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(Dé)construction

Top 6 des perles entendues par des féministes racisées et/ou musulmanes végétariennes/véganes

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Si la combinaison féminisme/végétarisme/Islam va de soi pour certain.e.s d’entre nous, pour d’autres, ils n’ont malheureusement rien de visiblement conciliables, et seraient même incompatibles. Qu’il s’agisse des musulman.es ou des non-musulman.es, beaucoup sont sceptiques quant à la coexistence de ces pratiques, dites “paradoxales”. “Comment serait-il possible d’être végétarien.ne ou végan.e lors de la fête de l’Aïd par exemple? En quoi être une femme dans la société patriarcale est-il comparable au sort réservé aux animaux?”.
Gardons également à l’esprit que ces “paradoxes” ne s’appliquent bizarrement pas avec autant de ferveur lorsqu’on remplace “musulman.e” par “alsacien.ne” (alsacien.ne non musulman.ne) – bah, et la choucroute, alors?! – ou par “capitalisme”. On apprécie le monopole qui a été exclusivement attribué aux musulman.es et/ou personnes racisées pour justifier notre féminisme et notre sensibilité à la cause animale, mais puisqu’on aime partager, on vous invite également à aller au delà du sujet favoris des français.es: l’Islam. Que cela étonne ou non, le végétarisme comme le féminisme, sont très souvent la suite logique du cheminement spirituel de beaucoup de musulman.es (et de non musulman.es). Pour vous en donner un rapide aperçu, voici un top 6 des perles entendues par des féministes racisées et/ou musulmanes végétariennes/véganes.

 

 

Végétarisme: régime alimentaire sans chair animale, ni poisson.
Véganisme: régime alimentaire et mode de vie sans chair animale et sans aucun produit issu de l’exploitation des animaux (ex: oeufs, lait, miel, cuir, plumes …)

 

 

1) “Toi, végétarien.ne/végan.e ? Mais tu es musulman.e !”

 

 

On a tou.t.e.s eu à faire à ces “gentil.les” gauchos qui ne sont pas du tout végétarien.nes (bien au contraire) mais qui savent donner des leçons quant à l’abattage des animaux, notamment lors de l’Aïd. Bah oui, égorger les bêtes à la main afin de limiter leur souffrance semble très cruel pour certain.es non-musulman.es carnistes qui préfèrent assommer et/ou électrifier les animaux. Et bien, pour beaucoup de musulman.es qui mangent halal, notre mode de vie alimentaire nous a sensibilisé aux questions des souffrances animales. Choquant pour une religion “barbare”, n’est-ce pas? Le végétarisme n’est pas un “truc de blanc”, comme on a tendance à l’entendre. Loin de là. Beaucoup de Soufis (adeptes du soufisme; une tendance mystique de l’Islam que l’on retrouve chez les sunnites ainsi que chez les chiites) d’Afrique du Nord lors de l’Empire Ottoman étaient déjà végétarien.nes depuis des décennies. Et d’innombrables musulman.es sont aujourd’hui végétarien.nes ou végan.nes à travers le monde, en partie grâce à leur éducation religieuse. Il faut noter que les questions animales et l’Islam sont souvent réduits à ces incessantes images d’abbatoires dans les médias et par nos quelques défenseu.se.rs d’animaux islamophobes, qui ont d’ailleurs plus de respect pour les animaux que pour les personnes racisées et/ou musulmanes. Et si on respectait tous les êtres vivants de la même façon?

Je suis devenue végétarienne après 4 jours au camp d’été décolonial. 4 jours avec des personnes racisées et pleins d’antiracisme. On peut penser que l’antiracisme, le féminisme, l’Islam ou même la queerness n’ont rien avoir avec l’antispécisme, mais moi je pense que tout est lié et surtout avec l’Islam. L’Islam nous apprend à respecter tout être vivant, l’aimer et le traiter avec bienveillance. On ne peut pas aimer et respecter un animal en le tuant et juste pour nos plaisirs gustatifs. L’Islam est la raison principale pour laquelle je suis devenue végétarienne.
– Sun

     (Je suis végétarienne, comment pourrais-je être raciste !?)

La maltraitance animale serait donc une spécificité islamique, comme si la domination des êtres humains sur les animaux n’avaient lieu qu’en Musulmanie ?! Le spécisme – qui est une forme de discrimination à l’encontre des animaux – est davantage un problème lié à l’espèce humaine, qu’à la religion. La consommation de chair animale est malheureusement un habitus qui va au-delà des frontières, des cultures ainsi que des religions. Si ça continue comme ça, on va bientôt nous accuser d’être la cause principale du réchauffement climatique … Ah, ces musulman.es !

 

2) “C’est haram de te priver de ce que Dieu nous a accordé”

 

 

Et lorsque l’on met les non musulman.es de côté, il y a toujours nos imams adoré.es qui trouvent quelque chose à dire sur le végétarisme/véganisme de leurs consoeurs et confrères musulman.es, comme s’il s’agissait d’une contradiction évidente avec nos croyances et pratiques. Devenir végétarien.ne ou végan.e semble vouloir dire pour certain.es, qu’on souhaiterait se “blanchir”, se “boboïser”, et qu’on s’amuserait à défier ce qui nous a été prescrit pour faire chier le monde, au lieu de voir notre alimentation comme une suite logique liée à notre spiritualité religieuse. Il n’y a aucun passage dans le Coran qui interdit un.e fidèle d’être végétarien.ne ou végan.e. En revanche, plusieurs passages soulignent les bienfaits d’une alimentation saine et encourage chacun.e d’entre nous à être des agents actifs quant à la préservation de l’environnement. Il n’est pas ici question de nier les passages du Coran, “nous permettant de jouir de ce qu’Allah nous a accordé”, mais de rappeler que la jouissance à excès n’est pas acceptable; et qu’on peut utiliser ces préceptes coraniques en tant que base de réflexion sur laquelle chacun.e d’entre nous peut choisir sa propre façon de jouir éthiquement de ces bienfaits, tout en prenant en compte notre contexte environnemental actuel.

Pour moi, le véganisme est lié à la spiritualité, dans le sens où l’Islam représente une voie d’émancipation et de justice. Sans aller jusqu’à considérer que l’Islam est fondamentalement antispéciste, je pense qu’il y a énormément de hadiths qui vont dans le sens d’une protection des animaux : celui sur la femme dont Dieu a absous les péchés et offert le paradis parce qu’elle a abreuvé un chien assoiffé et la femme pieuse méritant l’enfer pour avoir séquestré un chat jusqu’à sa mort. Il existe aussi une véritable diabolisation du gaspillage et une culture de la simplicité, concernant l’alimentation. Ne pas trop se nourrir, éviter les excès, laisser suffisamment de place dans son estomac pour respirer convenablement. Aujourd’hui, j’assimile le gaspillage à l’élevage, la protection des animaux à une condamnation de leurs conditions de vie, de plus en plus atroces, notamment pour la consommation d’êtres humains. Le véganisme est souvent perçu comme un truc de bourgeois, mais des pois chiches à 60 centimes, ça représente mon repas préféré, celui d’une végane dans la hess.
– Shehrazad

Qu’on le veuille ou non, respecter les animaux et faire attention à l’environnement est une façon parmi tant d’autres d’affirmer sa foi, et ne pas manger de mouton lors de l’Aïd ne fait pas de nous des moins bon.nes musulman.e.s, puisque cette célébration va au- delà de la consommation animale. Rappelons quand même que le sacrifice du mouton est une tradition et non une obligation, et que l’Aïd Al-Adha est davantage une célébration de l’amour et de la confiance inébranlable d’Abraham et de Hajar pour Allah, qu’une fête gustative. Ce qui nous paraît injuste de notre côté, c’est plutôt le sexisme dans la répartition alimentaire, par exemple. En effet, on a tendance à penser qu’un homme/garçon aurait besoin d’une plus grosse portion de nourriture que les femmes/filles, et contrairement à l’alimentation végétarienne ou végane, c’est ce genre d’habitude qui va à l’encontre de nos principes religieux.

 

3) “On a trop longtemps été privé.es de viande par les Blanc.hes”

 

 

L’accès à la chair animale a aussi été vue, dans les milieux militants antiracistes, comme un privilège. En effet, il est vrai que dans le contexte esclavagiste puis colonial où les personnes racisées étaient exploitées au profit des blanc.hes, manger de la “viande” était réservé à ceux qui détenaient le pouvoir. Maintenant que la donne a (quelque peu) changé, pouvoir manger des animaux est perçu comme un retournement de pouvoir… alors qu’il n’en est rien. Certes, nous ne sommes plus interdit.e.s d’accès à ce qui nous a été présenté comme étant un privilège. Mais si l’on prend en compte la qualité de cette chair, produite en masse et traitée chimiquement pour répondre à la demande standardisée par le mode de vie occidental et capitaliste : est ce toujours un privilège de mal s’alimenter sous prétexte qu’on nous en a privé.e.s pendant des décennies? Si l’on inverse la réflexion et les rapports de force, juste le temps d’envisager un autre point de vue sur ces relations de pouvoir : il semble que ce sont encore nos anciens bourreaux qui détiennent le pouvoir, en contrôlant encore et toujours ce qu’il y a dans nos assiettes.

Pour moi, le véganisme est une prise de position qui va à l’encontre d’une société hédoniste qui valorise le plaisir individuel au-delà de tout. La notion du goût, du plaisir gustatif subjectif et par ailleurs apte à être reconditionné par nos choix alimentaires, prévaut — tout comme la liberté des femmes persiste à être dévalorisée au profit du plaisir et du pouvoir masculin. (…)
Pour moi le véganisme n’est pas un « devoir » ni quelque chose auquel je dois penser pour y adhérer. C’est une suite naturelle de mes choix de vie. Mon féminisme intellectuel s’est approfondi et il a débouché en un féminisme militant, intersectionnel et végane, ce qui m’a permis de me rapprocher de la lumière, de connaître mes énergies, de confronter mes angoisses et de pratiquer l’art de la compassion et du pardon.”
– Zsofia

 

4) “Le végétarisme/véganisme, c’est un truc de Blanc.hes/bobo/hipsters”

 

Dans la continuité de la critique plus ou moins légitime du végétarisme et du véganisme
par les populations racisées et/ou musulman.es, revient très souvent cette idée que ces
pratiques seraient des “trucs de Blanc.hes”. S’il est vrai que, dans la relation des
diasporas aux européens, la chair animale a été un enjeu de pouvoir des seconds sur les
premiers, il est également important de souligner que le fait de ne pas manger
d’animaux a aussi longtemps été le privilège réservé à ces mêmes Blanc.hes. En effet, contrairement aux populations opprimées qui n’avaient pas vraiment le choix de consommer de la chair ou pas, les Blanc.hes pouvaient opter pour une alimentation carnée ou végétarienne, du fait de leur position dominante. Et on retrouve encore des traces de cette hiérarchie dans le rapport de certain.es français.es blanc.hes au bio par exemple : une alimentation bio coûte cher, et n’est donc pas accessible aux familles les plus précarisées, dont font partie les diasporas.

Néanmoins, cela fait-il du végétarisme/véganisme seulement un “truc de Blanc.hes”?

Affirmer cela revient à totalement invisibiliser/ignorer les pratiques végétariennes  ancestrales de populations racisées telles que celle des Hindou.es par exemple qui, déjà au VIIIème siècle avant notre ère (puisqu’ils croient en la réincarnation des Hommes en animaux) s’abstenaient d’en manger par conviction religieuse. De plus, les travaux d’afro-féministes engagées à la fois dans l’antiracisme et les droits des animaux, telles que les soeurs Aph et Syl Ko, dans Aphro-ism : Essays on Pop Culture, Feminism and Black Veganisme from Two Sisters, nous permettent de repenser le végétarisme/véganisme comme une nécessité dans les luttes des personnes racisées. Selon elles, les ancien.ne.s esclaves ont été traité.e.s comme on a traité et traite encore les animaux : enchaîné.e.s, assigné.e.s aux travaux de la terre, souvent dénué.e.s de noms et prénoms (et donc, de subjectivité), violé.e.s dans le but de produire de la main d’oeuvre supplémentaire… Les humain.e.s non-blanc.hes ne valaient pas plus que les animaux que ces mêmes esclavagistes mangeaient après avoir traités sans aucune considération (ndlr. exceptés les animaux considérés comme dignes, tels que lesdits “animaux de compagnie” ou les chevaux, qui sont tout de même utilisés à des fins abusives). De fait, manger des animaux à notre tour, en considérant notre passé d’esclaves et de colonisés, c’est-à-dire d’humain.e.s traité.e.s comme on traite les animaux, revient à perpétuer la violence que nous ont fait subir les Blanc.hes. Ainsi, selon les soeurs Ko, être végan.e est la suite logique du combat anti-raciste et anti-impérialiste des personnes militantes racisées.

 

5) “Mais quel rapport entre féminisme et végétarisme???”

 

 

Que ce soit clair : nous ne nous positionnons évidemment pas en tant que modèles ici, ce n’est pas notre but de faire la leçon, seulement d’informer et de renseigner des pratiques considérées comme invalides afin de les visibiliser et a fortiori, de les légitimer. Nous aussi, nous avons mangé des animaux. Nous aussi, nous avons pu trouver cela incohérent et incompatible d’être à la fois féministe, végétarien.ne/végan.e et musulmane/racisée. Nous sommes d’ailleurs toutes deux sur le chemin du véganisme : car oui *surprise!* être végan.e n’est pas “seulement” une mode, c’est aussi un combat. Contre les habitudes alimentaires ancrées, contre les remarques vaseuses des bien- pensants qui savent mieux que nous (cf point 1), mais aussi et surtout, contre le patriarcat.

