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Malika Hamidi, la foi au service du militantisme féministe

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L’association Lallab a eu l’honneur d’accueillir Malika Hamidi, chercheuse en sociologie à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) et directrice du Think Tank European Muslim Network à Bruxelles, lors du 3ème Lallab Day, week-end de formation et de rencontre de ses bénévoles. Les anciennes comme les nouvelles Lallas ont pu la rencontrer, échanger et débattre à propos de son livre qui vient tout juste de paraître, « Un féminisme musulman, et pourquoi pas ? » aux éditions de l’Aube.
À son arrivée, cette grande femme impose par sa stature mais inspire une profonde bienveillance. Elle met très rapidement tout le monde à l’aise et nous propose un échange sur son livre sans trop d’académisme, mais plutôt une conférence ancrée sur le terrain, teintée d’anecdotes et de conseils.

 

« Ma spiritualité devient même politique »

 

Malika Hamidi est engagée depuis 1998. Elle fait partie de cette génération de musulmanes qui s’interrogeaient sur leur citoyenneté. On est encore loin du débat « féministe et musulmane ». À ce moment-là, la question était « Est-ce que je peux être musulmane et engagée ? ». Elle s’implique alors dans différents réseaux inter-associatifs qui encouragent les musulman·e·s occidentaux·ales à s’engager. Elle est également l’une des membres fondatrices du Collectif des Féministes pour l’Egalité et fait partie du Collectif des Mamans pour Toutes et Tous. Elle mène des recherches de 2009 à 2014 et rédige une thèse doctorale de sociologie intitulée « Féministes musulmanes dans le contexte postcolonial de l’Europe francophone : stratégies identitaires et mobilisations transnationales », soutenue à l’EHESS en 2015. Entre temps, elle a eu deux filles et dirige l’European Muslim Network. C’est dans cet engagement qu’elle a compris le sens de sa spiritualité.

 

 « Ma foi, mon foulard me poussent à m’engager, à rayonner »

 

Elle considère que son foulard ne doit pas et ne devra jamais être synonyme d’enfermement. Elle montre dans son livre que le foulard cristallise les débats au sein des mouvements féministes. Pourquoi ? Parce que le foulard de beaucoup de femmes musulmanes, et notamment le sien, est synonyme d’empowerment, de prise de pouvoir politique et d’engagement. « Ce n’est plus le foulard de nos mamans qui rasaient les murs. Nos mamans portaient le foulard mais n’avaient pas vraiment de visibilité du fait de leur condition sociale. Aujourd’hui, nous sommes des femmes, nous portons un foulard et nous voulons accéder aux postes que nous méritons. »

« Mon engagement, je le vis comme un devoir »

Malika Hamidi ne considère pas son militantisme comme une « une activité à côté ». C’est aussi pour cela qu’elle arrive à gérer les multiples facettes de sa vie, celle d’épouse et de mère, celle de professeure, celle de chercheuse et celle de femme engagée dans différents réseaux. Ce militantisme, elle ne le considère pas comme un hobby. Elle s’engage car elle croit véritablement en la cause qu’elle défend. Elle puise sa force dans sa spiritualité, dans son lien avec Dieu. Son énergie et sa force de conviction viennent aussi de sa famille. Elle a deux filles, comme elle le dit « deux futures féministes ». Et c’est surtout pour celles-ci qu’elle se bat. Elle essaie de transmettre son combat car elle considère sa génération sacrifiée.

 

Crédit photo : E. Sempere pour Lallab

 
Malika Hamidi s’investit aussi et surtout sur le terrain, dans les maisons de quartier ou dans les sections féminines des mosquées. C’est là que la formation est indispensable. En effet, le discours féministe, et d’autant plus le discours féministe musulman, est assez élitiste. Il est donc nécessaire de procéder à sa vulgarisation, l’objectif étant que même celles qui ne se réclament pas du féminisme, ou que l’appellation « féministe » rebute, comprennent les enjeux et notamment la problématique des discriminations faites aux femmes musulmanes. Pour elle, il est indispensable que le discours féministe musulman ne vole pas que dans les sphères académiques.

Elle agit aussi directement sur le terrain afin de dénoncer certaines pratiques rétrogrades comme le mariage forcé ou l’excision. Elle a mené une campagne d’information en collaboration avec l’EMN, dans huit grandes villes européennes dont Rotterdam, sollicitant directement les imams des deux grandes mosquées pour que ces derniers condamnent la pratique du mariage forcé lors du sermon du vendredi.

Malika Hamidi met en valeur les recherches académiques permettant de mettre en évidence les discriminations faites aux femmes musulmanes dans une logique intra- et extra-communautaire avec, par exemple, le projet Forgotten Muslim Women de l’organisation ENAR (European Network Against Racism), et les met en lien avec des formations sur le terrain pour les non musulman·e·s mais aussi les musulman·e·s. Elle a notamment été l’une des pionnières (depuis vingt ans, elle le répète !) à ouvrir la voie à un engagement militant avec des non musulman·e·s, à appeler à l’ouverture du féminisme vers d’autres horizons au-delà de sa propre communauté. C’est cette volonté d’alliance qui a dérangé et qui dérange toujours.

 

Crédit photo : E. Sempere pour Lallab

 

« Lallab personnifie une génération de femmes qui fait voler en éclats une sagesse conventionnelle vers laquelle on veut nous pousser. »

Ainsi, elle met l’accent sur la nécessité absolue de ne pas se restreindre à un groupe ou une communauté, de s’ouvrir et surtout de s’associer à d’autres mouvements. Son mantra, c’est le partage de valeurs. Elle a grandi entourée de non-musulman·e·s et elle fait en sorte que ses filles aient elles aussi une ouverture d’esprit quant à d’autres religions, d’autres cultures. Son combat s’inscrit dans cette lignée. Il y a effectivement un travail intra-communautaire à faire afin de lutter contre les interprétations patriarcales de la religion ou les traditions associées à tort à la religion musulmane. Mais il faut aussi créer des alliances avec d’autres réseaux féministes, à l’échelle européenne, afin de porter un discours féministe, inclusif, intersectionnel, décolonial et antiraciste.

Ces alliances se font aussi là où on ne les attend pas. En effet, Malika Hamidi, lors d’un congrès féministe canadien, a fait preuve d’une certaine bienveillance (et d’une bonne dose de sang-froid) à l’égard d’une féministe « laïcarde radicale » qui refusait de lui serrer la main. Aujourd’hui, cette personne est une grande alliée et une grande défenderesse des femmes musulmanes au Canada.

« Les femmes musulmanes doivent lutter contre toutes les formes de discriminations, qu’elles proviennent des hommes ou des institutions. »

Nous sommes toutes sorties de cet échange motivées pour affronter tous les obstacles nous empêchant d’atteindre un monde où chaque femme aurait la liberté de faire ce dont elle a envie. Parce que Malika Hamidi mène ce combat depuis vingt ans et qu’elle nous transmet cette volonté et cette pugnacité. En espérant que Lallab contribue tout autant qu’elle à ce monde.

