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Histoire courte #10 : La lune et l’étoile

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Les histoires courtes de Pommette sont des textes de fiction destinés à redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Un grand merci à Myriam pour ses jolies illustrations !

 

L’idée de cette histoire m’est venue en découvrant le collectif @Collages Féministes Juif-ves Marseille et leur solidarité indéfectible envers les femmes musulmanes. Merci à elles de m’avoir donné leur avis sur ce texte !

 

Depuis toujours, on avait fait croire à Aïcha et Myriam qu’elles ne pourraient pas être amies. Parce que l’une portait autour du cou une lune et l’autre une étoile. On leur avait appris que la lune et l’étoile étaient fondamentalement différentes et incompatibles. Que l’éclat de l’une détournait l’attention de l’autre. Tant l’une que brillerait, l’autre ne pourrait jamais régner sur le ciel.

L’innocence de l’enfance rendit leurs esprits imperméables aux mots des adultes et elles devinrent naturellement amies, ignorant tout de la guerre du ciel qui se jouait entre la lune et l’étoile. Elles s’amusèrent du fait que, lorsque leurs pendentifs étaient invisibles, on les prenait pour des sœurs.

Plus tard, adolescentes, elles subirent la même violence et cela les rapprocha davantage. On méprisa leurs précieux pendentifs et on les tourna en dérision. Lorsqu’on tenta d’arracher sa lune à Aïcha, Myriam se positionna devant elle pour la protéger. Lorsqu’on se moqua de l’étoile de Myriam, Aïcha se leva pour son amie et la défendit. Elles comprirent que la lune et l’étoile étaient méprisées autant l’une que l’autre et que la guerre du ciel avait été inventée pour les pousser à se déchirer entre elles plutôt qu’à s’unir.

 

Crédit : @myriam_arts

 

Lorsqu’elles devinrent de jeunes femmes, elles découvrirent qu’elles avaient des points communs autres que la violence qu’elles subissaient toutes les deux. Elles apprirent qu’elles venaient du même pays, terre de jasmin et de liberté. Que leurs mères, qui depuis toutes ces années désapprouvaient leur amitié, parlaient la même langue et couvraient leurs cheveux de la même façon. Que dans la famille de la lune comme dans la famille de l’étoile, on se réunissait le même jour de la semaine pour partager le même repas. Depuis des années, on leur avait caché ces similitudes pour qu’elles se détestent au lieu de s’aimer.

L’âge ne leur ôta pas leur capacité d’émerveillement pour la beauté du monde. Durant leurs dernières années d’existence, elles passèrent des nuits à contempler ensemble l’harmonie des étoiles et de la lune coexistant en paix dans le ciel.

Elles s’éteignirent finalement le même jour et leurs âmes s’élevèrent dans un seul mouvement vers les cieux.

 

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Histoire courte #9 : La révolte des femmes

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Les histoires courtes de Pommette sont des textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Un grand merci à Myriam pour ses jolies illustrations ! 

 

Il était une fois, pendant le Ramadan, deux mondes, séparés par un couloir.

À droite du couloir, il y avait le salon, monde des hommes. Une heure avant la rupture du jeûne, les pères et les maris débarquaient, s’asseyaient autour de la grande table et commentaient l’actualité, d’ici et de là-bas. Plus tard, les jeunes se joignaient à eux, le front encore transpirant de la partie de football qu’ils venaient d’interrompre. Les anciens se mettaient alors à les questionner : qui avait gagné le match ? Est-ce qu’ils travaillaient bien à l’école ? Quel sport pratiquaient-ils ?

À gauche du couloir, il y avait la cuisine, monde des femmes. Elles étaient là depuis plusieurs heures déjà, répétant les mêmes gestes que chaque jour. Au fil des années, elles avaient mémorisé les particularités alimentaires de chacun. L’oncle voulait sa brick avec harissa mais sans câpres, le mari avec œuf dur, le neveu avec œuf coulant. Le cousin n’aimait pas le poulet donc il fallait prévoir du bœuf. Leur perception du temps aussi s’était perfectionnée : elles savaient que c’était une heure avant la rupture qu’il fallait pétrir la pâte du mlewi et quinze minutes avant qu’il fallait le mettre à frire dans la poêle pour qu’il soit servi chaud. La citronnade devait être préparée suffisamment à l’avance pour être fraîche, mais assez tard pour conserver les vitamines.