 

 

Dans la même idée que la théorie afro-féministe des soeurs Ko, Carol J. Adams proposait dans les années 80 dans La politique sexuelle de la viande, d’analyser les liens entre la façon dont sont traitées les femmes et les animaux dans la société américaine. Elle relève, dans son étude, que pour vendre de la chair animale à manger, les publicitaires passent par une féminisation du corps des animaux (cf image au-dessus à gauche). Parallèlement à cela, la culture visuelle occidentale animalise sans arrêt de façon réciproque le corps des femmes et/ou utilise le corps des femmes par le biais de mise en scène hypersexualisante pour vendre de la chair animale (cf image au-dessus à droite; et comme si ce n’était pas assez explicite, on a droit au petit jeu de mot bien subtil en prime – blow job/blow your mind)

 

 

Ce que Carol J. Adams souhaite visibiliser en mettant ce parallèle en évidence, c’est que la construction des images de femmes est révélatrice de la valeur qui est donnée à leur corps, à nos corps : nous ne sommes que de la chair sexualisée. En traitant les femmes et les animaux de la même façon, le patriarcat renforce son hégémonie. De fait, arrêter de manger de la viande lorsqu’on est féministe est, en réalité, une suite logique à notre combat contre le patriarcat. En refusant de traiter les animaux comme nous sommes nous-même traitées, nous ne faisons pas le jeu du système capitaliste et patriarcal qui nous oppriment.

 

 

6) “On a besoin de manger de la viande, parce qu’on a besoin de protéines animales pour vivre”

 

Last but not least : l’idée selon laquelle les végétarien.e.s/végan.es manqueraient de protéines est tout simplement fausse, les protéines végétales sont tout aussi suffisantes. Nous sommes conscientes qu’il peut être très difficile de changer ses habitudes alimentaires et de renoncer aux protéines animales, surtout lorsque cela fait partie de nos habitudes quotidiennes et que nos médecins nous font croire que l’on a besoin de consommer de la chaire animale. Toutefois, devenir végétarien.ne ou végan.ne n‘avantagerait pas seulement les animaux, les océans, les forêts et l’environnement de façon plus générale, mais également (et conséquemment) VOTRE santé. En effet, consommer des protéines animales peut augmenter les risques de maladie affectant le foie et les reins. Même si les données sont encore limitées – principalement à cause des lobbies alimentaires, qui financent les recherches “contre” le diabète, le cancer et d’autres maladies … #CestPasUneBlague ; Diabète Québec, par exemple, “une association qui se donne pour mission d’améliorer les conditions de vie des personnes atteintes de diabète de type 1 et 2”, est financée par … *RoulementDeTambour*: Coca Cola ! – certaines études américaines, indiquent que la consommation de produit laitier augmente le risque de plus de 50% d’avoir un cancer du sein (vive le véganisme ?!). Etre végan.e ou végétarien.ne est intrinsèquement lié aux questions environnementales, pourquoi cela semble donc contradictoire avec l’Islam ou les droits des femmes ? N’est-ce pas à travers les versets coraniques et les hadiths du Prophète (pbsl) qu’on nous inspire à respecter la terre dans laquelle nous vivons ?

 

 

De fait, ce que nous permet de constater ce rapide top 6 des perles entendues par des féministes racisées et/ou musulmanes végétariennes/véganes, c’est que les idées reçues sur le végétarisme, et a fortiori sur le véganisme émanent de partout. Des gauchos sympas aux militants eux-même, le végétarisme et le véganisme restent des pratiques critiquées/méprisées, alors que, tout comme le féminisme, ils n’ont jamais tué personne (eux !).
Bon, nous ne sommes pas non plus idéalistes : il existe aussi des pratiques très critiquables chez certain.es végan.es. D’où la nécessité d’aborder le végétarisme/véganisme avec des prismes comme le féminisme, la spiritualité/religion et la lecture décoloniale et antiraciste, ou encore l’écologie car… pourquoi choisir lorsque toutes ces pratiques nous amènent à un meilleur traitement de nos corps/esprits et de la planète dans le même élan?

To be continued !

Selma Bouledjouidja et Tarani Taye

Crédit photo à la une : @jeeitd

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Le viol est le crime dont tout le monde se fout ! Partie III

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Vous l’aurez compris, le constat alarmant hurle l’urgence d’agir. Pas demain, pas dans dix ans, aujourd’hui. Les siècles passés nous ont fait hériter de la culture du viol et ont laissé ce fléau sévir depuis beaucoup trop longtemps. A nous de mettre fin à cette lâcheté qui n’a pas de nom, à ces pratiques mafieuses indignes de notre humanité. Pour toutes ces femmes et ces hommes dont nos silences ont augmenté leurs maux et leurs troubles, nous nous devons, d’une oreille attentive, d’écouter leur récit et leur redonner cette bribe d’humanité que le viol leur a arrachée. Après avoir dessiné les pourtours de la culture du viol, il est temps d’imaginer quelques actions concrètes et faciles à mettre en place pour aider chaque victime à se reconstruire dignement et reprendre le cours de cette vie qui a un jour été brutalement suspendue. 3, 2, 1… Action !

 

Déconstruire toutes les idées reçues autour de la culture du viol

 

Aucune action ne sera pleinement bénéfique et utile si la culture du viol continue de régner en maître. Vous l’aurez compris, cette façon de penser n’est que la résultante d’une domination patriarcale qui a proliféré dans l’esprit de nombreux individus à travers le temps. Cette pensée n’a ni fondement logique, ni logique humaine. Elle ne participe qu’à un humanicide, homicide, féminicide et infanticide : elle tue à grandes vitesses et fait beaucoup trop de victimes.
Même si changer sa façon de penser et adhérer à une chose totalement nouvelle, ne se fait pas en un jour, commencer par ne plus considérer les victimes comme coupables est déjà un premier pas. Il est temps de remettre chaque chose à sa place et d’œuvrer en faveur d’une vraie justice : reconnaître enfin les victimes telles quelle. Il n’y a plus de place à la culpabilisation, ou renvoi de fautes sur les victimes. Une écoute attentive, bienveillante et sans couper la parole est déjà une aide inestimable, l’expression d’une empathie et humanité dont il resterait quelques bribes.

Parler, hurler, dénoncer : reprendre sa voix !

 

Nous avons observé combien être violé·e réduit au silence les victimes et plonge la société dans un silence complice. En brisant cette omerta, on fait reculer la loi du silence, on donne plus de visibilités aux victimes et, ce faisant, on oblige la justice à ouvrir les yeux, les politiques à prendre leur responsabilité.
Parler c’est déjà évoquer ce sujet dans son entourage proche ou lointain pour les informer sur ce qu’est un viol et quelles en sont les répercussions. Une société mieux informée est une société plus à même de se défendre et de se protéger. Le silence a induit à l’impunité des violeurs. La parole doit pouvoir les condamner.
Parler c’est aussi être attentifs à son entourage et ouvrir le dialogue pour lui permettre, en cas de viols ou agressions sexuelles, de pouvoir venir le dénoncer. C’est ouvrir la porte de l’échange verbal pour apaiser le cœur des victimes et s’indigner avec elleux. C’est leur montrer que leur parole n’est plus silenciée mais écoutée.
Parler c’est s’indigner lorsqu’on entend des affaires de viols. C’est gueuler pour mettre la justice et les politiques face à leurs responsabilités. Car gouverner ce n’est pas juste s’asseoir dans un fauteuil, plusieurs heures, à discuter des lois. C’est surtout et avant tout garantir la sécurité et la protection de celleux qui nous ont fait suffisamment confiance en votant pour nous.

 

Protéger les enfants, première cible des violeurs, c’est préserver notre humanité

 

Protéger les enfants est essentiel. Ils sont les premières cibles des violeurs car, du fait de leur jeune âge, ielles ne se rendent pas comptent de ce qui leur arrive et leurs paroles est trop souvent mises en cause par les adultes censé·es les protéger.
Le tabou autour de la sexualité est le passeport d’entrée qu’utilisent les violeurs pour commettre leurs méfaits, a fortiori sur des enfants. Qui plus est, ceux-ci seront sujets à une amnésie traumatique donc leur parole ne pourra être libérée qu’après de nombreuses années. Toutes ces années seront des instants de souffrances. Nous devons tout faire pour les éradiquer. Car, en laissant les enfants être de telles proies, on crée des adultes de demain en souffrance, des adultes cabossés, et c’est une partie de l’humanité qu’on met en danger.
Il est donc essentiel que les adultes libèrent la parole à ce sujet-là, en protégeant les enfants. Car, bien souvent, les violeurs peuvent être des personnes en qui les adultes, parents, protecteurs, avaient confiance. Il faut donc permettre aux enfants de dénoncer ces odieux actes en leur donnant la possibilité de s’exprimer, en leur apprenant que nul n’a le droit de toucher à son corps, sans son accord. Oui, le consentement s’apprend.
De façon simple et concrète, il ne faut plus avoir peur de nommer les parties intimes des enfants. De la même manière qu’on nomme leur bouche, leurs genoux ou leurs oreilles, énoncer les mots “vagin” et “pénis” ne devraient pas être problématique. Trop souvent, ce sont nos complexes d’adulte qu’on projette sur nos enfants. Or, pour ces derniers, ces mots ne sont que du vocabulaire anatomique, sans aucune connotation sexuelle. Comment pourrait-il en être autrement puisque la sexualité n’existe pas encore dans leur conscience ?
Ensuite, il s’agit de dire à nos filles et à nos garçons, que personne n’a le droit de les toucher au niveau du pénis, du vagin ou des fesses et personne n’a le droit non plus de leur montrer ou leur demander de toucher son pénis, son vagin ou ses fesses. En disant ces quelques mots, nous disons à l’enfant qu’il y a une barrière, une limite à ne pas franchir sur soi ou sur autrui. Ainsi, dès lors que cette limite est outrepassée, l’enfant aura conscientisé une certaine transgression, même s’il ne sera pas en mesure de la comprendre. Il pourra alors se référer à l’adulte de confiance pour lui dire qu’autrui a franchi certaines limites. Se faisant, nous diminuons considérablement le risque de développer une mémoire traumatique, une amnésie traumatique et nous pouvons permettre une prise en charge rapide et immédiate des violences sexuelles. Nous offrons la possibilité à l’enfant d’être soigné rapidement pour ne pas développer des psychotraumatismes et risquer une vie terrible de souffrances. Nous donnons cette opportunité aux protecteurs de porter plainte au nom de l’enfant contre le/la transgresseur·se et lui permettre d’être enfermé·e. Nous évitons que les adultes en devenir traumatisé·es ne soient de nouveau silencié·es à cause d’un délai de prescription.
Nous protégeons, tout simplement, nos enfants.

Crédit Photo à la une : affiche de la série Sweet/vicious

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Diffuse la bonne parole

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Le viol est le crime dont tout le monde se fout ! Partie II

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On dénombre en France, en 2018, plus de 190 000 victimes de viol[1] ou tentatives de viol par an. Un chiffre bien en deçà de la réalité puisque les victimes de viol sont souvent silencié·es par l’amnésie traumatique dont ielles peuvent être sujet·tes et surtout l’omerta[2] de la société. Il est étonnant de voir que la culture du viol grandit en force et prend une place considérable dans l’esprit des citoyen·nes, induisant un déni total quant à ces réalités. Ce silence est monstrueux et n’a plus le droit d’exister. Car il condamne des centaines de milliers de vies, chaque année, à passer une existence de souffrances et d’abandon, s’ajoutant à la douleur du traumatisme. Nous ne pouvons plus permettre que de telles destructions humaines surgissent encore. Nous ne pouvons plus tolérer que nos proches soient livré·es à elleux-mêmes face à leurs blessures et leurs traumatismes, tentant désespérément de retrouver un souffle de vie. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur des crimes que les sociétés et époques antérieures ont laissé se perpétuer. NOUS N’EN AVONS PLUS LE DROIT. Il est de notre devoir d’agir. Le viol est un infanticide, un féminicide, un homicide et un humainicide. Par le caractère destructeur qu’il représente, il est un danger pour notre humanité. Nous devons le faire reculer, en commençant par briser, exterminer, éradiquer la culture du viol et la multitude de violences qu’elle cristallise.

 

La culture du viol : un drame en 3 actes ou l’expression d’un monde à l’envers

Les lois du silence : quand la société ne dit mot, elle consent.

 

Les psychotraumatismes résultant du viol sont trop méconnus. Pourtant, les connaitre participerait à moins légitimer la culture du viol et à faire preuve de plus d’empathie envers les victimes pour mieux les protéger. Or, le constat actuel est alarmant puisque toutes les sphères privées comme publiques consentent à fermer les yeux sur la réalité des viols en termes de prévalence mais surtout en termes de cassures.

 

L’échec des protecteurs : la famille, les soignants et la justice

La famille est la première société dans laquelle évolue l’individu. Avant d’apprendre à sociabiliser à l’école, puis entre amis, ensuite au travail etc, l’enfant apprend l’existence de droits et devoirs qui lui incombent au sein de sa famille. C’est également cette même famille qui est censé le protéger, le sécuriser, l’aimer, pour lui permettre un développement optimal. Or, quand il y a des failles à ce niveau-là, c’est tout l’équilibre de l’enfant qui risque de voler en éclat et de le fragiliser. On observe, en matière de viol, que cette structure cède à plusieurs niveaux.

Toutes les familles ne sont pas parfaites mais comporter en leur sein un violeur, un prédateur, est d’une horreur sans nom. D’aucuns penseraient à tort que les violeurs surgissent au bord de la route, le soir, une nuit d’orage, avec une musique de fond un peu angoissante, un silence pesant et … ce genre de scénarios ne trouvent échos que dans les films. En effet, dans la réalité, plus des ¾ des victimes connaissent leur agresseur et dans bon nombre de cas, c’est un proche. Cela est d’autant plus vrai lors des viols conjugaux et incestueux. Le traumatisme est d’autant plus lourd que l’adulte ou la personne qui transgresse est un être auquel on a été attaché affectivement. La confusion se fait ardemment dans l’esprit où il devient difficile de concevoir que cet “être qui est censé m’aimer puisse me faire subir une telle ignominie.”

