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Victime de violences conjugales : nommer et agir.

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En regardant les images de victimes de violences conjugales choisies pour illustrer cette thématique dans les médias, vous n’en voyez que des visages tuméfiés, défigurés, balafrés…. Et si vous ne correspondez pas à ces images, vous vous dites peut-être : « je souffre, mais pas assez, pas autant que ces autres femmes, je ne suis donc pas totalement légitime à demander de l’aide et à en recevoir ».

 

Cette violence peut être invisible, cette violence peut être banalisée ou minimisée par votre entourage qui va vous expliquer que tous les maris sont jaloux ou peuvent s’emporter.
Cette violence pourra être romantisée ou normalisée, dans une société où l’amour passionnel est souvent présenté comme synonyme de disputes, de jalousie et d’effusion.

 

Si vous êtes un homme, ou si vous n’êtes pas dans un couple hétéro, vous ne vous sentez peut être même pas concerné.e par cette thématique.
Toutefois, si vous êtes en souffrance, en raison des agissements de votre partenaire, vous êtes probablement victime de violences conjugales. Qu’iel vous ai frappé ou non, que vous soyez un homme ou une femme, que ces comportements soient quotidiens, ou ponctuels, peu importe, vous êtes légitime à vous qualifier de « victime de violences conjugales ».

 

Voici 6 comportements parmi les plus fréquents mis en œuvre par un.e conjoint.e violent.e.

 

1. Une jalousie obsessionnelle

 
Votre partenaire ne cesse de vous traquer, de vous questionner, de vous harceler de questions par peur que vous le trompiez ? C’est une forme de violence.
Si iel exige que vous preniez des photos de l’endroit où vous êtes pour y « confirmer » votre présence, regarde à votre insu votre correspondance privée, vous fait le reproche d’être trop « sexy » et de chercher à dessein à attirer l’attention et le désir sur vous, vous reproche d’adresser la parole ou d’être en contact avec d’autres personnes, vous demande de mettre un terme à certaines amitiés, de ne plus côtoyer vos ancien.ne.s partenaires etc… Cela signifie qu’iel vous considère comme sa possession, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec l’amour.
 

2. La culpabilisation et la punition par le silence (silent treatment and punishment)

 
Votre partenaire prend plaisir à vous punir pour votre comportement en vous ignorant pendant des heures, voire des jours. Si iel estime que vous avez fauté, iel vous punit : en vous interdisant de sortir, en vous rabaissant devant vos proches, en vous criant dessus, en cherchant à vous humilier. C’est une violence.
 

3. Le « détournement cognitif » ou gaslighting

 
Votre partenaire refuse de rendre des comptes pour son comportement, pire, vous en impute la responsabilité. Si iel a « pété un cable », ce serait de « votre faute », et dès que vous tentez de lui expliquer que ce qui s’est passé n’est pas normal, iel vous reproche votre sensiblerie, « c’est pas le monde des bisounours ici ». Ce serait donc vous qui auriez un problème à ne pas apprécier qu’iel crie car selon lui, iel ne fait que « parler fort ».
Pire, iel modifie la réalité, réinvente ses faits et gestes en sa faveur, nie farouchement l’existence de faits passés, au point de vous faire douter de vous, de vos souvenirs, de vos sensations et sentiments. c’est qu’iel tente de vous manipuler. C’est une violence.
 

4. Un climat anxiogène

 
Votre partenaire a instauré un climat de violence permanente, iel crie, iel hurle, vous avez toujours peur que tel ou tel événement déclenche chez lui/elle une colère soudaine. Cela lui arrive de casser des objets, de montrer le poing, de vous postillonner au visage, de vous laisser dormir par terre, ou nue. Certes, iel ne vous a pas encore tapé, cependant, iel a su vous montrer qu’iel était capable de le faire à tout instant.
A tel point que la nuit, vous pouvez avoir peur qu’iel vous tue.

 

5. Le chantage

 
Iel a des informations compromettantes à votre sujet (vous avez retiré votre voile, vous avez pris des drogues, vos pratiques sexuelles, des photos intimes…), et les utilise comme moyens pour vous empêcher de lae quitter.
Iel peut également vous menacer de faire du mal à vos proches, de vous prendre les enfants, si vous décidez de lae quitter définitivement.
Autre forme de chantage courante : il vous menace de se suicider si vous lae quitter et précise que vous aurez sa mort sur la conscience si vous partez.
 

6. Le refus de rendre des comptes

 
Votre partenaire vous parle parfois de son passé douloureux qui l’a conduit à agir de la sorte, et vous ne pouvez que compatir aux épreuves qui l’ont brisées par le passé. Cependant, si iel refuse de se faire aider ou pire, si iel fait semblant de l’être c’est qu’iel a fait le choix de continuer d’être violent. Il en va de même si iel vous répète souvent qu’iel va changer, qu’iel s’excuse, et que vous devez « tourner la page » sans rien mettre en œuvre pour changer effectivement de comportement.
 

Comment vous sentez-vous ? Si vous êtes angoissé.e à l’idée de rentrer à la maison, si vous rêvez de partir, mais que vous vous êtes terrorisé.e à l’idée qu’iel se venge d’une manière ou d’une autre sur vous. Si vous tremblez de peur à l’idée de lae quitter, ce n’est pas normal : vous êtes dans une relation toxique et victime de violences conjugales.

 

Comment agir pendant les violences ?

 
Lorsque vous êtes pris.e dans le tourbillon des violences, il n’est guère aisé d’avoir les idées claires pour agir et anticiper l’action judiciaire.
A ce stade, et tant que vous n’êtes pas encore prêt.e à partir, vous pouvez collecter des preuves qui pourront vous être utiles dans vos démarches futures.

  • –   Si cela vous est possible, filmez-lae ou enregistrez-lae à son insu lors d’une de ses crises de colère.
  • –   Débriefez par message chaque épisode de violence : envoyez-lui un message un le lendemain pour lui rappeler ce qu’il s’est passé, et pourquoi ce n’est pas normal.
  • –   Parlez-en à une personne, si possible par message, qui pourra témoigner des violences que vous subissez. Si vous n’avez pas envie de parler de votre situation avec des proches ou que vous n’êtes pas prêt·e, il existe des numéros de téléphone utiles.
  • –   Si vous n’êtes pas encore prête à porter plainte, par peur des représailles, vous pouvez également déposer des mains courantes.
  • –   Laissez un sac de vêtement chez un.e proche, qui sera au courant de la situation, et qui pourra vous accueillir à toute heure du jour ou de la nuit.

 

Connaître ce qui est illégal avant de porter plainte

 
Pour commencer, sachez que vous êtes en droit de porter plainte auprès de n’importe quel commissariat, et que les policier.e.s n’ont – en théorie – pas le droit de refuser de prendre vos plaintes.
En pratique, c’est une toute autre histoire, et vous avez de grands risques de devoir affronter des policier.e.s qui vous dissuaderont de porter plainte en vous expliquant que le comportement de votre conjoint n’est pas interdit par la loi, que vous ne pouvez pas porter plainte dans ce commissariat pour des raisons de domiciliation ou que vous feriez mieux de déposer une main courante. Tenez bon, et si possible, venez accompagné.e, c’est votre droit (art. 10-4 et 10-2 CPP)
A ce sujet, vous pouvez également demander à être soumis à un examen médical, et à vous voir remettre les conclusions de cet examen.
 