Alors que dans le monde des hommes, la rupture semblait ne jamais arriver, dans le monde des femmes, elle arrivait toujours trop vite. Lorsqu’elle survenait, les hommes croisaient leurs bras face à leurs assiettes tandis que les femmes, mécaniquement, attrapaient, remplissaient, resservaient, déposaient un plat à la cuisine, en ramenaient un autre. Puis, une fois que les hommes avaient tout ce qu’il leur fallait et qu’elles savaient qu’elles n’auraient pas à faire d’aller-retour d’ici quelques minutes, elles s’asseyaient sur la table basse, celle pour les femmes et les enfants, et mangeaient enfin. Elles n’avaient pas la disponibilité d’esprit de savourer les plats qu’elles avaient cuisinés, toutes attentives qu’elles étaient à ce qui se déroulait à la table d’en haut. Malgré leur expérience, elles commettaient toujours de petites erreurs, que les hommes, dans leur grande générosité, leur faisaient remarquer pour les aider à s’améliorer : un plat trop froid, pas assez salé, une cuillère mal lavée, une assiette manquante. Les femmes avaient cependant développé des stratégies astucieuses pour réduire le nombre d’erreurs. Par exemple, elles s’attribuaient toujours les bricks froides ou les mlewis trop cuits pour ne pas déranger les hommes. Si jamais elles avaient sous-estimé les quantités, elles se servaient moins, de sorte à ce qu’ils puissent satisfaire leurs appétits.

Quand les ventres des hommes étaient gonflés et leurs assiettes vides, sans un mot, les femmes se levaient, ramassaient les assiettes, passaient l’éponge sur la grande table, ramenaient les fruits, préparaient le café. Puis, moment qui amusait toujours les hommes, elles se disputaient pour faire la vaisselle tandis qu’ils se rendaient à la mosquée pour tarawih.

Mais un jour, les femmes en eurent marre. Elles commencèrent par servir aux hommes des bricks brûlées et froides et à garder les meilleures pour elles. Puis elles se mirent à profiter pleinement des repas, à manger avec plaisir, à rigoler, discuter et chanter autour de la petite table, en ignorant les demandes des hommes qui souhaitaient qu’on les serve. Quelques jours plus tard, elles décidèrent, une fois le repas fini, de laver seulement leurs propres assiettes et de se rendre ensuite ensemble à la prière de tarawih. Elles passèrent la nuit à discuter de leur foi et cela leur plut tellement qu’elles se dirent qu’elles y retourneraient tous les soirs.

Crédit : @myriam_arts

 

Le lendemain, lorsque les pères et les maris arrivèrent dans le salon, les femmes s’étaient assises autour de la grande table. Les hommes se mirent en colère, crièrent sur les femmes et certains devinrent même violents. Mais cela n’arrêta pas les femmes, qui continuèrent à faire ce qui leur semblait juste.

Les hommes argumentèrent que leur comportement était contraire aux ordres de Dieu, mais les femmes répondirent que le travail ménager n’était pas le devoir de la femme en Islam et que leur nouvelle vie leur permettait justement d’être plus proches de Dieu et de lire, honorant ainsi la première sourate du Coran. Les hommes utilisèrent alors leur intelligence, se remirent en question et changèrent.

 

Il était une fois, pendant le Ramadan, un monde harmonieux, dans lequel femmes et hommes s’impliquaient pour que ce mois soit synonyme de sérénité et d’apaisement pour tou.te.s…

 

 

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Histoire courte #8 : Les deux mots

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Les histoires courtes de Pommette sont des textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Un grand merci à Myriam pour ses jolies illustrations ! 

 

Depuis toutes ces années, elle s’était habituée à cet ascenseur émotionnel. Elle se levait pleine de joie parce que ce jour si spécial était arrivé. Elle se sentait unie à tous les autres êtres humains de la terre et prête à devenir une meilleure personne. Puis, en se rendant à l’école, elle constatait que c’était pour les autres un jour banal. Que le fait qu’il soit important pour elle, ne le rendait pas moins ordinaire à leurs yeux.

Jamais, depuis toutes ces années, elle n’avait exprimé sa déception. On lui avait appris, depuis petite, à ne pas se plaindre, parce que cela ferait des problèmes et lui retomberait dessus. Il valait mieux être discrète, faire profil bas. Elle n’avait jamais exprimé sa déception, mais elle était bien là, se renforçant année après année. 

 

Crédit : @myriam_arts

 

Elle n’attendait pourtant que deux mots, qui signifiaient tant pour elle : « nous sommes heureux pour toi », « nous partageons ta joie », « puisque c’est un jour important pour toi, il l’est aussi pour nous », « nous te respectons et t’estimons ».