Au-delà de la présence d’un violeur dans la famille, cette entité peut devenir traumatisante lorsqu’elle est aveugle aux crimes qui se passent en son sein et ne protège pas les victimes. Malheureusement, combien de victimes ont eu du mal à parler de leur agression à leurs parents, leurs frères ou sœurs et, quand cette parole a pu être dite, combien n’en furent pas profondément blessé · es en entendant des propos tels “ces choses-là ne se disent pas ? Garde ça pour toi et n’en parle plus. Ça ferait trop de dégâts.” Il y a un non-sens aussi grand qu’en matière de culture du viol. Il est inhumain de renvoyer dans les rosiers quelqu’u · ne qui, le cœur lourd, trouve le courage de venir partager une souffrance. Il est d’autant plus impensable de lui demander d’étouffer son secret, sous peine de bouleverser un quelconque équilibre. Et son équilibre à ellui, la victime, qui s’en préoccupe ? Qui le soigne ? Personne ! Mais on lui fait porter le fardeau d’un secret à contenir en ellui, jusqu’à le · la faire imploser.

 

 

En parlant de soins, parlons maintenant des soignants. Ces êtres chargés de prendre soin des autres mais qui échouent lamentablement en matière de viol. Aucune formation aux psychotraumatismes n’est présente dans les études de médecine, et par extension de psychiatres. Or, ils sont l’entité la plus à même de rencontrer des victimes de viol. C’est d’un paradoxe absolu. C’est comme si on n’apprenait pas aux pompiers à éteindre le feu, juste à intervenir pour sauver des gens. Une composante essentielle de leur métier manquerait. Pour les psychiatres c’est la même chose. Quand on y ajoute toutes les autres professions paramédicales (de la sage-femme, aux infirmiers), on mesure que trop bien l’absence de formations pour tous ces professionnels de la santé qui risquent de rencontrer des victimes de viols et donc d’être maltraitants. Comme s’il n’y avait déjà pas suffisamment de traumatismes et souffrances dans leur vie. Il faut tout de même rappeler, qu’en moyenne, une victime met 13 ans pour trouver un psychothérapeute adéquat. Si on y ajoute les années de thérapie, le processus de guérison peut facilement atteindre les 15 à 20 ans en moyenne. Cette longueur de temps va amener les victimes à être prises en charge par des professionnels non-formés, susceptibles d’être maltraitants et de les soigner / traiter pour d’autres maladies, sans deviner que la source des maux est ailleurs. Interroger la possibilité de violences permettrait de les relier à des symptômes et de les traiter efficacement. Peu nombreux sont ceux qui se donnent cette peine… il m’est arrivé de lire le témoignage d’une femme, violée à 17 ans, qui a mis 36 ans à trouver un thérapeute compétent sur la question des psychotraumatismes. Elle commencera sa reconstruction à 53 ans seulement, elle aura passé peut-être la moitié de sa vie en souffrance, dans l’indifférence et la culpabilisation générale…

 

“Dans ce pays internationalement connu pour être celui des Droits de l’homme – il faut le comprendre sans les femmes – seul 10% des victimes vont porter plainte et, accrochez-vous bien, seul 1% des plaintes va aboutir”

 

La palme d’or de l’indifférence revient quand même à la justice. Oui, oui, cette entité au joli nom qui prétend défendre et protéger tous les citoyens, et dans le pays des Droits de l’Homme. S’il vous plaît. (Applaudissements). Cette entité au joli nom, comme son homologue soignante, ne sera pas du tout formée aux psychotraumatismes. Donc les policier · es, qui sont avant tout des citoyen · es, vont balancer de la culture du viol en veux-tu en voilà et, ce faisant, freiner les victimes dans leur désir de porter plainte. C’est pourquoi, dans ce pays internationalement connu pour être celui des Droits de l’homme – il faut le comprendre sans les femmes – seul 10% des victimes vont porter plainte et, accrochez-vous bien, seul 1% des plaintes va aboutir (choc). Autrement dit :

– 99% des violeurs sont dehors, on les côtoie tous les jours (peut-être notre voisin, boulanger, postier, médecin, caissier, pharmacien, patron, collègue, frère, ex-conjoint, fils, père etc)

– Dans le 1% de plainte qui aboutit, il faut savoir que la justice requalifie ce peu de plaintes pour viol en agressions sexuelles. D’un crime, on passe à un délit, on a désengorgé les Assises car il n’y a pas assez d’argent public pour ce type de tribunal et on ajoute une souffrance supplémentaire aux victimes. On les brise une fois de plus (alors qu’elles étaient déjà émiettées). Pour le dire autrement avec ma métaphore du meurtrier, c’est comme si on requalifiait un meurtre, d’une simple agression à l’arme blanche.
Vous voyez le topo ?!

La première place du podium en matière du pire revient de droit (haha) à la justice qui non seulement n’est pas assez compétente pour accueillir avec bienveillance la parole des victimes, n’a pas les moyens humains et financiers de juger avec justice, mais en plus manque cruellement de formations pour mesurer l’ampleur des dégâts et protéger efficacement toutes les victimes.

Bon, je suis sympa, je vous offre un tuyau amis justiciers ou soignants si vous nous lisez : il y a un Diplôme Université contre les violences faites aux femmes qui est né il y a quelques années à l’Université Paris 8, à Saint-Denis. Je suis sûre qu’avec votre compte personnel de formation, vous pouvez vous y inscrire, sans payer. Waouuh !! La formation dure un an à raison d’un week-end par mois : quel petit sacrifice face au grand bien qu’il peut offrir !

Quant à vous, toutes les victimes ou proches de victimes, je vous invite à vous faire aider par un · e psychologue ou psychiatre spécialisé · e en psychotraumatologie et/ou victimologie (pensez à vérifier les diplômes et la légitimité du soignant qui va vous recevoir). En m’essayant à cette approche, j’ai pu guérir de mes psychotraumatismes en seulement deux ans. Guérir est évidemment possible bien que non sans mal !

Entre silences et aveuglements, le viol est une cause indéfendue

Nous l’avons vu, la culture du viol et le déni social ont largement contribué à faire gangréner le viol en tant que fléau destructeur d’humanité. De plus, cette volonté ardente et historique de silencier les voix des victimes d’agressions sexuelles et de viols tend à invisibiliser leur réalité. En effet, éviter de parler du viol c’est nier son existence comme fait social et politique à dénoncer, mais c’est aussi maintenir sa survenue en termes d’oppressions sexistes. Se taire sur les viols c’est leur laisser toute la place pour exister – comme l’ont fait nos prédécesseurs – et ne pas alerter l’ensemble de l’opinion publique pour qu’elle s’indigne avec nous. Et le constat est là : le viol est un crime de l’invisible. Il détruit les victimes mais ces armes sont d’ordre psychologique, non visibles à l’œil nu. Ces ravages sont des cris dont on étouffe l’écho pour ne pas l’entendre. Toutes ces stratégies sont destinées à minimiser sa réalité. Résultat : le viol souffre d’une absence de visibilités et devient une cause peu connue donc peu défendue. Il est interpellant de voir nos pairs s’agiter pour des causes aux maux visibles tels que la maladie, la pauvreté pour ne citer qu’eux, et être apathiques s’agissant de violences sexuelles et sexistes. Je ne dis pas qu’une cause mériterait plus qu’une autre d’être défendue, loin de là, je dis juste que certaines causes sont voyantes à l’oeil nu tandis que les déchirures provoquées par le viol ne se voient ni ne s’entendent, pour toutes les raisons évoquées plus haut, donc amènent l’inaction. Cette mise en sourdine et en œillères ne serait-elle pas l’illustration d’une volonté d’invisibiliser un combat ô combien urgent à entreprendre ? Aujourd’hui, ici et maintenant.

En outre, cette invisibilisation, n’a-t-elle pas pour origine le renfermement des cœurs de nos semblables ? Il est en effet très étonnant que le viol soit oralement condamné par une partie de nos pairs qui va sans aucun doute considérer cet acte comme quelque chose de mal et douloureux. À l’inverse, ces mêmes personnes vont alimenter la culture du viol. On pourrait penser que nous nous sommes enfermés dans une intellectualisation de nos émotions. Nous avons encore les capacités intellectuelles de nous rendre compte qu’il faille s’indigner, se mettre en colère quand on parle de viols mais, à l’inverse, nos cœurs restent insensibles. Nous entendrons plus facilement dire du viol que “c’est grave” mais cette parole, vide, enlève toute substance à la gravité et l’effroi du traumatisme. Si nos cœurs rageaient effectivement face à cette gravité, il ne nous serait plus si urgent d‘agir car nos prédécesseurs l’auraient fait pour nous. Mais il n’en a rien été, nous devons porter collectivement le fardeau déposé par l’Histoire, afin de soulager chaque victime et lui offrir une chance de se reconstruire. Pour cela, nous ne devons plus prendre en exemple comportemental les politiques qui nous gouvernent, dont les paroles sont animées et les actes toujours en attente. Joignons nos paroles à des actes et construisons le monde juste dans lequel nous voulons évoluer aujourd’hui et demain en nous servant des leçons et erreurs d’hier.

 Notre fabrique des violeurs

Les violeurs sont le produit de nos silences. Ils sont le fruit des politiques qui n’agissent en rien pour amener à plus de condamnations et ne donnent pas les moyens nécessaires à la justice de faire appliquer les lois. Les violeurs existent et leur mal gangrène car l’absence de condamnations pour des millions de vies détruites n’a aucun effet repoussoir. La loi, la menace d’aller en prison, d’être socialement condamné devraient être des outils dissuadant en matière de viols. Dans la mesure où ils ne jouent pas leur rôle, ils inséminent l’idée, dans l’esprit des violeurs, que tout est permis, tout leur est dû, qu’ils peuvent agir sans craintes. Voilà ce que les silences disent. Voici les idées qu’ils véhiculent. Et, tant que l’omerta continuera de proliférer comme elle le fait depuis des siècles, nous continuerons de fabriquer des violeurs. Car, effectivement, nous sommes celleux qui fabriquons les violeurs. À chaque fois que nous nous taisons, nous donnons un permis de violer à chaque criminel. À chaque fois que nous détournons le regard, nous abandonnons une victime de plus. À chaque fois que nous ne condamnons pas un violeur pour ces méfaits, nous lui donnons tacitement le droit d’être une ordure et c’est une part de notre humanité qu’on enterre par notre complicité assassine.

 

Ça ne peut plus durer. Ça a déjà trop duré !

 

 

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Le viol est le crime dont tout le monde se fout ! Partie I

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On dénombre en France, en 2018, plus de 190 000 victimes de viol[1] ou tentatives de viol par an. Un chiffre bien en deçà de la réalité puisque les victimes de viol sont souvent silencié·es par l’amnésie traumatique dont elles et ils peuvent être sujet·tes et surtout l’omerta[2] de la société. Il est étonnant de voir que la culture du viol grandit en force et prend une place considérable dans l’esprit des citoyen·nes, induisant un déni total quant à ces réalités. Ce silence est monstrueux et n’a plus le droit d’exister. Car il condamne des centaines de milliers de vies, chaque année, à passer une existence de souffrances et d’abandon, s’ajoutant à la douleur du traumatisme. Nous ne pouvons plus permettre que de telles destructions humaines surgissent encore. Nous ne pouvons plus tolérer que nos proches soient livré·es à elleux-mêmes face à leurs blessures et leurs traumatismes, tentant désespérément de retrouver un souffle de vie. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur des crimes que les sociétés et époques antérieures ont laissé se perpétuer. NOUS N’EN AVONS PLUS LE DROIT. Il est de notre devoir d’agir. Le viol est un infanticide, un féminicide, un homicide et un humainicide. Par le caractère destructeur qu’il représente, il est un danger pour notre humanité. Nous devons le faire reculer, en commençant par briser, exterminer, éradiquer la culture du viol et la multitude de violences qu’elle cristallise.

 

La culture du viol : un drame en 3 actes ou l’expression d’un monde à l’envers

 

La culture du viol est cet outil dont se nourrit notre société pour légitimer un viol. Oui, oui, vous avez bien entendu (ou plutôt lu). Quand un viol a lieu, notre société si avancée scientifiquement, technologiquement, perd toute raison et logique car, au lieu de CONDAMNER tous les violeur·se·s quel qu’elles et qu’ils soient, elle va essayer de leur trouver des excuses. C’est d’une absurdité sans égale ni mesure. On se vante d’avoir des citoyen·nes de plus en plus instruit·es mais la bêtise règne en maître face au viol, une bêtise qui lui a permis de se répandre et gangréner par-delà le temps.

 

1) Culpabiliser les victimes

 

En effet, la pensée majoritaire est de véhiculer des idées et de poser des questions, non seulement les plus culpabilisantes les unes que les autres pour chaque victime mais aussi les plus insensées. Petite rétrospective de ce que l’on peut entendre lorsqu’une personne témoigne avoir subi un viol :

– Comment étiez-vous habillée ?

– Avez-vous provoqué / séduit celui qui vous a violée ?

– Aviez-vous bu de l’alcool ou consommé de la drogue ?

– Aviez-vous entamé une quelconque activité sexuelle avec cette personne avant de crier au viol ?

– Avez-vous dit non ? Un vrai “non” ?

– Quelles sont vos pratiques sexuelles ?

– Combien d’amantes / partenaires / conjoint·es avez-vous eu avant ?

– …

Je m’arrête-là mais le topo est assez clair : quand une personne est violée, la société, la justice, les soignants, tout le monde va s’acharner à prouver que la victime a un peu cherché / mérité / provoqué son viol donc elle n’a eu que ce qu’elle mérite. Or, personne ne mérite d’être violé·e. Personne ne mérite qu’on vienne à remettre en cause son humanité, car violer quelqu’un·e c’est nier son existence, son droit de vivre, son droit d’être.

