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Djihene Abdellilah : une femme, une histoire, des combats, et des victoires

Djihene Abdellillah est une femme qui a fait de son corps sa force, de sa vie un combat et de ses épreuves des victoires. Sportive de haut niveau elle a toujours su trouver sa place dans un monde masculin. Ce monde d’homme où la femme doit s’imposer, qu’elle a su changer par sa force physique, sa force de caractère et son mental. Une femme engagée qui écrit son histoire et nous apprend à nous, étudiant.e.s à trouver notre place ; à nous, femmes, musulmanes ou non, racisées ou non, à nous imposer, à nous battre tous les jours pour nos droits et nos libertés, et faire entendre nos voix.

 

Djihene est passionnée de sport depuis son plus jeune âge, un milieu dans lequel elle grandit, trouve peu à peu ses marques et prend sa place. Elle découvre le sport de combat lors de ses études supérieurs et devient une passionnée de boxe, de MMA et de Grappling. Des arts martiaux qui deviennent rapidement sans secret pour elle et dans lesquels elle excelle et y remporte une dizaine de titre dont le titre de championne du monde de Grappling en 2014 et championne de France de MMA. Malgré des problèmes de santé qui auraient pu l’empêcher de réaliser ses rêves et d’accéder à ces championnats, et face à des médecins catégoriques, lui disant de faire une croix sur le sport, sa force et sa résilience la pousse à participer aux championnats qu’elle remporte haut la main. « On ne nait pas vainqueur on le devient. » Ainsi, cette phrase prend tout son sens. Elle est considérée comme précurseure des sports de combats en France et marque l’histoire du sport, mais aussi l’histoire de l’enseignement car elle est la première à avoir introduit et enseigné les sports de combat dans les lycées et les universités- la Sorbonne notamment.

 

« On ne nait pas vainqueur, on le devient », Djihène

 

 

Femme sportive mais aussi très engagée sur la question des violences faites aux femmes, Elle crée en 2020 la Djihene Academy. Une association qui a pour objectif de démocratiser la pratique des sports de combat dans les milieux féminins. A travers cet engagement, elle veut redonner du pouvoir aux femmes en leur apprenant des techniques d’auto-défense pour pouvoir faire face à de quelconques agressions. Un engagement qui consiste à redonner la place aux femmes dans l’espace publique, leur redonner confiance en elle et leur montrer que même dans cet univers très masculin et fermé par la société, les femmes ont leur place autant que n’importe qui. Elle est engagée aussi sur d’autres causes féministes comme l’endométriose, au sein de l’association Endomind, pour qui elle est marraine. Une cause qui lui tient à cœur et pour laquelle elle s’engage afin de sensibiliser la société sur les questions de santé en démocratisant et faisant connaître la maladie de l’endométriose tout en permettant des recherches sur cette maladie encore méconnue du grand public et à laquelle nous ne donnons pas assez d’importance.

 

« Cette opération me permet de réunir deux choses qui me tiennent à cœur : la place des femmes dans la société et puis la pratique du sport comme élévation sociale » – Djihene

 

 

Avec un parcours aussi inspirant qu’enrichissant, Djihene est l’une des premières femmes racisées que je découvre dans le milieu du sport, en tant qu’étudiante. Je la rencontre à la Sorbonne, où elle a été ma professeure pendant quelque mois. J’ai alors découvert une femme imposante qui nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes et surtout à dépasser nos limites. Elle devient pour plusieurs étudiant.e.s un modèle de femme puissante, auquel j’ai pu m’identifier. Elle nous fait découvrir, nous partage et nous transmet sa passion à travers ses cours. Au-delà de la technique, des méthodes et du sport, elle nous transmet aussi son état d’esprit, nous apprend à nous imposer, à prendre la parole et de la place tout en étant performant et en donnant notre maximum, sans jamais lâcher.

 

« Mon métier […] c’est d’accompagner mes élèves dans leurs projets, pour moi c’est super important » – Djihene

 

 

Je l’ai aussi rencontrée à des ateliers d’auto-défense physique, lors des lallabday . C’est lors de ces ateliers que j’ai découvert la seconde casquette de Djihene : son engagement pour la cause des femmes. Une femme douce mais tout aussi déterminée qui a su mettre des mots sur des problèmes que vivent les femmes au quotidien dans nos sociétés. Elle nous a mis face à notre réalité pour mieux comprendre la raison de cet atelier. Djihene nous a appris des techniques d’auto-défense assez simples et facilement réalisables mais elle nous a surtout appris à occuper l’espace, à nous imposer et ne pas avoir peur face à de potentiels agresseurs, parce que nous sommes capables de nous défendre. Car se défendre c’est aussi prendre conscience de son corps et de sa force. La peur doit changer de camps, la société aussi.

 

Crédit photo : @chrisetnico

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Nadina Ali – Portrait d’une artiste autodidacte et engagée

Nadina Ali est une artiste Française et Comorienne, originaire de Marseille. Elle vit aujourd’hui à Londres et se définit comme « Black Muslim Working Class Graphic Artist » comprenez : une femme noire, musulmane, issue de la classe ouvrière et graphiste. Après avoir étudié le stylisme et le modélisme à la Manchester Metropolitan University, elle commence sa carrière dans la mode avant de se dédier entièrement au graphisme.

 

Il suffit d’un simple coup d’œil sur son site Nadina Did This ou sa page Instagram, pour comprendre son affection particulière pour la typographie et les couleurs vibrantes ! Passionnée par les questions de justice sociale et environnementale, Nadina utilise ses plateformes afin de partager des messages importants autour de ces thèmes. Cependant, son travail ne se limite pas à internet, ses diverses collaborations ont permis à son art de s’exprimer au travers de médiums divers et variés. De la récente couverture du livre ‘Carefree Black Girls’ de Zeba Blay à sa participation à la campagne Black Outdoor Art – une initiative sociale et créative organisée par Greg Bunbury afin d’amplifier les voix des artistes noir.es. Nadina a aussi collaboré avec de nombreuses associations caritatives, comme la Croix-Rouge, et participé à des campagnes de sensibilisation pour des causes qui lui sont importantes.

 

 

Decolonize everything

 

 

En janvier 2022, le travail de Nadina est exposé pour la première fois au musée ! Une nouvelle visibilité qui lui a permis d’attirer l’attention de la chaîne de télévision BBC qui l’a interrogé à l’occasion. C’est au musée de la migration de Lewisham, au sud-est de Londres, que l’on peut voir son installation « Where are you from ? » qui peut se traduire par le fameux « Tu viens d’où ? » dont certain.e.s d’entre nous ont trop souvent été exposé.

 

 

 

Nadina explique qu’il s’agit pour elle d’une question qui peut être problématique et intrusive lorsqu’elle est systématiquement posée à des personnes racisé.e.s et/ou qui ont un accent. Comme si la couleur de peau ou la façon de parler étaient des éléments qui requièrent plus d’investigation. À travers cette installation, Nadina souhaite ouvrir la question à tous.te.s peu importe la couleur ou l’accent et explique le choix des lettres en 3D pour représenter la multidimension de ses identités. Son « Where are you from ? » est aussi un rappel qu’il n’existe pas toujours de réponse simple à une telle question et met en question l’utilité d’en faire une excuse pour échanger des banalités.

 

Pour Lallab, Nadina revient sur son parcours, pas toujours évident, et partage avec nous ce qui l’a aidée à surmonter les difficultés ainsi que ce qui l’anime depuis le début.

 

 

Tu t’es expatriée très jeune, peux-tu nous en dire plus sur les motivations de ce choix et comment cela à contribuer à ton épanouissement en tant qu’artiste ?

 

Je suis partie en 2005, principalement parce que j’estimais mes perspectives d’avenir limitées en restant à Marseille. Rien ne m’encourageait à poursuivre les arts créatifs, et en particulier la mode, que j’aurais aimé poursuivre au niveau professionnel à l’époque. J’aimais la mode et le dessin, mais je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si je pouvais me permettre ce choix, car je pensais que je n’avais pas le profil.

 

Petite, je n’allais pas aux musées, car ma famille n’avait pas forcément les moyens de nous y emmener. Et s’il existait des créneaux gratuits, l’information ne parvenait pas jusqu’à nous. J’ai d’ailleurs cru pendant longtemps qu’aller au musée était une activité réservée aux blancs issus des milieux aisés. La société française n’encourage pas l’accès à l’art de façon inclusive. Un certain esprit élitiste persiste, tandis que l’approche à l’art est totalement différente en Angleterre, où l’entrée aux musées est souvent gratuite. Une fois en Angleterre pour mes études, avoir accès aux musées aussi facilement m’a ouvert les yeux sur ce qu’il était possible de réaliser malgré le milieu d’où je viens. Pour moi, c’était un vrai privilège d’accéder à une telle diversité de musées et d’expositions différentes, et j’en ai profité au maximum dès mon arrivée. Vis-à-vis de mon épanouissement en tant qu’artiste, je peux réellement dire qu’aller au musée ça a été mon école d’art à moi !

 

J’avais déjà pensé à l’école de mode, mais quand j’ai perdu mon père, durant ma dernière année de lycée, j’ai vite réalisé que de tels frais de scolarité allaient être une charge difficile à supporter pour ma mère devenue veuve. De plus, dans les milieux dits « défavorisés », les carrières artistiques sont rarement priorisées ce qui m’a encore plus découragé de poursuivre cette voie. J’ai fini par bifurquer sur une licence de langues étrangères appliquées (L.E.A.) par défaut, à la fin de laquelle j’ai décidé de faire une pause pour réfléchir à mon projet professionnel. C’est ainsi que je me suis retrouvée fille au pair pendant 6 mois à Manchester. À cette époque, je passais mes soirées à rechercher des cours de stylisme et couture en ligne pour m’occuper et c’est comme ça que je suis tombée sur une licence de stylisme et modélisme à la Manchester Metropolitan University. J’ai postulé et réussi à obtenir une bourse qui m’a énormément aidée à poursuivre mes études à l’étranger ! En Angleterre, bien que tout ne soit pas parfait, il y a une vraie démarche pour rendre les choses accessibles, peu importe d’où tu viens, tu peux accomplir quelque chose.