A la fin de la journée, alors qu’elle franchissait le portail du lycée, résignée, une main se posa sur son épaule et une voix prononça la formule magique : « Ramadan moubarak ! »

En une seconde, la déception qu’elle trainait comme un fardeau depuis des années guérit et son expression triste se dissipa pour laisser apparaître un grand sourire.

Ce mois de ramadan serait exceptionnel.

 

 

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Histoire courte #7 : Le clash de Super M

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Blachette pour ses illustrations ! 

 

« Si vous êtes ici, c’est que vous croyez comme moi en la France, en notre culture, en nos traditions. Si vous êtes ici, c’est que vous voyez, comme moi, que ce patrimoine est menacé. Le couscous et le kebab remplacent notre bœuf bourguignon, la chicha remplace notre cigare. Ils sont de plus en plus nombreux à s’appeler Mohammed au lieu de Pierre. Ils menacent nos traditions, harcèlent nos femmes dans la rue. Mais nous sommes là, vous êtes là ! »

La foule répondit par des cris virils à l’unisson, accompagnés de gestes rappelant les heures les plus sombres du vingtième siècle. S’il y avait eu des caméras, le staff aurait sans doute diffusé des consignes, mais ce jour-là, aucun journaliste ni militant antiraciste n’avait voulu s’inviter, sans doute par manque de goût pour le tabassage et les insultes. Ils étaient entre eux, les langues pouvaient se détendre et les bras se tendre.

Enfin, c’est ce qu’ils croyaient. En effet, Jean-Louis le vigil n’était pas Jean-Louis mais Habib. Grâce à ses yeux clairs, il avait pu passer incognito lors de l’entretien – qui aurait soupçonné qu’un arabe ressemble à un gaulois ? Il avait pensé exagérer en insistant sur sa passion pour les armes à feu auprès du recruteur, mais visiblement, cela n’avait pas attiré ses soupçons, puisqu’il l’avait rappelé dans la journée.

Son collègue Philippe, cependant, s’appelait vraiment Philippe. A chaque tirade d’Henri Zemar, il applaudissait en répétant ses dernières paroles. « Nous faisons face à une guerre de civilisation sans précédent ! », hurla Henri Zemar. « Sans précédent ! », répéta Philippe, avant de se resservir un verre de rosé.

Tout fonctionnait comme prévu. A vrai dire, Habib alias Jean-Louis était presque déçu. Il avait passé du temps à élaborer un plan A, un plan B, un plan C et même un plan D ! Il ne s’attendait pas à ce que le plan A : bouteille de rosé, marche directement.

Au bout d’un quart d’heure à peine de meeting, alors que Zemar enchainait sur les tout à la fois soumises et terriblement dangereuses femmes musulmanes, Philippe partit aux toilettes. Habib n’eut qu’à abaisser le compteur, et les lumières s’éteignirent instantanément, dans la stupeur générale.

Juste le temps nécessaire à Sylvie, alias Aminata, de changer la direction des projecteurs. Pour Aminata, le camouflage avait été plus compliqué, et pour cause : elle était noire. Cependant, en insistant sur son éternelle reconnaissance envers les blancs pour avoir civilisé l’Afrique, elle avait obtenu de participer à l’organisation du meeting, à condition de ne pas être trop visible. Un poste à la régie lui conviendrait parfaitement, avait conclu le recruteur.

Habib ralluma les projecteurs avant le retour de Philippe, puis s’esquiva par la porte de secours. Son seul regret était de ne pas pouvoir assister à ce qui allait suivre. Heureusement, il pouvait suivre le live sur la chaîne YouTube de Henri Zemar, piratée par Super M elle-même, cheffe d’orchestre de l’opération.

Les projecteurs étaient à présent braqués sur elle. Les mains accrochées à deux rubans suspendus au plafond de la salle, Super M volait au-dessus des spectateurs, toute de noir vêtue. Sur son estrade, Zemar gesticulait en s’énervant contre son micro, dont Sylvie-Aminata avait pris soin de couper le son. De toute façon, l’attention de la foule n’était plus du tout concentrée vers l’estrade. Tous les regards convergeaient vers Super M. Pris par surprise, les militants s’étaient brusquement tus.

Aminata lança l’instru, et Super M commença son rap.