Si votre conjoint.e consulte, supprime, modifie vos mails et messages sans votre accord, c’est un délit sanctionné aux articles 323-1 et suivant du code pénal.
 
Si votre conjoint.e a révélé des informations concernant votre intimité, votre sexualité, ou pire, a diffusé des images dénudées de vous, une sex tape, vous a enregistré à votre insu ou vous géolocalise en permanence, c’est un délit sanctionné à l’article 226-1 et 226-2-1 du code pénal.
 
Si votre conjoint.e, a un tel comportement toxique comme nous l’avons décrit plus haut, au point que cela affecte votre santé mentale : vous êtes dans un état de peur et d’hypervigilance permanente, alors vous êtes victime de « harcèlement » au sens de la loi. Vous pouvez donc faire constater la dégradation de votre santé auprès d’un psychiatre, condition nécessaire pour porter plainte sur ce fondement : article 222-33-2-1 du code pénal.
 
Si votre conjoint.e vous a poussé au désespoir de par son harcèlement au point que vous ayez tenté de vous suicider : article 222-33-2-1 du code pénal.
 
Si votre conjoint vous a volé des biens, de l’argent, il est fort probable que les policier.e.s vous explique que ces vols ne peuvent donner lieu à des poursuites. Sachez que ce principe connaît de nombreuses limites, notamment si vous étiez séparé.e.s au moment des vols, ou si ces vols portent sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d’identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d’un étranger, ou des moyens de paiement ou de télécommunication : article 311-12 du code pénal.
 
Si votre ex conjoint.e s’est introduit chez vous sans votre accord, notamment en usant de la violence ou des menaces : art. 226-4 code pénal.
 

Les dispositions judiciaires qui peuvent vous protéger

 

Attribution à la victime de violences conjugales d’un droit de jouissance sur le logement commun

 
Depuis la loi du 30 juillet 2020 lae juge aux affaires familiales (JAF) peut attribuer la jouissance du logement conjugal, (sauf circonstances particulières), au conjoint.e qui n’est pas l’auteur.e des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence (C. civ., art.  515-11, 3°). La solution est identique s’agissant du logement commun de partenaires lié.es par un PACS ou de concubin.es (C. civ., art.  515-11).
 

Ordonnance de protection

 
Il vous est également possible de demander une ordonnance de protection auprès du JAF en formulant cette requête via ce formulaire, accompagnée de toutes les preuves que vous avez en votre possession afin que votre conjoint.e reçoive l’ordre de ne plus vous approcher, vous, ou vos enfants.
Lae juge pourra désormais demander la mise en place d’un bracelet électronique ou vous donner un « téléphone grand danger » vous permettant d’alerter au plus vite les services de police si votre bourreau menace votre vie.
 
Bien sûr, nous savons que réussir à quitter son bourreau est des plus difficile, car il/elle a tout mis en œuvre pour vous garder captive/captif : chantage, menaces de révéler des informations sur vous, vos proches, de se suicider ou de vous prendre vos enfants, isolement, travail minutieux pour détruire votre confiance en vous, sont autant de stratégies mises en œuvre pour vous empêcher de partir. Ce n’est pas de votre faute, vous n’êtes pas responsable et vous ne méritez pas les violences que vous subissez.
 
En moyenne, une femme effectue 7 tentatives avant de réussir à quitter définitivement son conjoint violent.
 
Ne considérez jamais qu’une tentative ratée est un échec, c’est au contraire une étape importante vers une future libération.
 
Enfin, nous rappelons que la moitié des féminicides interviennent pendant l’annonce d’une rupture, en conséquent, nous vous recommandons de procéder à votre départ – si possible – en l’absence de votre conjoint.e violent.e.
 
Vous avez tout notre soutien, et notre amour. Nous vous croyons, et nous vous soutenons.
 

Crédit photo à la une : @Shirin Neshat

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La musique, un art – Mona Haydar, Yuna, Neelam Hakeem

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« L’art est le défouloir de l’âme »

 

Le hijab ça dérange, ça dérange un peu partout en France, ça, on le sait. Quand c’est une femme qui s’exprime – et qui ne répond pas aux critères que la société lui impose, ça dérange encore plus. Ça frustre, ça énerve beaucoup de monde, et certains.es pensent pouvoir s’exprimer et donner leur avis. Les réseaux sociaux permettent aux langues de dire tout et n’importe quoi …

Une femme portant le hijab ne doit pas faire ci, ne doit pas faire ça. C’est haram, c’est halal… Tout le monde a un avis sur la femme musulmane. Musulmans.es ou non d’ailleurs. Bref…Je peux en faire des pages, mais aujourd’hui ce n’est pas le but. Aujourd’hui, j’aimerais parler d’art, de musique, de femmes incroyables, aux voix incroyables, aux talents incroyables…

J’aime la musique. J’aime la musique douce et lisse, qui me berce et me bouleverse. J’aime la musique engagée remplie de rage et de colère, celle qui est soyeuse et souple, et qui reste malgré tout remplie de poésie. La musique pour moi, c’est une forme d’art. J’aime l’art sincère, l’art qui me parle, qui me chuchote, qui me brusque, qui me fait mal au cœur, et qui touche mon âme. Les artistes qui créent du fond de leur cœur, du fond de leur âme, je les aime. Ô, que je les aime ! J’aime croire que l’art est le défouloir de l’âme. L’art est aussi une arme et une forme de résistance. La musique en fait partie.

Cet univers, qui parfois dérange certains.es, embrase d’autres. J’aime le rap, la pop, le R&B, le raï, la trap, le blues, le châabi. J’aime le classique, le traditionnel, le slam,…Mais je vous l’avoue, j’ai une préférence pour le rap français. J’aime les rimes, j’aime les tournures et les figures de styles, de cette langue. J’aime le côté poétique du rap, mais étrangement, ce n’était pas la musique française qui m’a poussée vers ce style.

Je suis tombée amoureuse du rap durant mon enfance… Ce n’était ni la plume de Diam’s ni celle de Kery James qui m’ont poussé dans l’antre. Pour les connaisseurs.es, c’était Fnaire, avec leur chanson « Yed el henna », un groupe de hip-hop marocain. Du rap au classique, j’ai commencé à apprécier d’autres styles, cependant, la majorité de la musique que j’écoutais (en français) n’était réalisée que par des hommes. Mon âme se trouvait rarement satisfaite par la gent féminine française, ce constat était pire quand on parlait du monde du rap. Pour moi, aucune réelle représentation.

Les femmes très peu présentes sur la scène du rap français, encore pire quand on parle des femmes de couleur, et de femmes musulmanes, n’en parlons même pas quand elles portent le hijab. Critiquées, harcelées des deux côtés, de toutes les communautés, acharnement médiatique, sans arrêt.

