Catégories
(Dé)construction

La foi au service de la résistance, la spiritualité au service de la résilience

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Quelle est notre plus grande force ? À nous, militantes féministes musulmanes ?
C’est devant le film « Derrière les fronts : résistance et résilience en Palestine » que je me suis rappelé que cette force, c’était notre foi.

 

À mesure que retentissent les voix, les paroles musicales de Sanaa Moussa, Julia Boutros ou Shadia Mansour, à mesure que défilent des images imprégnées de l’âme palestinienne, Alexandra Dols nous emporte . Militante féministe anti-impérialiste, réalisatrice, Alexandra Dols nous emmène avec elle à travers un chemin périlleux, un chemin qui a peut-être été risqué, mais qui nous offre un petit bout de divin ici-bas. Un petit bout de divin. Le Sublime.

 

En ces temps parfois difficiles où tout ce système nous pousse à nous mettre en retrait et à invisibiliser nos luttes, il y a cette petite voix intérieure qui nous enflamme  et nous permet de continuer.

 

Continuer, ne rien lâcher, et cela, en toute sororité. C’est ce qu’Alexandra Dols met merveilleusement en avant à travers les combats queers, féministes et décoloniaux de puissant.e.s palestinien.ne.s qui luttent contre l’occupation.

 

Assoiffés de justice et emplis d’injustices, les territoires palestiniens dégagent malgré tout une magnifique atmosphère rythmée par les adhan et les chants spirituels, la simplicité, l’essentiel. Car il ne reste plus que ça, n’est-ce pas ?

 

La Paix du divin devient la seule à laquelle on peut se raccrocher. 

 

Mettre leur foi au service de la résistance, c’est ce que font les nombreuses femmes interviewées qui conjuguent féminismes et islamité :

 

Samah Jabr, experte, psychiatre, nous explique en quoi la colonisation des territoires est aussi une colonisation mentale, affectant la santé des palestinien.nes. Elle aide ses patient.e.s à se désaliéner, à décoloniser leur état d’esprit malgré les nombreux traumas sans cesse revivifiés. Les questions de santé mentale, de self care et de community care s’entremêlent et rejoignent, également les questions d’héritage, de transmissions.

 

 

Ainsi, comment peut-on affirmer et conjuguer ses multiples identités, sans jamais renoncer à l’une d’entre elles comme son identité palestinienne ? Ghadir Al Shafie, femme à la fois palestienne, musulmane et lesbienne, nous mène vers ces réflexions à travers la lutte contre l’occupation et le pinkwashing présent en territoires occupés.

 

Comment fait-on pour résister dans ce contexte ? Pour lutter contre les violences policières, protéger ses enfants, survivre face à cette peur qui nous ronge et nous empêche de véritablement souffler ? C’est ce que nous démontre Deema Zalloum mais aussi Rula Abu Diho, ancienne prisonnière politique.

 

À travers le regard d’Alexandra Dols porté sur cette convergence de luttes, on se sent emporté.e, on est plongé.e, transporté.e, et on a pas envie que ça s’arrête, mais en même temps on peut avoir besoin de pauses.

 

SubhanAllah. 

C’est le premier mot qui me vient à l’esprit, je te jure. D’ailleurs je n’ai même pas capté que le film allait se terminer. J’étais devant, et j’ai vu que c’était la fin mais j’avais pas envie que ça se termine. J’ai pas les mots mais tout ce que je peux dire c’est que c’est hyper poignant. Franchement Bravo Alex, c’est un travail immense, un film d’une tristesse infinie et en même temps d’une puissance et d’une force sans équivalent.J’en reste encore émue et j’ai beaucoup d’admiration pour tout ce que tu as fait et cette merveilleuse psychiatre présente tout au long du film. Toutes les personnes interviewées et leurs témoignages sont juste bouleversants.

 

 

C’est l’art au service de nos luttes, de nos convictions, de nos aspirations, l’art au service de notre thérapie collective.

Tous ces mots, la musique, toutes ces images…. Tout, tout ! SubhAnallah. Il y a une phrase qui m’a beaucoup marquée ; quand la psychiatre dit :

« L’occupation n’est pas seulement un contrôle du territoire. Et s’insinue dans les os et les esprits des Palestinien.ne.s.