Pour commencer khouya tu fermes ta gueule et t’écoutes

Jamais eu besoin de dix heures de BFM pour qu’on me respecte

Deux heures de meeting ? Ha, petit joueur

Une minute de Super M et tu repars en pleurs

Respire un coup, dis bismillah pour limiter les dégâts

Mon flow est si puissant qu’tes lunettes vont voler en éclat

D’ici je t’entends répéter « inchallah inchallah »

« Inchallah que je reste debout après que Super M m’a fait la hagra »

Des conneries sans t’arrêter t’en racontes à la pelle

Ton psy a tellement de taf qu’toutes les heures il te rappelle

Monsieur le comte du racisme entre nous on t’appelle

Antisémite, islamophobe, xénophobe, on compte plus les labels

Tu parles tellement de nous que ça en devient attendrissant

On dirait l’mec à qui j’avais mis un râteau, miskine il est si frustré

Tu dis tellement de la merde que ton haleine en devient fétide

Même pendant ramadan l’odeur de ma bouche n’est pas si acide

Le gars fait des refrains sur la virilité, toute la journée

De quoi tu parles, devant un voile tu t’enfuis sans autre forme de procès

Procès ça tu connais frérot, et pas parce que tu les as gagnés

Comment par un délinquant la France pourrait-elle être gouvernée ?

En boucle il répète qu’c’est les immigrés les sexistes

Rappelle-moi ton sport favori ? Agresser la gente féminine

Enfin c’est seulement le deuxième après lécher le cul à Poutine

Dis-moi Henri est-ce qu’un jour t’arrêteras de faire le gamin ?

J’ai pas trouvé à quoi tu sers à part effrayer ma p’tite cousine,

Faire pleurer ma mère et exciter une bande de miskines

J’suis pas Corinne, j’m’appelle Nesrine, qu’est-ce tu vas faire ?

J’suis une blédarde, je parle arabe, qu’est-ce tu vas faire ?

J’ai passeport français et marocain, je sais qu’tu rages mon frère

Ma grand-mère faisait toujours ses cinq salat pour se consoler de la misère

Petite fille de colonisés j’te clashe dans la langue de Molière

Islamo-gauchiste-progressiste-wokiste en chef, je t’emmerde

Pour finir je me présente car j’aime faire les choses à l’envers

Mon blaze à moi c’est Super M, pour vous déplaire

Ce que mes sœurs pensent tout bas j’le dit out loud

Bonne nuit les fachos et surtout imprimez ça : I’m Muslim and I’m proud

Crédit : @blachette

 

Sur ces entrefaites, Super M lâcha le micro, tandis qu’une pluie de confettis s’abattait sur la salle abasourdie. Depuis le banc sur lequel il s’était assis, Habib souriait, comme les millions de Français qui avaient suivi l’événement depuis leur téléphone.

Le plan avait marché cinq sur cinq.

 

 

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Histoire courte #6 : Effet miroir

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Blachette pour ses illustrations ! 

 

Samia pénétra la première dans l’amphithéâtre, pleine de joie. Elle scruta la salle encore vide et s’assit au premier rang, puis contempla l’immense tableau noir avec émotion. Tandis que les rangs se remplissaient, son imagination dessinait sur le tableau des courbes, des équations, des suites de nombres. Elle se réjouissait à l’idée de découvrir, au cours des prochaines années, de nouveaux objets mathématiques, des propriétés insoupçonnables, des démonstrations surprenantes.

Lorsqu’elle sortit de sa rêverie, la salle était pleine. En balayant la foule du regard, un sentiment de malaise l’envahit. Les étudiants étaient des copies conformes les uns des autres. Tous des hommes, ils dégageaient cette même confiance en eux, se comportaient comme si leur présence dans cet amphithéâtre allait de soi, comme si c’était la continuité logique de leurs années lycée. Ses voisins parlaient entre eux de concepts mathématiques qu’elle n’avait jamais étudiés. Sa stupeur augmenta encore lorsque, dans une synchronisation parfaite, ils sortirent chacun de leurs sacs un épais polycopié portant l’intitulé du cours, un document dont elle ignorait l’existence.

Occupée à observer les autres, elle mit du temps à se rendre compte qu’on l’observait aussi. La foule l’observait. Mal à l’aise, elle baissa le regard et regretta ses cheveux bouclés trop volumineux et sa robe orange trop voyante. Dans sa naïveté, elle avait cru pénétrer dans un monde uni par la passion des mathématiques, qui acceptait tout le monde, d’où qu’il vienne.

Le brouhaha s’arrêta lorsque le professeur pénétra dans la salle. Il écrivit son nom sur le tableau, son adresse mail, puis, sans même saluer l’audience, commença son cours.

Samia sortit de l’amphithéâtre pleine de doute. Elle rêvait depuis l’âge de cinq ans de devenir mathématicienne. Face aux questions des adultes, elle avait toujours été l’enfant qui savait ce qu’elle voulait faire plus tard. Comment une conviction si profonde avait-elle pu être ébranlée en l’espace d’une heure ? Elle se sentait si différente de ce professeur presque robotique et de ces étudiants surhumains qu’elle ne pouvait s’imaginer être un jour à sa place.