 

2) Déculpabiliser les violeurs

 

“Nos modes de pensées ont été (mal)façonnés par une éducation aux désavantages des femmes, qui inculque que l’homme est un loup pour la femme. (…) Renvoyer l’homme au rang d’animal est une insulte pour ce dernier”

 

À côté de ça – quitte à sortir des absurdités, autant y aller franc-jeu – cette même société qui culpabilise les victimes, va chercher une myriade d’excuses pour déculpabiliser les violeurs (qui sont majoritairement mais non exclusivement des hommes) en avançant que :

– “mais tu connais les hommes, ils ne se contrôlent pas”

– “en même temps, si tu t’habilles d’une certaine manière, ne t’étonne pas si tu es violée ensuite”

– “les hommes sont comme ça, on n’y peut rien”.

 

D’aucuns ne pourraient affirmer une prétendue “faiblesse” naturelle inhérente à l’homme. Si cette idée reçue – et l’expression est à propos puisqu’une idée reçue est une idée répandue et véhiculée, dont le nombre et le caractère répétitif lui ont conféré un statut valant véracité – est largement véhiculée pour plusieurs raisons.

L’Histoire fut le siège du diktat patriarcal. Durant des siècles, l’idéologie machiste représentée par les hommes a kidnappé l’ensemble des postes décisionnaires et de pouvoir. Ces derniers écrivaient et faisaient appliquer des textes de lois qui ne risqueraient en aucun cas de remettre en cause leurs privilèges. Ils ont donc disséminé dans l’esprit de tous les hommes et toutes les femmes de leur époque, une supposée faiblesse sexuelle des hommes face au corps féminin. Il devenait donc quasi impossible de réfuter cette thèse ni de condamner un viol. Comment une femme victime de viol pourrait-elle aller se plaindre à un représentant de justice mâle, persuadé lui aussi de sa propre faiblesse ?! Si l’apparition de femmes, au cours de l’histoire récente, a permis une évolution de ces prises de pouvoir, il n’en reste pas moins que les idées et mentalités ont été trop bien ancrées dans l’esprit de tout un chacun pour être facilement et rapidement remises en question.

Nos modes de pensées ont été (mal)façonnés par une éducation aux désavantages des femmes, qui inculque que l’homme est un loup pour la femme. L’aberration suprême de la culture du viol est de considérer que l’homme ne peut contrôler ses besoins, envies et pulsions. Or, aussi loin que je me souvienne, ce qui distingue l’homme de l’animal c’est justement ce contrôle-là, ce libre-arbitre, cette résistance. Renvoyer l’homme au rang d’animal est une insulte pour ce dernier – même s’il ne vit que pour assouvir ses besoins – et une manière de déculpabiliser à outrance. Cela reviendrait au même si on faisait preuve d’indulgences envers un meurtrier, sous prétexte qu’il serait “fou”, si tant est que ce mot veuille dire quelque chose. Qui plus est, il est totalement erroné de penser le viol comme “un désir non contrôlé” car le viol est dissociable du désir. Le viol est la résultante d’une volonté de domination et de destruction. Il n’a aucun lien avec la sexualité. Nonobstant, j’aimerais interroger les hommes de notre monde : souhaitez-vous vraiment être perçus, vu, décrits, comme des êtres sauvages, victimes de leurs bourses ? C’est si réducteur, insultant et désolant comme perception.

 

Enfin, il me semble que nous sommes suffisamment éduqué · es, éveillé · es et intelligent · es pour cesser de légitimer encore la culture du viol, qui est d’un non-sens profond. Cela ne répond vraiment à aucune logique humaine de culpabiliser les victimes puis déculpabiliser les violeurs. C’est un cheminement de pensées qui relève de l’aberration seule. Le viol est un crime, au même titre que le meurtre. Pénalement, ces actes sont de même gravité. Pourtant, il ne nous viendrait jamais à l’esprit de dire à une personne qui a été tuée :

– “Quelle idée de sortir de chez toi quand on sait tous les fous/folles qu’il y a dehors”

– “Quelle idée de te mettre sur le chemin de telle personne, tu ne savais pas qu’il/elle pouvait te tuer”

– “Pourquoi l’avoir mis e en colère et nourri celle-ci ?” “Pourquoi ne pas t’être tu · e ? On sait tous que par excès de colère, l’être humain peut tuer.”

– “Mais tu aurais dû savoir que cette personne avait un couteau / flingue ou que sais-je encore ! Tu savais que c’était un meurtrier potentiel !”

 

Toutes ces affirmations sont insensées : de la même manière que les meurtriers n’ont pas leur crime écrit sur leur front, les violeurs non plus. Il est donc difficile d’identifier un violeur avant qu’il ne commette son crime et c’est déjà trop tard pour s’en défendre. Dans la même veine que ces propos nous paraitraient ahurissant à tenir à une victime de meurtre, on n’a pas le droit les tenir face à une victime de viol (la comparaison n’est pas de trop car les victimes de viol se retrouvent dans un état de mort · es-vivant · es, de fantôme, de cadavre, tant leur vie a été pulvérisée par l’agression.) Dans la même veine, une victime qui est traumatisée et saccagée par le viol, quand elle arrive, avec peines et souffrances, à avouer ce crime qui la ronge, on ne peut plus se permettre d’interroger son silence, qu’importe la durée de celui-ci.

 

3) Incriminer le silence

 

Dans la suite (il)logique de la culture du viol, la société qui croit tout savoir, a encore tout un lot de phrases assassines à dire à une victime qui avouerait l’abus qu’elle a subi :  “mais pourquoi t’as pas bougé ?”, “pourquoi t’as pas crié ou réagi ?”, “pourquoi tu n’en parles que maintenant ? Au bout de 20 ans ? Tu veux briser sa vie et sa famille ??!”

 

 

Chacune de ces phrases, dans un premier temps, dénote une absence totale de compassion, d’empathie et d’humanité. Il s’agit très clairement des mauvaises questions à poser et de la plus mauvaise manière de le faire. Toute l’illustration de la culture du viol que je viens de faire nous montre pourquoi une victime pourrait avoir du mal à avouer son agression. Chacune de ces phrases, dénuées d’empathie, est une douleur tranchante supplémentaire pour qui les entend. Ne rien dire c’est se protéger d’entendre de telles bêtises. Autrement dit, la culture du viol silencie les victimes et ce silence est une double souffrance, un autre abandon.

Cependant, une autre raison qui amène au silence est d’ordre psychotraumatique. Il est utile de savoir que le viol est une effraction psychique sans précédent, qui défie l’entendement. Il représente un danger vital pour chaque victime. En effet, le choc est tel qu’il est à l’origine d’une surproduction d’adrénaline et de cortisol, deux hormones qui, en surabondance, peuvent entraîner la mort par arrêt cardiaque. Pour protéger physiologiquement la victime, le cerveau procède à une disjonction (oui, comme un circuit électrique) et coupe la relation entre l’objet de stress et la région cérébrale qui sécrète les hormones. Cela conduit à une sidération de la victime (qui se retrouve dans l’incapacité totale de bouger) et à une dissociation traumatique (sensation de sortir de son corps, de flotter) qui va engendrer une anesthésie émotionnelle (sensation d’un corps coupé de ses émotions). L’ensemble de ces symptômes durent jusqu’à plusieurs dizaines d’années. Enfin, quand la victime est mineure, étant donné qu’elle n’a aucun accès à la sexualité (d’un point de vue psychique, cela est en décalage avec son développement) le traumatisme sera tel que va s’ajouter une amnésie traumatique. Comme son nom l’indique, c’est le fait de refouler le traumatisme. L’amnésie peut aussi mettre plusieurs décennies à être levée.
La culture du viol est donc une gangrène qui sévit depuis beaucoup trop longtemps et fait des ravages considérables. Elle permet la survenue des viols et contribue à les étouffer ensuite. Elle représente un fléau à éradiquer de toute urgence, pour que soient rompues à tous les niveaux les lois du silence.

 

[1]  « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol. » Article 222.23 du Code pénal.
« De quelque nature qu’il soit » , cela signifie bien que toutes les pénétrations (vaginales, anales ou orales) sont considérées comme étant des viols, qu’elles soient effectuées avec un pénis, un doigt ou n’importe quel autre objet. Source : https://simonae.fr/militantisme/les-indispensables/expliquez-culture-du-viol/

[2] terme emprunté à la mafia, désignant une loi du silence pour taire des crimes largement connus.

Suite Partie 2/3
Suite Partie 3/3

 

Crédit photo à la une : Fédération des femmes du Quebec

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

« Le ventre des femmes et la colonialité » : l’intervention de Françoise Vergès au Lallab Day #5

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C’est avec le plus grand honneur que nous avons reçu Françoise Vergès lors du dernier Lallab Day le 30 septembre 2018. Non seulement titulaire de la chaire Global South(s) à la Maison des Sciences de l’Homme, Françoise Vergès a également présidé le Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage. Elle est aussi co-fondatrice de l’Université et de l’association « Décoloniser les Arts » avec Gerty Dambury et Leïla Cukierman. Ayant grandi sur l’île de la Réunion, dans une famille engagée dans les luttes décoloniales et anticapitalistes, elle obtient son baccalauréat à Alger en 1970 et son doctorat de sciences politiques à Berkeley en Californie en 1995.
Experte des questions de races et de genres, elle analyse en particulier le traitement réservé aux femmes racisées des classes populaires de la Réunion dans son livre Le ventre des Femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme (2017), qui nous intéresse aujourd’hui.

 

Quand l’État français cautionnait les stérilisations et les avortements forcés et illégaux à la Réunion

 

Dans Le ventre des Femmes, on apprend qu’au moment même où les femmes blanches de France se battent pour le droit à l’IVG au début des années 1970, 7000 à 8000 femmes par an sont avortées ou stérilisées sans leur consentement dans une clinique de la Réunion. De plus, les auteurs de ces violences médicales s’enrichissent en se faisant rembourser des actes médicaux fictifs par la Sécurité Sociale. L’avortement est alors un crime sévèrement puni, et ne sera légalisé en France et dans ses post-colonies qu’en 1975. Le scandale, révélé en 1970 à la suite d’une plainte contre X d’un médecin réunionnais soignant une victime, met en lumière les stratégies de contrôle des naissances sur l’île, contrôle introduit par le gouvernement français après la Seconde Guerre Mondiale.

L’absence totale de culpabilité de la part des médecins concernés prouve qu’il existe bel et bien une différence de traitement des femmes, entre celles qui ont le droit de donner naissance – les blanches, auxquelles le gouvernement applique une politique nataliste – et celles que l’on stérilise et avorte de force. Cette différence se retrouve de fait chez les enfants, entre ceux qui ont le droit de naître et de vivre dans de bonnes conditions (blanc·he·s) et ceux que l’on ne veut pas (racisé·e·s). Malgré la cruauté de leurs actes, et l’illégalité de l’avortement au moment de leur procès en février 1971, les médecins responsables bénéficient de la clémence de la justice française, à l’exception d’un médecin d’origine marocaine et d’un infirmier réunionnais, tous deux racisés, évidemment ! Preuve s’il en faut, de la complicité tacite de l’État français…
 
Extrait de témoignages du procès en appel des auteurs d’avortements et stérilisations forcées de la Clinique orthopédique de Saint Benoît à la Réunion (1er mars 1971). Témoignages. Page 1.
 
La détresse de ces femmes fut totalement ignorée par les mouvements féministes des années 1970 comme le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), ou encore le Planning Familial… Bien que ce scandale ait été médiatisé par le Nouvel Observateur dès 1970 – journal qui publiera le Manifeste des 343 – les avortements forcés des femmes réunionnaises, pauvres et racisées ne furent jamais questionnés par les féministes blanches. Pour Françoise Vergès, celles-ci ont volontairement ignoré les problématiques des femmes racisées, colonisées et subalternes, alors que ce scandale était discuté dans tous les journaux nationaux.

 

Dès lors, le féminisme blanc dit universaliste se construit et se mobilise autour de problématiques qui sont propres aux femmes blanches et plutôt bourgeoises, c’est-à-dire privilégiées de manière économique, sociale et culturelle. Ce féminisme a, et continue, d’invisibiliser les revendications des subalternes, quand il ne participe pas activement à leur oppression en profitant de sa proximité avec le pouvoir hégémonique blanc et masculin.

 

 

Les enfants racisé.e.s : de la ressource à la menace

 

Françoise Vergès soulève ainsi deux questions : celle de l’invisibilisation des femmes subalternes, notamment dans les luttes féministes, ainsi que celle de la démarcation entre les enfants ayant le droit de naître et grandir dans de bonnes conditions, et les autres.

En cherchant à comprendre comment de tels crimes ont pu être commis et effacés des mémoires, elle s’est rendue compte que l’idéologie justifiant l’exploitation du ventre des femmes racisées et la séparation entre deux humanités prend ses racines à la fois dans les chasses aux sorcières et la traite esclavagiste européenne. En effet, les États occidentaux modernes aidés de l’Église formalisent leur mainmise sur la fertilité de leurs sujets dès le XVe siècle. Grâce à un appareil institutionnel de plus en plus étendu et puissant, les États enregistrent les naissances et punissent les femmes dites « sorcières » en les torturant et brûlant sur les places publiques car ils veulent effacer le savoir de ces femmes du peuple concernant la contraception et la médecine.

 

Cette appropriation du savoir et du ventre des femmes est contemporaine de l’émergence des Empires coloniaux esclavagistes et de la naissance du capitalisme. L’accumulation de richesse matérielle par et pour une classe bourgeoise occidentale repose sur le pillage des terres colonisées, le travail forcé des esclaves, mais aussi le fruit du ventre des femmes racisées.

