Les cheveux, un marqueur capillaire et identitaire

par | 25/10/17 | Portraits

Fatou N’Diaye, Bloggeuse

Christiane Taubira , Ancienne Garde des Sceaux

Sandra Sainte Rose, Danseuse & Chorégraphe

Alice Diop, Réalisatrice

Aissa Maiga, Actrice

Imany, Chanteuse

 

 AFRO !                                                                   

 

Vous vous demandez certainement pourquoi ces noms et pas d’autres ? Parce que ces noms, CES FEMMES ont retenu mon attention, mon regard durant de longues minutes lors de l’exposition photo « AFRO ! » de la réalisatrice, journaliste, écrivaine, et militante antiraciste Rokhaya Diallo et la photographe Brigitte Sombié. Inspirée de leur livre du même nom, cette exposition contribue à donner encore plus de visibilité à leur projet initial, celui de faire reconnaître et de valoriser la beauté des afropéen·ne·s et tout particulièrement celle de leurs cheveux, s’opposant aux canons de beauté capillaires imposés par nos sociétés occidentales. La beauté serait-elle seulement synonyme de blancheur et de cheveux raides ? Cette exposition tend à s’opposer à cette idée encore partagée par beaucoup.

 

«  Les cheveux sont des cheveux. Cependant ils portent sur des questions plus larges : l’acceptation de soi, l’insécurité et ce que le monde considère comme beau. » Chimamanda Ngozi Adichie – The Guardian, 7 avril 2013

Photo de Chimamanda Ngozi Adichie

Crédit photo : Lakin Ogunbanwo for New York Magazine
 

Prononcée par la féministe nigériane dont le discours a été popularisé par la célébrissime Beyoncé dans sa chanson «  Flawless », cette phrase amorce l’exposition. Elle englobe et rappelle ce que les cheveux véhiculent comme message. Nos cheveux, et surtout notre rapport à nos cheveux se reflètent dans nos coiffures : nous les assumons pleinement, partiellement ou nous en rejetons l’aspect. La photographie illustrant ce propos est celle d’une femme afro-descendante avec un afro à la teinte assez claire dont le volume et l’ombre cachent légèrement son œil gauche mais laisse toutefois percevoir ce léger sourire qu’elle esquisse. BEAUTE, NATUREL·LE, ACCEPTATION DE SOI, FIERTE : Voilà les maîtres mots qui se dégagent de cette exposition, se prolongeant dans cette pièce aux murs blancs sur lesquels sont apposés des portraits de personnalités et d’anonymes qui ont accepté de se prêter au jeu de la photo pour véhiculer un message fort.

 

« Il est aussi important que les femmes noires gardent les cheveux naturels que les Chinoises ne se débrident pas les yeux. La beauté de l’humanité c’est que les beautés multiples s’assument et s’affichent. Elle s’appauvrit si on se ressemble tous. » Christiane Taubira, Ancienne Garde Des Sceaux.

 

«  Nous avons été tellement habitués à voir, dans les médias, des filles noires avec les cheveux au vent que c’est devenu notre critère de beauté. Etre noire et belle, c’était avoir des cheveux lisses. » Fatou N’Diaye, Bloggeuse.

 

Photo de Fatou N’Diaye

Crédit photo : © Brigitte Sombié

 

Notre révolution capillaire est en marche…

 

Comme le dit si bien Fatou N’Diaye -alias BlackBeautyBag, bloggeuse incontournable en matière d’esthétique capillaire dont les recommandations sont suivies et relayées-, être noire et belle ne signifie pas avoir des cheveux lisses. Bien que des personnalités d’envergure internationale telles que Beyoncé ou encore Naomi Campbell ont recours au lissage, des personnalités fortes telles que Fatou N’Diaye ou Solange Knowles s’y opposent farouchement. Malgré leur lien de parenté étroit, Solange et Beyoncé véhiculent deux messages forts opposés auxquels chacun·e d’entre nous peut s’identifier. L’une prône un retour au naturel affiché et assumé ; l’autre prône une esthétique capillaire bien plus lisse, avec une tendance à recourir aux extensions et aux tissages. Dernière polémique en date : un magazine britannique du nom de « London Evening Standart » a mis en couverture de l’un de ses numéros Solange Knowles, qui n’a pas du tout été satisfaite de la version définitive. En effet, la coiffure que Solange arbore fièrement sur la couverture a été tronquée, avec une esthétique beaucoup moins impressionnante que la version de départ. Je vous laisse en juger par vous-même.

 

Crédit photo : © 2017 CMI marketing

Etrange décision, alors que l’artiste attache une grande importance aux cheveux et surtout aux coiffures tressées qu’elle décrit comme un «  art à part ». Son formidable « Don’t Touch My Hair » ne semble pas avoir été entendu et compris par tou·te·s apparemment.

Mon propos, comme celui de l’exposition, n’a pas pour but de dénigrer ou de valoriser une esthétique plutôt qu’une autre. Elle vise à (re)donner la visibilité à « l’afro » trop souvent caché car moqué de ceux et celles qui le considèrent comme une négligence lorsqu’il est porté. Considère-t-on comme négligent·e celui ou celle qui attache ses cheveux en permanence sans les accessoiriser ? Bien que sûr que non ! Pour certains points, et l’aspect capillaire en faisant partie, les connotations négatives ne semblent concerner qu’une certaine catégorie de personnes, en l’occurence les personnes racisées.

Une réalité tout aussi tranchée lorsqu’il s’agit des cheveux tressés qui peuvent être considérés comme «  chic » ou « banal/ghetto/retro » en fonction de celui ou de celle qui les portera. A ce sujet, l’exemple le plus évocateur est bien entendu les fameuses tresses collées de Kim Kardashian. Rectification : les tresses collées que s’est gentiment appropriée Kim Kardashian de la culture africaine. C’est plus juste, non ?! Un parfait exemple de ce que l’on appelle plus communément l’appropriation culturelle. Le contexte actuel met en valeur la culture africaine, notamment d’un point de vue vestimentaire et capillaire, mais provoque dans le même temps une appropriation, une récupération de celle-ci par intérêt purement économique. Autre exemple : Stella McCartney, lors de sa collection printemps-été 2018 présentée lors de la Fashion Week à Paris dont les mannequins arborent des tenues créées à partir du WAX et vendues à un prix exorbitant. Pour les principales concernées, leur culture, reposant sur leurs propres codes vestimentaires et capillaires, n’a pas qu’une simple dimension économique. S’agissant de nos cheveux, ils ont une dimension avant tout politique, sociale et IDENTITAIRE. C’est bien de notre identité dont il est question, et il nous faut plus que jamais l’affirmer et la revendiquer. Faire de ce qui est considéré comme une différence, un défaut ou encore une anomalie, une richesse participant à l’amour de soi et à l’écriture d’une nouvelle définition plus inclusive de la beauté.

 

Alors, si vous n’avez pas vu l’expo « AFRO ! », vous savez ce qu’il vous reste à faire : Rendez-vous à la Maison des Métallos à PARIS (11ème). Faites vite, l’exposition ne dure que jusqu’au 29 octobre !

Crédit photo à la une : Plumelle

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