Saly D ou l’art afro-inspiré comme source d’émancipation sociale

par | 8/10/18 | Portraits

Assise dans un parc, Saly attire manifestement les enfants, qui s’approchent régulièrement pour s’amuser avec elle. Ces derniers ont visiblement perçu sa belle âme, qui transparaît dans son art. La peintre nous dévoile son parcours.

 

Née à Paris, elle a grandi à Bagneux, dans le 92 (Hauts-de-Seine). « J’en suis fière, c’est une ville qui te permet de te trouver, » grâce aux nombreuses activités proposées à la jeunesse, à l’instar de la peinture, de la musique ou du sport. « Il y a tout un personnel à disposition des jeunes, » se réjouit-elle. C’est d’ailleurs par ce biais qu’elle est parvenue à exposer dans une galerie. « Je me souviens tout particulièrement d’un animateur qui était très encourageant et qui m’a prouvé qu’il m’était possible d’intégrer ce monde artistique. » Saly a tout essayé : le chant, la danse et le théâtre. Jusqu’à la découverte, à dix-sept ou dix-huit ans, d’un nouveau loisir : la peinture. Avec les autres activités, l’artiste avait l’impression qu’il « manquait toujours quelque chose ». La peinture devient alors sa véritable passion. L’artiste nous révèle pourtant être complètement autodidacte, ce qui ne laisse pas d’impressionner, au regard de son parcours. Car Saly a réussi à se professionnaliser. « Au départ, mes peintures se trouvaient uniquement dans ma chambre, » avoue-t-elle.

Diplômée en journalisme, la peintre obtient aussi une licence en lettres modernes et histoire de l’art à Nanterre. Elle se souvient de ses années étudiantes, durant lesquelles elle milite — Nicolas Sarkozy est alors au pouvoir. Ses études lui permettent d’acquérir plusieurs compétences, et notamment en communication, comme nous le prouve son site. Mais Saly D rêve de ne vivre que de son art, ce qui lui permettrait de gagner en indépendance, tout en décidant elle-même de sa façon de travailler. « Je me suis professionnalisée sur le tas, » explique-t-elle. Cela fait seulement deux ans que son art constitue une véritable activité professionnelle, générant des revenus par le biais de son site, dont les produits se trouvent aussi sur les réseaux sociaux, qu’elle utilise beaucoup. Elle est également engagée dans d’autres projets, dont des ateliers permettant de découvrir les arts d’Afrique au sein d’établissements scolaires, d’associations ou encore de centres sociaux.

 

« Mon art est afro-inspiré. L’Afrique constitue la base de mes créations, » affirme la peintre. Pourtant, elle ne se limite pas à ce continent. Certains aspects de ses œuvres font penser à l’Amérique du Sud, à l’Inde ou encore à des éléments de l’art scandinave. D’aucuns lui ont même affirmé que ses tableaux rappelaient l’art maya ou inca. « J’ai peut-être été inspirée par cela à mon insu ; nous sommes tellement submergé·e·s d’images, c’est la beauté de notre génération », se réjouit-elle. « Avant, nos aïeux devaient voyager pour voir des choses différentes ; désormais, on a accès à Instagram, Pinterest… C’est acquis, pour nous. » Bien qu’elle ne considère pas son art comme intrinsèquement politique, Saly assume pleinement le fait que la peinture lui permette de renouer avec ses racines. Il s’agit d’un « travail perpétuel, dans lequel on se sent parfois plus français·e ou plus africain·e, à certains moments de nos vies ». Bien que d’origine sénégalaise, Saly rend hommage à l’ensemble du continent africain. D’un point de vue artistique, ce continent abrite autant de similitudes que de différences. Elle évoque notamment les masques et les cauris, coquillages blancs utilisés dans toute cette partie du monde, mais dont la symbolique change selon la région.

 

Saly et son horloge en hommage à l’Afrique. Crédit : Massira Keita

 

Le partage se situe au centre de l’art de Saly. L’artiste désire ainsi mettre en ligne des vidéos présentant ses réflexions sur la créativité, afin de toucher d’autres artistes. « J’aimerais que l’on puisse bénéficier de mon apprentissage. Je crois beaucoup en la prédestination ;  je pense que Dieu ne choisit pas les choses par hasard. Et c’est la raison pour laquelle j’aimerais partager cela, avec un côté un peu reporter que j’aime beaucoup, » confie-t-elle. Son art s’exprime principalement par le biais de tableaux sur toile, mais aussi d’illustrations sur papier, d’objets personnalisés, tels que des lampes ou encore des baskets. « Mon but est que chacun·e puisse trouver sa place sur tous les supports qui existent, » comme elle l’indique sur son site. Elle y explique ainsi qu’elle souhaite que chacun·e puisse se sentir comme à la maison, estimant que le monde artistique est souvent trop élitiste, excluant de nombreuses personnes. « Je veux montrer que tout le monde peut intégrer ce monde-là. Tout le monde peut le faire. »

En tant que noire et française, Saly estime par ailleurs que le fait d’assumer pleinement son identité est assez difficile. L’artiste évoque ainsi le manque de diversité durant ses études, où son amie et elle sont les seules Noires de sa filière. En grandissant, elle sort davantage, y compris dans les musées. Elle est alors exposée aux préjugés de nombreuses personnes, surprises que les Noir·e·s puissent être intéressé·e·s par l’art — pourtant très présent en Afrique. Heureusement, ses parents, qu’elle considère comme les « meilleurs du monde, » lui ont véritablement permis de se sentir à sa place, en tant que Franco-sénégalaise.

Saly conseille à toutes les personnes qui hésiteraient à se lancer de ne pas prendre certaines critiques personnellement. « Il ne faut surtout pas leur laisser la possibilité de vous faire douter de la pertinence de votre art. » La peintre considère qu’il ne faut pas écouter certains avis, les réseaux sociaux permettant à beaucoup de personnes malveillantes de s’exprimer. Bien qu’elle estime que nous demeurons toujours soucieux·ses du regard des autres, « ce serait dommage d’oublier qu’au final, je reçois plus d’ondes positives que de retours négatifs ». De plus, Saly aime à rappeler que rien ne garantit que les abonnés des pages d’artistes sur les réseaux sociaux constituent des clients potentiels. « 250 000 likes, est-ce que ça contribue à te trouver une galerie ? A t’apporter de l’argent ? Non, alors il ne faut pas dépenser trop d’énergie là-dedans. » Elle privilégie donc les rapports humains directs.

 

Saly nous montre à quel point l’art peut être un moyen de se trouver, mais aussi d’être singulièr·e tout en demeurant connecté·e au monde entier. Elle est pleine d’ambition, et nous ne lui souhaitons que du bonheur pour ses nouveaux projets… qu’il faut absolument suivre sur les réseaux sociaux, inchAllah.

 

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