 ***

Selma pénétra la première dans l’amphithéâtre, pleine de joie, exultant à l’idée de faire ses premiers pas dans le monde des mathématiques.

Mais à mesure que la salle se remplit, un sentiment de malaise l’envahit. Elle ne trouva personne qui lui ressemblait et se sentit soudainement seule et inférieure à tous ces étudiants sûrs d’eux-mêmes.

Ce sentiment s’accentua lorsqu’elle prit conscience qu’ils la regardaient. Comme quelqu’un d’étrange, de différent. Selma se dit d’abord qu’elle prenait trop de place, avec ses cheveux bouclés volumineux. Puis elle en vint même à douter de mériter sa place dans cet amphithéâtre, alors que sa passion pour les mathématiques était la seule chose dont elle n’avait jamais douté au cours des dernières années.

Soudain, le brouhaha s’estompa. La professeure pénétra dans la salle, toute d’orange vêtue, et les cheveux aussi volumineux et bouclés que ceux de Selma. Elle écrivit son prénom au tableau, puis, avant même de parler, se tourna vers l’audience et la contempla du regard.

Ses yeux croisèrent ceux de Selma et elle perçut un changement dans le regard de la jeune fille. Plein de doute, il se changea en un regard brillant, confiant en l’avenir.

Crédit : @blachette

 

 

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Histoire courte #5 : Marcher seule

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Blachette pour ses illustrations ! 

 

D’habitude, elle ne conduisait jamais. Il voulait toujours conduire lui. A vrai dire, la question ne s’était jamais réellement posée. Ç’avait été une évidence, dès le début. Évident que, si elle conduisait, ce serait humiliant pour lui, car il se retrouverait sur le siège passager.

Mais aujourd’hui, pour une fois, les rôles étaient inversés. Alors qu’il ne disait rien, elle sentait qu’il était aux aguets. Il observait ses moindres faits et gestes à la recherche d’une faille. Oublier le clignotant, freiner un peu trop brusquement au feu rouge, ne pas choisir le chemin le plus rapide. Tout pourrait être une excuse.

Crédit : @blachette

 

Avec les années, elle le connaissait par cœur. Elle connaissait par cœur ces moments de tension. Le calme avant la tempête. C’était devenu une partie de son quotidien, une situation qu’elle avait appris à gérer, qui pouvait survenir n’importe quand. Il fallait avancer, sans se poser de question.

C’était étrange, tout à coup, de se retrouver au volant. Elle alluma la radio. « Pourquoi tu allumes la radio ? » Elle sentit qu’il avait envie de se disputer, mais elle n’avait pas la force. Elle éteignit la radio.

Elle l’oublia quelques instants et se focalisa sur la conduite. Elle avait toujours aimé ça. Cela lui procurait un sentiment de liberté, d’indépendance. Dès qu’elle avait travaillé, son premier achat avait été une voiture. Elle se remémora ses vingt ans, et ces moments où elle prenait la voiture, la nuit, allait sur l’autoroute et roulait, roulait, roulait à en perdre le souffle. Elle mettait du rap, kickait les paroles qu’elle connaissait par cœur. Si c’était l’été, elle ouvrait les fenêtres et laissait l’air s’engouffrer dans la voiture, faire virevolter ses boucles. Elle sourit.

D’habitude, elle ne conduisait jamais. Mais aujourd’hui, exceptionnellement, il ne pouvait pas conduire. Il s’était blessé à la main, la veille.

Il était en train de la regarder. Elle se rendit compte qu’elle chantait. Il aimait bien qu’elle chante. Ça lui plaisait, car il s’imaginait que c’était féminin de chanter. Les femmes chantent et ont la voix douce, pensait-il.

Mais elle n’avait pas envie de chanter pour lui, alors elle s’arrêta. Elle continua à l’ignorer et pensa à cette jeune fille de vingt ans qu’elle était. De celle que j’étais alors, qu’est-ce qui subsiste encore aujourd’hui ?, se demanda-t-elle.

Même ses cheveux s’étaient transformés. Elle n’avait plus ce carré qu’elle adorait, avec les boucles qui volaient dans tous les sens. Ses cheveux étaient longs, lisses, parce qu’il trouvait ça plus beau. C’était normal de faire ça pour lui, disait-il, puisque lui aussi demandait parfois son avis sur ses tenues.