 

« Les coquelicots continueront à pousser sous les ruines d’un pont….« 

 

Le son, les images, le déroulé… tout est tellement bien fait. C’est à la fois un film politisé, engagé, très concret, réaliste et qui incarne véritablement nos combats pour la justice, contre toutes les formes d’oppressions.

 

Le peu de films qui m’ont marquée sont quasi tous sur la Palestine…. dont Les Citronniers….

Je pense que Derrière les Fronts, pour moi, c’est clairement un des films les plus marquants.

 

J’ai été particulièrement touchée par ce film. Par différentes formes de tension et de prières.

 

Au début j’avais les bras croisés, je me sentais plutôt en colère… puis je me suis rendue compte que petit à petit j’avais les bras sur le cœur, comme quand tu pries, les mains en dessous de ma poitrine. C’était hyper prenant.

 

Certes c’est infiniment triste et il y a des témoignages durs et en même temps on voit la force qu’il y a derrière, on voit la force de la résistance, celle qui se transmet notamment à travers l’art, la danse.

 

Le film porte très bien son nom, et quelque chose me murmure qu’au-delà même de l’art comme outil émancipateur facilitant nos thérapies, notre foi est au service notre résistance, notre spiritualité au service notre résilience. Ce « sumud » décrit et illustré par ce film n’est pas seulement un état d’esprit mais bien une force immense qui nous pousse à agir.

 

Et je suis sûre que ça peut résonner en chacune et chacun de nous. Nous avons toutes et tous une responsabilité à notre échelle.

 

Me rappelant des souvenirs du Caire et d’Abou Dhabi, des soirées palestiniennes et un voyage en Jordanie, je me demande : pourquoi n’ai-je pas regardé ce film plus tôt ?

 

À la thérapie se mêlent entre autres l’art, la spiritualité et le militantisme. La Beauté. MashAllah

 

Foncez !

 

Mille mercis à Alexandra Dols et à toutes les personnes qui ont contribué à ce film qui ajoute à ce monde ici-bas un petit bout de Divin qui nous laisse tout sauf indifférent.e.s. Un petit bout de Divin qui nous redonne la force et l’énergie, celle de croire, de lutter et d’aspirer à un monde meilleur.

 

Pour aller plus loin : 

10 raisons pour lesquelles le film Derrière les fronts va faire du bien à votre féminisme ! par la réalisatrice Alexandra Dols : https://bit.ly/3az0poh

Pour soutenir et voir le film en ligne : http://derrierelesfrontslefilm.fr

Film en VOD : https://vimeo.com/user44880668

Et si vous voulez découvrir la gastronomie palestinienne, la résistance dans l’assiette c’est par ici, chez Ardi : https://www.instagram.com/ardi.concept.store/?hl=en

Voir l’article sur Rania Talala : http://www.lallab.org/rania-talala-la-resistance-palestinienne-dans-lassiette/

 

Crédit photo à la Une : HybridPulse

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
Portraits

Ahed Tamimi, une victime méritant un soutien international



[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

La jeune activiste palestinienne Ahed Tamimi est maintenue en détention depuis décembre dernier par l’occupation israélienne, suite à une vidéo partagée sur les réseaux sociaux dans laquelle la jeune fille est filmée en train de chasser et gifler deux soldats.
Ahed signifie en arabe « promesse »… la promesse de lutte et de résistance contre l’occupant de sa terre. Elle est connue pour son courage face à l’occupation israélienne. Cette jeune militante âgée de 17 ans risquait jusqu’à 10 ans de prison ; elle a finalement été condamnée, le 21 mars dernier, à 8 mois de prison ferme.

 

Elle est accusée par les autorités israéliennes d’avoir agressé et provoqué des soldats israéliens, suite à la publication d’une vidéo dans laquelle elle apparaît avec sa cousine Nour Tamimi, 21 ans, en train de bousculer et gifler des soldats.

Quelques jours après la publication de la vidéo, Ahed Tamimi, sa mère Nariman Tamimi et sa cousine sont arrêtées par l’armée israélienne. 12 chefs d’inculpation sont retenus contre Ahed, concernant principalement le dernier évènement, datant du 15 décembre, pour « agression et gifle ». Les autres accusations sont liées à des évènements s’étant déroulé durant les deux dernières années, pendant lesquelles Ahed a eu des confrontations avec des soldats israéliens.

