Histoire courte #6 : Effet miroir

par | 4/03/22 | Histoires courtes

Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à  redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Blachette pour ses illustrations ! 

 

Samia pénétra la première dans l’amphithéâtre, pleine de joie. Elle scruta la salle encore vide et s’assit au premier rang, puis contempla l’immense tableau noir avec émotion. Tandis que les rangs se remplissaient, son imagination dessinait sur le tableau des courbes, des équations, des suites de nombres. Elle se réjouissait à l’idée de découvrir, au cours des prochaines années, de nouveaux objets mathématiques, des propriétés insoupçonnables, des démonstrations surprenantes.

Lorsqu’elle sortit de sa rêverie, la salle était pleine. En balayant la foule du regard, un sentiment de malaise l’envahit. Les étudiants étaient des copies conformes les uns des autres. Tous des hommes, ils dégageaient cette même confiance en eux, se comportaient comme si leur présence dans cet amphithéâtre allait de soi, comme si c’était la continuité logique de leurs années lycée. Ses voisins parlaient entre eux de concepts mathématiques qu’elle n’avait jamais étudiés. Sa stupeur augmenta encore lorsque, dans une synchronisation parfaite, ils sortirent chacun de leurs sacs un épais polycopié portant l’intitulé du cours, un document dont elle ignorait l’existence.

Occupée à observer les autres, elle mit du temps à se rendre compte qu’on l’observait aussi. La foule l’observait. Mal à l’aise, elle baissa le regard et regretta ses cheveux bouclés trop volumineux et sa robe orange trop voyante. Dans sa naïveté, elle avait cru pénétrer dans un monde uni par la passion des mathématiques, qui acceptait tout le monde, d’où qu’il vienne.

Le brouhaha s’arrêta lorsque le professeur pénétra dans la salle. Il écrivit son nom sur le tableau, son adresse mail, puis, sans même saluer l’audience, commença son cours.

Samia sortit de l’amphithéâtre pleine de doute. Elle rêvait depuis l’âge de cinq ans de devenir mathématicienne. Face aux questions des adultes, elle avait toujours été l’enfant qui savait ce qu’elle voulait faire plus tard. Comment une conviction si profonde avait-elle pu être ébranlée en l’espace d’une heure ? Elle se sentait si différente de ce professeur presque robotique et de ces étudiants surhumains qu’elle ne pouvait s’imaginer être un jour à sa place.

 ***

Selma pénétra la première dans l’amphithéâtre, pleine de joie, exultant à l’idée de faire ses premiers pas dans le monde des mathématiques.

Mais à mesure que la salle se remplit, un sentiment de malaise l’envahit. Elle ne trouva personne qui lui ressemblait et se sentit soudainement seule et inférieure à tous ces étudiants sûrs d’eux-mêmes.

Ce sentiment s’accentua lorsqu’elle prit conscience qu’ils la regardaient. Comme quelqu’un d’étrange, de différent. Selma se dit d’abord qu’elle prenait trop de place, avec ses cheveux bouclés volumineux. Puis elle en vint même à douter de mériter sa place dans cet amphithéâtre, alors que sa passion pour les mathématiques était la seule chose dont elle n’avait jamais douté au cours des dernières années.

Soudain, le brouhaha s’estompa. La professeure pénétra dans la salle, toute d’orange vêtue, et les cheveux aussi volumineux et bouclés que ceux de Selma. Elle écrivit son prénom au tableau, puis, avant même de parler, se tourna vers l’audience et la contempla du regard.

Ses yeux croisèrent ceux de Selma et elle perçut un changement dans le regard de la jeune fille. Plein de doute, il se changea en un regard brillant, confiant en l’avenir.

Crédit : @blachette

 

 

Les autres histoires courtes

 

 

Diffuse la bonne parole