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Raïssa Leï : militante par le biais de la danse

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Leïla est une danseuse et chorégraphe franco-marocaine et berbère. Son nom de scène est Raïssa Leï, signifiant « présidente Leï » en arabe, ce qui peut aussi désigner une directrice de troupe. Elle est ingénieure, tout en considérant également vivre « la danse comme un métier ». Elle nous raconte son parcours et ce qui l’amène à utiliser la danse afin de promouvoir la justice et l’ouverture d’esprit.

 

Le poids des origines culturelles et sociales

 

« Je viens de tellement loin », pense-t-elle, en évoquant son père, berger dès six ans dans un village montagneux près d’Oujda. Venu par hasard en France dans les années 60, à la suite d’une proposition d’un garde-frontière, il fut même contraint durant ses premiers jours en France à dormir sous les ponts de Paris. Inspirée par ses grands frères et sa sœur ayant suivi des études prestigieuses, Leïla a choisi une classe préparatoire scientifique dans un lycée parisien puis une école d’ingénieurs à Toulouse, étudiant l’informatique ainsi que les mathématiques appliquées. C’était psychologiquement très dur, le niveau étant très élevé et sa bourse étant faible pour vivre correctement. « Mes grands frères étaient géniaux, ils m’ont beaucoup épaulée, il n’y avait pas de différence entre les garçons et les filles, à part que je faisais plus de ménage », rit-elle. Ces derniers la soutiennent beaucoup dans ses projets artistiques. « Ils ont insisté pour que je les prévienne à chaque événement, ça m’a beaucoup émue, alors que je faisais la hechmena » (timide en darija, dialecte marocain), sourit-elle. « Les mamans aiment beaucoup ce qu’on fait, tant que ça n’est pas l’activité de leurs filles », révèle-t-elle cependant, les danseuses pouvant être mal perçues dans les familles maghrébines.
 
« Depuis toute petite, je sais que je veux danser », affirme Leïla, ayant grandi dans le quartier de la Banane, dans le XXème arrondissement de Paris. De condition modeste, sa famille a bénéficié de tickets loisirs, lui ayant fait découvrir la danse modern jazz au conservatoire du XXème. Ses camarades de danse venaient de quartiers aisés et Leïla y était une des rares élèves originaires de la Banane et d’origine maghrébine. Cela lui a donné une grande ouverture d’esprit, mais elle n’assumait pas forcément de se rendre dans cet endroit considéré comme très bourgeois par ses amies, et se sentait inférieure en raison de son quartier, faisant si peur à ses camarades de danse qu’elles faisaient un détour afin de l’éviter. Elle est cependant ravie de cette expérience, commencée à sept ans et lui ayant permis de participer à des spectacles dès ses huit ans. Cette formation académique lui semble nécessaire pour se familiariser avec la technicité de la danse. « C’est rentré dans mon corps. Certaines filles dansent très bien, mais la chorégraphie peut vraiment leur poser problème », déclare Leïla. Parallèlement, elle continuait de danser à la maison, devant les chaînes algériennes et marocaines, comme sur 2M ou encore dans les mariages. « C’était du raï, du chaabi, les danses chleuhs, kabyles, de la reggada », énumère-t-elle.
 
Leïla a également eu l’opportunité de pratiquer plusieurs autres danses, telles que le Voguing – pour lequel elle a eu très jeune un coup de cœur, jusqu’à aller à New-York pour prendre des cours -, le Charleston, des danses tziganes, la danse contemporaine, et d’autres danses venant d’Afrique ou d’Asie. Elle donne aussi des cours de Waacking, style funky féminin des années 70, le mercredi soir à Paris, depuis 2010. Son nom de scène est Leï The Night, Leïla signifiant nuit en arabe, tout comme « the night » en anglais, « pour faire genre lmerican (comme les Américains, en darija) », rit-elle. L’artiste a développé depuis 2009 des fusions entre le Waacking, le Voguing et les danses d’Afrique du Nord. « Beaucoup de personnes découvraient ce mélange exclusif, hallucinés, à la fois dans les milieux de danse orientale et de Waacking / hiphop, c’était une rencontre entre deux mondes », s’exclame-t-elle. Elle a gagné plusieurs concours internationaux, en France, en Allemagne, en Angleterre et en République tchèque. Désormais, elle développe son approche de danses contemporaines amazigh (berbères) et maghrébines, fruit de son évolution.
 

Crédit : Leï The Night de Paul Green
 

La danse comme moyen de militer de façon apaisée

 

Ayant côtoyé des artistes de différents styles, elle s’est vite rendu compte qu’il n’y avait pas grand-chose sur les danses du Maghreb. « Mon plus fort constat en France est le manque de représentativité des danses du Maghreb dans les théâtres, les grandes salles de spectacles ou les institutions », ce qu’elle déplore. Elle affirme que les seules performances s’effectuent en Ile-de-France dans des lieux déjà dédiés à la culture arabe et maghrébine, « ce qui ne favorise pas la diversité et le brassage culturel ». « Je souhaite briser ces barrières pour faire rencontrer les cultures et visions, mais c’est un travail de longue haleine », déclare-t-elle, très déterminée.
 
C’est ainsi qu’elle a eu l’idée de former un groupe uniquement féminin de danses nord-africaines et du Moyen-Orient, souvent confondues à tort avec la danse orientale. La troupe se réapproprie les danses du Maroc, de l’Algérie, de Tunisie ou encore du Liban, dont la Reggada, style de prédilection de Leïla, danse guerrière historiquement réservée aux hommes. Leïla a fondé la troupe Kif-Kif Bledi, une troupe pleine de sororité. Elle est accompagnée par ses amies danseuses : des femmes d’origine maghrébine telles que Hind, Rawand, Sabrina et Zaera ; polonaise comme Karolina, une voisine de quartier ; libanaise à l’instar de Tania, ou encore sénégalaise, telle que Astou, qui participe aussi au projet 30 nuances de noir(es), dans une démarche afro-féministe. Leïla collabore également avec la danseuse belge d’origine marocaine Soumaya, vivant à Boston depuis quelques années et valorisant aussi le patrimoine nord-africain, à l’autre bout du monde.
 
Les membres maghrébines de la troupe apportent systématiquement des vêtements de leurs pays d’origine respectifs. « Chaque bout de costume a une histoire », affirme Leïla. L’appropriation culturelle est aussi un sujet cher à la Raïssa, mais elle ne condamne pas le fait que des non-Maghrébines fassent partie du groupe, en raison du profond respect de leur démarche, contrairement à d’autres personnes utilisant la culture uniquement pour le profit économique ou pour le côté « folklorique » sans même jamais s’être rendu·e une fois au Maghreb. Dans ce cadre, des stages de danse sont régulièrement organisés et ouverts à tou·te·s, durant deux heures et quel que soit le niveau. « J’espère une connexion entre plein d’artistes. Il est temps de rendre la pareille aux détenteurs du patrimoine maghrébin », s’enthousiasme-t-elle.
 

Crédit : Eddy Lamazzi
 

« Je créé tout dans mes écouteurs dans le RER le matin. Je m’évade très loin et c’est dans les moments les plus rudes que j’ai les meilleures idées », confie-t-elle. Leïla est également ravie d’avoir chorégraphié un spectacle dans le cadre d’un partenariat avec l’association APAC, avec des élèves de Clichy-sous-Bois âgé·e·s de cinq à dix ans, notamment d’origine algérienne et marocaine. En 2014, elle a aussi fondé l’association Diaspor’Arts marocaines. Son projet Oujda Street, avec l’aide financière du Ministère des Affaires étrangères français, a permis aux jeunes de cette ville, excentrée par rapport aux autres grandes villes du Maroc, d’assister à différents événements liés à la danse hip-hop. Un partenariat avec une troupe de théâtre leur a accordé une salle de danse au prestigieux Théâtre Mohamed VI d’Oujda. Leïla souhaite profiter de chaque action menée en France afin d’aider financièrement des jeunes filles au Maghreb pour qu’elles puissent plus facilement accéder à l’éducation.
 
Elle a également animé des conférences sur les danses du Maghreb, insistant sur le fait qu’elle n’était ni chercheuse, ni anthropologue. Elle déplore un manque de recherche à ce sujet. Ses sources étaient principalement constituées de livres d’ethnomusicologues français·es datant des années 50 et de chercheurs·euses. « On manque de chercheurs locaux pour établir une Histoire des Maghrébin·e·s », insiste-t-elle, refusant toute instrumentalisation. La culture lui semble ainsi importante à transmettre afin d’éviter les rivalités pouvant exister entre les différents pays du Maghreb. Leïla évoque plusieurs hommes et femmes de sa famille marocaine ayant participé à la résistance indépendantiste en Algérie. « Le Maghreb United a tout son sens », selon la danseuse, pour qui il est « urgent de conserver et faire rayonner notre patrimoine, afin de sortir de cette atmosphère qui tire vers le bas ». Elle regrette aussi que les différentes diasporas maghrébines soient systématiquement renvoyées à la religion depuis les années 2000, de façon péjorative.
 

Crédit : Eddy Lamazzi
 

« Avec Kif-Kif Bledi et les contes de Raïssa Leï, on veut montrer que nous faisons partie intégrante de la société française, mais que cela n’empêche pas un attachement profond à nos pays d’origine », explique-t-elle. « Aujourd’hui, les enfants de la dernière génération ont des cours d’arabe, mais ils ne savent pas tous parler la darija [l’arabe dialectal] », regrette-t-elle, ce qui fait écho à certain·e·s membres de sa famille ne sachant plus parler berbère après s’être installé·e·s en ville. « Quand je raconte à mes neveux et nièces les trajets en voiture de la France au Maroc, ils rigolent », explique Leïla, pour qui ce souvenir est très marquant. Elle est ravie d’avoir profité des vacances pour vivre « à l’ancienne, dormir sur un frach (matelas fin en darija) par terre, accompagner [s]a cousine chercher le pain au forane (four partagé par les habitants d’un quartier), faire chauffer de l’eau dans le mokrache (bouilloire) à mélanger dans le bermil (tonneau en plastique) pour prendre une douche… ». Elle est aussi reconnaissante de la chance qu’elle a de faire partie des dernières générations témoignant de l’héritage de l’ouchem, ces tatouages berbères sur le visage, les mains, les poignées et les chevilles, très à la mode auparavant, « que nos descendants ne verront plus dans la vraie vie ».
 
Tout cela la rend profondément déterminée à continuer de conter ses histoires, rendant ainsi les patrimoines nord-africains, marocains et berbères éternellement vivants. Leïla souhaite donc militer de façon pacifique et différente, par le biais de la culture, la danse lui permettant de passer des messages de façon agréable. Elle travaille actuellement sur plusieurs projets, dont une grande surprise que nous avons hâte de découvrir, inshAllah.
 