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(Dé)construction

Top 7 des techniques utilisées pour me faire taire, et autant de raisons de ne pas le faire

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Lorsque je partage mon vécu en tant que femme voilée, je suis souvent confrontée à des discours qui visent à délégitimer mes propos – en se concentrant sur la forme au détriment du fond, en me reprochant d’être parano, etc. Voici donc les 7 techniques que j’ai le plus rencontrées, et surtout ce dont j’aimerais que l’on se rappelle lorsqu’on tente de retirer leur valeur à notre parole et nos témoignages, en tant que membres de n’importe quelle minorité. 

 

1. Tu es le.la mieux placé.e pour savoir ce que tu vis

Je te trouve parano, faut pas non plus voir le mal partout …

Alors bizarrement, tu remarqueras que ce sont très rarement des gens dans ta situation qui tiennent ce genre de discours. Non, ce sont des gens qui n’ont aucune idée de ce à quoi ressemble ta vie, et qui minimiseraient un peu moins ce que tu dénonces s’ils se retrouvaient dans ta peau ne serait-ce qu’une journée.

Il se peut aussi que la personne qui te tient ce genre de propos soit dans une situation similaire à la tienne, et en joue pour te « prouver » que tu exagères. Mais elle n’a pas TA vie. Vos expériences peuvent varier du tout au tout selon l’endroit où vous habitez, le contexte dans lequel vous travaillez, les gens que vous côtoyez, etc. C’est TA vie, c’est TOI qui sais, et la personne en face de toi devrait au minimum être capable de reconnaître ta légitimité à décrire ton vécu, ton histoire et ton ressenti.

 

2. C’est justement parce que tu es concerné.e que tu peux le mieux en parler

Tu es trop concerné.e par la situation, tu ne peux pas être objectif.ve.
Ou bien : T’es trop dans l’émotion.

Ah, le mythe de l’objectivité… Certain.e.s pensent que ne pas être dans une situation, c’est être neutre. Non, c’est juste être dans une autre situation. Je ne vois pas qui pourrait se targuer d’être objectif.ve – même si certain.e.s pensent qu’être un homme, blanc, hétérosexuel et aisé, c’est être « neutre ».

Et puis quelle est cette aberration de dire qu’une personne concernée ne serait pas légitime à s’exprimer sur un sujet, alors que c’est elle qui peut en témoigner en premier lieu ? Personnellement, j’accepterai cette méthode lorsqu’on m’invitera sur un plateau télé pour disserter sur ce que vivent les hommes blancs hétérosexuels aisés, sans aucun homme blanc hétérosexuel aisé présent. En d’autres termes : jamais. Pourtant, ça ne choque pas quand il s’agit d’autres catégories de la population.

 

3. Ta manière de t’exprimer n’enlève rien à la légitimité de ton propos et à l’écoute qui doit lui être accordée

Tu es trop agressif.ve, ça dessert ta cause.
Ou encore : Tu devrais apprendre à écrire sans fautes avant de parler. 

La manière dont tu t’exprimes ne devrait pas empêcher ton interlocuteur.trice d’entendre ton propos. Tu as le droit de faire des erreurs, de bégayer, de faire des fautes d’orthographe ou de français, et ça ne doit pas être un moyen de te tourner en ridicule.

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Crédit photo : Bluntcards

Tu pointes aussi un vrai problème et tu as le droit d’être triste, en colère ou déstabilisé.e en le faisant. Mais le sage montre la Lune et l’idiot regarde le doigt…

Sache que si tu cries au feu et que tout ce que la personne en face de toi trouve à dire, c’est que tu pourrais rester calme et crier moins fort, et qu’à cause de ça, elle n’a pas très envie d’aller chercher l’extincteur, ce n’est pas vraiment toi qui as un problème.

 

 4. Tu as le droit de parler en ton nom propre, en ne représentant personne d’autre que toi

Franchement, tu me donnes une mauvaise image de ta communauté.
Ou en interne : T’as pas honte de faire ça alors que tu nous représentes ?!

Personne ne t’a investi.e d’une mission, et tu ne t’es pas non plus investi.e d’une mission juste parce que tu as pris la parole. Tu ne prétends pas représenter qui que ce soit à part toi-même, alors pourquoi voudrait-on te faire porter une responsabilité démesurée ?

Sans compter qu’il semblerait que nous soyons ambassadeurs.drices de certaines de nos identités seulement. Personne ne dira que tel.le criminel.le fait passer tou.te.s les hindou.e.s pour des barbares ; ou que tel ministre montre encore une fois que les hommes sont vraiment incapables de gérer une position de pouvoir.

 

5. Personne ne peut plaire à tout le monde, alors autant être toi-même et aller au bout de tes convictions

Tu devrais arrêter de faire ci, fais plutôt ça. A ta place, je serais plus X et moins Y.

A ce sujet, Aristote disait : « Un seul moyen d’éviter les critiques : ne dis rien, ne fais rien, ne sois rien ». Alors quitte à être critiqué.e, autant l’être pour quelque chose qui te permet de te sentir en accord avec toi-même et fidèle à tes convictions profondes.

De toute façon, qui que tu sois et quoi que tu penses, dises ou fasses, il y aura toujours un pourcentage incompressible de la population qui te sera viscéralement opposé. Même des personnes comme Martin Luther King, Gandhi ou Mère Teresa ont rencontré les plus vives oppositions et la haine. Et toi, tu espèrerais être épargné.e ?

Rappelle-toi aussi de cette citation lorsque tu seras critiqué.e par des gens cachés derrière leur écran. Certain.e.s voudraient te faire croire que tu ne devrais pas agir, sous prétexte que tu fais des erreurs, alors que la perfection n’est pas de ce monde. En attendant, c’est une bonne excuse que ces personnes utilisent pour pouvoir critiquer tout en restant au chaud dans leur canapé. Quand on agit, on n’a pas le temps de partir à la chasse aux défauts et aux erreurs des autres.

 

6. Tu as le droit de dénoncer les injustices que tu affrontes

C’est bon, arrête de te victimiser …

Est-ce toi qui te victimises, ou est-ce la situation qui fait de toi une victime ? Ce n’est pas à toi qu’on doit reprocher le fait que tu sois victime de rejet, de discrimination ou de violence. On ne peut pas non plus te reprocher de dénoncer ce que tu subis, et cela ne veut pas dire que tu te places dans une position victimaire, faible ou passive. C’est une idée malheureusement largement répandue que les personnes fortes sont celles qui ravalent leurs difficultés et continuent en faisant comme si de rien n’était. Alors qu’il faut plus de force et de courage pour faire entendre sa voix afin que les choses changent.

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7. Il n’y a pas besoin de choisir entre plusieurs causes

Tu crois vraiment que c’est ça, la priorité ? Tu crois pas qu’il y a d’autres choses plus importantes ?

Eh bien oui, peut-être que TA priorité, c’est ça. Nous avons tou.te.s des causes qui nous touchent plus ou moins, et nous n’avons pas un nombre limité de luttes dans lesquelles nous pouvons nous engager. En réalité, beaucoup sont interconnectées. Comment peut-on espérer nourrir toute la planète si on ne préserve pas l’environnement et qu’on n’améliore pas les conditions de vie par l’éducation ? Comment peut-on espérer une société inclusive, qui nous accepte tel.le.s que nous sommes, tout en étant indifférent.e.s aux combats d’autres parties de la population, voire en les rejetant nous-mêmes ?

