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[Communiqué] Notre silence ne nous protégera pas : les violences sexistes et sexuelles dans les milieux militants ou religieux ne doivent plus passer sous silence

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Communiqué Lallab

Lorsque nous luttons pour nos droits au sein de la société, nous luttons pour notre émancipation et notre libération sans condition, dans tous les pans de notre vie. Nous nous efforçons de construire une société meilleure où nos voix sont entendues, nos douleurs estompées et notre dignité respectée. Partout, jusque dans notre intimité, car faut-il encore le répéter : le privé est profondément politique.

Les violences sexistes et sexuelles que nous subissons sont un problème politique et social. Ce sont des violences systémiques, au même titre que les violences racistes et islamophobes. Elles découlent de systèmes oppressifs et doivent être adressées en tant que telles, en tant que violences à combattre au nom de la lutte pour la justice dont nous nous réclamons tant dans nos environnements militants.
Ce texte vise à s’opposer plus particulièrement aux violences sexistes et sexuelles perpétrées dans nos espaces de luttes et de résistances ou les milieux religieux que nous fréquentons. A la retenue, plus ou moins fermement suggérée, car il serait mieux de “laver notre linge sale en famille” ; au silence recommandé afin de “ne pas trahir la cause commune” ; à la peur d’une instrumentalisation islamophobe, nous répondons que nous refusons de perpétuer des logiques de domination et d’intimidation. Nous le savons, car Audre Lorde, essayiste, poetesse et militante féministe afro-américaine et lesbienne nous l’a appris : “notre silence ne nous protégera pas”.

Régulièrement, des témoignages de violences sexistes et sexuelles émergent. Nous l’avons vu avec le témoignage bouleversant de Sarah publié dans Saphirnews, victime d’agressions sexuelles par l’imam de Montpellier ou encore par les demandes de soutien que nous recevons chez Lallab ou que reçoivent d’autres associations féministes amies.
En 2018, le collectif Femmes en Lutte 93 écrivait déjà ce texte très courageux “Soutien aux victimes de violences sexistes dans les milieux militants”.

Le plus souvent, ces histoires impliquent des personnages respectés voire vénérés – généralement des hommes – qui sont accusés d’actes horribles de violence physique, sexuelle et/ou spirituelle.

Comme l’analysent et l’expliquent brillamment l’association Heart et le collectif “Justice for Muslims”, lorsque les victimes parlent, leurs témoignages s‘inscrivent toujours dans des cycles identiques d’événements et de répétitions des violences, et ce à tous les niveaux de la société :

Les témoignages d’un.e ou plusieurs survivant.e.s sont révélés ; d’autres se présentent pour confirmer l’histoire, et partagent leurs propres histoires de violences, souvent aux mains du même dirigeant ou de la même institution.
Le tumulte de l’entourage de l’accusé commence : on trouve des excuses à l’accusé, on le défend. Les survivant.e.s et leurs défenseurs sont réduits au silence et des preuves sont exigées
L’organisation/communauté tente une solution rapide (c’est-à-dire retirer l’accusé, organiser une formation, etc.) ou, pire, ne fait rien et, comme il n’y a pas de neutralité dans ces situations, se range du côté de l’accusé.
Se répand la narration qui place l’accusé comme véritable victime, visé en raison de son identité ou du pouvoir, de l’argent ou de la réputation dont il dispose. Des dons, soutiens et une plateforme sont toujours fournis à l’organisation et à l’accusé.
Les oppressions au sein de l’organisation ou de la communauté ne sont pas remises en cause et la solution rapide ne permet pas de s’attaquer aux causes profondes de la violence.
Le suivi des survivant.e.s est laissé à un petit groupe de défenseurs, qui sont encore plus vilipendés et accusés de détruire les communautés et les familles.
– Cet incident individuel participe à un processus de silenciation de survivant.e.s qui sont moins susceptibles de se manifester en raison du manque de soutien de la communauté et de l’hostilité active et de la stigmatisation à leur égard.

Et le cycle se poursuit, quelques mois plus tard, parfois avec des acteurs différents (d’autres fois avec les mêmes acteurs) mais avec la même série d’événements classiques. Si nous nous taisons face à cet amas de violences, nous finissons par vivre dans un cycle d’impunité où les victimes, les survivant.e.s sont systématiquement éliminé.e.s et exclu.e.s, et où les systèmes de pouvoir et de privilège sont préservés. Un cycle qui montre la relation qui existe entre la violence interpersonnelle, la violence communautaire, la violence institutionnelle et la violence structurelle.

Se pose donc la question : comment contribuons-nous, en tant qu’individus, en tant que communautés et en tant qu’institutions, à ce cycle de violence ? À quel moment avons-nous le pouvoir de perturber ce cycle ?

Et qui, exactement, trahit la cause pour la justice que nous défendons, lorsqu’une femme dont on soutient publiquement l’accès aux droits, se retrouve mise au ban dans un espace militant ou religieux, car elle a osé dénoncer les agissements de ses pairs ? Les luttes contre le racisme, l’islamophobie et toutes les formes d’oppressions sont avant tout des luttes pour la dignité de toutes et tous. Personne ne devrait retrouver sa dignité sacrifiée et reléguée en arrière-plan dans nos milieux.

En tant qu’association féministe et antiraciste, en tant que militantes, en tant que femmes engagées, il est donc de notre responsabilité chez Lallab de briser ces cycles de violences et de nous assurer de la qualité de nos espaces et de faire en sorte que les organisations avec qui nous choisissons de travailler en face tout autant.

Si nous soutenons de toutes nos forces les causes militantes féministes, antiracistes, anticapitalistes et toutes les luttes que cela englobe, défendre coûte que coûte des hommes soupçonnés de harcèlement et d’agressions sexuelles et les organisations qui les protègent, nous semble une aberration qui, elle, dessert la lutte autant qu’elle annihile tous les espoirs que nous portons autour d’une résistance commune.

