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La musique, un art – Mona Haydar, Yuna, Neelam Hakeem

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« L’art est le défouloir de l’âme »

 

Le hijab ça dérange, ça dérange un peu partout en France, ça, on le sait. Quand c’est une femme qui s’exprime – et qui ne répond pas aux critères que la société lui impose, ça dérange encore plus. Ça frustre, ça énerve beaucoup de monde, et certains.es pensent pouvoir s’exprimer et donner leur avis. Les réseaux sociaux permettent aux langues de dire tout et n’importe quoi …

Une femme portant le hijab ne doit pas faire ci, ne doit pas faire ça. C’est haram, c’est halal… Tout le monde a un avis sur la femme musulmane. Musulmans.es ou non d’ailleurs. Bref…Je peux en faire des pages, mais aujourd’hui ce n’est pas le but. Aujourd’hui, j’aimerais parler d’art, de musique, de femmes incroyables, aux voix incroyables, aux talents incroyables…

J’aime la musique. J’aime la musique douce et lisse, qui me berce et me bouleverse. J’aime la musique engagée remplie de rage et de colère, celle qui est soyeuse et souple, et qui reste malgré tout remplie de poésie. La musique pour moi, c’est une forme d’art. J’aime l’art sincère, l’art qui me parle, qui me chuchote, qui me brusque, qui me fait mal au cœur, et qui touche mon âme. Les artistes qui créent du fond de leur cœur, du fond de leur âme, je les aime. Ô, que je les aime ! J’aime croire que l’art est le défouloir de l’âme. L’art est aussi une arme et une forme de résistance. La musique en fait partie.

Cet univers, qui parfois dérange certains.es, embrase d’autres. J’aime le rap, la pop, le R&B, le raï, la trap, le blues, le châabi. J’aime le classique, le traditionnel, le slam,…Mais je vous l’avoue, j’ai une préférence pour le rap français. J’aime les rimes, j’aime les tournures et les figures de styles, de cette langue. J’aime le côté poétique du rap, mais étrangement, ce n’était pas la musique française qui m’a poussée vers ce style.

Je suis tombée amoureuse du rap durant mon enfance… Ce n’était ni la plume de Diam’s ni celle de Kery James qui m’ont poussé dans l’antre. Pour les connaisseurs.es, c’était Fnaire, avec leur chanson « Yed el henna », un groupe de hip-hop marocain. Du rap au classique, j’ai commencé à apprécier d’autres styles, cependant, la majorité de la musique que j’écoutais (en français) n’était réalisée que par des hommes. Mon âme se trouvait rarement satisfaite par la gent féminine française, ce constat était pire quand on parlait du monde du rap. Pour moi, aucune réelle représentation.

Les femmes très peu présentes sur la scène du rap français, encore pire quand on parle des femmes de couleur, et de femmes musulmanes, n’en parlons même pas quand elles portent le hijab. Critiquées, harcelées des deux côtés, de toutes les communautés, acharnement médiatique, sans arrêt.

 

« Rappez, chantez, dansez, soyez heureux.ses ! »

 

Moi, je veux voir des meufs dire non aux règles et à la masse. Je veux voir des meufs heureuses et épanouies dans leur art. Si elles veulent rapper, qu’elles le fassent, si elles veulent chanter qu’elles le fassent, si elles veulent danser qu’elles le fassent, et qu’on arrête de les réduire à leur genre et à leur façon de s’habiller.

J’ai découvert ces dernières années des femmes qui dépassent l’incroyable. Je n’ai jamais vu des artistes rapper, chanter, danser avec autant de classe tout en étant elles-mêmes. Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter trois artistes qui sont de vraies inspirations pour de nombreuses jeunes filles : Mona Haydar, Yuna et Neelam Hakeem. Cet avis n’engage que mon âme et moi. J’espère que leur art percera votre cœur. 

 


Crédit photo : Mona Haydar

 

 

«  I am cool, I am mood, I am dude, I am Mona. » » Mona Haydar

 

L’incontournable Mona Haydar, cette artiste américaine d’origine syrienne est déjà connue de Lallab, si vous ne la connaissez pas encore, je vous invite à écouter son travail.

Poétesse dans l’âme, elle écrit depuis ses sept, huit ans. A 14 ans, elle se produisait déjà sur des scènes locales et des cafés. De la poésie, elle passe au rap, des petites scènes, elle passe aux scènes internationales.

Féministe, engagée, militante, activiste politique, elle l’est. Il suffit d’écouter « Hijabi » ou « Barbarian ». Mais avant tout, c’est une artiste. Une rappeuse.

Le mot « berbère » m’a toujours dérangé, depuis l’adolescence, je ne l’ai jamais aimé, j’avais du mal à l’employer, et lorsqu’il sortait de ma bouche, je me sentais mal à l’aise, pour la simple raison que « berbère » est un mot dont l’origine est très controversée avec le mot barbare, je vous laisse la liberté de le googliser.

Moi, j’aimerais vous parler de la façon dont Mona Haydar s’approprie le mot « barbarian » barbare en français et l’utilise poétiquement.

Dans une interview en 2019, l’artiste explique que dans ce morceau, elle parle de « ceux qui regardent la culture arabe, ou n’importe quelle culture indigène, non-blanche en se disant qu’elles sont moins glorieuses, que ces peuples sont sales, barbares, sauvages et non civilisés ».

Oubliez la vision occidentale sur les femmes issues d’une culture indigène, dans le clip, « Barbarian », on voit des femmes habillées traditionnellement (je vous avoue les seuls vêtements que j’ai reconnus étaient la djellaba et la gandoura, mais il y avait d’autres tuniques traditionnelles n’hésitez pas à partager les noms si vous les reconnaissez!), outre le vêtement traditionnel, il y a les incontournables tatouages au henné et les youyous ainsi que les instruments traditionnels (oud). Qui ne s’est pas déjà tatoué au henné ici ?! Qui n’a pas porté un vêtement traditionnel ?

Vous l’aurez compris, Mona Haydar scande haut et fort qu’il faut être fier de ses origines, et ne pas laisser l’Occident définir nos racines et notre culture… Donc la prochaine fois que tu veux manger à la main, et que tu as peur de passer pour une personne « bizarre et pas civilisée », envoie bien loin cette pensée et mange comme tu le sens ! 

 


Crédit photo : Yuna

 

« I am proud, it’s my choice to cover up my body. I’m not oppressed. I’m free » Yuna

 

Yuna est une chanteuse malaisienne. Cette artiste est connue dans son pays, mais l’est moins à l’extérieur. Je crois fort que cette jeune femme n’a pas la carrière qu’elle mérite. Sa musique est une ode à l’âme.

J’ai découvert Yuna grâce à sa chanson « Does she ». Sa voix m’a énormément touchée. De la douceur, de l’amour, voilà ce à quoi je pense quand j’écoute sa musique. Elle me transporte ailleurs. J’aime l’art sincère, et celui de Yuna l’est, en particulier, son album « Rouge ». Sa musique parle beaucoup d’amour, elle m’a séduite.