En effet, ce sont les enfants des femmes africaines qui sont kidnappé·e·s et déporté·e·s : le ventre des femmes africaines est transformé en « capital » pour la traite. Aux Etats-Unis où la traite avec l’Afrique est interdite en 1808, la reproduction de la main d’œuvre servile se fait dans les plantations et la traite devient interne : les femmes sont violées parfois 6 ou 8 semaines après avoir donné naissance pour produire un autre être à exploiter, louer ou vendre. Dans les colonies françaises, c’est la déportation qui est choisie, autrement dit le kidnapping.

Ce modèle – le ventre des femmes racisées comme élément du capitalisme – se poursuit au XIXème siècle quand des millions d’hommes et de femmes d’Asie sont importées pour travailler dans les mines, les plantations… C’est encore le ventre des femmes racisées qui est exploité pour assouvir le besoin de main d’œuvre des impérialismes.

 

Les ventres des femmes racisées ont donc été créateurs de richesses, puisque les esclaves sont considéré·e·s comme des biens matériels, et constituent ainsi l’un des piliers du système capitaliste naissant qui continue de structurer les sociétés actuelles.

 

À gauche : croquis d’une vente d’esclave. Un bébé noir est vendu malgré les supplications de sa mère, elle aussi esclave (Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines). Croquis par Henry Bibb, publié en 1849.

À droite: “Stop à la stérilisation forcée (en anglais et en espagnol, ndlr). Auditions publiques sur la stérilisation – 12 février à 10 h du matin au State Buiding 350 McAllister St à SF. Rassemblement à midi le Samedi 12 février au Centre Civique.” (Poster “Stop Forced Sterilization” par Rachael Romero de la San Francisco Poster Brigade, 1977).

 

Après la Seconde Guerre Mondiale, l’automatisation et la désindustrialisation dans les pays occidentaux changent les besoins en main d’œuvre. Les enfants colonisé·e·s, autrefois ressources essentielles, deviennent une menace : le fameux complot du « grand remplacement » tire ses origines dans un langage légitimé à l’échelle nationale et internationale. Le contrôle des naissances devient alors un pilier des politiques de « développement » qui attribuent la pauvreté générationnelle des territoires colonisés et les destructions environnementales globales à la forte natalité des peuples colonisés, invisibilisant opportunément des siècles de spoliations coloniales. La richesse matérielle de l’Occident découlerait ainsi d’une prétendue supériorité culturelle sur les autres peuples, supériorité justifiant donc un impérialisme pseudo-bienveillant…

Reposant sur une stratégie de séduction-punition prétendant libérer les femmes du joug patriarcal des hommes racisés, les États occidentaux – France incluse – et les institutions complices fabriquent donc un consentement artificiel à leurs politiques impérialistes, racistes et hétéro-sexistes.

 

Briser le plafond de verre : pour qui ?

 

Dans les sociétés post-esclavagistes, la destruction du tissu familial des peuples colonisés continue. L’État impose la famille blanche et bourgeoise cis-hétéro comme norme, et utilise encore une fois une stratégie de séduction-punition pour mieux contrôler l’intimité familiale des peuples colonisés. Les institutions font miroiter aux femmes racisées de les libérer de leurs pères, frères, maris forcément sexistes de par leurs « cultures barbares » … tout en s’appropriant en même temps leur autonomie ! Les femmes issues de la postcolonialité subissent une exploitation économique et mentale, leur souffrance étant soit ignorée, soit fétichisée.
Les femmes racisées, exclues des sphères de pouvoirs sont présentes en majorité et ne comptent pas leurs heures dès qu’il s’agit des services de soin, de nettoyage, de garder les enfants des femmes blanches afin que ces dernières puissent briser le fameux plafond de verre, lutter pour la parité, avoir du temps pour elles… Ces métiers dits du « care » sont profondément méprisés et sous-payés malgré leurs conditions de travail éprouvantes : il ne faudrait surtout pas voir les femmes racisées en arrière-plan qui nettoient les bureaux avant 8 heures du matin pour que les entreprises puissent fonctionner.       Ces travailleuses sont de plus contraintes de se loger loin de leurs lieux de travail, la gentrification les éloignant de manière croissante des pôles économiques.

 

Travailleur·euse·s en grève de la société ONET, prestataire externe de la Bibliothèque Nationale de France et de la SNCF entre autres. Photo de Marieau Palacio pour streetpress.com. 17 Avril 2015.
 
Pire, ces problématiques d’exploitation du ventre des femmes – quand elles sont enfin reconnues – sont pacifiées et appropriées par les personnes dominantes. D’où le succès et l’ultra-médiatisation à grand renfort d’images extrêmement voyeuristes du livre Sexe, Race & Colonies, écrit par des blanc·he·s, qui s’approprient des études menées depuis des années par des personnes militant·e·s et chercheur·euse·s concerné·e·s.

Du rapt d’adolescent·e·s de 14 ans pour les champs de cannes à sucre aux violences policières actuelles contre les jeunes racisé·e·s, de la politique de dévoilement des femmes indigènes lors de la guerre d’Algérie aux discriminations subies par les femmes voilées aujourd’hui, il y a bel et bien une continuité. Pour les femmes racisées des milieux populaires, ce ne sont pas les luttes féministes universalistes qui comptent.

C’est l’arrêt des humiliations quotidiennes et la justice économique et sociale. Ne pas avoir à se dévoiler pour travailler. Aller à la plage dans la tenue qu’on veut. Ne pas être suivie dans les magasins. Ne pas être stéréotypées dans la culture et les médias. Le droit au sommeil et au repos. Ne pas passer des heures dans le RER pour aller nettoyer ou garder des enfants bourgeois et s’entendre dire qu’on « profite » des allocs et qu’on a trop d’enfants, « mal-élevés » évidemment. Ne pas avoir peur pour ses enfants quand ils sortent dans la rue. Ne pas avoir à pleurer la mort de ses enfants à la suite de violences policières.

Voilà ce que le féminisme doit pouvoir garantir aux subalternes et à toutes les femmes.

 

On ne peut même plus parler de plafond de verre, mais d’une chape de plomb qui détruit le corps et l’esprit des subalternes, nous rappelant sans cesse notre appartenance à une caste censée servir nos oppresseurs, et ce, avec gratitude.

Un féminisme universaliste certes, mais pour qui ? Il n’a rien de libérateur, loin de là, puisqu’il exploite les femmes subalternes au profit des privilégié·e·s.

Un féminisme niant la réalité du capitalisme racialisé ne peut prétendre à émanciper les femmes et minorités de genre. Nous ne vivons ni dans un monde décolonisé ni dans un monde paritaire, loin de là.

 

 

Pour aller plus loin :

  • À lire :
    • Le ventre des femmes: Capitalisme, racialisation, féminisme. Livre de Françoise Vergès publié chez Albin Michel en 2017.
    • Décolonisons les arts ! Manifeste du collectif éponyme paru en 2018 aux éditions L’Arche, sous la direction de Françoise Vergès, Gerty Dambury et Leïla Cukierman.
    • « Les corps épuisés du spectacle colonial ». Collectif Cases Rebelles, publié en septembre 2018 sur leur blog éponyme.
    • Ne suis-je pas une femme. Livre de l’afroféministe et militante des droits civiques américaine bell hooks, publié chez Cambourakis en 2015
    • Sorcières : la puissance invaincue des femmes. Livre de Mona Chollet publié chez l’éditeur Zones en 2018.

 

 

 

 

Crédit photo à la une : Francoise Vergès lors des Lallab Days, 30 septembre 2018. Copyright Lallab

 

Article écrit par Rabbit et Nancy Pas Reagan

 

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Top 13 des dialogues quotidiens absurdes sur mon hijab

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La patience est une vertu centrale en islam, qu’on nous encourage fortement à développer. Je suis encore loin d’y être parvenue, mais par chance, j’ai l’occasion de l’exercer au quotidien… Surtout depuis que je porte le hijab et que j’entends encore et toujours les mêmes commentaires et questions… plus ou moins absurdes.

 

1. Mais t’as pas trop chaud ?

 

A priori, s’il fait 40 degrés et que tout le monde crève de chaud, il y a des chances pour que j’aie chaud, moi aussi. Même si le doute peut planer, étant donné que je suis une princesse et qu’effectivement, les princesses ne transpirent pas.

Mais même si je n’en étais pas une, vous pourriez dormir sur vos deux oreilles : j’ai des foulards dans des tissus très légers, et les vêtements amples créent une petite brise très agréable quand on se déplace. Vous pouvez donc reporter votre attention sur les personnes qui portent des costumes ou des jeans, ce serait injuste de les oublier.

 

2. Franchement, t’es hyper indépendante, pour une femme musulmane !

 

… Et ça se veut être un compliment.

 

 

S’il y avait des sous-titres pour la traduction, voilà ce que je lirais : « Comme tu es musulmane, je m’attendais à ce que tu sois une femme soumise et dépendante… Mais en fait tu fais quelque chose de ta vie, c’est incroyable ! Bravo, je te donne un bon point. Ca compte double quand ça vient d’une personne bourrée de préjugés et qui ne se rend pas compte que sa légitimité est inexistante. »

Bref, pas vraiment de quoi être flattée.

 

3. C’est bon, les hommes vont pas te sauter dessus juste parce que tu montres tes cheveux…

 

Tu dis ça parce que t’as pas vu mes cheveux…

Plus sérieusement, je couvre aussi mes bras jusqu’aux poignets, or je ne suis pas convaincue que mes avant-bras rendraient fous de désir tous les hommes sur mon passage. C’est donc qu’il doit y avoir une autre logique derrière, qui n’a pas forcément de lien avec le fait d’attirer ou non ces méchants hommes dégoûtants.

 

4. Toutes les femmes dans ta famille le portent ?

 

Non, je suis la seule.

Ah, même pas ta mère ?

Non.

Ni ta sœur ?

Ben, non.

Dans ce cas tes tantes ? Tes copines ? Ta voisine ? Lady Gaga ?

… Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un qui aurait pu avoir une influence sur moi, parce que c’est décidément inconcevable que je puisse porter ce foulard de mon propre gré.

 

5. C’est vrai que ça vous donne un air mystérieux… Tu dois avoir de beaux cheveux ondulés…

 

C’est ça, et dès que je rentre chez moi le soir, je libère ma soyeuse crinière, j’enfile ma tenue de Jasmine et je danse avec des clochettes autour des chevilles.

 

 

Notons au passage que si je couvre mes cheveux, c’est pas pour faire galoper ton imagination, ni pour te les décrire en me donnant un air mystérieux. Tu ne sauras donc probablement jamais si j’ai des longs cheveux ondulés, des dreadlocks violettes ou la boule à zéro.

 

6. Et sinon, chez toi, tu fais comment ?

 

Je le garde jour et nuit. Je dors même avec. D’ailleurs, même moi, je n’ai pas le droit de me voir. Du coup je mets un hijab de bain et je me lave en burkini.

Sinon, quand je suis d’humeur rebelle, je l’enlève devant les femmes et devant les hommes de ma famille proche. Mais ça m’arrive aussi de le garder en rentrant chez moi, parce que je ne l’arrache pas en criant « Libération » dès que je passe la porte. Sauf bien sûr quand je veux libérer ma crinière pour danser avec des clochettes aux chevilles.

 

7. J’ai eu un pincement au cœur en voyant ta photo, mais j’imagine que je vais finir par m’habituer…

 

Ah, la douceur des réactions quand les gens me voyaient avec mon hijab pour la première fois… Je ne savais pas que j’aurais dû organiser un référendum pour récolter l’opinion de chacun·e.

J’ai aussi eu droit à quelqu’un qui a dit : « C’est dommage, elle avait tellement de joie de vivre… ». Remettons quand même les points sur les I : j’ai juste décidé de porter un hijab. Je n’ai pas dit que je n’aimais plus la vie ou que je partais en Syrie, hein, donc ravalez vos larmes, tout va bien.

 

8. T’as des beaux cheveux, tu devrais les montrer !

 

Merci pour le compliment, mais je ne vois pas pourquoi je « devrais » les montrer, ni quel en serait l’intérêt. Parce que :

1) je n’ai pas besoin que le reste de la planète sache si j’ai des beaux cheveux ou non

2) le reste de la planète n’a pas besoin de savoir si j’ai des beaux cheveux ou non.

Est-ce que moi je te saoule en te disant que tu as de belles jambes et que tu devrais les montrer alors que tu n’en as pas envie ? Non. A bon entendeur.

 

9. Vous êtes musulmane ?

 

 

 

Non non, c’est juste que je n’arrivais pas à me coiffer ce matin, donc je me suis dit que ça serait pratique pour le cacher.

On m’a aussi posé la question pendant un entretien d’embauche, après environ 3 minutes de questions bidons pour tourner autour du pot. Mon cerveau a pensé : « Non non, je me suis dit que porter un foulard, ça m’aiderait à mettre toutes les chances de mon côté pour l’entretien. Ben oui je suis musulmane, et c’est complètement illégal de me poser cette question ». Malheureusement, ma bouche a dit : « Euuuuuuuh… oui… » – et l’entretien s’est arrêté là.

 

10. Je comprends pas, t’es intelligente, pourtant…

 

Ahlala, quel gâchis : une femme qui fait ses propres choix alors qu’ils ne correspondent pas à ce que moi je pense ! Au moins, c’est assez clair sur l’échelle de jugement de la personne : je comprends = c’est intelligent ; je ne comprends pas ou je n’approuve pas = c’est stupide. Belle ouverture d’esprit, rien à dire.

 

11. Donc pour toi, une femme qui montre son corps, elle mérite pas le respect, c’est ça ?

 

Mais OÙ est le RAPPORT ?!