Il est crucial que ces violences ne soient plus passées sous silence dans nos environnements de lutte. Nous en avons assez que ces milieux ne se responsabilisent pas sur ces questions-là au détriment de nos santés physiques et mentales, et de notre intégrité. Nous voulons pointer du doigt le labyrinthe émotionnel et psychologique dans lequel beaucoup de femmes, victimes de ces violences, se retrouvent, complètement démunies, délaissées par leurs semblables, leurs compagnon.ne.s de lutte, oscillant entre l’enclume et le marteau, entre d’un côté les violences institutionnelles et de l’autre les violences communautaires. Nous devons aussi assumer et déconstruire le sexisme intériorisé auquel, toutes militantes que nous sommes, nous n’échappons pas nécessairement.

Ces situations sont aggravées par le manque de ressources, d’espaces et d’instances ou processus de prises en charge adéquats. C’est, encore une fois, la double peine : pas ou peu de parole possible dans les espaces militants qui ne pensent pas et refusent de voir ces violences, et mauvaise prise en charge au mieux, ou refus d’écoute voire agressions sexistes, racistes ou islamophobes dans les institutions associatives ou publiques lorsque les victimes souhaitent parler.

Notre objectif chez Lallab consiste à faire entendre les voix des femmes musulmanes, ce pour quoi nous œuvrons depuis déjà 5 années. A cet égard, il est aussi important et hautement politique de les écouter attentivement et d’être intransigeantes sur les violences qu’elles subissent, d’où qu’elles viennent, y compris des collectifs militants qu’elles côtoient.

A Lallab, la rédaction de ce communiqué s’inscrit dans un plan d’action plus large pour protéger les personnes victimes de ces violences. Celui-ci passe par :
– L’organisation de groupes de réflexions en interne pour améliorer nos processus d’écoute et de recueil des paroles
– Le développement d’outils et la meilleure intégration des questions de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans nos formations, nos sensibilisations et nos événements, en interne comme en externe à Lallab. Ainsi, dans le cadre du Muslim Women’s day, la journée internationale des femmes musulmanes, qui aura lieu le samedi 27 mars, l’une de nos tables rondes traitera spécifiquement, aux côtés d’autres collectifs féministes, de ces violences sexistes et sexuelles que nous vivons au sein de nos espaces de luttes et communautaires, et nos victoires face à celles-ci.
– La prise de contact avec plusieurs collectifs féministes et antiracistes pour aborder la question des violences sexistes et sexuelles dans les milieux communautaires et antiracistes dans le but de co-construire ensemble une réponse solidaire et commune ainsi qu’une synergie féministe contre ces violences organiser des événements afin qu’ils soient alignés sur nos valeurs.
Nous lançons d’ailleurs un appel à tous les collectifs intéressés merci de nous écrire à hello@lallab.org

En cette journée spéciale qu’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, et comme tous les autres jours du reste de l’année, aux femmes victimes de violences, d’où qu’elles viennent et quelles qu’elles soient, nous apportons et apporterons toujours notre écoute attentive, notre amour ainsi que notre soutien indéfectible.

Crédit photo : Amani Haydar, à retrouver sur son compte instagram

A propos de cette image, l’artiste écrit :

Cette peinture est issue de ma série « Solidarité ».
La série est inspirée par le rassemblement de femmes du monde entier pour partager leurs expériences et leurs histoires à travers le mouvement #metoo et les marches des femmes. Comme le titre l’indique, il s’agit d’une exploration du pouvoir et de la résilience qui surviennent lorsque les femmes travaillent ensemble pour pousser au changement et générer la guérison.
Il peut également être interprété comme une représentation des nombreuses humeurs, émotions et expériences que nous accumulons chacune au cours de notre vie.

This painting is from my Solidarity series.
The series is inspired by the coming together of women across the world to share their experiences and stories through the #metoo movement and women’s marches. As the title suggests, it is an exploration of the power and resilience that comes when women work together to push for change and generate healing. It can also be interpreted as a representation of the many moods, emotions and experiences we each accumulate during our lives.

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[Communiqué] 8 mars 2020 : « Nous sommes fatiguées »

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Nous, femmes musulmanes, sommes fatiguées. Fatiguées par ces violences racistes, misogynes, islamophobes que nous vivons depuis des années, des décennies, des siècles, tous les jours, dans nos chaires, entraînant des impacts immenses sur nos santés, tant physiques que psychologiques.

 
Nous sommes fatiguées de cette déshumanisation quotidienne qui découle de polémiques nationales où tout le monde a son mot à dire, sauf nous. Nous sommes fatiguées de lutter pour avoir accès à l’éducation, au marché de l’emploi, aux salles de sport, aux restaurants, à des emplois et des logements décents, à des papiers, pour pouvoir accompagner nos enfants lors de sorties scolaires. Nous sommes fatiguées de lutter chaque jour pour ne plus être humiliées et pour préserver nos droits les plus fondamentaux que l’on ne cesse de nous ôter. Que nous soyons des femmes exclues du système éducatif, du marché de l’emploi, des femmes de ménages exploitées, des femmes racisées objectivées, nous sommes des corps fatiguées.
 
Nous sommes épuisées.
 
Mais disons-le, crions-le ! Ces mêmes corps qu’on exploite, ces mêmes corps sur lesquels on projette un imaginaire raciste et néo-colonial, ces mêmes corps évincées de l’espace médiatique et politique, ces mêmes corps objets de débats, ces mêmes corps fatiguées par la lutte, ne se tairont plus ! Nos corps souffrent et nous disons stop. Notre guérison sera notre priorité et elle se fera sans négociation.
 
