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Fatigue : le Burn Out militant

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Je me définis comme une personne « engagée », sur tous les pans de ma vie. Ce qui fait sens dans ma vie, c’est de rendre le monde et les gens meilleurs. J’imagine que c’est une certaine manière de me réparer aussi. Cela m’apaise de « faire le bien » autour de moi, de faire des choses « utiles ».
Ce besoin de réparer le monde et d’agir est quelque chose qui m’anime, qui me rend fière de moi. Mais c’est aussi une part de moi qui me fatigue, qui est source de colère et de frustration.

 

 

Je suis fatiguée d’avoir des valeurs et de tenter de les incarner au quotidien.

 
Quand on a pris conscience d’une chose, on ne peut plus fermer les yeux dessus; on ne peut plus fair comme si elle n’existait pas. On la voit partout, tout le temps.
 
Depuis que j’ai pris conscience des diverses injustices présentes dans notre société (liées au genre, à la race, au type de croyance, à l’orientation sexuelle…), je les vois absolument partout :dans les discours et les actions du monde médiatico-politique, au cinéma, ou émanant des discours acerbes pouvant provenir des gens (que ces propos/actes soient prononcés ou faits avec la plus grande conviction, le plus grand sérieux, ou sur le ton de la blague).
 
Depuis que j’ai ouvert les yeux sur ces injustices, deux options s’offrent à moi : (ré)agir ou me taire.
 
Aucune de ces deux options ne me satisfait en réalité.
 
Réagir implique avant tout d’avoir de l’énergie, pour faire face à des réactions parfois violentes, pour avoir les bons arguments au bon moment de la conversation face à la bonne personne et pouvoir faire preuve de self-control (pour ne pas « desservir ma cause”)…
 

Au-delà de ça, je suis surtout fatiguée d’avoir l’impression d’éduquer la population à la tolérance et au respect d’autrui.

 
De plus, me donner pour mission de faire la police des propos sexistes, racistes, homophobes, transphobes, islamophobes, validistes (la liste est longue…), fait de moi une personne « hystérique », « reloue », « à qui on ne peut rien dire », “qui nous empêcherait de rire de tout” et « moralisatrice » aux yeux de la personne reprise. Pourtant je ne suis moi-même pas déconstruite sur énormément de sujets, et chaque rencontre, chaque témoignage me fait mûrir, nourrit mes réflexions et ma façon de voir et de comprendre le monde. Mais c’est tout de même malaisant d’avoir cette étiquette de “moralisatrice”, alors que  je n’ai jamais eu pour ambition de me placer au-dessus de qui que ce soit. Mon but est de défendre les opprimé.e.s; donc lorsque je suis témoin de scènes ou de propos injustes, je réagis. Parfois de manière violente à cause du ras-le-bol, parfois de manière bienveillante (notamment lorsqu’il s’agit de proches). J’en viens tout de même à me demander si c’est bien mon rôle d’expliquer à ces personnes pourquoi et comment leurs propos peuvent blesser. Pourquoi ces personnes ne font-elles pas l’effort de se renseigner sur les diverses injustices ? Pourquoi ne font-elles pas l’effort de maîtriser leur langage ? Pourquoi personne ne les fait se questionner sur leur manière de penser, de parler et d’agir ?
Le plus dur, c’est lorsque ce sont vos proches qui tiennent ces propos ou commettent ces injustices…
 
Credit photo : “Et là je suis hystérique ?” – tiré du site le parisien – afp – Alain Jocard
 

Lorsque vos proches tiennent des propos blessants, c’est toujours plus dur et décevant.

 
On se dit souvent : “oh non pas elle/lui”. Parce qu’on idéalise nos proches, on aimerait être sur la même longueur d’onde qu’eux. Souvent, on a l’impression de devoir choisir entre nos valeurs, et nos relations, parce qu’avec eux, l’enjeux est tout autre. Il y a la dimension affective/relationnelle. Il m’est donc bien plus difficile de défendre mes valeurs devant mon cercle privé (famille proche, conjoint), que devant de parfait.e.s inconnu.e.s. Une dispute avec mes ami.e.s proches, mon conjoint ou mes grand-parents me fait bien souvent abandonner mes arguments. Pour préserver mes relations, je choisis donc de me taire ou de ne pas aller au bout de mes explications. Me taire me fait mal également car je ressens de la culpabilité. Je me dis que je suis lâche de mettre mes valeurs de côté à la moindre difficulté; que je suis capable de “faire la morale” à n’importe qui sur Terre, mais lorsque ce sont mes proches, je me dégonfle ou bien je prends des pincettes si je sais que cela peut donner lieu à une dispute.
 
Parfois, au sein de ma famille ou de mon entourage, on décrédibilise mes propos en utilisant le prétexte que je suis « jeune et naïve ». On m’incite également à me taire pour ne pas froisser certaines personnes et préserver de bonnes relations.
 
Et si on ne me fait pas comprendre que je suis différente, que je pense différemment, c’est moi-même qui me fait cette réflexion. Je sens au fur et à mesure des remarques, des discussions et des années le clivage. J’ai l’impression que ma famille ne me (re)connait pas dans mon entièreté. En fait, ils font abstraction de cet aspect de moi, et de mes opinions. Cela me fait me sentir étrangère à ma propre famille.
 
Je disais tout à l’heure qu’une fois qu’on a pris conscience d’une chose, on a tendance à ne voir plus que cela; à ne plus pouvoir fermer les yeux dessus. Et le fait d’avoir une sorte de “radar à injustices” me fait ressentir beaucoup de colère, de frustration et de désespoir. D’abord parce que j’ai l’impression d’être toujours témoin des mêmes scènes et donc d’expliquer toujours les mêmes choses. Et puis cette répétition me donne l’impression que cette tâche est trop grande et que lorsque je choisis d’élever ma voix, c’est une action dans le vent; que ça ne changera rien au système, tant ces injustices sont des phénomènes sociaux profondément ancrés dans notre société, dans nos identités. Même si je réussis à faire prendre conscience à une personne de pourquoi ses propos sont violents, ce n’est pas ça qui détruira concrètement le patriarcat, le racisme, l’islamophobie etc.
 
Enfin, le dernier aspect « usant » que je voulais évoquer est que l’engagement peut devenir une charge mentale supplémentaire, lorsque celui-ci vient impacter la vie du foyer. On peut prendre l’exemple de l’engagement écologique et la charge mentale qui en découle (trier ses déchets, faire attention à ce que l’on achète pour manger local-bio-et-de-saison, prévoir un temps de trajet plus long (et plus physique), si on prend son vélo ou si on marche…), se répercute sur les femmes; car ce sont elles qui dans la plupart des cas sont les « Cheffes de projets » dans leurs foyers, et qui se soucient du care donné à leur famille.
 
Mais alors, pourquoi continuer à réagir, à lutter, si c’est pour que cela me procure autant de sentiments ou d’émotions désagréables, me direz-vous ?
 
Pour moi, le fait de se taire me fait sentir complice de ces injustices. Se taire, c’est aussi, à mon sens, envoyer le signal que la personne en face peut se permettre de commettre/dire des injustices.
 
Parfois nous sommes trop fatigué.e.s pour (ré)agir. Et nous avons tou.te.s droit au repos. Nous avons tou.te.s le droit de faire une pause, de nous détendre, lorsque notre engagement nous pèse.
 
Mais je crois que ce qui aide réellement, c’est d’être entouré.e de personnes, d’un véritable groupe aidant, qui nous comprennent, qui partagent nos valeurs.
 

Credit photo : Dalal Tamri pour Lallab
 

Rejoindre Lallab a été un véritable soulagement, une bouffée d’air frais

.
 
J’ai enfin trouvé une communauté où je peux être moi-même, sans concession. J’ai découvert des personnes incroyables avec qui échanger en toute bienveillance.
 
Me sentir soutenue a rendu légitimes mes idées, mes valeurs, mes luttes. Aujourd’hui, j’ai moins peur d’affirmer mes propos dans la sphère privée parce que je sais que je ne suis plus toute seule, que je ne suis pas “bizarre”, que je ne suis pas un cas isolé. C’est important de se sentir entouré.e par une communauté en cas de coups durs, en cas de doute. Il y aura toujours une Lalla pour me redonner de la force et vice versa.
 
L’entourage compte énormément. Je recommande donc à tout un chacun de s’entourer de personnes bienveillantes et de faire le tri dans ses relations. Pourquoi se forcer à aller à une soirée où l’on sait qu’on va se sentir agressée par les propos qui y seront tenus ?
 
Pourquoi ne pas plutôt prendre soin de soi et de ses relations ?
 
Et avec cette belle énergie, mettre des choses concrètes en place pour détruire ces injustices.
 

Le pouvoir du collectif est incroyable

.
 
Et vous, vous sentez-vous fatigué.e par moments ? Avez-vous des moments de doutes, ou envie de baisser les bras ?

Auprès de qui ou de quelle communauté vous sentez-vous soutenu.e, entouré.e, compris.e.. ?
 
Pour finir, je vous partage cette mini-compo de Louisadonna qui illustre si bien cette idée de sororité
 

 
Crédit image à la une : Piyapong Saydaung
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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Voyage en terre inconnue : la salle des prof’

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Durant vos années collège-lycée, vous êtes-vous également demandé.e.s ce qui pouvait bien se passer derrière la porte de la « salle des professeur.e.s » ? Estampillée d’un panneau – enfin d’une feuille A4 plastifiée (on parle bien de l’Education Nationale ici, une feuille plastifiée c’est déjà du luxe) – sur lequel les professeur.e.s avaient tapé sur le logiciel WORD, en caractères gras et police taille 48 « INTERDIT AUX ÉLÈVES ».
La première fois que j’ai franchi cette porte en tant que professeure stagiaire, c’est ce que je me suis dit : I MADE IT ! J’avais donc finalement ouvert la porte de ce monde mystérieux et enfin je rejoignais les rangs des « prof’ ».