 
Crédit image à la une : Eddy Lamazzi

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Diffuse la bonne parole

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Founé : féministe décoloniale présente sur tous les fronts

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Founé se définit elle-même comme une musulmane et une féministe décoloniale en contexte occidental : son féminisme est en mouvement en fonction de son environnement de vie. Elle a récemment animé un atelier au festival Nyansapo, organisé par l’association afro-féministe Mwasi. Elle revient pour nous sur son parcours et ses difficultés en tant que femme noire, musulmane et vivant dans un quartier populaire.

 

De la difficulté d’être noir·e et d’un milieu modeste

 

Founé à l’Institut des Cultures de l’Islam (Paris 18ème) / Crédit photo : Shehrazad pour Lallab

 

Founé est née dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Son immeuble, situé rue du Maroc, prit feu alors qu’elle était âgée de moins d’un an. Sa famille fut alors relogée à la cité des Lilas à Aubervilliers, où elle a vécu ensuite la majorité de sa vie. Elle se souvient des inégalités qu’elle avait du mal à comprendre, plus jeune. « Par exemple : on avait une nouvelle paire de chaussures pour le début de l’année scolaire, qui restait la même jusqu’à la fin de l’année ! », s’exclame-t-elle. Ses parents n’avaient pas non plus forcément les moyens d’envoyer leurs enfants en vacances. « Au départ, je pensais que mes parents étaient des crevards », confie la diplômée en communication, pour laquelle les études universitaires furent symboliquement très violentes et révélatrices de sa personne. Elle se souvient de camarades non-boursiers, étudiant sur leur Mac. Elle s’est ainsi vite rendu compte que leur niveau de vie était différent et que ça n’était pas de la faute de ses parents.

Founé vivait dans une cité très populaire, riche d’une communauté immigrée venant notamment d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne, et qui se situait non loin d’habitations où vivait une population globalement blanche. « Il y a une histoire qui me frustre, m’énerve quand j’en parle », confie-t-elle. Il s’agit de la fois où, à l’école primaire, une de ses amies blanches invita tous ses camarades de classe pour son anniversaire, sauf les Noir·e·s, sans donner d’explication. Founé a ainsi, dès le plus jeune âge, subi le racisme.

Son père lui a toujours inculqué qu’ils étaient venus en France, par espoir d’un avenir brillant pour leurs enfants, mais qu’ils n’appartenaient pas totalement à l’Hexagone. « En bref, on nous disait qu’on n’était pas des toubabs (des Blancs) », sourit l’antiraciste. « Mais aujourd’hui mon discours serait de dire qu’on est là et qu’il faut faire avec. A nous de nous approprier cet espace français », affirme-t-elle. Le père de la féministe tenait à sa réussite, elle représentait un modèle de méritocratie scolaire pour toute la fratrie, composée de sept enfants. « Je n’avais pas le droit à l’erreur, si j’avais des bavardages sur mon bulletin, je me faisais déchirer ! », rit-elle.

 

Founé à l’Institut des Cultures de l’Islam (Paris 18ème) / Crédit photo : Shehrazad pour Lallab

 

Founé estime cependant que le système éducatif français est « pourri dès le début ». Mais elle n’est pas fataliste : elle envisage de l’intégrer, par passion pour l’enseignement, se montrant très déterminée à changer les choses à son échelle. Parallèlement à cela, Founé constate que les racisé·e·s peuvent développer un certain complexe d’infériorité durant leurs études. Elle se souvient d’elle-même, en fac de droit, considérant qu’il « fallait absolument sortir de la banlieue pour vivre la vraie vie, celle d’une bourgeoisie parisienne ».

Son conseil ? Se mettre en avant, prendre sa place, l’arracher s’il le faut, mais ne jamais lâcher sous prétexte que notre présence n’est pas considérée comme légitime dans ces milieux. Elle essaie de s’engager auprès de la jeunesse, notamment féminine, afin de lui apprendre à ne pas avoir honte de ce qu’elle est. La future professeure aimerait influencer les jeunes et les rassurer : « vous avez le droit à l’erreur », prône-t-elle avec beaucoup de conviction.

Elle considère également que le système est raciste : les inégalités persistent et sont bien présentes encore aujourd’hui, malgré des tentatives pour les occulter en brandissant la carte de la « discrimination positive ». Elle se souvient des professeur·e·s, majoritairement blanc·he·s, désigné·e·s pour enseigner le Wolof ou d’autres langues non-occidentales à l’INALCO. « Même pour enseigner leur langue natale, les Noir·e·s sont jugé·e·s incompétent·e·s », déplore-t-elle.

Dans sa formation actuelle, elle décide un jour de consacrer un exposé historique aux tirailleurs sénégalais de la Seconde Guerre mondiale. Cela avait choqué l’une de ses camarades qui considérait que son propos était trop militant et qu’il valait mieux insister sur les soldats blancs de France. De la même façon, lorsqu’elle dénonce les injustices, on lui fait remarquer, le ton moqueur, qu’elle joue au « Black power ou à la féministe, comme s’il était anormal que je défende ce que je suis ».

 

De la difficulté d’être à la fois femme, musulmane et noire

 

Founé à l’Institut des Cultures de l’Islam (Paris 18ème) / Crédit photo : Shehrazad pour Lallab

 

En revanche, vivre son islam auprès des « sien·ne·s » n’est pas non plus de tout repos. Founé regrette le fait qu’en tant que musulmane noire, certain·e·s musulman·e·s arabes puissent se montrer condescendant·e·s envers elle, sous prétexte d’une infériorité en piété, un argument justifié par ses origines subsahariennes. « Les Noir·e·s musulman·e·s éprouvent des difficultés à s’approprier l’islam, mais il faut le répéter, nous sommes tout aussi légitimes à pratiquer cette religion », insiste Founé. Elle se souvient également d’une fois où une connaissance maghrébine l’avait péjorativement définie comme Africaine. « J’étais ébahie, le Maghreb, n’est-ce pas en Afrique ? », avait rétorqué la militante.

Certain·e·s proches lui font aussi remarquer, sur un ton très paternaliste, que son voile n’est pas islamique, son cou étant visible. Ce fut le cas un jour, lorsqu’elle vit d’anciens amis. « J’étais venue pour la naissance d’un bébé et me voici présente au procès de ma tenue vestimentaire », explique-t-elle, profondément déçue. Pour elle, ces remarques sont d’autant plus déplacées lorsqu’elles sont émises par des hommes. Ses amies noires non musulmanes peuvent également se montrer peu compréhensives quant à ses choix de vie : celles-ci préfèrent son turban « au lieu de la cape ! », selon l’une d’entre elles, à savoir son jilbeb (longue tenue ample, en 1 ou 2 pièces).

Elle estime donc qu’il est nécessaire de s’entourer de personnes bienveillantes, à l’instar de ses amies très proches, l’ayant toujours soutenue dans ses choix personnels. Elle s’inspire aussi de figures fortes françaises, mais aussi américaines, se réclamant du Black feminism, ou d’écrivaines africaines ouvertement féministes, telles que les Sénégalaises Ken Bugul et Mariama Bâ.

Founé considère que beaucoup de personnes, y compris certain·e·s Noir·e·s, ne sont pas conscient·e·s du colorisme, ce système hiérarchique où les peaux claires sont valorisées par rapport aux peaux foncées (y compris au sein d’un même groupe ethnique), ni des répercussions de cette forme de racisme, notamment sur les femmes noires. Elle évoque, par exemple, le fait que la beauté d’Omar Sy ne soit pas niée en raison de son teint foncé, contrairement à l’écrasante majorité des femmes noires pour lesquelles c’est souvent un caractère rédhibitoire. Elle a donc animé un atelier sur le colorisme au festival Nyansapo, pour remédier au manque de conscientisation sur ce sujet.
 

Founé à l’Institut des Cultures de l’Islam (Paris 18ème) / Crédit photo : Shehrazad pour Lallab

 

Son message ? « Acceptez-vous les sistas ! Les individu·e·s peuvent redevenir puissant·e·s par la magie de l’amour de soi. » Elle a aussi dû subir les prétendues blagues sur les photos où elle serait « trop sombre », les confidences de ses amies plus claires qu’elle et qui avaient peur de bronzer… « Je précise qu’en tant que femme noire à la peau foncée, on n’a pas le droit au cumul des mandats : impossible d’être noire, ronde et d’avoir une grande gueule. Il ne faut pas paraître sauvage », déplore-t-elle.

En tant que jeune femme, Founé a également dû subir les remarques de certains hommes blancs la percevant telle une bête sexuelle et « sauvage ». Mais plusieurs hommes noirs ont également pu lui faire remarquer sa beauté rare « pour une Noire charbon », explique-t-elle, l’air ébahi. Elle accuse tout un système médiatique, comprenant les clips musicaux et les séries télévisées par exemple, de perpétuer le colorisme : c’est « un produit type de l’esclavage et de la colonisation ». Tout cela l’amène à ne pas hésiter à s’affirmer en tant que féministe noire et musulmane.

Plus jeune, elle avait pu rejeter l’islam, pensant qu’il s’agissait d’une « religion de châtiment » et de misogynie, une religion de calcul où il fallait constamment compter ses hassanettes (bonnes actions) et ses dunubs (péchés). Elle n’a cependant jamais renié Dieu, espérant trouver ailleurs une certaine spiritualité. C’est bel et bien le féminisme qui lui a finalement permis de redécouvrir l’islam. « J’ai vu à quel point Amina, Aïcha, grande rapporteuse de hadiths (paroles du Prophète, ndlr), Khadija ou encore Soumaya avaient des rôles importants et valorisants (respectivement mère, épouses du Prophète, et première femme martyre de l’islam, ndlr). Elles étaient magnifiques. J’ai aussi étudié la vie du Prophète : il est évident qu’il prônait les droits des femmes », se réjouit-elle aujourd’hui.

A l’heure actuelle, elle déplore néanmoins une surreprésentation des discours masculins en Islam. « C’est compliqué à expliquer aux gens, mais je trouve ça très libérateur d’avoir des discours exclusivement féminins qui mettent en avant des femmes ayant eu un rôle important dans l’Islam », affirme-t-elle. A côté de cela, Founé porte depuis peu un intérêt très particulier pour le mouridisme. Ce courant soufi, présent au Sénégal, mêle à la fois l’islam et l’affirmation décoloniale vis-à-vis de la France, à l’époque des luttes pour l’indépendance. « C’est magnifique ce que cette religion peut apporter spirituellement à un·e individu·e, et à quel point elle peut donner des choses incroyables en fonction du milieu où on la pratique », nous confie-t-elle finalement, le sourire aux lèvres.

