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TheArabicNovel et son univers : portrait (Partie III)

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« Je crois que chaque personne sur terre a un mode d’expression, un don. Je suis très croyante, je pense que Dieu nous a donné une voix qui nous permet de nous exprimer avec excellence. »

Dans les articles précédents (que vous pourrez lire ici et ) je vous évoquais la sensibilité de TheArabicNovel. Sarah est une écrivaine qui ne sait bien écrire que sur le coup de l’émotion. L’écriture est un art que Sarah maîtrise bel et bien, vous l’aurez remarqué sur sa page Instagram. Les phrases et les mots portent en eux la sensibilité et la poésie de Sarah.  
Elle souhaite toucher l’émotion de l’autre et que ce dernier capte l’émotion qu’elle transmet.Pour cela, elle doit écrire avec émotion. Si elle ne met pas ce qui la travaille dans ses textes alors ça ne touchera pas les lecteurs.rices.

« TheArabicNovel c’est vraiment moi, comme je suis vraiment, dans la vie. »

Vous l’aurez compris, Sarah partage avec vous un bout de son cœur et de son âme. Malgré le fait que TheArabicNovel aurait pu ne pas exister du fait de certaines craintes d’être présente sur les réseaux sociaux, aujourd’hui, Sarah est reconnaissante, car elle a fait de belles rencontres via ce compte.

Pour certain.e.s, un réseau social n’a aucun intérêt, pour d’autres, un compte Instagram peut changer leur vie.

Le contenu que Sarah propose sur ses médias sociaux est bénéfique pour de nombreuses personnes. Sarah inspire de nombreuses jeunes filles, et transmet cette passion pour la lecture à un grand public.

« Je le fais pour que ça touche quelqu’un. Je suis vraiment dans l’émotion et dans le partage de cette dernière. »

Comment ça marche sur TheArabicNovel ?

« On pourrait croire que je suis organisée mais pas du tout.

Je fonctionne vraiment au feeling, je refuse de recevoir des livres des maisons d’édition, je ne veux pas qu’on m’impose ce que je vais lire.

C’est moi qui vais chercher, c’est moi qui vais les solliciter lorsque j’en ai envie. Choisir les livres que je veux lire fait que je suis rarement déçu. J’optimise la sélection.

Je lis cent pages par jour parce que j’estime que pour bien écrire, il faut bien lire, et lire fréquemment. C’est comme les sportifs de haut niveau. Il faut s’entraîner.

Pour YouTube, je ne suis plus très à l’aise avec les vidéos face caméra où je parle toute seule, je préfère les vidéos où je mets en lumière quelqu’un, c’est pour cela que je m’axe désormais uniquement sur des interviews. Je trouve que c’est un format plus noble, j’aime le fait de mettre en avant le travail de quelqu’un à travers ma sensibilité et mon regard.»

Nous avons tendance à oublier que derrière un compte, il y a un être humain. Tout comme vous, comme moi, comme nous. Nous avons des hauts et des bas, des forces et des faiblesses. Nos journées, parfois, sont ensoleillées, d’autres fois, pluvieuses. Parfois, nos vies sont en plein tempêtes, parfois on se retrouve à naviguer dans un océan calme, sans jamais voir le bout de terre.

Comment TheArabicNovel se motive et garde la pêche ?

« Le fait de rester en mouvement, de faire des interviews, et de travailler sur du beau, ça te rend heureux.

Je n’étais pas dans un bon mood cette semaine mais hier j’avais une interview, je devais travailler les questions et chercher un endroit pour que la vidéo soit belle, chercher les musiques…Me préparer, préparer l’auteure, la mettre sous un bon angle, poser les questions.

Je suis ressortie de l’interview, j’étais boosté par le fait de la mettre en avant et puis elle me l’a bien rendue, elle m’a donné plein d’astuces d’écriture et, elle s’est livrée à moi.  

Tu te rends compte qu’on est tou.te.s pareil. Finalement, ce qui est écrit est écrit, et si Dieu m’a destiné quelque chose ça arrivera et il ne faut pas que j’angoisse. C’est ça qui me motive. Je me dis reste en mouvement, fait du kheir (du bien), fait du beau, fait des causes, ce que tu appréhendes et ce que tu attends, ça arrivera si Dieu te l’a destiné. Et ça me permet d’apaiser mes angoisses. »

 « J’ai une peur dans ma vie, c’est d’arriver à un âge très avancé et de me dire que je n’ai pas couru derrière ce que j’ai voulu faire. Je n’ai qu’une seule crainte et c’est ça. »

L’amour de la littérature est venu à Sarah par la rencontre de la langue française en Algérie lorsqu’elle était enfant. Quelques mots sur un journal et cette passion l’a poursuivie tout au long de sa vie. Le second déclic a eu lieu avec J.London, puis avec Faïza Guène à l’adolescence,où elle a eu l’impression qu’elle devait lire ce qui lui ressemblait et ce qui la travaillait. Les thématiques dans la littérature arabe sont la mélancolie, l’exil et la pudeur ; c’est la littérature qui ressemble à Sarah.

Sarah a besoin de lire des choses qui lui ressemblent, elle a besoin de poésie. Pour elle, rien n’est plus poétique qu’un.e auteur/trice de la langue arabe, qu’il soit arabophone ou francophone.

Une de ses grandes sources d’inspiration et qui l’a poussé à ouvrir son compte Instagram, c’est Bookapax. Sarah souligne que « c’est une personne extraordinaire. ».

Quelle est l’atmosphère de lecture de TheArabicNovel ?

« Je lis souvent quand j’ai une émotion forte, quand j’ai besoin de me couper de la réalité, je vais lire. Je sais que je vais être dans une bulle.

Maintenant que je fais du contenu, j’écris des articles, je suis obligé de lire tous les jours sinon je ne tiens pas le rythme. Je suis venue à lire cent pages par jour car je n’ai pas le choix sinon je n’avance pas dans mon travail.

La vraie lectrice que je suis, elle lit quand elle a une émotion forte lorsque j’ai besoin de me ressourcer et de me retrouver, mais là, je suis une lectrice du quotidien. »

 

 

« Je pense que l’intention est au cœur de tout. »

J’aimerais conclure cette série d’articles, sur cette notion qu’on connaît tous, la notion de l’intention. Je pense qu’avoir un cœur et une âme pur.e.s lorsqu’on réalise quelque chose est important. Sarah est sincère dans ce qu’elle fait, lorsque j’ai discuté avec elle, je sentais sa bienveillance, sa sensibilité et sa passion envers la littérature. Je lui souhaite le meilleur.

« Tout ce que je fais c’est pour les échanges, les rencontres, on se construit à travers l’autre. »

Lorsque j’ai contacté Sarah pour écrire cet article, à aucun moment, je ne pensais écrire une série d’articles, je n’en avais prévu qu’un seul. Mais après notre échange, j’ai eu envie de partager avec vous le maximum de notre conversation et surtout je voulais partager avec vous la sincérité de Sarah.

Cet échange était énorme.  Je ne la remercierais jamais assez de ce moment agréable où j’ai eu l’occasion de discuter avec elle. Mille mercis Sarah pour ta sincérité et ta gentillesse.

Sincèrement.