 

« Rappez, chantez, dansez, soyez heureux.ses ! »

 

Moi, je veux voir des meufs dire non aux règles et à la masse. Je veux voir des meufs heureuses et épanouies dans leur art. Si elles veulent rapper, qu’elles le fassent, si elles veulent chanter qu’elles le fassent, si elles veulent danser qu’elles le fassent, et qu’on arrête de les réduire à leur genre et à leur façon de s’habiller.

J’ai découvert ces dernières années des femmes qui dépassent l’incroyable. Je n’ai jamais vu des artistes rapper, chanter, danser avec autant de classe tout en étant elles-mêmes. Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter trois artistes qui sont de vraies inspirations pour de nombreuses jeunes filles : Mona Haydar, Yuna et Neelam Hakeem. Cet avis n’engage que mon âme et moi. J’espère que leur art percera votre cœur. 

 


Crédit photo : Mona Haydar

 

 

«  I am cool, I am mood, I am dude, I am Mona. » » Mona Haydar

 

L’incontournable Mona Haydar, cette artiste américaine d’origine syrienne est déjà connue de Lallab, si vous ne la connaissez pas encore, je vous invite à écouter son travail.

Poétesse dans l’âme, elle écrit depuis ses sept, huit ans. A 14 ans, elle se produisait déjà sur des scènes locales et des cafés. De la poésie, elle passe au rap, des petites scènes, elle passe aux scènes internationales.

Féministe, engagée, militante, activiste politique, elle l’est. Il suffit d’écouter « Hijabi » ou « Barbarian ». Mais avant tout, c’est une artiste. Une rappeuse.

Le mot « berbère » m’a toujours dérangé, depuis l’adolescence, je ne l’ai jamais aimé, j’avais du mal à l’employer, et lorsqu’il sortait de ma bouche, je me sentais mal à l’aise, pour la simple raison que « berbère » est un mot dont l’origine est très controversée avec le mot barbare, je vous laisse la liberté de le googliser.

Moi, j’aimerais vous parler de la façon dont Mona Haydar s’approprie le mot « barbarian » barbare en français et l’utilise poétiquement.

Dans une interview en 2019, l’artiste explique que dans ce morceau, elle parle de « ceux qui regardent la culture arabe, ou n’importe quelle culture indigène, non-blanche en se disant qu’elles sont moins glorieuses, que ces peuples sont sales, barbares, sauvages et non civilisés ».

Oubliez la vision occidentale sur les femmes issues d’une culture indigène, dans le clip, « Barbarian », on voit des femmes habillées traditionnellement (je vous avoue les seuls vêtements que j’ai reconnus étaient la djellaba et la gandoura, mais il y avait d’autres tuniques traditionnelles n’hésitez pas à partager les noms si vous les reconnaissez!), outre le vêtement traditionnel, il y a les incontournables tatouages au henné et les youyous ainsi que les instruments traditionnels (oud). Qui ne s’est pas déjà tatoué au henné ici ?! Qui n’a pas porté un vêtement traditionnel ?

Vous l’aurez compris, Mona Haydar scande haut et fort qu’il faut être fier de ses origines, et ne pas laisser l’Occident définir nos racines et notre culture… Donc la prochaine fois que tu veux manger à la main, et que tu as peur de passer pour une personne « bizarre et pas civilisée », envoie bien loin cette pensée et mange comme tu le sens ! 

 


Crédit photo : Yuna

 

« I am proud, it’s my choice to cover up my body. I’m not oppressed. I’m free » Yuna

 

Yuna est une chanteuse malaisienne. Cette artiste est connue dans son pays, mais l’est moins à l’extérieur. Je crois fort que cette jeune femme n’a pas la carrière qu’elle mérite. Sa musique est une ode à l’âme.

J’ai découvert Yuna grâce à sa chanson « Does she ». Sa voix m’a énormément touchée. De la douceur, de l’amour, voilà ce à quoi je pense quand j’écoute sa musique. Elle me transporte ailleurs. J’aime l’art sincère, et celui de Yuna l’est, en particulier, son album « Rouge ». Sa musique parle beaucoup d’amour, elle m’a séduite.

Lors d’une interview en 2020, elle confie qu’elle était honnête dans cet album. Elle évoque le fait d’être une femme musulmane dans l’industrie de la musique, qui a essayé de s’intégrer dans les normes de la culture occidentale et orientale. Finalement, elle a réalisé qu’elle devait juste être elle-même.

Et cela lui a bien réussi, dans cet album, elle a collaboré avec plusieurs artistes comme G-Eazy, Little Simz ou encore Jay Park.

Yuna ne fait pas que chanter, elle joue de la guitare et danse, également durant ses concerts et dans ses clips. Je vous invite à voir Forevermore.  C’est un clip aux visuels artistiquement bien travaillés. Au-delà, de la voix de la chanteuse qui me berce et me transporte, les images, elles m’ôtent littéralement le cœur. On y voit de nombreux portraits de malaisiens et de magnifiques paysages, sans compter une Yuna dans son élément, avec beaucoup de style. N’hésitez pas à le visionner, vous ne le regretterez pas. 

 

Crédit photo : Neelam Hakeem

 

« Not your typical rapper » Neelam Hakeem.

 

Neelam est une artiste basée à Los Angeles.  Une rappeuse qui ne mâche pas ses mots. Très active sur Instagram, elle frappe là où ça fait mal. Ses punchlines sont extraordinaires, et c’est dans ces moments-là que je regrette de ne pas avoir un Anglais natif. Neelam n’hésite pas à dénoncer dans sa musique le racisme, et les problèmes sociaux, notamment ceux qui concernent les musulmans.es noirs.es aux Etats-Unis. Son rap est profond, vrai, et authentique. Combien de ses mots m’ont transpercé le cœur ? Je n’en sais rien, mais il m’arrive que je tombe sur ses vidéos qui durent à peine trente secondes, et ces quelques secondes suffisent pour me couper le souffle et ébranler mon âme.

Lors d’une interview, elle explique que par son art, elle veut parler pour ceux qui n’ont pas de voix. Elle traite chacune de ses chansons et vidéos avec beaucoup de sérieux. Elle souhaite simplement évoquer les injustices et les questions ignorées par énormément de monde. Malgré la censure qu’elle subit de la part d’Instagram, elle continue de partager et de créer du contenu qui permet d’élever les consciences face à l’injustice.

Ces trois femmes sont une source d’inspiration pour de nombreuses jeunes filles et femmes. Elles sont la preuve vivante qu’on peut briser les codes et changer les règles du jeu.

La France, est-elle prête à voir des femmes sur la scène musicale qui ne répondent pas aux nombreux mythes et fantasmes sur la femme musulmane ? Nos communautés sont-elles prêtes à nous soutenir ? Puis-je voir dans un futur proche, des femmes faire ce qu’elles veulent sans être condamnées par la société ? En attendant, on doit encore se battre pour nos droits, afin de pouvoir s’habiller comme on le souhaite, dire ce que l’on pense et faire ce que l’on veut, car une femme qui porte le hijab ça dérange, ça, je le sais.