 

Crédits image à la une : Shehrazad pour Lallab. Founé à l’Institut des Cultures de l’Islam (Paris 18ème)

 

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Diffuse la bonne parole

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Wissale Achargui, militante contre le cyberharcèlement

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On a souvent tendance à penser que lorsque l’on s’engage dans une cause, celle-ci devient plus importante que tout, et surtout plus importante que soi. Mais quand la lutte est quotidienne et que l’on finit par se faire violence au profit d’une cause, c’est l’efficacité de nos actes qui en souffre.
La lutte pour Wissale Achargui aux côtés du collectif “Féministes contre le cyberharcèlement” c’est, comme elle le dit si bien elle-même, de “renseigner pour un usage plus safe des internets et venir en aide aux victimes.”. “Safe” -c’est-à-dire “sécurisé”- est un mot que l’on utilise beaucoup dans les processus de déconstruction, mais que l’on oublie aussi trop souvent d’appliquer à soi-même. Pour Wissale, le self-care est une priorité pour être un·e bon·ne activiste. Des paroles qui font du bien et qui nous inspirent !

 

Étudiante, activiste et porte-parole contre les violences faites aux femmes racisées

 

Avant de rejoindre le collectif “Féministes contre le cyberharcèlement”, Wissale est d’abord une étudiante au parcours des plus inspirants. Après un bac ES et une année de CPGE Economique, elle se tourne vers une double licence d’Histoire et d’Arabe à la Sorbonne. A 21 ans, elle est déjà intervenue dans de multiples colloques et journées de sensibilisation afin de dénoncer les violences subies par les femmes racisées sur les réseaux sociaux et de conseiller le self-care comme modérateur. Mais cela n’a pas toujours été simple pour elle. C’est durant son intervention lors du LallabDay#3 qu’elle en fait part :

 

“Mes deux parents sont d’origine maghrébine, et en tant que descendant·e·s post coloniaux·ales, on subit beaucoup de pression pour réussir. (…) Je me souviens que je travaillais tous les jours, j’avais des très bonnes notes à l’école et dès que je rentrais chez moi, je travaillais encore sans que ce ne soit reconnu. Je m’imposais tellement de pression que j’ai fini par ne plus vouloir aller en cours. Je ne pouvais plus. Je suis allée voir un médecin qui m’a confirmé que ma santé passait avant tout, et qui a reconnu le caractère oppressif des études. J’ai eu la chance que quelqu’un me dise que j’avais le droit de ne pas être tout le temps à fond.”

 

Une pression que beaucoup d’entre nous s’imposent. Mais Wissale n’est pas défaitiste, bien au contraire. Parallèlement à ses études, elle est aussi une membre dynamique du collectif “Féministes contre le cyberharcèlement”, qui a pour objectif de “sensibiliser l’opinion et les réseaux sociaux au cyberharcèlement, d’aider les victimes et de les informer sur les recours possibles”.

 

“Le collectif, pour moi, ça a été un tremplin pour faire les recherches nécessaires à l’articulation de mon combat : j’ai pu, en son sein, faire la connaissance d’autres activistes, me renseigner, réfléchir et être écoutée et entendue. Cela m’a aussi permis de penser l’idée de réseaux sociaux et d’internet comme outils d’oppression et de mettre un nom sur chacun des mécanismes à l’oeuvre. Mais internet permet aussi de faire un travail de veille qui déconstruit et produit du contenu sans arrêt. Notre association vient concrètement renseigner les personnes pour un usage plus safe des internets et venir en aide à des victimes, tout en proposant un contenu féministe intéressant”, nous confie-t-elle avec une douce ferveur. C’est donc, comme pour beaucoup de militantes féministes racisées, à travers la lutte pour de meilleures conditions d’expression et la mise en place de réelles solutions contre les violences faites aux femmes (cf. la rubrique “Que faire en cas de cyberharcèlement” ou encore “Liens utiles et contact” sur le site du collectif) que Wissale met en pratique, au sein du collectif, un activisme qui la touche personnellement et politiquement.

 

Wissale, troisième à droite, et plusieurs des membres du collectif “Féministes contre le cyberharcèlement”

Crédit photo : Laure Salmona

 

(Re)prises de la parole pour dénoncer les stéréotypes et victoires du collectif

En témoigne, par exemple, son intervention aux côtés de plusieurs autres activistes lors du European Lab Forum qui a eu lieu à Lyon en 2017 sur le thème “Arabe ? Mode d’emploi : Compter pour de la beurette ?”. Un thème qu’elle a eu l’occasion d’étudier lors de longues recherches historiques, anthropologiques et sociologiques, et s’appuyant notamment sur la représentation des femmes maghrébines dans la pornographie française et la médecine coloniale, travail dont elle fait part durant la discussion.

 

“Quand on parle de pornographie, on pense que c’est quelque chose d’extrêmement récent, qui serait dépourvu de dynamiques de pouvoir. Mais en fait, on peut voir que toutes les narrations, tous les scénarios où les “beurettes” sont mentionnées, où les “beurettes” jouent un rôle (tout en sachant que “beurette” est le hashtag le plus recherché dans le porno français), c’est toujours cette narration de la jeune Maghrébine que l’on cherche à dévoiler, qui est toujours sous l’emprise d’une domination masculine, qui est soit son père, soit son frère, ou même l’imam de quartier ; et que l’homme blanc va libérer, dévoiler.”

 

En mettant en lumière ces faits, mais surtout en prenant la parole pour dénoncer ces représentations qui continuent d’oppresser les femmes maghrébines et de perpétuer des narrations néo-coloniales les réduisant au statut d’objets, Wissale défait d’une part les stéréotypes concernant les femmes racisées, et expose les fantasmes qui nourrissent les représentations visuelles et les imaginaires, et ce encore aujourd’hui. D’autre part, elle donne corps à tous les principes fondamentaux qui nous tiennent à coeur chez Lallab : féminisme, solidarité, et surtout parole aux concerné·e·s. Ce qui en fait, en plus d’une grande source d’inspiration, un pilier dans la lutte pour la reconnaissance des violences subies par les femmes racisées.

 

Cette lutte, elle continue à la mener à travers les activités du collectif “Féministes contre le cyberharcèlement,” et elle porte déjà ses fruits. On le voit d’ailleurs dans les avancées permises par les engagements pris par le collectif, auxquels Wissale prend ardemment part. On pense, par exemple, aux nombreuses campagnes de sensibilisation du collectif afin de révéler les différentes manifestations du harcèlement sur le web, ou encore au sujet de la culture du viol.

 

Un exemple de la campagne d’information du collectif à propos des cyberviolences

Crédit photo : Tumblr FéministesVsCyberH

 

C’est en rendant visible ce genre d’informations que le collectif apporte de la légitimité à une seconde manifestation des victoires acquises grâce aux combats du collectif : la prise de parole des victimes de cyber-violences. Comme on peut le voir dans la première rubrique du site, Posts, l’effort de visibilité que fait le collectif donne un certain pouvoir aux victimes de cyberharcèlement, et libère une parole malheureusement encore très peu entendue. Autant dire que même si la lutte n’est pas finie, ces avancées permises par les “Féministes contre le cyberharcèlement” comme Wissale sont toutes de grandes victoires pour les femmes racisées !

 

Mais le self-care, qu’est ce que c’est précisément ?

 

Aux premiers abords, on pourrait penser que le self-care n’a rien à voir avec l’activisme. Mais face à l’incompréhension, l’acharnement et surtout le harcèlement direct et/ou subi à travers les réseaux sociaux dont sont victimes plus d’un·e d’entre nous, prendre soin de soi devient une priorité afin de pouvoir continuer à se battre.

 

« On vit dans une société qui nous soumet à des injonctions et si on s’épuise, on va être inefficace dans notre combat. »

 

Pour Wissale, “le self-care est un outil politique indispensable pour les femmes racisées”. En effet, en tant qu’individus soumises à des discriminations multiples (de genre, d’ethnie, mais aussi parfois sexuelles et religieuses), les femmes racisées sont victimes d’une pression sociale qui prend des formes plus ou moins violentes dès qu’elles s’emparent d’une parole politique dans la réalité ou sur les réseaux sociaux notamment. Du “troll” aux injures raciales en passant par les “blagues” alimentant la culture du viol ou les narrations coloniales, ces violences psychologiques sont tout autant de paramètres qui affectent profondément les militant·e·s et peuvent porter atteinte à la santé mentale et physique au point de ne plus être en mesure de s’exprimer.

 

« Rien ne justifie qu’on mette notre santé physique et mentale en danger. »

 

C’est en cela que le self-care devient indispensable. Savoir prendre soin de soi, se préserver de certaines violences verbales ou physiques qui vont malheureusement encore de pair avec l’engagement politique, quelle que soit sa forme, est pour Wissale une condition sine qua non d’un militantisme efficace. Elle l’applique d’ailleurs à sa propre expérience : “Personnellement, le self-care a été salutaire en ce sens qu’il a rationalisé la nécessité de ne pas être tout le temps productive dans ma lutte politique. J’ai pu d’un côté être une activiste virulente, et de l’autre me donner le temps de prendre du recul et de réfléchir au sens de mes actions”.

Lors de son intervention durant le LallabDay#3, elle revient d’ailleurs sur un exemple très concret de l’articulation qu’elle fait du militantisme et du self-care. “Par exemple, je sais que je ne supporte pas les manifestations et violences policières. Si je vais à une manifestation, où je vais être entourée de gens, de la police, et de toutes sortes de violences physiques, ma santé mentale risque d’en pâtir sérieusement. Alors je n’y vais pas, je ne m’impose pas cette violence. Et cela ne me rend pas moins active. Je me préserve.” Afin de mettre en lumière une des multiples formes que peut prendre le self-care, elle cite, toujours durant le LallabDay#3, la fameuse artiste mexicaine Frida Kahlo. Celle-ci, nous rappelle Wissale, a eu recours au care : “Atteinte de la polio et victime d’un accident grave qui l’immobilisera dès son enfance, elle a articulé dans ses oeuvres son rapport à la douleur. L’art et la peinture lui ont permis de survivre en tant que femme racisée au Mexique”.

 

 

Illustration à propos du selfcare (de gauche à droite) : “Le selfcare pour les activistes. Prendre du temps pour soi. Manger régulièrement. Boire de l’eau. Arrêter les réseaux sociaux de temps en temps. S’entourer de gens qui te soutiennent. Bien dormir”.

Crédit Photo : @AnnMarieBrok/Instagram

 

Alors pourquoi se sentir coupable de s’accorder un moment, au milieu de nos folles journées de sensibilisation, de travail acharné pour faire entendre nos voix et de débats incessants avec des individu·s posté·e·s derrière leur écran et prêt·e·s à tout pour nous faire plier sous la pression que l’on s’impose déjà soi-même au quotidien ? Prenons soin de nous, pour pouvoir continuer à nous battre encore plus efficacement !

 

Suivez le collectif sur Facebook, Instagram, et Twitter !

