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My Magical Hijab : et si l’héroïne de mon enfance portait un hijab ?

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Les aventures de Mina – My Magical Hijab
My Magical Hijab est un livre pour enfants. On suit les aventures et le quotidien de Mina – personnage principal plein de vie et d’énergie. L’histoire commence le jour de son anniversaire où sa mère lui offre, pour l’occasion, un cadeau particulier : un hijab. Mais pas n’importe lequel…Un hijab magique qui change de couleur ! On voit une Mina pleine de joie et heureuse à la découverte du cadeau.

 

En réalité, c’est une lecture pour les grands et les petits, pour les croyants.e.s et les non-croyants.e.s. Derrière ce personnage drôle et rempli de vie, les auteurs.trices souhaitent briser les nombreux stéréotypes négatifs qu’on peut entendre sur les femmes qui portent le hijab.

Face aux clichés sur les femmes qui sont forcées à porter le hijab ou encore que le hijab soit censé être noir, sombre, nous avons la mère de Mina qui lui offre un hijab qui change de couleur et brille de mille feux. Mina en est très contente.

Dès le début de l’histoire, les auteurs.trices ont brisé ces clichés négatifs et tentent de construire une image positive du hijab dans les esprits des lecteurs et surtout les jeunes filles.

Au fur à mesure de la lecture, les stéréotypes négatifs tombent les uns après les autres. Entre nous, combien et quelles sont les questions ridicules qu’on vous a déjà posées sur votre hijab?

« Est-ce que vous le portez aussi chez vous ? Dormez-vous avec ? Prenez-vous votre douche avec ? » Et à chacune d’elle je refoulais l’envie de répondre « oui, bien sûr ! ».

Il y a plusieurs façons pour faire face à ce genre de situations. L’une d’entre elles est d’ écrire un livre ! My Magical Hijab est un livre qui contribue à lutter contre ces clichés, de manière ludique et artistique. Les auteurs.trices ont pris le soin d’écrire l’ensemble du livre avec des rimes.

Les auteurs.trices souhaitent enseigner de manière moins stricte les raisons pour lesquelles les femmes musulmanes portent le hijab à travers des illustrations et les aventures de Mina. Par exemple, on peut voir que quand Mina est dehors, elle porte le hijab mais quand elle rentre chez elle, elle se met à l’aise (oui, elle ne le porte pas). Le quotidien de Mina est celui de milliers de femmes à travers le monde.

Les illustrations réalisées par Thaakirah Jacobs, une jeune femme musulmane, originaire de l’Afrique du Sud, jouent un très grand rôle dans cet apprentissage. Une image vaut parfois mille mots. N’est-ce pas ?

Suivez les aventures de Mina car ce premier tome n’est pas le dernier !

Doaa et Karter – Les auteurs de My Magical Hijab

 

My Magical Hijab a été écrit par Doaa et Karter.

Doaa Alhawamdeh est née à New York, d’origine palestinienne, elle a fait des études d’infirmières. Aujourd’hui, elle se considère comme une infirmière-voyageuse.

Karter Zaher est né au Canada d’origine libanaise. Il faisait partie du célèbre duo Deen Squad. Le but du duo était de créer de la musique et du divertissement afin de donner de la force à la jeunesse musulmane à travers le monde.

Aujourd’hui mariés, ils vivent à Los Angeles – California. Ils travaillent sur leur marque de divertissement Muzzy.

Leur but est de créer un puissant réseau de musulman.es afin de renforcer la communauté musulmane à travers le monde.
 

« Récemment, nous nous sommes mariés, la meilleure façon de commencer notre relation est de créer un livre et des super-héros qui pourront vivre et grandir dans les cœurs des jeunes femmes. » Doaa & Karter

Le manque de représentation – Les raisons derrière My Magical Hijab.

 

Derrière le succès de My Magical Hijab, se cache un travail colossal. Les auteurs ont tenté plusieurs idées avant de décrocher le jackpot : Mina et le hijab magique ! Ce n’était pas un travail facile, néanmoins ce projet leur tenait à cœur et ils ont réussi à le mener à terme.

Pour quelles raisons, les auteurs ont-ils décidé d’écrire ce livre, qui s’adresse principalement aux enfants ?

Le manque de représentation est cruel, et alarmant à notre époque. Malheureusement, la jeunesse musulmane et plus spécifiquement les femmes musulmanes n’ont pas de héros.oïnes qui les représentent.

L’idée principale était de créer une super-héroïne qui jouera, par la suite, un rôle modèle pour les jeunes femmes de la communauté musulmane.

C’était la réponse des écrivains.

« Nous avons ressenti qu’elles avaient vraiment besoin de représentation dans notre communauté. » Doaa & Karter

La plupart des rôles modèles ne véhiculent pas les bons messages, d’autres personnes ne concernent pas la culture musulmane et ne donnent pas la bonne représentation.

Ce manque de représentation, Doaa l’a ressentie lors de son enfance. Elle me confie, « plus jeune, jamais l’idée de trouver un personnage qui porte un hijab, en ouvrant un livre, m’a traversé l’esprit. En étant enfant, c’était normal, de ne pas se dire ‘’où sont les enfants qui me ressemblent !’’. Et c’est exactement le problème ! »

Doaa continue sur sa lancée et m’explique que les enfants grandissent et dans leurs esprits, ils développent l’idée de ce qui est normal. En grandissant, ce qui est normal ce sont les personnages qu’ils ont vu dans les livres, les films et les shows. C’est la normalité de ne pas voir des personnages avec le hijab. Puis, ils deviennent des adolescents et des adultes, et ce qui est normal n’est pas en adéquation avec leur foi, ce qui signifie par défaut, de manière inconsciente, dans leurs esprits, qu’ils ne sont pas normaux. C’est ça le plus grand problème.

Avec la création de ce livre, et avec de plus en plus de contenus dans le même genre, les filles musulmanes peuvent grandir et se rapprocher de qui est réellement normal.

Maintenant, lorsque les personnes verront une fille portant le hijab, ils le rajouteront à leur liste de ce qui est normal. Elles pourront ainsi grandir et porter le hijab, en considérant ce choix, tout à fait normal, sans se sentir bizarre.

Doaa et Karter m’ont confirmé que la communauté musulmane attendait ce livre avec impatience car les enfants avaient besoin de ce genre de représentation. C’était un réel besoin.

« Nous sommes très en retard, cela devait être fait des années auparavant. » Doaa & Karter

Pourquoi est-il si important de répondre à ce manque de représentation chez les enfants ? Pourquoi est-il si important de les cibler ?

« Aujourd’hui les enfants sont déjà ciblés. Si on laisse nos enfants être la cible d’autres personnes dont on n’est pas d’accord avec leurs méthodes alors nos enfants seront éduqués par toutes ces choses : la télévision, l’internet, les téléphones et les réseaux sociaux. Ils sont à peine éduqués par leurs parents, car les enfants constituent déjà une cible. » , répond Doaa.

L’autrice ne s’arrête pas là dans son explication et enchaîne à propos de My Magical Hijab. « Ce livre est introduit en tant qu’outil pour les familles via une histoire magnifique qui aidera à bâtir la confiance des enfants musulmans. Si les enfants observent le niveau de ce qui est normal dans ce qu’ils ont développé de ce qui est normal à partir de leur enfance, s’ils développent ce niveau de ce qui est normal à travers la télévision, les téléphones et les médias sociaux alors ils ne se sentiront jamais anormaux. Cela n’arrivera pas car ils sont ciblés par d’autres personnes qui travaillent très dur afin de dessiner la vision et l’image de ce qui est normal dans les esprits de nos enfants. »

Elle termine par m’annoncer qu’on doit reprendre ce contrôle, et fournir des outils pour les familles musulmanes afin de les aider à façonner une véritable image de confiance en soi des femmes musulmanes.