 

Il m’arrive parfois de me demander ce que j’aurais pu faire, peut-être même plus vite, si j’étais née dans le « bon milieu », si j’avais grandi avec une solide culture artistique. Certes, j’ai dû faire d’énormes détours pour arriver là où je suis aujourd’hui, mais je suis tout de même fière de mon (long) chemin, et de toutes les victoires et accomplissements sur la route. Dans ces moments-là, je remercie la jeune Nadina pour avoir eu le courage de prendre la décision de partir et de changer la trajectoire de ma vie.

 

 

Peux-tu nous expliquer pourquoi tu as quitté la mode pour te diriger vers le graphisme et la création de ‘Nadina Did This’ ?

 

Après avoir étudié pendant 4 ans et travaillé dans la mode pendant presque 10, j’ai fini par ouvrir les yeux sur la réalité de ce monde et de son manque de principes éthiques. La maltraitance des employés d’usine dans les pays dits “sous-développés” ainsi que le non-respect de l’environnement au nom des dernières tendances devenaient de plus en plus difficiles à accepter. Je ressentais aussi depuis un certain temps, et malgré les différents postes que j’ai occupé – du développement de produit au contrôle de qualité, qu’il me manquait un processus créatif dans mon quotidien. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’à cette époque de ma vie, j’occupais tout mon temps libre avec des loisirs créatifs, de la sérigraphie, de la couture, et même de la pâtisserie. Ces activités étaient pour moi une échappatoire créative indispensable et au fond de moi, je savais très bien que j’avais besoin de poursuivre des activités créatives au-delà de mon temps libre.

 

Finalement, en 2017, j’ai fini par admettre que je n’étais plus épanouie dans ce milieu. J’ai pris la décision de quitter mon travail et Manchester pour Londres, où j’ai choisi de travailler en tant que pâtissière pendant presque deux ans et de tester un changement de carrière qui me tentait depuis un moment. Les horaires flexibles, m’ont permis de m’accorder du temps pour commencer le graphisme et la typographie plus sérieusement. Petit à petit, j’ai commencé à réaliser quelques projets pour des amis, ce qui me donnait l’occasion de me perfectionner sur des logiciels type Illustrator. Ces premiers projets m’ont par la suite donné la confiance nécessaire pour me lancer sur Instagram. Un choix qui m’a très vite confortée dans l’idée de toucher et inspirer le monde qui m’entoure par mon travail. J’ai décidé d’en faire l’objectif de ‘Nadina Did This’, faire bouger les choses à mon échelle et de manière autodidacte.

 

 

Peux-tu nous partager un moment clef, qui s’est révélé décisif par la suite ?

 

En 2020, je me suis retrouvée licenciée après la première vague de la pandémie, ce qui m’a amenée à faire le point et à réfléchir. J’ai fini par faire ce que j’avais prévu de faire un jour ou l’autre, et j’ai décidé de me concentrer sur ‘Nadina Did This’ à plein temps. Au début, je l’ai pris comme un challenge personnel, afin de voir jusqu’où je pouvais aller. Assez vite, j’ai compris que la réponse était : loin, potentiellement même très loin !

 

Puis il y a eu le meurtre atroce de George Floyd qui a été pour moi un rappel important que nous continuons de vivre dans une société extrêmement raciste et qu’il reste encore beaucoup, beaucoup de travail à faire avant que l’on puisse tous.te.s vivre librement. J’ai eu encore plus envie qu’avant d’utiliser ma voix et ma plateforme pour toucher un maximum de gens.

 

En poursuivant dans cette voie, et en toute honnêteté, j’ai été envahie par le doute plus d’une fois. Clairement, le profil type de l’artiste ou du graphiste, ce n’est pas moi. Je ne me suis pas toujours sentie légitime à cette place en tant que femme noire, musulmane et ne venant pas d’un milieu aisé. Mais en même temps, si je ne parle pas des sujets qui me tiennent à cœur, qui va le faire ? Pendant longtemps, j’ai attendu que quelqu’un d’autre le fasse à ma place. Jusqu’à un certain moment, où à force de voir le monde régresser, tout en ne me voyant pas représentée, je me suis dit : « Copine, va falloir que tu prennes le micro et que tu parles ! ». Je pense sincèrement que quand on ne voit pas ce dont on a besoin et qu’on ressent qu’il faut que les choses changent, il faut le faire par soi-même. En affrontant ces phases de doute, j’ai compris qu’il est toujours important de s’exprimer, car si c’est important pour moi, ça l’est certainement pour d’autres. Le piège du doute, c’est qu’il peut dangereusement nous conduire vers l’immobilisme. Ne rien faire, se taire, sont autant d’occasions ratées, car on ne sait jamais qui on va toucher et c’est aussi comme cela que l’on crée un effet boule de neige dans cette continuité.

 

 

 

Si tu pouvais donner un conseil à la jeune Nadina ?

 

Même si tu ne vois personne qui te ressemble dans la carrière que tu veux poursuivre, ne te laisse pas décourager et crée ton propre chemin pour y arriver. Si tu as la volonté et le talent, ne laisse jamais la société te faire douter de toi ni de tes capacités. Une fois que tu auras décidé de ce que tu veux faire, c’est ton destin ! Il n’est pas inaccessible et tu es tout à fait capable de l’accomplir.

 

 

Que dirais-tu à toutes les femmes qui pourraient te ressembler ?

 

Sans hésitation : nos difficultés deviennent notre force !

Il y a déjà un grand nombre de choses dans nos quotidiens qui nous ramènent constamment à nos difficultés et à leurs douleurs. Face à un système qui fait tout pour nous décourager, réaliser que l’on peut utiliser nos difficultés comme un carburant, un moteur pour aller plus loin, nous permet de transformer un milieu hostile en une motivation pour se dépasser. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on peut tous.te.s faire quelque chose à notre échelle. Pas besoin de mettre une casquette d’activiste pour dire sa vérité, on peut tous.te.s faire quelque chose pour faire avancer une cause. Pas besoin d’être la réincarnation de Martin Luther King pour faire avancer les choses non plus. Malgré ce qu’on voudrait nous faire croire, nous, les gens de tous les jours, avons le pouvoir d’améliorer les choses !

 

 

 

Pour continuer à suivre les aventures de Nadina, n’hésitez pas à la suivre sur son compte Instagram et si vous avez aimé son travail, jetez un œil à sa boutique Etsy !

 

 

 

Crédit photos : Nadina Ali

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Mon père, ma source d’inspiration

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On dit que dans la vie, on a toujours un modèle, connu ou inconnu, que l’on suit par mimétisme et qui nous guide dans nos choix et nos engagements. Le mien c’est mon père. Cet homme a été pour moi une grande source d’inspiration et m’a permis de pouvoir me sentir légitime à m’engager pour des causes qui me tiennent à cœur. Ma perception de l’engagement, c’est à travers lui que je l’ai vue, apprise, et comprise. C’est pourquoi je voudrais mettre en lumière son histoire,  ainsi que celles de ces hommes et femmes qui sont aujourd’hui des personnes accomplies malgré leur parcours, et surtout encore et toujours engagé.e.s pour la même cause : leur patrie.

Bien que la question des réfugié.e.s soit vivement discutée en France aujourd’hui, ce qui en ressort majoritairement, c’est que ce pays n’a pas beaucoup de considération pour la condition de ces personnes qui ont quitté leur contrée natale. Pourtant, ces citoyens du monde, hommes, femmes et enfants, venant d’Asie, d’Afrique, ou d’Amérique, n’ont pas d’autre espoir que celui de pouvoir enfin avoir le droit de vivre, penser, aimer, ou tout simplement exister, dans un pays supposé plus accueillant.

Chaque récit d’exil mériterait, évidemment, d’être raconté. Mais aujourd’hui, c’est en tant que femme issue de l’immigration, et témoin pendant plus de vingt ans de la lutte exercée par mon père pour libérer sa patrie tout en vivant loin de son pays, que je choisis de vous parler de lui, car ses victoires m’inspirent et m’aident à la construction de mes propres engagements.

Le récit d’exil de mon père prend ses racines au Maghreb, et plus précisément en Tunisie, le 27 décembre 1983. Le Président Bourguiba décide ce jour-là de doubler le prix du pain dans tout le pays, déclenchant le jour-même une révolte du peuple sud tunisien, « l’Émeute du Pain”, occasionnant des confrontations entre la police et de jeunes manifestants dont mon père, alors âgé de 17 ans, faisait partie. Blessé par les forces de l’ordre, il sera admis à l’hôpital, puis transféré en prison.

Quelques jours plus tard, une grande manifestation ayant éclaté dans la capitale, le Président cède et revient sur ses propos. Le 3 janvier 1984, le pain reprend son coût initial. Cette première victoire obtenue par la jeunesse tunisienne m’a permis de prendre conscience que lutter, c’est résister, combattre sans abandonner, mais aussi s’organiser pour réussir, ensemble.

 

 

En 1987, Ben Ali arrive au pouvoir. Il organise, en 1989, des élections législatives dites “libres”, mais qu’il a en réalité truquées. Cette manipulation va créer, au sein du pays, des tensions politiques. Plusieurs opposants au Gouvernement ayant été arrêtés, certains dissidents, dont mon père, décident de quitter la Tunisie. Avec quinze de ses compatriotes, il rejoint dans un premier temps la Libye. Mais dès leur arrivée, constatant l’insécurité et l’instabilité du pays, ils décident d’entreprendre un nouveau périple d’une quinzaine de jours vers le Soudan, dans des conditions évidemment très dangereuses.

A la frontière, ils subissent un long interrogatoire portant sur les raisons qui les poussent à vouloir pénétrer le territoire soudanais, à l’issue duquel ils sont enfin autorisés à entrer dans le pays. Ils poursuivent jusqu’à Khartoum, la capitale, où ils décident d’un commun accord de s’installer. Cependant, rencontrant au fil des jours de trop grandes difficultés d’intégration dans ce pays dans lequel ils aspiraient à vivre libres et en paix, mon père et ses compagnons de route rebroussent finalement chemin vers la Libye.

En arrivant là-bas, mon père apprend que tous ses frères ont été emprisonnés. Il entreprend alors, malgré les risques que cela représente, de rejoindre la Tunisie pour être au côté de sa famille. Mais un avis de recherche à la frontière tunisiennes conduira à son arrestation, et il sera alors transféré de poste de police en poste de police. C’est au cours d’un de ces transferts qu’il parviendra à prendre la route et à échapper aux forces de l’ordre, le 25 août 1992.

