant écorchée, blessée !

 

Enracinée si profondément, jusqu’aux héroïnes Disney, tu me fais peur !
Inanimée, figée, décidément tes promesses d’égalité ne sont que des leurres…
De princesses à guerrières : féminicides, harcèlements, culture du viol, discriminations ;
À l’égard de ces violences coutumières, aucune justification !

 

Une Artémise d’Halicarnasse sommeille en moi, en dépit de ces mots qui décrivent mes maux.
Je n’abdiquerai pas, partisane d’un féminisme intersectionnel, résolue à atteindre mes idéaux !
Désormais réveillée, je suis, à bien y réfléchir, une réalité. Tu n’es qu’une simple construction sociale…
Antithèse de l’Egypte ancienne, ta couronne, tu perdras, même si tu parais immuable !

 

M’obligeant à me protéger seule au milieu du ring, tu as fait de moi une battante !
M’obligeant à fournir plus d’efforts que l’homme, le poing levé, tu m’as rendue puissante !
Merci Marston… À mon tour, je lutterai pour construire une société égalitaire,
Héroïne de mon avenir, avec opiniâtreté, fierté, en vue de te mettre à terre !

 

Pas de Femen, pas de sextremiste, simplement unir l’humanité tout en considérant sa diversité ;
En mon sein, je rêve que soit complémentaires la virilité et la féminité,
Ne formant qu’un, tel un coeur : deux courbes allant vers un même point ! Tu ne perdureras pas éternellement…
… Ô société patriarcale, tu sentiras dans ta poitrine, s’essouffler tes poumons, inévitablement !

 
 

Texte écrit par Nour-Imane et envoyé suite à l’atelier d’écriture #2 du 17 novembre 2019
 
 

Crédit photo image à la une: Lallab

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(Dé)construction

« Le ventre des femmes et la colonialité » : l’intervention de Françoise Vergès au Lallab Day #5

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C’est avec le plus grand honneur que nous avons reçu Françoise Vergès lors du dernier Lallab Day le 30 septembre 2018. Non seulement titulaire de la chaire Global South(s) à la Maison des Sciences de l’Homme, Françoise Vergès a également présidé le Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage. Elle est aussi co-fondatrice de l’Université et de l’association « Décoloniser les Arts » avec Gerty Dambury et Leïla Cukierman. Ayant grandi sur l’île de la Réunion, dans une famille engagée dans les luttes décoloniales et anticapitalistes, elle obtient son baccalauréat à Alger en 1970 et son doctorat de sciences politiques à Berkeley en Californie en 1995.
Experte des questions de races et de genres, elle analyse en particulier le traitement réservé aux femmes racisées des classes populaires de la Réunion dans son livre Le ventre des Femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme (2017), qui nous intéresse aujourd’hui.

 

Quand l’État français cautionnait les stérilisations et les avortements forcés et illégaux à la Réunion

 

Dans Le ventre des Femmes, on apprend qu’au moment même où les femmes blanches de France se battent pour le droit à l’IVG au début des années 1970, 7000 à 8000 femmes par an sont avortées ou stérilisées sans leur consentement dans une clinique de la Réunion. De plus, les auteurs de ces violences médicales s’enrichissent en se faisant rembourser des actes médicaux fictifs par la Sécurité Sociale. L’avortement est alors un crime sévèrement puni, et ne sera légalisé en France et dans ses post-colonies qu’en 1975. Le scandale, révélé en 1970 à la suite d’une plainte contre X d’un médecin réunionnais soignant une victime, met en lumière les stratégies de contrôle des naissances sur l’île, contrôle introduit par le gouvernement français après la Seconde Guerre Mondiale.