« Je suis très triste de ce qui se passe en France, ici, la plupart du temps on célèbre la diversité »Doaa

Les auteurs me confient que les lecteurs.rices se sont sentis tellement fier.es et heureux.se du livre. Certain.es ont porté le hijab en lisant le bouquin afin de ressembler au personnage principal, d’autres ont partagé le livre avec leur école. Certains étudient dans des écoles privées musulmanes tandis que d’autres dans des écoles publiques. Les enfants ont ainsi pu lire le livre à leurs camarades musulmans et non-musulmans.

Certains lecteurs ont acheté le livre pour les enseignant.es qui ne sont pas musulman.es, ces derniers l’ont partagé avec leurs élèves. De cette manière, ils peuvent enseigner aux enfants la diversité et l’acceptation des différences des autres.
 


 

Muzzy Brand – Livres, Musique et NFTs. La nouvelle génération de musulmans.

 

Derrière My Magical Hijab se cache une plus grande vision, une plus grande ambition. Le projet d’une vie. Doaa et Karter aspirent à construire un réseau de musulmans.es à travers le monde. Un réseau fort, confiant et loyal. Ils ne comptent pas s’arrêter à un seul livre, ils visent plus grand, plus loin, sur le long terme.

C’est pour cette raison qu’ils ont lancé la marque « Muzzy » qui est destinée à développer la confiance des musulmans.es, et leur donner une voix. L’origine du mot « Muzzy » vient de l’argot américain qui signifie « Cool Muslim ».

Au-delà des livres, Muzzy propose aussi de la musique.

Dernièrement, Doaa et Karter ont lancé une collection NFT baptisée « Hijab Queens ». Premier projet lancé qui représente les musulmans dans le MetaVerse.

Dans l’une de leurs interviews, les fondateurs expliquent que ce projet NFT a une finalité éducative afin que les femmes puissent apprendre sur la construction de richesse, la cryptomonnaie, la liberté financière et les NFTs. Ils n’hésitent pas à investir dans cette nouvelle technologie ainsi que dans des fresques gigantesques afin de donner à la communauté musulmane la représentation qu’elle mérite.

Entre livres pour enfants, musique, collection d’NFT, il semble que Doaa et Karter se sont donné une mission et sont déterminés à la réaliser.
 

Mot de fin – Amina

 

Pour mieux comprendre la raison derrière laquelle le livre My Magical Hijab a suscité autant d’intérêt chez les enfants, je me suis lancée dans la recherche de témoignages. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Amina, une enfant américaine et musulmane âgée de huit ans.

J’ai passé plusieurs heures à parler avec elle (jusqu’à oublier de couper mon jeûne), c’était un membre de sa famille qui a dû nous arrêter dans notre belle discussion.

Amina me confie plusieurs choses lors de notre échange parfois elle me racontait des anecdotes personnelles, et je me réjouissais de l’écouter.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Amina a aimé le livre. D’abord, elle a été captivée par les belles images, avec une large palette de couleurs. Ensuite, il y a l’humour : les parties favorites d’Amina étaient les plus drôles. En effet, le personnage principal est rempli d’énergie et de bonne humeur, on la suit dans son quotidien joyeux. Au-delà de l’humour, Amina a énormément aimé le côté sentimental, sincère et spirituel de la dernière page.

Après la lecture du livre, en trois mots, Amina était remplie de surprise, de joie et de confiance.

Petite anecdote : Amina m’a fait la lecture du livre My Magical Hijab avec des commentaires sur ses parties favorites. Elle ne s’est pas arrêtée là, et elle m’a également lu le livre The Proudest blue de S.K.Ali et Ibtihaj Muhammad.

Je suis vraiment reconnaissante pour ce moment passé avec elle. Après cette interview, et avec une prise de recul de plusieurs semaines, je me suis rendu compte combien il est important d’offrir aux enfants une représentation qui leur est bénéfique.

Je me pose la question suivante : aujourd’hui en France a-t-on la représentation qu’on mérite ?

Mille mercis à Doaa, Karter et Amina pour ces précieux échanges.

Crédit photos : Muzzybrand, @karterzaher, @iamdoaa94

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TheArabicNovel et son univers : portrait (Partie III)

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« Je crois que chaque personne sur terre a un mode d’expression, un don. Je suis très croyante, je pense que Dieu nous a donné une voix qui nous permet de nous exprimer avec excellence. »

Dans les articles précédents (que vous pourrez lire ici et ) je vous évoquais la sensibilité de TheArabicNovel. Sarah est une écrivaine qui ne sait bien écrire que sur le coup de l’émotion. L’écriture est un art que Sarah maîtrise bel et bien, vous l’aurez remarqué sur sa page Instagram. Les phrases et les mots portent en eux la sensibilité et la poésie de Sarah.  
Elle souhaite toucher l’émotion de l’autre et que ce dernier capte l’émotion qu’elle transmet.Pour cela, elle doit écrire avec émotion. Si elle ne met pas ce qui la travaille dans ses textes alors ça ne touchera pas les lecteurs.rices.

« TheArabicNovel c’est vraiment moi, comme je suis vraiment, dans la vie. »

Vous l’aurez compris, Sarah partage avec vous un bout de son cœur et de son âme. Malgré le fait que TheArabicNovel aurait pu ne pas exister du fait de certaines craintes d’être présente sur les réseaux sociaux, aujourd’hui, Sarah est reconnaissante, car elle a fait de belles rencontres via ce compte.

Pour certain.e.s, un réseau social n’a aucun intérêt, pour d’autres, un compte Instagram peut changer leur vie.

Le contenu que Sarah propose sur ses médias sociaux est bénéfique pour de nombreuses personnes. Sarah inspire de nombreuses jeunes filles, et transmet cette passion pour la lecture à un grand public.

« Je le fais pour que ça touche quelqu’un. Je suis vraiment dans l’émotion et dans le partage de cette dernière. »

Comment ça marche sur TheArabicNovel ?

« On pourrait croire que je suis organisée mais pas du tout.

Je fonctionne vraiment au feeling, je refuse de recevoir des livres des maisons d’édition, je ne veux pas qu’on m’impose ce que je vais lire.

C’est moi qui vais chercher, c’est moi qui vais les solliciter lorsque j’en ai envie. Choisir les livres que je veux lire fait que je suis rarement déçu. J’optimise la sélection.

Je lis cent pages par jour parce que j’estime que pour bien écrire, il faut bien lire, et lire fréquemment. C’est comme les sportifs de haut niveau. Il faut s’entraîner.

Pour YouTube, je ne suis plus très à l’aise avec les vidéos face caméra où je parle toute seule, je préfère les vidéos où je mets en lumière quelqu’un, c’est pour cela que je m’axe désormais uniquement sur des interviews. Je trouve que c’est un format plus noble, j’aime le fait de mettre en avant le travail de quelqu’un à travers ma sensibilité et mon regard.»

Nous avons tendance à oublier que derrière un compte, il y a un être humain. Tout comme vous, comme moi, comme nous. Nous avons des hauts et des bas, des forces et des faiblesses. Nos journées, parfois, sont ensoleillées, d’autres fois, pluvieuses. Parfois, nos vies sont en plein tempêtes, parfois on se retrouve à naviguer dans un océan calme, sans jamais voir le bout de terre.

Comment TheArabicNovel se motive et garde la pêche ?

« Le fait de rester en mouvement, de faire des interviews, et de travailler sur du beau, ça te rend heureux.

Je n’étais pas dans un bon mood cette semaine mais hier j’avais une interview, je devais travailler les questions et chercher un endroit pour que la vidéo soit belle, chercher les musiques…Me préparer, préparer l’auteure, la mettre sous un bon angle, poser les questions.

Je suis ressortie de l’interview, j’étais boosté par le fait de la mettre en avant et puis elle me l’a bien rendue, elle m’a donné plein d’astuces d’écriture et, elle s’est livrée à moi.  