« Un roman a le pouvoir de te faire vivre toutes les vies que tu ne vivras pas. »

 

Crédit photos : Pixabay, Pexels, Canva 

 

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TheArabicNovel et son univers : les cendres du passé (Partie II)

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Il serait vulgaire de ma part de vous écrire une unique partie sur Sarah, alors qu’il y a tant de choses à dire et à partager avec vous. Si vous n’avez pas lu la première partie, je vous invite à la lire en cliquant sur ce lien.

« Je pense que je fais une fixette sur le passé. »

Sarah est petite fille de révolutionnaires algériens, est-ce la raison qui explique son obsession sur ce qui s’est passé durant la guerre d’Algérie ?

Sarah m’explique que ses grands-parents (que la miséricorde de Dieu soit sur eux), ne parlaient pas du passé avec leurs enfants. Cependant, depuis toute petite, elle posait des questions à sa grand-mère, elle voulait savoir et comprendre. Néanmoins, elle pense qu’elle a réouvert les blessures du passé de sa grand-mère. 

« Ma grand-mère m’a un jour dit, mais Sarah pourquoi tu t’intéresses à ça, toi, tu es française, tu es française. »

Lorsque nous évoquons les histoires de nos ancêtres, de nos pays d’origine, et de la colonisation, il y a toujours cette question de légitimité qui revient. « Nous jouissons des fruits de leur combat, et pourtant nous cultivons en nous une tristesse et une mélancolie d’un passé que nous n’avons pas vécu. »

Sarah me confie, à cette époque où elle discutait avec sa grand-mère, qu’elle ne se sentait pas française. Elle en voulait au monde entier pour ce qui s’était passé en Algérie.

« Je ne l’avais pas vécu cette guerre, mais je la porte en moi. »

Comment peut-on porter une guerre qu’on n’a pas vécue, comment peut-on ressentir autant d’émotions face à une histoire qui n’est pas directement la nôtre ? Héritons-nous des traumatismes de nos ancêtres ?

Certains.es diront pourquoi ressasser un passé qui n’existe plus. Pourquoi vivre dans le passé, qui, en plus, est un passé sombre et rempli de douleur ?

Aujourd’hui, nous constatons que ce passé est en train de s’éteindre avec les aïeux qui partent. Nous avons besoin du travail de mémoire, nous avons besoin de ces histoires, nous avons besoin de les comprendre. Nous devons saisir ces récits pour les transmettre avant que cela ne soit trop tard.  

 

« Moi, j’ai envie de raconter ça à ma fille. Il faut donc saisir ces histoires. »

Une fracture au niveau de la langue, due à la colonisation, est la raison pour laquelle on ne transmet pas ces histoires, ni à l’écrit, ni à l’oral. Une sorte de coup de hache donné par le colonisateur qui a brisé l’Algérie et qui a laissé les générations suivantes chamboulées. Les histoires se perdent entre deux langues, deux cultures, deux façons de faire et de vivre. Que faire pour transmettre nos histoires et ne pas les perdre ?

Le pont qui nous lie à nos ancêtres est fissuré, fragile et il suffit d’un léger souffle pour perdre ce lien. 

Tout au long de mon échange avec Sarah, j’ai senti cette mélancolie qu’elle possède envers le passé et envers l’Algérie. Naturellement, son premier manuscrit traite du passé, de l’Algérie et de la colonisation.

 

« J’ai du mal à trouver un éditeur, on me répond, « c’est bon, mais ce n’est pas pour nous ». C’est ça qui me fait mal. »*

Son premier manuscrit parle de cette obsession du passé, de la guerre d’Algérie, de tout ce qu’elle porte en elle et qu’elle n’a pas vécu. Cependant, elle a du mal à trouver une maison d’édition qui accepte son roman tel qu’il est. Elle ajoute qu’elle ne l’a pas écrit pour la maison d’édition mais pour les lecteurs qui en ont besoin.

J’évoquais un peu plus haut le besoin de transmettre les histoires de nos ancêtres. Il est important que l’on ait ces histoires sous différents formats (films, séries, œuvres d’art ou encore livres et romans).

Sarah a écrit ce livre parce que ça lui fait mal, et que quelqu’un d’autre pourra se reconnaître dans son histoire, dans sa souffrance. Elle n’est certes pas détentrice de cette histoire, mais cette histoire est commune à plusieurs personnes. Elle n’est qu’une plume.

« Je ne suis qu’une plume. »

Une plume qui souhaite que le nom de ses parents figure sur un livre édité par une maison d’édition française. C’est son challenge à elle, sa contribution à cette lutte.

Je pense que chaque personne qui se reconnaît dans cette série d’articles porte en elle une sorte de revanche qu’elle souhaite mener à terme : publier un livre, réaliser un film, bâtir un empire, peu importe la forme, dont le message est sur le sol français, je vous souhaite du fond du cœur, de prendre votre revanche dans les règles de l’art.

Une autre raison importante qui joue sur la publication du livre de Sarah – que j’ai hâte de lire – est qu’elle fonctionne au feeling et à l’affect. Elle souhaite trouver un.e éditeur/trice qui comprend sa sensibilité, son univers et qui ne tente pas de réécrire son récit.

Son premier manuscrit constitue un récit personnel, écrit avec les fragments de vie de ses grands-parents, elle ne désire pas le réécrire pour plaire à l’éditeur/trice.

« Il y a quelque chose de trop personnel. Je veux le meilleur pour ce livre. »

Pourquoi avoir écrit ce livre ? « Quand, j’ai commencé à comprendre que ma grand-mère était une femme combattante qui a pris les armes, j’étais captivée à l’adolescence, et j’avais dit à mes parents, il faut qu’on raconte cette histoire, j’avais trouvé ça fascinant.

Je pense que dans toutes les familles algériennes, on est fier de ce qui s’est passé, on a envie de raconter ces histoires et de les partager. »

« Ce roman, il fait 300 pages. Ce roman, je l’ai écrit pour moi. Je me demande d’ailleurs si ce récit n’est pas trop intime pour être partagé, c’est pour cela aussi que quand j’ai un refus d’édition, je le prends personnellement. »

En combien de temps tu as écrit ce livre ? « J’avais toutes les bribes, tous les textes et toutes les archives. Ma grand-mère est décédée lors du premier confinement, le 6 avril 202. Et là, j’ai tout écrit, pendant tout le confinement. Tout est sorti. J’avais besoin de faire mon deuil. Tout est sorti à ce moment-là.

Une amie m’a dit que c’est « cathartique », on sent ta peine, on la sent.

Je suis très sensible comme personne. Je ne sais pas si ça se ressent, mais quand j’écris c’est que ça vient vraiment du cœur et là c’était le summum du summum de mon émotion. »

« Le livre est dur, très dur. »

Avec Sarah, j’ai beaucoup parlé de ce passé, elle m’a partagé une partie de son histoire, et je ne la remercierais jamais assez pour ça.

J’ai compris une chose, en discutant avec Sarah et en écrivant cet article: son livre n’est pas simplement une sorte de revanche, à mes yeux, c’est un hommage à son pays d’origine, un hommage à ses parents, mais surtout un hommage à sa grand-mère (que la miséricorde soit sur elle).

J’ai senti un amour profond et sincère envers sa grand-mère, lorsqu’elle l’évoquait. Je lui souhaite le meilleur pour ce livre, et j’espère du plus profond de mon cœur que ce manuscrit soit un étendard d’espoir pour la prochaine génération. Merci Sarah pour ta sincérité et ta bienveillance.

* Les propos susmentionnés sont datés

 

Pour lire la dernière partie du portrait (III), cliquez ici !