Lors d’une interview en 2020, elle confie qu’elle était honnête dans cet album. Elle évoque le fait d’être une femme musulmane dans l’industrie de la musique, qui a essayé de s’intégrer dans les normes de la culture occidentale et orientale. Finalement, elle a réalisé qu’elle devait juste être elle-même.

Et cela lui a bien réussi, dans cet album, elle a collaboré avec plusieurs artistes comme G-Eazy, Little Simz ou encore Jay Park.

Yuna ne fait pas que chanter, elle joue de la guitare et danse, également durant ses concerts et dans ses clips. Je vous invite à voir Forevermore.  C’est un clip aux visuels artistiquement bien travaillés. Au-delà, de la voix de la chanteuse qui me berce et me transporte, les images, elles m’ôtent littéralement le cœur. On y voit de nombreux portraits de malaisiens et de magnifiques paysages, sans compter une Yuna dans son élément, avec beaucoup de style. N’hésitez pas à le visionner, vous ne le regretterez pas. 

 

Crédit photo : Neelam Hakeem

 

« Not your typical rapper » Neelam Hakeem.

 

Neelam est une artiste basée à Los Angeles.  Une rappeuse qui ne mâche pas ses mots. Très active sur Instagram, elle frappe là où ça fait mal. Ses punchlines sont extraordinaires, et c’est dans ces moments-là que je regrette de ne pas avoir un Anglais natif. Neelam n’hésite pas à dénoncer dans sa musique le racisme, et les problèmes sociaux, notamment ceux qui concernent les musulmans.es noirs.es aux Etats-Unis. Son rap est profond, vrai, et authentique. Combien de ses mots m’ont transpercé le cœur ? Je n’en sais rien, mais il m’arrive que je tombe sur ses vidéos qui durent à peine trente secondes, et ces quelques secondes suffisent pour me couper le souffle et ébranler mon âme.

Lors d’une interview, elle explique que par son art, elle veut parler pour ceux qui n’ont pas de voix. Elle traite chacune de ses chansons et vidéos avec beaucoup de sérieux. Elle souhaite simplement évoquer les injustices et les questions ignorées par énormément de monde. Malgré la censure qu’elle subit de la part d’Instagram, elle continue de partager et de créer du contenu qui permet d’élever les consciences face à l’injustice.

Ces trois femmes sont une source d’inspiration pour de nombreuses jeunes filles et femmes. Elles sont la preuve vivante qu’on peut briser les codes et changer les règles du jeu.

La France, est-elle prête à voir des femmes sur la scène musicale qui ne répondent pas aux nombreux mythes et fantasmes sur la femme musulmane ? Nos communautés sont-elles prêtes à nous soutenir ? Puis-je voir dans un futur proche, des femmes faire ce qu’elles veulent sans être condamnées par la société ? En attendant, on doit encore se battre pour nos droits, afin de pouvoir s’habiller comme on le souhaite, dire ce que l’on pense et faire ce que l’on veut, car une femme qui porte le hijab ça dérange, ça, je le sais.

Autrice : Jou RH

 

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Diffuse la bonne parole

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Khadija et Oum Kalsoum :  Musulmanes et femmes amoureuses — Oum Kalsoum, l’hymne à l’amour

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Je vous invite à vous accompagner d’une chanson de la Dame pour lire cet écrit. De préférence une chanson enregistrée avec le public. Il est « l’autre instrument ». Pendant c’est bien, après c’est encore mieux. En réalité, dès que vous pouvez, notamment quand vous ressentez le besoin d’un réconfort. Par ces temps difficiles, vous réaliserez la force incroyable que peut déployer une femme musulmane amoureuse. Les chansons d’amour de l’Étoile d’Orient, c’est l’art d’aimer au féminin dans toute sa splendeur ; dans toute sa magnificence ; dans toute sa puissance. Aux profanes, si vous voulez saisir l’âme arabe, écoutez et laissez-vous transporter par la Voix d’Oum Kalsoum. 

 

1983. Lille. C’est un de ces dimanches matin comme je les aime, ce mode en pause où, enfant, je me réjouis de ne pas être pressée pour aller à l’école. Ces dimanches confortables où je sais que je vais rester en pyjama et savourer le temps qui passe. Je vais avoir bientôt 6 ans, ma sœur et moi chahutons sur le canapé du salon. Je vois mon père se lever de son fauteuil, poser sa tasse de café, et mettre un vinyle sur la platine orange. Il allume une cigarette. Le temps s’arrête. Silence. J’entends encore le début du crépitement du diamant sur le disque. Des applaudissements. La ferveur du public. Des violons en joie. Et la Voix qui entame « Habibiiiiiii… » Les violons répondent.

Je me souviendrais toujours,de cette ambiance onirique, de ce parfum trouble mais si doux de l’enfance. Je m’en souviendrais toujours. La plénitude répondait à la mélancolie. La sensualité conversait avec la nostalgie. Dans ce bavardage délicat, je ne saisissais pas d’où venaient ces murmures, ces paroles, ces émotions. Était-ce mon père assis sur le fauteuil, qui, dans les volutes de fumée de sa cigarette, les yeux fixés dans ses pensées, dialoguait avec sa terre natale ? Lui disait-il à quel point lui manquait sa lumière, ses couleurs, sa poésie, sa musique ? Lui disait-il à quel point il l’aimait ? Lui disait-il que l’exil, el ghorba, lui devenait insoutenable ? Qu’il ne supportait plus la distance et l’hostilité du pays d’accueil ? Ou peut-être s’adressait-il à quelqu’un d’autre ? 

Ya Habibiiiiiiiiiiii… violons… Yaaaaaaaa Habibiiiiiii ». Clameur extatique du  public « Aaaaah !!! » Durant cet interlude, le temps s’arrête. Mon père est ailleurs. Il a pris ses bagages, il est retourné au pays. Il continue à haler la fumée. Il semble penser à cette femme qui chante pour lui. Oui il n’a d’yeux que pour cette femme. Cette voix. Car elle seule peut le consoler, dans cette langue qu’ils partagent tous les deux. Cette Voix seule peut comprendre sa douleur, entendre ses confidences. J’en suis jalouse. 

À qui appartient cette voix éraillée et tremblante ? Mais qui est cette chanteuse que tout le monde semblait admirer ? Je saisis la pochette du vinyle, pour imager la Voix. C’est elle ? Comment une dame d’un certain âge pouvait faire cet effet à mon père ? Au public ? Des yeux masqués par des lunettes noires, une coiffure surmontée d’un chignon haut et droit, un mouchoir en soie dans la main gauche. Mais qui est cette chanteuse à l’allure si austère ? En vrai, j’avoue… Oui j’avoue que, moi aussi, je suis saisie ce jour-là. Si ce moment d’enfance est encore gravé dans ma mémoire, c’est qu’elle a su toucher mon tréfonds de petite fille. Son timbre, son souffle, son âme s’y sont nichés pour toujours et à jamais. 

Et sur la pochette est écrit Oum Kalsoum. Oum Kalsoum est son nom.  