 

 

J’ai fait ce choix pour MOI et ça n’implique rien sur ce que je pense des autres femmes ou de la manière dont elles s’habillent. Chacune mérite le respect, point barre, et la manière de s’habiller n’a rien à voir là-dedans. D’ailleurs, je ne pense pas que le fait de me couvrir me donne droit à plus de respect, c’est complètement ridicule comme idée. Donc non, je ne juge pas sur les apparences, et heureusement pour certaines personnes que je ne juge pas non plus sur la bêtise…

 

12. Désolé·e mais ça sera pas possible, ton voile est trop en opposition avec mes convictions féministes.

 

Tes convictions féministes, elles devraient t’inciter à soutenir les femmes quelles qu’elles soient et à apprendre ce que veut dire le mot « sororité ». Si elles te servent à refuser ou exclure une autre femme sous prétexte qu’elle a fait un choix que tu ne comprends ou n’approuves pas, sache que ton féminisme est en CARTON. Malheureusement, c’est parfois du carton super solide, comme celui de cette amie qui a préféré ces fameuses « convictions féministes » à notre amitié vieille de 15 ans.

 

13. Are you really French?

 

« Ah bon, t’es sûre ? Parce que tu ne ressembles vraiment pas à l’image que j’ai des Français·es… »

Tu dis ça parce que j’ai un foulard sous la tête, ou bien parce que je ne me balade pas avec un béret, une marinière et une baguette sous le bras ?

 

 

Crédit image à la une : Yes I’m hot in this

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(Dé)construction

Le fléau du flambeau, ou comment une lutte se fait récupérer par des personnes non-concernées

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Quand des humain·e·s se rassemblent pour lutter contre une discrimination qui les touche collectivement, ça a plutôt tendance à mettre une pétoche monstre à celles et ceux qui ne sont pas impacté·e·s directement par cette discrimination. Et si crier au loup (oui, on a beaucoup de loups en France sur lesquelles nos blanches brebis crient très fort : les personnes racisées, musulmanes, LGBTI+, grosses, en situation de handicap…) semble une pratique qui s’essouffle doucement, quoi de plus ingénieux alors, pour étouffer un mouvement, que d’en confisquer le flambeau ? Voyons ici comment le détournement de haut-parleur est un trafic qui ne dit pas son nom, mais se déroule pourtant sans vergogne, et à la vue de tou·te·s.

 

Eh oui ! Car sur la scène de l’Occident, the star of the stars, ce n’est pas la personne qui travaille en coulisses, mais bien le chanteur ou la chanteuse du groupe. En tant que personne privilégiée, il est souvent difficile de ne pas surgir de derrière le rideau rouge, d’une glissade sur les genoux, ou bien de ne pas faire un pas en avant au moment des saluts, à la fin d’un spectacle dans lequel on ne faisait pourtant pas partie des personnages principaux[1]. C’est que le capitalisme et ses success stories ne nous ont pas franchement appris à nous satisfaire d’être un humble maillon de la chaine ! Tandis que, rappelons-le, le militantisme demeure une nécessité pour une multitude d’individu·e·s opprimé·e·s, on ne compte plus les militant·e·s en recherche de passeport social, ou de carrière professionnelle individuelle. Parmi ces histoires, celle de SOS Racisme constitue un véritable cas d’école.

 

SOS Racisme ou le sauvetage de carrières en péril

 

Selon le politiste Philippe Juhem, la fondation de SOS Racisme correspond à la « résultante [de] contraintes à la fois politiques, organisationnelles et professionnelles ».

 


Crédit photo : Campagne de communication SOS Racisme

 

Cette association antiraciste est créée en 1984, suite aux premiers succès électoraux du Front national. Toujours selon Ph. Juhem, ses membres fondateurs·trices ne bénéficient d’aucune formation théorique. Ni démarche intellectuelle exigeante, ni expérience personnelle, donc, mais une bille en tête pour toute conviction politique et matière première à la création d’un mouvement censé traiter d’une des plus grandes problématiques du monde.

C’est que la fondation de SOS Racisme répond en réalité à une toute autre urgence : pallier aux difficultés d’existence de ses fondateurs·trices au sein du Parti socialiste. A leur grande déception, nos protagonistes y occupent en effet une position marginale. Trop agé·e·s pour rester militant·e·s étudiant·e·s, mais trop jeunes pour accéder à des responsabilités d’envergure, la création d’une telle association leur fournira la légitimité de personnalités mises sur le devant de la scène médiatique et politique. Cette notoriété organisationnelle et individuelle pourra par la suite être valorisée au sein du parti. Ce sera notamment le cas pour Harlem Désir, président de SOS Racisme durant huit ans, devenu député européen sur la liste du PS en 1999.

 


Manifestation en 1989. Crédit photo : SOS Racisme

 

Laurence Rossignol, qui a participé à la fondation de l’association, affirmait d’ailleurs : « On a la certitude qu’on n’arrivera pas à s’imposer et à exister dans le Parti socialiste uniquement par l’intérieur, donc qu’il faut passer par un rapport de force qui est créé sur l’extérieur… et donc oui, qu’il faut créer son appareil. » En l’occurrence, c’est la cause antiraciste qui s’est retrouvée récupérée, en raison de son caractère « inattaquable » — plusieurs mobilisations de gauche contre cette oppression avaient déjà eu lieu, depuis la guerre d’Algérie. De plus, par la négation du caractère systémique du racisme (le racisme qui émane des institutions), le gouvernement n’est pas perçu comme coupable, ce qui permet à SOS Racisme de bénéficier de son aide matérielle. Tout cela contribue fortement à la marginalisation des militant·e·s de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Dans son documentaire Les Marcheurs, Samia Chala montre la déception de nombreux·ses marcheurs·euses, pour qui leur lutte a été détournée, notamment par la création de SOS Racisme, dont la posture est morale et non politique.

 


Départ de la marche pour l’égalité et contre le racisme, 1983. Crédit photo : AFP Photo/Marcel Mochet

 

La fondation de SOS Racisme aura donc permis à ses fondateurs·trices « d’accéder à des positions inespérées, » selon Ph. Juhem. Julien Dray a ainsi pu être député, mais aussi membre du Bureau national du Parti socialiste. Laurence Rossignol est également devenue ministre, au sein des gouvernements dont le chef était Manuel Valls. Ces deux piliers de SOS Racisme ont pour point commun d’avoir évolué dans leur carrière politique, mais également de tenir des propos très loin de l’antiracisme porté en étendard… En 2016, Laurence Rossignol avait assimilé les femmes musulmanes portant un foulard à des « nègres américains qui étaient pour l’esclavage ». Quant à Julien Dray, il affirmait en mai 2018 : « Le voile, quoi qu’en disent ses défenseurs, n’est pas un signe religieux. Il est d’abord un signe politique qui construit un statut particulier pour la femme. » Il s’opposait alors au fait que Maryam Pougetoux, présidente du syndicat étudiant UNEF à l’université Paris-Sorbonne, puisse porter un foulard tout en exerçant ses responsabilités.

 


Crédit photo : Affiche de l’université d’automne 2017 de la LICRA

 

L’appropriation du flambeau, cet incendie – ou la nécessité de redistribuer les micros de manière globale

 

S’emparer du flambeau d’une lutte dont on ne peut expérimenter les répercussions directes est une pratique encore aujourd’hui majoritaire. Cette année par exemple, la Pride de Toulouse a instauré l’élection d’un·e représentant·e, ouverte aux personnes non-concernées par les questions LGBTI+, sous prétexte d’un « nous, on ne met pas d’étiquette ». Or, la Marche des Fiertés est en elle-même une étiquette, qui indique qu’une masse de personnes, souffrant du fardeau de la honte qui leur est posé sur le dos, dresse des pancartes aux couleurs de l’arc-en-ciel pour tout bouclier. Se rassembler autour d’une fierté est une réaction, une force qui se décuple pour se défendre ensemble. Comme dirait le personnage de June dans la série The Handmaid Tale : « Il s’est constitué un « nous », parce qu’il existe un « eux ». »

Quand les collectifs de tous bords cesseront d’invisibiliser les personnes minorisées, alors oui, on pourra peut-être discuter du fait d’intégrer des porte-paroles non-concerné·e·s en formant une ronde d’humain·e·s tou·te·s égaux·ales autour de la Terre. Pour le moment, les discriminations font encore des ravages, le manque de diversité dans les représentations médiatiques alimente les imaginaires collectifs, et provoque un impact cinglant dans les réalités des personnes concernées. On pourra toujours dire, par exemple, que « mais oh c’est bon, un acteur cisgenre [dont l’identité de genre correspond au genre assigné à la naissance] a bien le droit de jouer une femme transgenre ! Et puis hein, le casting était ouvert à tou·te·s ». Et voilà comment, sous couvert de Liberté chérie, on ferme les yeux sur le pouvoir inconscient des mécaniques de représentations, qui nous poussent forcément à choisir, au bout d’un moment, les personnes les plus privilégiées.

Et oui, parce que pour représenter tout un mouvement, il faut en avoir les épaules. Et une personne qui a porté, toute sa vie, le poids des stigmates et des discriminations a bien moins de chances de développer la confiance en soi nécessaire à ce genre de poste. Choisir un·e représentant·e qui s’exprime avec aisance et dont l’apparence inspire spontanément confiance (comprendre : conforme aux normes esthétiques, physiques et vestimentaires), c’est très tentant pour bien faire passer un message. Et nous voilà reparti·e·s pour un tour de manège dans lequel ces personnes privilégiées serviront de modèles, qui inspireront et donneront confiance à d’autres personnes privilégiées et complexeront le reste de la population. Un cercle vicieux qui fait office de case de départ, et gare à vous si vous refusez de reprendre un ticket.

 

 

Choisir des personnes cisgenres pour représenter des causes trans (que ce soit à la Pride ou dans 99,9% des films), des personnes abolitionnistes (comme le Mouvement du Nid) pour parler du travail du sexe, ou des personnes blanches pour parler de racisme, des personnes valides grimées pour interpréter des personnes en situation de handicap… voilà autant d’exemples tristement banals d’une « ouverture d’esprit » prônée par des personnes dominantes alarmées par ces « communautarismes », et qui constituent un rouage majeur de l’écrasement de la parole des personnes concernées par un sujet tendance. Et nous voilà avec une Laurence Rossignol blanche comme une colombe qui vient parler à la place des femmes racisées et/ou musulmanes, ou un Saïd Bouamama qui se fait défenseur de réformes anti-prostitution.


Crédit photo : blog.payoneer.com

 

Les saccages du flambeau — ou les impacts des stéréotypes véhiculés par des personnes dominantes sur des individus concernés

 

En attendant, la plupart des personnes ouvrent des yeux comme des soucoupes quand elles rencontrent un individu qui ne ressemble pas à ceux qu’elles voient à la télé ou à qui la société ne confie pas ses postes de pouvoir, et se permettent de reproduire questions intrusives ou agressions franches diffusées par les émissions racoleuses.

En attendant, les comédien·ne·s trans ne trouvent pas d’emploi, sans cesse renvoyé·e·s à leur genre par des personnes qui, elles, gagnent de l’argent à filmer des personnes cisgenres déguisées, socialement valorisées pour leur « ouverture d’esprit ».

Les personnes non travailleuses du sexe, pour peu qu’elles soient allées rencontrer trois personnes concernées pour en parler sur les antennes pendant des mois, passent pour des grand·e·s aventurier·e·s qui ont osé se jeter dans une fange opaque, stigmatisant par là même l’ensemble de la communauté.

Les personnes blanches ont un si grand cœur en prenant le micro pour expliquer que le racisme, c’est pas bien, parce qu’après tout, on est tou·te·s humain·e·s (et que les personnes racisées qui parlent avec la mâchoire serrée desservent leur cause en étant agressives). Et qu’est-ce qu’il est rigolo, notre Jean Dujardin national, dans le film Un homme à la hauteur, rétréci numériquement pour qu’on se demande pendant 1h37 s’il va réussir, malgré son handicap, à séduire une femme conforme aux normes de beauté ! Quant aux personnes non-musulmanes, elles font preuve d’une empathie inconditionnelle à vouloir sauver de leur propre choix les femmes portant le voile.

 


Crédit photo : Atmanco

 

Les triomphes du flambeau – ou les impacts positifs des paroles et images de personnes concernées véhiculées par elles-mêmes

 

Laisser paroles et images publiques aux personnes concernées permet de faire comprendre qu’il n’y a pas UNE position et UN visage interchangeable de personnes concernées, mais l’expression d’analyses de la réalité multiples.

Laisser un pouvoir décisionnel aux personnes concernées ne garantit pas la pertinence de leurs actions, mais assure un ancrage dans une réalité.

Proposer une multitude de modèles aux jeunes générations leur offre la possibilité de s’identifier à des personnes qui leur ressemblent davantage et peuvent leur inspirer l’espoir d’incarner un jour une place de modèle.

Laisser les personnes concernées se débrouiller pour trouver leurs propres mécanismes de lutte et de résilience, c’est comprendre que, suivant ses privilèges, on ne parle pas du même endroit, et que la parole que l’on porte ne peut résonner sur le monde de la même manière. Par exemple, les mots « beur » et « beurette », comme « pédé » et « gouine », utilisés dans un contexte intra-communautaire, n’ont pas la même résonance quand ils sortent d’un cadre de personnes concernées, et se retrouvent par exemple comme catégorie de pornographie, ou insulte dans une cour de récréation…

S’en tenir à un poste de soutien quand on n’est pas concerné·e, c’est aussi faire partie de l’Histoire qui s’écrit. En comprenant que dans la balance de départ, chacun·e n’a pas le même poids, même si tout le monde peut y avoir une place. Parce qu’on peut aussi choisir de faire partie d’une équipe merveilleuse qui travaille à établir un équilibre salvateur.

 

 

[1] On exclut ici les cas, bien spécifiques, d’une demande expresse émanant des personnes concernées, ou d’une stratégie politique pensée collectivement en amont.

Article co-écrit par Addéli et Shehrazad

Crédit image à la une : Alisson Demetrio

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(Dé)construction

Si tu veux que je t’éduque, il faudra me payer !