 

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TheArabicNovel et son univers : Sarah (Partie I)

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Aujourd’hui, je vais vous présenter Sarah et son univers rempli de poésie. Certain.e.s d’entre vous la connaissent à travers son compte Instagram TheArabicNovel, et/ou à travers ses vidéos sur sa chaîne YouTube. Pour d’autres, vous venez tout juste de la découvrir. Dans tous les cas, j’aimerais vous parler de cette femme qui inspire, à travers son univers, de nombreuses personnes.

Le début d’une aventure – Pourquoi TheArabicNovel ?

Lors de notre échange, Sarah m’a expliqué les raisons pour lesquelles elle a créé ce compte Instagram au sujet de ses lectures autour de la culture et de la littérature arabe.

« Paradoxalement, je pense que je suis plus TheArabicNovel que Sarah »

Au moment où Sarah a créé TheArabicNovel, elle voulait être elle, pouvoir s’exprimer, dans un espace, sans chercher la conformité ou l’approbation de l’autre. Elle avait envie de se laisser porter artistiquement et de laisser parler toute sa créativité.

« Nous vivons à une époque mondialisée, où la conformité est la norme, mais cette uniformité entrave notre créativité, pour plaire on en vient alors à se taire. »

Après une école de commerce, Sarah s’est retrouvée dans le monde professionnel et est devenue cadre. Schéma classique. Cependant, Sarah sentait que quelque chose n’allait pas, quelque chose lui manquait, elle avait l’impression de ne pas être alignée avec ses aspirations. Elle fit alors un burn-out il y a deux ans.

« Je suis tombée malade : j’avais des membres de mon corps qui se figeaient, comme pour refuser d’avancer »

Elle a rencontré un médecin qui lui a dit « Ce que vous avez ne relève pas de la médecine, si vous souffrez, c’est que vous n’êtes pas en phase avec vous-même. Vous faites quelque chose quotidiennement, mais cela vous déplaît. ». Ce médecin lui a conseillé de retourner aux bases et de se construire un refuge intérieur dans lequel elle puisse s’épanouir.

Elle décide alors de reprendre des études de littérature arabe. Sarah a toujours aimé les langues, c’est ce qui l’anime. Elle lit énormément et depuis toujours. C’est son passe-temps premier.  Elle a donc fait le choix de se consacrer à ce qu’elle aime, et de cette façon, elle a retrouvé la santé, car elle a décidé d’être pleinement elle-même. Ainsi, elle s’est épanouie, elle s’est sentie alignée avec elle-même. Elle avait l’impression d’être au bon endroit.

“Ce n’est pas évident pour tout le monde de se trouver dans la vie mais une fois que tu te trouves, tu ne peux que faire quelque chose de bien car tu es au bon endroit, tu suis le bon chemin” – me confie-t-elle.

« Quand je travaille sur les espaces TheArabicNovel, je suis moi et je me fiche du regard des autres. Cet espace est le mien, et je dis ce que j’ai envie de dire, que ça plaise ou pas. »

 L’histoire de Sarah me fait penser au phénix qui renaît de ses cendres. Je vois TheArabicNovel comme une renaissance et une sorte de réponse à la conformité de la société dans laquelle nous vivons. 

 

Le coup de foudre – La lecture

Imaginez une petite fille en train de lire un vieux journal français, sous le ciel d’Algérie, et qui tombe éperdument amoureuse de la littérature. Un vrai coup de foudre. Sarah m’explique comment elle a découvert son amour pour la littérature.

« La convergence n’exclut pas la divergence ». C’est avec cette phrase extraite d’un vieux journal algérien que la passion de Sarah débute. A cette époque, elle venait tout juste d’apprendre à lire, et puis, elle tombe sur ces mots, qui sont bien compliqués pour une enfant. Sarah me confie alors qu’elle n’avait rien compris au sens de cette phrase mais que la rime lui plaisait.

« Cela ne faisait pas sens pour moi mais cela résonnait en moi »

 À la suite de ce coup de foudre, Sarah a demandé à son père de lui acheter des livres. Le premier livre que son père lui a procuré était un Coran, acheté au hanout du coin. Elle a passé son été à le lire, sans rien y comprendre non plus, mais les titres des sourates la faisaient rêver : « La Lumière, Les Poètes, La Lune ».

Puis, de retour en France, Sarah découvre l’univers de Jack London, et en est devenue une grande fan, notamment grâce à « L’appel de la forêt » qui parle de la recherche de la liberté.

Et vous, quels sont les mots qui vous ont poussé dans la lecture ?

« J’ai cette quête de liberté en moi. »

Sarah est d’origine algérienne, petite fille de révolutionnaires; elle considère que l’amour de la liberté coule dans ses veines.

Vous est-il déjà arrivé de lire une centaine de livres de manière mécanique, sans vous y reconnaître ? Vous êtes là, en train de bouquiner, la plume de l’auteur est magnifique, elle vous plaît, mais pour une raison ou une autre, vous n’êtes pas réellement présents… Vous n’accrochez pas, l’histoire ne vous parle pas, ne vous ressemble pas. Vous n’êtes pas seul.e; de nombreuses personnes ont ce sentiment.

Durant ses années collège, Sarah découvre Faïza Guène et se dit que oui, il y a des livres qui parlent de nous, « qui parlent de moi », « qui me ressemblent ». Elle ajoute à propos de l’autrice, avec qui elle a pu échanger avec : « je te serais toujours reconnaissante, tu as changé ma vie, tu nous as fait comprendre que c’était possible, que nos plumes, un jour pouvaient être éditées et nos voix entendues ».

« S’il y a un auteur à qui j’aimerais ressembler un jour, mais à qui je ne ressemblerais jamais c’est Amin Maalouf. »

Sarah aime beaucoup les romans historiques et son auteur phare est le célèbre Amin Maalouf, qu’elle considère comme un génie de la littérature. L’un de ses livres préférés est « Samarcande ».

Grande fan de ses œuvres, le jour où Sarah a pu rencontrer A. Maalouf, elle a été incapable de lui témoigner son admiration tant elle était impressionnée. Les mots ne sortaient pas. La seule chose qu’elle ait pu faire a été de tendre son roman pour obtenir une dédicace.

Pourquoi cet amour pour les romans historiques :  

« Ces types de romans portent en eux un poids du passé. Pour moi, ils sont faits contre l’oubli et nous rappellent les fragments de ce que nous sommes. Ces histoires qui nous habitent en quelque sorte, avec lesquelles nous cohabitons sans les considérer. Ces livres nous offrent un miroir sur toutes ces histoires qui nous façonnent.

Je suis un peu guidée dans la vie par un trait de caractère : la mélancolie. Je fais une fixette sur le passé, donc forcément le roman historique est le genre qui me parle le plus. »

Et vous, aimez-vous les romans historiques ?

« J’ai l’impression de basculer dans un autre monde qui vit en moi. »

J’ai l’impression que c’est la littérature qui est venue à elle, l’amour des mots et de la lecture étaient inscrits sur son cœur et son âme depuis la nuit des temps.

Sarah est passionnée, le mot est faible, mais elle est amoureuse de la littérature, et durant notre échange j’ai senti cette passion, cet amour, cette folie qui anime les personnes qui ont cette soif de la lecture.

Aujourd’hui, Sarah est journaliste et écrit pour plusieurs magazines tels que Gazelle où elle fait des interviews d’auteurs/trices et des chroniques de livres afin de donner aux gens le goût de lire.