 

 

La salle des professeur.e.s : cet endroit emblématique et stratégique dans la journée d’un.e professeur.e, cet endroit censé être un refuge, un lieu d’échange entre les professeur.e.s, un lieu où ils et elles sont sûr.e.s de ne trouver ni élève, ni membre de la Direction. C’est le seul moment où ils.elles peuvent se retrouver seul.e.s, « entre soi ».

L’ « entre soi », parlons-en. Dans mon établissement par exemple, nous ne sommes qu’une poignée de professeur.e.s racisé.e.s. Mes collègues sont en grande majorité des personnes blanches, issues de la classe moyenne. Le métier est très féminisé. La salle des prof’ est devenue un lieu de soutien et d’entraide dans lequel j’ai beaucoup appris. Dans ce lieu, j’ai également bénéficié de nombreux conseils de la part de mes collègues. Mais paradoxalement, j’y ai subi énormément de violences.

Il est important de le préciser : je suis jeune, je suis une femme, je suis française d’origine maghrébine et musulmane (moyennement pratiquante). On m’a donc classée « bonne arabe ». Depuis que j’en ai pris conscience, c’est une violence de plus que je vis.

Sans plus attendre, je vous livre ici les perles racistes entendues en salle des professeur.es.

Passeras-tu le test ?

Suis-je une bonne ou mauvaise Arabe ? Les collègues ont très vite trouvé une façon de répondre à cette question.

Test 1 : MANGES-TU DE LA VIANDE HALAL ?

Après plusieurs semaines d’observation intensive de mon assiette à la cantine. Oui, je te vois lorgner sur mon assiette jour après jour…

Lui.elle : « Dis-moi j’ai remarqué que tu ne mangeais jamais de viande… »

Moi : « Oui, je suis végétarienne. »

Lui.elle : « Ah bon ? t’es végétarienne…TOI ? »

Résultat du test : non concluant. Les Maghrébin.e.s ne peuvent pas être végétarien.ne.s.

Test 2 : FAIS-TU LE RAMADAN ?

Venant de personnes avec qui je n’ai pas l’habitude de manger à la cantine. Question posée tous les jours de la semaine :

Lui.elle : « Tu viens manger à la cantine avec nous ? »

Moi : « Non, allez-y sans moi. »

Résultat du test : non concluant. Elle ne l’avouera pas d’elle-même. Il faudra donc envoyer quelqu’un.e pour lui demander directement si elle fait le R

Test 3 : la tenue vestimentaire

Lorsque je porte une jupe.

Lui.elle 1 (en s’adressant à moi) : « C’est bien, je vois que tu mets des mini-jupes. Ça te va bien. »

Lui.elle 2 : « Oui, il y a des quartiers où on ne peut pas se promener en jupe. »

Lui.elle 1: « Oui, mais elle met des mini-jupes souvent elle, je l’ai bien vu. C’est bien ! »

Résultat du test : concluant. C’est une bonne Arabe, libérée. Elle ose braver son quartier en mettant des jupes. Aucun témoignage de la principale concernée n’aura été nécessaire pour arriver à ces conclusions.

De façon générale, les résultats de ces tests étaient toujours peu concluants. D’une part parce qu’ils étaient tellement grotesques que je les voyais arriver de très loin, je me faisais donc un malin plaisir à brouiller les pistes. Mais surtout parce qu’ils reposaient sur un tas de clichés.

La place des clichés

En tant que minorité racisée au sein de la majorité blanche des professeur.es, j’ai aussi pu être témoin de nombreuses perles racistes. Ces perles ont pu tout aussi bien concerner les élèves racisé.e.s que moi-même.

Les Maghrébin.e.s et le bled

A l’approche des vacances scolaires, alors que nous déjeunions à la cantine, chacun.e s’est mis.e à raconter ce qu’il.elle avait prévu pour occuper ses vacances.

Lui.elle : « Et qu’est-ce que tu fais de beau pendant les vacances ? »

Moi : « Je suis super contente je vais en Jordanie ! »

Lui.elle : « Ah tu vas au bled ? »

Moi : « Non, pas du tout ! »

Lui.elle : « … »

Lui.elle « … »

Parce que les Maghrébin.e.s ne partent jamais en vacances. Ils.elles ne vont qu’au bled.

Deuxième scénario « type » :

Lui.elle 1 : « Les élèves n’ont aucune culture littéraire ! C’est désolant !»

Lui.elle 2 : « Moi j’essaie de parler d’art à mes enfants, de les cultiver. Surtout à table quand on est tous ensemble. »

Lui.elle 1 : « Bah en même temps les élèves, chez eux, à table, ils ne parlent que du bled ! »

 

Les maghrébins et Aljazeera

Pendant la correction de l’épreuve du Baccalauréat.

Lui.elle : « Les résultats des STMG au bac sont catastrophiques. Ils n’ont vraiment aucune culture ! »

Moi : « Je ne pense pas que ça ait grand-chose à voir, ils sont à mon avis un peu plus scolaire, ils.elles ont besoin de voir du vocabulaire en classe et comme c’était un document inconnu… »

Lui.elle : « Oui mais justement c’est ce que je dis ils n’ont pas culture.  De toute façon, ils ne regardent que Aljazeera, ils ne risquent pas de progresser. »

Les familles maghrébines et le féminisme

Discussion autour d’un café sur le sujet du féminisme.

Lui.elle : « Oui, moi je ne me suis jamais posé la question du féminisme jusqu’à maintenant. Je m’y intéresse que depuis très récemment. »

Moi : « Moi, ça fait quand même depuis très longtemps. Dans mon adolescence je me suis très vite identifiée comme féministe. »

Lui.elle : « Oui je comprends, après c’est vrai que quand le sexisme vient de la famille… »

Moi : « Euh non… Justement ma mère est féministe. »

Lorsque l’on est maghrébine et féministe, notre cheminement ne peut commencer qu’en réaction à nos pères et frères soi-disant autoritaires. Non Jaqueline, merci mais j’ai un cerveau. J’ai surtout une maman féministe formidable qui très tôt, m’a transmis ses valeurs et ses combats que tu as eu si longtemps le privilège d’ignorer.

Les enfants d’immigré.e.s et la langue française

En discutant au sujet d’une élève :

Moi : « Oui, elle a des difficultés de rédaction. »

Lui.elle : « Après c’est normal qu’elle ne sache pas parler français, ils ne parlent pas français à la maison ! »

Cette phrase, je l’ai entendue des dizaines de fois. Avoir deux langues maternelles c’est ce qu’on appelle être bilingue. Enfin ça dépend. Pour mes collègues, j’ai l’impression qu’être bilingue c’est lorsque tes parents t’apprennent des langue « stylées » type anglais, allemand ou russe. Pour d’autres langues en revanche, on ne les assimile pas au bilinguisme mais plutôt au refus de s’intégrer. Elles auraient un effet à la fois magique et incroyable : elles empêcheraient l’enfant de parler un français correct. Un.e bilingue darjia-français ou wolof-français, ça n’existe pas.

La terreur

Alerte générale : Un petit mot écrit en arabe a été trouvé sur le sol. Est-ce un verset du Coran ? Un complot ? Ce n’est certainement pas un mot d’amour. Sait-on qui en est l’auteur.e ?

C’est dans cet état de crise maximale que je trouve mes collègues lorsque je rentre en salle des prof’.

Puis, à ma grande surprise, on me tend le mot : « Tiens, tu peux nous le lire ?

Moi « Bah…non, je ne lis pas et ne parle pas l’arabe.»

Cela ne leur viendrait jamais à l’esprit que le mot ait pu être écrit par un.e non-Maghrébin.e. Ni même que moi, en tant que Française d’origine maghrébine, je ne puisse pas leur déchiffrer ce mot. Dans leur esprit, tout est catégorisé et rangé soigneusement dans des boîtes. Ces catégories, ils.elles sont les seul.es à pouvoir les définir.

Une après-midi, une de mes collègues est entrée en salle des prof très inquiète. En effet, un élève avait passé une partie de son cours à marmonner dans sa barbe. Ma collègue en était persuadée : l’élève en question était surement en train de prier…Il fallait absolument faire un signalement. Cet élève que je connaissais passait surtout le plus clair de son temps… à rapper. Même en classe. Je l’avais d’ailleurs plusieurs fois rappelé à l’ordre. Et il m’avait assuré que parfois c’était plus fort que lui…il ne se rendait même plus compte qu’il le faisait en classe.

Les noms de code

Les noms de codes sont, pour certains professeur.e.s, une façon de faire des sous-entendus classistes et racistes, sans utiliser les mots qui fâchent. Il faut toujours garder en tête que les antisémites, les homophobes et les sexistes sont les élèves racisé.e.s. Aussi, telle une pierre de Rosette, je suis là pour vous aider à décrypter tout cela.

Les STMG

Les classes de STMG sont pour les professeur.e.s une véritable obsession. Ils.elles en parlent à longueur de journée pour s’en plaindre ou pour se féliciter de les avoir domptées pendant quelques minutes. En vérité «  STMG » est un nom de code pour «  Noir.e.s et Arabes ». Visuellement d’ailleurs, ça ne trompe pas. Je suis toujours choquée de constater le manque de mixité dans les différentes filières. Lorsque je fais cours devant des STMG, je me retrouve devant des élèves noir.e.s, arabes et portuguais.e.s. Mes classes de filière scientifique sont à majorité blanches.

Les élèves n’ont pas les codes

Un des grands reproches que mes collègues font aux élèves racisé.e.s et issu.e.s des classes défavorisées est de ne pas avoir les « codes ». Pendant longtemps, j’ai cherché ces foutus codes que les élèves auraient perdus. De quoi parle-t-on ? Un code… des codes ? Quels codes ? Ce qu’ils devraient dire, c’est plutôt que les élèves n’ont pas les « bons » codes. C’est-à-dire leurs codes. Ils.elles aimeraient donc que d’une baguette magique, les élèves se rendent enfin compte que tous les codes liés à leur classe sociale, leur origine et/ou leur jeune âge sont méprisables et donc à abandonner au plus vite. Ces personnes n’ont manifestement jamais entendu parlé du switching code (l’alternance codique) qu’elles méprisent car ne comprennent pas. Il s’agit en réalité d’une véritable force pour ces élèves, qui leur permet de comprendre et de pouvoir évoluer dans pleins de mondes différents.