Il trouve refuge chez des proches, mais commence tout de suite à organiser son départ pour l’Algérie. Accompagné d’une femme et de ses quatre enfants, tous fugitifs et donc recherchés comme lui, il quitte le pays avec l’aide d’un passeur algérien, respectant la consigne stricte de le suivre sans jamais lui adresser la parole. A cette époque, il était très compliqué de passer la frontière en raison de la fréquence des contrôles de police, mais ils y parvinrent au bout de deux jours, et purent rejoindre Annaba.

 

 

L’Algérie, troisième pays du périple mais pas le dernier, l’histoire continue…

Aussi inspirante soit-elle, cette histoire est aussi une leçon de vie. Elle m’a permis de prendre conscience de la force et du courage qu’il faut à tous ces hommes, ces femmes, et ces enfants, pour quitter leur pays dans des conditions indécentes, bravant le danger et même parfois la mort, pour tenter de construire une nouvelle vie, seul-e, sans famille ni ami-e-s ni repères, dans un pays dans lequel tout est différent, êtres, langue, et culture.Ce parcours a été pour moi un modèle. Un modèle de lutte et de combat. Un modèle de vie et de survie. Un modèle de réussite et de victoire. Un modèle de leçon et d’engagement. Je pense qu’aujourd’hui s’engager c’est donner de sa personne, de son temps, parfois de sa vie, pour une cause, pour une histoire, pour un combat important à nos yeux. C’est aussi faire entendre nos voix et nos vies, nos droits et nos libertés. Et comme le dit si bien Rosa Parks : “Si nous baissons les bras, nous sommes complaisants envers les mauvais traitements, ce qui les rend encore plus oppressifs.”, alors engageons-nous, et brisons les barrières de l’oppression.  

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Diffuse la bonne parole

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Portraits

Portrait de Mouna Jabri : Witech, la startup sociale tech au féminin

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Comment faire (re)naître la présence des femmes dans le monde du digital en Ile-de-France

 

J’ai eu l’occasion de connaître Mouna Jabri, jeune femme inspirante de 26 ans, par le biais de mon entourage. Tout, chez elle, m’a intriguée : son parcours, les associations dont elle est à l’initiative, et surtout cette startup qu’elle vient tout récemment de créer et qui met à l’honneur les femmes dans un secteur peu équitable en termes de parité : le numérique. Son parcours m’a intrigué ainsi que les associations dont elle est à l’initiative et surtout la startup qu’elle vient tout récemment de créer, mettant à l’honneur les femmes dans un secteur peu équitable en termes de parité : le numérique. Après réflexion, il paraissait plus que pertinent de mettre en lumière son cheminement afin de signifier que les femmes ont leur place dans des secteurs d’activité assignés, dans l’imaginaire collectif mais aussi dans la réalité, au masculin. Voici donc le portrait de Mouna, pionnière dans l’émancipation des jeunes filles et le numérique en Ile-de-France ! 

 

Un cadre familial et un entourage bienveillant à l’encontre des clichés

 

Mouna habite à Mantes-la-Jolie. Issue d’une famille marocaine, son père, professeur de mathématiques, et sa mère, d’abord mère au foyer puis professeure de langue, sont tous deux très impliqués dans le monde associatif.

 

Dès le collège, ses appétences pour la science et l’informatique permettent à Mouna de donner un coup de pouce à ses parents dans leur travail administratif, que ce soit dans leur métier ou leur engagement associatif. Mouna contribue à la partie support technique et bureautique et rédige des supports de formation. On peut donc dire qu’elle baigne dès sa plus tendre enfance dans l’engagement associatif. Elle vient d’une famille aimante et équilibrée et me précise que son modèle est « très éloigné du modèle familial stéréotypé qu’on peut accoler aux familles maghrébines françaises. »

 

Ses parents lui répétaient qu’il était important d’être sérieu-x-se et d’exceller à l’école mais que ce n’était pas l’essentiel : « il faut aussi laisser son empreinte dans la société française, apporter sa pierre à l’édifice et faire attention à ne pas s’enfermer dans un communautarisme ». Ils ont mis un point d’honneur à lui transmettre des valeurs universelles, et l’idée qu’il ne faut pas se perdre dans une vision trop binaire de la France. Mouna garde la conviction qu’il faut avant tout faire, créer et imaginer avec les personnes qui nous entourent. En d’autres termes, avoir conscience du vivre ensemble. C’est une des valeurs principales qui lui ont été inculquées. Elle me dit que son but est de savoir utiliser le système et vivre avec, en vue de servir une noble cause et la communauté globale, tout en étant le frère ou la sœur de quelqu’un.

 

Après le bac, elle se dirige vers une classe préparatoire en maths-physique, puis, à l’issue d’un concours ardu, intègre les Mines de Nantes, une prestigieuse école d’ingénieur-e-s. Elle y apprend et développe des compétences techniques, des « soft-skills » – c’est-à-dire des compétences humaines – ainsi qu’une importante capacité d’adaptation. Elle n’est pas en reste en ce qui concerne les langues puisqu’elle est inscrite dès l’âge de 2 ans dans une école d’arabe, une double culture qu’elle porte fièrement en elle.

Au sein de l’association Sigma F – dont elle est en partie à l’initiative – elle œuvre en faveur de jeunes lycéens et lycéennes, en les guidant vers la voie du bac. Elle finalise ses études dans son domaine de prédilection en effectuant un stage dans la data science chez Renault. Elle me dit qu’elle se sent reconnaissante car elle admet avoir eu le choix du chemin de l’excellence. 

 

Tout au long de son parcours, un mot l’a guidée : la bienveillance. D’abord grâce à un environnement familial sain et prospère dont un petit réseau qui lui a permis de saisir certaines opportunités, mais également grâce à un environnement professionnel qui lui a été favorable, du moins au début de sa carrière chez Renault. Elle a compris et identifié que ces éléments ont été nécessaires pour son ascension et aujourd’hui, elle veut transmettre à son tour afin de créer un cercle vertueux. Malgré ce constat, Mouna en attend plus en termes d’impact.

 

Les embûches : « On ne connaît la douleur d’un coup de couteau que lorsque l’on en reçoit un » proverbe arabe

 

Malgré ce joli parcours qui paraît sans faille, les premières barrières de la discrimination se dressent sur son chemin. Mouna est une femme musulmane qui porte le voile. Et le monde de l’entreprise, notamment le secteur du numérique, laisse bien souvent ses portes fermées aux femmes, notamment aux femmes voilées.

 

C’est sans tenir compte de la résilience de la jeune ingénieure mantaise. Ses moments difficiles lui ont permis de gagner en humilité et d’anticiper les difficultés qu’elle pourrait potentiellement rencontrer dans le futur. Pour me faire comprendre la manière dont elle a subi des discriminations à l’embauche, Mouna me raconte quelques anecdotes à faire grincer des dents. Après des entretiens téléphoniques, qui s’avéraient des succès, on lui demandait de venir physiquement dans les locaux de l’entreprise comme une simple modalité puis, Mouna constatait une gêne palpable à son arrivée… Les recruteurs n’explicitaient pas la plupart du temps la raison pour laquelle finalement, elle ne pourra pas être prise sur le poste. Ou l’éludaient. Un simple « mais vous savez pourquoi hein ? » la ramenait à la réalité. Ils trouvaient parfois des subterfuges dans le but de se dédouaner : « Ce n’est pas de ma faute, je suis désolée, de notre côté cela ne pose pas de problème mais le client refuse le port du voile… »

 

L’éducation de Mouna lui a permis d’avoir confiance en son intégrité. Sans sa famille, elle m’affirme tout de même qu’elle aurait sans doute baissé les bras tant la pression sociale est forte.

Elle se questionne et se demande pourquoi dans les parcours scolaires de manière générale, on ne nous apprend pas à développer cette force d’affirmation et cette fierté liée à nos identités culturelles et nos métissages. Mais Mouna n’a pas laissé tomber et a continué à chercher un emploi dans le secteur de l’éducation et de la santé. 

 

Une semaine avant de souffler les bougies de sa 23ème année, elle postule à une offre dans le secteur de l’environnement en tant qu’ingénieure data analyst.  En guise de cadeau d’anniversaire, elle est embauchée et vivra dans cette entreprise une expérience très enrichissante. Basée en France, Pur Projet lui a offert un accueil plus que chaleureux, lui a permis d’endosser de grandes responsabilités et d’acquérir un volet de formation sur les aspects numériques du métier. 

Entre-temps, elle poursuit son bénévolat au sein de son association Sigma F, comme évoqué précédemment. C’est aussi un moyen de comprendre les aspirations de jeunes qui ont pu avoir moins de chance. Chez Sigma F, des bénévoles préparent les lycéens à l’épreuve bac durant 3 mois avant leur passage, et leur proposent un programme intensif de révisions et de développement personnel orienté scolaire, programme “sur mesure” qui tente avant tout de bien comprendre les besoins de la population. Sigma F comptait 10 bénévoles et 20 bénéficiaires lors de sa création, aujourd’hui il en compte 300 (bénévoles) et près de 600 bénéficiaires. Cette association connaît donc un fort engouement en plus de créer un réseau de solidarité exemplaire. 

 

Au sein de Sigma F Mouna suit un groupe de jeunes femmes en filière scientifique. Elle se rend compte que le fait d’être seulement entre femmes leur donne plus de confiance, que la parole est plus libérée, un peu comme dans une petite bulle. Mouna souhaite conserver cette ambiance de sororité à l’avenir. Il est temps pour elle de déconstruire les clichés et fondements bancals sexistes que l’on attache à ces domaines. Notons qu’elle a également expérimenté des groupes de paroles et de travail mixtes évoquant des thématiques diverses dans des secteurs autres que les nouvelles technologies.

 

Une passion pour la transmission : naissance de Witech

 

Toutes ses expériences et les personnes rencontrées sur son chemin ont nourri son désir d’impacter positivement la société française.

 

C’est en juillet 2019 que les premières pierres se posent. Elle prend du recul pour établir un plan d’action, et se dit qu’elle a résolument envie de voler de ses propres ailes, de se fixer ses propres horaires, que l’équilibre entre le travail et la vie associative n’est pas chose aisée, qu’elle a besoin de sortir de sa zone de confort, de rompre avec le conventionnel, mais aussi de créer sa propre identité.