Il aimait ses cheveux comme ça, mais lorsqu’elle sortait, il préférait qu’elle les dissimule en chignon, pour ne pas attirer l’attention. Pour qu’aucun homme ne veuille la lui prendre. Ça l’aurait rendu fou, qu’un autre homme la regarde. « Je perdrais mon honneur », disait-il. « Je préfère que tu meures plutôt que tu te laisses faire », répétait-il souvent, lorsqu’ils allaient se coucher, le soir.

D’habitude, elle ne conduisait jamais. Mais aujourd’hui, il ne pouvait pas conduire. Il s’était ouvert la main en jetant la vaisselle contre les murs. C’est elle qui avait lavé le sang sur le sol et ramassé les débris. Un jour comme un autre.

« Arrête-toi, je vais acheter des cigarettes. » Elle tourna à droite sur l’aire d’autoroute. Il sortit et se dirigea vers la supérette. Après avoir fermé la porte de la voiture et avancé de quelques mètres, il se tourna vers elle et la fixa. Plus tard, elle se rappellerait de ce regard.

Comme si elle avait préparé cet instant toute sa vie, elle connecta son téléphone à la voiture et lança une playlist de rap. Elle était, soudain, de nouveau dans le corps de cette jeune fille de vingt ans.

Elle enclencha le frein à main, démarra, accéléra. Dans la voiture, la rappeuse disait : « Dodo c’est la même, depuis le départ j’ai pas changé, Dodo c’est la merde envoie le départ, j’vais tout casser, Dodo marche seule, c’est pas la peine d’la mélanger »

Tandis que la rappeuse chantait, elle scandait les paroles, fenêtres ouvertes, cheveux au vent.

 

 

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Histoire courte #4 : Les larmes d’Aicha

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Myriam pour ses magnifiques illustrations !

 

Aicha pénétra dans le wagon du métro et repéra une place libre sur laquelle elle s’assit avec lassitude. C’était le Ramadan, mois béni, moment hors du temps, opportunité de se rapprocher d’Allah, d’être une meilleure personne, de passer du temps auprès de ses proches.

Pourtant, Aicha n’arrivait pas à se débarrasser de la tristesse qui l’accompagnait au quotidien. Sa journée démarrait toujours par de mauvaises nouvelles : les guerres au Moyen-Orient, la persécution des Ouïghours, les SDF de plus en plus nombreux, les lois islamophobes, la montée de l’extrême droite, la détresse des étudiants. Toute la journée, ces mauvaises nouvelles tournaient en boucle dans sa tête, l’empêchant de penser à quoi que ce soit de positif. Le soir, elle restait plusieurs heures allongée dans son lit, fixant le plafond, avant de réussir à trouver le sommeil. Ses nuits étaient peuplées de personnages menaçants qui répétaient les mêmes choses en boucle.

 

Crédit : @myriam_arts

 

Aicha sortit du métro et emprunta le chemin jusqu’à chez elle. Une fois franchie la porte de son appartement, elle s’affala sur le canapé et sombra dans un sommeil profond.

Une sensation de chatouille sur son visage la tira de son sommeil quelques heures plus tard, alors que la nuit était tombée. Elle ouvrit les yeux. Un visage souriant, les yeux remplis d’amour, lui faisait face. « Comment se porte ma reine aujourd’hui ? » Aicha aurait voulu lui répondre avec un sourire aussi tendre que le sien, mais elle n’y parvint pas. Elle essaya de parler, sans qu’aucun mot ne puisse sortir de sa bouche. Il reposa la question en caressant son visage pour l’encourager.

Soudain, elle éclata en sanglots. Cela faisait des jours qu’elle se retenait de pleurer, considérant cela comme un signe de faiblesse. En laissant ses larmes couler, elle ressentit une sensation incroyable de soulagement et de sérénité, comme si tous ses pleurs avaient entraîné dans leur chemin ses angoisses.

Il la serra très fort contre lui, puis attrapa ses mains. Une musique festive se répandit dans la pièce sur laquelle tous les deux se mirent à danser. Alors qu’elle tourbillonnait, Aicha sentit une délicate odeur parvenir jusqu’à ses narines. Elle se retourna et aperçut de délicieux mets sur la table.

 

 

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Histoire courte #3 : Le Djinn

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Myriam pour ses magnifiques illustrations !

 

Cette histoire est inspirée de faits réels.

 

C’était le dernier cours de science politique de l’année. L’enseignante gravit les trois marches jusqu’à l’estrade, puis ordonna à l’amphithéâtre de se taire. Asma, assise au quatrième rang, rassembla ses notes. Pour préparer la séance, la professeure avait demandé aux élèves d’identifier les différentes explications au phénomène de la radicalisation, afin d’organiser un débat sur ce sujet.