Retrouvez la suite du portrait ici (partie II),  et là pour la partie III.

 

 

 

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(Dé)construction

La petite dernière

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« Je m’appelle Fatima. Je porte le nom d’un personnage symbolique en islam. »

Française d’origine algérienne, elle porte« un nom qu’il ne faut pas salir ». Musulmanes pratiquantes et lesbiennes, l’auteure et la narratrice se confondent dans cette autofiction

 

À 24 ans, Fatima Daas, féministe intersectionnelle, signe son premier roman. Un premier texte sur son rapport à l’islam, écrit pendant son master de Création littéraire à Saint-Denis Paris 8, la mènera à La petite dernière. Chaque chapitre débute par « Je m’appelle Fatima » et marque sa quête identitaire. Française d’origine algérienne, musulmane, lesbienne et « banlieusarde qui observe les comportements parisiens », Fatima lutte pour faire coexister toutes ses identités. Des identités qui semblent contradictoires.

 

« Je m’appelle Fatima.

Je suis musulmane, alors j’ai peur :

Que Dieu ne m’aime pas. »

 

Des phrases courtes et des fragments de vie, qui racontent des conflits intérieurs et extérieurs. La narratrice questionne sa place à l’école, dans sa famille, dans la société… On l’accompagne de l’enfance à l’âge adulte et lors de ses trajets de Clichy à Paris. On se joint à elle dans la cuisine avec sa mère ou encore à l’hôpital, où elle se rend pour soigner son asthme. On la découvre dans sa relation compliquée avec Nina. En est-elle amoureuse ou fait-elle le choix d’une histoire impossible ? On ne sait jamais avec Fatima. Rien n’est acquis dans le roman, tout est mouvement. La possibilité d’accepter que nous sommes sans cesse en cheminement, se ressent aussi dans les interviews données par l’auteure.

« Je m’appelle Fatima Daas.

Je suis une menteuse.

Je suis une pécheresse. »

 

Fatima découvre son homosexualité à 12 ans. Un sentiment de honte la pousse à taire tout désir et la rend parfois violente. Tiraillement et honte d’être lesbienne mais aussi d’être musulmane dans le milieu lesbien… Et le sentiment d’être incomprise car « c’est difficile d’être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque ». Silencieuse dans ses relations amoureuses, elle est souvent tentée de fuir. Elle pense que « c’est terrible de dire « Je t’aime » […] c’est aussi terrible de ne pas le dire ». Mais « L’amour, c’était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi. »

 

« Ma mère dit qu’on naît musulman.

Je crois pourtant que je me suis convertie. »

 

Sans réel enseignement religieux, elle pratique d’abord par mimétisme. Puis, elle ressent une foi immense et se met à prier, avec conviction. Au journal Le Monde, l’auteure confie : « ce que je voulais livrer d’intime, c’est surtout les moments de prière où je sens la présence réelle de Dieu en moi, parce que la relation avec Lui est beaucoup plus forte que celle que je peux avoir avec une fille. C’est au-delà de tout. » Cependant, la culpabilité envahit Fatima, qui va à la rencontre de plusieurs imams dans l’espoir d’obtenir des réponses. « Dieu a créé Adam et Ève et non pas Ève et Ève » tranche l’imam. Ses prières s’intensifient, son amour pour Dieu ne faillit pas, elle « jure de ne plus recommencer ». Mais elle jure « sans promettre ». Elle ne renoncera pas.

 

« J’ai la sensation que ma vie commence tout juste à avoir un semblant de stabilité. »

 

Malgré quatre années de psychothérapie, elle continue « d’écrire des histoires pour ne pas vivre la sienne ». On se demande où est la vérité et où est la fiction. La jeune auteure a le courage de ne pas renier des parts d’elle-même, de ne pas choisir entre pratiquer sa religion et aimer les femmes. Elle lève surtout des tabous et parle à une génération en manque de représentation. Fatima Daas ne veut pas « réformer l’islam » et résiste également à la pression de la société, qui voudrait qu’elle choisisse. Si elle craint les récupérations de toute part, elle réaffirme à chaque fois, que son « désir profond est de discuter de littérature ».

 

Ce monologue ne donne pas de solutions mais nous permet de découvrir le parcours de Fatima Daas, en chemin vers l’acceptation de soi.

 

La petite dernière, Fatima Daas – éditions Notabilia, août 2020 – 192 pages – 16€

 

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(Dé)construction

La fiction contre l’oppression ou comment la fiction peut transformer la société

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Ce texte retrace le chemin de pensée qui m’a conduite à créer ma série « Histoires courtes ». J’y explique pourquoi, selon moi, la fiction est un outil révolutionnaire pour changer la société.
Version actualisée le 30 avril 2022

 

1. Comment les modèles toxiques de féminité dans les films ont-ils influencé la femme que je suis devenue ?

Dès mon plus jeune âge, je me suis identifiée aux personnages féminins que je voyais dans les films. J’ai incorporé les normes de féminité qu’ils véhiculaient et telle une bonne élève, j’ai tenté de les suivre pour être considérée comme désirable par la société.

Pour l’enfant puis l’adolescente que j’étais, il y avait deux modèles de femmes possibles : la princesse Disney ou la James Bond Girl. La femme docile, maternelle et gentille se soumettant directement au prince ou l’héroïne indomptable et agressive résistant à James Bond.

Si ces deux modèles peuvent paraître en apparence très différents, ils reposent en réalité sur un socle commun : la soumission. L’héroïne n’existe que par rapport au personnage masculin. Ce qui la rend désirable, c’est sa beauté d’abord, prérequis pour que le héros s’intéresse à elle, puis sa personnalité, qui n’a qu’une vocation : permettre au héros d’exprimer sa domination et de rayonner. Si la James Bond Girl oppose une résistance de façade, ce n’est que pour rendre plus jouissif le moment où James parviendra à la maîtriser.

Thunderball. 1965.

 

En devenant une jeune adulte, j’ai réalisé à quel point ces modèles de féminité m’avaient influencée dans mon comportement quotidien. Adolescente, je me scrutais dans les miroirs du lycée ou les vitres des magasins plusieurs fois par jour pour me rassurer sur mon apparence, persuadée que le moindre défaut physique me retirerait toute ma valeur. Dehors, je contrôlais constamment ma façon de marcher, de m’asseoir, de me mouvoir, pour apparaître sous mon meilleur jour. Comme si, au lieu de vivre pleinement dans mon corps, je posais un regard extérieur sur moi-même.

 

2. Pourquoi le cinéma et la littérature ont-ils une telle influence sur nous ?

Comment expliquer que des films aient pu avoir un tel impact sur mon comportement quotidien ? On aurait tendance à dire que le cinéma est un moyen de transmettre des normes sociales au même titre que l’éducation ou l’école. Cependant, le cinéma et la littérature ont selon moi une spécificité qui les rend particulièrement efficaces pour nous influencer en profondeur : ils font appel à nos émotions et à notre capacité d’identification.

Tandis que des parents ordonneraient à leur fille de prendre soin de son apparence, un film se contenterait de mettre en scène l’attente interminable d’un homme pendant la préparation de l’héroïne, puis la descente au ralenti de celle-ci dans une robe magnifique, provoquant la fascination générale.

Virgin Suicides. 1999.