Tu te rends compte qu’on est tou.te.s pareil. Finalement, ce qui est écrit est écrit, et si Dieu m’a destiné quelque chose ça arrivera et il ne faut pas que j’angoisse. C’est ça qui me motive. Je me dis reste en mouvement, fait du kheir (du bien), fait du beau, fait des causes, ce que tu appréhendes et ce que tu attends, ça arrivera si Dieu te l’a destiné. Et ça me permet d’apaiser mes angoisses. »

 « J’ai une peur dans ma vie, c’est d’arriver à un âge très avancé et de me dire que je n’ai pas couru derrière ce que j’ai voulu faire. Je n’ai qu’une seule crainte et c’est ça. »

L’amour de la littérature est venu à Sarah par la rencontre de la langue française en Algérie lorsqu’elle était enfant. Quelques mots sur un journal et cette passion l’a poursuivie tout au long de sa vie. Le second déclic a eu lieu avec J.London, puis avec Faïza Guène à l’adolescence,où elle a eu l’impression qu’elle devait lire ce qui lui ressemblait et ce qui la travaillait. Les thématiques dans la littérature arabe sont la mélancolie, l’exil et la pudeur ; c’est la littérature qui ressemble à Sarah.

Sarah a besoin de lire des choses qui lui ressemblent, elle a besoin de poésie. Pour elle, rien n’est plus poétique qu’un.e auteur/trice de la langue arabe, qu’il soit arabophone ou francophone.

Une de ses grandes sources d’inspiration et qui l’a poussé à ouvrir son compte Instagram, c’est Bookapax. Sarah souligne que « c’est une personne extraordinaire. ».

Quelle est l’atmosphère de lecture de TheArabicNovel ?

« Je lis souvent quand j’ai une émotion forte, quand j’ai besoin de me couper de la réalité, je vais lire. Je sais que je vais être dans une bulle.

Maintenant que je fais du contenu, j’écris des articles, je suis obligé de lire tous les jours sinon je ne tiens pas le rythme. Je suis venue à lire cent pages par jour car je n’ai pas le choix sinon je n’avance pas dans mon travail.

La vraie lectrice que je suis, elle lit quand elle a une émotion forte lorsque j’ai besoin de me ressourcer et de me retrouver, mais là, je suis une lectrice du quotidien. »

 

 

« Je pense que l’intention est au cœur de tout. »

J’aimerais conclure cette série d’articles, sur cette notion qu’on connaît tous, la notion de l’intention. Je pense qu’avoir un cœur et une âme pur.e.s lorsqu’on réalise quelque chose est important. Sarah est sincère dans ce qu’elle fait, lorsque j’ai discuté avec elle, je sentais sa bienveillance, sa sensibilité et sa passion envers la littérature. Je lui souhaite le meilleur.

« Tout ce que je fais c’est pour les échanges, les rencontres, on se construit à travers l’autre. »

Lorsque j’ai contacté Sarah pour écrire cet article, à aucun moment, je ne pensais écrire une série d’articles, je n’en avais prévu qu’un seul. Mais après notre échange, j’ai eu envie de partager avec vous le maximum de notre conversation et surtout je voulais partager avec vous la sincérité de Sarah.

Cet échange était énorme.  Je ne la remercierais jamais assez de ce moment agréable où j’ai eu l’occasion de discuter avec elle. Mille mercis Sarah pour ta sincérité et ta gentillesse.

Sincèrement.

« Un roman a le pouvoir de te faire vivre toutes les vies que tu ne vivras pas. »

 

Crédit photos : Pixabay, Pexels, Canva 

 

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TheArabicNovel et son univers : les cendres du passé (Partie II)

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Il serait vulgaire de ma part de vous écrire une unique partie sur Sarah, alors qu’il y a tant de choses à dire et à partager avec vous. Si vous n’avez pas lu la première partie, je vous invite à la lire en cliquant sur ce lien.

« Je pense que je fais une fixette sur le passé. »

Sarah est petite fille de révolutionnaires algériens, est-ce la raison qui explique son obsession sur ce qui s’est passé durant la guerre d’Algérie ?

Sarah m’explique que ses grands-parents (que la miséricorde de Dieu soit sur eux), ne parlaient pas du passé avec leurs enfants. Cependant, depuis toute petite, elle posait des questions à sa grand-mère, elle voulait savoir et comprendre. Néanmoins, elle pense qu’elle a réouvert les blessures du passé de sa grand-mère. 

« Ma grand-mère m’a un jour dit, mais Sarah pourquoi tu t’intéresses à ça, toi, tu es française, tu es française. »

Lorsque nous évoquons les histoires de nos ancêtres, de nos pays d’origine, et de la colonisation, il y a toujours cette question de légitimité qui revient. « Nous jouissons des fruits de leur combat, et pourtant nous cultivons en nous une tristesse et une mélancolie d’un passé que nous n’avons pas vécu. »

Sarah me confie, à cette époque où elle discutait avec sa grand-mère, qu’elle ne se sentait pas française. Elle en voulait au monde entier pour ce qui s’était passé en Algérie.

« Je ne l’avais pas vécu cette guerre, mais je la porte en moi. »

Comment peut-on porter une guerre qu’on n’a pas vécue, comment peut-on ressentir autant d’émotions face à une histoire qui n’est pas directement la nôtre ? Héritons-nous des traumatismes de nos ancêtres ?

Certains.es diront pourquoi ressasser un passé qui n’existe plus. Pourquoi vivre dans le passé, qui, en plus, est un passé sombre et rempli de douleur ?

Aujourd’hui, nous constatons que ce passé est en train de s’éteindre avec les aïeux qui partent. Nous avons besoin du travail de mémoire, nous avons besoin de ces histoires, nous avons besoin de les comprendre. Nous devons saisir ces récits pour les transmettre avant que cela ne soit trop tard.  

 

« Moi, j’ai envie de raconter ça à ma fille. Il faut donc saisir ces histoires. »

Une fracture au niveau de la langue, due à la colonisation, est la raison pour laquelle on ne transmet pas ces histoires, ni à l’écrit, ni à l’oral. Une sorte de coup de hache donné par le colonisateur qui a brisé l’Algérie et qui a laissé les générations suivantes chamboulées. Les histoires se perdent entre deux langues, deux cultures, deux façons de faire et de vivre. Que faire pour transmettre nos histoires et ne pas les perdre ?

Le pont qui nous lie à nos ancêtres est fissuré, fragile et il suffit d’un léger souffle pour perdre ce lien. 

Tout au long de mon échange avec Sarah, j’ai senti cette mélancolie qu’elle possède envers le passé et envers l’Algérie. Naturellement, son premier manuscrit traite du passé, de l’Algérie et de la colonisation.

 

« J’ai du mal à trouver un éditeur, on me répond, « c’est bon, mais ce n’est pas pour nous ». C’est ça qui me fait mal. »*

Son premier manuscrit parle de cette obsession du passé, de la guerre d’Algérie, de tout ce qu’elle porte en elle et qu’elle n’a pas vécu. Cependant, elle a du mal à trouver une maison d’édition qui accepte son roman tel qu’il est. Elle ajoute qu’elle ne l’a pas écrit pour la maison d’édition mais pour les lecteurs qui en ont besoin.

J’évoquais un peu plus haut le besoin de transmettre les histoires de nos ancêtres. Il est important que l’on ait ces histoires sous différents formats (films, séries, œuvres d’art ou encore livres et romans).

Sarah a écrit ce livre parce que ça lui fait mal, et que quelqu’un d’autre pourra se reconnaître dans son histoire, dans sa souffrance. Elle n’est certes pas détentrice de cette histoire, mais cette histoire est commune à plusieurs personnes. Elle n’est qu’une plume.

« Je ne suis qu’une plume. »

Une plume qui souhaite que le nom de ses parents figure sur un livre édité par une maison d’édition française. C’est son challenge à elle, sa contribution à cette lutte.

Je pense que chaque personne qui se reconnaît dans cette série d’articles porte en elle une sorte de revanche qu’elle souhaite mener à terme : publier un livre, réaliser un film, bâtir un empire, peu importe la forme, dont le message est sur le sol français, je vous souhaite du fond du cœur, de prendre votre revanche dans les règles de l’art.