L’absence totale de culpabilité de la part des médecins concernés prouve qu’il existe bel et bien une différence de traitement des femmes, entre celles qui ont le droit de donner naissance – les blanches, auxquelles le gouvernement applique une politique nataliste – et celles que l’on stérilise et avorte de force. Cette différence se retrouve de fait chez les enfants, entre ceux qui ont le droit de naître et de vivre dans de bonnes conditions (blanc·he·s) et ceux que l’on ne veut pas (racisé·e·s). Malgré la cruauté de leurs actes, et l’illégalité de l’avortement au moment de leur procès en février 1971, les médecins responsables bénéficient de la clémence de la justice française, à l’exception d’un médecin d’origine marocaine et d’un infirmier réunionnais, tous deux racisés, évidemment ! Preuve s’il en faut, de la complicité tacite de l’État français…
 
Extrait de témoignages du procès en appel des auteurs d’avortements et stérilisations forcées de la Clinique orthopédique de Saint Benoît à la Réunion (1er mars 1971). Témoignages. Page 1.
 
La détresse de ces femmes fut totalement ignorée par les mouvements féministes des années 1970 comme le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), ou encore le Planning Familial… Bien que ce scandale ait été médiatisé par le Nouvel Observateur dès 1970 – journal qui publiera le Manifeste des 343 – les avortements forcés des femmes réunionnaises, pauvres et racisées ne furent jamais questionnés par les féministes blanches. Pour Françoise Vergès, celles-ci ont volontairement ignoré les problématiques des femmes racisées, colonisées et subalternes, alors que ce scandale était discuté dans tous les journaux nationaux.

 

Dès lors, le féminisme blanc dit universaliste se construit et se mobilise autour de problématiques qui sont propres aux femmes blanches et plutôt bourgeoises, c’est-à-dire privilégiées de manière économique, sociale et culturelle. Ce féminisme a, et continue, d’invisibiliser les revendications des subalternes, quand il ne participe pas activement à leur oppression en profitant de sa proximité avec le pouvoir hégémonique blanc et masculin.

 

 

Les enfants racisé.e.s : de la ressource à la menace

 

Françoise Vergès soulève ainsi deux questions : celle de l’invisibilisation des femmes subalternes, notamment dans les luttes féministes, ainsi que celle de la démarcation entre les enfants ayant le droit de naître et grandir dans de bonnes conditions, et les autres.

En cherchant à comprendre comment de tels crimes ont pu être commis et effacés des mémoires, elle s’est rendue compte que l’idéologie justifiant l’exploitation du ventre des femmes racisées et la séparation entre deux humanités prend ses racines à la fois dans les chasses aux sorcières et la traite esclavagiste européenne. En effet, les États occidentaux modernes aidés de l’Église formalisent leur mainmise sur la fertilité de leurs sujets dès le XVe siècle. Grâce à un appareil institutionnel de plus en plus étendu et puissant, les États enregistrent les naissances et punissent les femmes dites « sorcières » en les torturant et brûlant sur les places publiques car ils veulent effacer le savoir de ces femmes du peuple concernant la contraception et la médecine.

 

Cette appropriation du savoir et du ventre des femmes est contemporaine de l’émergence des Empires coloniaux esclavagistes et de la naissance du capitalisme. L’accumulation de richesse matérielle par et pour une classe bourgeoise occidentale repose sur le pillage des terres colonisées, le travail forcé des esclaves, mais aussi le fruit du ventre des femmes racisées.

En effet, ce sont les enfants des femmes africaines qui sont kidnappé·e·s et déporté·e·s : le ventre des femmes africaines est transformé en « capital » pour la traite. Aux Etats-Unis où la traite avec l’Afrique est interdite en 1808, la reproduction de la main d’œuvre servile se fait dans les plantations et la traite devient interne : les femmes sont violées parfois 6 ou 8 semaines après avoir donné naissance pour produire un autre être à exploiter, louer ou vendre. Dans les colonies françaises, c’est la déportation qui est choisie, autrement dit le kidnapping.

Ce modèle – le ventre des femmes racisées comme élément du capitalisme – se poursuit au XIXème siècle quand des millions d’hommes et de femmes d’Asie sont importées pour travailler dans les mines, les plantations… C’est encore le ventre des femmes racisées qui est exploité pour assouvir le besoin de main d’œuvre des impérialismes.