 

Plus efficace que n’importe quel discours, la scène suffit à faire passer le message-clé aux jeunes filles : « c’est votre apparence qui définit votre valeur ».

 

3. Pourquoi le pouvoir d’influence de la fiction est-il une bonne nouvelle ?

Je vous le concède, que les représentations des femmes dans les films aient des conséquences si dévastatrices sur l’estime de soi des jeunes filles est affligeant. Mais il y a quand même une bonne nouvelle dans tout ça : si les films ou les livres ont un tel pouvoir d’influence, alors cela implique qu’ils peuvent aussi être utilisés à bon escient et participer à libérer le spectateur plutôt qu’à l’opprimer en véhiculant des normes toxiques !

Si les James Bond Girls provoquent en moi des désirs superficiels – être belle et attirer le regard masculin –, « Le Jeu de la Dame » m’a donné envie de me progresser aux échecs, « Les femmes de l’ombre » m’a aidée à persévérer dans mes études de mathématiques, « Une femme d’exception » m’a encouragée à me battre pour mes idées.

Hidden Figures. 2017.

 

4. A vos plumes !

Une fois que l’on prend conscience du pouvoir de la fiction, l’univers des possibles nous est ouvert ! Nous pouvons créer un monde plus proche de la réalité ou au contraire penser au-delà du réel, imaginer des futurs plus radieux, façonner des identités dépassant les catégories imposées, décrire notre monde idéal !

Pourquoi ne pas imaginer qu’une jour une jeune fille tombera sur votre texte ou votre film, que votre personnage résonnera en elle et d’un être de papier, se changera en un être de chair et d’os ?

Alors, si vous souhaitez semer des graines de liberté dans les esprits des jeunes filles de demain… à vos plumes !

 

 

Crédit image à la Une : Écrivaine égyptienne Nawal al-Saadawi, qui nous a quitté le 21 mars 2021

 

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(Dé)construction

Un bel élan de sororité – De Guerre et d’Espoir – Collectif Nuée de plumes

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« Recréer de la beauté et de la compassion dans un univers qui en est privé » Préface par Faïza Guène – De Guerre et d’Espoir

Beaucoup soulignent l’aspect négatif des réseaux sociaux, mais aujourd’hui, laissez-moi vous présenter ce qu’Instagram permet de réaliser quand les chemins des belles âmes se croisent.
De Guerre et d’Espoir est un projet né d’une rencontre sur Instagram, un recueil écrit par des femmes incroyables. Ces artistes nous entraînent, nouvelle après nouvelle, poème après poème, horreur après horreur, dans un voyage teinté d’une note d’espoir.

 

« Un livre. Un don » Collectif Nuée de Plumes

 

Elles sont dix-huit femmes à écrire et à dessiner bénévolement. Leur but ? Reverser 80% des bénéfices, à parts égales, à deux associations : « Au Cœur de la Précarité » et « Solidarité migrants Wilson », les 20% restants étant réservés pour l’autofinancement du recueil.

Publié en mai 2020, en indépendant, De Guerre et d’Espoir porte « la voix des oubliés, des invisibles », et dénonce « l’absurdité humaine ». Ce recueil constitue, également, des éclats d’espoir. Le Collectif Nuée de plumes souhaite, non seulement, « délivrer un message d’espoir, mais aussi une prise de conscience ».

Une belle initiative, remplie d’amour et d’espérance, réalisée par des artistes qui rêvent d’un monde meilleur.

« Parfum d’enfance » De Guerre et D’Espoir

De Guerre et D’Espoir livre la triste réalité de la guerre. Des adultes qui provoquent l’horreur, et des enfants qui en récoltent les conséquences, victimes d’ atrocités inimaginables. Ils sont des anges qui ne voient plus la lumière.

Le livre nous dépeint les pensées et les émotions des enfants de la guerre : la peur, l’anxiété, l’angoisse, la terreur, l’espoir avec un léger brin de naïveté… Il ne s’agit pas de fiction, mais de l’histoire d’un millier d’enfants à travers le monde. « Grandir sous les bombes » ce n’est pas beau. Après tout, « la guerre éteint la lumière dans les yeux des enfants ».

« Petit enfant solitaire, qui dort en enfer » p28 – De Guerre et D’Espoir

Le recueil souligne la misère des orphelins qui essaient de survivre à la guerre. Jeune, je pense qu’on s’est tous, à un moment ou un autre, égarés dans les rayons des grands magasins, perdant de vue nos parents. On a déjà ressenti ce stress et cette peur qui nous agressent et nouent notre ventre,sentant parfois même les larmes qui commencent à monter. Alors, imaginez-vous enfant, errant dans un champ de guerre,dans le chaos le plus total, sans vos protecteurs à vos côtés. Que ressentiriez-vous ?

« Je suis devenue aveugle un jour de guerre » p25 – De Guerre et D’Espoir

Les enfants de la guerre sont condamnés à vivre isolés du monde extérieur, sans boussole, livrés à eux-mêmes, à essayer de survivre aux bombardements, aux prédateurs (humains), et au désespoir.

Les autrices nous offrent plusieurs paysages fictifs qui décrivent la détresse de ces enfants, mais elles ne s’arrêtent pas là : derrière ce malheur, il y a un espoir futur, qui pourrait illuminer ce sombre tableau.

De l’empathie, de la bienveillance naissent pour tous ces anges.

Le cœur serré et lourd à la lecture, il m’est difficile de lire et d’enchaîner toutes les histoires, mais il le faut. Ces réalités que je fuis, que je n’aime pas voir ni entendre, pourraient être les miennes. 

« Cendres de guerre » De Guerre et D’Espoir

Ce livre est une sorte de voyage intérieur. Les mots sont des vagues, les poèmes sont des berceuses de guerre et les rimes sont des malheureuses qui espèrent et prient pour l’harmonie. Je finis par détester la Guerre. Une lumière au bout du tunnel ? Je finis par y croire, elle existe. La sincérité de toutes ces femmes me frappe. Ce livre est un espoir, ces textes sont un bout de cette lumière, ces plumes ouvrent un chemin vers l’avenir.

« Pourquoi nos ancêtres n’ont-ils pas pensé à nous, pauvres enfants prisonniers de la guerre qui concerne l’Humanité entière ? » p52 – De Guerre et D’Espoir

Le recueil pousse à réfléchir et à se remettre en question. C’est un rappel :  chaque être humain est responsable de la Terre et de ses habitants, actuels et futurs. Quel monde vais-je laisser après mon départ  ? Si je ne change pas, qu’en sera-t-il de notre monde ? Au-delà des guerres, les autrices évoquent l’impact environnemental et les conséquences des catastrophes naturelles sur notre planète.

« Dans mon cœur, c’est la guérilla. Dans ma tête, c’est Fukushima » p48 – De Guerre et D’Espoir

La guerre n’est pas un choix, mais certains enfants quittent leur lit douillet, leur famille aimante, leur havre de paix pour cet enfer :  ce sont les enfants endoctrinés. Ceux qui creusent leur propre malheur, et qui se jettent « dans un brasier de haine » pour se sentir exister.  

De Guerre et D’espoir insiste sur l’importance du dialogue, au sein du foyer familial, pour ne pas laisser les enfants – et les adultes –  tomber dans le piège des terroristes et ainsi pouvoir les sauver du fanatisme religieux. Parler et échanger sur les sujets les plus sensibles, et spécialement les sujets considérés comme « hchouma », est primordial.