N’écoute pas non plus celles et ceux qui voudraient te faire croire que certaines de tes convictions et de tes causes sont incompatibles. Par exemple, mon petit doigt me dit que tu peux tout-à-fait être musulman.e et féministe à la fois. 😉

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(Dé)construction

Ma réponse aux 14 arguments les plus courants contre le voile

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Je commence à en avoir un petit peu marre d’user ma salive pour répondre encore et encore aux mêmes arguments contre le hijab. Alors toi qui voudrais entamer un énième débat ou me demander de justifier mes croyances et mes choix personnels, lis ceci, ça nous fera peut-être gagner du temps à tou.te.s les deux.

 

1) Je n’aime pas le voile.

 

Bah okay, d’accord. Autre chose ?

Pour ton information et ta culture personnelle, « respecter » et « approuver » ne sont pas des synonymes. Et il se trouve que je ne te demande pas d’approuver mon hijab, ni d’être d’accord avec, de l’aimer, ou même de le comprendre. Juste de res-pec-ter mon choix de le porter. C’est si difficile que ça à comprendre ? Je peux te la faire en allemand, si ça peut aider.

 

2) Le voile, qu’est-ce que je trouve ça moche…

 

Et moi, je ne vis pas ma vie pour plaire à tout le monde. La base de mon hijab, c’est que je veux plaire à Dieu, être en accord avec moi-même et me détacher de la quête jamais finie d’approbation. Mais merci quand même pour ton intervention, c’était essentiel pour moi de savoir ce que tu en pensais.

Je tiens quand même à dire que moi aussi, il y a des choses que je n’aime pas, mais je n’ai pas développé une obsession au point de chercher tous les sites en lien pour crier au monde entier que ça ne me plaît pas. Par contre, ça m’intéresse de connaître ton secret pour avoir des journées plus longues, parce que personnellement, je n’ai pas le temps d’inonder internet de commentaires ET d’avoir une vie.

 

3) Vous nous imposez votre religion !

 

Mmh, à ce que je sache, si je pratique ma religion et que je ne demande à personne d’en faire autant, je n’impose rien à personne, non… Genre le foulard magique qui transformerait en musulman.e chaque personne qui le regarde. Pitié, aie plus de considération pour tes propres capacités intellectuelles.

D’ailleurs, c’est plutôt toi qui fais preuve de prosélytisme, à vouloir me faire adopter ton point de vue à tout prix. Si la vue te déplaît, regarde ailleurs, au lieu de me dévisager avec des yeux de merlan frit. Evite aussi de taper « invasion islam femmes voilées » sur YouTube : je sais que ça peut surprendre, mais tu risquerais effectivement de tomber sur des femmes voilées.

 

Crédit moosleemargh

Crédit photo : moosleemargh

 

4) Le voile ne fait pas partie de notre culture.

 

Alors tu m’expliqueras pourquoi les sœurs catholiques, la Vierge Marie et certaines femmes juives se couvrent les cheveux, tout comme le faisaient des femmes catholiques il n’y a encore pas si longtemps. Avant, le fait que les femmes soient couvertes était un signe de distinction entre les « civilisées » et les « sauvages ». Maintenant, c’est ce qui différencie les femmes « soumises » des femmes « libérées ». C’est marrant comme on dirait que c’est un peu toujours l’Occident qui dicte les normes…

 

5) Le voile est un signe d’infériorité de la femme.

 

Qui a décrété ça, à part toi et les hommes musulmans mégalos qui croient que le hijab est là pour montrer leur supériorité ? Je sais que tu n’as pas une grande estime pour mes capacités intellectuelles, mais je ne suis pas sotte au point de vouloir consciemment quelque chose qui va à l’encontre de ma dignité.

Ce n’est pas parce que les hommes ne portent pas le hijab qu’il y a un rapport de valeur : différence ne veut pas dire inégalité. Les hommes sikhs couvrent leur tête avec un turban, et pas les femmes – est-ce pour autant que les hommes sikhs sont inférieurs aux femmes ?

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J’ai oublié d’être oppressée / Trop occupée à être géniale
Crédit photo : Faineemae

 

6) Les femmes sont forcées à le porter.

 

Il y a DES femmes qui sont forcées à le porter. Et il y en a d’autres qui le choisissent. Les chercheurs.ses sur la question en France affirment qu’on a fait une généralisation de certains cas de femmes forcées à le porter, et qu’on a présenté comme des exceptions celles qui l’ont choisi, alors que c’est l’inverse : la plupart des femmes en France le portent de leur plein gré. Et il se trouve qu’elles aimeraient bien mener leur vie tranquillement, qu’on respecte leur libre-arbitre et qu’on les laisse un peu RESPIRER. Aider les femmes qui ne veulent pas porter le hijab n’est pas incompatible avec le fait de laisser celles qui l’ont choisi le porter.

De toute façon, si on est des victimes oppressées, il faut nous bichonner et s’en prendre plutôt à nos bourreaux, non ?

 

7) Vous êtes lobotomisées.

 

Je l’avoue, je suis lobotomisée. Par cette société de consommation de masse, où nous achetons, portons, mangeons, écoutons et regardons tou.te.s les mêmes produits, vêtements, repas, chansons, films, publicités et émissions abrutissantes.

Par contre, pour mon hijab, ça m’a demandé une sacrée volonté de passer le cap malgré toutes les pressions pour m’en dissuader. D’ailleurs, beaucoup de femmes qui le portent le font à l’encontre des opinions de leur famille et de leur entourage. Il semblerait que je sois, comme l’immense majorité des concernées, une grande fille, douée de raison et capable de prendre des décisions par et pour moi-même. Appelle BFM, ils seront contents d’avoir le scoop.

 

8) Les femmes qui portent le voile le font par provocation.

 

Maintenant je vais me fâcher toute rouge s’il y a encore quelqu’un qui prétend mieux savoir que moi ce qu’il y a dans ma tête ou pour quelles raisons je porte mon hijab. Il va falloir accepter que je le porte par rapport à Dieu et à moi-même – donc ni pour des gens qui voudraient que je le fasse, ni contre des gens que je voudrais embêter. Ça va vous décevoir de l’apprendre, mais vous n’êtes pas le centre du monde.

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Crédit photo : Meaghan Brittini

 

9) Ailleurs, des femmes se battent pour l’enlever.

 

Oui, et je les soutiens; de toute façon, un acte accompli sans conviction sincère n’a aucune valeur en islam, donc même de ce point de vue, je ne vois pas l’intérêt de forcer quelqu’un. Mais ce n’est pas une raison pour laquelle je devrais l’enlever, comme si c’était forcément comme ça que je devrais exprimer ma solidarité. Ce n’est pas parce que dans certaines sociétés barbares, les femmes sont obligées de souffrir le martyr en s’épilant, tout ça pour le regard des autres et la satisfaction de leur mâle dominant (qui, lui, n’a pas à subir ce traitement), que je vais te saouler pour que tu arrêtes de t’épiler « par solidarité avec elles ». L’important, c’est que celles qui veulent le faire puissent le faire, et que celles qui ne veulent pas, puissent ne pas le faire. Et pour ça, on a besoin de se serrer les coudes, pas de se tirer dans les pattes.