Une autre raison importante qui joue sur la publication du livre de Sarah – que j’ai hâte de lire – est qu’elle fonctionne au feeling et à l’affect. Elle souhaite trouver un.e éditeur/trice qui comprend sa sensibilité, son univers et qui ne tente pas de réécrire son récit.

Son premier manuscrit constitue un récit personnel, écrit avec les fragments de vie de ses grands-parents, elle ne désire pas le réécrire pour plaire à l’éditeur/trice.

« Il y a quelque chose de trop personnel. Je veux le meilleur pour ce livre. »

Pourquoi avoir écrit ce livre ? « Quand, j’ai commencé à comprendre que ma grand-mère était une femme combattante qui a pris les armes, j’étais captivée à l’adolescence, et j’avais dit à mes parents, il faut qu’on raconte cette histoire, j’avais trouvé ça fascinant.

Je pense que dans toutes les familles algériennes, on est fier de ce qui s’est passé, on a envie de raconter ces histoires et de les partager. »

« Ce roman, il fait 300 pages. Ce roman, je l’ai écrit pour moi. Je me demande d’ailleurs si ce récit n’est pas trop intime pour être partagé, c’est pour cela aussi que quand j’ai un refus d’édition, je le prends personnellement. »

En combien de temps tu as écrit ce livre ? « J’avais toutes les bribes, tous les textes et toutes les archives. Ma grand-mère est décédée lors du premier confinement, le 6 avril 202. Et là, j’ai tout écrit, pendant tout le confinement. Tout est sorti. J’avais besoin de faire mon deuil. Tout est sorti à ce moment-là.

Une amie m’a dit que c’est « cathartique », on sent ta peine, on la sent.

Je suis très sensible comme personne. Je ne sais pas si ça se ressent, mais quand j’écris c’est que ça vient vraiment du cœur et là c’était le summum du summum de mon émotion. »

« Le livre est dur, très dur. »

Avec Sarah, j’ai beaucoup parlé de ce passé, elle m’a partagé une partie de son histoire, et je ne la remercierais jamais assez pour ça.

J’ai compris une chose, en discutant avec Sarah et en écrivant cet article: son livre n’est pas simplement une sorte de revanche, à mes yeux, c’est un hommage à son pays d’origine, un hommage à ses parents, mais surtout un hommage à sa grand-mère (que la miséricorde soit sur elle).

J’ai senti un amour profond et sincère envers sa grand-mère, lorsqu’elle l’évoquait. Je lui souhaite le meilleur pour ce livre, et j’espère du plus profond de mon cœur que ce manuscrit soit un étendard d’espoir pour la prochaine génération. Merci Sarah pour ta sincérité et ta bienveillance.

* Les propos susmentionnés sont datés

 

Pour lire la dernière partie du portrait (III), cliquez ici !

 

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TheArabicNovel et son univers : Sarah (Partie I)

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Aujourd’hui, je vais vous présenter Sarah et son univers rempli de poésie. Certain.e.s d’entre vous la connaissent à travers son compte Instagram TheArabicNovel, et/ou à travers ses vidéos sur sa chaîne YouTube. Pour d’autres, vous venez tout juste de la découvrir. Dans tous les cas, j’aimerais vous parler de cette femme qui inspire, à travers son univers, de nombreuses personnes.

Le début d’une aventure – Pourquoi TheArabicNovel ?

Lors de notre échange, Sarah m’a expliqué les raisons pour lesquelles elle a créé ce compte Instagram au sujet de ses lectures autour de la culture et de la littérature arabe.

« Paradoxalement, je pense que je suis plus TheArabicNovel que Sarah »

Au moment où Sarah a créé TheArabicNovel, elle voulait être elle, pouvoir s’exprimer, dans un espace, sans chercher la conformité ou l’approbation de l’autre. Elle avait envie de se laisser porter artistiquement et de laisser parler toute sa créativité.

« Nous vivons à une époque mondialisée, où la conformité est la norme, mais cette uniformité entrave notre créativité, pour plaire on en vient alors à se taire. »

Après une école de commerce, Sarah s’est retrouvée dans le monde professionnel et est devenue cadre. Schéma classique. Cependant, Sarah sentait que quelque chose n’allait pas, quelque chose lui manquait, elle avait l’impression de ne pas être alignée avec ses aspirations. Elle fit alors un burn-out il y a deux ans.

« Je suis tombée malade : j’avais des membres de mon corps qui se figeaient, comme pour refuser d’avancer »

Elle a rencontré un médecin qui lui a dit « Ce que vous avez ne relève pas de la médecine, si vous souffrez, c’est que vous n’êtes pas en phase avec vous-même. Vous faites quelque chose quotidiennement, mais cela vous déplaît. ». Ce médecin lui a conseillé de retourner aux bases et de se construire un refuge intérieur dans lequel elle puisse s’épanouir.

Elle décide alors de reprendre des études de littérature arabe. Sarah a toujours aimé les langues, c’est ce qui l’anime. Elle lit énormément et depuis toujours. C’est son passe-temps premier.  Elle a donc fait le choix de se consacrer à ce qu’elle aime, et de cette façon, elle a retrouvé la santé, car elle a décidé d’être pleinement elle-même. Ainsi, elle s’est épanouie, elle s’est sentie alignée avec elle-même. Elle avait l’impression d’être au bon endroit.

“Ce n’est pas évident pour tout le monde de se trouver dans la vie mais une fois que tu te trouves, tu ne peux que faire quelque chose de bien car tu es au bon endroit, tu suis le bon chemin” – me confie-t-elle.

« Quand je travaille sur les espaces TheArabicNovel, je suis moi et je me fiche du regard des autres. Cet espace est le mien, et je dis ce que j’ai envie de dire, que ça plaise ou pas. »

 L’histoire de Sarah me fait penser au phénix qui renaît de ses cendres. Je vois TheArabicNovel comme une renaissance et une sorte de réponse à la conformité de la société dans laquelle nous vivons. 

 

Le coup de foudre – La lecture

Imaginez une petite fille en train de lire un vieux journal français, sous le ciel d’Algérie, et qui tombe éperdument amoureuse de la littérature. Un vrai coup de foudre. Sarah m’explique comment elle a découvert son amour pour la littérature.

« La convergence n’exclut pas la divergence ». C’est avec cette phrase extraite d’un vieux journal algérien que la passion de Sarah débute. A cette époque, elle venait tout juste d’apprendre à lire, et puis, elle tombe sur ces mots, qui sont bien compliqués pour une enfant. Sarah me confie alors qu’elle n’avait rien compris au sens de cette phrase mais que la rime lui plaisait.

« Cela ne faisait pas sens pour moi mais cela résonnait en moi »

 À la suite de ce coup de foudre, Sarah a demandé à son père de lui acheter des livres. Le premier livre que son père lui a procuré était un Coran, acheté au hanout du coin. Elle a passé son été à le lire, sans rien y comprendre non plus, mais les titres des sourates la faisaient rêver : « La Lumière, Les Poètes, La Lune ».

Puis, de retour en France, Sarah découvre l’univers de Jack London, et en est devenue une grande fan, notamment grâce à « L’appel de la forêt » qui parle de la recherche de la liberté.

Et vous, quels sont les mots qui vous ont poussé dans la lecture ?

« J’ai cette quête de liberté en moi. »

Sarah est d’origine algérienne, petite fille de révolutionnaires; elle considère que l’amour de la liberté coule dans ses veines.

Vous est-il déjà arrivé de lire une centaine de livres de manière mécanique, sans vous y reconnaître ? Vous êtes là, en train de bouquiner, la plume de l’auteur est magnifique, elle vous plaît, mais pour une raison ou une autre, vous n’êtes pas réellement présents… Vous n’accrochez pas, l’histoire ne vous parle pas, ne vous ressemble pas. Vous n’êtes pas seul.e; de nombreuses personnes ont ce sentiment.