En parallèle de cette réflexion, elle suit des formations dans la data science, ce qui l’amène à travailler en tant que freelance, c’est-à-dire en indépendante. Elle peut désormais se dédier à son association à plein temps. Le territoire est également une de ses préoccupations premières, plus particulièrement celui où elle a grandi. Le manque de formation technologique y est criant. La population de Mantes-la-Jolie est comme sa famille, les jeunes qu’elle suit et qu’elle motive ne sont pas des bénéficiaires lambda et elle veut se donner à 100% pour eux.  

 

A l’été 2020, les choses s’accélèrent. Elle forme des élèves de master en langage de Programmation et se lance dans des recherches, fait des ponts avec son parcours, et son plan d’action prend forme. L’idée de créer son propre cadre émerge dans son esprit. Le temps est venu de fonder son association. Ça y est, son projet d’initiation à la programmation informatique pour les femmes et jeunes filles est formalisé : voici Witech

Elle veut aujourd’hui offrir aux jeunes gens, aux jeunes filles surtout, la capacité à s’auto-former de la même manière qu’elle a pu le faire, chose possible via les outils informatiques et internet, terreau fertile inépuisable quand il est manié avec précaution et habilité. 

 

Son but principal ? Transmettre. Pas seulement pour capitaliser de la connaissance mais avant tout pour transmettre à l’Autre. La transmission du savoir, me rappelle-t-elle au téléphone, est aussi un levier d’action sociétal puissant qui agit à la racine des problèmes. L’esprit d’inclusion dans sa start up sociale demeure l’une de ses priorités. Il faudrait, idéalement, se débarrasser des parasites du monde de l’entre-soi ! Mouna me rappelle gaiement qu’“aujourd’hui il y a de la place pour tout le monde ! » L’idée est aussi d’être dans une démarche de réception et non uniquement dans un rapport unilatéral vis-à-vis des apprenants. 

 

Les doutes l’assaillent tout de même et elle m’avoue que le sentiment d’imposture est parfois présent chez elle. C’est pour moi un grand signe d’humilité ! Car Mouna a fait des rencontres avec des acteurs associatifs clefs qui l’ont conseillée et soutenue, mais elle a surtout saisi les opportunités qui s’offraient à elle. 

 

Witech et le futur

 

Mouna a également imaginé cette startup d’après un constat national : la tendance est à la hausse quant à l’embauche des postes dans le numérique – 200 000 emplois en France*mais il réside des inégalités quant à sa présence féminine, tout simplement car, en plus de la barrière psychologique, elles ne tendent pas à s’orienter vers les domaines du numérique. Parmi celles qui font des études supérieures dans le domaine numérique, 25% d’entre elles sont diplômées mais seulement 13% parmi elles travailleront plus tard dans l’emploi numérique**. Seulement 33% des salariés de tous les métiers du numérique sont des femmes*** Le point de vue « androcentrique » dans la sphère numérique est à changer, car n’y intègre pas ou peu l’apport féminin pourtant nécessaire. Le numérique prend pourtant une place centrale dans nos sociétés, notamment depuis la crise sanitaire qui nous oblige à repenser nos modes de communication et de transmission via le digital, presque unique canal de communication viable en ces temps. Un autre aspect à soulever, celui de la présence de « role models » féminin, qui varient en fonction des territoires. Leur besoin est encore plus important dans les quartiers populaires. La fracture numérique dans les banlieues françaises creuse de façon démesurée ces inégalités, ce qui engendre un non-accès à l’information, et de ce fait un non-accès aux opportunités.

 

Plus concrètement, Witech ce sont des actions pour adresser les problématiques sociales dans la bienveillance mais avec une valeur ajoutée : faire en sorte que les femmes se sentent légitimes pour relever le défi du numérique en plus d’apporter de la fraîcheur et de l’innovation. Witech c’est aussi accueillir toutes les femmes. « Chacune de nous à un potentiel inné et des compétences transposables » explicite Mouna, qui veut construire un monde où prévaut l’équité. Le besoin ne peut être compris s’il n’est pensé que par les hommes, rappelle-t-elle.

Trois volets organisent cette start up sociale. Le volet « INITIER » qui initie à la programmation informatique dès la 3ème pour démystifier l’environnement informatique pour tous et ne pas se créer des barrières; le volet « FORMER » qui propose une formation pour acquérir des compétences numériques et bureautiques; et enfin le volet « VALORISER » qui, par l’événementiel, peut répondre aux problématiques sociales afin de créer une dynamique pour que les jeunes filles et même les jeunes  garçons sentent qu’ils peuvent être act-eur-rice-s des changements. 

 

D’ici cinq ans, Mouna souhaiterait fonder une école de formation dans la tech pour les filles avec la possibilité d’accueillir des garçons dans un second temps. Dans un futur plutôt éloigné, elle aimerait aller encore plus loin en outillant les populations en Afrique pour pallier la fracture du numérique, notamment au Maroc où le besoin d’informatique est criant. 

 

Cette start up sociale et le parcours de Mouna, sa créatrice, procurent un sentiment d’espoir et de sororité. Oui, les femmes, de toutes confessions confondues qui plus est, ont en elles toutes les capacités pour travailler dans les secteurs du numérique, de l’informatique et des nouvelles technologies. Prenant à contrepied l’attitude de certains requins de l’entrepreneuriat technologique, Mouna nous démontre que l’éthique et l’empathie ne sont pas des instruments à cantonner uniquement à la sphère caritative, mais qu’il s’agit bien de véritables outils pour orienter notre innovation. 

 

Mouna n’a pas qu’une corde à son arc. Le 1er mars 2020, son premier livre, La Source est publié, ouvrage qui est né à la suite à toutes ses réflexions et inspirations, pour inciter à être à même de pouvoir assumer ses valeurs et montrer un message positif de l’héritage culturel et spirituel qu’il existe en chacun de nous, sans craindre de l’assumer. Son livre insiste sur la bienveillance, notion qui est très ancrée dans l’Islam, me dit-elle. Ce livre émane d’une volonté de partager les aspects universels de son héritage spirituel. 

 

Merci et bravo à toi Mouna pour ces initiatives ! 

 

 

*(source : chiffre conclu selon les données de France Stratégie / la Dares, confirmée par Pole emploi > https://www.pole-emploi.org/accueil/actualites/2021/metiers-du-numerique–developper-aujourdhui-les-competences-de-demain.html?type=article

**(source : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/84bd6dea-2351-11e8-ac73-01aa75ed71a1/language-fr)

***(source : https://syntec-numerique.fr/sites/default/files/Documents/cp_attractivite_des_femmes_-_opiiec_pour_diffusion.pdf)

 

Crédit photo image à la une: Mouna Jabri

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Portraits

Nadia Ibrahim-Zinaï, une musulmane en mouvement

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Depuis 10 ans, Nadia Ibrahim-Zinaï va à la rencontre de femmes musulmanes engagées à travers le monde pour leur donner la parole et les questionner sur leurs actions. De ces dix années de quête, un film documentaire intitulé Ijtihad, Musulmanes en mouvement est en train d’émerger.
Le film est actuellement en campagne de financement participatif.

 

 

Par le Nom d’Allah, le Tout-Rayonnant d’Amour, le Très-Rayonnant d’Amour

 

 

La première fois que j’ai rencontré Nadia, j’ai entendu une voix. Une voix douce, écorchée, presque imperceptible, qui implique un silence quasi-religieux. Et pour cause, la première fois que j’ai entendu cette voix, elle récitait l’Adhan un vendredi midi, qui serait le premier d’une longue série. J’ai été subjuguée par la douceur qui émanait de sa voix. Emue par l’intensité d’une situation déjà si commune en 2021, celle d’organiser des jummoua à distance entre femmes lors du premier confinement. J’ai pris conscience quelques temps après que c’était la première fois que j’entendais l’appel à la prière récité par une femme. Elle est, entre autres, l’un des fondatrices de la Mosquée Oum Waraqa : un lieu unique où toutes nos différences sont réunies au service de l’amour d’Allah.

 

Nadia, la quarantaine, a grandi dans une famille marocaine recomposée, en banlieue parisienne. Infirmière de profession, elle évolue dans un environnement culturellement riche et traditionnel mais sans réelle éducation religieuse. Très jeune, elle questionnera le monde qui l’entoure, laissant entrevoir une sensibilité brute qu’elle apprendra à maîtriser en grandissant. Ces questions, celle d’une jeune fille trop tôt marquée par la violence, elle tente d’y répondre à travers les apprentissages de l’Islam. Profondément croyante, elle est perpétuellement en quête, si ce n’est en lutte, pour composer avec ses différentes identités. Identités incompatibles pour une société gangrénée par le patriarcat et le racisme. Il lui faut des années pour comprendre que le regard étroit que cette société porte sur elle est façonné par des siècles de sexisme et de colonialisme.

 

Re-coloniser son regard sur soi, et par là son rapport au monde, implique une multitude de prises de consciences, de désillusions et de remises en question avant d’entrevoir ce petit espace lumineux où le repos est accordé, le temps d’une saison, le temps d’une prière. Pour Nadia, cette espace n’aura de sens qu’avec la présence de Dieu et Son Amour inconditionnel. Adolescente, elle passe tous ses vendredis à la bibliothèque de la Mosquée de Paris après avoir prié. 

Un mouvement spirituel s’installe en elle, prenant la forme de cours de religion islamique, de l’apprentissage de l’arabe coranique, de discussions vives avec d’autres femmes qui fréquentent les mêmes lieux. Une phrase, lors d’une discussion entre femmes musulmanes, vient lui glacer le sang.  Une sœur se questionnant sur le sens de son rapport à la religion mettait en doute l’amour d’Allah envers les femmes. Cette remarque la marquera longuement, jamais elle n’avait perçu Dieu ainsi. Plus elle apprend, plus la quête de sens s’impose. 

Ce mouvement spirituel, d’abord théorique, s’ancre dans une succession de rencontres, d’expériences personnelles, de voyages ; notamment une année en Egypte, où les apprentissages des textes vont se confronter aux événements de la vie. 

Il s’inscrit dans un effort de réflexion critique et créatif sur les textes islamiques, c’est ce qu’on nomme l’Ijtihad. Il s’agit démarche personnelle et intellectuelle que chaque croyant.e est invité.e à mettre en oeuvre  afin de mettre de la matière, du sens dans les pratiques inhérentes à la religion musulmane. Pour me parler de l’Ijtihad, Nadia me cite Ibn Abbas, l’un des premiers interprètes du Coran :  “A chaque époque nous avons une nouvelle interprétation, une nouvelle explication, une nouvelle façon de voir. Ce n’est pas le texte qui change, c’est notre façon de voir, de l’approcher, de le mettre en pratique et de vivre avec. Un texte sans Ijtihad est un texte mort. L’Islam est une religion dynamique, un courant spirituel qui est vivant et qui restera vivant grâce à l’Ijtihad.”