 

10) Il faut interdire le voile pour que les femmes puissent s’émanciper.

 

Tu m’expliqueras comment je pourrai « m’émanciper » (note que c’est un verbe réflexif, qui ne nécessite aucune intervention extérieure) sans pouvoir aller à l’école, à l’université ou au travail. Super plan, bravo, rien à dire. D’autant plus que si mon père/frère/mari est mon bourreau, j’imagine que le choix sera vite fait dans sa tête entre ma carrière et mon hijab…

 

11) La religion appartient au domaine privé.

 

Ah bon, et depuis quand ? Depuis qu’on amène l’islam dans les débats publics en permanence ? Pour info, il y a quelques petites choses qui vont avec la liberté de conscience, et qui s’appellent la liberté de culte et la liberté d’expression. Ça va être fun, une société qui garantit la liberté de conscience et d’expression à condition que ça reste dans l’opinion dominante ou bien au chaud dans notre tête.

 

12) Quand je voyage dans des pays musulmans, je m’adapte, alors c’est normal que vous vous adaptiez aussi

 

Tu l’as dit toi-même : vous voyagez dans des pays musulmans, où vous êtes étranger.e.s. Moi, je suis citoyenne de ce pays. Et puis tu critiques ces pays, mais tu veux faire la même chose qu’eux, à savoir imposer aux femmes une certaine façon de s’habiller ? Sans oublier que la plupart des pays musulmans n’impose pas le voile, encore moins aux touristes (oui, parce que les pays musulmans ne se limitent pas aux pays du Golfe, Wikipedia est ton ami). De toute façon, j’imagine que tes voyages t’emmènent moins souvent en Iran qu’à Djerba, or ça m’étonnerait que tu aies dû y porter un hijab assorti à ton bikini.

 

13) Ce n’est pas écrit textuellement dans le Coran.

 

Okay, je veux bien discuter d’interprétation religieuse, mais il vaut peut-être mieux qu’on parte avec les mêmes bases. Quand je discute avec quelqu’un qui a une foi différente de la mienne, j’ai l’humilité de reconnaître que cette personne a très probablement plus de connaissances que moi dans ce domaine. Et de mon côté, je me réserve le droit de ne pas donner beaucoup de poids aux arguments « religieux » de quelqu’un qui, loin de présenter les années d’étude et la maîtrise de l’arabe coranique nécessaires pour émettre des avis religieux, n’a même pas des connaissances de BASE. Parmi celles-ci, le fait que les musulmans s’appuient sur deux sources principales, le Coran ET la Sunna (la vie et les paroles rapportées de Muhammad). Si tu ne sais même pas ça, tu peux servir ton exégèse bidon sur les plateaux télé, mais moi je ne vais pas apprendre la physique quantique avec un élève de CM2.

 

14) « Ici on ai en France rantré ché vous !!! » (citation authentique)

 

Tiens, c’est marrant, ça nous fait un point commun : notre pays à tou.te.s les 2, c’est la France. Par contre, j’espère franchement que la ressemblance s’arrête là.

Allez, bisous !

 

 

Crédit photo de couverture : traitspourtraits.tumblr.com

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Afroféminisme : Ndella Paye met les points sur les i

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Quand on s’intéresse à la question des revendications de femmes, on s’aperçoit très vite que celles qui se définissent comme afroféministes sont aussi intrigantes qu’inspirantes, et surtout incontournables. En tant que femme musulmane non noire, je me suis interrogée sur ce mouvement, ce qui le porte, ainsi que sur notre position d’alliées, en tant que féministes qui souhaitons faire entendre les voix des femmes musulmanes.

 

J’ai choisi de m’adresser à l’une des figures de ce mouvement en France, Ndella Paye, une femme dont le nom revient assez souvent et déclenche un sourire chez celles et ceux qui l’évoquent. On me décrit à chaque fois une personne avertie, franche et punchy. C’est donc curieuse et enthousiaste que je la contacte. Entre deux rendez-vous pendant une de ses journées chargées, Ndella m’accorde un entretien téléphonique.

 

Pour commencer, qu’est-ce que l’afroféminisme et quelles sont ses visées ? De quelle nécessité provient-il ?

 

Tout d’abord, il est important de préciser que les mouvements féministes sont tous nés à la même époque, dans les années 60. Il en est de même pour la lutte des femmes noires, de l’afroféminisme. Seulement, l’afroféminisme s’est différencié du féminisme blanc par le fait que nous n’avons pas les mêmes priorités en termes de luttes et d’exigences pour les femmes. Nous avons des spécificités qui sont au mieux ignorées, et au pire niées, donc jamais prises en compte par celles qui considèrent représenter l’universalisme. On nous dissout dans un universalisme dans lequel nous ne nous reconnaissons pas, dans lequel nous ne pouvons pas nous reconnaître. Un universalisme qui a pour référence la peau blanche.

Par exemple, à l’époque où les féministes blanches avaient pour souci la légalisation de l’IVG et de la contraception, les femmes noires, elles, étaient stérilisées de force. Aujourd’hui, quand les féministes blanches se battent contre l’exposition de leurs corps, les femmes noires se battent pour que leurs critères de beauté soient reconnus, que la peau noire ne soit plus synonyme de laideur, que les cheveux crépus ne soient plus considérés comme rebelles ou indisciplinés ; pour que la beauté ne soit plus synonyme de peau blanche, de cheveux raides et de nez pointu. Quand elles luttent pour ne plus se soumettre aux diktats de beauté, nous luttons pour parvenir à trouver du maquillage adapté à notre carnation !

 

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Crédit photo : Ndella Paye dans « Ouvrir la voix » de Amandine Gay

 

L’afroféminisme viserait alors des objectifs différents ?

 

Nos demandes sont les mêmes, c’est-à-dire l’exigence d’une égalité femme/homme ; mais s’ajoute aussi, pour nous, l’exigence d’égalité de traitement avec les femmes blanches. Nous, femmes noires, subissons la misogynie que subissent les femmes blanches, mais également la misogynoire spécifique à notre couleur de peau. L’afroféminisme s’inscrit donc forcément dans une démarche intersectionnelle, car les femmes noires sont à l’intersection de plusieurs discriminations. En Afrique du Sud par exemple, pour ne citer que cela, l’apartheid est fini, mais les enfants luttent en 2016 pour garder leurs cheveux naturels afro, alors que leurs cheveux n’ont pas à être dénaturés. Pareillement, les jouets offerts aux petites filles, les poupées, ont toutes les cheveux raides. Devenues adultes, ces enfants ne sont pas habituées à manipuler leur type de cheveux qui, du coup, leur sont complètement étrangers. Les femmes noires sont ensuite convaincues que les cheveux afro sont trop difficiles à entretenir. Beaucoup de femmes noires ont fini par intégrer cette absurdité et s’éclaircissent la peau et/ou se défrisent les cheveux pour adopter les critères « universels » de beauté qui nient leurs spécificités. Dans la culture, dans les films, les Noirs s’identifient aux protagonistes blancs, alors que les Blanc.he.s ne s’identifient qu’à des personnages qui leur ressemblent ; ils sont l’universel.