Durant ses années collège, Sarah découvre Faïza Guène et se dit que oui, il y a des livres qui parlent de nous, « qui parlent de moi », « qui me ressemblent ». Elle ajoute à propos de l’autrice, avec qui elle a pu échanger avec : « je te serais toujours reconnaissante, tu as changé ma vie, tu nous as fait comprendre que c’était possible, que nos plumes, un jour pouvaient être éditées et nos voix entendues ».

« S’il y a un auteur à qui j’aimerais ressembler un jour, mais à qui je ne ressemblerais jamais c’est Amin Maalouf. »

Sarah aime beaucoup les romans historiques et son auteur phare est le célèbre Amin Maalouf, qu’elle considère comme un génie de la littérature. L’un de ses livres préférés est « Samarcande ».

Grande fan de ses œuvres, le jour où Sarah a pu rencontrer A. Maalouf, elle a été incapable de lui témoigner son admiration tant elle était impressionnée. Les mots ne sortaient pas. La seule chose qu’elle ait pu faire a été de tendre son roman pour obtenir une dédicace.

Pourquoi cet amour pour les romans historiques :  

« Ces types de romans portent en eux un poids du passé. Pour moi, ils sont faits contre l’oubli et nous rappellent les fragments de ce que nous sommes. Ces histoires qui nous habitent en quelque sorte, avec lesquelles nous cohabitons sans les considérer. Ces livres nous offrent un miroir sur toutes ces histoires qui nous façonnent.

Je suis un peu guidée dans la vie par un trait de caractère : la mélancolie. Je fais une fixette sur le passé, donc forcément le roman historique est le genre qui me parle le plus. »

Et vous, aimez-vous les romans historiques ?

« J’ai l’impression de basculer dans un autre monde qui vit en moi. »

J’ai l’impression que c’est la littérature qui est venue à elle, l’amour des mots et de la lecture étaient inscrits sur son cœur et son âme depuis la nuit des temps.

Sarah est passionnée, le mot est faible, mais elle est amoureuse de la littérature, et durant notre échange j’ai senti cette passion, cet amour, cette folie qui anime les personnes qui ont cette soif de la lecture.

Aujourd’hui, Sarah est journaliste et écrit pour plusieurs magazines tels que Gazelle où elle fait des interviews d’auteurs/trices et des chroniques de livres afin de donner aux gens le goût de lire.

Retrouvez la suite du portrait ici (partie II),  et là pour la partie III.

 

 

 

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(Dé)construction

Souleymane, l’allégorie de la banlieue

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Souleymane, c’est un roman qui nous raconte l’année scolaire d’un jeune adolescent du 93 à la recherche de vie et de liberté dans un monde où sa couleur de peau, ses origines, sa culture et sa religion ne sont pas acceptées. Dur pour lui de se définir positivement dans ce contexte. Les violences, la précarité et le racisme font partie de son quotidien. C’est devenu banal  à Saint-Denis, dans le 93. Une ville dans laquelle la vie n’est pas de tout repos, loin des immeubles Haussmanniens et de la belle ville de Paris, pourtant pas si éloigné que cela.  Jeune adolescent en quête d’identité, tiraillé entre la rue et l’école, le décrochage et la réussite scolaire, la liberté et l’enfermement, la vie et la mort : une oscillation perpétuelle entre le bien et le mal.

 

Tous ses regrets s’empilent, chacun alimentant son spleen,
Et s’amoncellent en son cerveau comme un amas d’épines.
(…)
Liaisons d’anges et démons
En lui se font et se défont.

 

On plonge dans l’univers de ce collégien, dans sa vie, son quotidien fait de violence, de rap, de boxe et de combat perpétuel. Son histoire est écrite en vers par Sherine Soliman, qui fut lui-même enseignant à Saint-Denis. Rime après rime, il nous transporte et nous tient en haleine jusqu’à la dernière page d’un ouvrage plein de rebondissements.                                                                                                             

Une œuvre engagée dans laquelle l’auteur nous fait part de ses expériences, de ses révoltes, de son ressenti et de sa vision d’une société bien loin d’être utopique. À mille lieues des clichés que nous servent les médias, Souleymane est une fenêtre poétique ouverte sur la “VRAIE” vie en banlieue.

 

Stigmatisé comme condamnée à supporter le poids
Du racisme français,
Des discriminations,
Et tout le monde le sait :
De la relégation,
alors par quel accès
par quelle voie d’insertion 
Réussir à percer
Si l’État fait pression ? 

 

Sherine Soliman, dans ce premier roman urbain entièrement rimé, dépeint la banlieue à travers l’histoire rythmée de Souleymane et des nombreux personnages qui l’accompagnent entre amour et haine, espoir et désespoir, désillusion et enchantement, peine et joie. Cette poésie urbaine met en lumière la situation compliquée dans laquelle vivent ces hommes et ces femmes, ces jeunes et ces adultes évoluant dans des zones souvent délaissées des pouvoirs publics. C’est donc une vie de résistance pour Souleymane : 

 

Un caractère en fer, ado têtu rêvant de gloire,
Dont le parcours sera semé de très nombreux déboires.
Une trajectoire ahurissante avec des moments clés,
Parfois il tombera, parfois il prendra des raclées ;
Mais dans la vie, en vérité, tout est question de choix :
Voyons s’il saura se relever et trouver sa voie.  

 

   Mais face au racisme et à la précarité qui l’enserrent, Souleymane n’est pas seul, il est soutenu par de beaux personnages, des femmes notamment. Ces dernières, l’aident et le poussent à devenir la meilleure version de lui-même. Souvent mises de côté, elles jouent dans cette histoire un rôle important et représentent une autre force, plus tranquille, mais tout aussi déterminante. Femmes courageuses et de caractères, elles le soutiennent tout au long de sa quête d’identité et de son parcours scolaire et personnel. 

 

Voilà : tourne la page afin de suivre le chemin
De Souleymane, habitant Saint-Denis depuis gamin.

 

Rares sont les histoires où l’on raconte la « vraie » vie, la réalité et l’horreur de la vie des personnes racisées. La manière claire dont est mise en avant les injustices sociales auxquelles nous faisons face tous les jours, nous, femmes et hommes racisé·es, m’a permis de me sentir encore plus légitime de combattre ces injustices. A travers, la vie et le combat de Souleymane, qui est aussi celui d’une grande majorité de femmes et d’hommes racisé·es habitant en Seine-Saint-Denis notamment, j’ai pu me rendre compte que ce qui se passait au quotidien dans nos villes n’était pas « normale » et qu’il fallait réagir, montrer et faire comprendre aux gens que la norme n’est pas le racisme, la norme n’est pas la précarité, la norme n’est pas les violences ni l’injustice. Pourtant, l’impression que tout ce quotidien est la norme plane dans nos villes, cette atmosphère où l’injustice est légitimée.

Je voyais ces injustices, je voyais cette horreur, j’en était consciente, elles faisaient partie de mon quotidien à moi, femme musulmane racisée. Tout cela a permis de motiver mon militantisme, et ma volonté de montrer à la société que la vie des personnes racisées femmes ou homme, ce n’est pas ce que l’on dit ni ce que l’on voit dans les médias, la vie c’est aussi la discrimination, le racisme, le sexisme… auquel les individus font face, ce n’est pas des « voyous » violents qui n’ont aucun avenir et « ne sont pas fait pour l’école », comme si l’éducation n’était légitime qu’à un type de personne. Aujourd’hui, je me sens légitime de combattre pour mes droits, nos droits à tous en tant que femmes, hommes, noir.es, arabes, asiatiques, racisé·es ou non, grâce à cette histoire et à Lallab aussi je me sens PUISSANTE.