Autrice : Jou RH

 

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Communiqués

Revue de presse Muslim Women’s Day 2021 #NousSommesPuissantes

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Le samedi 27 mars 2021, Lallab organisait en ligne la 4ème édition du Muslim Women’s Day, sur le thème du pouvoir collectif des femmes musulmanes. 
Cette journée internationale des femmes musulmanes  a été  marrainée par l’incroyable et inspirantante Linda Sarsour,  organizer palestinienne et américaine et militante primée pour la justice raciale et les droits civiques ! 
Une journée rythmée par 2 tables rondes, 2 talks inspirants et une clôture artistique. 
En bref un moment riche en apprentissages, en émotions et surtout en pouvoir.
Retour sur cette 4è édition triomphante de puissance !

 

 

Le Muslim Women’s Day a été lancé pour la première fois en 2017 aux États-Unis par Amani Al-Khatahtbeh, la fondatrice du média américain Muslim Girl. Le mois de mars et ses divers événements autour des droits des femmes était le moment idéal pour faire résonner les voix des femmes musulmanes, dans leur diversité et leur pluralité.

 

Un événement en ligne brillant de pouvoir : les femmes musulmanes, de la puissance au pouvoir collectif

 

La première table ronde de la matinée a réuni plusieurs féministes engagées au sein de divers collectifs sur la thématique : “violences sexistes et sexuelles : les femmes brisent le silence et reprennent le pouvoir” :

  • Mah Simpara, vice-présidente de Lallab
  • Massica R., militante à Femmes en Lutte 93
  • Laurence Meyer, juriste et membre de Mwasi
  • Pulan Devii, créatrice du podcast “Ni ton Hindou ni ton Pak Pak”

 

Puis nous avons accueilli Asiya Bathily, sensibilisatrice aux violences sexuelles, pour un talk autour de notre responsabilité collective à briser l’omerta autour des violences sexuelles.

 

Vous pouvez retrouver la vidéo replay de cette première table ronde ICI. 

 

 

 

La seconde table ronde de l’après-midi a porté sur la thématique de l’organisation collective : “Femmes musulmanes, organisons notre pouvoir collectif”. 

 

Elle a rassemblé des collectifs de femmes musulmanes en France, en Belgique et au Canada : 

  • Bintou Tounkara de Lallab
  • Fatima Zohra Ait El Maâti, fondatrice du collectif Imazi-Reine en Belgique
  • Asmaa Ibnouzahir, présidente et directrice de l’Institut F au Canada
  • Sana S., militante à Alliance Citoyenne à Grenoble

 

 

Nous avons eu ensuite l’honneur d’accueillir notre marraine, l’inspirante Linda Sarsour, organisatrice américaine et palestinienne, co-fondatrice de MPower Change et de la Women’s March ! Un talk puissant rempli d’amour, de force, de sororité à une période où nous en avions grandement besoin.

Cette intervention a été interprétée en français par la grande organisatrice Tara Dickman, fondatrice de Le Next Level.

 

 

Enfin, nous avons clôturé cette journée inspirante avec une touche artistique grâce à l’intervention de Elise Saint Jullian et LK Imany invitées pour parler de la sortie de leur livre “Musulmanes du Monde”,   déjà disponible en pré-commande sur le site des Editions Faces Cachées.

 

 

Si vous souhaitez écouter le replay de cette seconde table-ronde, le talk radicalement puissant et rempli d’amour de Linda Sarsour, ainsi que la note littéraire de fin, c’est par ICI

Merci encore aux personnes qui ont assisté à l’événement en direct ! Vous étiez plusieurs centaines à être avec nous le 27 mars sur Zoom et Facebook Live, et vous étiez plus de 3000 à avoir visionné en replay chacune des deux vidéos. 

 

 

Des témoignages qui font écho à la puissance des femmes musulmanes

 

Pour cette nouvelle édition, nous avons lancé un appel à témoignages afin d’encourager les femmes musulmanes à raconter leur victoire individuelle ou collective qu’elles ont gagnée face à des violences racistes, islamophobes, sexistes ou sexuelles.

Nous avons reçu des dizaines de témoignages inspirants où les femmes musulmanes nous ont fait part de leur victoire ! Ils ont par la suite été publiés sur nos réseaux sociaux la semaine du 22 mars avant la mobilisation digitale et notre événement en ligne !

 

 

 

 

 

 

Des médias qui ont fait entendre le pouvoir collectif des femmes musulmanes !

 

Cette année, le Muslim Women’s Day, c’était aussi une grande présence médiatique sur les réseaux sociaux et aussi dans les médias !

De nombreux médias ont ainsi participé à notre initiative comme le Courrier de l’Atlas, Beur FM, 20 Minutes, Terrafemina, Madmoizelle, Fumigène, Gazelle … 

 

  • Le Courrier de l’Atlas a donné la parole à 4 Lallas : Fatima, notre présidente; Mah, notre vice-présidente, Oumalkaire, notre responsable de formation et enfin Lydia notre bénévole ressource des ateliers Lallab Agora. 

 

 

Le média a ainsi publié  4 articles tout au long du mois de mars donnant la parole à chacune d’elle et faisant entendre le combat de Lallab !

 

 

  • Le média 20 Minutes a quant à lui donné de l’écho à notre initiative en donnant la parole à notre présidente ainsi qu’à l’une de nos Lallas, Nayé, bénévole ressource du groupe de parole chez Lallab.

 

  • Terra Femina a consacré un article aux violences sexistes et sexuelles et a donné la parole à Asiya Bathily, une de nos lallas engagée dans cette lutte.

 

  • Lauren Bastide de La Poudre a invité la présidente de Lallab Fatima Bent à présenter le #MuslimWomensDay lors d’une interview de 30 minutes sur instagram.

 

  • Et le média Paulette a relayé notre événement sur ses réseaux sociaux. 

 

 

  • Le magazine papier Gazelle nous a consacré une double page pour un dossier consacré à l’organisation des femmes musulmanes contre les injustices et pour la défense de leurs droits ! Lallab était interviewée aux cotés de d’autres associations comme l’Alliance Citoyenne de Grenoble ou encore Hashtag Ambition. 

 

 

 

 

  • Le média Fumigène, par la voix de notre secrétaire Graziella, et Madmoizelle ont aussi donné de l’écho au Muslim Women’s Day !

 

 

 

 

 

 

        

Les tweets et insta de célébration du #MuslimWomensDay

 

Sur Instagram, le hashtag MuslimWomensDay a été célébré et partagé massivement sur plusieurs comptes !  Plus de 10 000 comptes ont été touchés !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rokhaya Diallo a publié une vidéo pour cette journée spéciale où elle est revenue sur les discriminations qui touchent les femmes musulmanes.

 

 

 

 

 

Sur Twitter aussi, le #MuslimWomensDay a été l’occasion de relayer nos actions, de célébrer la parole des femmes musulmanes, ou d’adresser une pensée aux femmes musulmanes de notre entourage.

 

 

 

 

 

 

 

 

Merci à toutes celles qui ont relayé la parole des femmes musulmanes et de Lallab sur Instagram !