Nous refusons de discuter les contours de notre émancipation et de notre humanité. Résister, défier le discours dominant, se mettre au cœur de nos récits, créer nos propres outils, notre propre monde : c’est une affaire de survie.
 
Et notre émancipation ne sera garantie que le jour où les femmes ne seront plus jugées, discriminées, surveillées, enfermées ou violentées en raison de leur genre, de leur physique, de leur orientation sexuelle, de leur travail mais aussi de leur origine et de leurs convictions religieuses.
 
Partout dans le monde, ici et aujourd’hui, des femmes se rassemblent, descendent dans la rue, font état de leurs revendications, imprègnent les sociétés de leurs clameurs et de leurs émotions, inspirent celles qui viendront après elles, rendent hommage à celles qui les ont précédées. Et nous sommes fières de partager ce combat : toutes ensemble, sortons de l’effroi et renversons l’islamophobie, le capitalisme et le blantriarcat !
 
 
 

Crédit photo : Maya Mihindou

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Moosleemargh, artiste féministe, antiraciste et pleine de dérision

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Née à Londres, où cette femme âgée de vingt-quatre ans vit encore aujourd’hui, Nasima est une artiste maniant à la perfection humour, féminisme et culture islamique. Ses origines bangladeshies jouent aussi un rôle important dans ses illustrations, que l’on peut trouver sur les réseaux sociaux, où elle se nomme Moosleemargh, contraction de « muslimah » et de l’expression « argh », soulignant son agacement envers les injustices, notamment racistes et misogynes.

 

La prise de conscience d’une passion ancrée en elle depuis l’enfance

 

Diplômée depuis 2015, elle travaille actuellement dans une petite entreprise de cosmétiques, en tant qu’éditrice de création. « J’ai toujours adoré l’art et je dessine depuis mon plus jeune âge », explique-t-elle. Cela est cependant devenu plus présent dans sa vie à l’université, lorsqu’elle a décidé de s’offrir pour la première fois une tablette numérique pour dessiner, découvrant ainsi les joies de cet art digital.

 

Nasima se définit comme une grande fan de Hatecopy sur Instagram. « J’ai adoré ses personnages desi (terme désignant les personnes originaires de l’Asie du Sud) », exprime-t-elle avec beaucoup d’enthousiasme. Les illustrations de Hatecopy lui ont permis de ressentir une sorte de fierté, en tant que Desi. « Cela m’a donné envie de faire quelque chose de similaire pour les femmes musulmanes, afin qu’elles puissent s’identifier à quelque chose et qu’elles se sentent représentées », révèle-t-elle.

 

Crédit : Hatecopy

 

La volonté de représenter les musulmanes de façon drôle et spontanée

 

Ainsi, elle vend toute sorte de produits, enjolivés par ses illustrations. « L’idée de les vendre  m’est apparu plus tard, lorsque j’ai pensé que cela pouvait être cool pour des jeunes musulmanes d’acheter des objets avec des personnages musulmans et drôles », déclare-t-elle. L’illustratrice explique avoir notamment reçu beaucoup d’avis positifs suite à son pin où il est écrit « So Haraaaaam » (tellement péché). Elle espère plus tard créer d’autres produits.

 

Crédit : Moosleemargh.

« – Puis-je avoir ton numéro afin de te réveiller pour le Fajr (première prière de la journée) ?

– C’est quoi ce b*rdel ? »

 

« L’islam est constamment présent dans ma vie », explique-t-elle. Très friande d’humour par nature, elle considère qu’il lui est tout à fait facile de combiner à la fois dérision et islam dans ses illustrations. « Mes dessins reflètent généralement ma propre vie et mes expériences personnelles », confie-t-elle. La dessinatrice affirme également que cela lui permet de s’exprimer en tant qu’individu, ce qui révèle notamment ses engagements politiques.

 

Le dessin comme moyen d’expression face à l’injustice

 

« Durant mon éducation, j’ai réalisé à quel point les femmes étaient traitées différemment et je ressentais cela comme une injustice » confie Nasima. Elle a donc pris la décision de montrer son mécontentement, à la fois sur les réseaux sociaux et dans son entourage familial. Révoltée par de nombreuses injonctions, elles les dénoncent souvent dans ses illustrations.
 

Crédit : Moosleemargh.

« Ne veux-tu pas te marier ? Je connais un garçon ! Laisse-moi envoyer sa photo à ta mère. Sais-tu cuisiner ? Tu as vingt-quatre ans, il est temps de se marier, hein ? »

 

L’artiste se sent aussi très concernée par le racisme. « Plus je vieillis, plus je prends conscience du monde dans lequel nous vivons et plus je ressens la puissance de l’islamophobie et du racisme de façon générale dans notre société », regrette-t-elle. Elle reste cependant reconnaissante envers « les individus et les organisations incroyables luttant fermement contre les discours dominants visant à exclure les minorités », relativise-t-elle. Moosleemargh confie néanmoins avoir peur d’une hausse de l’islamophobie et de la xénophobie, compte tenu du climat politique actuel, qu’elle estime profondément nauséabond. « Hélas, nous avons encore beaucoup de travail à faire », nous alerte-t-elle.

 

Afin d’y remédier, l’illustratrice, elle-même profondément touchée par l’islamophobie, a récemment collaboré avec Huda, dessinatrice états-unienne et musulmane, dont le nom d’artiste est Yes I’m hot in this (Oui, j’ai chaud là-dedans) et dont le portrait se trouve également sur Lallab. Nasima l’avait découverte sur Instagram. « J’ai trouvé ses BD si drôles et intelligentes. Elle fait partie de ces personnes ayant le pouvoir de me faire rire à gorge déployée », exprime-t-elle avec beaucoup d’enthousiasme.