 

 

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Portraits

Huda, la musulmane « comic » des bandes dessinées

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Huda est une états-unienne de trente-deux ans. Ses parents, venus du Moyen-Orient, vivent dans ce pays depuis les années 80. « Les Etats-Unis, c’est mon pays, celui où je suis née et où j’ai grandi “, affirme-t-elle. Huda a toujours été passionnée par l’écriture. En 2017, quelques mois après l’élection présidentielle de Donald Trump, Huda se met à partager sur les réseaux sociaux la vie d’une musulmane aux Etats-Unis sous forme d’un comics (bande dessinée) intitulé « Oui, j’ai chaud là-dedans » (Yes I’m hot in this), en référence à son foulard.

 

Bien que pouvant bénéficier d’une bourse, Huda a choisi de ne pas poursuivre ses études en droit pour se consacrer à l’enseignement de l’anglais, sa matière de prédilection dont elle est diplômée. Elle a exercé ce métier durant huit ans, avant de s’accorder une pause professionnelle pour profiter de la naissance de son premier enfant.

 

L’élection de Donald Trump, un tournant majeur

 

Huda a supplié sa mère de la laisser porter le foulard dès ses dix ans et a ressenti beaucoup de liberté grâce à celui-ci. « Ce foulard me semblait très naturel, c’est comme si j’étais faite pour ça ! Cela fait maintenant vingt-deux ans que je le porte et je ressens exactement la même sensation », confie-t-elle avec enthousiasme. Ce changement a été tout-à-fait accepté et ne lui a causé aucun préjudice, personne ne s’étant inquiété de ce choix vestimentaire.

« J’adore être Américaine. J’adore être musulmane en Amérique. Ici, je peux pratiquer ma religion tout en sachant que ce droit m’est accordé et que je suis protégée », soutient-elle, le ton patriotique. Huda précise néanmoins que ce pays présente malheureusement des imperfections, à l’instar de tous les autres. « Pourtant, je ne peux pas vraiment exprimer à quel point j’aime ce pays. C’est mon pays et c’est chez moi », insiste-t-elle, émue.

 

Crédit image : Yes, I’m hot in this. « Les musulmans dans les films : elle voulait vivre le rêve américain, mais Trump a été élu ». Le terme « scarfie » désigne des étudiant·e·s en Nouvelle-Zélande portant un foulard par tradition. « Scarfieface » est un jeu de mots en référence au film Scarface.

 

« Pourtant, je ressens un changement à cause de la rhétorique ignorante et irresponsable de l’administration du président Donald Trump. » Ce sentiment désagréable a incité Huda à produire quelque chose de nouveau, ce qu’elle n’avait jamais spécialement souhaité auparavant. « Aujourd’hui, je ressens le désir et l’envie de m’exprimer. »

Depuis l’élection de Donald Trump et la hausse des actes racistes, notamment islamophobes, Huda a souvent peur de sortir seule. Elle est épuisée par les inconnu·e·s qui la dévisagent ou qui se permettent des commentaires indécents, voire insultants. « Je me demande souvent, avant de sortir, si aujourd’hui est le jour où l’on m’attaquera », avoue-t-elle. Huda ne se laisse cependant pas envahir par la peur. Bien que cette dernière soit présente, l’illustratrice affirme : « Allah ne m’imposerait jamais une épreuve que je ne pourrais pas surmonter ». Le fait de dessiner lui permet également de canaliser ses émotions.

 

Crédit image : Yes, I’m hot in this.“ – Hey, madame ! N’avez-vous pas chaud ? – Oh mon… Laissez-moi y réfléchir. Vous savez quoi ? Je pense être plus « mignonne » que « sexy » (chaude), mais merci. Hihihi – Euuuh…“

 

Les bandes dessinées, un moyen de changer les mentalités

 

« J’ai toujours aimé gribouiller, bien que je n’aie jamais été du genre à me définir comme une artiste. Encore aujourd’hui, je dirais que je suis plus une auteure qu’une illustratrice », explique Huda avec modestie. Elle a commencé sa bande dessinée « Yes, I’m hot in this » en mars 2017. Elle décrit ses débuts comme seulement composés de « crayon et papier, dessins scannés et postés sur [s]on profil Facebook personnel ». Ses proches l’ont encouragée à créer une page publique consacrée à ses dessins sur ce même réseau social, et « c’est ainsi que ça a commencé ». Ses bandes dessinées ne la concernent pas toujours directement. « Parfois, je dessine selon l’actualité et j’essaie d’imaginer la façon dont mon personnage réagirait si les mêmes choses lui arrivaient. Que dirait-elle ? Que ferait-elle ? Je m’amuse beaucoup en imaginant différents scénarios ».

Son projet est inspiré de comptes Instagram qu’elle suit de temps à autre. Huda a toujours beaucoup apprécié les bandes dessinées. Cet intérêt s’est renforcé lorsqu’elle est tombée à plusieurs reprises sur des dessins représentant une femme visiblement musulmane en raison de son voile, mais dont l’appartenance religieuse n’était pas le sujet de l’histoire. Cette dernière faisait des choses banales et « j’ai adoré ça », affirme-t-elle. « Ça a éveillé en moi le désir de voir plus de femmes portant un foulard représentées de cette façon. »

 

Crédit image : Yes, I’m hot in this. « Hmmmpff. Je n’ai pas de force dans la partie supérieure de mon corps. Je. Ne. Vais. Pas. Appeler. Le mari. J’y arrive. Je crois que je vais péter.Le jihad est réel. #Monjihad »

 

« Le but ultime de mes dessins est de montrer une femme musulmane portant le voile à l’avant-garde de notre culture, dépeinte telle qu’elle est et ne correspondant pas à un stéréotype surjoué et dangereux », explique l’illustratrice. Huda souhaite que nous puissions tous et toutes considérer ces femmes, qui n’ont en commun que leurs choix vestimentaires, comme des femmes uniques, maîtresses de leur propre vie. L’ancienne professeure d’anglais considère que « ces femmes sont drôles. Ces femmes sont créatives. Et surtout ces femmes sont là ».

 

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(Dé)construction

De l’urgence de parler des troubles psychiques pour les musulman·e·s

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Dès le VIIIème siècle, des savants musulmans se sont opposés à une vision occidentale des maladies mentales. Ils ne considéraient pas que les démons et les mauvais esprits en étaient la cause, à l’instar d’Al Razi, grand médecin perse des IXème et Xème siècles. Il est le fondateur du premier établissement psychiatrique au monde. Pourtant, il est encore aujourd’hui difficile pour des musulman·e·s souffrant de troubles mentaux de ne pas culpabiliser quant à leur maladie et aux conséquences de celle-ci sur leur pratique religieuse.

 

La stigmatisation intracommunautaire

 

Le Ramadan est par exemple un mois durant lequel on remarque une recrudescence des épisodes dépressifs, maniaco-dépressifs et bipolaires chez les malades, en raison du jeûne, ne permettant pas de suivre correctement les traitements médicamenteux. Il existe une certaine pression sociale pour les musulman·e·s souffrant de troubles mentaux, subissant souvent une certaine stigmatisation, parce que les maladies psychiques sont généralement sous-estimées dans la Umma (communauté musulmane). Ils reçoivent peu voire pas du tout d’aide de leurs coreligionnaires, bien que cela soit préconisé, comme nous l’indique un hadith (parole rapportée du Prophète) rapporté par Anas ibn Malik, l’un des compagnons du Prophète, et Muslim, décrivant le respect et la bienveillance de ce dernier à l’égard d’une femme venue lui demander conseil en raison d’un « défaut dans son cerveau ». En tant que musulman·e·s , nous avons une responsabilité collective. Il est nécessaire de sensibiliser la Umma à ces problématiques, afin que nos frères et sœurs malades puissent se sentir en sécurité, auprès de nous, sans avoir le sentiment d’être jugé·e·s. De plus, nous pouvons tous être touché·e·s, près d’une personne sur cinq souffre d’une maladie mentale au cours de sa vie. Il s’agit d’ailleurs d’un phénomène grandissant, puisque les maladies mentales représentent la moitié des arrêts maladie. Par ailleurs, l’islam nous incite à aider les êtres vulnérables, comme rappelé dans la 107ème sourate du Coran, insistant sur notre devoir envers les nécessiteux.

 

Bien que la culpabilité soit un sentiment dont il est difficile de se débarrasser, il ne faut jamais oublier qu’Allah est conscient du fait qu’il est normal que les êtres humains vivent des expériences très douloureuses. « Que mon chagrin est grand pour Joseph ! Et ses yeux blanchirent d’affliction. Et il était accablé », peut-on lire au verset 84 de la sourate 12 concernant le prophète Yusuf (Joseph), dont le père Yacub (Jacob) est devenu aveugle parce qu’il avait beaucoup pleuré, pensant que son fils était mort. Le prophète Muhammad (pbsl, que la Paix et la Bénédiction soient sur lui) a également beaucoup souffert du décès de son épouse Khadija, en 619, que l’on nomme « l’année du deuil ». Si les prophètes, dont le meilleur des hommes, s’autorisent à manifester autant d’émotions, pourquoi les croyant·e·s devraient-ils·elles se sentir coupables de leur tristesse ? La lutte n’est pas synonyme de faiblesse et cette dernière n’est pas un péché – l’islam est une religion de miséricorde, ce mot apparaissant 79 fois dans le Coran. Nous n’avons pas le droit de nous juger, seul Allah le peut. « Et quiconque craint Allah, Il lui donnera une issue favorable et Il lui accordera Ses dons par des moyens sur lesquels il ne comptait pas. Et quiconque place sa confiance en Allah, Il lui suffit », peut-on lire aux versets 2 et 3 de la sourate 65. Il est ainsi essentiel de ne pas désespérer de la Miséricorde du Seigneur de l’Univers, dont l’une des fonctions fut rappelée par un hadith rapporté par Bukhari :

Allah n’a pas fait descendre une maladie sans descendre son remède.

 

Le manque de compréhension de l’islam des professionnel·le·s de santé

 

L’islam préconise également de demander de l’aide. Un hadith rapporté par At-Tirmidhi, grand savant du hadith, nous incite à « rechercher le traitement des maux ». Il est ainsi nécessaire de prendre soin de soi, de comprendre quels éléments de notre histoire personnelle ont déclenché la maladie, et de demander l’avis de nos proches quant aux variations de notre comportement, afin de prendre conscience de notre évolution. Ainsi, la famille et les ami·e·s peuvent être d’un grand soutien. Dans plusieurs entreprises, il est également possible de consulter un·e conseiller·e soumis·e au devoir de confidentialité, de façon gratuite ou peu coûteuse. C’est également le cas dans les hôpitaux et les services sociaux locaux.