 

Les ventres des femmes racisées ont donc été créateurs de richesses, puisque les esclaves sont considéré·e·s comme des biens matériels, et constituent ainsi l’un des piliers du système capitaliste naissant qui continue de structurer les sociétés actuelles.

 

À gauche : croquis d’une vente d’esclave. Un bébé noir est vendu malgré les supplications de sa mère, elle aussi esclave (Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines). Croquis par Henry Bibb, publié en 1849.

À droite: “Stop à la stérilisation forcée (en anglais et en espagnol, ndlr). Auditions publiques sur la stérilisation – 12 février à 10 h du matin au State Buiding 350 McAllister St à SF. Rassemblement à midi le Samedi 12 février au Centre Civique.” (Poster “Stop Forced Sterilization” par Rachael Romero de la San Francisco Poster Brigade, 1977).

 

Après la Seconde Guerre Mondiale, l’automatisation et la désindustrialisation dans les pays occidentaux changent les besoins en main d’œuvre. Les enfants colonisé·e·s, autrefois ressources essentielles, deviennent une menace : le fameux complot du « grand remplacement » tire ses origines dans un langage légitimé à l’échelle nationale et internationale. Le contrôle des naissances devient alors un pilier des politiques de « développement » qui attribuent la pauvreté générationnelle des territoires colonisés et les destructions environnementales globales à la forte natalité des peuples colonisés, invisibilisant opportunément des siècles de spoliations coloniales. La richesse matérielle de l’Occident découlerait ainsi d’une prétendue supériorité culturelle sur les autres peuples, supériorité justifiant donc un impérialisme pseudo-bienveillant…

Reposant sur une stratégie de séduction-punition prétendant libérer les femmes du joug patriarcal des hommes racisés, les États occidentaux – France incluse – et les institutions complices fabriquent donc un consentement artificiel à leurs politiques impérialistes, racistes et hétéro-sexistes.

 

Briser le plafond de verre : pour qui ?

 

Dans les sociétés post-esclavagistes, la destruction du tissu familial des peuples colonisés continue. L’État impose la famille blanche et bourgeoise cis-hétéro comme norme, et utilise encore une fois une stratégie de séduction-punition pour mieux contrôler l’intimité familiale des peuples colonisés. Les institutions font miroiter aux femmes racisées de les libérer de leurs pères, frères, maris forcément sexistes de par leurs « cultures barbares » … tout en s’appropriant en même temps leur autonomie ! Les femmes issues de la postcolonialité subissent une exploitation économique et mentale, leur souffrance étant soit ignorée, soit fétichisée.
Les femmes racisées, exclues des sphères de pouvoirs sont présentes en majorité et ne comptent pas leurs heures dès qu’il s’agit des services de soin, de nettoyage, de garder les enfants des femmes blanches afin que ces dernières puissent briser le fameux plafond de verre, lutter pour la parité, avoir du temps pour elles… Ces métiers dits du « care » sont profondément méprisés et sous-payés malgré leurs conditions de travail éprouvantes : il ne faudrait surtout pas voir les femmes racisées en arrière-plan qui nettoient les bureaux avant 8 heures du matin pour que les entreprises puissent fonctionner.       Ces travailleuses sont de plus contraintes de se loger loin de leurs lieux de travail, la gentrification les éloignant de manière croissante des pôles économiques.

 

Travailleur·euse·s en grève de la société ONET, prestataire externe de la Bibliothèque Nationale de France et de la SNCF entre autres. Photo de Marieau Palacio pour streetpress.com. 17 Avril 2015.
 
Pire, ces problématiques d’exploitation du ventre des femmes – quand elles sont enfin reconnues – sont pacifiées et appropriées par les personnes dominantes. D’où le succès et l’ultra-médiatisation à grand renfort d’images extrêmement voyeuristes du livre Sexe, Race & Colonies, écrit par des blanc·he·s, qui s’approprient des études menées depuis des années par des personnes militant·e·s et chercheur·euse·s concerné·e·s.

