Rabia al Adawiyya : une ode à l’amour du divin

par | 10/05/20 | Femmes musulmanes dans l'histoire, Portraits

[Publié initialement le 11 mai 2019]
Aujourd’hui, en plus de vous faire découvrir une femme musulmane importante, une femme musulmane fascinante, je vous propose ensemble de partager un voyage initiatique, un voyage hautement spirituel, celui de l’Amour du divin. La femme dont je vais vous parler fit le choix de l’emprunter, de s’y laisser embarquer, de l’habiter. De sa vie, les événements extérieurs que je vous relaterai ne sont que peu nombreux. Je vous partagerai ses événements intérieurs, ceux relatifs à son âme et sa spiritualité, qui méritent davantage d’être relatés. Cette femme, dans sa recherche effrénée du divin, a su gravir un degré d’amour que la raison humaine peut difficilement concevoir.
Rabia Al Adawiyya, aussi appelée Rabia Al Basri est considérée comme la première mystique de l’islam et plus particulièrement du soufisme. Son arrivée à une époque où la plus grande partie du monde connu avait été conquise par les musulman.e.s, où l’opulence et l’apparat gagnaient du terrain, sonna comme une voix nouvelle, celle d’un appel divin authentique et éternel. Aujourd’hui, dépassons les repères spatio-temporels, dépassons la force du physique pour tenter de rencontrer Rabia Al Adawiyya, la plus grande des mystiques.

Rabia Al Adawiyya naquit vers l’an 100 de l’Hégire, soit vers 719 de l’ère chrétienne dans la ville de Bassora, située dans l’Irak actuelle. Ses parents la nommèrent Rabia car elle était la quatrième d’une famille qui jusqu’alors comptait trois filles. Sa famille, bien qu’étant très pauvre, était profondément dévouée à Dieu et s’en remettaient malgré les difficultés qu’elle rencontrait. Alors qu’elle avait moins de dix ans, le père de Rabia décéda; puis quelques mois plus tard, la mort emporta également sa mère. C’est ainsi que les quatre sœurs se retrouvèrent orphelines. Bientôt, démunies, elles durent surmonter la misère, la faim et l’errance. Afin de trouver quelque part un avenir meilleur, leurs chemins se séparèrent.

La ville de Bassora, où Rabia fit le choix de s’installer, souffrait d’une rude épidémie qui confronta sa population à une terrible disette. La violence se fit grandissante et les brigands de plus en plus nombreux. Le destin de Rabia bascula lorsqu’un jour l’un d’eux l’enleva et la vendit pour six dirhams à un dur commerçant.

La dure vie qu’elle menait jusqu’à présent se compliqua lorsque les tâches qui lui furent confiées étaient hors de ses capacités. Ses moments de répit, c’est la nuit que Rabia les vivait. Une fois retirée, seule dans sa chambre, elle se mettait à prier et à supplier son Seigneur de lui montrer Sa voie. Lorsqu’elle priait, lorsqu’elle se confessait, c’était toutes ses peines physiques que Rabia oubliait. Elle avait cette force qui l’animait, qui l’attirait vers l’adoration, l’adoration de Dieu.

Une nuit, alors que son maître se réveilla, il l’entendit prier, supplier. Emu par la beauté qui s’en dégageait, il resta là un instant puis l’observa discrètement. Il l’aperçut rayonnante, comme enveloppée d’une lumière qu’il ne pouvait qualifier. Il était fasciné et quelque peu apeuré par la puissance qui semblait se dégager d’elle. Le lendemain, il s’approcha d’elle puis lui fit savoir que, si elle le désirait, elle pouvait s’en aller, ou tout bonnement également rester mais avec la promesse d’un statut plus respecté. Rabia fit le choix de s’en aller avec pour promesse de dédier sa vie à l’amour de Dieu, renonçant ainsi au mariage et à tout autre plaisir qu’elle jugeait terrestre. Elle passa ses nuits à prier, ses journées à méditer et la majeure partie de ses journées à jeûner.

Alors qu’elle n’avait que 14 ans et n’ayant de lieu où vivre à proprement parler, les mosquées devinrent sa demeure. Ne se faisant pas aux tumultes des cités, Rabia s’inclinait à la solitude. Elle se mit donc en route à la recherche d’un univers à la fois vide de créature mais empli de la Douce Proximité de son Créateur.

Afin de mener travail profond sur elle, Rabia fit le choix de s’éloigner, de s’en aller. Elle alla dans le désert dans la plus profonde des retraites spirituelles. Une fois son cœur purifié, une fois libérée de ses passions, des instincts, de la peur et de l’espoir, elle revint à Bassora où elle commença à prêcher et à enseigner l’amour de Celui pour qui elle désirait exister.

Autour d’elle, un grand nombre d’aspirants au cheminement spirituel se réunissait pour l’écouter, pour s’élever. Parmi ses compagnons, on pouvait notamment trouver l’ascète Rabâh Al-Qaysî, le spécialiste du Hadith Sufyân Ath-Thawrî et le soufi Shafîq Al-Balkhî. Elle prit également la plume pour y partager ses enseignements, pour y partager l’Amour du divin. Aujourd’hui encore, on peut trouver et parcourir certains de ses poèmes. Je vous en partage aujourd’hui quelques lignes m’ayant beaucoup inspirée :

Mon Dieu, si je T’adore par crainte de Ton Enfer, brûle-moi dans ses flammes, et si je T’adore par crainte de Ton Paradis, prive m’en. Je ne T’adore, Seigneur, que pour Toi. Car Tu mérites l’adoration. Alors ne me refuse pas la contemplation de Ta Face majestueuse.

C’est à l’âge de quatre-vingt ans qu’elle fut rappelée. Toute sa vie durant, elle passa ses nuits et ses jours emportée dans la méditation de Dieu, recherchant avec ferveur Son Amour.

Rabia, par ta sincérité, ton détachement, tu te distingues de celles et ceux t’ayant précédée. Animée par un amour débordant, tu fus la première à proclamer l’Amour absolu, à poser l’amour du divin comme source d’inspiration et d’illumination. Rabia, je te salue pour ton intégrité, ta piété, ta sincérité. En toi, je puise l’inspiration, la motivation, la dévotion.
Tu me rappelles que tout cela n’est qu’éphémère, que nous ne sommes que des passagères avec une mission, celle d’exceller, de nous affirmer et de nous accepter, telles qu’Il nous a créées.

Crédit image à la une : Houda Damouch, designer et architecte d’intérieur, artiste peintre de formation et de passion. « J’aime à dire que l’art peut s’exprimer de bon nombre des manières, cultiver son être avec minutie et patience comme on cultiverai une fleur délicate est aussi un art. Je me passionne aussi pour le savoir, celui qui nourrit le corps et l’âme, celui qui réforme l’esprit par la sagesse »
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