 

 

Puis ce mouvement spirituel va s’articuler à un mouvement physique. En 2010, forte d’une multitude de questions, de blessures intimes, Nadia parcourt plusieurs pays à la recherche de réponses, sa foi pour seule résilience – loin des sentiers sombres de l’instrumentalisation patriarcale du religieux, à la lumière de dizaines de rencontres, celles de femmes puissantes et inspirantes qui se battent quotidiennement pour l’égalité et la justice de genre au nom de l’Islam. 

Depuis la France, en passant par le Maroc et la Malaisie, puis l’Egypte, elle donne la parole à des femmes engagées qui réinterprètent les textes religieux d’un point de vue féminin et inclusif. Ces femmes prennent les visages de Asma Lamrabet, Omaima Abou-Bakr, de Fatma Emam, Ratna Osman ou encore Hanane Karimi. 

Autant de femmes brillantes qui nous permettent à nous, leurs cadettes, de vivre plus en paix avec nos spiritualités grâce à des travaux menés depuis des décennies. 

Dans la lignée de ces femmes, une rencontre en particulier marque Nadia, celle avec Amina Wadud qui l’amène à se demander : « Qu’est ce que le réel tawhid ? 

De ces allers-retours, Nadia Ibrahim-ZinaÏ façonnera son regard par le prisme du féminisme musulman, ou plutôt des féminismes musulmans, qui l’amèneront à la conclusion suivante : « J’ai la certitude que le divin est venu libérer chaque être humain des résistances intérieures et de toutes formes d’oppressions et de dominations ».

Ensemble, toutes les femmes interrogées par Nadia partagent leurs doutes, leurs expériences, leurs expertises, mais aussi leur succès avec l’émergence d’un Islam où l’égalité de genre est au centre des interactions et où les femmes musulmanes seraient des actrices centrales des espaces décisionnaires. Être féministe musulmane en France : quelles réalités ? Il s’agit de questionner la place des femmes dans l’Islam, en passant par l’imamat féminin ou encore les questions liées aux sexualités des musulmanes. Très vite, l’idée d’en faire un film devient une évidence. Elle troque sa blouse d’infirmière pour une caméra le temps d’un voyage. Puis deux, puis trois, puis quatre voyages…

Elle décide de s’appuyer sur l’outil cinématographique comme support de transmission mémorielle de paroles trop souvent invisibilisées dans les médias mainstream comme dans nos communautés. 

 

 

Nadia a terminée notre échange avec une citation de Mohammad Shahrour qui m’a particulièrement touchée: « Lis le Coran comme s’il avait été révélé la nuit dernière ».

 

 

Ijtihad, Musulmanes en mouvement s’inscrit dans une démarche révolutionnaire, en ce qu’il vient questionner notre rapport aux savoirs religieux, à une époque où l’Ijtihad reste une affaire d’hommes, malgré les nombreuses savantes musulmanes, partout dans le monde, qui se penchent sur l’interprétation des textes islamiques

 

 

Ijtihad, Musulmanes en mouvement s’inscrit dans une démarche révolutionnaire, car il redonne aux femmes la place que l’Islam leur a toujours accordé 

 

 

Ijtihad, Musulmanes en mouvement s’inscrit dans une démarche révolutionnaire car fondamentalement politique. En se réappropriant le Coran, elles ouvrent un champ des possibles infini pour toutes les femmes. 

 

 

Pour soutenir Ijtihad, Musulmanes en mouvement, n’hésitez pas à participer à la cagnotte, partager et à en parler autour de vous.

 

 

 

Crédit photo : Nadia Ibrahim Zinaï

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Muhammad Ali : militantisme, croyance et inspiration – Partie II

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 Lire la Partie I

Ali n’arrête pas pour autant son militantisme. Comme en témoigne le soutien qu’il apporta aux civil.es vietnamien.es, Ali percevait son combat pour sa propre liberté comme connecté à la liberté des autres peuples opprimés. Il apporta donc aussi son soutien au peuple Autochtone Américain. En 1978, il participe à The Longest March et marche avec l’AIM (American Indian Movement) de New York jusqu’à Washington D.C. pour protester contre les projets de lois qui menaçaient les terres du peuple Indigènes d’Amérique.

 

De droite à gauche: Muhammad Ali, Buffy Sainte-Marie, Floyd Red Crow Westerman, Harold Smith, Stevie Wonder, Marlon Brando, Max Gail, Dick Gregory, Richie Havens et David Amram. Crédit : David Amram.

 

Mais Ali ne cantonna pas sa solidarité à l’Amérique, il l’étendit également au-delà des mers, jusqu’en Palestine. En 1974, il visita un camp de réfugié·e·s palestinien·ne·s au Liban, et déclara « En mon nom et au nom de tous les Musulman.es Américain.es, j’affirme mon soutien à la lutte des Palestinien.es pour libérer leurs terres et expulser les envahisseurs sionistes ». A la suite de son décès, la presse israélienne, dans un article tout à fait scandaleux, nota ce qui pour elle fut un paradoxe : les critiques qu’Ali adressa à Israël d’un côté et son amitié profonde avec les Juifs de son entourage d’un autre. Son attitude devrait pourtant être la norme au sein de notre communauté Musulmane : condamner un état apartheid et faire preuve de solidarité avec un peuple lui aussi opprimé à cause de sa religion.

 

Il me vient d’ailleurs à l’esprit les relations complices qu’avait Ali avec son cornerman Drew Bundini, qui inventa sa fameuse devise « flotte comme un papillon et pique comme l’abeille » et avec le commentateur sportif et ancien avocat, Howard Cosell, qui fut un des premiers dans le milieu du sport à l’appeler « Muhammad » et défendit son choix de ne pas être recruté dans l’armée. En cette période, où les attaques anti-Palestinien·e·s et antisémites sévissent, il est essentiel d’étendre notre solidarité à ces deux peuples discriminés. La lutte contre l’état d’Israël et contre l’antisémitisme sont toute les deux des luttes contre la suprématie blanche. Lors de l’insurrection du Capitole par les suprémacistes blancs, deux des emblèmes facilement reconnaissables dans la foule furent le drapeau de l’État d’Israël et la croix gammée Nazie.

 

Muhammad Ali à la mosquée de Dafaalah el Sa’em à Khartoum, au Soudan en 1988. Crédit : inconnue.

 

L’influence de Muhammad Ali ne peut pas être sous-estimée. Sa seule présence a normalisé l’Islam aux États-Unis et a donné force et courage à d’innombrable personnes. Quand Nelson Mandela fut emprisonné à Robben Island, il affirma que lorsqu’il pensait à Muhammad Ali les murs autour de lui disparaissaient. Ali inspira John Carlos et Tommy Smith à protester publiquement contre la situation des Noir.es Américain.es aux Jeux Olympiques de 1967. Dans son autobiographie, Malcolm X déclare qu’Ali « conquis l’imagination et le soutien de l’entièreté du Tiers Monde ». Le slogan des Black Panthers, « We are the greatest ! » (Nous sommes les meilleures), est une référence à une phrase qu’Ali prononçait souvent « I am the greatest !» (Je suis le meilleur). Il encouragea Billie Jean King dans son combat pour l’égalité des sexes dans le sport.

 

Encore aujourd’hui, les athlètes qui osent tenir tête au pouvoir en place sont critiqué·e· et encouragé·e·s à « rester en dehors de la politique ». Tout particulièrement les athlètes racisé.es. Iels sont considéré·e·s comme étant simplement destiné·e·s à divertir les spectateurs et spectatrices. Que ce soit Antoine Griezman qui prend position pour les droits des hommes et des femmes Ouighour.es, Colin Kaepernick qui refusa de s’agenouiller pendant l’hymne nationale américaine, ou Maya Moore qui mit fin à sa carrière pour se consacrer à son combat contre le système carcéral, tou·te·s ces athlètes perpétuent une tradition initiée par un Musulman.

 

Et, pour ma part, c’est bien la croyance de Muhammad Ali qui m’a le plus inspirée pendant mes recherches sur sa vie. L’activiste Musulmane Dalia Mogahed, qui fut parmi les trois personnes choisies par Ali pour parler à sa Janaza (prière que les Musulman.es offrent au défunt), dit au sujet de ce dernier : « Il a choisi la conscience plutôt que le conformisme. Et c’est ainsi qu’il s’est libéré et a agi comme un symbole et un exemple de la façon dont nous pouvons tous nous libérer par la spiritualité. À l’époque [quand Ali a refusé de s’engager dans l’armée], l’Islam avait été blâmé car responsable de sa position si impopulaire, aujourd’hui nous louons Ali mais nous ne donnons aucun crédit à l’Islam et à sa spiritualité. »

 

En cette époque difficile, où les Musulman.es sont attaqué·e·s et discriminé·e·s partout dans le monde, il convient de rappeler que notre religion nous ordonne de nous battre contre les injustices, qu’elles soient en France ou ailleurs. Le verset 135 de Sourate An-Nisa’ dit : « Ô vous qui avez cru, tenez bon dans la justice, soyez des témoins d’Allah, même si c’est contre vous ou contre vos parents et vos proches. » Cela demande beaucoup de force, de devoir sans cesse exprimer notre droit d’exister tel que l’on est et, comme Ali, j’essaie de puiser cette force dans ma spiritualité.

 

Muhammad Ali était fier d’être Musulman et au moment où il fut rejeté et condamné à cause sa foi, il fit preuve de fermeté et plaça sa confiance en Allah. Lorsque les journalistes lui demandèrent, à sa sortie du tribunal, ce qu’il comptait faire maintenant, sa réponse fut concise et limpide : « Tout est entre les mains d’Allah. »

 

Crédit image à la Une : The Gordon Parks Foundation.

 

Références:

Mike Marqusee (Auteur). (2017). Redemption Song: Muhammad Ali and the spirit of the sixties. Verso.

Randy Roberts et Johnny Smith. (2016). Blood Brothers: the fatal friendship between Muhammad Ali and Malcolm X. Basic books.

Malcolm X et Alex Haley (Auteurs). (1965) The autobiography of Malcolm X. Grove Press.