Depuis l’arrestation de cette jeune femme militante, nous avons pu constater l’absence cruciale de soutien de la part de la majorité des groupes qui défendent habituellement les droits humains ou les droits des femmes. Bien peu de groupes féministes ont déclaré publiquement leur soutien pour cette militante qui reste avant tout une mineure, ni même critiqué le traitement des autorités israéliennes.

Al Jazeera s’est d’ailleurs demandé pourquoi l’arrestation d’Ahed ne suscitait pas autant de mobilisation que les attaques subies par Malala Yousafzai. En effet, aucune campagne de soutien #StandUpForAhed ou #JeSuisAhed n’a été lancée, et la majorité des représentants d’Etats, des journalistes et des organisations ayant soutenu Malala sont restés silencieux. Est-ce parce qu’Ahed n’a pas été blessée physiquement comme Malala l’a été à la tête par les balles de Tehrik-e-Taliban ? Pourtant, Ahed est comme Malala : elle lutte depuis son plus jeune âge contre la violence et l’injustice. La violence est présente dans son quotidien face à l’occupation israélienne : comme le rappelle Amnesty International, le jour même où la vidéo a été tournée, son cousin Mohammad Tamimi, 15 ans, a été grièvement blessé à la tête par une balle en caoutchouc tirée à bout portant par un soldat israélien.

 

Ahed Tamimi, à 11 ans, face à des soldats israéliens. Crédit : Abbas Momani / AFP

 

Deux réactions pour une même lutte : pourquoi ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer ces deux réactions complètement différentes. D’abord, les actes de violence ou les agressions perpétués par les États sont généralement vus comme légitimes et appropriés.

Les autorités israéliennes ont justifié l’arrestation d’Ahed par la menace qu’elle représenterait pour les soldats et l’Etat israéliens. Cette justification ouvre la porte à tous types d’abus : selon Amnesty International, « des centaines de mineurs palestiniens sont poursuivis chaque année devant les tribunaux militaires israéliens pour mineurs. Ceux qui sont arrêtés sont systématiquement privés de leurs droits et soumis à des mauvais traitements, voire à des violences physiques ». En invoquant un danger incarné par les militant·e·s palestinien·ne·s, l’Etat israélien réagit ainsi avec « des sanctions disproportionnées » à des « actes de désobéissance civile relativement mineurs », selon Magdalena Mughrabi, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique à Amnesty International. Le ministre israélien de l’éducation, Naftali Bennett, estime par exemple qu’Ahed et sa cousine « devraient finir leurs vies en prison » – pour une vidéo les montrant en train de frapper à mains nues des représentants suréquipés d’une armée d’occupation, rappelons-le.

 

Ce que vit actuellement Ahed montre bien l’indignation sélective d’une grande partie de l’opinion publique des pays occidentaux, où seuls certains types de personnes et de causes sont vus comme méritant d’être défendus et soutenus.

D’autre part, on peut se demander pourquoi Ahed, une jeune femme émancipée qui lutte contre la colonisation et l’oppression pour défendre sa terre, ne devient pas une icône féministe dans nos pays occidentaux.

Ahed est une activiste, dont le féminisme est politique. Elle s’appuie sur sa force en tant que femme pour montrer la violence, l’abus et l’oppression des forces de l’occupation. Cela fait d’elle une femme présentée comme « dangereuse » et par conséquent, elle n’est pas qualifiée comme la victime « idéale » pour une campagne de soutien  international.

Par ailleurs, Ahed ose se soulever contre un État que peu de gens osent dénoncer. Critiquer les actions du gouvernement israélien, qui viole un nombre toujours grandissant de résolutions internationales, est souvent vu comme un signe d’antisémitisme, y compris de la part de militant·e·s se disant féministes, faisant ainsi un amalgame dangereux entre antisémitisme et anti-sionisme. On a encore pu le constater récemment lorsque la chanteuse Mennel Ibtissem, participante de l’émission The Voice, a été accusée d’antisémitisme en raison de son soutien au peuple palestinien.

 

Un traitement médiatique à revoir…

 

Les médias traditionnels ont aussi été peu nombreux à soutenir Ahed. Malgré la répression dont souffrent les Palestinien·ne·s, peu d’actions ont été prises pour dénoncer les actions du gouvernement israélien et l’emprisonnement de la jeune militante. Peu de médias ont réellement présenté les faits tels qu’ils étaient. De nombreux articles « oublient » de mentionner qu’un soldat israélien a tiré sur Mohammed Tamimi quelques heures avant la gifle donnée par Ahed. Les principaux journaux français ont montré la vidéo de son arrestation, où les soldats sont calmes, mais pas celle de l’arrestation de sa mère, Nariman, où l’on voit la violence militaire.