Tu sais, le grand black là…

Dans la salle des professeur.e.s, il y a une façon bien particulière de parler des garçons racisés.

Les jeunes garçons noirs par exemple, sont toujours décris comme étant « grands » et « blacks ». Sachons-le donc, tous les élèves noirs sont grands…très grands. C’est d’ailleurs la seule caractéristique qui pourrait les décrire.

La laïcité AKA l’éponge magique

La laïcité à l’école… ce sujet tant débattu et si cher aux yeux de mes collègues.

Du moins, c’est ce que je pensais. Ma surprise fut totale le jour où une de mes collègues a proposé avec aplomb l’intégration de « la lutte contre l’islamisation des élèves » au projet d’établissement de l’année suivante.

Même surprise lorsque plusieurs collègues en pleine soirée parents-professeur.e.s se sont insurgés et ont exigé du proviseur qu’il ne laisse pas les mamans voilées entrer dans l’établissement.

Ces deux fois, mes collègues se sont vus refuser leur demande car elles allaient à l’encontre de la laïcité.

Pour certain.e.s professeur.e.s, la laïcité est définitivement devenue un moyen d’exclusion et un outil d’oppression contre ces populations.

Les mêmes personnes qui s’insurgent de voir une élève entrer dans l’établissement avec une jupe trop longue, n’auront aucun scrupule à policer la pratique religieuse des élèves musulman.e.s : « Mais, ce n’est pas écrit dans le coran qu’il faut jeûner pendant le bac. Ma voisine ne jeûne plus maintenant qu’elle est en France. »

Toutes ces expériences douloureuses, sont surtout la preuve qu’il est urgent de briser l’ « entre soi ». Les professeur.e.s enseignent à une diversité d’élèves. Les adultes de l’Education Nationale participent à la construction et à l’éducation des enfants. Tous ces clichés racistes et sexistes qu’ils peuvent donc projeter sur eux ont des effets dévastateurs à long terme. Les jeunes adultes que nous devenons après avoir évolué dans ce contexte violent, intègrent ce racisme et mettent des années à s’en défaire. Ces comportements ont des conséquences directes sur la vie des jeunes. Il ne s’inscrivent pas dans une mission éducatrice mais plutôt dans la volonté de développer une « mission civilisatrice » d’enfants qui sont déjà citoyen.ne.s français.e.s.  Il faut plus d’enseignant.e.s racisé.e.s et/ou déconstruit.e.s dans l’Education Nationale. Il faut également ouvrir le dialogue sur ces questions dans les salles des professeur.e.s, car l’éducation est un moyen de se construire. Aucune construction sereine n’est possible dans une telle atmosphère de violence.

 

 

Crédit photo Image à la Une : Zohra Khaldoun

 

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« Maman, tu peux m’accompagner en sortie scolaire ? »

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À l’occasion du Muslim Women’s Day, il est important d’aborder la relation ambiguë que l’on peut entretenir avec l’institution scolaire et notamment en tant que mère. Cette relation est constituée d’une grande part d’appréhension face au comportement que pourraient avoir les professeur.e.s face à mon voile.

 
Elle prononce à peine les consonnes et ses phrases ne contiennent que quelque mots… Ma fille vient d’avoir deux ans. Elle n’est pas encore scolarisée. Je ne suis donc pas encore concernée mais j’appréhende déjà. Je vis en banlieue parisienne, à 10 minutes d’une grande mosquée. J’ose espérer qu’avec la population musulmane représentée dans ma ville, les enseignant.e.s sont plus ouvert.e.s (ou moins ouvertement islamophobes…).

En tant que femme voilée en France, j’ai énormément de craintes quant à mon avenir et mes perspectives dans mon pays. J’ai le sentiment que la situation de la France et la mienne ne font qu’empirer de jour en jour. Les médias et les politiques usent de beaucoup d’imagination pour inventer des polémiques liées à l’Islam et en particulier à mon voile. Dans le seul but d’enfouir sous le tapis les vrais sujets de notre société comme le chômage ou le mal logement.

Après avoir polémiqué autour du voile d’une présidente de syndicat étudiant, puis sur celui d’une star de téléréalité, on nous parle désormais du voile que l’on porte pour faire du sport… Pitoyable !
 

Hier, j’avais beaucoup d’appréhensions quant à mon avenir en France en tant que femme voilée. Aujourd’hui, j’en ai encore plus en tant que femme voilée et mère.

 

Tout parent est inquiet pour son enfant et surtout pour l’environnement dans lequel il va grandir et vivre. On veut la/le voir grandir dans des espaces les plus sereins, apaisants et les plus bienveillants possible.

Et ce tant dans la sphère familiale que scolaire. On veut les meilleures écoles, les meilleur.e.s professeur.e.s, la meilleure éducation pour nos enfants, pour qu’ils et elles s’épanouissent pendant leur scolarité.
 
Mais comment s’épanouir dans une institution qui rejette leur mère ?
 
C’est une question que ma fille me posera bientôt et cette question me fait peur. Pour la plupart des parents, c’est une question banale et la réponse est simple. Elle dépend seulement du temps et de l’envie du parent. Pour moi, c’est différent. Mon voile et mon choix de le porter pourra être la raison pour laquelle on me refusera d’accompagner ma fille à l’école.

Un de mes meilleurs souvenirs de sorties scolaires était un parc médiéval en Seine-et-Marne. C’est la seule sortie que ma mère a pu faire avec moi car elle ne travaillait pas ce jour-là. Je me souviens encore de la fierté que ce soit ma mère qui nous accompagne, de mon enthousiasme à l’idée de lui faire découvrir mon environnement scolaire, dont elle ne faisait pas vraiment partie.

J’ai peur de ne pas pouvoir accorder cela à ma fille.

J’ai peur de devoir me battre contre les professeur.e.s, contre la direction, contre l’école. Alors que l’on devrait marcher ensemble vers le même but : l’avenir de nos enfants.
 
L’accompagnement en sortie scolaire me questionne. Et je sais que d’autres points de discorde m’attendent : les menus végétariens, mon voile et mon implication en tant que parent d’élève.

Vous me direz que je suis peut-être très, voire trop, pessimiste ; que la plupart du temps tout se passe bien. Je suis d’accord. Cependant, je préfère me préparer au pire. D’autant plus que ce pire est de plus en plus probable. Lorsque je dis « préparer », je parle d’anticiper les problèmes et rechercher des solutions possibles. Car il n’est plus question que je laisse faire, que j’attende, que je me taise. Il n’est plus question que j’attende un miracle. Le miracle, j’irai le chercher moi-même.
 
Cette bataille a déjà commencé et est loin de se terminer.
 
Je pense à ma fille qui, si elle choisit un jour porter le voile, sera peut-être obligée de le retirer à la grille, obligée de laisser de côté une partie de son identité, une partie de ce qu’elle aura choisi d’être. Je pense à toutes ces questions et remarques idiotes que lui feront le corps enseignant et la suivront aussi dans la sphère professionnelle.

Je pense surtout à l’autocensure qu’elle pourra choisir inconsciemment face à la difficulté de trouver un stage ou un emploi dans certaines filières, justement à cause de son voile ou seulement de son apparence présupposée à l’Islam.

Je pense à tout cela et plus encore. Et je me dis que ma solution n’est pas le repli. Pour l’instant (et pour longtemps j’espère), je me bats pour mes droits et pour ceux de ma fille.
 
Que les futures lois mises en place respectent nos droits en tant que femme musulmane et/ou voilée.
Que les actuelles lois qui bafouent nos droits (comme la loi de 2004) soient abrogées.
 

Pour ma fille, Nour.

 

Crédit Photo Image à la Une : Nike

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#MuslimWomensDay : vos témoignages 3/3

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A l’occasion du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes de 27 mars, Lallab a lancé un appel à témoignages afin de récolter vos histoires de femmes musulmanes sur vos expériences, sur les discriminations et les violences vécues en relation avec le système éducatif en France.

 

Fatima : « Malgré d’excellents résultats et un master obtenu avec une mention très bien, j’ai lutté pour pouvoir faire un doctorat »

 
Durant mes études supérieures, j’ai été discriminée à de nombreuses occasions à cause de mon foulard notamment durant mes recherches de stages en laboratoire de recherche – souvent les laboratoires étaient localisés en milieu hospitalier. Malgré d’excellents résultats et un master obtenu avec une mention très bien, j’ai lutté pour pouvoir faire un doctorat. J’ai eu la chance de rencontrer un chef de labo qui m’a acceptée telle que je suis – ce chef de labo était anglais d’où peut-être sa plus grande ouverture d’esprit. Mon chef de labo a été à différentes reprises questionné sur le fait d’accepter une voilée dans une institution publique. J’ai réalisé mon doctorat sans bourse de thèse malgré ma mention. Au concours pour la bourse de thèse, j’ai ressenti l’hostilité du jury et mes professeur.e.s d’université m’ont dit qu’il aurait fallu que j’y aille sans mon voile. Mes camarades de promo ont tous obtenu une bourse pour poursuivre en doctorat même ceux ayant eu une mention assez bien et bien.
Malgré le fait que ce n’était pas dans les conditions idéales, j’ai persévéré et continué en doctorat après une longue bataille avec l’université. Tout au long du parcours, j’ai subi des remarques ou des rumeurs de couloir qu’avec l’habitude j’ai appris à ignorer. J’ai montré et fait reconnaître mes compétences à ceux qui voulaient prendre la peine de m’entendre.
A la fin de mon parcours, et après une longue réflexion face à la difficulté évidente d’obtenir un poste à l’université ou dans un centre de recherche CNRS ou INSERM en raison de la partie présentation orale du concours où je devrais faire face à un jury, j’ai décidé de ne plus me présenter à aucun concours et de m’expatrier – depuis 4 ans j’ai quitté la France – pour vivre de façon plus épanouie malgré la distance et l’éloignement des proches et ami.e.s.
 