Cependant, les recherches prouvent que certain·e·s musulman·e·s hésitent à demander de l’aide à des professionnel·le·s, dans les pays occidentaux, par peur que leurs croyances religieuses demeurent incomprises. Wassila, musulmane souffrant de dépression, a renoncé à consulter un·e psychologue :

Je me souviens qu’on me regardait avec de grands yeux, lorsque je me confiais sur ma peur de l’Enfer, en me disant simplement que cela n’existait pas. Ils ne comprennent pas le fait que je sois musulmane et que tout cela ait un impact sur ma vision de la vie.

 

Ce problème est malheureusement récurrent, qu’il s’agisse d’incompréhension teintée de racisme, de sexisme, d’homophobie, de transphobie ou d’islamophobie. Quelques personnes ont tout de même essayé de dresser une liste de psychologues déconstruit·e·s sur ces sujets. Il est également nécessaire que les médecins prennent en compte les effets du jeûne sur le traitement des individus. La déshydratation entraîne par exemple un dosage inférieur à celui des journées habituelles.

 

Accompagner la pratique religieuse

 

Il m’est déjà arrivé d’entendre des musulman·e·s culpabiliser leurs coreligionnaires sur leur manque de pratique religieuse, alors que ces dernier·e·s étaient malades et qu’ils·elles tentaient, tant bien que mal, de renouer avec Allah. Bien que les cinq prières par jour constituent le deuxième pilier de l’Islam, le Miséricordieux reste toujours disponible en dehors de celles-ci. Quelle que soit la façon dont on Lui parle, quelle que soit la langue que l’on emploie, Allah sait tout et comprend tous nos propos. Ainsi, il peut être apaisant d’oser se confier à Lui, à n’importe quel moment, parce que c’est un moyen de se rapprocher de Lui, durant des périodes où l’on ne se sent plus forcément apte à communiquer avec Lui de façon conventionnelle, par le biais des cinq prières quotidiennes. Dans le verset 186 de la deuxième sourate du Coran, il est écrit : « Et quand Mes serviteurs t’interrogent sur Moi… alors Je suis tout proche : Je réponds à l’appel de celui qui Me prie quand il Me prie », ce qui prouve que le·la croyant·e n’a pas besoin d’intermédiaire entre lui et Dieu. Cela peut, petit à petit, aider à pratiquer le deuxième pilier de l’islam de façon plus régulière.

 

Le Ramadan peut aussi être source de grande pression. Ce mois étant considéré comme béni, nous souhaitons souvent faire preuve de perfection, bien que celle-ci n’existe pas. Il est donc nécessaire de se donner des objectifs réalisables. Au verset 20 de la sourate 73, nous pouvons lire : « Il sait que vous ne saurez jamais passer toute la nuit en prière. Il a usé envers vous avec indulgence ». Au lieu de se promettre de prier toute la nuit, peut-être serait-il plus judicieux d’accomplir les cinq prières quotidiennes voire d’ajouter quelques autres prières, selon notre humeur et notre capacité à prier de façon concentrée ? Il ne faut pas non plus culpabiliser si on ne peut pas jeûner, qu’il s’agisse d’une maladie physique ou mentale.

Et ne vous tuez pas vous-même. Allah, en vérité, est Miséricordieux envers vous
Coran sourate 4, versets 29 et 30

Jeûner alors que l’on est malade et que cela peut considérablement nuire à notre santé est donc interdit et tous les savants musulmans sont d’accord là-dessus. Le devoir du malade, durant le Ramadan, est donc de préserver sa santé en ne jeûnant point, comme nous en informent les médecins Vohra et Sabri. Ainsi, il est important que nous prenions tou·te·s conscience du fait que tou·te·s les musulman·e·s ne peuvent pas forcément jeûner. Il est également inutile de leur demander les raisons pour lesquelles ils ou elles ne s’abstiennent pas de manger et de boire, parce que cela établit une distinction pouvant les blesser.

 

L’islam est une religion permettant de multiples actes de foi et il peut être intéressant de trouver différentes sources de pratique religieuse, telles que la charité, servant à la fois le dîne (la pratique religieuse) et la société, ou le fait d’être plus souriant·e, le sourire étant considéré comme une aumône. « Ne néglige aucune œuvre de bien, pas même le fait de rencontrer ton frère avec un visage radieux » est d’ailleurs un hadith rapporté par Muslim. At-Tirmidhi a aussi rapporté que le Prophète (pbsl) avait affirmé : « Et s’il y a un manque dans son obligation religieuse, le Seigneur (le Puissant et le Haut) dira : « Regardez si Mon serviteur a des actes accomplis volontairement afin de compléter le manque dans l’obligation » ». L’islam est censé être la religion de la facilité, il ne faut donc jamais se décourager, malgré les difficultés pour améliorer son dîne, conformément aux versets 5 et 6 de la sourate 94 : « A côté de la difficulté est, certes, une facilité ! A côté de la difficulté est, certes, une facilité ! ». La patience est la clé, comme nous le rappelle le verset 115 de la sourate 11 : « Et sois patient. Dieu récompense les bienfaisants ».

 

Et qu’Allah permette la guérison à tou·te·s les malades.

 

Un grand merci à Anaïs pour son aide précieuse dans l’écriture de cet article ♥

Crédit photo image à la une : Muslim Girl & Mooslemargh

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Nos Voix

Vers une recherche de sens du Ramadan

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Plus que quelques mois.
Quelques semaines…
Quelques jours et…
Le voilà, enfin arrivé !

 

Notre mois béni, comme on aime si bien à l’appeler : LE RAMADAN

 

Le Ramadan, une tradition séculaire et familiale

 

Le Ramadan fait partie des 5 piliers de l’Islam ; les quatre autres étant la croyance en un Dieu unique, l’aumône, l’accomplissement des 5 prières rituelles et le pèlerinage à la Mecque. Concernant le Ramadan, ce rite est évoqué dans le Coran, dans la sourate 2, « Al Baqarah » (La vache) dont les versets en question sont traduits ainsi : « (Ces jours sont) le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc, quiconque d’entre vous est présent en ce mois, qu’il jeûne ! »

 


 
En tant qu’enfants, il n’est pas toujours facile de comprendre dans quel cadre s’inscrit le Ramadan. Les raisons, les motivations nous poussant à suivre cette pratique étaient au début pour moi plus de l’ordre du mimétisme. On fait comme nos parents, nos frères et sœurs, tout simplement ! Alors que j’étais en classe de CM2, m’approchant du portail quelques minutes après la sortie des classes, une femme venant chercher sa fille s’étonne de me voir manger et s’adresse à moi sur un ton réprobateur, jugeant qu’il était de mon devoir de faire le Ramadan à mon âge. Contrairement à elle, mes parents me considéraient trop jeune pour accomplir le jeûne – il est en effet d’usage pour les jeunes de commencer le Ramadan à la puberté. Bien que certains enfants ne l’accomplissent pas à cet âge, le jour de fête célébrant la fin du Ramadan réunit toute la famille, petit·e·s et grand·e·s, quitte à louper une journée d’école ! C’est le moment aussi d’enfiler sa plus belle tenue, achetée quelques semaines plus tôt, d’aller chez l’épicier du quartier car tous les enfants ont entendu dire qu’il donnait des bonbons ce jour-là, de jouer avec ses copains-copines en bas de l’immeuble, d’imaginer les motifs à donner au directeur pour justifier notre absence… Que de bons moments remplis d’amour et de partage avec nos proches !

Au fil des années, à partir du collège, le Ramadan prend une toute autre dimension. Il devient une marque d’affirmation de notre pratique religieuse, de notre identité religieuse partagée par d’autres. Ces autres qui sont généralement des ami·e·s de quartier, scolarisé·e·s dans le même établissement et avec lesquel·le·s une solidarité se crée naturellement. Le jeûne, sa dimension rituelle, est accompli, respecté ; cependant, sa dimension spirituelle n’est pas ou peu conscientisée. Jusqu’au jour où nous cherchons à aller plus loin, à approfondir notre pratique et science de la religion, à ne pas considérer les choses comme une simple privation alimentaire.

 

La dimension spirituelle et sociale du Ramadan

C’est bien plus qu’une privation alimentaire.

C’est un cheminement spirituel,

C’est un véritable détachement matériel.

Cet état d’esprit «  ramadanesque », auquel j’adhère totalement, est certainement partagé par d’autres musulman·e·s de France. Pour mettre en application cet état d’esprit, il est indispensable de se fixer des objectifs très concrets. Pour ma part, je souhaitais partager avec vous mes objectifs durant ce mois de Ramadan :

 

Crédit photo : Muslim Mall | Le blog
 

  1. Réduire le gaspillage alimentaire
  2. Lire le livre sacré
  3. Prier « al fajr » à l’heure
  4. Aller à la mosquée
  5. Rester naturelle et sobre

 

Durant ce mois béni, étonnement, la consommation des musulman·e·s de France augmente de façon vertigineuse alors que nous sommes censé·e·s moins manger, donc moins consommer. Au moment de la rupture du jeûne, il est si agréable de voir une table bien garnie, mais il est encore plus essentiel de s’inscrire dans une démarche citoyenne anti-gaspillage pour respecter celles et ceux qui ont moins.

Chaque année, je me fixais comme objectif de lire le Coran, ce qui me paraissait insurmontable. Cette année, à l’aide d’un outil créé par « Imane Magazine », je poursuis mon objectif un peu plus chaque jour. Cet outil se compose de deux fiches et prend la forme d’un planning de lecture de Coran. Cette lecture hebdomadaire est très riche à la fois intellectuellement et spirituellement. Je ne la raterais pour rien au monde. Elle fait partie de mon rituel nocturne.

Autre objectif : prier « al fajr » à l’heure. Cette prière de l’aube est très méritoire pour celui ou celle qui l’accomplit à l’heure. Ce mois béni est l’occasion de surmonter sa fatigue très accentuée et de trouver la force spirituelle de se lever et de prier. Et quelle satisfaction j’éprouve lorsque j’y parviens.

La maison de Dieu, la Mosquée, accueille plus de musulman·e·s qu’habituellement durant cette période. Hommes et femmes  s’y retrouvent pour prier et accomplir des prières surérogatoires appelées « tarawih ». Cette salle de prière située à 10 minutes à pied de chez moi m’incite à m’y rendre dès que j’en ai la possibilité, et la motivation est d’autant plus grande lorsque je partage ce moment avec mon amie.

Bien que je ne l’aie lu dans aucun livre, mon esprit assimile le Ramadan avec l’idée de la sobriété concernant mon aspect physique. Pour ma part, j’ai décidé par exemple de ne pas me maquiller du tout pendant cette période mais chacun·e est libre de répondre à ce « critère » de sobriété comme il·elle l’entend.