Ils n’ont pas non plus parlé de la double législation en Israël. Si les Israélien·ne·s sont soumis·es à la loi civile, les Palestinien·ne·s, sous occupation, sont soumis·es à la loi militaire, beaucoup plus répressive. La majorité des articles n’ont donc pas précisé qu’Ahed n’aurait jamais été emprisonnée si elle avait été israélienne. En 2006, les médias mainstream n’avaient d’ailleurs pas critiqué le geste de l’Israélienne Yifat Alkobi, qui avait giflé le soldat qui tentait de protéger un enfant palestinien des pierres qu’elle lançait, et qui n’a pas été emprisonnée.

Plusieurs journalistes ont par ailleurs tenté de discréditer Ahed et de la présenter comme une enfant manipulée par sa famille, quasi « endoctrinée » depuis son plus jeune âge, plutôt que comme une militante qui revendique ses actions. Il semble que dénoncer l’emprisonnement d’une adolescente de 16 ans  – elle a passé son 17ème anniversaire en prison – qui subit une répression constante et tente de défendre sa famille ne préoccupe pas beaucoup de médias ou d’associations. L’Etat israélien peut donc poursuivre sa répression sans opposition. On peut d’ailleurs rappeler que la reconnaissance de l’État palestinien n’a été votée par le Parlement français qu’en 2014 et qu’elle n’a qu’une valeur symbolique.

 

 

Ahed Tamimi devant un tribunal militaire israélien. Crédit : AFP

 

En tant qu’association féministe et antiraciste, Lallab tient donc à apporter son soutien à la jeune Ahed Tamimi et attend sa libération. Nous regrettons que les répressions subies quotidiennement par les Palestinien·ne·s ne soient pas dénoncées par plus de médias et organisations, et nous rappelons que toutes les femmes se battant pour défendre leurs droits méritent notre attention et notre mobilisation.

 

Et comme l’a dit Ahed elle-même :

Nous ne voulons pas que vous nous souteniez à cause de quelques larmes photogéniques, mais parce que nous avons fait le choix de la lutte et que notre lutte est juste. C’est la seule façon de pouvoir arrêter de pleurer un jour.

 

Article co-écrit par Dorsaf et Mathilde L.

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
Portraits

Rania Talala : la résistance palestinienne dans l’assiette

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Quand je vois passer l’évènement pour un ftour (repas de rupture du jeûne) organisé par Les ptits plats palestiniens de Rania, je fonce. J’appelle mes amies et hop, c’est réservé. Samedi soir, je mange palestinien ! Et c’est ainsi que je pars à la rencontre de Rania Talala, cheffe cuisinière palestinienne qui à travers la cuisine se bat contre l’oubli et pour la transmission et l’héritage palestinien ! La résistance passe aussi dans l’assiette !

 

Lorsqu’on décide d’aller manger palestinien, ça ne peut pas être neutre. Ça ne peut pas être juste de la cuisine. On pense forcément à eux. Ce peuple colonisé, massacré, boycotté. Et c’est bien plus que cela que nous partageons avec Rania ce soir-là. Décollage imminent ! Pas besoin de prendre l’avion, un petit arrêt à Saint-Denis nous emmène directement à Hébron, Jérusalem …

Nous sommes accueillies par une Rania souriante, un keffieh palestinien noir et blanc sur les cheveux et arborant un T-shirt Artists for Palestine, qui rassemble des artistes de toutes disciplines afin d’organiser des campagnes de solidarité avec la lutte du peuple palestinien.

Crédit photo : Ptits plats palestiniens de Rania

 

Une cuisine engagée

Le ton est donné. Ce soir, c’est un dîner engagé. Nous sommes une quarantaine de personnes. Rania  l’artiste culinaire de la soirée est entourée de sa famille, des jeunes et des moins jeunes qui se plient en quatre pour prendre soin de nous le temps d’un dîner.

Elle rayonne. Pourtant, hier, avec de nombreux.ses bénévoles, ce sont 300 personnes qui ont dégusté ces plats lors du festival ciné-Palestine. Ce festival lui tient particulièrement à cœur : elle a fait des études de cinéma et voulait être réalisatrice.