 

Vous êtes l’une des figures de ce mouvement en France ; qu’est-ce qui vous y a amenée ?

 

J’ai commencé en 2003 mon engagement contre la loi de 2004, qui excluait de l’école les jeunes filles musulmanes portant le foulard. Une lutte terrible contre le foulard s’est dès lors engagée en France par les détenteurs d’une laïcité d’exclusion. Or, il n’était pas possible pour moi d’exclure des filles de l’école ! C’est déjà bien assez difficile de pouvoir travailler et ne pas dépendre d’un homme. Je me suis engagée corps et âme dans cette lutte, puis j’ai découvert l’afroféminisme. Et j’y ai adhéré ; il comblait un vide.

Le film « Ouvrir la voix » d’Amandine Gay, qui va sortir prochainement et auquel j’ai participé, sera un vrai tournant pour nous, femmes noires en France, mais également pour nos enfants. Il a le mérite de donner la parole aux femmes noires tant ignorées. Avant, je militais dans des collectifs mixtes, mais les luttes, elles, n’étaient pas mixtes. Car tout le monde n’est pas représenté, les spécificités de l’autre ne sont pas prises en compte. En tant que femmes noires, on ne peut pas dire que notre vie est juste privée : nos vies sont aussi politiques, nos expériences le sont tout autant !

 

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Crédit photo : Ouvrir la voix – Amandine Gay
 

Quelle est la situation et la dynamique de ce mouvement en France ?

 

Ce n’est pas évident ; il y a une sorte de déni en France dès lors qu’on essaie de s’organiser entre personnes touchées par les mêmes discriminations, surtout quand il s’agit de personnes racisées… On fait dès lors systématiquement planer une suspicion de communautarisme, censée nous dissuader de nous retrouver entre nous. Personnellement, j’assume ce dit communautarisme, qui se voit dans tellement d’autres lieux censés être mixtes, comme nos hautes instances, l’Assemblée Nationale, le Sénat, les directions des partis politiques et des grandes sociétés. Pourquoi devrions-nous rougir de trouver plus sain et facile de s’organiser entre personnes concernées pour lutter contre les discriminations qui nous touchent, sans avoir à gérer des susceptibilités et fragilités de toute sorte ?

Nous n’avons pas beaucoup de visibilité en France, c’est aussi pour cela que le film d’Amandine Gay « Ouvrir la voix » est nécessaire. Car la question est d’importance : qu’est-ce que c’est qu’être une femme noire dans un pays qui se dit universaliste ? L’universalisme français est très blanco-centré et assimilationniste. Il exige de nier une bonne partie de ses identités, de s’asseoir sur ses spécificités. Quand tu es une femme noire en France, tu ne trouves pas vraiment de figures qui te ressemblent pour t’identifier. Et quand on a la « chance » de voir des films comme « Bande de filles » sortir au cinéma, on attend de nous que nous nous en réjouissions et que nous n’émettions aucune critique pour améliorer les futures productions concernant nos vies. Nous, nous devons nous contenter d’être satisfaites des représentations qu’on daigne nous présenter. Nous, nous n’avons pas le droit aux critiques, aux refus des représentations dénigrantes et nocives pour nos enfants. Nous, nous devons nous contenter de ce qu’on nous produit même si c’est de la m****. Nos héros ont tendance à être blanchis pour les rendre universels. C’est à croire que la blanchitude a besoin de figures blanches pour s’identifier, mais qu’elle s’étonne qu’on exige des figures noires pour nous identifier. Quand il s’agit de héros, leur partie noire doit être dissimulée, comme dans le film « L’autre Dumas« , où Alexandre Dumas est joué par un acteur blanc, Gérard Depardieu. Mais dès lors qu’il s’agit de criminels, cette partie est seule à être mise en avant.

Les présentateurs/trices télé ne représentent pas la diversité tant prônée. On a eu un certain Harry Roselmack au 20h de TF1, le truc qui est censé faire taire nos exigences. Nous continuons d’être des objets parlés et non des sujets parlants (pour reprendre l’expression de Saïd Bouamama). Ce sont encore des intellectuel.le.s blanc.he.s et autres spécialistes qui traitent et parlent de la question noire quand elle est soulevée.

On exige de nous d’adopter un roman national qui déforme et ment quant à la façon de raconter notre Histoire. Nous devons nous approprier la narration de cette Histoire qui nous appartient, et non la laisser aux mains des vainqueurs. Le proverbe africain ne dit-il pas : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier les chasseurs » ? Nous devons donc raconter notre propre Histoire. Ça arrive, doucement mais surement.

En 2004, on a accusé les féministes musulmanes de diviser la sphère féministe, mais j’ai été contente de cette division. Je n’en pouvais plus de voir le CNDF (Collectif National des Droits des Femmes) parler au nom des femmes. Je ne me suis jamais sentie représentée par Maya Surdite et compagnie.

 

Est-il juste de penser que les racines de ce mouvement viennent des Etats-Unis avec la lutte des Noir.e.s pour les droits civiques, ou faut-il aller les chercher plus en amont encore, en Afrique même ?

 

Crédit photo : 04 Juillet 1974, Raleigh, North Carolina, USA – Angela Davis s’exprime lors d’un rassemblement à Raleigh – © Bettmann/CORBIS

 

Les luttes des femmes sont nées au même moment à travers le monde. Qu’il s’agisse des femmes blanches en Europe, des femmes musulmanes dans les pays arabes, des femmes noires aux États-Unis, en Europe ou en Afrique, ces luttes ont démarré au début des années 60. Aux Etats-Unis, le parcours d’Angela Davis montre combien il fut difficile de faire reconnaître la lutte des femmes noires dans les milieux militants. En effet, elle a commencé par adhérer au parti communiste, où elle s’est rendu compte que la lutte pour les droits civiques n’était pas leur priorité. On était convaincu que la lutte de classe, une fois finie, réglerait tout le reste. Davis a quitté le parti communiste pour adhérer au mouvement des Black Panthers, mais là également, la priorité était la lutte raciale – les femmes devaient attendre. La nécessité d’un black feminism s’est alors imposée à elle et aux femmes noires en général. Il faut arrêter de croire que ce sont les femmes blanches qui ont ouvert la voie du féminisme, c’est juste que ce sont elles qui ont le pouvoir de narration.

 

Quelles sont les figures qui vous inspirent, celles qui vous donnent envie d’aller plus loin et de vous sentir à votre juste place dans la lutte ?