 Oskar : « En tant que musulmane, tu n’as rien à dire ? »

 
Les micro violences et les réflexions sont quotidiennes.

Ce qui m’a le plus blessée, c’était lors de la semaine après les attentats de Charlie Hebdo. J’étais en Master en communication graphique, les professeur.e.s voulaient discuter avec nous de l’impact que les événements avaient sur nous.

Je ne disais rien, je m’étais assise au fond de la pièce, car je ne voulais pas entrer dans une polémique, je ne soutiens pas les publications de Charlie Hebdo, qui m’ont souvent heurtée.

Et soudainement, le professeur demande si personne ne veut encore rajouter quelque chose. Tout le monde se retourne sur moi. Tou.te.s attendaient que je prenne la parole. J’étais crispée et je ne savais pas quoi dire.

Le professeur me regarde et me dit : « En tant que musulmane tu n’as rien à dire ? »

Je lui ai dit que non et il a continué à insister. Devant plus de 50 personnes, il voulait me forcer à dire que je soutenais Charlie Hebdo et ses publications.

Personne ne m’a aidé, tou.te.s le soutenaient, se disant que j’avais « l’obligation morale » de les soutenir.

Je mordais l’intérieure de ma joue pour ne pas craquer. J’étais au bord des larmes.

Quand finalement, une de mes professeur.e.s est rentrée et a demandé ce qu’il se passait. Elle avait observé la scène par les portes vitrées (elle me l’a dit après). Elle a fait alors comprendre au professeur que je n’avais pas à prendre position publiquement et qu’il ferait mieux d’arrêter.

Si elle n’était pas intervenue, je ne sais pas ce qu’il se serait passé, car les étudiant.e.s entrainé.e.s par le professeur se mettaient à dire la même chose.

Et moi je répétais sans cesse que je ne voulais pas entrer dans le débat.

Je n’ai pas réussi à aller en cours pendant deux semaines, j’étais terrorisée.

J’ai failli rater ma dernière année de Master à cause de ça. Tellement cela m’avait traumatisée. Je pense que si ça n’avait pas été ma dernière année, je n’aurais pas réussi à recommencer une année scolaire.
 

Soolef : « J’ai 21 ans mais je ne veux pas passer ma vie dans un contexte comme celui-ci »

 
Bonjour, hello, Buenos dias, السلام عليكم جميعا
Je n’écris que ces quatre langues.

Je suis actuellement étudiante en Master didactique des langues et cultures, dans le domaine de l’enseignement du Français langue étrangère et de l’arabe langue étrangère.
Je témoigne aujourd’hui pour dénoncer les stéréotypes et les représentations idéologiques faites sur nous, comme sur d’autres personnes discriminées. J’ai dû postuler pour de nombreux stages cette année dans le cadre de mes études. Les réponses que j’ai essuyées étaient des refus, si vraiment les organismes faisaient le « geste » de me répondre. Ces réponses étaient un méli-mélo de manque de respect, d’orgueil et de haine. On me le faisait clairement sentir pour : mes origines, mes croyances, mon voile. En effet, je vais du plus général au plus spécifique. Je ne manque pas de bonne volonté, ni d’ambition, ni d’enthousiasme. C’est ce qu’on me disait. Pourtant les réponses en disaient autrement. Et ceci ne concerne que mon stage.

Quand à mes demandes d’emploi ou au moins job étudiant, les réponses et retours étaient d’autant plus négatifs. Oui, nous femmes musulmanes nous étudions, travaillons, faisons du sport, chantons, et bien d’autres choses. Il en est de même pour ma scolarité et mes études mais j’ai persévéré. Demandez-moi où j’ai postulé pour mes stages. J’ai certes postulé dans des organismes institutionnels et non-institutionnels. Un peu partout en effet. Il est temps de rendre à la laïcité son véritable sens. Son sens premier. Son essence.

La laïcité n’est pas de supprimer toutes les religions et d’imposer l’athéisme. Mais plutôt que toutes les religions, et tous les cultes coexistent, cohabitent, vivent ensemble. Merci de m’avoir lue. Il est vrai que cela fait énormément de bien de parler de ce que j’accumule maintenant depuis le début de ma scolarité. J’ai 21 ans mais je ne veux pas passer ma vie dans un contexte comme celui-ci. C’est bien trop usant, bien trop éreintant, bien trop hostile. Je m’inquiète aussi pour les générations futures.

Je témoigne aussi au nom de nombreuses femmes de mon entourage : mères de familles mises à l’écart de la scolarité de leurs enfants, ou étudiantes comme moi, ainsi que les travailleuses obligées de retirer leur voile inutilement. Alors que le voile ne les prive pas de leur compétences professionnelles, intellectuelles, etc.

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Diffuse la bonne parole

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#MuslimWomensDay : vos témoignages 2/3

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A l’occasion du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes de 27 mars, Lallab a lancé un appel à témoignages afin de récolter vos histoires de femmes musulmanes sur vos expériences, sur les discriminations et les violences vécues en relation avec le système éducatif en France.

 

Basma : « Entrer dans le musée dévoilée ou rester dehors voilée et ne pas prendre part à l’exposition »

 
J’étais élève en terminale, déléguée de classe et j’entretenais d’excellentes relations avec le corps administratif de mon lycée. Mais, tout cela a basculé lors d’une sortie au musée. En sortant du lycée sur le chemin de l’exposition, je me suis couverte la tête comme à mon habitude. Mes camarades me savaient voilée et n’y voyaient aucune chose à redire. Cependant, arrivée devant le musée, l’une de mes professeur.e.s encadrant la sortie m’a stoppée net en me posant un ultimatum : entrer dans le musée dévoilée ou rester dehors voilée et ne pas prendre part à l’exposition. Elle invoquait la fameuse loi de 2004. Tout le monde était stupéfait et malgré les interventions calmes et bienveillantes de mon autre professeur et mes camarades, la professeure en question a tenu bon et m’ayant mise au pied du mur, elle a fait entrer le reste de la classe dans le musée. J’ai donc attendu deux heures sur un banc à l’entrée du parc, seule. Nous étions en mars 2012, j’étais encore mineure.

Depuis cet incident, le corps administratif et la hiérarchie de mon lycée ont changé d’attitude à mon égard, le proviseur veillait tous les matins à ce que j’enlève mon voile avant d’entrer au lycée, on a convoqué mes parents (chose impensable au vu de mon dossier scolaire excellent) pour s’assurer que mon voile n’était pas le fruit d’une oppression familiale et surtout, s’assurer que je ne viendrais pas « perturber » le voyage de fin d’année à Chinon. Je n’ai pas pu participer à ce voyage et ce souvenir a malheureusement entaché le précieux souvenir de mes années lycée.
 

« Il se faisait un plaisir d’expliquer à ses élèves ô combien l’islam est « une religion violente et misogyne » »

 
Au Lycée, un de mes professeur.e.s d’histoire avait l’habitude, en cours d’instruction religieuse (catholique), de nous distribuer des fiches sur lesquelles il avait copié-collé des traductions françaises de versets coraniques. Plusieurs fois de suite, j’ai vu qu’il se faisait un plaisir d’expliquer à ses élèves ô combien l’islam est « une religion violente et misogyne ».

En ECJS, il nous avait demandé de débattre sur le sujet suivant : « L’islam est-il soluble dans la démocratie ? ». Après avoir écouté seulement un cinquième de mon intervention, il nous avait expliqué que le Coran « infantilisait voire animalisait les musulman.e.s »; sous-entendu, qu’iels ne seraient « pas capable de vivre dans un système ou iels peuvent choisir par eux/elles-mêmes. »

En tant que bon professeur d’histoire, il légitimait la colonisation de l’Algérie. Après tout, « ils l’avaient bien cherché et on leur a beaucoup apporté, n’est-ce pas ? ». Il te donnait des bonnes notes si tu recrachais tout ça.

J’étais une des seules à réagir. La plupart des élèves, majoritairement blanc.he.s, étaient in love face à lui. À côté, je vomissais.

Mais…qui aurait cru que son comportement allait en partie me pousser vers le Juste, vers la Vérité, qui aurait cru que ses propos allaient en partie me pousser à devenir la personne que je suis aujourd’hui, une femme musulmane, convertie, et fière de son cheminement féministe ? Sorry but not sorry !
 

Wassila : « On m’a interdit l’entrée car voilée quand bien même je n’étais plus étudiante là-bas. »

 
En terminale, j’ai décidé de porter le voile. J’étais dans un lycée privé catholique d’une petite ville. Malgré le fait que le CCIF m’avait garanti que la loi de 2004 ne s’appliquait pas dans une école privée, on m’interdisait de le porter. Je le retirais alors à l’entrée après avoir passé la porte et le remettais le soir avant de sortir dans la rue principale. Il faut savoir que le principal avait une haine viscérale envers moi depuis que je m’étais voilée et ne reculait devant rien pour m’humilier régulièrement. Le dernier jour de ma vie lycéenne, comme d’habitude je remets mon voile en quittant le bâtiment et là la CPE me hurle dessus devant tout le monde car je le remets avant la porte et non pas dans la rue. Je lui dis que j’avais toujours fait comme ça et que ça n’a jamais posé problème. On m’a hurlé dessus devant tout le monde dans la rue. J’étais choquée. Quelques mois plus tard, j’ai voulu retourner au lycée pour saluer mes ancien.ne.s professeur.e.s. On m’a interdit l’entrée car voilée quand bien même je n’étais plus étudiante là-bas.