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

La fiction contre l’oppression ou comment la fiction peut transformer la société

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Ce texte retrace le chemin de pensée qui m’a conduite à créer ma série « Histoires courtes ». J’y explique pourquoi, selon moi, la fiction est un outil révolutionnaire pour changer la société.
Version actualisée le 30 avril 2022

 

1. Comment les modèles toxiques de féminité dans les films ont-ils influencé la femme que je suis devenue ?

Dès mon plus jeune âge, je me suis identifiée aux personnages féminins que je voyais dans les films. J’ai incorporé les normes de féminité qu’ils véhiculaient et telle une bonne élève, j’ai tenté de les suivre pour être considérée comme désirable par la société.

Pour l’enfant puis l’adolescente que j’étais, il y avait deux modèles de femmes possibles : la princesse Disney ou la James Bond Girl. La femme docile, maternelle et gentille se soumettant directement au prince ou l’héroïne indomptable et agressive résistant à James Bond.

Si ces deux modèles peuvent paraître en apparence très différents, ils reposent en réalité sur un socle commun : la soumission. L’héroïne n’existe que par rapport au personnage masculin. Ce qui la rend désirable, c’est sa beauté d’abord, prérequis pour que le héros s’intéresse à elle, puis sa personnalité, qui n’a qu’une vocation : permettre au héros d’exprimer sa domination et de rayonner. Si la James Bond Girl oppose une résistance de façade, ce n’est que pour rendre plus jouissif le moment où James parviendra à la maîtriser.

Thunderball. 1965.

 

En devenant une jeune adulte, j’ai réalisé à quel point ces modèles de féminité m’avaient influencée dans mon comportement quotidien. Adolescente, je me scrutais dans les miroirs du lycée ou les vitres des magasins plusieurs fois par jour pour me rassurer sur mon apparence, persuadée que le moindre défaut physique me retirerait toute ma valeur. Dehors, je contrôlais constamment ma façon de marcher, de m’asseoir, de me mouvoir, pour apparaître sous mon meilleur jour. Comme si, au lieu de vivre pleinement dans mon corps, je posais un regard extérieur sur moi-même.

 

2. Pourquoi le cinéma et la littérature ont-ils une telle influence sur nous ?

Comment expliquer que des films aient pu avoir un tel impact sur mon comportement quotidien ? On aurait tendance à dire que le cinéma est un moyen de transmettre des normes sociales au même titre que l’éducation ou l’école. Cependant, le cinéma et la littérature ont selon moi une spécificité qui les rend particulièrement efficaces pour nous influencer en profondeur : ils font appel à nos émotions et à notre capacité d’identification.

Tandis que des parents ordonneraient à leur fille de prendre soin de son apparence, un film se contenterait de mettre en scène l’attente interminable d’un homme pendant la préparation de l’héroïne, puis la descente au ralenti de celle-ci dans une robe magnifique, provoquant la fascination générale.

Virgin Suicides. 1999.

 

Plus efficace que n’importe quel discours, la scène suffit à faire passer le message-clé aux jeunes filles : « c’est votre apparence qui définit votre valeur ».

 

3. Pourquoi le pouvoir d’influence de la fiction est-il une bonne nouvelle ?

Je vous le concède, que les représentations des femmes dans les films aient des conséquences si dévastatrices sur l’estime de soi des jeunes filles est affligeant. Mais il y a quand même une bonne nouvelle dans tout ça : si les films ou les livres ont un tel pouvoir d’influence, alors cela implique qu’ils peuvent aussi être utilisés à bon escient et participer à libérer le spectateur plutôt qu’à l’opprimer en véhiculant des normes toxiques !

Si les James Bond Girls provoquent en moi des désirs superficiels – être belle et attirer le regard masculin –, « Le Jeu de la Dame » m’a donné envie de me progresser aux échecs, « Les femmes de l’ombre » m’a aidée à persévérer dans mes études de mathématiques, « Une femme d’exception » m’a encouragée à me battre pour mes idées.

Hidden Figures. 2017.

 

4. A vos plumes !

Une fois que l’on prend conscience du pouvoir de la fiction, l’univers des possibles nous est ouvert ! Nous pouvons créer un monde plus proche de la réalité ou au contraire penser au-delà du réel, imaginer des futurs plus radieux, façonner des identités dépassant les catégories imposées, décrire notre monde idéal !

Pourquoi ne pas imaginer qu’une jour une jeune fille tombera sur votre texte ou votre film, que votre personnage résonnera en elle et d’un être de papier, se changera en un être de chair et d’os ?

Alors, si vous souhaitez semer des graines de liberté dans les esprits des jeunes filles de demain… à vos plumes !

 

 

Crédit image à la Une : Écrivaine égyptienne Nawal al-Saadawi, qui nous a quitté le 21 mars 2021

 

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(Dé)construction

La place des femmes musulmanes face à l’emploi: Intervention de Fatiha AJBLI et Oumalkaire SULEMAN

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Lors du Lallab Day du 1er février 2020, Fatiha Ajbli et Oumalkaire Soulemane sont intervenues pour nous parler de la place des femmes musulmanes portant le voile face à l’emploi dans un contexte où elles sont stigmatisées et évincées de la société. Doctorante en sociologie, Fatiha Ajbli a fait une thèse en 2011 dans laquelle elle a travaillé sur les questions du fait islamique dans la structuration du récit national, notamment sur la façon dont les femmes musulmanes sont amenées à gérer la question de la visibilité religieuse au travail ainsi que sur les questions d’identité. Oumalkaire Soulemane sociologue et vice-présidente de Lallab, l’accompagne dans cette intervention en apportant de précieuses précisions.

 

L’expression religieuse en milieu professionnel: Un cadre législatif français imprécis

 

La liberté religieuse est admise comme une liberté fondamentale et consacrée par divers textes de référence sur la protection des droits de l’homme. Mais « dire qu’une liberté est fondamentale ne fait pas d’elle une liberté absolue » soutient Fatiha Ajbli car en effet, dans certaines circonstances elle peut subir des restrictions. Dans le droit du travail il y a une difficulté à maintenir l’équilibre entre deux intérêts parfois contradictoires qui sont le respect de la liberté religieuse du salarié et le respect de la liberté à l’employeur.se de diriger son entreprise. Sur la question du principe de neutralité, il y a une stricte séparation à établir entre le secteur public, dans lequel c’est une obligation qui annule la liberté d’expression religieuse et le secteur privé dans lequel la liberté religieuse des salarié.es est protégée. Cependant depuis que le port du voile fait l’objet de débat au sein de l’école, la question du principe de neutralité va également se poser au sein de l’entreprise. Dans l’affaire Dallila Tahri en 2002 et dans l’affaire de la crèche Baby Loup en 2013, des salariées ont été licenciées au motif qu’elles portaient le voile. À ce moment-là, huit projets de lois vont être déposés dans lesquels il y a une volonté d’introduire au sein de l’entreprise le principe de neutralité religieuse. En 2014 la société PAPREC va ainsi se doter d’une Charte de la laïcité et de la diversité qui prévoit la neutralité de l’expression religieuse donc l’interdiction pour les salarié.e.s d’exprimer leur appartenance religieuse.  En 2016, la loi El Khomri relative au travail va s’inspirer de cette charte en permettant aux entreprises de se protéger à travers un règlement intérieur avec la possibilité d’y introduire et d’y définir elles-mêmes le principe de neutralité en leur sein. En 2017, la Cour Européenne de Justice définit deux arrêts qui vont débouter deux salariées française et belge sur la question du port du voile au travail.