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Depuis toute petite, j’ai toujours aimé argumenter et débattre. Je n’ai jamais supporté de m’entendre asséner des vérités supposément absolues avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Cela a persisté avec ma conscientisation et mon intérêt pour la politique, les institutions, l’antiracisme et le féminisme.

 
Ne pouvant supporter d’entendre affirmés mensonges, contre-vérités ou atteintes à la logique sans réagir, je me suis retrouvée au cœur de bien des débats, dans la vie comme sur internet.

En voyant des pages de commentaires stupides, haineux et niant la dignité d’êtres humains approuvées par des dizaines de likes, je ne peux m’empêcher de riposter, ne serait-ce que pour que pointe une lueur d’espoir dans cette obscurité.

Cet article raconte comment les personnes racisées se voient contraintes de faire de la pédagogie aux dominant·e·s pour que ceux et celles-ci les respectent, et en quoi il est temps de se rendre compte que le droit à la dignité est sans condition.
 

To educate or not to educate? That is the question

 
En tant que femme racisée, j’ai souvent – constamment, en fait – à faire face à des questions et remarques déplacées, racistes. S’ajoute à cela un manque d’empathie envers les agressions psychologiques et humiliations quotidiennes.

En effet, depuis l’enfance, on nous enseigne que le racisme proviendrait de l’ignorance ; la solution logique serait donc l’éducation. Mais c’est une lutte sans fin et épuisante que de devoir expliquer que :

  • oui, le blackface, c’est raciste – « oh ! t’as pas d’humour » étant alors la réponse que l’on m’oppose la plupart de temps;
  • oui, parler avec un accent imitant supposément les Asiatiques et les Africain·e·s, c’est raciste. Ne serait-ce que parce-qu’il existe une grande différence entre un·e Togolais·e et un·e Marocain·e, ou un·e Laotien·ne et un·e Vietnamien·ne ;
  • une femme qui porte un voile le fait le plus souvent par choix, et que les femmes racisées subissent des discriminations quotidiennes et ce, sous des formes très variées ;
  • lier des faits divers à une religion ou à une origine est profondément raciste.

 

Cette liste n’est pas exhaustive et pourrait en réalité être sans fin.

Avoir à répéter perpétuellement de telles vérités, élémentaires, est usant pour celles et ceux dont l’identité et l’essence font par ailleurs, chaque jour, l’objet d’attaques.

 

Justifier son humanité ?

 

Quand nous nous efforçons tous les jours de faire ce travail de pédagogie, ce que l’on sous-entend, c’est : « Respectez moi s’il vous plaît, car je suis un être humain comme vous ».

Mais est-ce mon rôle de faire comprendre à ces personnes que tous les êtres humains ont droit à la dignité ? Que j’ai moi-même droit à cette dignité ?

Cet article ne s’adresse pas aux ignorant·e·s ou à celles et ceux qui viennent lire afin de décider si, oui ou non, les femmes musulmanes ou racisées sont dignes de leur respect. Cet article s’adresse aux personnes subissant de multiples oppressions et qui, depuis leur enfance, ont cru avoir pour fardeau d’éduquer tout un chacun·e par l’exemple, ou par des débats interminables, pensant ainsi (comme je l’ai pensé un jour) devoir déconstruire les préjugés de toute une population.

 

http://gph.is/28PE1ZU

 

Pourquoi croyons-nous que c’est à nous, inlassablement, de faire des efforts, quand nous subissons déjà autant ? Je ne saurais l’expliquer, mais il faut que cela cesse.

Plusieurs mois de débats sans aboutissement – mes interlocuteur·rices n’étant pas personnellement touché·e·s par mes propres problématiques, il leur est égal d’aboutir à quoi que ce soit – m’ont amenée à questionner l’utilité de la pratique du « faux débat ».

J’ai mis fin définitivement à cette pratique grâce à une interview et un workshop de Marie Dasylva, créatrice de l’agence NKALI WORKS, dont l’objet est d’aider les femmes racisées en entreprise.

Marie Dasylva déclare en effet : « Je pars du principe qu’expliquer son humanité, c’est entrer dans ce que j’appelle « l’Everest de l’inutile », où l’on va gravir des obstacles, se battre, pour que la personne en face de nous dise finalement qu’elle n’est pas d’accord avec nous alors que l’on vient de poser ses tripes sur la table à expliquer qu’on est un être humain […] C’est comme si notre humanité était une épreuve qu’on devait à chaque fois passer. L’humanité ce n’est pas le bac, normalement tout le monde l’a ! ».

 

La pédagogie par l’exemple

 

J’ai longtemps pensé que c’était mon devoir d’éduquer, de montrer la meilleure image possible de moi-même, pour que tout le monde voie qu’on peut être arabe, musulmane et bien élevée, avoir de bons résultats à l’école, être cultivée et bien s’exprimer. Que mon exemple parmi tant d’autres ferait reculer le racisme. Mais est-ce vraiment utile ?

Lorsqu’un adolescent est tué par la police en France ou ailleurs, on entend parfois, comme pour le défendre post mortem, qu’il était bon à l’école. A l’inverse, on reprochera par exemple à Adama Traoré de ne pas avoir un casier judiciaire vierge.

Nos vies sont-elles si peu estimables que nous soyons obligé·e·s d’avoir des comportements exemplaires pour être respecté·e·s ?

Nos parents nous ont appris à travailler deux fois plus et, dans notre société, une personne racisée devra toujours être meilleure, plus performante. Ou pouvoir escalader un immeuble à mains nues, à l’image de Mamoudou Gassama, et ainsi effleurer la chance d’obtenir la nationalité française. Les Français·e·s blanc·he·s se sont juste donné la peine de naître.

Mais le fait que nos parents et nous-mêmes ayons toujours travaillé bien plus ne nous a jamais évité le racisme ; au mieux, nous sommes considéré·e·s comme l’exception au milieu des autres Africain·e·s fainéant·e·s.

En clair, il faut apprendre à nous ménager pour notre propre santé mentale et physique, plutôt que de se tuer pour finalement ne pas être reconnu·e·s pour nos qualités.

Les seul·e·s qui méritent que l’on vise l’excellence pour elles·eux, c’est nous-mêmes.

http://gph.is/2c45h41

 

 

Etre allié·e, qu’est-ce que ça veut dire ?

 

L’allié·e est une personne non concernée par un type d’oppression donné (racisme, sexisme etc.). Cette personne peut t’être d’une grande aide quand, en tant que concernée, tu en as juste marre d’entendre les mêmes rengaines et les mêmes mensonges. Ou que tu es épuisé·e par l’absence souvent totale de compassion.

En temps de grosse fatigue, l’allié·e peut relayer la personne concernée, partager son opinion, faire résonner sa voix, être actif·ve. Parce que avouons-le, il y a des jours où l’on ne peut pas, et où l’on ne veut pas.

L’expérience m’a montré que les personnes ouvertes d’esprit n’avaient pas besoin de voir des noir·e·s excellent·e·s pour reconnaître que ceux et celles-ci avaient droit au respect et à la dignité. Quant aux autres, on pourrait leur montrer tous les exemples de minorités excellentes, cela ne changerait rien à leur point-de-vue.

Car parmi celles et ceux que nous éduquons tous les jours, il y a au mieux des allié·e·s potentiel·le·s, qui ont au moins le mérite de ne pas trop nous faire perdre notre temps – ces allié·e·s potentiel·le·s pourraient toutefois rechercher leurs informations ailleurs. Il y a aussi, au pire, des cyniques qui sont juste là pour poser des questions non pertinentes, ne voyant là que l’occasion d’un énième débat, quand nous défendons littéralement notre survie ! Et entre ces deux extrêmes, il reste les indécis·e·s, qui « ne voient pas en quoi [insérer ici : le blackface, les caricatures islamophobes et autres joyeusetés] est raciste ». Ou qui nous rétorquent que « franchement, on exagère, il y a des choses plus graves ». Ou nous assènent que « si la situation était inversée, personne ne crierait au scandale ».

 

http://gph.is/2dolyCE

 
Si vous vous considérez vraiment comme un·e allié·e, alors prenez part à ces débats non pour questionner les concerné·e·s, mais pour les soulager de ce poids que constitue la pédagogie.

 

Il est donc important pour les privilégié·e·s d’entretenir une saine curiosité, de faire des recherches et de se positionner en tant qu’allié·e.

Nous sommes deux à écrire cet article – une femme noire et une femme maghrébine voilée – et, bien que subissant des oppressions communes, nous avons l’occasion d’être des alliées l’une pour l’autre face à d’autres oppressions.

Par exemple, dans le cas du blackface notamment, ce n’est pas aux noir·e·s de démontrer que cette pratique est raciste. Ils et elles l’ont déjà suffisamment fait dans des articles et vidéos, par exemple.

Même chose pour le voile : le magazine Lallab, entre autres, propose nombre d’articles pédagogiques permettant d’assouvir la curiosité, saine ou déplacée, de chacun·e, en répondant par exemple à l’éternelle question : « Mais POURQUOI est-ce que tu portes le voile ?!! ». Donc si tu assistes à ce type de débats… diffuse la bonne parole !

Evidemment, nous rappelons que l’allié·e ne doit pas parler à la place des concerné·e·s, mais bien se mettre à leur écoute, et être reconnaissant·e·s de l’énergie dépensée pour leur éducation.

 

Ce que cela nous coûte

 

Vous rendez-vous compte de la violence que représente pour un·e individu·e le fait de devoir expliquer qu’il·elle mérite de vivre ?

Je n’ai plus le temps d’expliquer que ce n’est pas aux personnes non-concernées de définir ce qui est raciste ou non. Ni en quoi les atteintes « plus graves » sont en réalité rendues possibles notamment par la multiplication des micro-agressions. Ces micro-agressions – regards agressifs, blagues racistes, amalgames répétés etc. – en déshumanisant les personnes, participent à légitimer les agressions physiques et verbales.

Avoir à « prouver son humanité » encore et encore est non seulement chronophage, mais aussi extrêmement violent.

Je me souviens d’un débat avec une « féministe » se déclarant « contre le voile ». Après plusieurs heures de commentaires interposés, j’ai réussi, par mes arguments, à lui faire admettre qu’il était possible que le port du voile résulte d’un choix personnel. Sur le moment, j’ai pensé que c’était une victoire et que petit à petit, j’arriverais à convaincre plus de monde.

Après réflexion, je me demande si cela valait le coup.

J’aurais pu utiliser ce temps pour aider les personnes racisé·e·s à mieux s’accepter, ou pour prendre soin de moi. Ou bien encore l’employer à écrire des articles sur ces sujets, qui pourront être lus non seulement par des allié·e·s pour s’informer, mais également par des personnes concernées pour qu’elles se sentent moins seules et s’instruisent.

Voilà comment j’en suis venue à écrire pour Lallab. Aujourd’hui, si quelqu’un veut que je lui explique en quoi [insérer ici : le blackface, es caricatures islamophobes et autres joyeusetés] est raciste, je lui indique un article de ce site ou d’autres qui sont très bien faits, ce qui nous permet de gagner un temps fou.

Maintenant, si tu veux absolument qu’on te l’enseigne personnellement, il va falloir nous payer.
 
 

Article co-écrit par Thafath’n’Idh et Laura Palmer

Crédit photo image à la une : Jeeitd

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

10 conseils pour être un·e bon·ne musulman·e de France

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On entend de plus en plus le discours selon lequel les musulman·e·s français·e·s, ou vivant en France, devraient adapter leur pratique au contexte dans lequel ils·elles vivent. Une fondation a même été créée pour nous aider à réformer notre religion, c’est vachement sympa. Les contours de « l’islam de France » demeurant toutefois encore un peu flous, j’ai réfléchi à ce que nous pourrions faire pour mieux nous intégrer. Voici donc dix propositions qui devraient nous permettre de devenir des musulman·e·s gentil·le·s et modernes.

 

** POUR INFORMATION CET ARTICLE EST PUREMENT IRONIQUE **
 

1. Rendre certaines pratiques moins contraignantes

 

Il faut le dire, certaines de nos pratiques sont barbares car beaucoup trop contraignantes. Nous pourrions donc les adapter pour les rendre plus compatibles avec la vie en France. Par exemple, nous pourrions imaginer de pouvoir boire pendant les longues journées de jeûne lorsque le mois de Ramadan tombe en été, ou encore réduire le nombre de prières quotidiennes à une ou deux, afin que cela soit plus en adéquation avec notre journée de travail et un esprit de modération.

 

2. Autoriser une plus grande souplesse en société

 

Vous connaissez tou·te·s cette situation : vous participez à l’anniversaire d’un·e ami·e, à la fête des voisin·e·s ou au pot pour le départ en retraite de votre collègue Jean-Michel. Et là… c’est le drame : vous refusez le verre d’alcool qu’on vous tend, marquant ainsi délibérément votre différence, faisant sécession du reste du groupe et, on peut le dire, cassant carrément l’ambiance. C’est dans ce genre de situation qu’un peu de souplesse serait la bienvenue, pour montrer que nous faisons corps avec le reste de la société, et que nous ne nous replions pas sur nous-mêmes. Et puis, comme vous l’a dit Jean-Michel : un p’tit verre, ça n’a jamais tué personne, hein !

 

3. Revoir notre échelle de priorités

 

Soyons honnêtes : jusque-là, on ne peut pas dire que nous ayons fait de gros efforts pour montrer que nous apprécions le patrimoine gastronomique français et que nous nous le sommes approprié. Par exemple, pourquoi nous entêter à refuser de manger du porc dans un pays où la charcuterie est une véritable institution ? En cas de conflit entre les clichés sur la France et notre religion, nous devrions donc systématiquement privilégier ce qui est « typiquement français ». En combinant ce point avec le précédent, à nous les soirées apéro avec un petit verre de rouge et un plateau de saucisson à partager. Ah bah tout de suite, on se sent plus Français·e, non ?