Antoine Fuqua (Réalisateur). (2019). What’s my name: Muhammad Ali [documentaire]. HBO.

Sheila Curran Bernard & Samuel D. Pollard (Réalisateur.rices). (1990). Ain’t Gonna Shuffle No More (1964–72) [Saison 1, episode 11]. Disponible à : https://www.youtube.com/watch?v=1WmVeDSZ8T8&t=1271s&ab_channel=INDIVIDUALTHOUGHT

Dave Zirin (Auteur). (2016). “I just wanted to be free”, the radical reverberations of Muhammad Ali. Independent. Disponible à : https://independentaustralia.net/life/life-display/i-just-wanted-to-be-free-the-radical-reverberations-of-muhammad-ali,9073

Democracy Now! (2016). Don’t De-Islamize Muhammad Ali: Scholar Says Muslim Faith was Central to His Views on Racism & War. Disponible à : https://www.youtube.com/watch?v=PSVuUYfXGtw&ab_channel=DemocracyNow%21

 

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Muhammad Ali : militantisme, croyance et inspiration – Partie I

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Après le meurtre horrifique de Samuel Paty et le climat islamophobe qui s’en suivit, je me suis sentie, comme beaucoup de Musulman.es de France, troublée. J’ai la mauvaise habitude de me noyer dans le travail quand il arrive quelque chose qui perturbe mon quotidien. C’est un moyen pour moi de ne pas y penser, et selon la logique tordue de mon cerveau, si je n’y pense pas, ça n’existe pas. En l’occurrence, j’étudiais à ce moment-là en classe la Guerre du Vietnam ou, comme les Vietnamien.es l’appellent, Kháng chiến chống Mỹ (la Guerre de résistance contre l’Amérique), et le nom du boxer Muhammad Ali (rahimahullah) revenait souvent dans mes recherches.

 

Je décidais alors de pousser ma curiosité plus loin, car rares sont les personnes Musulman.es à être mis en avant par les livres d’Histoire bien qu’elles aient façonnées celle de l’Amérique, tout comme celle de la France. Je me suis donc plongée dans des livres, biographies et documentaires… encore une fois, vous l’avez compris, pour m’évader de notre triste réalité. Mais cette fois-ci, mes recherches auront un effet cathartique. Ce qui m’apporta du réconfort dans l’histoire d’Ali, à cet instant, ce fut sa fierté :  il était fier de sa religion et de ses principes, peu importe à quel point il était attaqué à cause de cela. Cependant, force est de constater que sa religion est trop souvent mise au second plan lorsque l’on parle de sa vie, bien qu’elle ait, dès le début, motivé son militantisme.

 

Muhammad Ali, né Cassius Marcellus Clay, se convertit à l’Islam sous l’influence de son ami proche, Malcolm X (rahimahullah), et annonça publiquement son appartenance à l’organisation Nation of Islam au lendemain de sa victoire contre Sonny Liston, le 25 févier 1964. Champion du monde de poids lourds à seulement 22 ans, Cassius Clay fut renommé Muhammad Ali et cette conversion ne laissa personne de marbre. La poète Sonia Sanchez témoigna : « Lorsque Muhammad Ali a changé son nom, on l’a tout simplement appelé par son nouveau nom. Quand les gens l’appelaient Cassius Clay on leurs répondaient : « Ce n’est pas son nom, appel notre frère par son nom. Son nom est Muhammad Ali. Ne l’oublie pas. » Nous étions très heureux et contents pour lui. » Mais les réactions furent loin d’être aussi positives et les attaques islamophobes et raciste ne se firent pas attendre.

 

Pendant plus de 8 ans, The New York Times refusa de l’appeler Muhammad Ali. Un combattant affirme qu’il voulait l’affronter pour « ramener le titre de champion du monde à toute l’Amérique. Pas qu’aux Musulmans. Je suis Américain. » Par conséquent, il insinuait qu’Ali ne pouvait être à la fois Musulman et Américain. La réponse d’Ali fut simple et claire : “Je n’ai pas à être ce que vous voulez que je sois. Je suis libre d’être qui je veux être”. Il fit remarquer à la presse qu’il n’était pas le premier athlète à avoir changé son nom. Il était en effet courant pour les enfants d’immigré·e·s de l’Europe du Sud d’adopter un nom à connotation plus américaine. Mais s’il est aujourd’hui habituel pour les Africains-Américain.es de porter des noms musulmans ou Africains, il n’en était rien en 1964. Ali voyait son changement de nom comme une séparation entre lui et l’Amérique blanche raciste. Il déclara : « Clay n’était pas mon nom. C’était le nom des esclavagistes qui possédaient mes ancêtres. Muhammad veut dire « digne de grâce » et Ali veut dire « l’élevé ». Je veux être connu dans le monde entier par ce nom. »

 

Peu de temps après sa conversion, le FBI lança une enquête sur son statut de conscription (service militaire). Les États-Unis étaient alors en guerre au Vietnam et Ali avait déjà passé un test d’intelligence qu’il avait échoué à deux reprises. Cependant en 1966, le centile de réussite du test fut abaissé et Ali fut reclassé 1-A, éligible pour conscription. « Je ne comprends pas. Moi je n’ai rien contre les Viêt-Cong, » fut sa réaction à l’annonce de son changement de statut. Cette simple phrase lui valut d’être traité d’antipatriotique et un appel à boycotter ses combats fut lancé.

 

En mars 1967, Ali reçoit sa notice de recrutement. Il clarifia son refus de s’engager lors d’une marche pour la déségrégation des logements, dans sa ville natale de Louisville : « Pourquoi devrais-je enfiler un uniforme et partir à dix mille kilomètres de chez moi pour larguer des bombes et des balles sur les gens de couleurs au Vietnam, alors que les Noir.es de Louisville sont traités comme des chiens et privés des droits humains les plus basiques ? Non, je ne vais pas à dix mille kilomètres de chez moi pour aider à assassiner et brûler une autre nation pauvre simplement pour continuer la domination des maîtres d’esclaves blancs sur les gens de couleur du monde entier. C’est le jour où de tels maux doivent prendre fin… Je ne déshonorerai pas ma religion, mon peuple et moi-même en devenant un outil pour asservir ceux qui luttent pour leur propre justice, liberté et égalité. Je dois obéir soit aux lois du pays, soit aux lois d’Allah. Je n’ai rien à perdre en défendant mes croyances religieuses. »

 

Lors de la cérémonie de recrutement, Ali refusa de prêter serment et expliqua dans un communiqué ses raisons : « Je suis fier du titre de Champion du monde. Son détenteur doit à tout moment avoir du courage dans ses convictions et les mettre en pratique, non seulement sur le ring mais aussi à toutes les étapes de sa vie. C’est à la lumière de mes propres convictions personnelles que je prends position en rejetant l’appel à être incorporé dans les forces armées. Je le fais en étant pleinement conscient de ses implications et de ses conséquences possibles. J’ai fait un examen de conscience et je me rends compte que je ne peux pas être fidèle à mes convictions religieuses en acceptant un tel appel. Ma décision est privée et individuelle. En la prenant, je dépends uniquement d’Allah en tant que juge final de ces actions provoquées par ma propre conscience. »

 

Le verdict ne tarda pas à tomber : on lui retira son titre de champion du monde et sa licence de boxe moins d’une heure après cette déclaration. S’en suivit un procès qui le condamna à 5 ans d’emprisonnement et à 10 000 $ d’amende. Son avocat fait appel immédiatement.

 

Selon son manager, Herbert Muhammad, : « La nuit, Ali recevait des appels téléphoniques de gens menaçant de bombarder sa maison, ils lançaient des pierres, certains passaient même en voiture, ivres, en criant et en tirant sur sa maison. » D’après l’activiste Kwame Ture, Ali fut la personne qui a le plus perdu, suite à son refus d’être enrôlé dans l’armée.

 

La violence dont fut victime Ali pour sa position s’inscrit dans un contexte plus large de répression contre les activistes Noir.es Américain.es et contre le mouvement d’anti-guerre. Le FBI lança le programme COINTELPRO, qui avait notamment pour but de « neutraliser les militants noir.es nationalistes ». Parmi les personnes visées l’on retrouve Martin Luther King, Malcolm X, l’activiste Angela Davis, l’auteur James Baldwin, et Muhammad Ali.

 

Ali devint rapidement un symbole de résistance à l’impérialisme américain. Privé du droit d’exercer sa profession, il donna de nombreux discours dans les universités et galvanisa le mouvement anti-guerre. Il expliqua comment sa foi fut un des principaux moteurs de sa décision : « La salutation dans ma foi est « que la paix soit sur toi ». C’est « As Salam Aleykoum ». Beaucoup de personnes m’ont fait remarquer tout ce que je perds en refusant d’être incorporé dans l’armée. Je voudrais dire à ces gens que je n’ai rien perdu. J’ai beaucoup gagné. J’ai gagné une tranquillité d’esprit. J’ai gagné une paix du cœur, je sais maintenant que je suis en accord avec la volonté d’Allah le tout puissant. Si la justice triomphe, je n’irai ni à l’armée ni en prison. » Et la justice triompha. Après plus de quatre ans de bataille judiciaire, Ali est exonéré par la Cour Suprême des États-Unis en 1971. Il regagna le titre de champion du monde en 1974.

 

Crédit image à la Une : The Gordon Parks Foundation.

 

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Nidonite, la bombe à construction massive

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Elle aime « manger », « écouter les humains » et « faire des vidéos à mourir de rire », c’est Nidonite, la bombe à construction massive !
Nida-Errahmen Ajmi est une illustratrice suisse d’origine tunisienne, diplômée d’un Bachelor de Sciences de l’information et de la communication et en ethnologie. Âgée, seulement, de 25 ans, elle parle le français, l’anglais, l’arabe littéraire, le dialecte tunisien et l’allemand.

 

C’est une jeune femme passionnée, pétillante, hyperactive, curieuse et a toujours quelque chose à faire, d’où son surnom Nidonite. Un mélange de son prénom Nida et de la dynamite, elle est « une bombe » bien « explosive ».

Elle est illustratrice, blogueuse, auteure et soldat de train dans l’armée suisse. Elle aime la littérature, l’écriture, la philosophie, la musique, l’alimentation et faire de la moto.

Elle définit son monde comme étant « hétérogène », « très vivant et paradoxal ».