 

Ma mère est celle qui m’a le plus inspirée dans ma vie. Ma position d’aînée m’a culturellement privilégiée, mais elle m’a aussi permis de la voir se battre pour offrir une meilleure vie à ses enfants. Elle a mis un point d’honneur à ce que tous ses enfants étudient et aient une situation, à ce que ses filles soient autonomes et ne dépendent d’aucun homme. Très jeunes, elle nous répétait ô combien il était important de travailler indépendamment d’un mari. Elle en savait quelque chose. Divorcée de mon père, elle a dû reprendre des études alors qu’elle avait 3 enfants en bas âge. Elle était syndiquée à l’hôpital dans lequel elle travaillait. Elle a toujours lutté pour ses droits ; un vrai modèle pour moi. Et puis il y a Angela Davis, martyr de la cause. Mais aussi mon amie Christine Delphy, féministe blanche lucide quant à ses privilèges de femme blanche. Une superbe alliée, pionnière du féminisme blanc français, et l’une des rares féministes françaises à s’être opposée à la loi de 2004, à se demander pourquoi ne vouloir lutter que contre une seule forme d’aliénation. En luttant avec elle, j’ai beaucoup appris. En lisant, on apprend chaque jour davantage, on se rend compte combien on est ignorant.e. Mais ma mère reste celle qui m’a vraiment marquée, c’est ma fierté !

 

Vous êtes une femme noire et musulmane. Au-delà de l’idée de sororité idéalement universelle, pensez-vous que les féministes musulmanes devraient s’appuyer ou s’inspirer de l’afroféminisme ?

 

En fait, tout dépend des contextes. Je vis à Londres depuis plus d’un an maintenant, et ici, quand on parle du mouvement « Black », ça veut dire « non-White ». Je me souviens avoir publié sur mon profil Facebook un article en anglais qui parlait de l’élection de la première femme « Black » à la tête de NUS, le plus grand syndicat étudiant au Royaume-Uni. Malia Bouata, c’est son nom et elle est arabe. J’ai donc été interpellée par l’usage du mot « Black » alors qu’elle n’est pas noire. J’ai dû répondre en expliquant le contexte anglais de l’article. En effet, au Royaume-Uni, dans le milieu militant, les non-Blanc.he.s se définissent comme « Black ». Une personne a questionné, à raison, la légitimité pour une personne qui n’est pas noire de se définir comme « Black ». J’ai toujours estimé que les personnes qui luttent ont toute légitimité à se définir et à choisir le ou les mots qui leurs conviennent pour désigner leurs luttes, leurs identités. C’est mon avis.

 
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Crédit photo : Aurélien Gillier photographe
 

Lors du camp d’été décolonial, il y a eu un atelier au sujet des alliances. Noir.e.s et Arabes subissent la domination du même système raciste qui a établi une hiérarchie en fonction de la couleur de la peau. Nous devons lutter ensemble contre ce système. Mais cette alliance n’est possible que si les Arabes reconnaissent à leur tour la domination qu’ils ont sur les Noir.e.s. Un allié non conscient de ses privilèges ne peut être un bon allié. Tout comme des Blanc.he.s peuvent nier les privilèges que le système est susceptible de leur apporter, il y a des Arabes qui nient également la négrophobie chez les Arabes, et ce n’est pas acceptable. Or, on s’en fiche de la « fragilité arabe », cela doit être reconnu, sinon l’alliance n’est pas possible !

Nous avons une lutte commune, mais c’est une difficulté que l’on rencontre souvent, et surtout dans les milieux musulmans où l’on nous cite souvent la figure de Bilal pour taire nos accusations de négrophobie chez les musulmans. (ndlr : Bilal est un esclave noir qui, après avoir été racheté et libéré par Abû Bakr, fut l’un des premiers compagnons du prophète de l’islam, Muhammad, l’un des plus aimés et le premier muezzin.)

Les gens disent que l’islam n’a pas de fondement raciste et invoquent Bilal pour en conclure que le milieu musulman n’est pas un milieu raciste… C’est faux ! C’est comme de dire que l’islam a honoré la femme alors que les hommes musulmans, sur le terrain, sont loin du compte. C’est l’islam que nous vivons qui nous importe ici, et non un islam théorique non appliqué. Pour mieux leur faire comprendre le décalage, je n’hésite pas à comparer la situation à celle de la France, qui prétend être le pays des droits de l’Homme (on résiste à dire humains), mais où la déclaration des droits humains n’est nullement appliquée.

Si j’avais un message à adresser à mes sœurs musulmanes et arabes, ce serait celui d’arrêter de nous brandir l’islam théorique pour refuser de reconnaître la violence que nous subissons, car il y a pire que la violence subie, c’est la violence niée. L’islam que l’on vit est celui qui m’importe ! Autrement, cela participe à la négation de la violence. Et il n’y a pas pire violence que la négation d’une violence.

 

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Diffuse la bonne parole

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Woly Faye : « l’art de l’intégration »

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Le 24 mai dernier, quelques minutes avant minuit, Woly Faye postait sa première vidéo en ligne et remportait son défi personnel : écrire, filmer, monter une vidéo et la rendre publique !

 

Woly Faye, franco-sénégalaise installée à Montréal, du haut de ses 24 ans, a déjà un parcours multiple fruit de sa curiosité et révélant une véritable recherche de sens. Actuellement étudiante en développement international et action humanitaire, après avoir débuté des études de commerce, elle multiplie les petits boulots ainsi que les pays de résidence.

De ses différentes expériences, Woly a fait de « l’intégration » au sens large une priorité car elle avoue volontiers s’être souvent sentie « invitée » en France. Ce sentiment s’est estompé dans son nouveau pays d’adoption.

En tant que femme, noire, musulmane, voilée, elle aurait pu y faire l’objet de discriminations. Son caractère aidant, elle affirme ne pas trop avoir eu de difficultés. Dans le respect des valeurs inculquées par ses parents, Woly explique que pour elle, l’intégration doit venir d’un effort personnel

 

La société est une oeuvre d’art collective où chaque personne apporte sa propre touche

 

L’intégration est donc pour elle une question de fond. Aussi, lorsque le Musée des Beaux-Arts de Montréal a choisi pour son concours spécifiquement destiné aux jeunes musulman·e·s (!) cette même « intégration » pour thématique, elle ne s’est pas sentie stigmatisée mais encouragée à prendre la parole et surtout inspirée. Elle nous inspire par la même occasion.

 

 

Un récit positif

 

La proposition filmée de Woly maîtrise parfaitement l’art du récit, que ce soit par le texte ou les images. Réalisée seule pour la majorité des prises, le propos est également très personnel puisqu’il nous permet d’entrer dans l’intimité de l’artiste, notamment en train de peindre et de jouer du piano. Le texte déclamé nous fait entrer au cœur même de ses réflexions les plus profondes.

Fascinée par toutes les expressions artistiques, Woly choisit de faire un parallèle avec la peinture. Celui-ci fonctionne et nous emporte.

 

J’ai commencé la peinture il y a deux, trois ans. En peinture, tu peux mettre 4 000 couleurs et ça peut faire un beau résultat. L’allégorie est bonne, ça ressemble énormément à la société. Le noir peut représenter un caractère X, le rouge un caractère Y. Mais comment tu fais pour que ça « match » bien ?

 

La scénarisation révèle pleinement le regard cinématographique et poétique que la réalisatrice porte sur le réel. Mais la vidéo apporte un témoignage sincère et véridique qui propose de mettre en lumière l’approche qu’a une grande partie des jeunes femmes musulmanes aujourd’hui : faire sa place et poursuivre ses objectifs sans se soucier du qu’en-dira-t-on ou de fausses idées relatées sur les femmes musulmanes.