 

Un tournant est en train de se négocier selon Fatiha Ajbli dans lequel la frontière entre le public et le privé est en train de s’estomper. Bien que le Code du travail impose une obligation d’indifférence vis à vis de la religion de manière générale, on observe que c’est la visibilité musulmane qui est ciblée. « Vis-à-vis de cette recherche d’équilibre entre le principe de neutralité et la liberté d’expression religieuse le droit a plutôt basculer en faveur de la restriction que de la protection de cette liberté d’expression religieuse dans le travail » nous dit Fatiha Ajbli. En laissant le principe de neutralité à l’appréciation des recruteur.ses, la loi El-Khomri favorise la discrimination envers les personnes dont la religiosité est visible affirme Oumalkaire. Ce manque de clarté ne permet pas aux femmes musulmanes de s’appuyer sur le cadre légal pour se défendre. Le marché de l’emploi n’est pas « une île séparée du reste de la société » dit Fatiha Ajbli dans le sens où l’exclusion des femmes musulmanes en milieu professionnel est le reflet de l’exclusion qu’elles subissent dans la société. Il s’agit d’un déni de citoyenneté car c’est « leur empêcher l’appartenance au corps national » affirme Fatiha Ajbli. Selon l’opinion subjective des recruteur.ses, elle précise que l’entretien se fait parfois dans le couloir parce qu’il y a un filtrage avant l’entretien. Les contentieux liés au port du voile au travail concernent principalement les femmes musulmanes qui sont susceptibles de le porter au cours de leur carrière professionnelle puisque celles qui le portent déjà sont bloquées à l’entrée.

 

Le rapport des femmes musulmanes au marché du travail: impact et stratégies adoptées

 

Crédit photo: Zohra Krid pour Lallab

 

Les femmes musulmanes sont face à une impasse et donc confrontées à un dilemme : « choisir entre la liberté de travailler en tant que femme française ou la liberté de se voiler en tant que femme musulmane » nous dit Fatiha Ajbli puisque dans les faits, ces deux libertés ne semblent pas se conjuguer.

La plupart des femmes musulmanes inactives sont celles qui ont décidé de garder le voile pour travailler mais font l’expérience répétée de l’échec. Parmi les facteurs de l’inactivité des femmes musulmanes, il existe également l’auto-exclusion de ces femmes. Ayant intériorisé qu’elles n’ont pas leur place en tant que femmes musulmanes portant le voile dans le marché du travail, elles vont choisir des filières générales dans leurs études afin d’échapper au processus de sélection. Certaines vont également entrer très tôt dans le circuit matrimonial au sein duquel il y a des perspectives que le marché du travail ne leur offre pas. Elles entrent ainsi  « dans un calcul du coup d’opportunité de travailler » nous dit Fatiha Ajbli. Parmi les profils des femmes musulmanes actives, il y a les fonctionnaires, les communautaires, les indépendantes et les exilées.  Les fonctionnaires sont celles qui vivent avec la peur d’être démasquées et évitent donc de se familiariser avec leurs collègues. Elles sont motivées par l’idée que c’est leur inspiration professionnelle qui passe  avant le voile. Contrairement aux communautaires qui elles sont motivées par l’idée que c’est leur voile qui l’emporte sur leur inspiration professionnelle. C’est pourquoi elles décident de rester travailler au sein de la communauté mais elles sont souvent exploitées par les heures supplémentaires et faiblement rémunérées. Les indépendantes quant à elles vont être dans une démarche libérale ou vont créer leur propre entreprise mais la majorité d’entre elles se retrouvent enfermées dans des logiques ethniques. Pour ce qui est des femmes musulmanes exilées cela concerne celles qui sont très diplômées, principalement dans la recherche et qui ne trouvent pas en France de perspectives à la hauteur de leur qualification.

 

Certaines optent pour la résistance en allant jusqu’aux Prud’hommes, mais ceci demande une grande charge mentale pour affronter ce combat juridique. D’autres se résignent à l’abandon mais font face à de nombreuses conséquences sur leur santé. Et puis il y a celles qui choisissent l’adaptation, choix dans lequel leur identité musulmane est soumise aux appréciations de leurs collègues en s’oubliant elles-mêmes. La réorientation professionnelle est également une forme de résistance aux yeux de Oumalkaire parce qu’elles peuvent exister dans d’autres espaces si elles ne sont pas acceptées dans d’autres. Suite à une expérience traumatisante, ils y a des femmes qui vont s’extraire du marché du travail. Face à  l’angoisse qu’elles ressentent à l’idée de retourner dans la recherche d’emploi, elles vont se ressourcer dans leur spiritualité et leur cocon familial. En plus d’être une violence quant à leur existence, la discrimination qu’elles subissent nuit à leur sociabilité et leur mobilité.

 

 

Crédit photo: Zohra Krid pour Lallab

La discrimination que subissent ces femmes musulmanes va avoir un impact sur leur santé physique et mentale mais également sur leur trajectoire professionnelle. Par l’exclusion et le regard hostile des autres envers elles, ces femmes musulmanes sont renvoyées à une altérité, parfois même une déshumanisation. Elles sont perçues comme une menace pour l’entreprise, tel « un cheval de Troie qui viendrait infiltrer la tranquillité ou la productivité de l’entreprise » affirme Oumalkaire Soulemane. Pour celles qui vont choisir de continuer à travailler au sein des entreprises où elles ne se sentent pas bien, elles vont avoir des conséquences considérables sur leur santé telles que des modifications neuronales, un affaiblissement du système immunitaire, des maladies digestives ou encore des psychoses.  Le stress minoritaire dont elles sont victimes témoigne de la charge de cette stigmatisation et n’est malheureusement pas pris en compte ni par les professionnels ni par la médecine du travail. Oumalkaire Soulemane conclue l’intervention sur le fait que pour ces femmes musulmanes « le travail devient une survie au lieu d’une évolution ou une expérience professionnelle ».

 

De nombreuses réflexions émergent de cette brillante intervention, notamment celle de l’impact que la discrimination  a sur l’identité des femmes musulmanes. En effet, elles se retrouvent parfois contraintes de choisir entre leur identité française et leur identité musulmane alors que les deux sont complémentaires. Même si dans ses textes, la France « respecte toutes les croyances » et « garantit la liberté de culte », on peut clairement observer au sein de la société française une réelle atteinte à l’intégrité humaine.

 

Article écrit par Sana Arif

Crédit photo image à la une: Zohra Krid pour Lallab

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Portraits

Mohisa Kali, sophrologue et ventousothérapeute

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Mohisa Kali pratique à la fois la ventousothérapie, aussi nommée hijama ou cupping therapy, et la sophrologie une thérapie brève visant le bien-être physique, émotionnel et mental. Elle revient pour nous sur son parcours professionnel, très lié à sa spiritualité.

 

Du burn-out à la hijama

 

Mohisa est d’origine malienne. Elle est née à Paris et elle a toujours vécu en Essonne dans le 91. 