Inspirée par la discipline de son papa, Nidonite est une personne libre, plurielle, et dynamique, en constante évolution. C’est une artiste joyeuse, curieuse, humaine, « amoureuse du monde, et amoureuse de la Terre ».

L’Art

 

Nida-Errahmen Ajmi commence le dessin à l’âge de douze ans grâce au manga culte Dragon Ball Z. A la même période, elle commence à dessiner les corps féminins.

Le dessin est, pour elle, une manière de s’exprimer, mais aussi une façon de vivre.

« J’ai envie de partager la vie que j’ai en moi et inspirer les gens d’être eux-mêmes, fidèles. »

Inspirer et partager sont les vecteurs directeurs de son art. L’artiste a commencé sa carrière en se basant sur la notion du partage. Partager son art, non pour changer le monde, mais pour se changer elle-même. Dotée d’un sens de responsabilité et d’une grande empathie, elle veut montrer aux filles et aux femmes qu’elles ne sont pas seules.

L’art permet à Nidonite d’être engagée et dévouée à l’humanité, et inspirer le fait que tout est possible, mais avant tout son art lui permet de passer un bon moment.

En dehors de la musique, des coups de cœur, de son histoire et de la vie de ses proches qui inspirent son art, Nidonite s’inspire des nouvelles situations et de Challenges pour dessiner. « Se dépasser soi-même et combattre ses peurs » sont ses ingrédients pour créer.  

« Femme et féministe, au-delà d’être musulmane et voilée. »

Au-delà d’inspirer et de partager, Nidonite, désire, par son art, voir la mentalité féminine s’émanciper sans distinction d’origine. Elle veut que les « femmes connaissent leurs vraies valeurs » et qu’elles cessent de se dénigrer. Se valoriser, penser à soi-même, et se défaire de la façon de penser que la société impose à la femme, littéralement, prendre soin de soi et se débarrasser de la charge mentale.

« Apprendre à donner de l’estime à soi-même » est le message véhiculé à travers ses dessins.

« Les efforts sont une forme de peine. »

Insultée et harcelée sur les réseaux sociaux par une partie de la communauté musulmane, car elle ne répond pas à leur « idéal de femme musulmane voilée » Nidonite fait face à ces difficultés et continue de partager son art et d’inspirer.

« L’art est une ‘’arme’’ de distinction face à la barbarie. » Philippe Geluck

 

 

À la suite des attentats contre Charlie Hebdo, en 2015, Nidonite, âgée alors de 17 ans, décide de terminer l’écriture de sa première pièce de théâtre « Sheikh Tartuffe » publiée le 13 mars 2019.

Une pièce de théâtre qui dénonce l’hypocrisie et la stupidité des êtres humains prêts à écouter et à suivre n’importe qui sans jamais se poser de questions.

« Un coup de gueule » qui s’adresse aux musulmans et aux non-musulmans.

De la même manière que Tartuffe est, un faux dévot dans L’Imposteur de Molière, Sheikh Tartuffe est l’hypocrite au sein des musulmans dans cette pièce de théâtre. Ce chef d’œuvre a pour but de montrer que les hypocrites sont présents partout, peu importe la religion, l’origine, la nationalité, …

Nidonite ne s’arrête pas là dans son message engagé. Sa bande-dessinée en ligne « Ninjustice » a pour personnage principal une héroïne qui brise les stéréotypes sur les femmes musulmanes.

Nidonite met l’accent sur plusieurs points dans cette bande-dessinée. Elle remet en question l’appropriation des corps des femmes. Elle joue avec la notion du « bien » et du « mal » dans le but de remettre en question la notion de justice.

 L’héroïne arrive à manipuler facilement les personnes en changeant son apparence. Le personnage porte et retire son voile, selon ses envies, son entourage l’enferme dans une case, car elle est une musulmane portant le voile. Nidonite met en avant la question sur le voile et sur ce poids d’engagement qui n’a jamais existé pour une femme musulmane qui décide de porter ou non le hijab.

La Webtoon en ligne « Chocolat&Piment », inspirée de la vie de l’artiste, relaye avec humour les anecdotes d’un jeune couple métis : un homme noir et une femme musulmane d’origine maghrébine portant le voile. Nidonite brise les stéréotypes en présentant un homme sensible et très présent, et une femme qui ne répond pas à « l’idéal d’une femme musulmane voilée » que la société impose.

 

 

Le sport et l’armée

 

« Quand je sais ce que je veux, ou quand j’ai une idée, tout le monde peut être contre moi, mais je ne vais pas lâcher. »

Kickboxing, Krav-maga, Kung-fu, Karaté, … Nidonite est une adepte des arts martiaux. Le sport est le meilleur moyen de dompter le corps, physiquement et psychiquement. Il joue un rôle important dans la discipline et l’apprentissage de soi, selon Nidonite. Sur son blog, elle cite les six raisons pour lesquelles elle pratiquait le Kickboxing.

« La passion – L’amour avant tout ! »

« La santé – Entretenir ce corps qui me permet de me déplacer pour réaliser mes rêves. »

« La force – Renforcer ma capacité à pousser mes limites dans la vie de tous les jours. »

« La beauté – Un beau corps c’est un corps qui transpire la santé, qui affirme ses muscles et qui laisse tout de même le droit à la graisse d’exister. »

« Soin du cœur – Le sport m’a défoulé, il évacuait toutes mes énergies négatives. »

« Dépassement de soi – Aujourd’hui, les situations les plus difficiles me semblent accessibles quand je les vois dans une optique sportive. »

 

Au-delà de la kickboxing, Nidonite s’est tourné aujourd’hui vers la moto, elle aime faire de nouvelles choses et repousser ses limites.  

 

 

« Citoyenne suisse et fière »

 

 

Nidonite aime son pays, c’est pour cette raison qu’elle a décidé d’intégrer l’armée suisse. Elle est soldate de train, et sa fonction n’a rien à avoir avec les trains ! Les soldats de train peuvent se rendre dans les lieux inaccessibles par les véhicules, avec des animaux et peu importe la météo.

L’artiste souhaite contribuer à l’amélioration de la condition féminine, et apporter son aide à son pays, en tant que femme.

Nidonite aime également les expériences absurdes et extrêmes, l’armée était l’occasion pour elle de palper ses limites, prendre du caractère et se discipliner.

 

 


Crédit photo : Nidonite

 

En tant que femme, elle a rencontré des difficultés durant son service, comme par exemple, de la discrimination, des charges mentales et physiques lourdes à porter. En tant, que femme musulmane, Nidonite a fait face à des incompréhensions et n’a pas réussi à briser certaines barrières, mais pour elle, il était hors de question d’abandonner. Face aux difficultés, elle s’en est sorti plus forte.

Nidonite utilise son art pour encourager les femmes à assumer et ose intégrer l’armée. Sur son blog, elle explique avec ses propres illustrations comment s’engager à l’armée suisse en tant que femme. « Tu veux le faire, fais-le. Crois en toi.  Impose-toi », c’est le conseil de Nidonite pour une femme qui désire s’engager à l’armée.

« Pas de stress, pas peur de la mort, pouvoir me dévouer est une fierté. »

 

Une artiste engagée

 

Nidonite est une illustratrice engagée. Elle participe dans plusieurs projets concernant la prévention sociale, notamment, avec l’ONG Ciao.ch, sur la santé de l’enfance et de la Jeunesse en Suisse.

Elle apporte également son aide dans les projets sur le harcèlement de rue, les projets sur le racisme, sur la santé mentale au sein de la jeunesse suisse, ainsi que sur des projets féministes.

« Je suis une personne fascinée par l’être humain, l’être humain possède une personnalité complexe. Quand je peux apporter quelque chose, je le fais, et je prends du plaisir. Je m’intéresse aux personnes, par amour à l’être humain. J’aime l’être humain. »

Nidonite est une artiste particulièrement sensible aux injustices. Cependant, elle ne peut pas évoquer toutes les injustices de notre monde. Elle essaye, donc, de cibler des causes précises, comme le féminisme.

« Ne pas avoir peur d’être simple dans un monde où tout le monde veut se distinguer. »

 

Crédit photo : Nidonite

 

Jou RH

Crédit photo à la Une : Nidonite

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Mohisa Kali, sophrologue et ventousothérapeute

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Mohisa Kali pratique à la fois la ventousothérapie, aussi nommée hijama ou cupping therapy, et la sophrologie une thérapie brève visant le bien-être physique, émotionnel et mental. Elle revient pour nous sur son parcours professionnel, très lié à sa spiritualité.

 

Du burn-out à la hijama

 

Mohisa est d’origine malienne. Elle est née à Paris et elle a toujours vécu en Essonne dans le 91. 

La jeune femme est d’abord devenue infirmière à 21 ans et a exercé dans les grands hôpitaux parisiens puis en cabinet libéral pendant une dizaine d’années. « Après toutes ces années à prendre soin des autres, je me suis oubliée, j’étais épuisée émotionnellement et physiquement, j’ai littéralement fait un burn-out ». C’est alors que Mohisa a choisi de prendre soin de sa santé. « J’ai eu recours à la sophrologie pour me relever psychologiquement, mais comme souvent, lorsqu’on ne se sent pas bien dans sa tête, mon corps a pris un gros coup ». Elle a donc tenté la hijama, qui lui a beaucoup apporté. « Je me sentais tellement mieux ! J’étais apaisée et redynamisée, je le sentais à la fois physiquement et dans mon état d’esprit ». Ainsi, cette expérience si bénéfique l’a incitée à se former à la sophrologie et la ventousothérapie. En 2019, elle ouvre son propre cabinet – un espace de bien-être et d’expression de soi – à la fois dédié à la ventousothérapie ainsi qu’à la sophrologie. « Lorsque j’étais infirmière, je voyais toutes ces personnes âgées qui prenaient jusqu’à 11 comprimés par jour et je me disais : c’est fou ! Il y a sûrement d’autres moyens plus naturels pour contribuer au bien-être et préserver la santé ». 

Mohisa évoque également sa mère, à de nombreuses reprises. « Elle aussi prenait beaucoup de médicaments car elle a plusieurs problèmes de santé et je souhaitais absolument lui éviter ça, al hemdoulilah (louange à Allah), elle n’en prend plus ». Elle est ravie de pratiquer la hijama sur sa mère. « Cela nous a beaucoup rapprochées, c’est une expérience très intime ».