 

1898 ( ou 1904 ?). Delta du Nil. Née la Nuit du Destin, celle de la Révélation, quand le Prophète (psl) reçut le Coran de l’Archange Gabriel, pendant le mois du Ramadan, elle ne pouvait que connaître une destinée hors du commun. Le Livre sacré deviendra son antre, son inspiration, sa source de vie. C’est un élément à comprendre si on veut percer le secret de celle qui deviendra l’Astre de l’Orient. Ses parents décident de lui donner le nom de la dernière fille de Khadija et du prophète Mohamed. Comme une réincarnation du fruit de l’al hiba (plante désertique qui a donné al hub, l’amour) entre l’Envoyé de Dieu et sa femme. Celle qu’on nommera l’Étoile de l’Orient est prédestinée à glorifier l’amour, le désir, Allah. 

C’est en écoutant son père chanter que la future diva apprend à manier sa voix. Ibrahim est imam et cheikh dans un village d’un delta du Nil, et vit de ses interprétations de chants religieux lors de mariages, fêtes sacrées ou Maoualids. Un jour, il surprend sa petite entonner les mêmes refrains. Subjugué, le père réalise la puissance vocale de sa fille. Il comprend vite qu’elle peut devenir un gagne-pain juteux pour la famille. Pour ne pas se risquer à déshonorer sa réputation en faisant chanter sa propre fille, le père la déguise en garçon. Certains y verront plus tard l’origine de son ambiguïté sexuelle. Peu importe. Il décide de l’envoyer à la mosquée, pour parfaire son talent. Oum Kalsoum y fait une rencontre qui la bouleverse. Elle tombe amoureuse. Intensément. Follement. Éperdument. Al-Coran. La Récitation. Elle découvre l’absolu. Allah s’est réincarné dans le Verbe. De ses mots elle s’émerveille. De son message, elle jubile. De ses entrelacs elle joue. La langue arabe transcende le Sensible. Le texte saint l’habite, la possède. « Le Coran est toute ma vie», confiera-t-elle lors d’une interview. C’est pourquoi même dans les chansons d’amour les plus érotiques, vous l’entendez faire appel à Dieu. « Yaaaaaa Rab… aaaaa Rab ». Car la jouissance charnelle vous transcende vers le Créateur et donne un avant-gout du Paradis. Intonation, modulation, silence, souffle. L’art de la psalmodie métamorphose sa voix en instrument magique. Oui. On tient le secret de sa tessiture divine. Le livre sacré l’a révélée. Oum Kalsoum venait de naître une deuxième fois. 

Ses prestations se révèlent vite exceptionnelles et toute la Région du Delta ne parle que de ce petit bédouin. Qui est cet enfant dont la voix envoûte tous les villageois du Nil ?  Mais qui est-il pour émouvoir son auditoire jusqu’à le faire pleurer ? Ayant  écho du succès du « jeune garçon », le célèbre cheikh Abou El Ala Mohamed décide d’assister à un de ses récitals. Ému aux larmes, il n’en revient pas. Incroyable. Devant ce joyau brut, il tombe en pâmoison. Il presse les parents d’envoyer leur enfant prodige à la Capitale. Il insiste, l’aura de l’adolescente mérite de briller sur toute l’Égypte. Mais c’est dans le monde entier qu’elle rayonnera. 

 

1967. Paris. L’Olympia. L’excitation est à son comble. Des cars bondés en provenance de toute l’Europe, des avions du monde entier. Les admirateurs affluent. Des files d’attentes interminables devant la salle de spectacle. Le boulevard des Capucines profite des dernières lumières d’automne. « C’est du jamais vu ! » affirme Bruno Coquatrix, le propriétaire vient de signer le cachet le plus cher de l’histoire de la mythique salle. Se bousculent des princes du Moyen-Orient, des ambassadeurs de tous les pays, et surtout des immigrés, des ouvriers de chantiers, des étudiants, marocains, algériens, tunisiens qui côtoient des juifs séfarades ayant grandi eux aussi avec le « Rossignol du Caire ». La musique transcende la discorde. S’impatientent quelques français connaisseurs, dont un jeune acteur qui deviendra un monstre sacré du cinéma. Beaucoup d’hommes en réalité, et ce n’est pas un détail. Les places se sont vendues à prix d’or. La salle se comble vite.

 

1956. Le Caire. Bouillonnante, foisonnante, électrique, la capitale est le théâtre depuis 30 ans de grands changements politiques : l’expulsion des Britanniques, l’indépendance et le coup d’État des militaires en 1952.  Nasser, le Raïs, chantre du tiers-monde et héraut du panarabisme, est à la tête d’un pays plein d’espoirs. Et le Caire est une promesse, elle est the place to be. Cosmopolite, sensuelle, inspirante, la ville vit son âge d’or artistique. Les cinéastes, chanteurs, starlettes s’y côtoient dans les cabarets. On peut y croiser Mohamed Abdel Waheb, Samia Gamal, Youcef Chahine, Omar Sharif, future grande star internationale, et tant d’autres, qui donneront les lettres de noblesses au cinéma et à la nouvelle musique arabe. Les comédies musicales du Nilwood sont légions et les artistes servent de porte-drapeau au soft power égyptien dans un monde arabe à peine décolonisé, de Casablanca à Bagdad. Le nouveau président le sait et c’est ainsi qu’il se rapproche de celle qu’on nomme déjà là 4e pyramide. À son arrivée dans les années 1920, la jeune Oum Kalsoum rencontre le succès très vite, elle a laissé son déguisement de garçon dans les loges et s’offre depuis triomphante à la ville. La prédiction du cheikh Mohamed s’est avérée juste. Désormais elle brille, à Tanger, Tripoli ou Damas. Son public lui voue une dévotion quasi mystique. Incontournable et déjà iconique, la Diva est au firmament de sa gloire. Nasser vient de faire subir un affront monumental aux Français et au Britanniques lors de la crise de Suez. Auréolé de sa victoire, le Raïs se lie d’amitié avec El Sett, la Dame. Pour lui, elle intègre des hymnes patriotiques, dans son répertoire dominé par la thématique amoureuse,. En 1960, il lui suggère de collaborer avec un autre génie,  le chanteur musicien Mohamed Abdel Wahab. Pour la Voix de l’Orient, l’artiste composera le légendaire « Enta Omri».