 

 

 

Crédit photo image à la une: Maryème

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(Dé)construction

Sortie LIVRE : A quoi ressemblerait l’islam si toutes ces femmes n’avaient pas été oubliées ? de Attika Trabelsi

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Dans le cadre de la sortie tant attendue du livre « A quoi ressemblerait l’islam si toutes ces femmes n’avaient pas été oubliées ? » de Attika Trabelsi, notre co-fondatrice ainsi que fondatrice de la nouvelle maison d’éditions FemmeusesLe livre est préfacé par la grande Malika Hamidi et illustré par l’incroyable Samah Arnouni.
Retrouvez son interview.

 

Q : Comment te présenterais-tu à nos lectrices et lecteurs ? 

Je suis Attika Trabelsi, j’ai 28 ans, je suis fondatrice de Power Our stories devenue Femmeuses, et co-fondatrice de l’association Lallab aux côtés de Sarah Zouak et Justine Devillaine. J’ai des identités plurielles. Je suis à la fois une femme franco-musulmane, une femme magrébine et féministe, car ça fait partie importante de ma réflexion. 

 

Q : Et tu es maintenant autrice ! 

Oui ! 

 

Q : Je crois que l’histoire de ton livre commence par la publication d’histoires de femmes musulmanes sur la page Facebook Power Our Stories. Comment t’est venue l’idée de ses portraits ? 

Très sincèrement, j’ai grandi dans un contexte où l’islam était central, mon papa est imam, l’islam était au cœur de mon éducation. J’ai énormément questionné ma spiritualité au cours de ces dernières années. J’essayais de savoir si mes croyances étaient le résultat de mon éducation. Plus je m’engageais dans le féminisme et dans la société civile, et plus cela a été un besoin de me poser des questions féministes et religieuses. J’avais la certitude également que je ne trouverai pas mes réponses en passant par la théologie.

Il m’est souvent arrivé d’invoquer, au sein de ma famille, Khadija, quand on a pu vouloir m’imposer des injonctions sexistes, qui sont sujettes à interprétation. Et Khadija m’a ainsi beaucoup aidé, pour toutes les questions de leadership ou d’entreprenariat. Ma réflexion est partie de là. Je me suis demandée s’il existait d’autres femmes, dans d’autres domaines comme les arts ou les sciences, qui pourraient m’aider, m’inspirer autant que Khadija l’avait fait. Ainsi, au début c’était une quête personnelle, et celle-ci m’a permis d’être apaisée. 

 

Q : Et là, tu publies un ouvrage avec 15 portraits ! Quel chemin parcouru ! Écrire un livre, peux-tu nous parler un peu de cette aventure ? 

C’était une réelle aventure pour moi car j’ai eu du mal à allier sereinement mon regard féministe et le message de l’islam tel qu’on pouvait me l’avoir appris. Que ce soit pour la publication des portraits sur Facebook ou pour mon livre, j’ai deux objectifs. 

Le premier est de créer un contre argumentaire face à des dérives cultuelles et culturelles présentes dans notre société. J’aimerais que ma fille, et les générations à venir, n’aient plus à subir ces dérives. Pour moi, il s’agit d’une réelle résistance à mettre en place, avec des outils, pour faire face à ces dérives qui nous peinent.

Le deuxième objectif était d’apporter des rôles modèles. En effet, c’est un message militant, libérateur, émancipateur et qui se veut inspirant à travers ce livre. La lutte, c’est bien, mais ça peut être épuisant. Ce livre se veut comme une inspiration pour ces femmes qui ont envie de s’inspirer. 

 

Q : L’annonce de la sortie de ton livre est allée de pair avec l’annonce de la création de ta propre maison d’édition, Femmeuses. Peux-tu nous en dire plus ? 

Dans le contexte sanitaire, cela a été dur de trouver une maison d’édition. Or dans la continuité de Lallab, je me suis dit que finalement, j’avais besoin d’une  maison d’édition, alors pourquoi pas en créer une ! La réappropriation de nos récits passe par la création d’outils et Dieu seul sait, peut-être que Femmeuses aura une autre utilité que la publication de ce livre, à l’avenir ! 

 

Q : Ton ouvrage s’intitule « A quoi ressemblerait l’islam si toutes ces femmes n’avaient pas été oubliées ?» Le titre de ton ouvrage interpelle ! Pour toi ces femmes ont été oubliées par l’histoire, par les musulmans c’est bien ça ? 

 

On peut classer les femmes dont je parle en trois catégories.  

Certaines femmes n’ont pas été oubliées mais leur histoire a été minimisée. Par exemple, pour Khadija, on parle très peu du fait qu’elle ait eu des enfants avant le Prophète (PSL) ou encore qu’elle ait été divorcée. Ses femmes sont réduites à des rôles de procuration : épouse de, fille de..

D’autres femmes sont totalement oubliées. Par exemple, c’est le cas de Arib.

Enfin, les dernières ont été discréditées. C’est le cas de Oum Waraqa. C’est la première femme qui a eu le statut d’imam. Les commentateurs vont tous aller dans le sens que le Prophète (PSL) l’a autorisée à prier comme imam chez elle uniquement. Moi, je me suis demandée, mais pourquoi alors Oum Waraqa aurait eu besoin d’un muezzin s’il s’agit uniquement de prier dans une maison ? Ainsi, selon moi, Oum Waraqa a pu diriger la prière dans el « dar », au sens de quartier, et non de maison. 

 

Q : Peux-tu nous en dire plus sur ces 15 portraits ? 

Le livre comprend 5 chapitres, dont chapitre évoque 3 femmes : 

  • Les pionnières : elles ont ouvert la voie 
  • Les conquérantes : elles ont joué un rôle sur un le volet militaire 
  • Les cheffes politiques 
  • Les artistes 
  • Les scientifiques 

J’ai choisi un argumentaire varié pour que mon livre serve à toutes les femmes. De plus, il y a une pluralité, qui reste relative parmi les portraits que j’ai choisi. En effet, vu que j’ai choisi de me focaliser sur les premiers temps de l’islam dans cet ouvrage, il n’y a donc pas de femme issue de l’Afrique subsaharienne.  

 

Q : Comment as-tu fait pour trouver des sources sur ces femmes ? 

Je ne maîtrise malheureusement pas assez l’arabe pour pouvoir chercher parmi ces sources-là. Parmi les sources en français, ça a été une catastrophe, je me suis donc tournée vers des sources anglophones. J’ai trouvé des sources pertinentes dans des livres trouvés sur des sites universitaires équivalents à Cairn . Je me suis également intéressée à l’ouvrage Sultanes oubliées : femmes chefs d’État en Islam, de Fatima Mernissi. Malgré mes recherches, certaines biographies reposent sur peu de sources, mais j’ai choisi de les présenter tout de même pour ouvrir la voie. 

 

Q : A qui recommandes-tu ton livre ? 

J’ai envie de dire que je le recommande aux femmes musulmanes, ce sont les premières concernées, car c’est en reprenant en main leurs corpus que les femmes musulmanes sauront faire face aux discriminations auxquelles elles font face et aux difficultés connues au sein de leur propre communauté. Il s’agit de redevenir leader au sein de nos communautés comme l’ont été les femmes avant nous. Le premier travail est un travail de leadership, de création, de réappropriation de la narration. Il s’agit d’avoir les moyens pour lutter.

 

NB : Le livre  « A quoi ressemblerait l’islam si toutes ces femmes n’avaient pas été oubliées ?» est en précommande en ce moment et sera livré, chez vous, à partir de début juin. 

 

 

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Portraits

Habiba Bent Mouloud : « Réveille la Bédouine en toi »

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A toi de t’assumer et d’être qui tu es pleinement. Là est le remède. » Comment oublier cette phrase, issue du livre Réveille la Bédouine en toi ? Écrit par Habiba Bent Mouloud, créatrice de la marque de foulards minimalistes Bédouine, il s’agit du genre de récit que l’on dévore d’une traite et que l’on referme en se sentant différent·e.