Tout en respectant les prescriptions obligatoires, durant le Ramadan, chacun·e peut se fixer des objectifs personnels. Bien entendu, mes objectifs ne sont pas universels. Chacun·e doit trouver ceux qui auront du sens à ses yeux et qui seront atteignables. En effet, il est courant d’éprouver de la déception à la fin du Ramadan car nous n’avons pas pu accomplir telle ou telle chose. La déception n’est pas le sentiment qui doit nous habiter à la fin du Ramadan. C’est un sentiment de plénitude spirituelle, d’entière satisfaction qui doit nous envahir, estimant que nous avons vécu un mois riche et bénéfique, et qui le sera d’autant plus l’année prochaine si Allah nous accorde de le vivre avec nos proches.

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Top 10 des phrases les plus entendues pendant Ramadan

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Les mois de Ramadan se suivent et ne se ressemblent pas… Enfin, sauf sur certains points. J’ai parfois l’impression que mes échanges avec les autres suivent un scénario bien précis, avec des dialogues pour le moins… redondants. Petit tour d’horizon des phrases que nous, musulman·e·s, entendons chaque année, pour le bonheur de notre patience que ce mois spécial est justement censé renforcer.

 

1) Ohlala, je sais pas comment tu fais, moi je pourrais pas…

 

Hum, comment tu sais alors que tu n’as jamais essayé ?
Moi-même, je pourrais me dire que c’est impossible, étant donné que le reste de l’année, mon ventre gargouille à peu près 37 minutes après être sortie de table. Mais comme on dit, la foi soulève des montagnes : pendant Ramadan, la volonté me permet de me dépasser, d’aller au-delà de ce que je croyais être mes limites… et c’est justement ça que je recherche. Pour obtenir des résultats différents, il faut agir différemment. Donc pour récolter des fruits spirituels savoureux, j’estime nécessaire que Ramadan soit un mois différent des autres, qui me fasse sortir de ma zone de confort et me fasse expérimenter de nouvelles choses.

 

2) Et si tu es sur le point de faire un malaise, tu peux manger ou pas ?

 

Ben on vient de dire qu’on voulait expérimenter des choses nouvelles, non ?
Plus sérieusement, le jeûne ne doit pas être une menace pour la santé, donc on peut évidemment le rompre en cas de nécessité. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines catégories de personnes (malades, âgées, enceintes, en voyage…) ont l’autorisation de ne pas jeûner. Si elles peuvent le faire à une autre période de l’année, elles rattrapent le nombre de jours manqués avant le prochain Ramadan ; si elles ne peuvent pas du tout jeûner, elles nourrissent des pauvres en compensation.

 

3) Mais t’as le droit de boire, quand même ?

 

Hé bien non. Pas le droit de manger, de boire, d’avoir des relations sexuelles, de s’énerver, d’être médisant·e, de faire du mal par ses gestes ou ses paroles, d’entretenir des mauvaises pensées… Donc je peux te dire que le plus dur, dans tout ça, ce n’est pas de ne pas boire.

 

Qu’est-ce que les musulman·e·s ne peuvent pas faire pendant Ramadan : A) boire de l’eau ; B) ne pas boire de l’eau ; C) manger de l’eau ; D) pas même de l’eau ?

Source : hilarioushijab

 

4) Pas le droit de boire ? Mais c’est CRUEL !

 

C’est marrant comme certaines pratiques ont une image complètement différente selon le culte auquel elles se rapportent. Si ce sont des bouddhistes qui jeûnent, c’est beau, ça leur permet de purifier leur corps, de s’élever spirituellement, d’apprendre la maîtrise de soi, de se détacher des désirs physiques… On s’émerveille de certains sages qui jeûnent pendant des jours et des jours. Mais si c’est l’islam qui le demande, alors c’est barbare et cruel.

Tu veux que je te dise ce que je trouve cruel ? C’est qu’il y a un milliard d’êtres humains qui n’ont pas accès à l’eau potable DU TOUT, mais que ce qui te préoccupe le plus, c’est le fait que je ne puisse pas boire pendant quelques heures. Je pense qu’on pourrait réfléchir ensemble à une meilleure répartition de ton énergie et de ton attention.

 

5) Mais t’as pas soif ?

 

Non, parce que tu vois ma bosse, là, sur le dos ? C’est une réserve qui fond avec la chaleur et hydrate mon corps en continu, ce qui me permet de ne pas boire et de ne pas ressentir la soif pendant 36 heures consécutives.
Sinon, en vrai, il fait 32° et je ne suis pas un chameau (bien que mon haleine puisse laisser penser le contraire), donc oui, j’ai soif. C’est ça le principe : expérimenter la faim et la soif. Donc pour ça, on ne mange pas, et on ne boit pas. Même si on a faim et soif. Voilà voilà…

 

6) Et t’as le droit d’avaler ta salive ?

 

 

Là, j’avoue que c’est une question que j’ai du mal à saisir. Le concept, c’est que je n’ai pas le droit de manger et de boire. A ce que je sache, je ne vais pas apaiser ma soif en avalant ma propre salive, si ?

 

7) C’est fatiguant, non ?

 

Parfois, j’ai l’impression que les gens veulent absolument que je leur dise à quel point c’est affreux et épuisant de jeûner, ou alors qu’ils recherchent une preuve que les musulman·e·s sont des êtres étranges venus d’ailleurs : la preuve, ils et elles peuvent se priver d’eau et de nourriture sans en être affectés, c’est qu’il y a anguille sous roche, non ?
Sinon, pour répondre à la question : oui, on peut être fatigué·e, mais on peut aussi être surpris·e de se sentir plus en forme qu’en dehors des périodes de jeûne, car notre énergie n’est plus accaparée par notre digestion, et elle est maintenant disponible pour notre petite tête bien fraîche.

 

Comment les non-musulman·e·s pensent qu’on se sent VS. Comment on se sent vraiment
Source : hilarioushijab

 

8) T’as le droit de manger des chewing-gums ?

 

Contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, le mois de Ramadan n’est pas une période horrible, pendant laquelle on cherche à contourner les règles par tous les moyens possibles. L’immense majorité des musulman·e·s jeûnent de leur plein gré, et ne cherchent pas de palliatifs pour éviter de ressentir la faim, par exemple, puisque c’est justement par le jeûne qu’on cherche à se rapprocher de Dieu. Je m’attends presque à ce que m’on demande si j’ai le droit de prendre des comprimés coupe-faim avant le lever du soleil, pour tenir toute la journée sans ressentir les effets du jeûne. Quel est l’intérêt de jeûner, alors ?

 

9) De toute façon, c’est hypocrite : le soir, vous vous goinfrez…

 

Comme bien souvent, il faut faire attention à ne pas confondre les principes de l’islam et le comportement des musulman·e·s… La théorie, c’est que le mois de Ramadan doit nous apprendre le détachement, la simplicité, la satisfaction avec peu de choses, la gratitude pour ce qu’on a, la compassion envers les pauvres… La pratique, c’est que même pendant ce mois, on reste malheureusement fidèles à la société de consommation, et ces influences opposées provoquent de fâcheux courts-circuits dans nos têtes.

 

10) Tu veux du chocolat ?

 

Non merci, je jeûne. C’est la quatrième fois aujourd’hui que je te le dis et que tu me réponds « Oh mince, désolé·e, j’ai oublié ! », mais c’est pas grave. Ca rajoute un petit challenge supplémentaire quand on me propose à manger à longueur de journée.

Crédit photo de couverture : Moosleemargh 

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Jamila Bensaci : enseignante le jour, poétesse la nuit

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Concernant la condition des femmes, on est à moitié victime, à moitié complice.
Complexe et sincère, cette affirmation résume bien les écrits de Jamila Bensaci, enseignante de français le jour et poétesse la nuit.
On peut la lire dès à présent sur son blog, « Mes nuits au singulier », et découvrir ses prestations scéniques poétiques lors d’événements tels que les scènes ouvertes Um’Artist ou le Lallab Birthday, le festival féministe de Lallab.
J’ai souvent écrit pour survivre, me libérer d’angoisses, supporter les choses douloureuses que j’ai pu vivre, j’écrivais essentiellement de la poésie. Ça s’y prête bien, tu écris sur le moment ce que tu ressens.

 

Mais c’est avec impatience qu’on attend les sorties prochaines de son roman en cours de finalisation et de sa pièce de théâtre « le Roi des Connards » dont la mise en scène est prévue pour l’année prochaine. 

L’écriture du roman est venue dans un deuxième temps, j’avais besoin d’un peu de maturité en tant qu’artiste, et même en tant que femme pour écrire de manière plus disciplinée et plus cohérente, ne pas rester sur le mode de l’exutoire. Désormais, je ne suis plus uniquement dans l’expression d’une intériorité, mais c’est tout ce que je vois autour de moi, ce qui me ravit ou me révolte, qui est mis au service de l’écriture. 

 

Si pour l’artiste, l’ « expression artistique se suffit à elle-même » et « l’œuvre ne doit pas seulement être didactique », il y a une part d’engagement non-négligeable dans son travail. Cet engagement se comprend aisément lorsqu’on entend Jamila affirmer :

J’ai tendance à mettre l’empathie au centre de mes créations.

 

On ressent d’ailleurs, à la lecture de son blog par exemple, beaucoup de proximité avec ses personnages. Les thématiques abordées collent au quotidien familial vécu par l’auteur ou relaté par ses proches amies ou élèves.

 

Dans la pièce de théâtre, il s’agit de donner à voir « les questions psychologiques et sociales au sein du microcosme de la famille : la relation fraternelle dans les familles maghrébines et le rapport à la mère changeant selon le sexe. Ainsi que la question de la mixité dans les relations amoureuses » .

 

Le roman, qui se veut plus léger dans le style de l’écriture, relate les « histoires croisées de quatre jeunes filles de banlieue qui vont se sauver mutuellement des problématiques sociales et personnelles qu’elles rencontrent par leurs liens d’amitié ».
La relation à la mère est la thématique centrale qui revient en ligne de fond, car pour l’auteure, « c’est le fondement de notre féminité ». 

Ma relation avec ma mère m’a permis de devenir une femme telle que je voulais que je sois une femme, mais aussi de m’affranchir de tous les idéaux qu’elle voulait plaquer sur moi. […] J’aime ma mère plus que tout au monde, mais comme toutes les mères, elle m’a aussi fait du mal parfois et je ne voulais pas perdre cet aspect-là qui fait partie des relations mères-filles. 

 

La condition des femmes de fait, une thématique associée. 

On est beaucoup responsables de la situation dans laquelle on est, […] les femmes passent leur temps à se crêper le chignon. J’avais envie de parler de ça. […] Mais en même temps, il y a beaucoup de femmes qui m’ont aidée voire sauvée. C’est assez contradictoire. Énormément de femmes, plus que les hommes, m’ont tirée vers le haut, m’ont aidée à affirmer ma féminité, m’ont aidée à m’exprimer. Mais dans le même temps, il y a les femmes qui nous tirent vers le bas. Dans la figure de la mère, tu as cette dualité. 