 

1964. La Nation arabe. Du Maghreb au Mashrek, l’air chaud est électrique et impatient. Il est 20h. Rabat, Alger, Beyrouth, Kharthoum arrêtent toutes leurs activités pour se précipiter dans les hanouts, échoppes et cafés. On s’y rassemble autour du transistor ou de l’unique télévision du quartier. Les rues se vident littéralement.  À la radio d’État égyptienne, les généraux du comité de la Révolution occupent le premier rang. Des âmes bénies dans le reste de la salle mesurent leur chance de voir leur divinité en chair et en os. Le cénacle d’amoureux impressionne par son nombre. Ses prétendants s’apprêtent à vivre pleinement « Le moment de grâce ». C’est devenu un rituel. Chaque premier jeudi du mois, la Nation arabe a rendez-vous avec leur Bien-aimée. Ce jour-là, Al shaeb arab est suspendue à ses lèvres. Al- Uma retient son souffle. Silence. La garde orchestrale entre en scène. Applaudissements. Clameurs. Sifflements. Les corps s’agitent. Les musiciens virtuoses ouvre le bal. L’orchestre est la sentinelle de la Voix. Oum Kalsoum n’est plus un corps. Mais une voix, une respiration, un rêve. Ça commence. Violons, derbouka, luths résonnent au diapason. Dès les premières notes, la foule frissonne. Le préambule musical tels des préliminaires entre des amants, se veut délicat, lent, long. Crescendo, le désir monte. Ardent, le peuple se contient difficilement. Dans la salle, on entend « Allah Akbar». Le temps s’arrête. Les instruments retiennent la note. La font durer. La tension est érotique. Et soudain, la Voix. Telle une caresse, elle lui souffle un « Habibi» doux et tendre. Le public lui répond « Aaaaaaah !!!» il est au bord de l’évanouissement. Oum Kalsoum a parlé. S’enchaine un corps à un corps fiévreux entre sa Voix et les instruments. La guitare électrique s’alanguit auprès de l’orgue. Les violons frémissent aux sons du kanoun. La derbouka joue des arabesques devant le luth, la flûte murmure secrètement à l’accordéon. Mais c’est à la Voix qu’ils dédient leur symphonie. Et puis silence. Le peuple tremble. La Voix déclame une longue et voluptueuse litanie à son soupirant.  Enta Omri/Tu es ma vie. Oum Kalsoum est une femme amoureuse. Entre deux souffles lascifs, elle récite des vers d’une beauté sans pareil. Kouli Farah echtaka min kablak khayali/Chaque joie dont je me languissais de toi. Dans le creux sinueux des notes, elle fait vibrer chacune de ses syllabes pour retenir son amant. Elle l’aime. Ellayali el hilwa wil shouk wil mahaba/ les belles nuits, le désir, le grand amour. Elle le veut. Elle souffre. Ses gémissements sont à la limite de l’indécence. Enflammé, son chant est à l’acmé du plaisir. Ses auditeurs sont entrés dans une forme d’extase. La Voix androgyne, voilée, sensuelle glisse et pénètre tout leur être. Âmes déchues, ils n’ont pu résister à la tentation de la luxure. Et lorsqu’elle rythme avec insolence, ses longues vocalises par un langoureux Enta ou ana/Toi et moi, ils s’exaltent « Aaaaaaaaah » Quand la Voix leur susurre un suggestif Douk al Houb/Goûte l’amour, ils succombent. Quand enfin jaillit l’ultime Habibi/mon amour, la Voix porte, avec ivresse et ardeur, la dernière vibration, celle de l’abandon final. S’en suit une orgie musicale explosive qui n’en finit plus. C’est l’apothéose. Elle couronne le plaisir suprême. Transcendantale ! La joie hurle, les applaudissements se délectent et la clameur est orgasmique. Essoufflé mais heureux, le peuple vient de vivre la petite mort. Béatitude insolente et gloire au Divin. Oui. La Nation arabe vient de goûter au fameux « Tarab ».

Certains sons (aswât) font qu’on se réjouit, (…) certains excitent (itrâb) et suscitent dans les membres des mouvements de la main, du pied et de la tête, accordés à la mesure ! » disait Al Ghazali au XIe siècle. La chanteuse  fait durer le plaisir aussi longtemps qu’elle le peut. Dans le tarab, l’interprète elle-même vit cet état second, dans ce face à face, avec son public. L’amour, le désir, le plaisir sont vécus dans une commune extase. La flamme consume l’âme et l’esprit qui font corps. Oum Kalsoum n’interprète que deux ou trois chansons mais ses refrains sont prolongés à l’infini. Les hommes sont à ses pieds. L’indigent comme le nabab s’enivre de sa voix suave et rauque, le soldat comme le paysan respire son souffle, le poète comme le musicien boit ses paroles, elle était devenue l’opium du peuple. Ils savent qu’elle est inaccessible. Et pourtant, chacun se persuade que les mots d’amour chantés par la Reine lui est destiné. Lyrique, tragique, théâtrale, Oum Kalsoum sait jouer des mots, des notes et des hommes. Elle les a domptés. Oui, une femme amoureuse est une femme libre et puissante. Une femme musulmane qui plus est. Mais le tarab ne suffit pas à expliquer ce pouvoir hors du commun. Perfection artistique, son secret réside d’abord dans la langue du Coran, l’arabe. Souvenez-vous, le livre sacré avait fait naître l’étoile de l’Orient. L’art de la psalmodie lui a fait découvrir la puissance du Verbe. L’Arabe est la métaphore de l’âme et du Créateur. Lorsqu’elle chantait, Oum Kalsoum puisait dans les profondeurs de la langue, la force du Seigneur. Sa voix aspirait dans chaque quatrain, chaque vers, chaque lettre, chaque accent le souffle divin, et lui donnait une forme accessible aux mortels. Elle rendait ainsi sensible l’Invisible. Sa voix donnait à voir le miracle d’Allah. Et de l’Amour. 

Dans l’histoire des musulmans, pour moi, Khadija et Oum Kalsoum symbolisent, toutes deux, la femme amoureuse par excellence. Et je vous l’ai répété, elles sont des sources d’inspiration incomparables. Dans chaque femme, s’y insuffle la vie. D’ailleurs en arabe, le mot al-rahma, la miséricorde et amour, ne signifie t-il pas rahim, l’utérus. Splendide ! Non seulement, l’arabe est la langue d’Allah, de l’amour, et du sexe. 

Mais définitivement, l’Arabe est la langue de la Femme.  

 

1975. Le Caire. Le 3 février. Cela fait deux heures que le cercueil passe de mains de mains. Couvert du drapeau national, il flotte au-dessus d’un cortège impressionnant d’un 1, 5 km. Les stars de cinéma, les vedettes de la chanson arabe, les dignitaires du pouvoir sont présents. Éplorés mais fidèles jusqu’à la mort, ses musiciens décident de l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure, au cimetière El Bassatine. C’est de la folie. La ferveur des cairotes est hors-norme. Et le sacrifice de l’Égypte devant l’autel de la Diva défunte est dramatique : 53 morts. Piétinés par une foule en deuil. C’est Marc-Antoine qui pleure Cléôpatre, des amants maudits. Trois millions de personnes composent la marée humaine. Les anonymes sont anéantis. Leur chagrin est incommensurable. Dans toutes les capitales, la Nation arabe pleure leur Kawkab Acharq. L’espoir suscité par le rêve d’une nation unie s’est éteint en même temps que le porte-voix du panarabisme. Al shaab arab vient de perdre sa bien-aimé. En deuil, beaucoup d’hommes pleurent dans la rue. Le comble de cette histoire d’amour est que la Diva préférait peut-être les femmes. On ne lui connaissait aucune romance officielle, avant de se marier avec son médecin à l’âge de 52 ans. Pourtant les prétendants ne manquaient pas. L’amoureux transi le plus célèbre est le parolier Ahmed Rami. Il lui écrira des centaines de chansons ; dont le chef d’œuvre Rubbayat, les quatrains du poète Omar Khayyam, traduit du perse à l’arabe spécialement pour elle. Les rumeurs sur une éventuelle homosexualité continuent d’être alimentées aujourd’hui. Quelle importance finalement ? Elle est une femme libre. Amoureuse. Immortelle. On nait, on vit, on meurt avec la Voix de Oum Kalsoum.  Son pouvoir a traversé les mers et les continents. Les années et les siècles. Le cœur et les corps. Même Paris sera à ses pieds. Oui aux pieds d’une femme musulmane. Marqué à jamais par « la grande prêtresse du monde islamique », titre France Soir le 14 novembre 1967.