Quelques mois plus tard, je commence ma vie d’étudiante dans une grande ville dynamique. Je rentre en école de commerce, par précaution j’avais averti l’école du fait que je portais le foulard et on m’avait dit que la loi me l’interdisait et que je devais le retirer. N’étant pas informée, je n’ai pas trop cherché à comprendre donc je l’enlevais le matin et le remettais le soir. Un de mes professeur.e.s en droit le remarque et me dit que je suis dans mon droit de le porter dans l’école car je dépends maintenant du ministère de l’enseignement supérieur et non plus de l’éducation nationale. Je vérifie auprès du CCIF qui me confirme cela. Je décide donc de le porter. Le doyen me voit avec mon voile et décide de me suspendre jusque nouvel ordre, avec consignes à mes professeur.e.s de ne pas m’accepter en cours. Ce même doyen avait contacté mon principal du lycée qui m’a diffamé disant que j’avais voulu faire ma loi et créer des problèmes. Grâce au soutien du CCIF, j’ai pu avoir gain de cause et finir ma licence dans cette école avec mon voile al hamdouLillah.

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Diffuse la bonne parole

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#MuslimWomensDay : vos témoignages 1/3

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A l’occasion du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes de 27 mars, Lallab a lancé un appel à témoignages afin de récolter vos histoires de femmes musulmanes sur vos expériences, sur les discriminations et les violences vécues en relation avec le système éducatif en France.

 

Argelina : « Vous êtes trop intelligente pour porter ça »

 
L’année dernière, alors que je passais mes examens de licence, j’ai eu un oral avec une professeure que je considérais énormément depuis ma première année de licence.
Elle m’a toujours encouragée, je n’ai jamais eu de mésentente avec elle, bien au contraire, nous avions une très bonne relation.
Voilà pourquoi cette expérience a été encore plus difficile à vivre pour moi.
J’ai passé un examen oral avec elle. A peine me suis-je installée, elle me dit directement “bon M…. il faut que je sois honnête avec vous. Je ne comprends pas pourquoi vous portez le voile. Je vous ai toujours bien aimé, vous êtes une femme remarquable, l’une des meilleures de la promo, mais je trouve ça tellement dommage que vous portiez ce bout de tissu. Vous êtes trop intelligente pour porter ça, je garde espoir en me disant qu’un jour vous aurez assez de courage pour le retirer car ça ne va pas avec ce que vous représentez en tant que femme intelligente, indépendante, ouverte d’esprit… » et j’en passe. Je suis tombée d’au moins dix étages. Moi qui suis voilée depuis maintenant 5 ans, je n’ai jamais été « victime » de racisme, et recevoir toutes ces paroles d’une enseignante, une femme pour laquelle j’avais beaucoup d’estime de par son parcours scolaire.
Sur le coup je n’ai pas su réagir, j’ai juste pleuré, j’ai été blesseé d’un côté par ses fortes paroles et d’un autre côté car cela venait d’elle.
Bien évidemment je n’ai pas terminé mon oral, et je vous laisse imaginer la note que j’ai eue.
En sortant j’avais deux choix : aller me plaindre et faire remonter les conditions de l’épreuve orale que je venais de passer car ceci a beaucoup joué sur mon examen étant donné que ma seule envie était de quitter la salle. L’autre option était de me taire car en raison de son importance au sein du département, j’aurais pu avoir des répercussions sur les années d’études qu’il me restait. Je me suis tue. J’ai eu peur que ça puisse jouer sur mes études. Et honnêtement je ne savais pas vers qui me tourner, porter plainte ? Je ne voulais pas entrer en procédure judiciaire surtout que ça aurait été sa parole contre la mienne.
J’en ai parlé seulement à une enseignante, qui m’a énormément soutenue, elle m’a aidée à ne pas baisser les bras. J’étais à deux doigts de ne plus remettre un pied à la fac… Mais j’ai décidé de ne pas me laisser abattre car après tout ce n’est pas moi la victime mais plutôt cette enseignante. Victime de son manque d’ouverture d’esprit, qui refuse d’entendre qu’une femme est libre de porter le voile, et que ce « bout de tissu » n’est pas la définition d’une femme soumise, fermée aux autres, dépourvue de toutes formes de libertés. Bien au contraire.
 

Leila : « On vous tolère dans les couloirs de la fac »

 
L’histoire se déroule il y a maintenant 3 ans, dans une faculté de médecine parisienne où je terminais mon internat. Un examen national a lieu en fin d’année afin de déterminer notre spécialité pour l’internat. Le jour de mon récit, nous étions censé.e.s passer une épreuve blanche dans les mêmes conditions que l’examen officiel.
Une fois les portes fermées, les étudiant.e.s tou.te.s installé.e.s, la cheffe du service d’hématologie de l’époque lit le règlement, et en cours de lecture nous dit :  » rien sur la tête alors retirez vos foulards maintenant ». Silence assourdissant. Je lui fais savoir que le règlement a été revu avec les instances AVANT cet examen blanc et que nous avons le droit de garder notre voile. Le chef de service de cardiologie, à ses côtés, nous assure que non, c’est comme ça et qu’il faut le retirer. J’insiste, terriblement seule (dans une promotion où il y a un nombre conséquent de musulmans et de musulmanes par ailleurs), et je suis, Dieu merci, rejointe par une amie. Elle leur explique également que nous avons demandé avis à un avocat, que nous sommes dans l’enseignement supérieur et que nous avons le droit de le garder. Pendant l’échange qui suit, assez violent psychologiquement et verbalement, la cheffe d’hématologie nous dit « déjà que vous nous enquiquinez avec vos charlottes à l’hôpital, on vous tolère dans les couloirs de la fac, vous n’allez pas nous faire le coup encore maintenant donc maintenant ça suffit et vous les retirez ! ». Je lui rétorque qu’elle ne tolère rien du tout, et que c’est tout simplement LA LOI !

Voyant que nous ne lâcherons pas, et l’épreuve devant se lancer (puisque toutes les autres facs nous attendent, l’épreuve étant simultanée en ligne), ils abandonnent.

A la fin de l’épreuve, le chef de service de cardiologie prend la parole en disant « effectivement nous avons appelé les instances et il n’y a pas de souci ». Exaspérée, stressée par la fin d’une épreuve que j’ai totalement bâclée, je lui rétorque : « SANS BLAGUE. »

Ce que je retiens de ce jour, ce n’est pas l’agression en elle-même. C’est le silence assourdissant de tous nos frères présents à ce moment-là (15). Aucun n’a pris la parole pour nous défendre, même si ma voix tremblait de rage et d’humiliation, aucun cœur. Les mêmes qui feront une réflexion rabaissante si une fille retire son foulard à cause de la pression sociale….
 

Amina : « Je vais faire une petite liste des micro-agressions par rapport au hijab. Ce n’est pas pour me plaindre mais c’est pour m’en souvenir parce que, à force, j’en oublie beaucoup. »

 
– Agressions par la concierge du collège parce que parfois j’oubliais ou bien j’attendais d’être à l’abri de la pluie pour me découvrir.
– Stage de Troisième où j’ai dû l’enlever dans mon endroit préféré de ma ville : la bibliothèque municipale.
– Années lycée : j’ai arrêté le badminton à l’AS parce que je ne voulais plus me prendre la tête à l’enlever.
J’ai voulu faire du théâtre mais je suis freinée à cause de ça aussi.
– J’ai eu une convocation chez le proviseur une fois pour me rappeler les règles de la laïcité.
– Je suis passée de la seule hijabi à une parmi d’autres donc ils ont commencé à nous soûler par rapport aux jupes etc. J’avais de nombreuses stratégies de contournement pour éviter de passer devant les bureaux du CPE quand j’en portais une.
– Ah oui, j’avais oublié… durant les portes ouvertes du lycée, il y avait ce fameux prof d’histoire et section euro qui allait me suivre durant tout le lycée et même à la fac. Première rencontre : il m’avait carrément ignorée (pas encore élève, je portais mon voile) par la suite il a été plus cordial.
– Année de Première : voyage à Londres. On me dit que je ne peux pas le garder. Bref je décide de ne pas y aller.
– En Première, ce fut aussi l’année du bac français. On me dit que je peux le garder pour les épreuves étant donné qu’elles ne se déroulent pas dans mon lycée. FAIL
– Concours général de français dans un lycée où je ne suis pas élève : Un CPE à l’allure vallsienne sort de son bureau en courant pour me rattraper et me crier dessus.
– Terminale. Année du bac, des concours, APB etc.. Dans le cadre d’une prépa aux IEP (Instituts d’Etudes Politiques) que je faisais depuis la Première sans souci avec le hijab, je me rends une semaine à Sciences Po Lille. Problème : l’internat était au lycée Faidherbe cette année-là alors que l’année d’avant, nous dormions dans un internat de lycée privé. La CPE me suit donc dans le self alors que je me servais à manger et me met la pression pour retirer mon hijab. Une autre hijabi était là mais elle venait de la banlieue de Lille. Elle est donc rentrée chez elle le soir même… Je me suis faite discrète mais me suis retrouvée le lendemain convoquée dans le bureau de l’ex-directeur de Sciences Po Lille. Je pensais que j’allais devoir prendre mon billet retour… c’était un peu tendu mais il était compréhensif. Il a fait en sorte que je puisse rester.
– L’université : pas d’interdictions mais ils ont le don de confondre le nom des filles voilées… parfois même les filles arabes. Et puis quand tu vas présenter le projet d’une association étudiante et qu’on te dit : « faut pas organiser des prières hein… on a déjà eu des soucis comme ça… »
– La carte étudiante : quand on te ment en te disant que la photo avec le voile n’est pas acceptée. Alors que ni dans la loi ni dans le règlement intérieur, il n’y a d’interdiction à ce sujet… D’ailleurs en L3, j’ai pu refaire ma carte avec ma photo en hijab par une jeune en emploi étudiant.
– Le sport à la fac : quand le prof vient te voir pour te dire qu’il a pas de problèmes avec le voile mais attention faut des vêtements adaptés. Non ? Sans blague…
– En stage dans une entreprise (maghrébine qui plus est) : au bout de deux semaines une fille qui avait retiré son voile pour son stage revient de congé et le soir même on m’envoie un sms pour voir si je ne peux pas le retirer ou au moins le mettre en turban.
– Pour mon dernier stage (d’une semaine) dans un grand média, la photo en hijab pour le badge ne leur convenait pas pour je cite « des motifs de sécurité » LOL. Bref j’en ai envoyé une en turban. Puis plus de réponses… je n’avais toujours pas reçu ma convention. La semaine avant le stage on me dit que ce ne sera pas possible avec le hijab malheureusement car l’entreprise fait une mission de service public. Mais, ô miracle ! Lorsqu’on connait des personnes bien placées dans l’entreprise, on parvient à négocier le turban. L’affaire est remontée jusqu’à la directrice du média. Finalement, j’ai pu faire mon stage. Et surprise : qu’est-ce que je découvre ? Plusieurs employées en turban mais dans la restauration et le ménage et pas dans les rédactions.