 

Crédit Lallab : Festival féministe LallabBirthday

 

Enfin, en tant que femme musulmane écrivant des histoires de femmes parfois musulmanes, l’auteure est également révoltée par l’image simpliste diffusée dans les médias et demande à tout un chacun de « regarder les femmes musulmanes, de les regarder vraiment et non pas à travers des lunettes floutées par le filtre médiatique. Juste un regard humain ». Elle affirme que « l’art sera primordial pour redonner à ces femmes la dignité qu’elles méritent ».

Ce que je souhaite, c’est qu’à l’intérieur de la communauté et à l’extérieur, on arrête de dire aux femmes musulmanes comment elles doivent se comporter, qu’on arrête de penser qu’il y a une uniformité. 

 

Dans sa pièce, Jamila Bensaci a eu la « volonté de mettre en scène des personnages musulmans non-uniformes, non voilées, qui ne sont pas caractérisées par leur islamité, il se veut qu’elles soient musulmanes, mais ce sont surtout des femmes. »

J’ai voulu dire qu’au-delà de ce qu’il y a de douloureux, de difficile au nom de soi-disant de l’Islam, de valeurs religieuses, [mon héroïne] n’abandonne pas pour autant sa croyance et ses traditions. Je suis contre les représentations manichéennes. J’ai voulu un personnage qui rejette l’oppression tout en revendiquant sa spiritualité. Et là pour le coup, c’est totalement autobiographique. Je suis révoltée par un islam qui empêche d’être belle, féminine, indépendante, et dans le même temps, je suis attachée à certaines valeurs. 

 

Enfin, l’engagement de Jamila relève aussi de la résistance à la souffrance. 

 

Je considère que l’art, c’est un espace de consolation fantastique quand on souffre. Un ami m’avait conseillé de faire sortir quelque chose de beau de tout ça et c’est vraiment ce que j’ai envie de faire. Les choses douloureuses que je vois, que je vis, qu’on me raconte, face auxquelles je me sens impuissante, c’est horrible de se sentir impuissante face à la souffrance, il reste l’art et j’essaie d’en faire jaillir quelque chose de beau, c’est ambitieux, mais j’essaie. 

 

Pour affronter ses difficultés, la poétesse attend donc la nuit pour se révéler. 

Quand je prie et que je me retrouve seule au beau milieu de la nuit, et que je parle à Dieu, il y a cette certitude, et toujours un doute tout de même, où on est dans une intériorité, une intimité complète. Il y a aussi cette sensation quand je lis un poème qui me touche, qui me plaît, on rentre en connexion avec des choses invisibles. Par exemple, en lisant un poème de Baudelaire, je suis émue, touchée, je saurai pas forcément dire pourquoi, je vais toucher des choses qui sont pas palpables, on parle à Dieu, on a des réponses qui sont pas explicables, visibles, palpables, tout est question d’interprétation et quand on lit un poème, quand on écoute une chanson c’est pareil, on sait pas forcément dire pourquoi, on a des réponses parfois, on a des réponses, pas verbales comme on les attend […] mais je me sens apaisée.

 

 « La prière est de la poésie, le Coran, c’est de la poésie. Le Coran parle et il fait parler. »


Il faudra donc lire les écrits disponibles et attendre les prochains à venir pour découvrir ce que l’artiste a bien voulu partager de ses révélations nocturnes. Et on la remerciera également de nourrir notre imagination qui complétera ce que, délicatement, elle a préféré confier uniquement à la nuit. 

 

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(Dé)construction Nos Voix

10 choses qui ont changé depuis que je porte le hijab

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Non, je ne suis pas devenue une autre personne depuis que je porte le hijab. Contrairement à ce que certain.e.s craignaient, je ne suis pas devenue extrémiste, terroriste, soumise ou dépressive. J’ai toujours ma joie de vivre, mon sens de l’humour douteux et mon indépendance. Bref, je suis toujours la même, juste avec un foulard sur la tête. Mais je ne vais pas nier que ça a changé certaines choses dans ma vie…

 

1) Je me sens obligée d’être irréprochable.

 

J’ai découvert que je ne me représente plus moi-même, mais que je suis une ambassadrice des femmes voilées, des Arabes, des musulman.e.s en général, et que tout ce que je fais pourra être retenu contre moi et 1,8 milliard d’autres personnes. Alors je traverse seulement au vert et je souris beaucoup. Enfin, certaines personnes interprètent tout ce que je fais à la loupe de leurs préjugés, donc si je traverse seulement au vert, c’est parce que je suis docile, et si je souris tout le temps, c’est parce que je suis un peu idiote.

 

2) Je me prends la tête pour assortir mon foulard à ma tenue.

 

Parfois, je me rends compte que j’ai déjà 3 couleurs sur moi et pas de foulard qui va avec, alors que Cristina Cordula a dit qu’on ne pouvait pas en mettre plus de 3 dans une tenue. Or, si Cristina le dit, c’est que c’est vrai, n’est-ce pas ?!

 
Cristina
 

3) J’ai développé des stratégies dans ma vie professionnelle.

 

J’ai enlevé la photo de mon CV. J’ai appris à nouer mon foulard en turban. Je mets de la couleur. Je les prépare psychologiquement. A la fin d’un entretien téléphonique qui s’était très bien passé, j’ai voulu éviter une déception réciproque au moment de la rencontre physique : « Par contre, je porte le foulard, est-ce que ça risque de poser un problème ? ». Il y a eu un silence, qui a duré 2 secondes mais m’a paru être une éternité. « Je comprends pas votre question, là… Pourquoi ça poserait problème ? » Honnêtement, j’ai hésité entre faire une danse de la joie, pleurer, vérifier qu’il n’y avait pas une caméra cachée, et lui demander d’être témoin à mon mariage.

 

4) J’ai développé de nouvelles connaissances.

 

Par exemple : ne pas me brosser les dents avec mon hijab, au risque d’avoir l’air de porter un bavoir sur lequel j’ai régurgité.

Ou encore : penser à mettre de la crème solaire en été, pour éviter d’être bicolore quand j’enlève mon foulard – un peu comme si j’avais choisi une couleur de fond de teint trop foncée et que j’avais oublié d’en mettre sur le cou aussi. Autant dire que Cristina n’apprécierait pas.

 

5) J’ai l’impression d’être différente aux yeux de certaines personnes de mon entourage.

 

J’ai la chance que ce soit une très petite minorité, mais certaines personnes autour de moi ont eu du mal à cacher leur malaise et se sont éloignées plus ou moins rapidement. D’autres me posent inlassablement les mêmes questions, ou me font des remarques avec de moins en moins de tact. Dans une association où j’étais engagée, ma présence ne représente plus une contribution intéressante, mais une tâche indésirable dans le champ de vision. Sur tout ça, j’avoue que je ne trouve pas vraiment de blague à faire.

 

6) Je me fais draguer d’une manière… différente.

Salam alaykoum ma sœur. T’es mariée ?

Ca a le mérite d’être cash. Parce qu’évidemment, si tu portes le hijab, c’est que tu es une fille bien, « bonne à marier ». Ce genre de mec serait bien déçu de découvrir que la fée du logis qu’il imagine se transforme en ninja une fois la porte de l’appart franchie.

 
creepy 
 

7) J’ai découvert que porter un hijab équivalait à tenir une pancarte disant « Venez me poser toutes vos questions sur l’islam, j’ai un doctorat en théologie ».

 

Même si je n’ai pas vraiment de doctorat en théologie. Mais tant pis si je ne corresponds pas vraiment au profil recherché : j’ai la tête de l’emploi, alors je ne vais quand même pas gâcher leur joie d’enfin rencontrer une musulmane, et en plus qui porte le hijab.

Par contre, assez souvent, ces personnes pensent déjà tout savoir, et leurs questions sont juste un moyen très mal déguisé pour commencer un énième débat, me demander de me justifier, ou déverser toute leur haine des musulman.e.s. Petit indice pour repérer ce genre de questions bidons, elles commencent souvent par : « Tu crois pas que… », « Mais tu peux pas nier que… », « Je suis ouvert.e mais… ». Là, ça sent plutôt mauvais.

 

8) J’ai envie de dire à toutes les personnes en manque d’attention que le foulard est le meilleur moyen d’attirer les regards.

 

Lady Gaga et compagnie, laissez tomber la robe en viande. C’est so 2010. Par contre, avec un petit foulard sur la tête, vous seriez sûres d’avoir LE buzz de l’année. Pour les anonymes, pas de souci non plus : pas besoin de vous afficher dans une émission de télé-réalité douteuse pour avoir l’attention dont vous rêviez et vous sentir en permanence comme sur un podium de défilé.

Bon, après, je décline toute responsabilité si les regards ne sont pas seulement curieux ou sympathiques, mais peuvent également être haineux ou méprisants. C’est la rançon de la gloire. On ne peut pas tout avoir, hein.

 

9) Je peux dire simplement aux regards des gens si M6 a passé une émission à la con la veille.

 

Du genre « Enquête d’action – infiltration dans les réseaux salafistes dont votre voisin.e qui vous ramène des gâteaux à l’Aïd fait aussi partie, comme quoi faut se méfier de tout le monde ». Au moins, ce genre de titre serait plus réaliste qu’un soi-disant « dossier Tabou » sur un sujet qui est tout sauf tabou, vu qu’on en parle en permanence.

 
regard 
 

10) Je m’extasie pour des choses simples.

 

Comme quand je vois qu’une femme me regarde avec insistance, et que mon malaise fond comme neige au soleil quand elle me révèle la raison : « Vraiment, j’adore votre foulard, il est super beau ! ».

Ou quand le groupe de gothiques assis à côté de moi au restaurant engage la conversation comme si mon foulard était invisible. Parce qu’il y a quand même des gens qui ne voient pas « une voilée » (bientôt je vais devenir « un voile », ça ne m’étonnera même pas), mais bien une personne, et ça devient assez rare pour que je sois heureuse quand ça arrive.

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(Dé)construction Nos Voix

Pourquoi je ne me ferai pas « discrète » malgré le contexte du terrorisme

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En réaction à « Ma réponse aux 14 arguments les plus courants contre le hijab », on m’a demandé dans un commentaire ce que je répondrais à l’argument suivant : « Dans un contexte où l’islam fait peur en France, où le terrorisme islamiste (…) a frappé la France à plusieurs reprises, pourquoi, malgré cela, continuer de porter un voile qui choque les sensibilités, qui s’apparente à un islam rigoriste, traditionaliste et radical dans son interprétation des textes ? »
J’ai d’abord répondu dans les commentaires, puis je me suis dit que je pourrais compléter ma réponse et en faire un article, puisque c’est une remarque qui revient assez souvent. Comme le disait l’auteure du commentaire, le voile est parfois « vécu comme une provocation (même si ce n’est pas l’intention première) », et certain.e.s recommandent aux musulman.e.s de se faire « discret.e.s ». Mais voici 3 raisons pour lesquelles je ne le ferai pas.