 

1967. Paris. 14 novembre. 2h30 du matin. « Taira echaouki oughani alami/De l’oiseau du désir ardent pour lui chanter ma douleur ». Les applaudissements sont sans fins. Des larmes coulent le long des joues. Les poitrines sont emplies de vibrations. Les esprits sont étourdis d’ivresse. Les âmes vaillantes planent et les cœurs brisés se remettent. Nuit incandescente. L’Olympia venait de vivre un concert historique. Deux soirs de suite. Jamais la salle n’avait veillé aussi tard. Standing-ovation, le public est en trans. La Dame triomphe sur la capitale et  vient de soigner un peuple meurtri d’une plaie encore béante. Quelques mois plus tôt, en juin, les Arabes venaient de perdre la Guerre des Six Jours. Israël occupe désormais la totalité de la Palestine et le Sinaï égyptien. Terrible défaite pour Nasser, l’unité arabe tant rêvée ne sera plus qu’une illusion perdue. La tragédie des Palestiniens vire au cauchemar.  Amoureuse et patriote, Oum Kalsoum décide de céder son cachet pour soutenir le Raïs et la cause arabe. Affectée, la chanteuse débute une tournée dans les capitales arabes pour réconforter le moral des troupes. Des marxistes égyptiens lui ont reproché d’avoir détourné le peuple du combat avec ses chants d’amour. Encore une fois dans l’Histoire, les femmes répondent à l’appel mais sont vite accusés de tous les maux. Mais la Voix des Arabes n’en a que faire : « Nous sommes des fedayins, nous mourons plutôt que de céder», avait-elle déclaré. Et rien de tel que la capitale française, seule escale occidentale, pour faire taire ses détracteurs et graver sa légende. Pour ce grand soir parisien, elle décide de chanter un monument « Al Atlal » les Ruines. Tout un symbole. 

« Ya faoudi la tassal ayna el houa/ Ô mon cœur, ne demande pas où est passé l’amour». « Iskini ouachrab aala atlatlihi /Sers-moi et bois en souvenir de ses ruines ». 

La Diva se tient debout, magistrale et magnétique. Chaque refrain, chaque complainte, chaque mimique entre dans le cœur du public. « Ya habiba zourtou yaouman aykahou/Ô mon amour, j’ai un jour visité le nid. Il lui répond par des cris, des pleurs, des déclamations. Quelques profanes sont subjugués et ne comprennent pas cette communion inédite mais fabuleuse. Parmi eux, un seul saisit la puissance d’Oum Kalsoum et savoure l’extase du tarab. C’est un jeune homme, et c’est Gérard Depardieu. Son cœur chavire, son âme est touchée, il tombe amoureux. L’acteur décide de se convertir à l’Islam. Incroyable. Il confiera plus tard, dans sa biographie « Je me suis retrouvé dans une communion artistique avec elle ». Extraordinaire ! La foule est en émoi. Les spectateurs ne retiennent plus leurs larmes, ni les convulsions de leur corps. Ils tiennent leurs visages, ils chantent, s’assoient, se lèvent. La Voix de l’Orient a réveillé les sens sacrés, elle est allée chercher dans les entrailles de chaque spectateur la dignité, le désir, l’élan de vie, le divin. Elle donnait vie à l’Indicible.

« A-t-il vécu l’amour dans l’ivresse comme nous/Hal ra el houbou soukara mithlana »

Elle est au Septième ciel. Dans son ascension, elle transporte ses fidèles dans une nouvelle dimension. L’Etoile s’est envolée dans le cosmos. Un homme, sous l’effet du tarab probablement, se jette à ses pieds. Il est vite évacué. L’incident ne trouble pas Oum Kalsoum, la Diva continue de chanter. Invincible ! 

Le lendemain ; ces deux concerts feront les titres des journaux « Opulente, indestructible, la voix de velours et de soie, le port pharaonique, c’est Oum Kalsoum l’Egyptienne » affirme le Monde.

« Donne-moi ma liberté et lâche mes mains/Aateni houriati oua tlik yadayya » 

La 4e pyramide a emmené en ce jour historique, son public, ses admirateurs et toute la Nation arabe au sommet. Non seulement elle leur a rendu leur fierté. Mais elle a clamé au monde entier que les Arabes étaient une Nation faite pour l’amour. 

« J’ai tout donné, il ne me reste plus rien/Innani aataytoi ma astab kaytou chaya » 

Sous les vestiges, la reine d’Égypte savoure sa gloire, la scène est son trône, l’Olympia est son royaume. 

Le peuple vient de prêter serment d’allégeance à leur Reine. 

Un serment éternel.

 

Nejwa Mimouni, le 12 février 2021

 

Si vous l’avez ratée, retrouvez ici le premier épisode de notre chronique « « Quand l’Arabe était la langue du sexe» !

 

Crédit image à la une : Nejwa

 

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Femmes musulmanes dans l'histoire Portraits

Arib al-Ma’muniya : une célèbre musicienne à la cour

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[Publié initialement le 20 mai 2019]
Aujourd’hui, grâce à la femme que je vous présenterai, nous parlerons d’art, de musique, et de spiritualité.
La femme dont je vais vous raconter l’histoire nous permettra de nous rappeler, ou juste de ne pas oublier, que la musique, la danse et l’art de manière générale occupaient une place importante dans les coutumes et mœurs des premier.e.s croyant.e.s de l’islam.
Elle nous permettra de nous rappeler que le développement de l’islam permit de donner naissance à un nouvel art. Un art à la fois élaboré à partir de musique arabe préislamique, marquée à travers le temps par des contributions perses, byzantines, turques, amazighs et maures. Une telle fusion de styles qui fut rendue possible grâce à la place que l’art et la culture occupèrent, grâce au soutien et à leur maintien par les plus grand.e.s qui, à travers le temps, souhaitèrent s’en porter financièrement garant.e.s
Alors, si l’art et la culture furent si centraux durant des décennies dans l’histoire de l’islam, comment se fait-il qu’aujourd’hui, lorsque l’on tape « Islam & musique » dans un moteur de recherche, la majorité des articles sur le sujet viennent nous expliquer que la musique, la danse ou encore le chant seraient nécessairement à bannir ?