 « Tuer l’humanité au nom de Dieu ? » Quelle calamité ! Les enfants qui quittent leurs foyers bienveillants pour se lancer sur le champ de la bataille, les adultes qui sacrifient leurs familles pour une guerre qu’ils pensent être légitime – alors qu’en réalité, la guerre est une « absurdité humaine », orchestrée par la haine et le côté sombre de l’être humain.  

La guerre change l’humain : soit elle ressort ce qu’il y a de bien en lui, soit elle expose ce qu’il comporte de pire.  Les autrices s’arment de leur plume, et me lancent en pleine face la noirceur des hommes.

Des personnages, j’en ai aimés, des personnages, j’en ai détestés. Au fil de ma lecture, mon cœur et mon âme étaient une sorte d’Hiroshima et Nagasaki. Un ouvrage difficile à lire, difficile à digérer. Les nouvelles mettent en lumière les violences, les viols, et les témoins qui ne font rien pour arrêter ce tableau macabre et qui au contraire, comme des fous, profitent du spectacle.

« Le problème n’est pas dans la tête, mais dans le cœur »

La guerre est un cercle vicieux, le meurtre engendre la vengeance, et ainsi de suite. Certaines personnes se condamnent par leurs propres mains. En réalité, la guerre est bien plus noire que nous ne le pensons. Pire que la guerre ? Perdre son intégrité et son humanité. Les Hommes qui provoquent la guerre, qui tuent ou violent, ne sont pas des êtres humains stupides, ils ne manquent pas d’intelligence, mais d’humanité. La perte de l’humanité mène aux pires atrocités.

« Ma seule option était la mer » p89 – De Guerre et D’Espoir

Comment peut-on décrire des êtres humains qui ont les moyens de sauver des milliers de vies, mais laissent des enfants, des femmes et des hommes mourir, noyés parfois dans des conditions indescriptibles ? 

C’est complètement humain de vouloir fuir un lieu dangereux, où tu ne peux ni dormir ni manger, où tu peux mourir n’importe quand, de la pire manière. En ayant envie de sauver leur famille et leur propre vie, de nombreuses familles prennent la mer, et tentent d’arriver à bon port, avec l’espoir d’être aidées. De Guerre et D’espoir soulève de nombreuses questions liées à l’immigration,et décrit les naufrages comme des « crimes de sang-froid ».

Les conséquences de la guerre sont nombreuses et à différentes échelles. Il existe des guerres bruyantes, silencieuses, cachées ou encore déguisées. Même les guerres portent des masques – notamment avec la situation des Ouïghours.

Puis, il y a les guerres anciennes, qui ont laissé derrière elles des âmes blessées et des cœurs meurtris – vives encore dans les mémoires. L’impact de la colonisation n’est pas terminé. Les déchirures, que beaucoup essaient de combler, sont présentes, encore vivantes, sous la peau, dans les veines, au plus profond de l’âme… Les fissures des âmes ne sont pas des légendes.

Ce livre met l’accent sur les sujets d’actualité, qui brisent le cœur, provoquent le malaise et les larmes. Ces actualités que j’essaie d’oublier, ces informations que je fais semblant de ne pas voir… Les mots me parlent, me chuchotent, et me questionnent : quel est mon rôle dans ce tourbillon d’horreur? Quand, et où ai-je perdu mon humanité ?

Les enfants de la guerre sont « des victimes de la bêtise humaine et du silence du monde ». Ils symbolisent l’innocence, l’amour, la paix et l’espoir. Quel monde vais-je leur laisser ?

Les adultes vont encore plus loin, non contents de perdre leur humanité, ils volent aussi l’innocence des enfants, parfois celle des leurs. Ces adultes-là, ne sont pas des imbéciles, des fous ou des malades. Ce sont des êtres humains qui ont abandonné leur cœur et se sont jetés à bras ouverts dans la haine. Ils n’ont pas d’excuses, ils sont de ceux qui embrasent et embrassent le mal avec leur corps, leur cœur, et leur âme.

« Douce espérance » De Guerre et D’Espoir

Même au fin fond de l’enfer, tant qu’on est sur Terre, il y a de la lumière. La dernière partie du recueil porte sur l’espoir. Il ne faut pas succomber à la haine mais s’armer de patience, car Justice sera faite tôt ou tard.

Les autrices sont « des mères, des filles, des sœurs et n’ont qu’une arme face à l’injustice : leur plume. »Ces femmes dessinent des mots d’amour, de paix et d’espoir. Leurs plumes s’unissent dans un élan de sororité et nous livrent un bel exemple d’humanité.

En changeant le monde à notre échelle, pierre par pierre, nous finirons par construire une pyramide ; peu importe le temps que cela prendra. Rectifions nos cœurs et nos âmes. Remplaçons l’égoïsme et la jalousie par l’amour et la bienveillance. Revenons à l’essentiel : notre humanité.

« Comment peut-on changer un mal par notre main ? » p102 – De Guerre et D’Espoir

Ne jamais sous-estimer la force d’une plume. Peu importe la forme dans laquelle on prend part dans la lutte contre l’injustice, même avec une simple plume, une prière, une pensée pour les victimes de TOUTE injustice, c’est un pas vers l’espoir.

Merci aux autrices qui m’ont fait lire des mots aussi déchirants et troublants, qui m’ont fait sortir de ma zone de confort, merci à vous. Merci d’avoir partagé un bout de vos cœurs, de vos sentiments et de vos émotions, d’avoir laissé une partie de votre âme sur ces pages.

 

 

Que ce recueil puisse éveiller ma conscience… Ainsi, que la paix soit sur vous.

 

Jou RH

Crédit photo à la une : Kaoutar RH

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(Dé)construction Portraits

Une vraie claque – Illégitimes de Nesrine Slaoui

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Au premier coup d’œil, Illégitimes, est un titre qui me fait directement écho, qui me procure un certain malaise mélangé à l’appréhension. Un titre qui m’attire, qui me guette, qu’est-ce que ce roman contient d’aussi bouleversant ?

 

« Aux écorchés, aux ambitieux, à tous ce qui se reconnaitront et aux miens pour toujours » N.Slaoui

 

Nesrine Slaoui nous entraîne au cœur de ses nombreux souvenirs. Elle raconte son parcours, d’une cité HLM à Sciences Po Paris, l’histoire de sa famille, mais nous offre aussi une réflexion sur la société.

Entraînée dans un tourbillon d’émotions entre nostalgie, honte, colère, indignation, Nesrine Slaoui, nous livre les non-dits cumulés au fil des années…d’une communauté qui se sent illégitime. Elle met des mots sur les maux les plus anciens et les plus profonds, voir les plus anecdotiques… Ce roman est une bouffée d’air.

 

« La femme, l’Arabe, et la banlieusarde de campagne » N. Slaoui

 

Nesrine Slaoui est née au Maroc. À l’âge de trois ans, elle quitte son pays natal, dans les bras de sa mère, pour le sud de la France. Aujourd’hui, elle est diplômée de Sciences Po Paris, et est journaliste chez Loopsider et France TV. Illégitimes est son premier roman, publié par les Éditions Fayard le 6 janvier 2021.