 

1) Je n’ai pas besoin de changer ma pratique religieuse pour prouver que je suis bien différente des terroristes

 

S’il s’agissait d’un autre groupe que les musulman.e.s, on ne demanderait pas à tous ses membres de prouver qu’ils sont bien différents des personnes, EXTREMEMENT minoritaires, qui ont commis des atrocités. Personne n’a par exemple demandé aux Norvégien.ne.s de se faire un peu plus discret.e.s ou de changer leurs traditions pour prouver qu’ils ou elles n’étaient pas comme Anders Breivik.

Personne ne considère l’ensemble des chrétien.ne.s comme des bombes à retardement sous prétexte que des groupes haineux commettent des crimes au nom du christianisme, ce qui justifierait de leur demander de changer leur pratique cultuelle pour montrer qu’ils n’ont vraiment rien en commun avec eux. Mais pour les musulman.e.s, c’est différent, parce que l’islam fait PEUR, comme l’explique ce monsieur au charmant accent québécois :
 

 
On ne le demande pas aux autres croyant.e.s, parce qu’on ne voit pas de lien (et il n’y en a pas) entre leur pratique religieuse et la folie meurtrière de certaines personnes, simplement parce qu’elles partagent la même foi et qu’elles partageraient donc la même vision du monde. Il y a autant de manières de croire qu’il y a de croyant.e.s.

Mais pour les musulman.e.s, on fait un amalgame énorme entre signes extérieurs, piété, traditionalisme et violence, comme si un hijab ou tout autre signe religieux rendait plus « probable » que quelqu’un soit favorable à la violence ou au terrorisme. Or, l’habit ne fait pas le moine, et tous ces éléments sont loin d’avoir des liens évidents entre eux : un homme sans aucun signe religieux extérieur peut être bien plus pieux qu’un homme barbu en djellaba ; une hijabi peut être beaucoup plus libérale sur certains points qu’une femme qui ne porte pas le hijab ; et l’immense majorité des musulman.e.s, y compris les plus pratiquant.e.s et ceux.celles qui semblent les plus traditionnel.le.s, condamnent fermement le terrorisme (même si les médias relaient très peu les initiatives en ce sens et que ce n’est jamais assez).

On constate plutôt que les auteurs d’attentats sont des personnes complètement éloignées de la pratique religieuse, qui ne fréquentent pas les mosquées, n’ont pas de connaissances solides sur l’islam, et se font manipuler et embrigader sur internet par des gens qui cherchent avant tout à assouvir leur soif de pouvoir ou leurs intérêts politiques.

 

2) Ce n’est pas parce que je suis musulmane que je suis un danger potentiel

 
Malheureusement, les pommes pourries que sont les terroristes font croire que tout le verger est contaminé, et que le problème n’est pas la bactérie qui a ravagé quelques pommes, mais le type de pommes en lui-même. Demander aux musulman.e.s de changer leur pratique ou de démontrer qu’ils ne sont pas dangereux.ses, c’est considérer que c’est l’islam le problème, et que simplement parce que nous sommes musulman.e.s, nous sommes des menaces.

Or, aucune religion ne légitime la violence, et la lecture la plus stricte de l’islam devrait inviter à une bonté et un pardon exemplaires, tels que pratiqués par Muhammad (en effet, sa biographie dépeint un homme bien différent de ce que certain.e.s décrivent aujourd’hui sans connaissances).

Les terroristes sont d’ailleurs souvent des gens au passé déjà empli de violence, et qui ont simplement trouvé un alibi pour la légitimer à leurs yeux. Mais ils ne bernent pas l’immense majorité des musulmans, qui savent que cela n’a rien à voir avec l’islam.

Pour moi, garder mon foulard dans ce contexte, c’est donc montrer que les musulman.e.s qui pratiquent leur religion sont des gens comme tout le monde, et résister à cette confiscation de la religion par les terroristes, qui voudraient définir l’islam par la violence. Pour eux, nous ne sommes d’ailleurs pas de « vrai.e.s » musulman.e.s – ce qui explique pourquoi la majorité des victimes du « terrorisme islamiste » dans le monde sont musulmanes.

 

Crédit BDouin-Le Muslim show

Crédit BDouin- Le Muslim show

 

3) Le terrorisme ne fait pas partie et n’est aucunement justifiable par l’islam

 

Certaines personnes aiment aller piocher des versets dans le Coran pour « prouver » que l’islam est une religion emplie de violence. Et elles adorent demander aux musulman.e.s qu’elles rencontrent de leur expliquer comment ils ou elles peuvent dire que l’islam ne cautionne pas la violence barbare, malgré ces versets.

Personnellement, il ne me viendrait jamais à l’esprit d’interroger une personne juive ou chrétienne lambda pour qu’elle m’explique certains passages de son Livre saint qui me posent question, au lieu de me renseigner auprès d’un.e spécialiste ou d’un bon livre.

Car oui, il y a bien des passages de ce type dans la Bible, comme on le voit dans cette vidéo où deux jeunes Néerlandais présentent des versets à des passant.e.s en leur faisant croire qu’ils viennent du Coran… ce qui provoque des réactions pour le moins intéressantes :
 

 
Tout comme certains versets qui interrogent n’empêchent pas la grande majorité des juif.ve.s et des chrétien.ne.s de comprendre le message de paix et de justice de leur religion, les versets que l’on me cite ne font pas d’ombre, à mes yeux, au message global du Coran et de la vie de Muhammad. Or, beaucoup de personnes qui se prononcent sur la nature de ce message n’ont lu ni l’un ni l’autre. On cite moins d’autres versets, par exemple :

 « Si donc ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous offrent la paix, Dieu ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter » (s4, v90)

« S’ils penchent pour la paix, fais de même en te confiant à Dieu, car Il est l’Audient et l’Omniscient » (s8, v61)

« Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous les hommes peuplant la Terre auraient, sans exception, embrassé Sa foi ! Est-ce à toi de contraindre les hommes à devenir croyants » (s10, v99)

Alors comment j’arrive à accepter ces versets qui « posent question » ?
Comme le disait un de mes professeurs, « le Coran n’est pas un livre qui se résume, c’est un livre qui s’explique ». Il faut non seulement une bonne connaissance de l’arabe coranique et de ses subtilités pour interpréter le Coran, mais c’est loin d’être le seul prérequis.

Il faut surtout une véritable connaissance du contexte de l’époque, et du contexte de révélation de chaque verset. Il est essentiel de connaître les versets qui précèdent et qui suivent le verset en question, le moment où nous considérons que celui-ci a été révélé, l’éventuel événement qui a précédé, si ce verset en abroge ou est abrogé par un autre, à qui il s’adresse, etc.

Prenons un exemple concret, un verset très souvent cité lorsqu’on affirme que le Coran et l’islam sont intrinsèquement violents, LA PREUVE : « A expiration des mois sacrés, tuez les polythéistes partout où vous les trouverez » (s9, v5). Le mot arabe mushrikine  est d’ailleurs souvent traduit de manière erronée par mécréants ou infidèles, d’où l’importance de bien choisir la traduction que l’on lit (personnellement, j’utilise celle de Mohammed Chiadmi, qui est également disponible sur ce site).

En lisant le commentaire (tafsir) du verset, l’explication du contexte et les circonstances de sa révélation, on apprend qu’il n’est pas question des non-croyants ou des polythéistes de la Terre entière, mais bien de légitime défense envers ceux qui continuaient à persécuter les premier.e.s musulman.e.s – on peut par exemple penser aux Mecquois qui avaient violé le traité de Houdaybiya (qui était pourtant défavorable aux musulman.e.s) et la trêve qu’il garantissait. Ce verset n’a donc pas une portée générale (à l’attention de tou.te.s les musulman.e.s sans restriction de temps), mais une portée limitée (le Prophète et ses compagnons, lorsqu’ils étaient combattus).

Cela change quand même grandement l’interprétation que l’on peut faire de ce verset, qui est aussi bien brandi par les extrémistes que par des personnes s’opposant à l’islam ; ils se rejoignent finalement dans leur association trompeuse entre islam et violence aveugle…
 
Crédit DMB (Demner, Merlicek & Bergmann)

« Auf den ersten Blick scheint vieles unverständlich » – « Au premier coup d’œil, beaucoup de choses semblent incompréhensibles » (affiche en allemand, dans une police d’écriture qui laisse d’abord penser que c’est de l’arabe) Crédit : Agence DMB (Demner, Merlicek & Bergmann)

 

Même dans ces cas de légitime défense, l’islam est doté d’un cadre de règles de guerre, ici résumées par Abou Bakr, le plus proche compagnon de Muhammad et le premier calife :

Arrêtez-vous, ô soldats ! J’ai dix recommandations à vous faire pour vous guider sur le champ de bataille. Ne commettez aucune trahison et ne déviez pas du droit chemin. Ne mutilez pas les dépouilles de vos ennemis, ne tuez ni femmes, ni enfants, ni vieillards, ne coupez aucun arbre fruitier, ne détruisez aucun lieu habité et n’égorgez aucun mouton, vache ou chameau de vos ennemis sauf pour votre nourriture. Ne brûlez pas les palmiers et ne les inondez pas. Ne commettez pas de fraude. […] Vous trouverez sur votre chemin des gens qui se sont consacrés à la vie monastique, laissez-les tranquilles.

A cela s’ajoutent plusieurs interdictions, comme le fait de pratiquer la torture, de détruire des lieux de culte, de s’attaquer à des personnes qui demandent une trêve, etc. Ces éléments montrent le fossé qui existe entre ce que demande notre religion et les horreurs commises par un Etat qui se prétend « islamique » alors qu’il enfreint toutes les règles instaurées par l’islam.

Il ne suffit donc pas de citer des versets à la fois isolés de ceux qui les entourent et totalement sortis de leur contexte. A ceux et celles qui s’intéressent réellement à leur explication, je conseille de poser ces questions à un spécialiste, de suivre des cours, ou au minimum de lire le tafsir du Coran, c’est-à-dire son commentaire (par exemple de Ibn Kathir, qui est une référence). Honnêtement, ce n’est ni le rôle, ni dans les compétences d’un.e musulman.e lambda d’expliquer à Mr X ou Mme Y chaque verset qui l’interroge.

A moins que je puisse demander à n’importe qui des explications précises sur des articles spécifiques du Code civil, du Code pénal, etc… ? Puisqu’on ne suivrait tout de même pas un livre sans tout connaître à son sujet, ou en réservant son interprétation à des spécialistes…

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