Je suis attachée aux artistes palestinien.ne.s. La culture palestinienne est très riche. Il faut les soutenir à fond. Les artistes se débrouillent comme ils et elles peuvent avec des collectes de fond et du système D en permanence. 

 

Ce festival est une autre façon de parler, de faire découvrir la Palestine. Il est organisé uniquement par des bénévoles, qui sont là « par amour ».

C’est parti pour un repas ramadanesque. En entrée, une soupe de lentilles corail, fondante et goûteuse. Son souvenir me fait encore saliver (et dire que je jeûne en écrivant ces lignes). Un houmous maison l’accompagne. S’en suit le plat traditionnel palestinien par excellence, le msakhan : pain taboun ou pita, recouvert d’oignons confits au sumac et à l’huile d’olive, et poulet au sumac.

Rania tient à ce plat. Et ce choix n’est pas anodin. Elle nous explique :

C’est un plat qui représente la terre de Palestine. C’est une culture de Bédouins. [C’est un plat] à base d’huile d’olive, des oliviers de là-bas. Le poulet est fourni par les fermiers. Le pain fabriqué par les femmes, dans un four sous terre. Il est servi les jours de fête. On le sert aux gens lorsque l’on veut leur faire plaisir. 

 

Elle poursuit :

C’est auprès de ma grand-mère, de mes tantes, de mes cousines, que j’ai appris à cuisiner. Je suis restée pendant presque 9 ans en Jordanie, là où quasi l’ensemble de ma famille a émigré. Tout le monde voulait être la meilleure cuisinière, alors nous nous défiions souvent. 

 

Pour finir, un atayef : une sorte de crêpe épaisse fourrée aux noix, à la cannelle et à la noix de coco, plongée rapidement dans un délicieux sirop à l’eau de rose. Miam !

Repas réussi ! Elle peut souffler et nous prenons le temps de discuter.

Rania est une résistante. A travers ses plats, elle résiste pour faire vivre la Palestine et lutte contre l’oubli de l’héritage culinaire palestinien. Parler de son pays, par tous les moyens. La colonisation n’est pas seulement territoriale, elle est culturelle, artistique et aussi culinaire. Rania utilise ainsi la cuisine pour perpétuer la mémoire. Elle tient d’ailleurs à cette notion de résistante et non pas de militante :

Lorsque tu es militante, tu fais le choix de militer pour une cause. Mais lorsque tu nais Palestinienne, tu n’as pas le choix. Tu es résistante par nature. 

Je lui demande de nous parler des femmes palestiniennes.

Les femmes palestiniennes ont des personnalités multiples. Mais elles sont toutes prises par l’Histoire. Pour celles qui sont sur place, leur actualité est rythmée par la colonisation, ce sont des résistantes au quotidien. Celles issues de la diaspora sont des étendards de leur pays à l’extérieur. 

 

Quel bel étendard nous offre-t-elle !

Rania est née et a grandi à Paris. Puis s’est installée plusieurs années en Jordanie auprès de sa famille pour tisser un lien avec ses racines palestiniennes et découvrir l’histoire de sa famille exilée de force en Jordanie.

De retour en France elle ouvre son blog culinaire et reprend sa fonction de professeure d’anglais. Mais elle a l’impression d’en avoir fait vite le tour. Parallèlement elle publie ses recettes palestiniennes sur internet et les gens veulent goûter.

Pendant un an, elle travaille et cuisine en même temps. Mais un choix s’impose. En mars 2017, la cuisine devient son métier à temps plein : traiteur, cours de cuisine, … Ce n’est que le début !

Résister, parler de la Palestine par tous les moyens

 

Elle résiste par la cuisine, mais pas seulement…

En plus de ses marmites, elle a aussi sa plume. Sur son blog, elle écrit des textes riches, puissants, à la première personne :

Je m’appelle Ahmad. J’ai dix ans. Je suis né à Gaza. Comme tous les enfants de mon âge, je vais à l’école. Mon école est originale : le plafond est à moitié cassé et y’a des trous sur les murs et le tableau. Ça ne me dérange pas, car à travers les trous, je suis la lumière et je rêve encore plus loin. 

 

D’ailleurs, elle rêve de publier un livre. Non, deux !