 

« Un hommage à tous ceux pour qui la légitimité demeure un combat permanent » quatrième de couverture –Illégitimes

 

C’est d’abord la province dans laquelle elle a grandi que Nesrine Slaoui décrit dès les premières lignes de son roman. Cela commence avec douceur, mais petit à petit, la tension monte. La situation évolue de manière crescendo, l’autrice nous offre un tableau qui présente la triste réalité d’une partie de la population française, depuis le début de la crise sanitaire.

 

« Ceux dont la vie est confinée en permanence » p19 – Illégitimes

 

Nesrine Slaoui ne tourne pas autour du pot. Elle dit ce qu’elle à dire. La plume vive et tranchante, elle dessine un portrait d’un père que la France a fragilisé, une description dans laquelle une partie des enfants d’immigrés pourraient se reconnaître.

Un père, une mère qui ont quitté leurs terres pour vivre le rêve français. Pour survivre, ils se sont sacrifiés, en retour, ils ont vu leurs corps se dégrader. Un sentiment bienveillant, presque protecteur, né à leur égard.

Nesrine Slaoui expose le rapport que son père et ses grands-parents ont avec la langue française, cette distance lointaine, ce malaise qu’ils ont avec la langue de Molière. À la lecture de ces pages, la langue de l’amour s’est transformée en une langue étrangement amère.

Illégitimes fait table rase, le silence n’est plus permis. Pour que les générations à venir puissent connaître l’histoire de leurs ancêtres, Nesrine Slaoui puise au fond d’elle, et utilise tout son courage, pour faire sortir son grand-père de son mutisme. 

 

 

Crédit photo : Kaoutar RH

 

« J’avais appris par cœur les règles du jeu, je croyais les maîtriser, et d’une certaine manière, je les maîtrisais, mais je n’avais pas compris que le jeu en lui-même était truqué » p22 – Illégitimes

 

La jeune femme confesse sa colère, et son ressentiment face au système. Elle met l’accent sur la culture dominante et les classes sociales. L’autrice met clairement des mots sur les maux, les non-dits refoulés sont exposés dans ce livre, dans ces pages. Chapitre après chapitre, les mots éclatent d’une rage qui soulage.

Elle partage avec nous son parcours, son fort désir de réussir et son envie de quitter sa banlieue. Nesrine Slaoui est déchirée entre plusieurs émotions, malgré le rêve de vouloir être à Paris, elle reste attachée à son milieu populaire.

Elle raconte son cheminement scolaire, et peint la dure réalité qu’elle a pu vivre « en tant que maghrébine » à Sciences Po : les paroles violentes de la part de ses camarades, les rumeurs, les critiques, les moqueries, les photos prises à son insu. On lui faisait savoir qu’elle n’était pas à sa place. Nesrine Slaoui a vécu un réel harcèlement scolaire. Pourquoi ? Car elle est un « bug dans la matrice »[1]

 

« Je rêvais de déchirer le filet pour me faire une place. Remonter à la surface de l’eau et crier notre existence. La France ne nous voyait pas. Nos visages d’Arabes n’étaient nulle part. Ni dans les journaux, ni dans les films, ni même dans les livres. Sauf pour nous dénigrer. Des voleurs, des menteurs, des délinquants et des terroristes. Nous étions de trop » p 43 – Illégitimes

 

Illégitimes est l’occasion également pour son autrice d’évoquer les violences policières, les contrôles de police injustifiés, le racisme et les discriminations. Elle dénonce l’utilisation du mot « beurette » et l’hypersexualisation des femmes nord-africaines.

Engagée, plus rien n’arrête la plume de Nesrine Slaoui : sa fureur contre l’injustice, et sa rage de réussir, on les sent, on les respire.

 

« Je voulais balancer ma réussite au visage de ceux qui n’avaient jamais cru en moi, je voulais qu’elle cingle comme une claque.» p159 – Illégitimes

 

Les mots de ce roman se confondent avec mes propres pensées. Autant, je me retrouvais dans certains passages, autant, je me sentais étrangère dans d’autres. Cependant, ce roman était une vraie « bouffée d’oxygène »[2] , un soulagement.

Illégitimes n’est pas un simple roman, mais un témoignage, un cri sincère qui vient du fond de l’âme et qui fend les cœurs. Une ode. Un puissant hommage.

Peu importe les barrières mises à l’entrée, osez changer les règles du jeu, brisez les codes…

C’était un livre touchant et j’aurais aimé lors de mon adolescence tomber sur un roman aussi sincère et simple, mais qui regorge de profondeur.

 

Crédit photo : Kaoutar RH

 

« Je tâcherai alors de jouir d’être à jamais illégitime » p193 – Illégitimes

 

Le podcast de Bookapax décrit Illégitimes comme « un titre qui claque pour un ouvrage qui tranche… Nesrine Slaoui s’empare du mot et en fait un étendard ».

[1] « je suis un bug dans la matrice » p175 de Illégitimes

[2] « une profonde bouffée d’oxygène » p190 de Illégitimes.

 

 

 

 Jou RH

Crédit photos à la Une : Kaoutar RH

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(Dé)construction Sentiment amoureux en Islam

Quand l’arabe était la langue du sexe

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« Dieu m’a fait aimer de votre monde, les femmes, le parfum et la prière »

 

Quel doux souvenir, à la bibliothèque, il y a quelques années, lorsque je découvre cette phrase sur une quatrième de couverture. Avant sa mort, le prophète Muhammad (sws) venait de prononcer ce qui a comblé sa vie de croyant. La spiritualité et la jouissance charnelle se conjuguaient intimement dans la foi du Messager. J’avais 14 ans, le livre en question, je crois, évoquait la richesse de la civilisation arabo musulmane. En quête identitaire, l’adolescente que j’étais avait soif de retourner aux sources, et à la fois, s’éveillait aux premiers émois sexuels. Entravée par une injonction familiale à la pureté virginale jusqu’au mariage, nourrie par la Hshouma et le Haram , par une absence totale d’éducation sexuelle à l’école de la République, et une culture occidentale sexiste nourrie par le Male gaze, cette citation venait de me délivrer d’un carcan oppressant. Mes désirs n’étaient ni transgressifs, ni honteux.
« Dieu m’a fait aimer de votre monde, les femmes, le parfum et la prière ».
Ce message était un cadeau, une bénédiction, une promesse.
Une invitation délicate à lever le voile sur les alcôves de l’Islam. Et même un consentement à entrevoir par une porte dérobée, un univers amoureux, voluptueux, sexuel. Un empire des sens intense. Où la femme et ses fantasmes avaient toute leur légitimité. Un empire qui donnera naissance dès le IXe Siècle à une littérature érotique islamique, exceptionnelle, riche, et merveilleuse. Et tout cela, sous la bénédiction d’Allah.