 

Je crois que la meilleure manière d’enseigner ou de faire passer un message est de le montrer par l’exemple

 

Un message important à entendre aujourd’hui, aussi bien pour les musulman·e·s susceptibles de désespérer que pour les non-musulman·e·s

C’est d’ailleurs notamment dans sa foi musulmane que l’artiste trouve la force de persévérer dans ses projets.

 

Ma foi en Dieu m’aide beaucoup dans ma vie de tous les jours. Je sens que Dieu m’accompagne, qu’Il est présent. Dans les bons comme les mauvais moments, Dieu est là pour moi, et est probablement la seule entité à l’être par Sa constance. J’aime le fait qu’en Islam, il nous soit répété si souvent de faire preuve de patience (pourtant difficile), de compassion, de pardon, d’amour, de don de soi. Ce sont des principes qui facilitent le vivre-ensemble.

 

La pratique de l’art, selon la vidéaste, peut permettre de se rapprocher du divin. « Un ami ouvert à la spiritualité m’a appris que l’islam n’est pas fermé à l’art, l’art est aussi une manière d’atteindre Dieu. Quand je joue au piano, je réalise à quel point j’ai des capacités intellectuelles ou physiques extraordinaires [venant de Dieu]. Et parfois rien que le son te transporte, ou la peinture, l’art c’est une manière de se connecter à Dieu. »

Pour les musulmanes qui souhaitent se lancer dans les pratiques artistiques, elle n’a qu’un conseil :

 

Il faut sauter. Une fois que tu sautes, Dieu vient à toi, Il dit « regarde cette personne, elle est en train de se battre pour une chose » donc Il te donne les ressources extraordinaires. J’ai rencontré des gens, j’aurais jamais imaginé les rencontrer si je n’avais pas sauté, jamais je n’aurais pu faire tout ça. Donc il faut sauter. You have to jump ! Allez-y

 

La créativité avant tout

 

Au moment où l’entretien a été fait, Woly était sur le départ pour un stage dans une ONG œuvrant au Sénégal. La vie d’artiste n’est donc pas son quotidien, et si elle n’exclut pas de faire de ses passions artistiques un pan de sa carrière dans l’humanitaire, il y a fort à parier que l’artiste mettra de la créativité et des messages positifs dans tout ce qu’elle entreprendra. Inch’Allah !

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Asma Lamrabet : féministe musulmane de la troisième voie

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Asma Lamrabet est médecin biologiste et directrice du Centre d’Etudes et de Recherches sur la question des Femmes dans l’Islam (CERFI) à Rabat. C’est Ahmed Abadi, le secrétaire général de la Rabita des Oulémas du Maroc, qui lui confie ce poste en 2011, suite à la lecture de ses nombreux ouvrages sur la place de la femme dans la religion musulmane. Il estime à l’époque qu’une institution aussi traditionaliste et orthodoxe que la ligue des Oulémas du Maroc se doit elle aussi d’effectuer un travail de réinterprétation des textes sacrés sur la question des droits des femmes. Le CERFI a donc pour objectif premier de déconstruire la lecture traditionaliste et patriarcale qui a été faite sur la question des femmes à travers l’histoire de l’Islam afin de retrouver dans le discours spirituel les valeurs d’égalité des sexes, de dignité et de justice sociale. Ce centre de recherche travaille ainsi à partir d’une perspective originale, réformiste, féminine et féministe.

 

Les mouvements féministes au Maroc.

 

Même si les luttes féminines ont toujours existé dans l’histoire de l’humanité, le féminisme en tant que concept est aujourd’hui encore bien trop souvent miné au Maroc. Il est connoté négativement car perçu comme un concept né en Occident, importé avec le colonialisme et donc forcément étranger aux cultures arabo-musulmanes. Or, selon Asma Lamrabet, le féminisme est un concept universel où seuls les modèles diffèrent selon les contextes. Elle estime ainsi que le féminisme tout comme la démocratie ou la promotion des droits humains sont des concepts que les sociétés se doivent de s’approprier et d’adapter à leurs contextes.
Au Maroc, L’Islam est la religion d’Etat, et les féministes marocaines ne peuvent agir sans prendre en compte ce contexte religieux. Asma Lamrabet m’indique que si certaines utilisent le référentiel religieux pour des raisons stratégiques – car aborder la religion est inévitable dans tout débat sur les droits des femmes au Maroc-, elle affirme quant à elle qu’elle le fait par réelle conviction. Selon elle, c’est dans les textes sacrés du Coran que les femmes musulmanes marocaines peuvent puiser les sources de leur argumentaire. Elle affirme ainsi que l’Islam délivre un message égalitaire, libérateur et émancipateur pour les femmes. Cependant, le gros du travail réside dans la lecture qui en est faite. Celle-ci se doit d’être contextualisée pour pouvoir faire face  à la lecture majoritaire, rigoriste et profondément patriarcale.

 

Aujourd’hui le discours islamique au sujet des femmes est un discours qui ne prend pas source dans les textes, mais qui se réfère à ce que disent les anciens, à ce qu’ont dit pendant des siècles les savants. On en vient à sacraliser des êtres humains, sacraliser la jurisprudence islamique et on perd les principes généraux de ce que j’appellerai l’éthique égalitaire et spirituelle du Coran.

 

« On n’a pas puisé nos sources dans l’Occident mais dans le Coran »

 

Selon Asma Lamrabet, la rupture entre féminisme laïque et féminisme musulman est une rupture qui n’a pas lieu d’être au Maroc, ou alors de façon modérée; contrairement à d’autres pays comme la Tunisie, l’Algérie ou l’Egypte.
Grâce à la réforme du code de la famille, de nombreuses féministes, notamment les laïques, ont découvert ou redécouvert que le référentiel islamique n’était pas incompatible avec les droits des femmes. En effet en 2004, lors de la réforme de la Moudawana, le code de la Famille marocain, un débat national a eu lieu entre différents acteurs : des théologiens, des politiciens, des sociologues, mais aussi des membres de la société civile dont les principales militantes associatives féministes. Ce débat a eu lieu de façon dépassionné, ce qui a permis de déconstruire, de part et d’autre, les malentendus. Le Maroc a ainsi puisé sa réforme du Code de la Famille dans le référentiel islamique tout en respectant au mieux les engagements pris à travers la ratification des traités internationaux.

 

Quand on évoque le droit égalitaire au divorce, on n’a pas puisé nos sources en Occident, mais au sein d’un texte qui a été révélé il y a quatorze siècles, c’est à dire dans le Coran. On y a retrouvé l’idée que le divorce est un droit égalitaire et non un droit exclusif aux hommes contrairement à ce qui est souvent indiqué dans les lectures patriarcales de l’Islam.