Un livre de cuisine, un beau livre où il n’y aura pas que des recettes, mais des photos, des écrits… Et puis un recueil de mes textes. La lecture, la cuisine, l’art, la caméra, le stylo, la marmite, tous les moyens sont bons pour parler de la Palestine. Si je savais peindre… Et puis, écrire un livre, ça se partage de mains en mains, ça touche un max de personnes… Il y a la photo aussi. C’est vivant, c’est vital. La France est en retard par rapport aux pays anglo-saxons sur ce sujet. 

 

Rania est aussi amenée à parler, à témoigner dans de nombreuses conférences, à partager un discours sur son point de vue politique de la cause palestinienne. Elle a fait partie du collectif Paris 8 pour la Palestine lors de ses études. Vous pourrez d’ailleurs l’entendre, le 1er juillet 2017, lors d’une journée organisée par L’association méruvienne pour la Palestine.

Rania est une femme active. Elle a des tonnes de projets en tête ici et là-bas :

J’espère pouvoir aller prochainement en Palestine et y faire un documentaire autour de la cuisine, immortaliser les dernières grands-mères. Et si je peux, un jour, j’ouvrirai un orphelinat là-bas aussi. La cause des enfants, l’enseignement me touchent énormément.

 

Ses propres enfants sont impactés par la cause palestinienne. Ils et elles sont fier.e.s d’elle et deviennent eux et elles aussi des messagers du peuple palestinien auprès de leurs ami·e·s, à l’école…

Il n’y a pas que le peuple qui a été colonisé, mais la culture, la cuisine… Par exemple, le falafel est bien une spécialité palestinienne !

 

Je lui demande quel est son rêve :

Mon rêve, c’est que la Palestine rentre dans toutes les maisons, rentre dans les mœurs. Que la Palestine ne soit plus un sujet sensible, tabou. J’aimerais ouvrir un centre culturel palestinien : qu’on puisse s’y restaurer, découvrir la poésie palestinienne, danser la dabkeh, découvrir des artistes, débattre…

 

Crédit photo : Rania

 

Un dernier conseil pour nous qui ne sommes pas palestinien·ne·s mais touché·e·s par la cause ?

Mobilisez-vous, pas forcément dans la rue, mais allez aux événements sur ce peuple, faites passer les infos de ces événements sur les réseaux sociaux, partagez ce qu’ils disent, faites tourner. Découvrez les livres sur la Palestine, les articles, les artistes, partagez vos coups de cœur. Les Palestiniens, plus que les dons, disent : « Parlez de nous ! » 

 

Ne vous inquiétez pas, on ne vous oublie pas. Ni elle, ni nous, dans nos invocations.

La Palestine, c’est l’histoire d’un peuple opprimé, colonisé illégalement. Mais, aujourd’hui, grâce à Rania, lorsque je penserai à la Palestine, je penserai à sa cuisine, à ses saveurs, à ses plats chargés d’une terre si spéciale. Quand je penserai à la Palestine, je sourirai même !

En pensant à ton sourire, Rania, j’imaginerai les femmes en train de faire ce pain, dans ce four sous terre.

Certes, ils ont colonisé leur terre, mais pas leur âme ! Un jour, qui sait, nous irons voir ces femmes là-bas, en paix, nous apprendre tout ce que tu nous a partagé ce soir. Merci à toi !

 

Palestinement

 

Prochain ftour le samedi 23 juin 2017 au Pavillon à Saint Denis – Réservations via ce lien

Les ptits plats palestiniens de Rania sur Facebook et Instagram

Les autres pages de Rania : son blog Quand Rania cause, son profil Rania Talala, sa page Chroniques d’une Palestinienne de France

 Crédit Photo de couverture : Humans for Women

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
Portraits

Elsa Ray : la plume au service de l’engagement

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

C’est l’un des avantages d’écrire pour Lallab : je peux profiter d’écrire le portrait d’une femme musulmane que j’admire et qui m’inspire… pour la rencontrer. Elsa Ray, ancienne porte-parole du Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF), femme engagée et à la plume poétique, me reçoit chez elle. Son accueil naturel et chaleureux me met tout de suite à l’aise, et je découvre l’énergie positive et la philosophie de vie qui lui permettent d’être aussi active.

 

A première vue, le parcours d’Elsa Ray ne semblait sans doute pas une évidence. Elle grandit dans un petit village de Bourgogne, qu’elle quitte après un bac littéraire. Elle étudie les sciences politiques à Lyon et à Rennes, puis le journalisme à Montpellier. Mais malgré l’intérêt qu’elle porte à ses cours, notamment ceux qu’elle suit avec Edwy Plenel, elle sent que son chemin est ailleurs. A 22 ans, son diplôme en poche, elle part pendant un an comme jeune fille au pair aux Etats-Unis, dans le petit Etat du Connecticut. Inspirée par les cours qu’elle y suit et par l’esprit d’initiative qui y règne, elle décide de se consacrer à ses rêves dès son retour en France.