‘Arīb al-Ma’mūnīya naquit en 797 dans la ville de Bagdad, dans l’actuelle Irak. Elle était la fille du vizir Ja’far al-Barmaki, membre des Barmakids, et de l’une des domestiques de la famille, nommée Fāṭima. Le statut illégitime qui fut le sien lui valut une enfance plutôt instable et difficile. Son père, Ja’far al-Barmaki, refusa catégoriquement de la reconnaître publiquement. Il survenait certes durant ses premières années à ses besoins, mais laissa sa mère Fatima se charger de l’ensemble de son éducation.

Très vite, la situation se compliqua pour elle lorsque, âgée de 4 ans, sa mère Fatima tomba gravement malade et mourut. Ja’far, informé de la situation et refusant d’abandonner son enfant, fit le choix de la remettre à une famille chrétienne, famille à qui il confia la mission de son éducation. En contrepartie, Ja’far s’engagea à payer mensuellement le montant qui lui serait demandé.

Au sein de cette famille, la vie d’Arib devint plutôt paisible. Durant cinq années, à leurs côtés, elle apprit à lire, à écrire et se découvrit une passion pour les arts.

Simultanément, la situation politique et économique devint de plus en plus compliquée pour les Barmakids et par extension pour son père. Plus le temps passait, plus Ja’far se voyait en difficulté pour rémunérer la famille qui accueillait sa fille.

C’est ainsi qu’au bout de quelques impayés, Arib fut vendue à un certain Al Marakibi qui l’emmena à Basra. Chez lui, elle servit quelques années, mais Al Marakibi, la voyant éduquée et intéressée, lui fit enseigner l’art de l’écriture et de la grammaire. Arib réalisa alors ses premiers pas en tant que poète et passa une grande partie de son temps à rédiger, à composer. Avec l’expérience et le temps, elle commença aussi à chanter.

Ses textes étant profonds et sa voix envoûtante, Arib se fit rapidement remarquer.

A l’âge de 17 ans, elle retrouva sa liberté et commença à travailler pour le compte de certains vizirs. Elle occupait alors leurs palais et, le soir ou durant les festivités, Arib chantait et partageait sa douce poésie. De nombreux vizirs s’arrachaient ses services si bien qu’elle fut très vite reconnue comme étant l’une des musiciennes les plus talentueuses d’Iraq.

Avec une renommée si grandissante, c’est le calife abbasside Al Mamun en personne qui demanda à la rencontrer. Fasciné par son charisme et son talent et en admiration devant son art, Al Mamun proposa à Arib de l’héberger à la cour en échange d’interventions lors de festivités, de soirées ou de cérémonies. Arib accepta et s’installa donc à ses côtés.

Au sein du palais, Arib fut grandement inspirée et productive. Rassurée de ne plus avoir à se questionner sur comment elle gagnerait sa vie, elle passait le plus clair de son temps à l’écriture de chansons et à leur compilation.

Elle écrivit durant ses années au palais plus de 1000 chansons et poèmes compilés en plusieurs volumes.

Symbole de son talent et de sa créativité, Arib servit, après Al Mamum, les 9 califes suivants. Elle mourrut sous le règne de Al Mutadid, à l’âge de 96 ans. Arib aura donc servi au cours de sa vie un nombre considérable de vizirs et 10 des califes abbassides. Vivant au sein même de la cour, elle fut la musicienne la plus connue et reconnue du IXème siècle.

L’histoire d’Arib, j’aimerais la partager à toutes ces femmes, ces passionnées qui à un moment de leur vie ont douté ; douté de la légitimité, de leur talent ; douté de la possibilité de pouvoir à travers leur art s’exprimer.

A toutes ces femmes, à qui l’on a dit qu’islam et art étaient incompatibles, à toutes ces femmes à qui l’on a expliqué que pour être une « bonne » croyante, il faudrait nécessairement qu’elles choisissent entre leur passion et leur religion.

Mesdames, dites-vous que l’art a toujours existé et que l’islam a contribué à le faire évoluer. Un nombre important de textes, d’écrits, d’histoires sont aujourd’hui présents pour nous le rappeler, pour souligner que la grandeur de l’islam s’est avant tout construite sur la grandeur de sa culture.

S’en séparer, c’est laisser de côté cette part de beauté, c’est oublier ceux et celles qui nous ont précédées.

Crédit image à la une : Charlotte. Charlotte est une illustratrice passionnée de dessin et notamment par l’univers de la mode. Je vous laisse découvrir son univers :
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Fatma Torkhani, la voix arabe tentant de créer des ponts

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Fatma est journaliste. Après des études d’histoire, elle décide de questionner nos différentes expériences de l’arabité, dans son podcast Arabia Vox.

 

De Tunis à Bondy

 

Née à Tunis, Fatma déménage en France à 8 ans. Se définissant comme la “benjamine chouchoutée”, très bien entourée par une famille semblant joyeuse, elle ne ressentait pas les difficultés dues au contexte politique de son enfance. “C’était la dictature, la corruption atteignait des sommets, mon père trouvait peu de travail”, explique-t-elle. “Le matin, on devait chanter l’hymne national et vanter les mérites de Ben Ali, comme sauveur de la patrie”. Fatma me montre également son auriculaire. “Tu vois, ce doigt est un peu tordu, parce qu’un prof horrible me tapait dessus”. Elle n’aurait ainsi jamais pensé détenir un jour un master, traumatisée par l’école. Son père, très intéressé par la politique, finit par perdre espoir concernant l’avenir de son pays. Il ne supportait plus les images de propagande, les nombreux prisonniers politiques et le parti unique de Ben Ali. Il décide donc d’aller travailler en France durant un an, avant de ramener petit à petit sa femme et ses 4 enfants par le biais du regroupement familial. “C’était très dur, je lui avais mis une photo de moi dans sa poche pour qu’il pense à moi”, se souvient Fatma. “On arrivait par petit wagon, j’ai donc vécu un an à Pantin sans ma mère, elle me manquait énormément”. Une fois en France, Fatma doit faire face à la barrière de la langue. Elle a très peu appris le français en Tunisie, malgré le fait que cette langue demeure très importante en raison du passé colonial. Elle a donc dû intégrer une classe d’initiation à l’école (CLIN), en compagnie d’autres enfants immigrés ne parlant pas français. Elle apprend rapidement à le parler, tout en étant très complexée par son accent. “Pendant longtemps, je n’arrivais pas à prononcer la lettre u, j’ai subi beaucoup de moqueries, on m’appelait la ‘blédarde’, la ‘sans-papier’, c’est encore plus douloureux quand ça vient d’enfants d’immigrés nord-africains”. Elle finit par quitter Pantin pour Bondy, où elle vit encore aujourd’hui.