Après une heure de cours magistral, l’enseignante annonça le début du débat. Le micro fut donné à différents élèves, qui présentèrent des explications tantôt sociologiques, tantôt géopolitiques, jusqu’à ce qu’une élève au premier rang ne prenne la parole : « Le problème vient de l’islam en lui-même ! Doit-on vraiment s’étonner qu’une religion qui ordonne de frapper les parties génitales des femmes donne lieu à des comportements d’une telle violence ? » Aussitôt, un jeune homme au balcon rétorqua : « Peux-tu me dire à quel texte tu fais référence ? » La jeune fille sortit son téléphone de sa poche, effectua une rapide recherche Google, cliqua sur le premier site qu’elle trouva, et donna la référence d’un hadith. « Par qui a été rapporté ce hadith ? », insista le jeune homme. Mais sa question se noya dans l’agitation générale. L’enseignante interrompit le débat, rappelant que l’objectif était de relayer les théories des chercheurs et non son opinion personnelle.

Asma ressentit un sentiment d’humiliation et d’injustice en quittant l’amphithéâtre. Les élèves bavardaient gaiement à la sortie, ayant déjà oublié la scène qui venait de se produire sous leurs yeux. Au cours de la journée, le sentiment d’humiliation se transforma peu à peu en colère et en frustration. « Pourquoi n’ai-je rien dit ? Pourquoi ne me suis-je pas levée pour répondre ? », se reprocha Asma. Le soir, dans sa petite chambre étudiante, elle peina à trouver le sommeil. Elle se leva pour regarder le ciel noir par sa fenêtre, puis implora Allah de l’aider à surpasser ces pensées négatives.

Lorsqu’elle regagna son lit, une petite créature volante l’attendait près de son oreiller. « Ne t’inquiète pas, je ne te veux aucun mal, déclara la créature en voyant le visage apeuré d’Asma. Je suis là pour t’aider et exaucer un de tes vœux. » Le visage d’Asma s’illumina. Elle savait exactement quoi demander. La créature tapa dans ses deux mains, et en une fraction de seconde, Asma se retrouva dans ce même amphithéâtre dans lequel elle s’était sentie si impuissante quelques heures auparavant. Le temps qu’elle reprenne ses esprits, la professeure était déjà en train de clôturer le débat.

Asma prit son courage à deux mains, et se leva : « Excusez-moi, je voudrais dire quelque chose ! »

 

Crédit : @myriam_arts

 

Tous les regards se tournèrent vers elle. Plus personne ne parlait. « C’est à toi d’abord que je m’adresse, commença-t-elle en pointant du doigt la jeune fille. Rassure-toi, je ne vais pas essayer de te prouver que l’islam est une religion de paix et d’amour, et qu’à l’époque où elle est apparue, elle a offert à la femme un statut qu’elle n’avait jamais eu auparavant. Je ne vais pas essayer de te faire changer d’avis, car tu es de ceux qui pensent avant de réfléchir, alors que les sciences sociales, qu’on nous enseigne ici, nous invitent à laisser nos préjugés de côté avant de nous intéresser à un sujet. Sache que l’islamologie est une science. Une science qui tente de comprendre et d’analyser des textes datant de plusieurs siècles, révélés dans un contexte historique particulier, écrits en langue arabe. Sais-tu que, comme en science politique, il existe en islamologie différentes écoles, que les savants débattent parfois des heures sur la signification d’un seul mot tant la langue arabe est polysémique ? Te viendrait-il à l’idée de t’exprimer sur la théorie de la relativité sans avoir une notion de physique ? Je pense que non. Alors, comme tu le ferais pour toutes les autres sciences, abstiens-toi de parler de ce que tu ne maîtrises pas. Et si tu souhaites malgré tout suivre le chemin de la malhonnêteté intellectuelle, je te prie au moins de ne pas nous l’imposer dans un lieu de science comme celui-ci.

Et vous, Madame la professeure ! En clôturant le débat ainsi, vous manquez à votre rôle. Vous ôtez la parole dans un même geste aux musulmans offensés et aux islamophobes, comme si leurs discours étaient équivalents, comme s’il n’y avait pas d’un côté ceux qui se défendent d’une oppression et ceux qui humilient. Quel message envoyez-vous à cette promotion par ce silence ? Le message selon lequel un discours islamophobe a toute sa place dans cette institution, qui formera l’élite politique de demain. Comment s’étonner alors que l’on retrouve ces mêmes inepties islamophobes dans la bouche de nos dirigeants et de nos journalistes ?