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Diffuse la bonne parole

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Professeure et voilée

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A l’occasion du Muslim Women’s Day 2019 ayant pour thème l’éducation et les femmes musulmanes, je souhaitais partager avec vous mon expérience en tant que professeure de l’Education Nationale au lycée portant le hijab.

 

Tout d’abord, lorsque j’ai passé mon concours et durant mon année de stage, je ne portais pas encore le voile. Cependant, j’étais une jeune maghrébine avec un petit accent de banlieue, au milieu d’une salle des professeur·es majoritairement blanche, et dont la plupart ne provenait pas du même milieu que moi.

J’ai décidé de m’ajouter un dernier supplément bonus en décembre lors de ma deuxième année : mon hijab !

 

Alors pour être honnête, mon cheminement vers le voile s’est fait de manière très progressive. Avant de mettre le hijab, je suis passée par une phase bonnet puis turban pendant plus de six mois.

Symboliquement, pour moi, enlever mon bonnet ou mon turban, soit dans ma voiture, soit en entrant dans l’établissement ne me dérangeait pas. Je n’en étais pas encore au stade de mutation finale (Oui comme un Pokémon !). D’ailleurs, je n’y suis toujours pas… D’ailleurs, je ne pense pas qu’il existe…

Dans mon for intérieur, en portant un turban ou un bonnet, je me laissais la possibilité de faire machine arrière sans provoquer des remarques de la part de mon entourage. C’est pour cette raison que j’avais une facilité et une certaine décontraction à l’enlever.

 

Lorsque, pendant les vacances de Noël, j’ai décidé en mon âme et conscience de porter le hijab pour toutes sortes de raisons mais avant tout pour Dieu, je me suis retrouvée à appréhender le jour de la rentrée. Pas parce que je n’avais pas fini de corriger les contrôles de mes élèves ! Non cela, ils en avaient déjà l’habitude !

Mais j’appréhendais de passer en voiture devant mes élèves agglutinés devant le portail et qu’ils me voient avec un voile.

J’appréhendais de me retrouver sur le parking des professeur·es et de rencontrer un·e collègue avec mon voile.

J’appréhendais d’enlever mon voile si fièrement mis le matin en sortant de chez moi.

J’appréhendais de sortir de ma voiture tête nue et de passer la journée, retrouver mes élèves en classe et mes collègues en salle des professeur·es sans mon voile.

J’appréhendais de terminer ma journée, de sortir du lycée et retrouver très vite ma voiture où je remettais mon voile comme si j’avais été en apnée toute la journée sans mon voile, sans mon oxygène.

 

Pour faire court, toutes ces appréhensions étaient devenues ma réalité et mon quotidien.

 

Crédit photo : Namirahsketches

 

Au début, j’ai été chanceuse car c’était l’hiver. Il pleuvait, neigeait, faisait froid. Je pouvais enlever mon voile dans la voiture mais le remplacer par un bonnet ou une écharpe que je mettais sur mes cheveux (pour ne pas abimer mon brushing imaginaire !)

En salle des professeur·es, je me permettais de garder mon « écharpe » sur mes cheveux ou un bonnet ou un turban.

 

Mes collègues étaient-ils au courant ? Sûrement car ils me voyaient dans le parking ou la salle des professeur·es et que clairement je n’ai pas la tête d’une Anne ou d’une Nolwenn. Cependant, je n’ai jamais eu de remarque. En tout cas, jamais frontalement !

Une fois, j’ai eu une remarque tellement détournée que je ne sais toujours pas si c’était volontaire ou non.

J’étais en salle des professeurs avec un turban sur l’ordinateur.

Une professeure d’histoire vient me voir (alors que l’on ne s’est presque jamais parlé…), me salue en regardant mon turban. Je me justifie (et je regrette de l’avoir fait) en lui disant que mes cheveux ont gonflé à cause de la pluie ! Ce n’était pas un mensonge en plus ! Elle ne répond rien. Mais elle enchaîne sur une anecdote personnelle. Elle me raconte qu’une fois, elle faisait cours à des collégiens sur les trois religions monothéistes et notamment l’Islam. Cette collègue m’explique qu’après avoir remis en cause un dogme dans l’Islam. Un élève se lève, s’énerve et crie contre la professeure (elle m’a bien sûr laissé deviner son origine).

Sur l’anecdote, je ne la remets pas en cause et je ne remets pas non plus en question la mauvaise réaction de cet élève (bien que compréhensible mais sûrement, selon les dires de cette professeure, disproportionnée).

Néanmoins, je me suis toujours posée une question : Comment son cerveau a-t-il réussi à faire un lien entre mes cheveux qui gonflent coincés dans un turban et cette anecdote ?

 

Aujourd’hui, je ne travaille plus pour l’éducation nationale. J’ai cheminé spirituellement. Et l’éventualité d’enlever mon voile, que l’on m’oblige à arracher une partie de moi pour aller travailler m’est difficilement supportable.

Même si ce métier est vraiment passionnant.

Même si enseigner à des élèves qui me ressemblaient était et est toujours important pour moi.

Même si les élèves (quoiqu’on en dise) nous le rendent bien.

Je ne me sens pas la force d’abandonner ce bout de tissu qui fait tant débattre.

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Diffuse la bonne parole

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Portraits

Mounia : une militante qui prône la justice par l’éducation

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Mounia est une blogueuse féministe et antiraciste. Elle est également professeure de mathématiques. Cette militante nous explique son parcours, et ce qu’elle considère comme des solutions afin de remédier efficacement aux injustices vécues par certain·e·s dominé·e·s en France.

 

De la nécessité de militer

 

Née à Saint-Nazaire, en région Pays de la Loire, la jeune femme se souvient de son enfance et de son adolescence, durant lesquelles elle faisait déjà face à des injonctions contradictoires. « Mes parents souhaitaient me protéger en me mettant dans les meilleures écoles, dans lesquelles les élèves étaient majoritairement blanc·he·s, et dans lesquelles assumer son identité algérienne et musulmane, c’était s’exposer à du racisme et de l’islamophobie, alors qu’à la maison, nos interactions avec les personnes blanches ne devaient plus compter. » Ce phénomène est encore plus présent en classe préparatoire, où Mounia et l’une de ses camarades sont les seules Arabes de la promo. Bien que se sentant différente des autres, l’étudiante ne politise pas forcément cette question à l’époque. Lorsqu’elle est en école d’ingénieurs, la militante en devenir commence à utiliser Twitter. Mais la limite de caractères imposée pour chaque tweet l’empêche d’exprimer clairement ses opinions. Elle partage donc ses analyses politiques sur Facebook, mais aussi sur son blog, L’avis du chat glouton. Très vite remarquée, elle devient chroniqueuse sur Beur FM dans l’émission Les Zinformés.

 

Son militantisme devenant de plus en plus cher à ses yeux, Mounia ne s’imagine pas travailler tout en ressentant une incohérence vis-à-vis de ses valeurs éthiques et de ses opinions politiques. Le monde de l’éducation lui semble intéressant de ce point de vue. Enseignant les mathématiques à des collégien·nes, la professeure est ravie de pouvoir servir de modèle. Et tient à clarifier les choses concernant tout ce que nous avons pu lire ou entendre quant à l’éducation sexuelle à l’école. « Il s’agit avant tout de faire comprendre à ces jeunes, et notamment aux filles, qu’elles·ils ont le droit de dire non. Pas uniquement dans le cadre sexuel, ça peut aussi consister pour une fille à refuser qu’une amie s’amuse avec ses cheveux. » En tant que professeure, elle a elle-même été confrontée à des situations dans lesquelles certaines élèves sont parfois traumatisées parce que des garçons les harcellent, en les suivant pour regarder sous leurs jupes, par exemple. « Les parents ne se rendent parfois pas compte de ce que leurs enfants font, une fois qu’ils ne sont plus sous les yeux de leur famille. Ils ne sont pas forcément de simples petits anges, » insiste Mounia, qui a d’ailleurs consacré l’un de ses derniers articles au consentement.

 


Crédit : Twitter de Mounia

 

La blogueuse lutte aussi fermement contre la culture du viol. L’un des exemples l’ayant le plus marquée est celui de l’une de ses amies, ayant subi plusieurs viols qui l’ont traumatisée à jamais. Son amie avait trouvé la force de témoigner sur les réseaux sociaux, mais de nombreuses personnes ont alors réagi de façon très hostile. Certain·e·s proches lui ont même reproché d’avoir dévoilé les atrocités qu’elle avait subies et qui, depuis, hantaient son esprit. Incomprise, insultée et pointée du doigt, cette femme s’est suicidée, malgré quelques soutiens, dont Mounia. La blogueuse se sent ainsi très concernée par le viol et s’interroge sur les façons de l’éradiquer, de punir les coupables et de soutenir les victimes, notamment dans un contexte raciste. C’est l’objet d’une série d’articles que l’on peut trouver sur son blog. « Je pense qu’avoir recours à la justice patriarcale, raciste et souvent inefficace n’est pas la véritable solution, même s’il s’agit généralement du seul moyen se trouvant à portée des victimes. Il est nécessaire de trouver des frères qui puissent être des alliés. » Mounia regrette le fait que les femmes racisées acceptent volontiers de soutenir leurs frères, notamment dans les luttes contre les violences policières, alors qu’elles sont beaucoup moins soutenues lors des affaires de viols, par exemple.