 

Moosleemargh était véritablement ravie lorsque Huda l’a contactée, afin de lui proposer de travailler ensemble sur un projet visant à dénoncer l’islamophobie, touchant notamment les femmes musulmanes, d’autant plus exposées à ce racisme lorsqu’elles portent un foulard, à l’instar de ces deux femmes. Ce projet prône également la sororité, dans un contexte où les femmes représentent l’écrasante majorité des victimes d’islamophobie, à savoir 80 % d’entre elles.
 

Crédit : Moosleemargh et Yes, I’m hot in this.

« L’anxiété face aux voies ferrées ». Nasima se souvient des faits divers concernant des agressions islamophobes envers des femmes musulmanes, poussées sur la voie.

Face à l’inquiétude de Nasima, Huda lui affirme son soutien : « Je suis avec toi ma sœur ».

 

Nasima est très fière de cette BD dont elles sont les deux auteures. « Je sens que nos styles vont vraiment bien ensemble et que nous avons été capables de parler d’un sujet nous affectant personnellement, mais faisant aussi souffrir d’autres personnes », révèle Moosleemargh. Elle espère vivement établir de nouveaux projets avec Huda, pour notre plus grand bonheur, inshAllah.

 

Crédit photo à la une: Moosleemargh

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Portraits

« Ouvrir la voix » d’Amandine Gay : Ne nous racontez plus, on s’en charge !

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On ne cesse de le répéter : la représentation compte (#RepresentationMatters) et pour la mettre en application, il existe peu d’outils aussi puissants que le cinéma. Dans Ouvrir la voix, la parole est donnée aux concernées, les femmes noires, celles-ci étant naturellement les mieux placées pour exprimer leur réalité. En une semaine, une soixantaine d’entre elles ont répondu à l’appel lancé par la réalisatrice, Amandine Gay, sur Twitter. Au final, c’est 2h02 passées avec 24 femmes, qui ont entre 22 et 47 ans, et qui parlent de leurs expériences et déconstruisent tous les stéréotypes, simplement en étant elles-mêmes.

 

Si Amandine Gay avait été américaine, son film aurait sûrement été une fiction autobiographique, comme beaucoup de premiers films. Mais après s’être confrontée à des producteurs·trices français·es pour qui les personnages noir·e·s qu’elle décrivait n’existaient pas, il a fallu revenir aux bases. Ce mur, elle s’y était déjà heurtée pendant plusieurs années, au cours de sa carrière de comédienne dans le monde du théâtre français. Elle s’est, par ailleurs, vite rendu compte que les rôles pour les femmes noires étaient rares et se limitaient souvent à ceux de prostituées ou de sans-papiers. Elle avait fait le choix, il y a quelques temps, de quitter la France pour Montréal. Finalement, elle y revient dans le même état d’esprit, avec ce besoin de débloquer les imaginaires. Dans un contexte où les femmes noires françaises ont souvent dû se tourner vers les Etats-Unis pour se voir à l’écran, Ouvrir la voix est une révolution : une production réaliste, montrant que les femmes noires existent dans leur pluralité.

 

« Votre silence ne vous protègera pas »     

 

« Peu importe si je n’ai pas dit ce qu’il fallait, si je me suis trahie par toutes sortes de petits silences, remettant ma parole à plus tard, ou comptant sur une autre pour parler à ma place. […] J’allais mourir, tôt ou tard, que j’aie pris la parole ou non. Mes silences ne m’avaient pas protégée. Votre silence ne vous protégera pas non plus. […]»
       Audre Lorde, “The Transformation of Silence into Language and Action”, 1977, Chicago.

 

Cet extrait, provenant de la poétesse féministe afro-américaine et lesbienne Audre Lorde, fait puissamment écho à Ouvrir la voix, en ce qu’il souligne la nécessité de briser l’assourdissant silence et de rendre audibles, en leurs propres termes, les récits de vie de femmes françaises et belges noires, jusqu’alors contés et monopolisés par des non-concerné·e·s.

La race ne se dit pas en France, elle se vit. Dans Ouvrir la voix, à mesure que chacune de ces femmes met des mots sur leur expérience sociale partagée, un paramètre commun apparaît : on leur a imposé leur identité ethnique tout en leur refusant de se revendiquer d’une appartenance autre que leur francité – sous peine d’accusations communautaristes (vous savez, lorsque les racisé·e·s se réunissent, cela effraie, mais personne ne rechigne quand des Blanc·he·s se retrouvent à gouverner dans les hautes instances entre eux·elles). Ces femmes noires choisissent donc de se réapproprier cette expérience en s’autodéfinissant comme « afropéennes », ou « afrodescendantes ». Se faisant, elles affirment d’une seule et même voix leur refus de choisir entre leur francité, leur africanité, leur féminité ou encore leur religiosité, puisqu’elles participent toutes de leur identité.

Ouvrir la voix donne donc corps à cette construction sociale qu’est “la race noire”, qui se conjugue ici spécifiquement au féminin et dans le contexte particulier de l’Europe. Dès le premier chapitre, à la lumière des expériences de chacune, se noue une conversation où s’entremêlent plusieurs voix relatant les différentes étapes marquantes de leur racialisation – c’est-à-dire le processus subjectif par lequel elles ont découvert et ont vécu leur différence raciale. L’une des étapes les plus marquantes de leur socialisation en tant que « femme noire », c’est-à-dire l’apprentissage des stéréotypes accolés à la catégorie « Noire », est symbolisée dans le documentaire par le récit, commun à toutes, de cette obsessionnelle question : « Tu viens d’où ? ». Cette injonction à présenter ses origines est vécue par ces dernières comme une violation de leur intimité, dans la mesure où elle marque une frontière raciale manifeste entre un « Nous » et un « Eux ». Cette question les renvoie à une identité supposée extérieure qui en fait les « Autres » de cette société française blanche et hétéronormée (c’est-à-dire dominée par des normes hétérosexuelles). C’est en cela que le documentaire prend tout son sens : il met en évidence les manifestations quotidiennes du racisme systémique vécu chaque jour par les femmes noires françaises.