La jeune femme est d’abord devenue infirmière à 21 ans et a exercé dans les grands hôpitaux parisiens puis en cabinet libéral pendant une dizaine d’années. « Après toutes ces années à prendre soin des autres, je me suis oubliée, j’étais épuisée émotionnellement et physiquement, j’ai littéralement fait un burn-out ». C’est alors que Mohisa a choisi de prendre soin de sa santé. « J’ai eu recours à la sophrologie pour me relever psychologiquement, mais comme souvent, lorsqu’on ne se sent pas bien dans sa tête, mon corps a pris un gros coup ». Elle a donc tenté la hijama, qui lui a beaucoup apporté. « Je me sentais tellement mieux ! J’étais apaisée et redynamisée, je le sentais à la fois physiquement et dans mon état d’esprit ». Ainsi, cette expérience si bénéfique l’a incitée à se former à la sophrologie et la ventousothérapie. En 2019, elle ouvre son propre cabinet – un espace de bien-être et d’expression de soi – à la fois dédié à la ventousothérapie ainsi qu’à la sophrologie. « Lorsque j’étais infirmière, je voyais toutes ces personnes âgées qui prenaient jusqu’à 11 comprimés par jour et je me disais : c’est fou ! Il y a sûrement d’autres moyens plus naturels pour contribuer au bien-être et préserver la santé ». 

Mohisa évoque également sa mère, à de nombreuses reprises. « Elle aussi prenait beaucoup de médicaments car elle a plusieurs problèmes de santé et je souhaitais absolument lui éviter ça, al hemdoulilah (louange à Allah), elle n’en prend plus ». Elle est ravie de pratiquer la hijama sur sa mère. « Cela nous a beaucoup rapprochées, c’est une expérience très intime ».

 

 

Table de massage au sein du cabinet de Mohisa Kali, près des ventouses. Crédits : Shehrazad

 

 

Désormais, Mohisa accompagne ses patient·e·s dans son propre cabinet à Ablon-sur-Seine. Sa patientèle est très variée. « Il y a des femmes, des hommes, des ados, des adultes, des musulman·e·s, des non-musulman·e·s, des Arabes, des Blanc·he·s, des Noir·e·s, il y a de tout ! », rit-elle. Elle remarque ainsi un retour considérable au naturel, présent au sein de toutes les sphères de la société. « On prend de plus en plus conscience de l’importance de prendre soin de son hygiène de vie, de tous les fameux conseils de nos grands-mères et des thérapies naturelles ». Mohisa prend l’exemple des douleurs liées aux règles. « Avant la hijama, je prenais à chaque fois des médicaments, c’était particulièrement difficile pour moi. Désormais, je ne prends plus de médicaments et je me sens très bien durant mes règles ». En effet, la ventousothérapeute explique que la hijama permet de détoxifier le corps, de relancer la circulation et d’aider nos organes à mieux fonctionner. « C’est un gros boost ! Les ventouses permettent d’apaiser la personne, de chasser la fatigue ou le stress. Elle dort mieux, ressent moins de tensions… Cela exerce un véritable effet antalgique et anti-inflammatoire ». Plusieurs personnes viennent ainsi pour mieux vivre leurs maladies chroniques ou tout simplement pour s’accorder un moment de bien-être.

 

Le déroulement des séances

 

En entrant dans son cabinet, nous remarquons immédiatement une très jolie boîte à mouchoirs. Je ne peux m’empêcher de faire remarquer à Mohisa que son cabinet a véritablement l’air de celui d’une psychanalyste. « C’est vrai qu’il y a un côté psy, je suis l’oreille attentive et bienveillante des patient·e·s. Ils me livrent une partie de leur vie et donc ils pleurent souvent », sourit-elle. En effet, la sophrologue insiste sur l’importance d’écouter les personnes qu’elle accueille, afin de savoir au mieux les raisons pour lesquelles elles souhaitent avoir recours à la hijama. « Avant de poser mes ventouses, j’ai besoin d’échanger avec la personne pour la comprendre . Cela me permet d’être plus efficace dans le choix du placement de mes ventouses ». En revanche, il existe certaines conditions afin de pratiquer la hijama humide : il faut être au moins âgé·e de 11 ans, ne pas être enceint·e, ne pas suivre de traitements anticoagulants et il est préférable, pour les personnes diabétiques, ayant du mal à cicatriser, de ne pas y avoir recours. 

 

Il est également nécessaire d’être à jeun depuis 4 heures – 3 heures pour les diabétiques. Suite à ce petit entretien, Mohisa invite ses patient·e·s à s’allonger, afin de leur poser des ventouses. Elle effectue ensuite des petits points, par le biais d’une lame stérile. « Il n’y a rien de gore, pas de sang qui coule partout ! Le sang va coaguler dans les ventouses,  ça ressemble alors à des Flambys ! », s’amuse-t-elle. Puis, Mohisa désinfecte tout cela, avant de panser ces petits points avec du miel bio. Elle effectue aussi des massages, le Moving Cupping. « Il est également possible de procéder à la hijama sèche en utilisant simplement les ventouses, sans saignement. Les effets de cette ventousothérapie ne durent pas aussi longtemps que la hijama humide mais on peut la faire plus fréquemment que l’humide »

 

Le côté “très psychanalyste” du cabinet de Mohisa Kali, en raison du divan ainsi que de la boîte à mouchoirs offerte par un ancien patient. Crédits : Shehrazad

 

Elle est ainsi ravie des résultats positifs observés chez des femmes l’ayant consultée en raison de leur infertilité. « Comme dirait ma soeur, “le timing du Seigneur est toujours le meilleur!”. En revanche, la hijama peut aider à favoriser la survenue de la grossesse grâce à son action hormonale ». De même, plusieurs patientes ayant pratiqué la ventousothérapie une semaine avant le début de leurs règles, durant 3 mois, se retrouvent sans douleur durant leur période menstruelle. « On peut vraiment avoir de bons résultats ! Il ne faut pas non plus hésiter à se servir de certaines plantes africaines ou encore des huiles, comme celle de nigelle, afin d’apaiser ces douleurs ». De plus, Mohisa explique qu’il n’est pas nécessaire d’avoir la foi pour que cela ait un effet positif sur son corps et son esprit. « Il existe plusieurs études scientifiques qui prouvent les avantages de la ventousothérapie/cupping therapy. D’ailleurs, ce ne sont pas seulement les musulman·e·s qui la pratiquent, elle est également très connue dans le milieu sportif, la médecine chinoise, indienne… »

 

Son credo ? Ne jamais juger les patient·e·s et les accueillir tel·le·s qu’iels sont. Ainsi, elle accompagne de nombreuses personnes qui se sentent seules, incomprises et bloquées dans leurs situations. Des personnes qu’elle aide afin qu’elles (re)deviennent pleinement actrices de leurs vies dans la sérénité, la confiance et la joie. Mohisa intervient également au sein de lycées et d’associations, notamment pour traiter le harcèlement scolaire. « Mon objectif est de les accompagner afin qu’iels puissent acquérir de l’estime et de la confiance en soi, c’est le plus important ». En outre, plusieurs musulman·e·s évoquent avec elle leur crainte paralysante de l’Au-Delà, se sentant comme de piètres croyant·e·s. « Parfois certain·e·s patient·e·s sont hyper exigeant·e·s vis-à-vis de leur religiosité, n’acceptant pas de faiblir ou de faillir… Sauf que nous ne sommes pas des anges, nous ne sommes pas parfait·e·s. Il faut l’accepter puis y aller étape par étape et faire simplement de notre mieux, dans tous les domaines d’ailleurs ! En agissant avec la meilleure intention, Allah nous facilitera inshAllah (si Allah le veut) ». Elle prône également l’importance des massages. « Lorsque tu es stressé·e, tu oublies souvent ton corps, par l’omniprésence de ton esprit. Les massages permettent donc de revenir à ton enveloppe charnelle, ce qui peut aider à te recentrer sur toi-même ». Elle a d’ailleurs récemment lancé des lives et podcasts sur Instagram afin d’offrir ses outils de relaxation à un maximum de personnes. 