 

4. Bannir tout signe visible

 

Il est temps de se le mettre dans la tête : nous sommes en France, un pays laïc, et Jean-Marie Le Pen a enfin réussi à faire admettre cette vérité indéniable : la religion doit rester dans le domaine PRI-VÉ. L’idéal serait de pratiquer chez nous, la nuit, dans le noir et avec les rideaux fermés. Mais au minimum, nous devrions arrêter d’imposer aux autres la vue de notre pratique, et respecter leur droit de ne pas voir de musulman·e·s. C’est une question de simple respect de leurs libertés fondamentales.

 

 

5. Effacer toute trace de cultures étrangères

 

En complément du point précédent, nous devrions éviter toute confusion pour celles et ceux de nos compatriotes qui ont du mal à faire la différence entre ce qui relève de la religion et ce qui relève de la culture. Nous devrions donc également bannir les qamis, djellabas, salwar kameez, couvre-chefs et autres vêtements arabes, berbères, africains, indo-pakistanais etc., considérés comme islamiques par certain·e·s de nos concitoyen·ne·s. Non, la question n’est pas de savoir si cela a quelque chose à voir ou pas ; il s’agit de démontrer notre bonne volonté et de leur faciliter les choses.

 

6. Editer une nouvelle version du Coran

 

Rappelons-nous qu’en étant en France, nous sommes du bon côté de la Force, celui de la civilisation et du progrès. Montrons donc que nous sommes capables de vivre un islam des Lumières, enfin débarrassé de ses aspects barbares. Pour cela, dotons-nous d’une nouvelle version du Coran, agréée par le Ministère de l’Intérieur. En cas de divergences persistantes, nous pourrons également envisager la possibilité d’adopter la Bible comme principal livre sacré (à voir si nous devrons également l’alléger de ses passages violents).

 

7. Élever nos enfants dans la neutralité

 

Préservons ces âmes innocentes de l’endoctrinement dont nous avons nous-mêmes été victimes et éduquons-les dans la neutralité religieuse la plus stricte. Nous pourrions mettre en place un système de baby-sitting pour les faire garder pendant que nous allons à la mosquée, et aménager une pièce protégée chez nous, où accomplir notre unique prière quotidienne et ranger notre Coran (nouvelle version agréée). Nous augmenterions ainsi leurs chances d’intégration, afin qu’ils·elles ne reproduisent pas les mêmes erreurs que nous, du temps où nous pensions qu’il n’était pas nécessaire de créer un islam spécifique à la France.

 

8. Démontrer notre adhésion aux valeurs progressistes

 

Il est vrai que notre appartenance à l’islam suscite des doutes légitimes chez nos compatriotes : nous réjouissons-nous de la mort d’innocent·e·s ? Sommes-nous pour la lapidation en public des femmes qui ne portent pas le voile ? Rêvons-nous de passer au fil de l’épée les non-musulman·e·s ? Il est important de prendre le temps de rassurer nos concitoyen·ne·s et de leur prouver que nous sommes bien humains, mais aussi que nous vivons avec notre temps. Pour cela, nous devons nous tenir prêt·e·s à communiquer publiquement et à répondre à toutes les injonctions – pardon, demandes – de clarification qui nous sont adressées.

 

« Nous aspirons à une coexistence pacifique. »

 

9. Permettre à tout le monde d’enseigner l’islam

 

Pour prouver notre coopération effective avec l’État, nous pourrions commencer par confier l’enseignement de l’islam et les fonctions d’imam à des fonctionnaires, non-musulman·e·s, afin de garantir leur impartialité. Il faut également reconnaître que de nos jours, en particulier via internet, les connaissances sont facilement accessibles, ce qui permet à nombre de nos concitoyen·ne·s de maintenant connaître l’islam sur le bout des doigts. Ne nous laissons donc plus berner par des professeur·e·s sous prétexte qu’ils·elles ont étudié pendant huit ans, et privilégions des expert·e·s éclairé·e·s et objectif·ve·s, autodidactes formé·e·s grâce à Google.

 

10. Se faire baptiser et aller à la messe le dimanche

 

Tant qu’à faire, ça serait peut-être la solution la plus simple pour qu’on nous fiche enfin la paix…

 

Crédit image à la une : Vincent Kessler / Reuters

 

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(Dé)construction

Top 8 des stéréotypes de femmes racisées dans le cinéma français

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Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour le remarquer : le cinéma français compte peu d’actrices arabes, asiatiques, noires, etc. Et quand on les voit à l’écran, on se rend vite compte qu’elles sont bien souvent cantonnées à quelques rôles récurrents, comme si les femmes racisées étaient identifiables exclusivement à une poignée de personnages stéréotypés… Voici donc une petite sélection des rôles dont on se lasse légèrement.

 

C’est un problème soulevé par de nombreuses comédiennes racisées, qui se voient majoritairement, voire exclusivement, proposer des rôles correspondant à des clichés basés sur leur origine ou leur apparence. Tandis que des actrices non-racisées bénéficient du privilège d’obtenir les premiers rôles, de se glisser dans la peau de n’importe qui et d’interpréter des personnages complexes et nuancés, les femmes racisées sont à la fois sous-représentées dans le cinéma français et limitées à une palette de rôles souvent caricaturaux. Que nous manquerait-il donc pour pouvoir jouer, nous aussi, des femmes aux milieux, personnalités et parcours divers et variés ?

Bien que la réalité prouve la pluralité des hommes et des femmes issu·e·s des minorités, la majorité des films français se contentent de reproduire des schémas hérités de l’imaginaire colonial, reléguant notamment les femmes racisées au statut de quota ou de touche exotique. Si vous êtes une jeune comédienne d’origine maghrébine, par exemple, bon courage pour décrocher un rôle autre que celui de Karima-qui-vit-en-cité-avec-ses-grands-frères (et ce ne sont pas deux ou trois contre-exemples qui me convaincront du contraire) !

C’est ainsi que, tout en affirmant améliorer notre visibilité à l’écran, une grande partie des films qui prétendent nous représenter ou illustrer nos vécus, renforcent en réalité les clichés nous concernant. Ceci est en grande partie dû au fait que ces films sont réalisés par des personnes ne connaissant absolument pas nos réalités, mais pas seulement. La tendance actuelle est en effet à l’éloge de films réalisés par des concernées et reproduisant les schémas habituels – comme par exemple Divines, de Houda Benyamina.

Pourtant, ce n’est pas faute de disposer d’alternatives à proposer, mais il semblerait que les personnages sortant des clichés ne correspondent pas tout-à-fait aux attentes du milieu. Amandine Gay, réalisatrice d’Ouvrir la voix, explique dans une interview que, lorsqu’en tant que scénariste, elle proposait des personnages de femmes noires non-stéréotypés, on lui répondait que ces personnages n’étaient pas réalistes, de telles femmes n’existant pas en France. Ces dernières sont pourtant bel et bien réelles puisque qu’elle les connait ou s’inspire de sa propre expérience pour créer lesdits personnages ! Cette déconnexion avec la société actuelle, et le déni de la pluralité des femmes racisées en France, se reflètent ainsi tristement dans la palette extrêmement restreinte de rôles vus, revus et re-revus.

Alors je pose la question : un milieu censé être synonyme de créativité et d’imagination ne pourrait-il pas mettre en scène des personnages de femmes racisées ne correspondant pas aux clichés suivants ?

 

La racaille de banlieue

 

En gros, sa vie dans une cité HLM oscille entre les grands frères violents, les traditions familiales archaïques, l’ignorance, les bagarres entre filles, le chômage, la vulgarité, la drogue, la misère sociale, le décalage avec le reste de la société française… Je continue ou ça va ?

Dernièrement, on a vu s’ajouter à cet inventaire la radicalisation et le fondamentalisme religieux. Ben alors, vous voyez bien que la vision des banlieues dans le cinéma se renouvelle !

 

Capture d’écran : Bande de filles, de Céline Sciamma

 

Bande de filles constitue pour moi l’exemple typique du film qu’on encense parce qu’il représente enfin des femmes noires à l’écran, qu’on se félicite d’avoir vu ou plébiscité parce que cela prouve notre ouverture d’esprit, sans s’interroger deux secondes sur les stéréotypes lassants qu’il véhicule.

Par ailleurs, et heureusement pour ces femmes de banlieue, un homme blanc aisé passe parfois par là et leur permet de s’élever en devenant des jeunes femmes respectables, comme dans Le brio d’Yvan Attal, où Daniel Auteuil transforme la banlieusarde jouée par Camélia Jordana en une superbe jeune femme enfin capable de s’exprimer correctement.

 

Daniel Auteuil et Camélia Jordana dans Le brio, d’Yvan Attal / Crédit : David Koskas

 

La femme asiatique effacée et/ou fétichisée

 

J’ai demandé à des amies concernées quels étaient les films avec des personnages de femmes asiatiques qui leur faisaient lever les yeux au ciel. L’une d’entre elles m’a très justement fait remarquer qu’en recherchant « actrice asiatique française » sur Google, on ne trouvait quasiment que du porno.

Et les rares fois où le cinéma nous présente des personnages de femmes asiatiques, leur rôle est défini par leur origine plus précise : chinoise, japonaise ou coréenne, c’est l’intello ou la première de la classe ; thaïlandaise, cambodgienne, philippine ou d’un autre pays d’Asie du Sud-Est, c’est la touche exotique, sexy et docile, quand ce n’est pas la victime de commerce sexuel. Pour ce qui est des femmes originaires du sous-continent indien, c’est bien simple : je n’en ai pas trouvé.

 

« Ça vous ennuie si je me mets toute nue ? » : oui, c’est bien ce que Linh Dan Pham dit à ce moment-là. / Capture d’écran Le bruit des gens autour, de Diastème

 

La Maghrébine qui échappe à sa famille grâce à son mec blanc

 

Honnêtement, je ne sais pas ce que serait le cinéma français sans ce scénario. Extrait du synopsis de Samia, film de Philippe Faucon (également réalisateur de Fatima, et apparemment en panne d’inspiration pour ses titres) :

« Marseille. Samia, quinze ans, vit dans une famille d’origine algérienne très traditionaliste. Elle est obligée de suivre une morale extrêmement rigide. Tandis que Yacine, le grand frère chômeur, se porte garant de ces valeurs, Amel, la sœur aînée, profite d’une liaison amoureuse pour prendre ses distances avec le milieu familial. Samia, elle, en situation d’échec scolaire, connaît un premier flirt clandestin. Elle réalise à quel point il est vital pour elle d’être absolument indépendante. »

Alors d’un côté, on a les méchants hommes, ceux de la famille, qui étouffent les héroïnes bien intégrées ; et de l’autre, les gentils, extérieurs à leur culture arriérée, grâce à qui elles découvrent la vraie vie. Super original.

 

Sofia Essaïdi et Alex Kiener dans Aïcha, de Yamina Benguigui / Crédit : France Télévision Distribution

 

La femme de ménage

 

Bon, ça, c’est un classique. Elle ne parle pas bien français et porte le poids du monde sur ses épaules.

 

Capture d’écran : Soria Zeroual dans Fatima, de Philippe Faucon

 

A l’exception du film Fatima où elle occupe le rôle principal, elle est souvent là dans le décor, petite touche de couleur visible (ben voilà, on vous montre à l’écran !), mais ne prenant pas trop de place non plus.

 

L’infirmière antillaise

 

Dans le même genre de « quota-pas-trop-visible-non-plus », on a l’infirmière ou l’aide-soignante noire, souvent antillaise. Non, elle n’est pas médecin, faut que ça reste réaliste, voyons !

 

Firmine Richard et Marie Bunel dans Coup de cœur, de Dominique Ladoge / Crédit : Gilles Scarella/FTV

 

La « beurette » ou la « niafou »

 

Décidément, ces femmes ne savent pas faire dans la mesure : incapables de maîtriser l’art subtil de la séduction et de la coquetterie à la française, elles tombent bien facilement dans la vulgarité et deviennent par conséquent peu respectables. D’ailleurs, véritables « michtonneuses », leur but ultime est souvent de trouver des hommes riches assez sensibles à leurs charmes pour leur offrir vêtements et accessoires de luxe.

 

Karina Testa dans Des poupées et des anges, de Nora Hamdi / Crédit : Flach Film

 

La mama africaine

 

Elle a un accent bien prononcé, des formes généreuses et un caractère bien trempé, sous lequel elle cache un grand cœur. Elle essaie tant bien que mal d’élever sa nombreuse marmaille dans la cité, souvent malgré un père absent, ou complètement effacé à côté d’elle.

 

Capture d’écran : Marie-Philomène Nga dans Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste

 

La maman maghrébine

 

Contrairement à la mama africaine, elle est plutôt effacée, écrasée par son mari et dépassée même par ses fils, qu’elle ne peut toutefois pas s’empêcher de privilégier au détriment de ses filles.

 

Capture d’écran : Nadia El Koutei, Kheira Oualhaci et Mohamed Chaouch dans Samia, de Philippe Faucon

 

Ici par exemple, la mère s’interpose, mais dit tout de même à sa fille qu’elle doit obéissance à son grand frère.

 

Mettons-nous bien d’accord : je n’affirme pas que de tels personnages n’existent pas dans la réalité. Mais ils sont représentés de manière totalement disproportionnée au cinéma, éclipsant ainsi la possibilité de rôles reflétant l’incroyable diversité des femmes racisées en France. Si j’avais mauvais esprit, je me demanderais pourquoi seuls les rôles de ce type intéressent les producteurs·trices, au détriment de ceux qui montreraient les femmes racisées sous un autre jour.

Quitte à suivre les scénarios classiques du cinéma français, à quand des films dont les personnages principaux sont une femme noire enquêtrice, une bande d’amies asiatiques dont on suit les vacances dans le Sud, ou une prof de fac maghrébine dont on suit les interrogations existentielles dans le Quartier latin ?

 

Image à la une : Firmine Richard dans 8 femmes de François Ozon

 

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Diffuse la bonne parole

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