 

Une des protagonistes du film.

Crédit photo : Capture d’écran d’un extrait du film sur Youtube

 

De la domination à l’émancipation

Aiss Berg, Amelia Ewu, Eléonore, Fania Noël, Fanny aka Thisiskyemis, Laura aka MrsRoots, Maboula Soumahoro, Many Chroniques, Marie Leda, Marie Julie Chalu, Merci Michel, Nass, Ndell a Paye, Ornella aka Loulou, Po B.K Lomani, Rachel Khan, Rébecca Chaillon, Sabine Pakora, Sandra, Sandra Sainte Rose, Fanchine, Sharone, Taina, Thara, Zina… Toutes ces femmes révèlent en quoi le fait d’apprendre à « être noire » ne se réduit pas à la prise de conscience du fait que l’on est perçue comme différente : cela signifie également intérioriser que la norme demeure blanche. Grâce à ces témoignages, ce sont les privilèges de la société majoritaire blanche qui transparaissent, mais surtout l’incapacité de cette dernière à se représenter et à reconnaître sa propre blanchité, tout comme l’exprime de façon très juste l’une des protagonistes lorsqu’elle s’exclame :

« Le privilège de l’innocence de sa propre couleur de peau, on aimerait tous l’avoir, nous. »

Peu à peu, les discours de ces femmes prennent de l’épaisseur et en viennent à décrire ce que certaines d’entre elles nomment « un mille-feuilles identitaire ». Ce mille-feuilles représente finalement, non plus un handicap, mais une réserve où elles puisent leur force – tout comme elles en trouvent dans leur religiosité ou encore leurs convictions afroféministes, qui deviennent alors sources d’émancipation.

Parallèlement à cela, le documentaire se singularise particulièrement par le fait qu’il rend visible les impacts psycho-sociaux des expériences de discrimination répétées. Ces dernières sont d’ailleurs fidèlement illustrées à travers les récits d’anecdotes communes : elles ont été plusieurs à être confrontées à cette fameuse conseillère d’orientation qui a tenté de les dissuader de viser des grandes écoles, sous prétexte d’un “niveau insuffisant”. Ces témoignages, comme bien d’autres dans le documentaire, sont autant d’expériences communes qui peuvent mener à l’auto-sabotage, à la dévalorisation de soi ou encore à la dépression. Faire face à ces discriminations signifie pour certaines la mise en place de véritables stratégies afin d’être mieux acceptées. En ce qui concerne le monde du travail par exemple, elles ont dû adopter diverses tactiques de coiffage comme le défrisage ou la coupe totale de leurs cheveux (dreads, tresses, afro) afin de convenir à une norme éthique et esthétique blanche. Par ces choix, elles anticipent les rappels à l’ordre de mise en conformité de leurs cheveux crépus ou frisés, dont la forme et la texture sont perçues comme problématiques et « non présentables » auprès de certains employeurs.

C’est cette dimension très peu reconnue des discriminations sexistes et racistes subies par les femmes noires qui donne, aux yeux des premières concernées, une portée quasi-thérapeutique au documentaire d’Amandine Gay. À prescrire de toute urgence !

 

L’esthétique photographique : magnifier sans fétichiser

 

Parallèlement aux nombreuses questions de fond abordées dans le film, la singularité d’Ouvrir la voix tient également au fait que c’est un documentaire comme on n’en a jamais vu, au sens proprement visuel du terme.

 

En effet, l’une des grandes forces du travail d’Amandine Gay, c’est surtout de nous offrir un spectre inédit de la diversité des femmes noires en France. Réunies autour de problématiques qu’elles partagent, ces femmes sont cependant toutes très différentes. Cette diversité, la réalisatrice la met en scène de manière magistrale, à l’opposé de tout ce que l’on a été habitué·e·s à voir à la télévision. Il suffit de jeter un œil aux rôles qui sont habituellement attribués aux femmes noires dans les films et séries françaises. On les dépeint comme des femmes de ménage vivant dans des conditions précaires (la mère de Driss dans Intouchables par exemple), ou comme des nourrices correspondant aux clichés de la “Mama” (Mamacita dans Il a déjà tes yeux). C’est également en délinquantes reléguées à la périphérie parisienne qu’elles sont constamment représentées (une image vue et revue dans des séries policières telles qu’Engrenages, et bien d’autres…).

 

Amandine Gay

Crédit photo : Christin Bela / Cfl Group Photography

 

Ces représentations-clichés, qui ne reflètent pas la pluralité des femmes racisées, Amandine Gay les défait totalement dans son film. Pour cela, elle choisit une esthétique propre à son projet de décolonisation des esprits.

 

“Je suis aussi une artiste et je ne veux pas qu’on zappe l’aspect esthétique du film.”

 

Ouvrir la voix se présente a priori de manière très minimaliste. Là où les reportages tendancieux de la télévision française usent d’une voix-off pour orienter les images filmées, ou de musiques dramatiques pour romancer des scènes quotidiennes et susciter la peur ou la pitié des spectateurs·trices étranger·e·s à ces représentations, Amandine Gay laisse entièrement la parole à ses interlocutrices. Le montage, lui aussi très épuré, propose d’ailleurs de vivre ces différents témoignages sous la forme d’une discussion continue, que rien n’interrompt si ce n’est les cartons annonçant les titres, tantôt dénonciateurs, tantôt drôles, des quatorze chapitres.

La parole (re)donnée aux concernées : un projet bien plus subversif en France que ce que les médias, représentant systématiquement les femmes noires comme un bloc homogène, nous laissent bien croire !