Et vous, la masse silencieuse, qui une fois ce cours terminé, poursuivra sa journée, tranquille, ira manger son sandwich, tranquille, prendra le métro, tranquille, puis ira se coucher, tranquille, soutenez votre camarade musulman, montrez-lui votre compassion, prenez au sérieux sa peine, car si pour vous ceci n’est qu’un cours comme un autre, lui vient de vivre une humiliation publique de plus parmi tant d’autres. Et, lorsqu’il a le courage de se lever face à la foule, applaudissez-le ! »

Sur ce, Asma se rassit, tandis qu’éclata un tonnerre d’applaudissements dans l’amphithéâtre.

 

 

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Histoire courte #2 : Super M contre Henri Zemar

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Myriam pour ses magnifiques illustrations !

 

Henri Zemar quitta le plateau télévisé un sourire satisfait sur les lèvres. Ce soir, il avait démontré avec brio l’incompatibilité des musulmans, islamistes et islamo-gauchistes, trois mots différents ne désignant qu’une seule et même réalité, avec les lois de la République. Durant les cinquante minutes d’antenne, le journaliste n’avait cessé de hocher la tête, le mettant en confiance. Il était particulièrement fier d’une réplique : « La charia est aussi républicaine que le kebab est français », réplique dont le niveau intellectuel n’avait d’égal que l’intensité des réactions qu’elle avait suscitées sur les réseaux sociaux.

Durant le trajet retour vers chez lui, Zemar jubila à l’idée de visionner son intervention en replay, une vieille habitude qu’il avait acquise depuis qu’il fréquentait assidument les plateaux télévisés. A chaque visionnage, il s’extasiait devant ses qualités d’orateur et la profondeur de ses propos, qui s’exprimaient avec toujours plus d’approbation et toujours moins de contradiction de la part des journalistes.

A quelques rues de là, Super M, investie d’une nouvelle mission, s’activait dans sa chambre. Ses doigts pianotaient sur le clavier à toute vitesse, tandis que les lignes de code défilaient sur son écran.

Le lendemain de son intervention, Zemar commença sa journée en s’adonnant à son rituel favori. Il posa son plateau déjeuner sur ses genoux, puis saisit la télécommande et sélectionna le replay de l’émission. L’écran grésilla quelques instants, avant que l’image ne devienne claire. Les sourcils de Zemar se froncèrent à la vue d’une femme portant le voile. Assise devant un fond de couleur rose, celle-ci déclara : « Bonjour ! Je suis Nadia, cheffe d’entreprise, et musulmane ! » L’image suivante était celle d’une jeune femme aux longs cheveux bruns bouclés, qui s’exclama : « Bonjour ! Je suis Leila, réalisatrice, et musulmane ! » La troisième séquence représentait une femme âgée, arborant avec fierté un turban orange. « Bonjour, je suis Hayet, chirurgienne, et musulmane ! », dit-elle.

 

Crédit : @myriam_arts

 

Pendant cinquante minutes, Zemar scruta ces visages incompatibles avec la République avec fureur. La télécommande ne fonctionnait visiblement plus, impossible de changer d’émission ou même d’éteindre la télévision.

Zemar se saisit d’une serviette et épongea son front plein de sueur. Puis, à bout de souffle, il vacilla, tandis qu’un logo noir « Super M » s’affichait à l’écran.

 

 

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Histoire courte #1 : L’élue

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Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Myriam pour ses magnifiques illustrations !

 

Des années qu’elle en rêvait, et ce jour était enfin arrivé. Fatima réajusta sa robe blanche et inspecta son retour dans le miroir. Chaque détail de son apparence serait scruté, commenté, débattu. Elle devait être parfaite.

 

Crédit : @myriam_arts

 

Autour d’elle, sa fidèle équipe, entièrement constituée de femmes, s’activait. Il y avait Houda, la maquilleuse ; Sarah, la coiffeuse ; Janine, la styliste qui l’avait aidée à choisir sa robe ; Imane, la cuisinière chargée du buffet ; et Samia, la caméraman.

Alors que ce jour était le plus beau de sa vie, Fatima ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine anxiété à l’idée de faire un geste ou de dire un mot déplacés, couplée à la gêne d’être le centre de l’attention.

Désormais, sa vie ne serait plus jamais la même. Elle aurait de nouvelles responsabilités. Elle devrait tenir ses promesses, aller au bout de son engagement.

Derrière le rideau, la rumeur se faisait de plus en plus forte. Fatima écarta le rideau et s’avança sur la scène. Elle prit une grande inspiration, avant de déclarer : « Mes chers compatriotes, merci de m’avoir fait confiance ce soir. En m’élisant Présidente de la République, vous avez fait le choix du changement. »

 

 

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