 

De Carrefour à la Sorbonne

 

Fatma obtient un bac L option théâtre, apprenant toujours les monologues les plus longs des tragédies grecques, afin d’améliorer sa pratique du français. Au sein de son immense lycée se trouvait un théâtre et Fatma pouvait exposer devant un public extérieur à son établissement, en partenariat avec la maison culturelle de Bobigny. Passionnée, elle décide d’intégrer la licence arts du spectacle à Nanterre. Cependant, elle ne supportait pas le fait que ses camarades soient étonnés de son excellent niveau en tant qu’immigrée du 93. En parallèle de ses études, Fatma était caissière à Carrefour. Elle estime se sentir plus proche de ses collègues du supermarché que de ses camarades de l’université. Fatma finit par quitter ses études au bout d’1 semestre, afin de travailler durant 2 ans à Carrefour. Cela lui a permis de découvrir un autre monde et de gagner de l’argent. Néanmoins, Fatma considère que son cerveau était en veille et qu’il était “épuisé d’être non stimulé”. Suite au licenciement injustifié de son collègue et aux encouragements de son ancienne professeure d’histoire, faisant souvent ses courses dans ce supermarché, Fatma finit par intégrer la licence d’histoire de Panthéon-Sorbonne. “Ma famille était très contente, j’étudiais comme Bourguiba à la Sorbonne”, rit-elle.

 

Sorbonne. Crédit : Sorbonne

 

Elle se sent très épanouie dans le centre Tolbiac. Fatma estime que cela l’a beaucoup aidée à penser contre elle-même et à changer radicalement son point de vue. Néanmoins, l’étudiante avait peur de correspondre au cliché arabe. Elle tentait de s’assimiler dans ses choix de cours, refusant de prendre les options sur le monde arabe. “En histoire médiévale, je préférais étudier les Carolingiens que les Abbassides”. Elle reprend cependant des cours d’arabe, tout en commençant à écrire des articles. Elle rédige des reportages, des interviews ainsi que des critiques de théâtre. Elle effectue également un stage à Orient XXI. Fatma se lasse néanmoins de l’université en master. “On dirait un gros coup de balai qui passe, ça devient très élitiste”. Durant sa 1ère année de master en Histoire et Audiovisuel, Fatma effectue un mémoire sur la médiatisation du groupe Mashrou’ Leila en France. Le documentaire Ouvrir la voix d’Amandine Gay l’a incitée à se libérer de la crainte de correspondre au stéréotype de l’Arabe et de choisir un sujet relatif au monde arabe. Ce groupe l’intéresse particulièrement, puisqu’il représente différentes choses, à l’instar des LGBTQ+ dans le monde arabe ou encore la catégorie “world music”. Cette expression signifie tout et n’importe quoi pour Fatma. “Dans cette catégorie sont classées des musiques bretonnes, issues du continent africain et des artistes français chantant en anglais”. Elle apprécie le fait que ce groupe arrive à mêler “la mondialisation artistique et son identité, son héritage”. Elle effectue également un stage au sein de l’émission 28 minutes sur Arte, durant le dernier semestre de son master. Inspirée par le podcast LSD de France Culture, elle décide finalement de lancer Arabia Vox sur les réseaux sociaux.

 

Arabia Vox, un projet questionnant l’arabité

 

 

Arabia Vox. Crédit : Arabia Vox

 

Fatma a beaucoup observé ses collègues durant ses stages, afin d’apprendre à utiliser le matériel nécessaire pour nous faire profiter de son podcast. Elle a passé tout l’été à s’entraîner, notamment en enregistrant des interviews de sa sœur afin de tester le micro. “Je dormais à 3 heures du matin et dès que je me réveillais, je me remettais dessus”. Concernant le générique, elle a hésité entre le poème Je suis arabe du palestinien Mahmoud Darwich, “la référence suprême”, la grande chanteuse algérienne Warda et Lil Watan de Mashrou’ El Leila. Elle finit par choisir ce groupe, leur chanson évoquant le faux patriotisme justifiant la négation des libertés. Fatma n’a pas l’habitude d’être exposée, elle avait donc très peur qu’on se moque d’elle. La journaliste tient à une diversité de profils, concernant le genre ou les origines. Elle n’invite que des personnes inspirantes des milieux artistiques, associatifs ou encore des journalistes, faisant “bouger les lignes”. Fatma souhaitait produire un contenu accessible, dans lequel les concerné·e·s pouvaient exprimer leur propre vision de l’arabité. “Dans le monde arabe, tu peux te sentir amazigh (berbère), juif, chrétien, je voulais que l’on puisse déconstruire ce que l’on vit et surtout, dire que nous pouvions nous sentir plein de choses à la fois”. Fatma souhaitait que ce ne soit pas académique, ce qui n’empêche pas d’aborder certaines notions, telle que l’ “arabité relative” exprimée par la franco-syrienne Leïla Alaouf ou encore le fait d’être “arabo-maghrébin”, comme le disait le franco-tunisien Skanderous, sur Arabia Vox. “Je voulais quelque chose de vivant et le témoignage apporte une force immense”, explique-t-elle. Ce projet est très important pour Fatma, se sentant à la fois “tunisienne, arabe, berbère, africaine et méditerranéenne”. Elle regrette qu’en Tunisie, l’héritage berbère, pourtant immense, soit invisibilisé.

 

Vous pouvez donc suivre le travail de Fatma sur les réseaux sociaux et nous vous invitons vivement à écouter son podcast, afin de mieux saisir cette “arabité relative” que nous sommes nombreux·se·s à vivre, dans notre complexe diversité, selon nos pays d’origine et les pays où nous vivons. Nous souhaitons beaucoup de succès à Fatma pour ses prochains projets, inshAllah.

 

Crédit photo image à la une: Fatma Torkhani[/vc_column_text][/vc_column][vc_column_text]

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Hajer ou l’art de rappeler la splendeur des cultures arabes

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Hajer est une jeune femme engagée dans les luttes féministes et antiracistes. Modeste, elle ne s’estime pas militante, bien que ses projets constituent une véritable bouffée d’oxygène pour les diasporas nord-africaines et arabes.

 

L’omniprésence des cultures arabes dès son plus jeune âge

 

Née à Paris, elle a grandi quelques temps dans le 11e arrondissement, non loin de Belleville, quartier historique des Tunisien·ne·s, et notamment des Sépharades. Puis elle a vécu dans le 18e, qu’elle reconnaît comme « son arrondissement ». « Mon père est fils de paysan ; il est issu d’un milieu très pauvre, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il était inculte, » insiste Hajer, dont les parents ont grandi dans le sud de la Tunisie. « Mes parents viennent d’une ville très connue pour ses grands poètes, savants et confréries soufies. Ma grand-mère était illettrée mais ça ne l’empêchait pas de réciter de la poésie classique, qui se transmettait beaucoup à l’oral. » Hajer estime donc que « la fracture sociale face à la culture savante était moins marquée ».

Se sentant pleinement tunisienne, elle aime cependant rappeler que le patrimoine culturel arabe ne s’arrête pas au pays du jasmin. Sa mère lui a notamment transmis l’amour des films égyptiens.  « Qu’il s’agisse de la littérature ou du cinéma, nous avons un socle commun. Les poètes médiévaux venaient des empires omeyyades ou abbassides ; la territorialité n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui et les cultures arabes renvoient à des choses beaucoup plus larges qu’on ne le pense. » Pour illustrer son propos, Hajer cite Mahmoud Darwich, grand poète palestinien, évoquant l’attachement au « terreau natal » qui n’empêche toutefois pas la conscience d’un « arbre plus grand ».