 

« Je voulais repenser le documentaire de “têtes parlantes” en faisant quelque chose d’esthétiquement intéressant. (…) Mais aujourd’hui, le documentaire “têtes parlantes” a été pourri par le reportage télé, c’est à dire les codes du bandeau qui arrive, les plans de coupe pour qu’on ne s’ennuie pas, la voix off et la musique omniprésente. »
Citations d’Amandine Gay dans son interview pour Lafrolesite et  Le Deuxième Regard

 

De l’évolution des représentations à la révolution

 

Concernant l’image à proprement parler, c’est dans une esthétique très photographique que s’inscrit la réalisatrice. Des cadres serrés offrent à voir les différents grains de peau de ces femmes actrices de leur récit, en même temps qu’ils créent une proximité peu visible à la télévision. Les légères contre-plongées (lorsque la caméra filme les personnes d’en bas) donnent une impression de grandeur à la fois physique et psychologique à ces femmes victimes d’oppressions racistes et sexistes à la fois, d’habitude rabaissées. Amandine Gay les magnifie sans les fétichiser ; elle les représente à l’état brut, celui que personne ne veut voir, parce qu’il dérange, ou parce qu’il “n’existe pas”, comme on a pu le lui laisser entendre à de nombreuses reprises tout au long de sa propre carrière. Ici, il s’agit surtout de construire à la fois un espace de parole safe pour ces victimes de violences sexistes, racistes, classistes (ndlr. mépris de la classe sociale) et/ou d’oppressions religieuses, ainsi qu’une image différente des femmes noires françaises.

 

Cependant, la réalisatrice n’a pas l’ambition de chambouler les représentations avec un seul et unique film. Son documentaire est le fruit d’une lutte de longue haleine contre les différents symptômes de cette société mysogynoire (ndlr. la rencontre entre racisme et misogynie, une double oppression donc pour les femmes noires) qui réduit ses comédiennes, ingénieures et autres militantes au statut d’objets. Il ne s’offre pas comme une réponse absolue au racisme et au sexisme systémiques dont souffrent quotidiennement ces femmes, mais plutôt comme un espace de représentation singulier, qui lie fond contestataire et forme émancipatrice afin de sonner l’alarme.

 

Ouvrir la voix représente donc un outil esthétique dans la longue lutte pour la (re)prise de parole par les femmes racisées, et constitue en cela un moment historique pour le cinéma français.

 

 

Article écrit par Claire-Issa Diallo, Natacha Djedji et Tarani

 

 

Crédit photo à la une : Affiche du film, Bras de Fer Production

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Ma réponse aux 14 arguments les plus courants contre le voile

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Je commence à en avoir un petit peu marre d’user ma salive pour répondre encore et encore aux mêmes arguments contre le hijab. Alors toi qui voudrais entamer un énième débat ou me demander de justifier mes croyances et mes choix personnels, lis ceci, ça nous fera peut-être gagner du temps à tou.te.s les deux.

 

1) Je n’aime pas le voile.

 

Bah okay, d’accord. Autre chose ?

Pour ton information et ta culture personnelle, « respecter » et « approuver » ne sont pas des synonymes. Et il se trouve que je ne te demande pas d’approuver mon hijab, ni d’être d’accord avec, de l’aimer, ou même de le comprendre. Juste de res-pec-ter mon choix de le porter. C’est si difficile que ça à comprendre ? Je peux te la faire en allemand, si ça peut aider.

 

2) Le voile, qu’est-ce que je trouve ça moche…

 

Et moi, je ne vis pas ma vie pour plaire à tout le monde. La base de mon hijab, c’est que je veux plaire à Dieu, être en accord avec moi-même et me détacher de la quête jamais finie d’approbation. Mais merci quand même pour ton intervention, c’était essentiel pour moi de savoir ce que tu en pensais.

Je tiens quand même à dire que moi aussi, il y a des choses que je n’aime pas, mais je n’ai pas développé une obsession au point de chercher tous les sites en lien pour crier au monde entier que ça ne me plaît pas. Par contre, ça m’intéresse de connaître ton secret pour avoir des journées plus longues, parce que personnellement, je n’ai pas le temps d’inonder internet de commentaires ET d’avoir une vie.

 

3) Vous nous imposez votre religion !

 

Mmh, à ce que je sache, si je pratique ma religion et que je ne demande à personne d’en faire autant, je n’impose rien à personne, non… Genre le foulard magique qui transformerait en musulman.e chaque personne qui le regarde. Pitié, aie plus de considération pour tes propres capacités intellectuelles.

D’ailleurs, c’est plutôt toi qui fais preuve de prosélytisme, à vouloir me faire adopter ton point de vue à tout prix. Si la vue te déplaît, regarde ailleurs, au lieu de me dévisager avec des yeux de merlan frit. Evite aussi de taper « invasion islam femmes voilées » sur YouTube : je sais que ça peut surprendre, mais tu risquerais effectivement de tomber sur des femmes voilées.

 

Crédit moosleemargh

Crédit photo : moosleemargh

 

4) Le voile ne fait pas partie de notre culture.

 

Alors tu m’expliqueras pourquoi les sœurs catholiques, la Vierge Marie et certaines femmes juives se couvrent les cheveux, tout comme le faisaient des femmes catholiques il n’y a encore pas si longtemps. Avant, le fait que les femmes soient couvertes était un signe de distinction entre les « civilisées » et les « sauvages ». Maintenant, c’est ce qui différencie les femmes « soumises » des femmes « libérées ». C’est marrant comme on dirait que c’est un peu toujours l’Occident qui dicte les normes…

 

5) Le voile est un signe d’infériorité de la femme.

 

Qui a décrété ça, à part toi et les hommes musulmans mégalos qui croient que le hijab est là pour montrer leur supériorité ? Je sais que tu n’as pas une grande estime pour mes capacités intellectuelles, mais je ne suis pas sotte au point de vouloir consciemment quelque chose qui va à l’encontre de ma dignité.