Du rapt d’adolescent·e·s de 14 ans pour les champs de cannes à sucre aux violences policières actuelles contre les jeunes racisé·e·s, de la politique de dévoilement des femmes indigènes lors de la guerre d’Algérie aux discriminations subies par les femmes voilées aujourd’hui, il y a bel et bien une continuité. Pour les femmes racisées des milieux populaires, ce ne sont pas les luttes féministes universalistes qui comptent.

C’est l’arrêt des humiliations quotidiennes et la justice économique et sociale. Ne pas avoir à se dévoiler pour travailler. Aller à la plage dans la tenue qu’on veut. Ne pas être suivie dans les magasins. Ne pas être stéréotypées dans la culture et les médias. Le droit au sommeil et au repos. Ne pas passer des heures dans le RER pour aller nettoyer ou garder des enfants bourgeois et s’entendre dire qu’on « profite » des allocs et qu’on a trop d’enfants, « mal-élevés » évidemment. Ne pas avoir peur pour ses enfants quand ils sortent dans la rue. Ne pas avoir à pleurer la mort de ses enfants à la suite de violences policières.

Voilà ce que le féminisme doit pouvoir garantir aux subalternes et à toutes les femmes.

 

On ne peut même plus parler de plafond de verre, mais d’une chape de plomb qui détruit le corps et l’esprit des subalternes, nous rappelant sans cesse notre appartenance à une caste censée servir nos oppresseurs, et ce, avec gratitude.

Un féminisme universaliste certes, mais pour qui ? Il n’a rien de libérateur, loin de là, puisqu’il exploite les femmes subalternes au profit des privilégié·e·s.

Un féminisme niant la réalité du capitalisme racialisé ne peut prétendre à émanciper les femmes et minorités de genre. Nous ne vivons ni dans un monde décolonisé ni dans un monde paritaire, loin de là.

 

 

Pour aller plus loin :

  • À lire :
    • Le ventre des femmes: Capitalisme, racialisation, féminisme. Livre de Françoise Vergès publié chez Albin Michel en 2017.
    • Décolonisons les arts ! Manifeste du collectif éponyme paru en 2018 aux éditions L’Arche, sous la direction de Françoise Vergès, Gerty Dambury et Leïla Cukierman.
    • « Les corps épuisés du spectacle colonial ». Collectif Cases Rebelles, publié en septembre 2018 sur leur blog éponyme.
    • Ne suis-je pas une femme. Livre de l’afroféministe et militante des droits civiques américaine bell hooks, publié chez Cambourakis en 2015
    • Sorcières : la puissance invaincue des femmes. Livre de Mona Chollet publié chez l’éditeur Zones en 2018.

 

 

 

 

Crédit photo à la une : Francoise Vergès lors des Lallab Days, 30 septembre 2018. Copyright Lallab

 

Article écrit par Rabbit et Nancy Pas Reagan

 

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Portraits

Hajer ou l’art de rappeler la splendeur des cultures arabes

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Hajer est une jeune femme engagée dans les luttes féministes et antiracistes. Modeste, elle ne s’estime pas militante, bien que ses projets constituent une véritable bouffée d’oxygène pour les diasporas nord-africaines et arabes.

 

L’omniprésence des cultures arabes dès son plus jeune âge

 

Née à Paris, elle a grandi quelques temps dans le 11e arrondissement, non loin de Belleville, quartier historique des Tunisien·ne·s, et notamment des Sépharades. Puis elle a vécu dans le 18e, qu’elle reconnaît comme « son arrondissement ». « Mon père est fils de paysan ; il est issu d’un milieu très pauvre, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il était inculte, » insiste Hajer, dont les parents ont grandi dans le sud de la Tunisie. « Mes parents viennent d’une ville très connue pour ses grands poètes, savants et confréries soufies. Ma grand-mère était illettrée mais ça ne l’empêchait pas de réciter de la poésie classique, qui se transmettait beaucoup à l’oral. » Hajer estime donc que « la fracture sociale face à la culture savante était moins marquée ».