 

« La Bédouine, je la vois comme une femme de force, qui sait lutter contre les tempêtes de sable dans le désert. Je me considère comme une Bédouine en Occident, car je trace mon chemin malgré le fait que l’on essaye de me faire trébucher. Je reste digne, droite et je marche avec ambition. Une Bédouine, personne ne peut la mettre à terre. » Habiba Bent Mouloud plante le décor, entre deux verres de thé à la menthe.

 

« Je suis une femme libre, portant le voile, chef d’entreprise, épouse épanouie, mère de famille dévouée… Bref, une femme qui n’a nullement l’intention de nager à contre-courant de ses valeurs », écrit la jeune créatrice dans son livre. Il y a quelques années, alors qu’elle se préparait pour emmener sa première fille chez le pédiatre, elle laisse échapper près de son bébé l’une des épingles avec lesquelles elle attache son foulard. « J’ai directement eu un flash : j’ai vu le concept du hijab Safar, que j’ai créé ensuite. » Un voile de qualité que l’entrepreneuse a passé des années à mettre au point. Cousu dans une matière au retombé parfait, avec bandeau intégré et clips, il se suffit à lui-même : « Il est minimaliste, à mon image ». Dans son concept, tout est soigné, jusqu’au moment où l’on reçoit son colis, le hijab soigneusement emballé dans son petit pochon, délicatement parfumé et accompagné d’un mot manuscrit personnalisé.

 

Le concept de hijab Safar, porté par @sakinabblog. Crédit photo : Bédouine

 

 

« Dieu ne t’a pas sauvée pour que tu ne fasses rien de ta vie. »

 

Dans Réveille la Bédouine en toi, Habiba Bent Mouloud reprend son parcours de A à Z :

« Le livre n’était pas prévu. Jamais dans ma vie je ne pensais que j’allais écrire un livre ! Moi qui fais des fautes d’orthographe même en parlant ! », plaisante-t-elle. « Et pourtant, je l’ai fait. Quand tu te débarrasses de toutes tes barrières psychologiques, de tes croyances limitantes, tu es capable de faire beaucoup de choses et tu vas au-delà de ce que tu aurais imaginé faire. » L’idée de ce récit est née au fil des salons qu’elle écume en France pour faire connaître sa marque. « J’ai remarqué qu’on me posait beaucoup de questions et que je pouvais transmettre des choses à travers mes petites anecdotes, j’ai vu la motivation que j’apportais. J’ai eu un déclic : juste avant d’avoir ma troisième fille, j’ai accouché de mon histoire sur le papier. »

Elle y aborde son cheminement, sans tabou mais avec beaucoup de pudeur. Tout commence avec ces deux fois où, encore bébé et enfant, elle frôle la mort : « Quand ma mère m’a raconté ça, je me suis dit ‘Dieu ne t’a pas sauvée à maintes reprises pour que tu ne fasses rien de ta vie, que tu n’apportes rien au monde’ », explique-t-elle aujourd’hui. Elle ne cache rien des difficultés qu’elle a rencontrées, notamment avec sa décision de porter le voile, qui a fait trembler jusqu’à sa propre famille. Elle insiste également sur les retombées de son voyage à La Mecque : « J’ai pu y goûter au désert, au minimalisme pur. Nouveau déclic, en rentrant chez moi, j’ai tout trié. D’abord le matériel : j’ai vendu ma télé, mon canapé, je voulais me débarrasser de ce qui m’encombrait. On aurait dit que je déménageais ! J’ai aussi fait le tri du côté des gens : l’entourage toxique, les personnes sans ambition qui me freinaient… En enlevant le superflu, j’ai vu plus clair. J’étais face au désert que représente ma vie et j’ai eu l’idée du concept Safar et du lancement de mon entreprise. »

 

Celle qui me confie qu’elle se pensait « juste capable de réaliser une génoise aux pêches » se lance. « Je ne m’imaginais pas ne rien faire de mes dix doigts. Ce n’était pas du tout un besoin d’argent, mais je ne me voyais pas être juste mariée, avoir des enfants et gérer mon foyer. J’avais besoin de plus, d’avoir quelque chose qui m’appartient vraiment. Au final, aujourd’hui, cela m’aide à être une femme épanouie : je suis là pour mes enfants, mais ils ne me voient pas faire mon ménage et zapper devant la télé. Ils voient une femme heureuse, active. Et je pense que cela va aussi avoir un impact sur leurs propres vies : je suis sûre que je suis en train d’élever de futures entrepreneuses. »

 

Crédit photo : Bédouine

 

 

Une détermination à toute épreuve

 

Ses origines, sa foi, Habiba les revendique profondément. « Quand je dis aux gens ‘ma marque s’appelle Bédouine’, des fois, j’ai des réactions du type : ‘oh… encore une Maghrébine qui parle de ses origines, elle nous fait honte…’. Non, au contraire ! Moins tu assumes qui tu es, plus tu vas pousser les gens à te rabaisser, puisque toi-même tu ne t’acceptes pas. Moi, je suis née en France, dans le fin fond du Sud-ouest, et pourtant je suis très fière de mes racines qui sont au Maroc », explique-t-elle.

 

Lucide sur les difficultés d’intégration des femmes voilées et/ou racisées dans le monde du travail en France, elle regrette : « Aujourd’hui, quand on se présente à un entretien, c’est rare que l’on soit pris·e si l’on est issu·e de la diversité, et encore plus si l’on est voilée ». Mais rien n’entache son optimisme. « Notre intégration se fera, mais cela va être long. Le chemin qui va nous y mener le plus rapidement, c’est l’entreprenariat. On ne nous laisse pas notre chance, donc ce que l’on doit faire, c’est être positives et voir loin : développer nos compétences, créer des boîtes, nous rendre visibles pour arriver à nous asseoir à la table des grands patrons et ainsi nous intégrer petit à petit au monde du travail. Je fais mon bonhomme de chemin, je vais voir des fournisseurs, je rencontre d’autres professionnels du milieu et parfois, je me dis ‘ah oui, c’est vrai que je suis voilée’, c’est un détail que j’oublie ! Et du coup, eux aussi l’oublient. Ils n’ont plus en tête l’image infondée de la femme voilée inculte : je suis devenue une cliente lambda, une personne à part entière, qui a sa boîte et sait la gérer. Il faut que l’on cesse nous-mêmes de nous considérer uniquement comme des femmes voilées. »

 

Avec son livre, Habiba encourage chacun·e d’entre nous à se révéler : « Pour se lancer, il faut faire un cheminement dans son propre désert. Il faut se libérer de tous ces trucs qui obstruent notre vue : les séries télé, les réseaux sociaux, la télévision… On ne se retrouve jamais avec soi-même pour réfléchir. Il faut déterminer la chose que l’on peut passer des heures à faire sans voir le temps passer et ne pas se cantonner à ce que l’on voit autour de nous. Moi-même je design des modèles que je suis la seule à vendre : car c’est moi qui les ai inventés. Tout le monde vend des foulards carrés ou rectangulaires, moi non ! Il y a de la place pour tout le monde. »

 

Crédit photo à la une: Habiba Bent Mouloud

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Portraits

« Différente comme tout le monde » de Mariame Tighanimine : le parcours d’une femme extraordinaire comme les autres

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Dans Différente comme tout le monde, Mariame Tighanimine retrace et raconte son parcours jalonné d’obstacles. Ces obstacles, chacun·e de nous y a déjà été confronté·e directement ou indirectement. Mariame Tighanimine fait face au mépris de classe, au racisme, à l’islamophobie et au sexisme. Malgré cela, elle a un parcours exemplaire et s’est toujours battue contre les préjugés qui lui barraient la route.

 
Ce livre, je l’ai lu d’une traite. Parce qu’il fait écho à mon histoire. Et je pense qu’il fera écho à beaucoup, car chacun·e porte un stigmate qui le·la placera face aux stéréotypes et surtout face à des personnes pleines de préjugés et ayant le pouvoir de vous mettre des bâtons dans les roues. Ici, Mariame Tighanimine accumule les stigmates. C’est une femme. Elle est fille d’ouvrier. Elle est d’origine marocaine. Elle vit en banlieue parisienne. Et à l’époque, elle porte le voile. Malgré tout cela, elle a décidé de se battre et de ne pas accepter le destin qu’on lui choisit.