 

Les joies du militantisme

 

Ses positions politiques lui ont souvent valu des ruptures amicales, notamment signalées par une suppression de la liste d’amis sur Facebook. « J’ai des potes avec lesquel·le·s je m’entendais super bien qui m’ont soudainement trouvée trop militante, trop féministe, trop antiraciste et trop méchante parce que j’exprime mes opinions, ce qui peut être assez violent, » confie-t-elle. Cependant, la blogueuse conseille de ne pas lutter à n’importe quel prix, se mettre en danger ou se retrouver marginalisé·e, notamment. « Je pense que pour être efficace pour la justice sociale, il est nécessaire de tout faire pour être au top, ce qui peut passer par des études, par exemple. Il ne faut pas non plus s’épuiser à commenter toutes les actualités oppressives et privilégier la production et la construction de choses utiles pour les dominé·e·s. » Cela ne signifie pas pour autant qu’elle exige un militantisme parfaitement safe, dans lequel tout le monde serait totalement déconstruit·e. Dans son article « De l’arnaque des espaces militants dits safe », Mounia tire la sonnette d’alarme.

 


Crédit : Le chat glouton, blog de Mounia

 

En effet, elle a déjà milité dans des milieux majoritairement blancs et masculins. Les personnes impliquées y tenaient un discours profondément tolérant et se montraient véritablement déconstruites, conscientes des inégalités et de leurs places avantageuses dans la société, mais leurs actions pouvaient être particulièrement hypocrites. Ainsi, les femmes avaient beau participer à la production intellectuelle de ces milieux, leurs écrits étaient systématiquement corrigés de A à Z, contrairement à ceux de leurs camarades masculins. Leurs travaux pouvaient même ne pas être publiés du tout. « On avait l’impression d’être à l’école, c’était partout souligné en rouge, » déplore-t-elle. « Lorsqu’il s’agissait de tenir de jolis discours, c’était simple, mais pour lâcher un peu ses privilèges et cesser de se retrouver avec les mêmes personnes à la tête de l’organisation, il n’y avait plus personne. » Désormais, Mounia considère que les personnes opprimées ne devraient pas forcément attendre l’aide de celles et ceux qui ne subissent pas ces discriminations pour se sentir légitimes de s’organiser. « C’est important d’avoir des allié·e·s, mais il faut faire très attention à ce que leur milieu militant ne devienne finalement pas un énième lieu d’oppression. Je pense qu’il faut d’abord apprendre à s’aimer, à nous aimer nous-mêmes pour ce que nous sommes avant d’attendre que quelqu’un de plus puissant nous sauve. »

 

C’est pourquoi Mounia consacre beaucoup de temps à la pédagogie engagée sur son blog et sur les réseaux sociaux. Elle espère aussi concrétiser plusieurs projets visant à aider les femmes racisées et/ou musulmanes. Nous ne lui souhaitons que du succès, inshAllah.

 

Crédit photo à la une : Café More. Mounia invitée au Café More en tant que blogueuse société

 

 

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Diffuse la bonne parole

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Catégories
(Dé)construction

Si tu veux que je t’éduque, il faudra me payer !

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Depuis toute petite, j’ai toujours aimé argumenter et débattre. Je n’ai jamais supporté de m’entendre asséner des vérités supposément absolues avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Cela a persisté avec ma conscientisation et mon intérêt pour la politique, les institutions, l’antiracisme et le féminisme.

 
Ne pouvant supporter d’entendre affirmés mensonges, contre-vérités ou atteintes à la logique sans réagir, je me suis retrouvée au cœur de bien des débats, dans la vie comme sur internet.

En voyant des pages de commentaires stupides, haineux et niant la dignité d’êtres humains approuvées par des dizaines de likes, je ne peux m’empêcher de riposter, ne serait-ce que pour que pointe une lueur d’espoir dans cette obscurité.

Cet article raconte comment les personnes racisées se voient contraintes de faire de la pédagogie aux dominant·e·s pour que ceux et celles-ci les respectent, et en quoi il est temps de se rendre compte que le droit à la dignité est sans condition.
 

To educate or not to educate? That is the question

 
En tant que femme racisée, j’ai souvent – constamment, en fait – à faire face à des questions et remarques déplacées, racistes. S’ajoute à cela un manque d’empathie envers les agressions psychologiques et humiliations quotidiennes.

En effet, depuis l’enfance, on nous enseigne que le racisme proviendrait de l’ignorance ; la solution logique serait donc l’éducation. Mais c’est une lutte sans fin et épuisante que de devoir expliquer que :

  • oui, le blackface, c’est raciste – « oh ! t’as pas d’humour » étant alors la réponse que l’on m’oppose la plupart de temps;
  • oui, parler avec un accent imitant supposément les Asiatiques et les Africain·e·s, c’est raciste. Ne serait-ce que parce-qu’il existe une grande différence entre un·e Togolais·e et un·e Marocain·e, ou un·e Laotien·ne et un·e Vietnamien·ne ;
  • une femme qui porte un voile le fait le plus souvent par choix, et que les femmes racisées subissent des discriminations quotidiennes et ce, sous des formes très variées ;
  • lier des faits divers à une religion ou à une origine est profondément raciste.

 

Cette liste n’est pas exhaustive et pourrait en réalité être sans fin.

Avoir à répéter perpétuellement de telles vérités, élémentaires, est usant pour celles et ceux dont l’identité et l’essence font par ailleurs, chaque jour, l’objet d’attaques.

 

Justifier son humanité ?

 

Quand nous nous efforçons tous les jours de faire ce travail de pédagogie, ce que l’on sous-entend, c’est : « Respectez moi s’il vous plaît, car je suis un être humain comme vous ».

Mais est-ce mon rôle de faire comprendre à ces personnes que tous les êtres humains ont droit à la dignité ? Que j’ai moi-même droit à cette dignité ?

Cet article ne s’adresse pas aux ignorant·e·s ou à celles et ceux qui viennent lire afin de décider si, oui ou non, les femmes musulmanes ou racisées sont dignes de leur respect. Cet article s’adresse aux personnes subissant de multiples oppressions et qui, depuis leur enfance, ont cru avoir pour fardeau d’éduquer tout un chacun·e par l’exemple, ou par des débats interminables, pensant ainsi (comme je l’ai pensé un jour) devoir déconstruire les préjugés de toute une population.

 

http://gph.is/28PE1ZU

 

Pourquoi croyons-nous que c’est à nous, inlassablement, de faire des efforts, quand nous subissons déjà autant ? Je ne saurais l’expliquer, mais il faut que cela cesse.

Plusieurs mois de débats sans aboutissement – mes interlocuteur·rices n’étant pas personnellement touché·e·s par mes propres problématiques, il leur est égal d’aboutir à quoi que ce soit – m’ont amenée à questionner l’utilité de la pratique du « faux débat ».

J’ai mis fin définitivement à cette pratique grâce à une interview et un workshop de Marie Dasylva, créatrice de l’agence NKALI WORKS, dont l’objet est d’aider les femmes racisées en entreprise.

Marie Dasylva déclare en effet : « Je pars du principe qu’expliquer son humanité, c’est entrer dans ce que j’appelle « l’Everest de l’inutile », où l’on va gravir des obstacles, se battre, pour que la personne en face de nous dise finalement qu’elle n’est pas d’accord avec nous alors que l’on vient de poser ses tripes sur la table à expliquer qu’on est un être humain […] C’est comme si notre humanité était une épreuve qu’on devait à chaque fois passer. L’humanité ce n’est pas le bac, normalement tout le monde l’a ! ».

 

La pédagogie par l’exemple

 

J’ai longtemps pensé que c’était mon devoir d’éduquer, de montrer la meilleure image possible de moi-même, pour que tout le monde voie qu’on peut être arabe, musulmane et bien élevée, avoir de bons résultats à l’école, être cultivée et bien s’exprimer. Que mon exemple parmi tant d’autres ferait reculer le racisme. Mais est-ce vraiment utile ?

Lorsqu’un adolescent est tué par la police en France ou ailleurs, on entend parfois, comme pour le défendre post mortem, qu’il était bon à l’école. A l’inverse, on reprochera par exemple à Adama Traoré de ne pas avoir un casier judiciaire vierge.

Nos vies sont-elles si peu estimables que nous soyons obligé·e·s d’avoir des comportements exemplaires pour être respecté·e·s ?

Nos parents nous ont appris à travailler deux fois plus et, dans notre société, une personne racisée devra toujours être meilleure, plus performante. Ou pouvoir escalader un immeuble à mains nues, à l’image de Mamoudou Gassama, et ainsi effleurer la chance d’obtenir la nationalité française. Les Français·e·s blanc·he·s se sont juste donné la peine de naître.

Mais le fait que nos parents et nous-mêmes ayons toujours travaillé bien plus ne nous a jamais évité le racisme ; au mieux, nous sommes considéré·e·s comme l’exception au milieu des autres Africain·e·s fainéant·e·s.

En clair, il faut apprendre à nous ménager pour notre propre santé mentale et physique, plutôt que de se tuer pour finalement ne pas être reconnu·e·s pour nos qualités.

Les seul·e·s qui méritent que l’on vise l’excellence pour elles·eux, c’est nous-mêmes.

http://gph.is/2c45h41

 

 

Etre allié·e, qu’est-ce que ça veut dire ?

 

L’allié·e est une personne non concernée par un type d’oppression donné (racisme, sexisme etc.). Cette personne peut t’être d’une grande aide quand, en tant que concernée, tu en as juste marre d’entendre les mêmes rengaines et les mêmes mensonges. Ou que tu es épuisé·e par l’absence souvent totale de compassion.

En temps de grosse fatigue, l’allié·e peut relayer la personne concernée, partager son opinion, faire résonner sa voix, être actif·ve. Parce que avouons-le, il y a des jours où l’on ne peut pas, et où l’on ne veut pas.