J’avais deux rêves : écrire un livre et m’engager dans l’associatif. (…) Si j’ai un rêve ou une ambition, je ne me mets pas de frein, pas de barrière : je me donne les moyens pour y arriver. 

De retour dans l’Hexagone, elle couche sur le papier son premier roman (non publié) ; l’idée ayant pris forme depuis un certain temps dans ses pensées, le processus prend moins de trois mois. Elle est ainsi libre de se consacrer à son deuxième projet, celui de s’engager dans le milieu associatif. Mais pas n’importe où : marquée par les émeutes de 2005 dans les banlieues, elle s’intéresse particulièrement aux quartiers populaires. Le contraste avec son propre milieu d’origine, à la fois rural et plutôt aisé, renforce la curiosité à laquelle son éducation l’a toujours encouragée.

 

Engagements associatifs et découverte de l’islam

 

Désormais installée en région parisienne, elle donne des cours d’anglais dans une agence, puis y devient chargée de recrutement. Ses activités professionnelles ne représentent toutefois qu’un à-côté, l’essentiel de son temps étant consacré à ses activités associatives. Elle s’engage notamment au sein du collectif Stop le contrôle au faciès, et est pendant plusieurs années la secrétaire du collectif Cité en mouvement, qui vise à mettre en réseau les initiatives dans les quartiers populaires.

Face à l’étendue des difficultés, on peut parfois se dire que ce qu’on ferait ne servirait à rien ; mais je pense qu’il est essentiel d’agir et de se rendre utile à son niveau. 

Ses engagements changent complètement son environnement : pour la première fois de sa vie, elle est entourée majoritairement de musulman.e.s. Elle se sent « comme chez elle » dans son nouveau milieu, y noue de solides amitiés, et est marquée par la gentillesse et la solidarité qu’elle observe. Fascinée par l’islam depuis toute petite, son intérêt est croissant. « Mais je ne voulais surtout pas apprendre l’islam par les gens ! »

Sa première lecture du Coran ne la transcende pas, mais elle continue à chercher la connaissance par elle-même, dans les livres. Convaincue par ce qu’elle lit, elle fait alors les choses méthodiquement, changeant son comportement petit à petit, avant même de se convertir. Ainsi, lorsqu’elle franchit le pas, au début de l’année 2013, elle se sent cohérente vis-à-vis de sa foi – elle a même déjà commencé à prier.

 

Sur le devant de la scène avec le CCIF

 

Peu de temps s’écoule avant qu’elle n’allie ses convictions et son engagement associatif : en mars de la même année, elle rejoint le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), en tant que chargée de communication et chargée de projet. Pendant deux ans, elle développe IMAN (Islamophobia Monitoring and Action Network), le premier projet paneuropéen de lutte contre l’islamophobie.

 

Crédit Photo : SaphirNews

 

Subventionné par l’Union Européenne et porté par le CCIF et le réseau d’associations de jeunesse musulmanes FEMYSO, il réunit une quinzaine d’associations musulmanes ou de lutte contre le racisme et les discriminations, venant de huit pays européens différents. Elsa Ray compare l’étendue de ce projet à « une maison à construire sur un terrain vague » : il s’agit de collecter des données sur l’islamophobie pour combler le manque en la matière en Europe, de créer une plateforme intranet, et de développer des supports de formation sur cette thématique.

 

C’est lors d’une formation IMAN à Londres qu’elle prend la décision de porter le foulard. Elle, qui avait auparavant l’impression que ce n’était pas quelque chose pour elle, le garde en sortant d’une mosquée, pour ne plus jamais le retirer. Elle se souvient de la date exacte : le 12 mars 2014.

L’annonce à la famille est difficile, mais elle vit une période d’exaltation spirituelle intense, heureuse d’avoir pris « la plus belle décision de [s]a vie » et d’avoir fait ce choix uniquement par amour pour Dieu. Bien que les plus simples moments du quotidien puissent maintenant être synonymes de difficultés, les regards, les remarques et les insultes glissent sur elle. Face à ces réactions hostiles, elle prône la douceur, mais aussi la fermeté : « Ne jamais, jamais céder sur ses droits ».