 

Le féminisme musulman de la troisième voie

 

Asma Lamrabet, Crédit photo : Women SenseTour - in Muslim Countries
Asma Lamrabet – Colloque 12 et 13 novembre 2014 –  Femmes au coeur des monothéismes: une histoire plurielle, Crédit photo : Women SenseTour – in Muslim Countries

 

Aujourd’hui on ne parle plus de féminisme, mais de féminismes, au pluriel. L’éventail s’élargie et est extraordinairement diversifié. Face à ce constat, Asma Lamrabet a proposé ce qu’elle appelle le féminisme musulman de la troisième voie. Un discours qui se fraie un chemin entre d’une part le discours exclusif – qui considère que la religion opprime les femmes et qu’il est un véritable obstacle à leur émancipation – et d’autre part un discours islamique – qui se veut rigoriste, essentialiste et qui estime que les droits universels sont étrangers à l’Islam.
Cette troisième voie propose d’allier les droits universels que chacun a le droit de revendiquer avec un référentiel musulman, revu, relu et re-contextualisé.

 

J’estime que c’est le droit des femmes musulmanes que de revendiquer un féminisme à partir de leur contexte. C’est tout à fait logique et légitime car on est tous, en tant qu’êtres humains, nés quelque part et c’est à partir de cela qu’on essaie de construire une pensée et une revendication

 

Aujourd’hui, face à une certaine islamophobie complètement banalisée et dont le sujet central est souvent l’oppression des femmes par l’Islam, Asma m’explique qu’il y a un véritable mouvement de femmes musulmanes à travers le monde – aussi bien en Occident que dans les pays arabo-musulmans – qui se réapproprient les textes sacrés et démontrent avec un argumentaire construit que ce n’est pas l’Islam en tant que religion qui opprime les femmes mais bel et bien la lecture qui en est faite. Les femmes ont été malgré elles marginalisées du sacré. Ce mouvement est aujourd’hui encore minoritaire mais fait son chemin pour lutter contre le monopole du savoir religieux, détenu exclusivement par les hommes et plus précisément les savants, qui ont interdit la participation des femmes dans les discussions.

 

« L’appel à la monogamie dans l’Islam s’est progressivement transformé en un droit exclusif de la part des hommes à se marier avec plusieurs femmes »

 

A chaque fois que l’on veut débattre sur les inégalités sociales dans l’Islam, les critiques les plus acerbes se font au sujet de la polygamie ou de l’héritage. Asma Lamrabet apporte à ce sujet des réponses claires, argumentées et contextualisées. « La question de la polygamie se pose avec acuité, si l’on en fait une lecture classique et traditionaliste, car oui le Coran parle de polygamie. Sauf que lorsque l’on fait une lecture contextualisée, on réalise qu’il n’y a pas qu’un seul verset qui traite de la polygamie, mais plusieurs ! ». Asma Lamrabet m’explique ainsi qu’au VIIe siècle, en Arabie, la polygamie était une pratique totalement acceptée : « Limiter le nombre de femmes au nombre de quatre était finalement déjà un exploit au vu de l’époque ». Elle ajoute avec fermeté que l’Islam impose la monogamie comme norme dans le cadre légal du mariage. En effet il est exigé dans le Coran, une condition très importante et bien trop souvent oubliée qui est celle de la justice : les hommes se doivent d’être justes et de donner la même chose à toutes leurs femmes. Or, par la suite, le Coran indique que cela est impossible et que dans ce cas précis, les hommes ne doivent se marier qu’avec une seule femme. « Dans les sociétés musulmanes, ce sont les hommes qui lisent, qui interprètent et qui établissent les lois. L’appel à la monogamie s’est ainsi vu transformé au vu d’une lecture patriarcale en un droit exclusif de la part des hommes à se marier avec plusieurs femmes. Ces dernières se doivent aujourd’hui de s’élever contre ces pratiques et de réclamer la monogamie, c’est leur droit le plus absolu ».

 

« L’héritage : un verset inégalitaire mais dont la finalité est la justice »

 

Les versets traitant de la question de l’héritage doivent également être recontextualisés. Dans le Coran, plusieurs versets traitent de cette question mais seul un verset a été retenu : celui indiquant que dans une fratrie, à la mort des parents, alors que le frère détient une part entière de l’héritage, sa sœur en détient seulement une demi part.
« Dans le contexte de la révélation, au VIIe siècle, donner une demi part aux femmes était une révolution, dans un contexte où les femmes n’héritaient absolument pas et ce dans toutes les civilisations ». Asma Lamrabet ajoute qu’à l’époque, la société était plus traditionnelle et la prise en charge matérielle, financière et économique de la famille relevait de la responsabilité des hommes. Ce qui signifie que l’homme reçoit une part entière car il doit prendre en charge l’ensemble de la famille, contrairement à la femme qui ne reçoit certes qu’une demi-part, mais celle-ci lui revient dans son intégralité.
« Ce verset semble inégalitaire mais la finalité est en fait la justice. Aujourd’hui, quatorze siècles après la révélation du Coran, nos sociétés se sont complètement métamorphosées. On observe par exemple qu’au Maroc, 30% des familles sont prises en charge par des femmes seules. Et plus généralement, au vu de la précarité socio-économique et des chamboulements de la société, le frère est incapable de prendre en charge ni sa sœur, ni sa mère, ni personne d’autre. Cette répartition inégalitaire devient donc injuste ! Que les femmes demandent une part égale à leur frère n’est donc pas incompatible avec  l’Islam et au contraire cela rejoint les valeurs de justice que l’on retrouve dans les principes de la religion ».

 

Un discours encore minoritaire mais qui interpelle

 

Asma Lamrabet m’explique que ce discours est de prime abord encore peu accepté au Maroc et dans les pays arabo-musulmans car perçu comme un discours occidentalisé et donc non islamique. Les critiques sont notamment faites par les femmes.

 

La résistance des femmes est très étrange, j’ai l’impression que cette idée d’inégalité consubstantielle à l’Islam est ancrée dans leur éducation et transformer les codes devient déstabilisant pour elles. De plus, il y a une peur car nous sommes aujourd’hui dans cette crispation identitaire qui fait que toute critique est vue comme une critique de l’identité. Elles ont peur de perdre cette identité qui fait le socle de leur vie

 

Cependant, lorsqu’elle développe un argumentaire théologique et montre qu’elle travaille au sein d’un référentiel islamique, elle sent que les préjugés se déconstruisent. Ce discours interpelle ainsi majoritairement les jeunes qui découvrent qu’ils peuvent vivre leur foi de façon plus sereine et apaisée sans avoir à choisir entre la tradition et la modernité. Cela a été un véritable déclic pour certains. Asma Lamrabet ajoute que cela leur permet aussi d’avoir un esprit critique, «d’être intelligent, c’est une question d’éthique de la spiritualité ».
Le féminisme musulman ou islamique, selon les chercheuses, est une pensée minoritaire qui doit encore faire face aux pensées extrémistes qui prennent leurs sources dans le wahhabisme à travers les ouvrages, les médias arabes ainsi qu’internet. Cependant, ce mouvement qui s’inscrit dans la continuité de la pensée réformiste musulmane et qui a émergé fin du XIXe siècle, évolue progressivement au sein des milieux universitaires dans les pays arabo-musulmans et en Occident, mais également au sein de différentes organisations de la société civile telles que l’ONG Sisters in Islam (Sœurs en Islam) en Malaisie ou le réseau « KARAMAH – Muslim Women Lawyers for Human Rights » (Avocates musulmanes pour les droits humains) basé aux Etats Unis.

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