L’expérience m’a montré que les personnes ouvertes d’esprit n’avaient pas besoin de voir des noir·e·s excellent·e·s pour reconnaître que ceux et celles-ci avaient droit au respect et à la dignité. Quant aux autres, on pourrait leur montrer tous les exemples de minorités excellentes, cela ne changerait rien à leur point-de-vue.

Car parmi celles et ceux que nous éduquons tous les jours, il y a au mieux des allié·e·s potentiel·le·s, qui ont au moins le mérite de ne pas trop nous faire perdre notre temps – ces allié·e·s potentiel·le·s pourraient toutefois rechercher leurs informations ailleurs. Il y a aussi, au pire, des cyniques qui sont juste là pour poser des questions non pertinentes, ne voyant là que l’occasion d’un énième débat, quand nous défendons littéralement notre survie ! Et entre ces deux extrêmes, il reste les indécis·e·s, qui « ne voient pas en quoi [insérer ici : le blackface, les caricatures islamophobes et autres joyeusetés] est raciste ». Ou qui nous rétorquent que « franchement, on exagère, il y a des choses plus graves ». Ou nous assènent que « si la situation était inversée, personne ne crierait au scandale ».

 

http://gph.is/2dolyCE

 
Si vous vous considérez vraiment comme un·e allié·e, alors prenez part à ces débats non pour questionner les concerné·e·s, mais pour les soulager de ce poids que constitue la pédagogie.

 

Il est donc important pour les privilégié·e·s d’entretenir une saine curiosité, de faire des recherches et de se positionner en tant qu’allié·e.

Nous sommes deux à écrire cet article – une femme noire et une femme maghrébine voilée – et, bien que subissant des oppressions communes, nous avons l’occasion d’être des alliées l’une pour l’autre face à d’autres oppressions.

Par exemple, dans le cas du blackface notamment, ce n’est pas aux noir·e·s de démontrer que cette pratique est raciste. Ils et elles l’ont déjà suffisamment fait dans des articles et vidéos, par exemple.

Même chose pour le voile : le magazine Lallab, entre autres, propose nombre d’articles pédagogiques permettant d’assouvir la curiosité, saine ou déplacée, de chacun·e, en répondant par exemple à l’éternelle question : « Mais POURQUOI est-ce que tu portes le voile ?!! ». Donc si tu assistes à ce type de débats… diffuse la bonne parole !

Evidemment, nous rappelons que l’allié·e ne doit pas parler à la place des concerné·e·s, mais bien se mettre à leur écoute, et être reconnaissant·e·s de l’énergie dépensée pour leur éducation.

 

Ce que cela nous coûte

 

Vous rendez-vous compte de la violence que représente pour un·e individu·e le fait de devoir expliquer qu’il·elle mérite de vivre ?

Je n’ai plus le temps d’expliquer que ce n’est pas aux personnes non-concernées de définir ce qui est raciste ou non. Ni en quoi les atteintes « plus graves » sont en réalité rendues possibles notamment par la multiplication des micro-agressions. Ces micro-agressions – regards agressifs, blagues racistes, amalgames répétés etc. – en déshumanisant les personnes, participent à légitimer les agressions physiques et verbales.

Avoir à « prouver son humanité » encore et encore est non seulement chronophage, mais aussi extrêmement violent.

Je me souviens d’un débat avec une « féministe » se déclarant « contre le voile ». Après plusieurs heures de commentaires interposés, j’ai réussi, par mes arguments, à lui faire admettre qu’il était possible que le port du voile résulte d’un choix personnel. Sur le moment, j’ai pensé que c’était une victoire et que petit à petit, j’arriverais à convaincre plus de monde.

Après réflexion, je me demande si cela valait le coup.

J’aurais pu utiliser ce temps pour aider les personnes racisé·e·s à mieux s’accepter, ou pour prendre soin de moi. Ou bien encore l’employer à écrire des articles sur ces sujets, qui pourront être lus non seulement par des allié·e·s pour s’informer, mais également par des personnes concernées pour qu’elles se sentent moins seules et s’instruisent.

Voilà comment j’en suis venue à écrire pour Lallab. Aujourd’hui, si quelqu’un veut que je lui explique en quoi [insérer ici : le blackface, es caricatures islamophobes et autres joyeusetés] est raciste, je lui indique un article de ce site ou d’autres qui sont très bien faits, ce qui nous permet de gagner un temps fou.

Maintenant, si tu veux absolument qu’on te l’enseigne personnellement, il va falloir nous payer.
 
 

Article co-écrit par Thafath’n’Idh et Laura Palmer

Crédit photo image à la une : Jeeitd

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Diffuse la bonne parole

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Catégories
Portraits

Fadela Bennani, créatrice de baskets marocaines vegan pour l’éducation des filles pauvres

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Fadela Bennani est créatrice de la marque de baskets AMAZ, alliant la beauté de l’artisanat marocain à la praticité des sneakers. Marocaine âgée de trente-trois ans, elle renonce à sa carrière de consultante en entreprise afin de se consacrer pleinement à son rêve.

 

Son rêve versus un destin tout tracé

 

Née à Casablanca, elle était élève au lycée Lyautey de cette ville. Fadela considère cet établissement comme une sorte de « pont entre deux cultures différentes, la française et la marocaine ».

Une fois le baccalauréat en poche, elle quitte le royaume pour poursuivre ses études en France. Elle étudie deux ans en classe préparatoire au lycée Lakanal, en région parisienne, avant de rejoindre l’ESSEC, prestigieuse école de commerce française.

Elle décide ensuite de  retourner vivre dans sa terre natale où elle devient consultante en stratégie pour des cabinets à Casablanca, capitale économique du Maroc, mais elle ne se sent pas réellement dans son élément.
La créatrice affirme :

En bref, je devais présenter des Powerpoints et c’était très formaté. La naissance de ma fille fut le déclic.

 

Elle ne se voyait pas « délaisser sa fille et ne pas la voir grandir ». Fadela décide de démissionner, avec l’espoir de travailler à son compte. Pleine de rêves, l’entrepreneure en herbe doit vite faire face à une réalité difficile.

La première entreprise que j’ai créée dans le domaine du marketing fut ma première expérience d’échec, j’ai beaucoup douté de moi.

Pourtant, elle persévère, et élabore un nouveau projet : les baskets AMAZ, en vente depuis avril dernier.

 

Baskets AMAZ. Crédit : Huffington Post Maghreb
Je ne suis pas une fashionista, mais j’adore les baskets. Je trouve que ça habille une tenue, explique-t-elle en avouant en avoir toujours eu plusieurs dans sa garde-robe. C’est à la fois très pratique et élégant. 

 

Elle regrette cependant ne connaître aucune marque de sneakers marocaine. Elle décide donc de réaliser son rêve et de créer des baskets avec la classe de l’artisanat marocain ! La quête d’un·e fabricant·e dura un an et il leur a fallu six mois pour aboutir à un prototype. Elle utilise des matières venant de plusieurs villes du royaume, dont celle de Fès.

 

Elles sont à l’image de la diversité du Maroc, aux nombreuses influences culturelles, à la fois arabes et berbères. Le nom de cette marque est d’ailleurs inspiré du mot « amazigh », signifiant « berbère ». « Les gens aiment bien, j’ai l’impression qu’il existe un regain d’intérêt pour les choses touchant au patrimoine marocain », remarque Fadela.

 

Des sneakers engagés

 

Issue d’un milieu aisé, la jeune entrepreneure s’est toujours sentie libre. « Je ne me suis jamais considérée comme inférieure aux hommes ou décrédibilisée en raison de ma féminité. J’ai toujours pris la parole autant qu’un homme », livre-t-elle. Elle s’estime cependant privilégiée, en raison de son milieu social.

En termes d’éducation, mes parents n’ont pas établi de différence par rapport à mon frère.

 

Elle reste cependant consciente qu’il ne s’agit pas du cas de toutes les femmes. « L’éducation des filles au Maroc est un réel fléau, il y a un fort taux d’analphabétisme », précise Fadela. C’est ce qui l’a poussée à agir, à son échelle.

Elle explique que dans les villages berbères du Haut-Atlas, non loin de Marrakech, les filles doivent souvent renoncer à leurs études à la fin de l’école primaire, car les collèges et les lycées se trouvent souvent à plusieurs kilomètres de leur domicile.

 

Les parents ne font généralement pas confiance aux logements chez l’habitant·e et préfèrent protéger leurs jeunes filles, en les gardant à la maison. Les internats de l’association Education for All permettent de pallier ce problème. « C’est hyper convivial, il y a des housemothers (« mères de maison ») qui préparent à manger et qui aident aux devoirs », selon Fadela. Cent-quatre-vingts filles bénéficient de cette action, dans cinq internats différents.

 

Jeunes bénéficiaires d’Education for All. Crédit : AMAZ

 

La créatrice contribue à ce changement en liant chaque paire de sneakers achetée à un don systématique à cette association. Un achat équivaut à une journée de cours offerte à une jeune fille dans le besoin, prise en charge par l’association dans leurs internats. Il est également possible de commander des baskets en ligne, pour une livraison à l’international (et gratuite pour le Maroc). De plus, la créatrice tient à ce que ses sneakers soient vegan.

 

« Des baskets sans produits animaux, c’est hyper difficile à trouver », regrette-t-elle. Pourtant, il est complètement possible, selon elle, de ne pas utiliser de matières animales comme le cuir pour des sneakers, notamment grâce à de nombreuses autres matières, particulièrement communes au Maroc.

Elle estime aussi qu’il est important d’avoir une conscience écologique. C’est la raison pour laquelle elle offre, pour chaque paire de baskets achetée, un sac en toile AMAZ. « C’est cool, les gens peuvent utiliser ça pour faire leurs courses », se réjouit-elle.

 

Nous ne lui souhaitons que du succès, inshAllah !

 

Pour plus d’informations sur les sneakers de Fadela Bennani, c’est par ici.

 

 

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Diffuse la bonne parole

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