Se sentant pleinement tunisienne, elle aime cependant rappeler que le patrimoine culturel arabe ne s’arrête pas au pays du jasmin. Sa mère lui a notamment transmis l’amour des films égyptiens.  « Qu’il s’agisse de la littérature ou du cinéma, nous avons un socle commun. Les poètes médiévaux venaient des empires omeyyades ou abbassides ; la territorialité n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui et les cultures arabes renvoient à des choses beaucoup plus larges qu’on ne le pense. » Pour illustrer son propos, Hajer cite Mahmoud Darwich, grand poète palestinien, évoquant l’attachement au « terreau natal » qui n’empêche toutefois pas la conscience d’un « arbre plus grand ».

 

La difficile confrontation aux inégalités sociales

 

Alors qu’à la maison, la jeune Franco-Tunisienne sait à quel point les cultures arabes sont riches et variées, elle ressent un immense décalage avec le monde scolaire. « Petite, je ne comprenais pas les raisons pour lesquelles on considère souvent que les Arabes n’ont pas de culture. On ne leur reconnaît pas de légitimité. C’est dramatique, même chez les personnes concernées par la migration, » déplore-t-elle. En étudiant l’histoire et la science politique à la Sorbonne, Hajer se rend rapidement compte des inégalités sociales. Elles ne sont que trois Arabes dans sa promo — dont deux issues de milieux très riches et francophiles du Maghreb — et elle fait partie des rares boursier·ère·s. « En cours, c’était un peu le concours de celui ou celle qui a lu toute la sociologie politique, et ça n’était pas du tout mon délire, » commente-t-elle en riant. Hajer compte néanmoins au nombre des meilleur·e·s étudiant·e·s dans les cours concernant l’histoire des pays musulmans et/ou arabes.

Elle se souvient par ailleurs de rencontres avec certain·e·s militant·e·s de gauche à Paris, prônant un discours antiraciste tout en pointant du doigt celles et ceux pour qui la question coloniale s’avère importante. « La parole est souvent confisquée, et les minorités souvent domestiquées, dans ces espaces, » explique Hajer, qui se sent désormais « proche de toutes les personnes minorisées dans la société, » et pas uniquement pour des raisons racistes — à l’instar des personnes queers.

 

Les voyages comme moyen de s’enrichir politiquement

 

« Istanbul, c’est ma ville, » affirme Hajer, l’air nostalgique. Elle y a vécu deux ans, dans le cadre de ses études, ce qui lui a permis de remarquer l’orientalisme de ses camarades. « Je n’ai pas du tout connu de choc culturel en Turquie mais les étudiants français avaient souvent tendance à observer les choses de façon très cliché. Notamment en résumant la politique turque à un parti islamiste dominant le pays, alors que c’est plus nuancé que cela — l’AKP [parti au pouvoir] connaissant des conflits internes, tout comme le mouvement de libération kurde, souvent homogénéisé dans la presse française, » explique l’amoureuse d’Istanbul.

Loin de réduire ces deux années à une banale expérience Erasmus, elle en profite pour fréquenter différents milieux, côtoyant à la fois des Turc·que·s, des Kurdes, des Irakien·ne·s, des Marocain·e·s, des Palestinien·ne·s et des Syrien·ne·s, dont certain·e·s fuyant des zones de combat. Elle y apprend aussi à manifester à la turque : en formant des barricades et en risquant des violences policières très dangereuses. Elle vit alors dans le quartier arménien. « Ma position de jeune étudiante étrangère me permettait d’errer, de rencontrer différentes personnes et d’être plus ouverte au dialogue, comme il y avait moins d’enjeu personnel. »

Hajer a aussi voyagé dans la plupart des pays arabes, à l’exception de l’Irak. « Je ne me suis jamais totalement sentie étrangère dans ces pays. » Ces excursions lui ont notamment permis de développer la place de la cause palestinienne dans sa formation politique entamée en France. Elle suit les pas de ses parents puis de sa grande sœur, militante pro-Palestine. Récemment, elle s’est également rendue au Sénégal, intéressée par les luttes panafricaines et celles contre l’impérialisme des pays occidentaux — dont la France, très présente sur le continent.