 

La difficile confrontation aux inégalités sociales

 

Alors qu’à la maison, la jeune Franco-Tunisienne sait à quel point les cultures arabes sont riches et variées, elle ressent un immense décalage avec le monde scolaire. « Petite, je ne comprenais pas les raisons pour lesquelles on considère souvent que les Arabes n’ont pas de culture. On ne leur reconnaît pas de légitimité. C’est dramatique, même chez les personnes concernées par la migration, » déplore-t-elle. En étudiant l’histoire et la science politique à la Sorbonne, Hajer se rend rapidement compte des inégalités sociales. Elles ne sont que trois Arabes dans sa promo — dont deux issues de milieux très riches et francophiles du Maghreb — et elle fait partie des rares boursier·ère·s. « En cours, c’était un peu le concours de celui ou celle qui a lu toute la sociologie politique, et ça n’était pas du tout mon délire, » commente-t-elle en riant. Hajer compte néanmoins au nombre des meilleur·e·s étudiant·e·s dans les cours concernant l’histoire des pays musulmans et/ou arabes.

Elle se souvient par ailleurs de rencontres avec certain·e·s militant·e·s de gauche à Paris, prônant un discours antiraciste tout en pointant du doigt celles et ceux pour qui la question coloniale s’avère importante. « La parole est souvent confisquée, et les minorités souvent domestiquées, dans ces espaces, » explique Hajer, qui se sent désormais « proche de toutes les personnes minorisées dans la société, » et pas uniquement pour des raisons racistes — à l’instar des personnes queers.

 

Les voyages comme moyen de s’enrichir politiquement

 

« Istanbul, c’est ma ville, » affirme Hajer, l’air nostalgique. Elle y a vécu deux ans, dans le cadre de ses études, ce qui lui a permis de remarquer l’orientalisme de ses camarades. « Je n’ai pas du tout connu de choc culturel en Turquie mais les étudiants français avaient souvent tendance à observer les choses de façon très cliché. Notamment en résumant la politique turque à un parti islamiste dominant le pays, alors que c’est plus nuancé que cela — l’AKP [parti au pouvoir] connaissant des conflits internes, tout comme le mouvement de libération kurde, souvent homogénéisé dans la presse française, » explique l’amoureuse d’Istanbul.

Loin de réduire ces deux années à une banale expérience Erasmus, elle en profite pour fréquenter différents milieux, côtoyant à la fois des Turc·que·s, des Kurdes, des Irakien·ne·s, des Marocain·e·s, des Palestinien·ne·s et des Syrien·ne·s, dont certain·e·s fuyant des zones de combat. Elle y apprend aussi à manifester à la turque : en formant des barricades et en risquant des violences policières très dangereuses. Elle vit alors dans le quartier arménien. « Ma position de jeune étudiante étrangère me permettait d’errer, de rencontrer différentes personnes et d’être plus ouverte au dialogue, comme il y avait moins d’enjeu personnel. »

Hajer a aussi voyagé dans la plupart des pays arabes, à l’exception de l’Irak. « Je ne me suis jamais totalement sentie étrangère dans ces pays. » Ces excursions lui ont notamment permis de développer la place de la cause palestinienne dans sa formation politique entamée en France. Elle suit les pas de ses parents puis de sa grande sœur, militante pro-Palestine. Récemment, elle s’est également rendue au Sénégal, intéressée par les luttes panafricaines et celles contre l’impérialisme des pays occidentaux — dont la France, très présente sur le continent.

Crédit : Mouqawamet

 

Mouqawamet, un blog nécessaire sur les féminismes arabes et amazighs

 

De plus en plus politisée, Hajer concrétise certains projets. En 2015, la jeune femme et ses amies Lamia et Nawel décident par exemple de créer le blog Mouqawamet – Tizeddamin, ce qui signifie « les résistantes », respectivement en arabe et en amazigh. La blogueuse considère que le féminisme a toujours fait partie d’elle. Alors qu’elle remarque, avec ses coéquipières, que les organisations militantes ne consacrent pas beaucoup d’espace aux femmes amazighs et arabes — et plus généralement, aux femmes « orientalisées » —, elle décide d’y remédier en présentant des figures féministes qui ne sont pas uniquement « européennes ou américaines ». La blogueuse confie avoir compris l’intersectionnalité en Tunisie, au contact d’un féminisme tunisien éminemment bourgeois, porté par les élites francophiles et proches du pouvoir de Ben Ali.

L’objectif de Hajer est de favoriser une certaine transmission culturelle, en visibilisant le combat de femmes ancrées dans des aires géographiques différentes. Les auteures insistent également sur le fait que toutes ces femmes ne puisent pas forcément leur féminisme aux sources religieuses. Aussi le blog présente-t-il des musulmanes comme des non-musulmanes qui, toutes, combattent fermement le colonialisme, l’impérialisme ou encore la misogynie. Il met aussi en lumière des héroïnes inconnues, « combattantes du quotidien », à l’instar d’une pêcheuse d’Oran, en Algérie. Les figures de moudjahidate (« combattantes » en arabe) permettent ainsi d’honorer les mémoires issues de l’immigration.

Crédit : Vintage Arab

 

Vintage Arab, l’incontournable podcast sur les musiques arabes

 

La transmission culturelle occupant une place importante dans son cœur, Hajer partage souvent via Facebook des posts sur le contexte historique et politique de chansons arabes. Rapidement, plusieurs personnes l’encouragent à diffuser cette culture plus largement. Cependant, l’idée d’un blog ne lui convient pas. « Nous ne sommes pas tous égaux face à la lecture, » mais « la façon dont les musiques arabes [sont] abordées par des spécialistes qui ne le sont pas vraiment, de manière très orientaliste, » l’agace profondément. C’est sa mère qui lui a tout appris de la musique arabe, qui l’a accompagnée tout au long de sa vie. Hajer n’écoute d’ailleurs pratiquement que cela, en plus du rap, notamment d’« enfants d’immigré·e·s ». Elle décide donc de partager ses précieuses connaissances dans un podcast, Vintage Arab. « Cela n’a pas vocation à nous émanciper, mais la mémoire peut nous permettre de nous faire plaisir. »

Cette amoureuse de musique regrette que le milieu antiraciste politique ne se penche pas davantage sur ces héritages culturels. Elle considère en effet qu’il est nécessaire de se réapproprier nos traditions artistiques, car notre patrimoine est aujourd’hui mal protégé, voire volé. Hajer évoque notamment le danger du manque de législation sur les droits d’auteur·e·s dans le monde arabe. Elle admire les immigré·e·s et leurs descendant·e·s qui parviennent à ne pas situer leurs projets exclusivement par rapport au postcolonialisme. « Si on arrive à ne pas uniquement produire du contenu exclusivement politique et à se permettre de prendre un stylo pour nous, à titre purement personnel, ce sera une grande étape. » Elle estime en effet qu’il est difficile de déconstruire cette idée que l’on ne serait pas légitime à produire pour soi.

 

C’est donc en alliant plaisir, curiosité et engagement authentiques que Hajer participe à la préservation des cultures arabes… sous toutes leurs formes.

 

Crédit photo image à la une : Hajer — la blogueuse à Aswan, en Egypte

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