Ce n’est pas parce que les hommes ne portent pas le hijab qu’il y a un rapport de valeur : différence ne veut pas dire inégalité. Les hommes sikhs couvrent leur tête avec un turban, et pas les femmes – est-ce pour autant que les hommes sikhs sont inférieurs aux femmes ?

forgot-to-be-oppressed

J’ai oublié d’être oppressée / Trop occupée à être géniale
Crédit photo : Faineemae

 

6) Les femmes sont forcées à le porter.

 

Il y a DES femmes qui sont forcées à le porter. Et il y en a d’autres qui le choisissent. Les chercheurs.ses sur la question en France affirment qu’on a fait une généralisation de certains cas de femmes forcées à le porter, et qu’on a présenté comme des exceptions celles qui l’ont choisi, alors que c’est l’inverse : la plupart des femmes en France le portent de leur plein gré. Et il se trouve qu’elles aimeraient bien mener leur vie tranquillement, qu’on respecte leur libre-arbitre et qu’on les laisse un peu RESPIRER. Aider les femmes qui ne veulent pas porter le hijab n’est pas incompatible avec le fait de laisser celles qui l’ont choisi le porter.

De toute façon, si on est des victimes oppressées, il faut nous bichonner et s’en prendre plutôt à nos bourreaux, non ?

 

7) Vous êtes lobotomisées.

 

Je l’avoue, je suis lobotomisée. Par cette société de consommation de masse, où nous achetons, portons, mangeons, écoutons et regardons tou.te.s les mêmes produits, vêtements, repas, chansons, films, publicités et émissions abrutissantes.

Par contre, pour mon hijab, ça m’a demandé une sacrée volonté de passer le cap malgré toutes les pressions pour m’en dissuader. D’ailleurs, beaucoup de femmes qui le portent le font à l’encontre des opinions de leur famille et de leur entourage. Il semblerait que je sois, comme l’immense majorité des concernées, une grande fille, douée de raison et capable de prendre des décisions par et pour moi-même. Appelle BFM, ils seront contents d’avoir le scoop.

 

8) Les femmes qui portent le voile le font par provocation.

 

Maintenant je vais me fâcher toute rouge s’il y a encore quelqu’un qui prétend mieux savoir que moi ce qu’il y a dans ma tête ou pour quelles raisons je porte mon hijab. Il va falloir accepter que je le porte par rapport à Dieu et à moi-même – donc ni pour des gens qui voudraient que je le fasse, ni contre des gens que je voudrais embêter. Ça va vous décevoir de l’apprendre, mais vous n’êtes pas le centre du monde.

empowerment

Crédit photo : Meaghan Brittini

 

9) Ailleurs, des femmes se battent pour l’enlever.

 

Oui, et je les soutiens; de toute façon, un acte accompli sans conviction sincère n’a aucune valeur en islam, donc même de ce point de vue, je ne vois pas l’intérêt de forcer quelqu’un. Mais ce n’est pas une raison pour laquelle je devrais l’enlever, comme si c’était forcément comme ça que je devrais exprimer ma solidarité. Ce n’est pas parce que dans certaines sociétés barbares, les femmes sont obligées de souffrir le martyr en s’épilant, tout ça pour le regard des autres et la satisfaction de leur mâle dominant (qui, lui, n’a pas à subir ce traitement), que je vais te saouler pour que tu arrêtes de t’épiler « par solidarité avec elles ». L’important, c’est que celles qui veulent le faire puissent le faire, et que celles qui ne veulent pas, puissent ne pas le faire. Et pour ça, on a besoin de se serrer les coudes, pas de se tirer dans les pattes.

 

10) Il faut interdire le voile pour que les femmes puissent s’émanciper.

 

Tu m’expliqueras comment je pourrai « m’émanciper » (note que c’est un verbe réflexif, qui ne nécessite aucune intervention extérieure) sans pouvoir aller à l’école, à l’université ou au travail. Super plan, bravo, rien à dire. D’autant plus que si mon père/frère/mari est mon bourreau, j’imagine que le choix sera vite fait dans sa tête entre ma carrière et mon hijab…

 

11) La religion appartient au domaine privé.

 

Ah bon, et depuis quand ? Depuis qu’on amène l’islam dans les débats publics en permanence ? Pour info, il y a quelques petites choses qui vont avec la liberté de conscience, et qui s’appellent la liberté de culte et la liberté d’expression. Ça va être fun, une société qui garantit la liberté de conscience et d’expression à condition que ça reste dans l’opinion dominante ou bien au chaud dans notre tête.

 

12) Quand je voyage dans des pays musulmans, je m’adapte, alors c’est normal que vous vous adaptiez aussi

 

Tu l’as dit toi-même : vous voyagez dans des pays musulmans, où vous êtes étranger.e.s. Moi, je suis citoyenne de ce pays. Et puis tu critiques ces pays, mais tu veux faire la même chose qu’eux, à savoir imposer aux femmes une certaine façon de s’habiller ? Sans oublier que la plupart des pays musulmans n’impose pas le voile, encore moins aux touristes (oui, parce que les pays musulmans ne se limitent pas aux pays du Golfe, Wikipedia est ton ami). De toute façon, j’imagine que tes voyages t’emmènent moins souvent en Iran qu’à Djerba, or ça m’étonnerait que tu aies dû y porter un hijab assorti à ton bikini.

 

13) Ce n’est pas écrit textuellement dans le Coran.