Crédit : Mouqawamet

 

Mouqawamet, un blog nécessaire sur les féminismes arabes et amazighs

 

De plus en plus politisée, Hajer concrétise certains projets. En 2015, la jeune femme et ses amies Lamia et Nawel décident par exemple de créer le blog Mouqawamet – Tizeddamin, ce qui signifie « les résistantes », respectivement en arabe et en amazigh. La blogueuse considère que le féminisme a toujours fait partie d’elle. Alors qu’elle remarque, avec ses coéquipières, que les organisations militantes ne consacrent pas beaucoup d’espace aux femmes amazighs et arabes — et plus généralement, aux femmes « orientalisées » —, elle décide d’y remédier en présentant des figures féministes qui ne sont pas uniquement « européennes ou américaines ». La blogueuse confie avoir compris l’intersectionnalité en Tunisie, au contact d’un féminisme tunisien éminemment bourgeois, porté par les élites francophiles et proches du pouvoir de Ben Ali.

L’objectif de Hajer est de favoriser une certaine transmission culturelle, en visibilisant le combat de femmes ancrées dans des aires géographiques différentes. Les auteures insistent également sur le fait que toutes ces femmes ne puisent pas forcément leur féminisme aux sources religieuses. Aussi le blog présente-t-il des musulmanes comme des non-musulmanes qui, toutes, combattent fermement le colonialisme, l’impérialisme ou encore la misogynie. Il met aussi en lumière des héroïnes inconnues, « combattantes du quotidien », à l’instar d’une pêcheuse d’Oran, en Algérie. Les figures de moudjahidate (« combattantes » en arabe) permettent ainsi d’honorer les mémoires issues de l’immigration.

Crédit : Vintage Arab

 

Vintage Arab, l’incontournable podcast sur les musiques arabes

 

La transmission culturelle occupant une place importante dans son cœur, Hajer partage souvent via Facebook des posts sur le contexte historique et politique de chansons arabes. Rapidement, plusieurs personnes l’encouragent à diffuser cette culture plus largement. Cependant, l’idée d’un blog ne lui convient pas. « Nous ne sommes pas tous égaux face à la lecture, » mais « la façon dont les musiques arabes [sont] abordées par des spécialistes qui ne le sont pas vraiment, de manière très orientaliste, » l’agace profondément. C’est sa mère qui lui a tout appris de la musique arabe, qui l’a accompagnée tout au long de sa vie. Hajer n’écoute d’ailleurs pratiquement que cela, en plus du rap, notamment d’« enfants d’immigré·e·s ». Elle décide donc de partager ses précieuses connaissances dans un podcast, Vintage Arab. « Cela n’a pas vocation à nous émanciper, mais la mémoire peut nous permettre de nous faire plaisir. »

Cette amoureuse de musique regrette que le milieu antiraciste politique ne se penche pas davantage sur ces héritages culturels. Elle considère en effet qu’il est nécessaire de se réapproprier nos traditions artistiques, car notre patrimoine est aujourd’hui mal protégé, voire volé. Hajer évoque notamment le danger du manque de législation sur les droits d’auteur·e·s dans le monde arabe. Elle admire les immigré·e·s et leurs descendant·e·s qui parviennent à ne pas situer leurs projets exclusivement par rapport au postcolonialisme. « Si on arrive à ne pas uniquement produire du contenu exclusivement politique et à se permettre de prendre un stylo pour nous, à titre purement personnel, ce sera une grande étape. » Elle estime en effet qu’il est difficile de déconstruire cette idée que l’on ne serait pas légitime à produire pour soi.

 

C’est donc en alliant plaisir, curiosité et engagement authentiques que Hajer participe à la préservation des cultures arabes… sous toutes leurs formes.

 

Crédit photo image à la une : Hajer — la blogueuse à Aswan, en Egypte

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