 

Cette position est sans doute influencée par les témoignages de victimes d’islamophobie qui sont accompagnées par le CCIF. Elsa Ray reste malgré tout optimiste : elle voit dans ces épreuves des opportunités de se réinventer et de se réapproprier son identité, comme en témoignent les initiatives de plus en plus nombreuses de femmes musulmanes qui tirent parti des difficultés pour se prendre en main. Elle se réfère notamment au verset 286 de la deuxième sourate du Coran, qui dit que « Dieu n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité » :

Si on subit ces épreuves, c’est qu’on est en capacité de les surmonter et d’en faire quelque chose de constructif. 

Mais la période après les attentats de janvier 2015 est particulièrement difficile. En parallèle du projet IMAN, elle est devenue porte-parole du CCIF, et elle est assaillie par des médias du monde entier pour commenter l’évolution de la situation en France. Au mois de juillet, la fatigue la pousse à prendre une pause, afin de se reposer et de prendre du recul.

 

Chroniques de Palestine : vers ses propres projets

 

Elle décide de prendre une année « sabbatique », dit-elle tout en précisant pourquoi elle utilise des guillemets : « Tout est relatif… ! ». En effet, elle continue à être très investie au niveau associatif, notamment en tant que bénévole chez We are solidarité, qui œuvre à la fois dans la bande de Gaza et en faveur des réfugiés en Île-de-France. C’est avec des membres de cette association qu’elle entreprend en 2016 un voyage en Palestine, qui sera un véritable déclic.

Tu ne peux pas aller en Palestine et revenir en étant la même personne que tu étais avant. 
Crédit Photo : Marion Pons

 

Suivant son intuition, elle veut absolument y retourner et ne cesse de se demander comment elle pourrait soutenir la cause palestinienne. Les paroles d’un homme rencontré sur place l’aiguillent : « Il faut que vous veniez et que vous rapportiez notre vérité ».

Elle sera donc une ambassadrice des voix des Palestinien.ne.s, en mettant à profit ce qu’elle sait faire : écrire. Lors de son premier voyage, elle avait déjà partagé des chroniques quotidiennes avec les milliers de personnes qui suivent sa page Facebook. Celle-ci est d’ailleurs devenue un espace de dialogue avec ses détracteurs.trices, du fait de son choix de répondre avec sincérité aux messages d’insultes qu’elle reçoit – conformément à un verset qu’elle cite :

Repousse le mal par ce qui est meilleur, et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux !  – (Coran / sourate 41, verset 34)

Toutefois, inquiète de voir son ego flatté ou de ne plus agir avec la pureté de ses intentions initiales, elle hésite à fermer sa page Facebook. Pour elle, il est en effet important de se réformer au niveau individuel pour être une force pour les autres. Elle cite un autre verset : « En vérité, Dieu ne modifie point l’état d’un peuple tant que les hommes qui le composent n’auront pas modifié ce qui est en eux-mêmes. » (Coran – sourate 13, verset 11). Ou, comme elle le dit de manière plus directe :

Ne t’attends pas à changer le monde si tu ne te réformes pas toi-même ! 

Après avoir refait le point sur ses intentions et s’être assurée de l’impact positif de ses publications, elle décide finalement de continuer à écrire ses chroniques lors d’un deuxième voyage, et surtout d’en tirer un livre. Son séjour dure cette fois trois mois, et elle en revient lorsque je la rencontre en janvier 2017.

 

Son objectif est de transmettre les voix des Palestinien.ne.s qu’elle a rencontré.e.s, de rapporter la vérité de ce qu’ils.elles vivent, et d’encourager chacun.e à s’y rendre. Elle souhaite également encourager la communauté musulmane française à s’engager, et l’y aider en montrant comment chacun.e peut être actif.ve.

 

Aujourd’hui, Elsa Ray veut créer ses propres projets, pour la Palestine et dans d’autres domaines, mais toujours avec le même état d’esprit : faire des choses qui ont du sens, et rechercher la satisfaction divine à travers des valeurs d’utilité, d’éthique et de justice.

 

A venir : exposition éphémère et soirée événement « Un autre jour viendra », avec les textes d’Elsa Ray et les photographies de Marion Pons. Vendredi 21 avril à 19h, à la galerie Echomusée – Goutte d’Or.

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]