 

 

Dar el Islam, terre promise de l’Amour

 

Dès l’avènement de l’Islam au VIIe Siècle, le désir et le plaisir sont au fondement de la pratique religieuse. « L’acte sexuel qui est accompli par l’un de vous est une aumône » disait le Prophète cité dans un Hadith . Le Coran et particulièrement la Sunna regorgent de conseils explicites sur la manière de faire l’amour, afin d’améliorer les performances sexuelles, ou éloigner les maux qui pourraient nuire aux plaisirs convoités. Les femmes musulmanes n’étaient pas en reste. Le Prophète dit à celui de ses Compagnons qui jeûnait la journée et qui priait la nuit, comme Abd Allah Ibn Amr : « Ton corps a un droit sur toi et ton épouse a un droit sur toi ». Nombreuses à solliciter le Prophète ou ses compagnes, elles étaient à la recherche du plaisir. D’ailleurs une des raisons qui peut justifier le divorce demandé par la femme, est l’impuissance de son mari. Les siècles suivants, la religion ouvre la voie à une littérature foisonnante célébrant la jouissance charnelle et l’extase spirituelle, indissociables. Une littérature amoureuse et pornographique, dont une partie des œuvres étaient des commandes de princes, sultans ou vizirs. L’Orient était devenu la Terre promise du raffinement, de la beauté, de l’Amour. Sous l’ère abbasside, du VIIIe Siècle au XIe Siècle, de Bagdad à Cordoue, en passant par Fès et le Caire, les érudits se devaient de manier l’art de la Science, de la Théologie et du Sexe. Dans ces œuvres, de l’amour courtois à l’érotisme religieux, l’amour est une notion extrêmement riche avec un nuancier complexe. Il regroupe le désir (shawq), la passion amoureuse (mahabba) et la fusion de l’Être aimé avec celui qui l’aime (uns), et inversement. Ce principe de la mahabba (amour de Dieu et de ses attributs) s’applique aussi à l’amour profane. Aimer, s’unir, copuler est une transcendance pour comprendre et aimer Dieu. L’amour terrestre est un avant-goût de l’Éden promis aux fidèles.

« Je pratique la religion de l’amour. Où que se tournent ses caravanes ! Partout c’est l’amour qui est ma religion et ma foi » Ibn al Arabî, dans « l’Interprète des désirs ».

Avec émerveillement, plus tard, lorsque j’étais au lycée, je découvris lors d’un voyage scolaire à l’Institut du monde arabe, dans la librairie, quelques œuvres qui avaient fleuri durant cet âge d’or. Avec mes amies, nous nous sommes empressées de les lire dans le bus, découvrant cette figure insoupçonnée de notre culture. Je me suis plongée dans ces livres à corps perdus, imaginant, mes ancêtres, à l’ombre des minarets, chantant des mélopées d’amour et de désir, et professant la saveur de l’esprit et le goût de la chair. Nous sommes une Nation faite pour l’Amour, disait un proverbe préislamique. Le « Jardin parfumé » est un des recueils les plus illustres. Manuel d’érotologie, qui se propose d’initier aux joies du sexe, répertorie les meilleures positions pour jouir, liste des mets aphrodisiaques utiles et agrémente l’œuvre de contes imagés. Muhammad Al-Nafzawi, érudit tunisien, s’adresse aux hommes, et aux femmes et débute son livre par « Louange à Allah, qui a fait le grand plaisir pour l’homme réside dans le huis de la femme, et que le grand plaisir de la femme, réside dans l’instrument de l’homme ». Faire l’amour, et bien, c’est rendre grâce au Créateur. Encore, j’ai envie de vous parler du « Bréviaire arabe de l’Amour » ou « Le Collier de la Colombe », et tant d’autres. Mais exhumer l’héritage de cette bibliothèque prolifique et en faire l’inventaire serait interminable et mériterait une kyrielle d’articles, sur des œuvres phares. « Toutes ces œuvres mis bout à bout, représentent sans doute la mieux fournie du monde arabo- musulman, bien avant celle des Sciences, de l’architecture, ou de la calligraphie, et tout de suite après le Corpus coranique et ses exégèses » disait feu Malek Chebel. C’est dire.

 

 

Manifeste pour une Révolution du plaisir des femmes musulmanes

 

Et les femmes dans cette littérature avant tout masculine ? Celle-ci s’est d’abord nourrie de la séparation stricte des sexes. Dans la « femme dans l’inconscient musulman », Fatima Mernissi définit une femme omnisexuelle et surpuissante, dans le discours érotique médiéval, libre mais dangereuse, car insatiable. Elle jouit et procrée, une double menace pour l’homme. Cependant, l’anthropologue marocaine reconnaît aux imams du désir « le courage, la témérité d’affronter ce fantasme du féminin, désirant et fertile par sa sensualité ». Aujourd’hui que reste-t-il de cet érotisme dans notre intime et dans notre culture ? Soyons honnêtes, depuis la colonisation, dans une majorité de pays musulmans, désormais les interdits rythment les rapports sociaux et emprisonnent les corps. Pourtant, elle subsiste, et je la ressens, depuis toute petite, cette sensualité millénaire, dans notre communauté, chez mes parents, dans les corps nus et libres des hammams, dans les longues complaintes d’Oum Kalsoum quand elle chante les Rubayât d’Omar Khayyâm. Les sens ne demandent qu’à être éveillés et assumés. Des siècles d’amour et de sexe ne peuvent qu’être indélébiles dans nos corps et nos esprits, et à jamais. Quelques écrivains audacieux contemporains, femmes notamment, dans le monde arabe, ont remis au goût du jour cette littérature sensuelle, osée, parfois scandaleuse. Je pense, à la syrienne, Salwa Al Neimi, et son délictueux, la « Preuve par le miel », qui met ces textes érotiques en écho à ses propres désirs. Ou au plus sombre « Fracture du désir » de la marocaine Rajae Benshemsi, recueil de nouvelles qui racontent le destin tragique de femmes. Ou le sulfureux « L’amande » de Nedjma.

Et en France. En Occident ? Nous musulmanes ? Redonnons une visibilité sans honte et sans ambages à ce merveilleux patrimoine. Réapproprions-nous ce trésor inestimable de sensualité. Avant qu’on nous approprie cet héritage en effaçant l’origine du monde sexuel islamique. Profitons pour l’opposer à une pornographie occidentale dépassée, raciste, sexiste et, via un cinéma pornographique viriliste, violent, ou seul le corps blanc, valide et mince serait désirant et désirable. Une esthétique consommable et jetable, qui inonde les plates-formes dédiées au sexe, et qui sert de lieu d’éducation sexuelle à des milliards d’hommes et de femmes à travers le monde. La sexualité mainstream, monotone et monochrome est devenue la norme mondiale, imposant une standardisation des pratiques sexuelles. Les corps non blancs sont fétichisés, méprisés ou invisibilisés. Le sexe n’est-il pas devenu un des aspects de l’argumentaire qu’opposent les détracteurs de l’Islam pour lui signifier sa barbarie ? La femme arabe, son corps, est devenu un enjeu de civilisation qui justifie les attaques islamophobes. Fantasmée depuis que l’Occident a cédé aux délires orientalistes, l’odalisque alanguie rêvée depuis les Croisades a été remplacée par la « beurette », fétichisme ethnique la plus recherchée dans les sites de pornographie français. La beurette qu’on doit « dévoiler » et « libérer » mais s’approprier.

Le corps est politique, le sexe est politique.

Armons-nous de cet héritage précieux pour reprendre le pouvoir.

L’idée que les hommes seraient plus gourmands que les femmes confortent définitivement les inégalités sociales et politiques entre les sexes et élucide la domination masculine. Pire, la tragédie de notre sexe puise sa justification dans l’angoisse universelle des hommes que puissent mieux jouir les femmes.
Réinventons notre sexualité. Ressuscitons cette littérature. Redonnons des mots à nos désirs. Comblons ce vide. Nous femmes, musulmanes, prenons le pouvoir, et cultivons notre érotisme, assumons nos plaisirs, au service d’une sexualité libre, multiple, et savoureuse. Face aux hommes, à tous les hommes.

Avec ou sans eux.

 

 

Crédit photo : @comepictlove

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