 

Okay, je veux bien discuter d’interprétation religieuse, mais il vaut peut-être mieux qu’on parte avec les mêmes bases. Quand je discute avec quelqu’un qui a une foi différente de la mienne, j’ai l’humilité de reconnaître que cette personne a très probablement plus de connaissances que moi dans ce domaine. Et de mon côté, je me réserve le droit de ne pas donner beaucoup de poids aux arguments « religieux » de quelqu’un qui, loin de présenter les années d’étude et la maîtrise de l’arabe coranique nécessaires pour émettre des avis religieux, n’a même pas des connaissances de BASE. Parmi celles-ci, le fait que les musulmans s’appuient sur deux sources principales, le Coran ET la Sunna (la vie et les paroles rapportées de Muhammad). Si tu ne sais même pas ça, tu peux servir ton exégèse bidon sur les plateaux télé, mais moi je ne vais pas apprendre la physique quantique avec un élève de CM2.

 

14) « Ici on ai en France rantré ché vous !!! » (citation authentique)

 

Tiens, c’est marrant, ça nous fait un point commun : notre pays à tou.te.s les 2, c’est la France. Par contre, j’espère franchement que la ressemblance s’arrête là.

Allez, bisous !

 

 

Crédit photo de couverture : traitspourtraits.tumblr.com

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Pourquoi avons-nous besoin d’un magazine comme Lallab ?

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Lallab Femme musulmane
Magazine en ligne Lallab / Crédit : Lallab
Aujourd’hui, en France, en 2016, comme l’ont d’ailleurs très bien illustré une fois de plus les nombreuses polémiques de cet été, on en est encore à expliquer aux femmes musulmanes comment elles doivent penser, se vêtir et vivre leurs vies. On adore les enfermer dans des rôles bien précis, stéréotypés, étouffants et surtout insupportables voire humiliants. Alors de notre côté, nous disons stop, ça suffit ! Nous avons décidé de déchirer ces mauvais scénarios pré-écrits pour prendre nos plus belles plumes et écrire de toutes nouvelles histoires, de véritables récits qui valent enfin la peine d’être lus !

 

Avec Lallab, notre rêve est simple : façonner un monde dans lequel les femmes choisissent en toute liberté les armes de leur émancipation.

Dans ce cas, pourquoi faire entendre spécifiquement les voix des femmes musulmanes ? On vous explique tout en 8 points :

 

1/ Faire entendre les voix des femmes musulmanes

 

Aujourd’hui, les femmes musulmanes sont réduites à un silence paradoxal : on ne cesse de parler d’elles mais sans jamais leur donner la parole. Cela  semble pourtant logique, sur un sujet donné, de donner la parole aux principaux·ales concerné·e·s. Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, lorsqu’il s’agit des femmes musulmanes, nos médias et nos politiques deviennent de véritables experts pour parler à leurs places.

 

2/  Être actrice de son histoire

 

Les femmes musulmanes ne cessent d’être représentées comme un bloc homogène avec une histoire unique. Ces femmes sont pourtant plurielles et leurs vécus sont multiples. Alors prenons la plume ou la caméra, car écrire soi-même son histoire est un moyen de déconstruire les mythes qui y sont attachés, de se la réapproprier et de mieux envisager son futur.

 

3/ Se rebeller contre les préjugés

 

Les femmes musulmanes sont soumises et victimes  … de toutes les formes d’ignorances qui persistent à leur sujet !

 

4/ Reconnaître les discriminations spécifiques aux femmes musulmanes

 

Les musulmanes se trouvent à l’intersection d’au moins 3 critères de discriminations – le genre, la race, la religion. Un chiffre ? En France, en 2015, plus de 80%* des victimes d’agressions islamophobes sont des femmes. Il est aujourd’hui primordial de reconnaître ces discriminations spécifiques à travers une approche intersectionnelle si l’on veut faire changer les choses.

 

5/ Ne nous libérez pas, on s’en charge !

 

Il n’y a pas de schéma unique : chaque femme est la plus à même de décider des conditions de son émancipation, et personne, pas même une autre femme, aussi bienveillante soit-elle, ne doit décider pour elle. Cela semble évident, non ? Pas pour tout le monde, manifestement.

La « libération » des femmes musulmanes semble être devenu un enjeu national, et il est en ce sens trop souvent admis que cette émancipation doit nécessairement passer par une mise à distance du religieux. Or, forcer des personnes à nier leur foi pour supposément s’émanciper, c’est pas très cool … C’est même franchement violent et oppressif.

 

6/ Célébrer !

 

Énormément de femmes inspirantes se sont battues tout au long de l’Histoire, en tout temps et en tout lieu, pour faire valoir leurs droits et entendre leurs voix, et il est nécessaire de les mettre en lumière ! Rendons-leur hommage !

 

7/ Révolutionner l’image des femmes musulmanes dans les médias

 

Les médias ont tellement ancré dans l’imaginaire collectif cette vision de la femme musulmane soumise que cela alimente des discours et des actes oppressifs. Nous souhaitons prescrire l’antidote nécessaire à ce traitement simpliste, binaire et dangereux de l’information. Nous replaçons l’humain au centre de la discussion.

 

8/ Transformer la société

 

Ensemble, nous souhaitons construire une société respectueuse, qui ne craint plus les identités des personnes. Notre combat va donc au-delà des droits des femmes musulmanes ! Nous souhaitons que chaque personne puisse être non pas ce que l’on souhaite qu’elle soit, mais bien ce qu’elle veut être.

On l’a déjà dit, mais on le répétera tant qu’il le faudra : notre rêve est simple. Simple, mais ambitieux ! Car il nous faudra parcourir ce chemin tou·te·s ensemble pour enfin vivre dans une société qui n’a pas peur de l’altérité et qui permet à chaque femme de s’épanouir non pas malgré ses identités multiples mais grâce à elles.

Alors, vous en êtes ?

 

Sarah ZOUAK et Justine DEVILLAINE
Co-fondatrices de Lallab

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Diffuse la bonne parole

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