Je suis différente, comme tout le monde, avec mes qualités et mes défauts, ma cohérence et mes contradictions.

Mariame Tighanimine nous propose le récit de sa vie, ou plutôt les différents tournants de sa vie. Vous savez, ces moments qui ont été synonymes d’une autre direction, une autre vision de notre vie, que ce soit notre passé ou notre futur. Ces épisodes qu’on pense anodins mais qui a posteriori sont des événements clefs.

 


Crédit photo : Renaud Monfourny pour Cheek Magazine

 

Son livre, on le lit comme si nous étions autour d’une table, buvant un café avec son auteure. Il est spontané et vrai comme elle. On a l’impression d’une conversation avec une amie d’enfance que l’on n’a pas vue depuis longtemps et à qui l’on raconte le récit de notre vie. Lorsqu’elle me raconte les discriminations qu’elle a subies, je lui confie celles auxquelles j’ai fait face aussi. Je mesure combien elle comme moi, et comme nous tou·te·s, nous nous sommes battues pour être là où nous en sommes et pour faire accepter nos différences.

 

« Je crois que c’est à dix ans qu’on m’a fait comprendre pour la première fois que j’étais différente. »

 

Chaque personne racisée se rappelle du moment où, pour la première fois, quelqu’un a considéré une autre personne – cela peut être soi-même ou non – comme différente, comme hors de la norme. Cette expérience est pour la plupart un traumatisme, au sens où chacun·e se souvient de ce sentiment de honte, d’injustice avec une pointe d’amertume. Cette impression qu’il y a quelque chose qui cloche dans ce que je viens de voir ou d’entendre, sans pour autant pouvoir expliquer vraiment ce que c’est. Mariame Tighanimine ressent ce sentiment lorsque son institutrice de CM2 étale son racisme sans limites, en classe, lorsque Mamadou demande s’il faut remplir la case, et qu’elle lui répond : « La case, c’est pour les Noir·e·s ! ».

Ce moment fait écho à ma première rencontre directe avec le racisme, comme Mariame Tignanimine, au sein de l’institution scolaire. Un professeur de physique-chimie au collège, qui ne se souvenait plus du prénom de Moussa, l’appelle « Bamboula ». S’en suit une impression générale dans la classe, que ce que nous venons d’entendre est profondément injuste et raciste ; cette impuissance face à l’autorité légitime et toute puissante que représente le professeur. Les professeur·e·s, et par extension l’école, légitiment les inégalités sociales et les reproduisent, mais ce sont aussi quelquefois les discriminations que les professeur·e·s rendent légitimes. Ce type de professeur·e·s pensent être doté·e·s d’une mission civilisatrice dans la lignée du colonialisme, sauf qu’ici ils·elles n’ont même pas besoin de traverser la mer Méditerranée, mais seulement le périphérique parisien.

Face à ce système, les recours sont compliqués, tout d’abord parce que les élèves sont illégitimes, la plupart du temps, à revendiquer quoique ce soit qui contredise l’institution ; la parole d’un·e élève ne vaudra jamais celle d’un·e professeur·e. De plus, ces élèves, qui sont pour beaucoup enfants d’immigré·e·s, peuvent plus difficilement que les autres faire appel à un parent pour porter leurs paroles. Mariame Tighanimine raconte qu’elle envoyait quelques fois ses grands frères et sœurs qui maîtrisaient « le même langage que celui de l’école ».

 

« Ribéry a plus de mérite qu’un avocat, un médecin, un avocat ou une assistante sociale. »

 

Le passage qui m’a marquée et que j’ai préféré est celui des « conseillers de désorientation ». L’autrice nous raconte une réunion dans une association locale composée d’élu·e·s locaux·ales, de principaux·ales de collège, d’assistant·e·s sociaux·ales et d’éducateurs·trices spécialisé·e·s. L’objectif de cette réunion était d’apporter des outils aux élèves des quartiers de cette ville, pour développer les codes sociaux du monde du travail. Cette réunion n’était finalement qu’une succession de préjugés de la part de dominant·e·s dans une perspective très paternaliste.

Petit florilège :

« Ah bah y a du boulot hein, quand ils viennent habillés, comme des rappeurs ou des bimbos, mais je dis que c’est pas normal ! »

« C’est vrai que c’est difficile de trouver des stages, mais bon, ils cherchent beaucoup la facilité à tous vouloir faire ça dans les sandwicheries et kebabs du coin au lieu de trouver de vraies entreprises. »

« Oui, l’excellence. Qu’est-ce qu’ils vont apprendre dans un kebab ? Déjà qu’ils y sont tous les midis, haha ! »

Et je ne spoile pas l’épisode sur la carrière et le mérite de Ribéry, où Mariame Tighanimine devient littéralement mon héroïne… !

 

 

Ce petit chapitre montre bien les préjugés de certaines personnes qui se présentent pour « aider » les habitant·e·s des quartiers populaires mais qui, en même temps, s’appuient sur un système de pensée paternaliste, misérabiliste et sous-estimant totalement ces populations.

 

« Elle savait ce que je valais, elle savait qui j’étais, et ça n’a pas suffi à lui faire oublier ce que j’avais sur la tête. »

 

Excellente étudiante, Mariame Tignanimine était tentée de continuer ses études dans la recherche. Elle avait néanmoins une appréhension : elle voyait quelques proches, et notamment sa sœur, bardées de diplômes mais ne trouvant aucun travail à la hauteur de ceux-ci à cause d’un bout de tissu sur la tête. Cette appréhension se confirme lorsque sa professeure lui explique qu’elle a les capacités mais qu’avec son voile, c’est impossible. Elle décide alors de se lancer dans l’entreprenariat et fonde Hijab and the city, « 1er webzine féminin qui s’intéresse aux femmes françaises de culture musulmane ».

Des mésaventures liées à son voile, elle en a pas mal à raconter : l’épisode où une journaliste la prend en photo sur le quai d’une gare, sans lui demander son autorisation, puis prétend qu’elle ne parle pas français ; ou encore celui où, en allant aux urgences, elle rencontre une docteure dont le diagnostic est excellent mais l’accueil très violent.

 

« En retirant mon voile, j’ai enfin fini par être vue et acceptée comme une femme, et non plus une voilée, « fille d’immigrée » ou encore « jeune des quartiers ». »

 

Ce qui m’a paru très intéressant dans le livre de Mariame Tignanimine, c’est lorsqu’elle parle de la phase qu’elle appelle « de transition, dévoilement ». Elle s’interroge sur les raisons de son voile « après dix-huit ans de bons et loyaux services » et elle en vient à la conclusion qu’il n’a plus de raison d’être pour elle. Cette phase de dévoilement dure cinq ans. Mais lorsqu’elle enlève son voile, elle fait face au sexisme, dans sa pure réalité. Elle nous explique qu’elle ne s’est jamais vraiment rendu compte du sexisme auquel elle faisait face car il était mêlé au mépris de classe et au racisme.

Elle nous parle notamment du harcèlement sexuel auquel elle est confrontée, beaucoup plus présent depuis qu’elle n’a plus son voile. Elle raconte notamment un épisode particulier dans un train, où un gros lourdaud vient la draguer de manière très insistante, juste après s’être moquée avec ses collègues d’une jeune femme voilée.

 

Mariame nous montre ainsi qu’elle est au carrefour de plusieurs discriminations, le sexisme ordinaire auquel elle fait face surtout après avoir enlevé son voile, le mépris de classe, le racisme et aussi l’enclavement spatial, traduit par la relégation spatiale en banlieue parisienne. C’est en prenant en compte la multiplicité de ces identités et donc des discriminations qui y sont liées qu’il faut lutter dans une optique antiraciste et féministe.

 

Crédit photo à la une : Mariame Tighanimine, DR

 

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