 

 

Table de massage au sein du cabinet de Mohisa Kali, près des ventouses. Crédits : Shehrazad

 

 

Désormais, Mohisa accompagne ses patient·e·s dans son propre cabinet à Ablon-sur-Seine. Sa patientèle est très variée. « Il y a des femmes, des hommes, des ados, des adultes, des musulman·e·s, des non-musulman·e·s, des Arabes, des Blanc·he·s, des Noir·e·s, il y a de tout ! », rit-elle. Elle remarque ainsi un retour considérable au naturel, présent au sein de toutes les sphères de la société. « On prend de plus en plus conscience de l’importance de prendre soin de son hygiène de vie, de tous les fameux conseils de nos grands-mères et des thérapies naturelles ». Mohisa prend l’exemple des douleurs liées aux règles. « Avant la hijama, je prenais à chaque fois des médicaments, c’était particulièrement difficile pour moi. Désormais, je ne prends plus de médicaments et je me sens très bien durant mes règles ». En effet, la ventousothérapeute explique que la hijama permet de détoxifier le corps, de relancer la circulation et d’aider nos organes à mieux fonctionner. « C’est un gros boost ! Les ventouses permettent d’apaiser la personne, de chasser la fatigue ou le stress. Elle dort mieux, ressent moins de tensions… Cela exerce un véritable effet antalgique et anti-inflammatoire ». Plusieurs personnes viennent ainsi pour mieux vivre leurs maladies chroniques ou tout simplement pour s’accorder un moment de bien-être.

 

Le déroulement des séances

 

En entrant dans son cabinet, nous remarquons immédiatement une très jolie boîte à mouchoirs. Je ne peux m’empêcher de faire remarquer à Mohisa que son cabinet a véritablement l’air de celui d’une psychanalyste. « C’est vrai qu’il y a un côté psy, je suis l’oreille attentive et bienveillante des patient·e·s. Ils me livrent une partie de leur vie et donc ils pleurent souvent », sourit-elle. En effet, la sophrologue insiste sur l’importance d’écouter les personnes qu’elle accueille, afin de savoir au mieux les raisons pour lesquelles elles souhaitent avoir recours à la hijama. « Avant de poser mes ventouses, j’ai besoin d’échanger avec la personne pour la comprendre . Cela me permet d’être plus efficace dans le choix du placement de mes ventouses ». En revanche, il existe certaines conditions afin de pratiquer la hijama humide : il faut être au moins âgé·e de 11 ans, ne pas être enceint·e, ne pas suivre de traitements anticoagulants et il est préférable, pour les personnes diabétiques, ayant du mal à cicatriser, de ne pas y avoir recours. 

 

Il est également nécessaire d’être à jeun depuis 4 heures – 3 heures pour les diabétiques. Suite à ce petit entretien, Mohisa invite ses patient·e·s à s’allonger, afin de leur poser des ventouses. Elle effectue ensuite des petits points, par le biais d’une lame stérile. « Il n’y a rien de gore, pas de sang qui coule partout ! Le sang va coaguler dans les ventouses,  ça ressemble alors à des Flambys ! », s’amuse-t-elle. Puis, Mohisa désinfecte tout cela, avant de panser ces petits points avec du miel bio. Elle effectue aussi des massages, le Moving Cupping. « Il est également possible de procéder à la hijama sèche en utilisant simplement les ventouses, sans saignement. Les effets de cette ventousothérapie ne durent pas aussi longtemps que la hijama humide mais on peut la faire plus fréquemment que l’humide »

 

Le côté “très psychanalyste” du cabinet de Mohisa Kali, en raison du divan ainsi que de la boîte à mouchoirs offerte par un ancien patient. Crédits : Shehrazad

 

Elle est ainsi ravie des résultats positifs observés chez des femmes l’ayant consultée en raison de leur infertilité. « Comme dirait ma soeur, “le timing du Seigneur est toujours le meilleur!”. En revanche, la hijama peut aider à favoriser la survenue de la grossesse grâce à son action hormonale ». De même, plusieurs patientes ayant pratiqué la ventousothérapie une semaine avant le début de leurs règles, durant 3 mois, se retrouvent sans douleur durant leur période menstruelle. « On peut vraiment avoir de bons résultats ! Il ne faut pas non plus hésiter à se servir de certaines plantes africaines ou encore des huiles, comme celle de nigelle, afin d’apaiser ces douleurs ». De plus, Mohisa explique qu’il n’est pas nécessaire d’avoir la foi pour que cela ait un effet positif sur son corps et son esprit. « Il existe plusieurs études scientifiques qui prouvent les avantages de la ventousothérapie/cupping therapy. D’ailleurs, ce ne sont pas seulement les musulman·e·s qui la pratiquent, elle est également très connue dans le milieu sportif, la médecine chinoise, indienne… »

 

Son credo ? Ne jamais juger les patient·e·s et les accueillir tel·le·s qu’iels sont. Ainsi, elle accompagne de nombreuses personnes qui se sentent seules, incomprises et bloquées dans leurs situations. Des personnes qu’elle aide afin qu’elles (re)deviennent pleinement actrices de leurs vies dans la sérénité, la confiance et la joie. Mohisa intervient également au sein de lycées et d’associations, notamment pour traiter le harcèlement scolaire. « Mon objectif est de les accompagner afin qu’iels puissent acquérir de l’estime et de la confiance en soi, c’est le plus important ». En outre, plusieurs musulman·e·s évoquent avec elle leur crainte paralysante de l’Au-Delà, se sentant comme de piètres croyant·e·s. « Parfois certain·e·s patient·e·s sont hyper exigeant·e·s vis-à-vis de leur religiosité, n’acceptant pas de faiblir ou de faillir… Sauf que nous ne sommes pas des anges, nous ne sommes pas parfait·e·s. Il faut l’accepter puis y aller étape par étape et faire simplement de notre mieux, dans tous les domaines d’ailleurs ! En agissant avec la meilleure intention, Allah nous facilitera inshAllah (si Allah le veut) ». Elle prône également l’importance des massages. « Lorsque tu es stressé·e, tu oublies souvent ton corps, par l’omniprésence de ton esprit. Les massages permettent donc de revenir à ton enveloppe charnelle, ce qui peut aider à te recentrer sur toi-même ». Elle a d’ailleurs récemment lancé des lives et podcasts sur Instagram afin d’offrir ses outils de relaxation à un maximum de personnes. 

 

Il est possible de suivre Mohisa Kali sur Facebook ainsi que sur Instagram. Nous pouvons également nous abonner à sa chaîne Youtube. Pour prendre rendez-vous, cliquez sur ce lien. Si vous souhaitez établir un premier contact gratuit par téléphone avec Mohisa Kali, c’est par ici. Elle nous prépare de nouveaux projets. Nous ne lui souhaitons donc que du succès dans ses futurs engagements, inshAllah.

 

Crédit photo : Shehrazad

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Bénazir Bhutto, la force d’une femme

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Bénazir Bhutto, née au Pakistan en 1953, est la première femme à la tête de l’exécutif dans un pays musulman en devenant en 1988, Première ministre, et grand symbole féminin de pouvoir. Ce titre lui est conféré grâce à sa faculté de s’adresser à son peuple : elle a su trouver les mots et émouvoir sa communauté, à une époque où la place qu’occupaient les femmes dans le monde, sur le plan politique en particulier, était presque insignifiante. Le Pakistan, qui est encore aujourd’hui une société patriarcale, ne faisait malheureusement pas exception à cette règle.

 

 

Issue d’une riche famille pakistanaise, Bénazir a su se démarquer et devenir une femme de pouvoir. Profitant d’une opportunité, elle part, dès l’âge de 15 ans, faire ses études à l’étranger, aux Etats-Unis pour commencer, puis en Grande-Bretagne où elle rejoint la prestigieuse université d’Oxford. Engagée depuis son plus jeune âge dans des luttes progressistes qui la touchent particulièrement, elle crée un syndicat étudiant représentant les étudiants pakistanais. Cette ouverture sur l’international lui permet de rompre avec les traditions familiales – les jeunes femmes Bhutto vivant recluses dans leurs propriétés et ne bénéficiant que d’un accès restreint à l’éducation – mais elle n’oublie pas ses origines pour autant, et garde un œil sur les causes de lutte qui concernent directement son pays.

 

En 1976, elle rentre au Pakistan. Un an plus tard, son père est arrêté et emprisonné comme opposant au régime du Général Zia. Cet évènement va pousser Bénazir à mûrir prématurément, et elle entreprend, avec sa mère, de se battre pour libérer son père. Bien que placées elles-mêmes en résidence surveillée, elles luttent durant deux années pour sa libération. Mais leurs efforts restent vains, et l’homme meurt en martyr, exécuté après un procès de droit commun construit de toute pièce, le 4 avril 1979.

 

Bénazir et sa mère, déjà très affectées par la mort du père, sont victimes à leur tour de l’acharnement du Général Zia à leur encontre. Assignées à résidence, emprisonnées, elles sont maltraitées, affamées, battues, violées… Bénazir parvient à s’échapper au début des années 80, une pression exercée par les Américains lui permettant de partir en exil pour Londres.

 

C’est en 1988, quand Bénazir rentre au Pakistan, qu’elle se présente aux élections et est nommée Première ministre. Alors âgée de 35 ans, elle représente à la fois son peuple, de par ses origines et son vécu, mais aussi la culture occidentale, dont elle connaît la langue et les codes. En plus d’être la première femme musulmane à diriger un pays, elle est aussi une femme voilée. Cet aspect de sa personnalité lui a valu beaucoup de critiques, mais ne l’a pas empêché de devenir un symbole très inspirant de lutte et de révolte.

 

Cependant, le 6 août 1990, le Président la démet de ses fonctions, sous prétexte qu’elle est « incapable de tenir les rênes du pays ». Évidemment, puisqu’elle est une femme ! Malgré tout, elle ne baisse pas les bras, et revient en 1993 pour un second mandat qui va durer trois ans et à l’issue duquel elle sera à nouveau démise de ses fonctions. En novembre 1996, elle part à nouveau en exil.

 

En octobre 2007, après plus d’une dizaine d’années d’exil et malgré de nombreuses menaces de mort, elle décide envers et contre tous de regagner son pays, le Pakistan. Et c’est lors d’un meeting politique, au moment où elle prononce les mots « Longue vie aux Bhutto ! », qu’elle est assassinée, sacrifiée sur l’autel de ses convictions, le 26 décembre 2007.

 

 

Maryème Ben Mohamed

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Diffuse la bonne parole

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