 

Il est possible de suivre Mohisa Kali sur Facebook ainsi que sur Instagram. Nous pouvons également nous abonner à sa chaîne Youtube. Pour prendre rendez-vous, cliquez sur ce lien. Si vous souhaitez établir un premier contact gratuit par téléphone avec Mohisa Kali, c’est par ici. Elle nous prépare de nouveaux projets. Nous ne lui souhaitons donc que du succès dans ses futurs engagements, inshAllah.

 

Crédit photo : Shehrazad

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Femmes exilées Portraits

Femme exilée #2 : Saraya

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Cet article est le deuxième de la série Femmes exilées. J’y raconte de façon bienveillante les récits de femmes ayant dû fuir leur pays, avec qui j’ai échangé le temps d’un café. Dans ce portrait, je raconte l’histoire de Saraya* qui a fui l’Afghanistan.

 

Saraya se rappelle tout, dans les moindres détails. Elle se rappelle qu’elle a passé 6 mois en Iran, 4 mois et demi en Grèce, 2 mois en Serbie, 5 jours en Hongrie. Elle se rappelle le froid et l’obscurité après avoir traversé la frontière turque. L’épuisement après les seize heures de marche dans la montagne. Elle se rappelle tous ceux qui l’ont aidée, humiliée ou effrayée, aussi bien cette femme qui lui a appris le français, que ce chauffeur qui tapait les passagers du bus en direction d’Istanbul. Elle se rappelle les paroles. Rassurantes parfois : « on est là pour vous aider », « vous pouvez trouver une place pour vous ici », ou destructrices : « je ne peux pas faire grand-chose pour vous », « la police va garder votre neveu ».

Saraya est née deux fois. La première fois, quand elle est sortie du ventre de sa mère. La deuxième fois, lorsque les Talibans, ces êtres qui peuplent encore ses cauchemars, ont quitté son village. « C’était comme une fête. » Elle a 8 ans. C’est l’été, elle va à l’école pour la première fois. Elle étudie sous des tentes, avec des filles de tous âges. Les élèves supplient l’enseignante de continuer le cours l’après-midi.

Son amour pour les études vient sans doute du fait qu’elle a connu la vie sans école. Saraya a toujours les meilleures notes, elle rêve de devenir médecin. Lorsqu’elle obtient son bac, son père ne la laisse pas continuer ses études à l’université.

 

Le départ de l’Afghanistan

Saraya a la vingtaine lorsqu’elle quitte l’Afghanistan pour l’Iran avec son mari, sa sœur, le mari de sa sœur et leurs enfants. Ils ont pour objectif l’Allemagne. Il faut d’abord traverser la frontière turque. Imaginez-vous : minuit, une immense montagne face à vous, c’est l’hiver. Ils sont un groupe de 200 personnes accompagné de passeurs. Saraya est devant, avec son neveu Abdulmunib* de 10 ans. Eux deux passent de l’autre côté du fil barbelé. Son mari, sa sœur, le mari de sa sœur, le reste des enfants sont encore de l’autre côté. La police iranienne débarque et tire dans tous les sens.

Au chaud dans un café parisien, Saraya sort un mouchoir pour s’essuyer les yeux. Sur le moment, je ne comprends pas bien, j’attends que Saraya me raconte le moment où elle a retrouvé la trace de sa famille. Mais non, Saraya n’a jamais su ce qu’ils sont devenus. Partis à huit, ils ne sont plus que deux pour le reste du périple. Ils n’ont d’autre choix que de continuer.

Ils marchent de minuit jusqu’à 16 heures le lendemain. Des camions les conduisent jusqu’à un village turc. Ils dorment dans un endroit sale, et sont réveillés par les pleurs d’un homme que les passeurs sont en train de frapper parce qu’il ne les a pas payés.

Ils sont une cinquantaine dans le bateau vers la Grèce. Tout le monde pleure, sauf Abdulmunib qui regarde, et ne dit rien. Aujourd’hui encore, il n’aime pas voyager. Ils restent dans un camp en Grèce quatre mois et demi. C’est là que Saraya décide d’aller en France plutôt qu’en Allemagne. Ce pays qu’elle a brièvement étudié en cours d’histoire la fascine. On le lui déconseille, les réfugiés sont mieux accueillis en Allemagne. Saraya persiste : « Même si c’est difficile, il faut le faire. »

Après la Grèce, la Bulgarie. Après la Bulgarie, la Serbie. Saraya et son neveu restent deux mois dans un camp, puis rejoignent la Hongrie, prétextant qu’ils veulent faire une demande d’asile là-bas. Ils sont transférés dans un grand bâtiment, au même étage que les hommes célibataires. Elle reçoit l’appel d’un passeur au bout de quelques jours. Il leur a acheté deux billets pour l’Autriche, deux billets pour l’Allemagne. Elle reste éveillée toute la nuit dans la gare de peur de rater le train, son neveu épuisé s’endort sur le sol.

Dans le train vers la France, un homme a voulu voler le sac d’Abdulmunib, dans lequel il y avait des biscuits et quelques vêtements. Il est 3 heures du matin et tout le monde dort dans le wagon. Saraya poursuit le voleur, s’adressant d’abord à lui en anglais puis en persan, peu importe s’il ne comprend pas cette langue : « C’est pas à toi, c’est à mon neveu ! » Elle attrape le sac, tire, crie. Le voleur finit par capituler. « Même maintenant quand j’y repense je me dis que j’ai bien fait, c’était pas grand-chose mais c’était important. Peut-être qu’on aurait eu besoin de ces vêtements. Leur valeur n’était même pas de 5 euros mais on en avait besoin. »

 

L’arrivée en France

 

Crédits : Jessica Wright, @jessicawright_____

 

9 heures du matin, gare de l’est. Saraya et son neveu foulent pour la première fois le territoire français. Elle ne sait pas par où commencer, elle est fatiguée, Abdulmunib a faim. Elle se dirige vers des policiers, qui lui indiquent une station de police, dans laquelle on lui donne un papier avec une adresse qu’elle ne sait pas déchiffrer. Un homme qui ressemble à un Afghan passe, elle lui demande en persan s’il sait comment s’y rendre. A la place, il l’emmène au métro Jaurès : l’endroit où vivent les réfugiés afghans lorsqu’ils viennent d’arriver. « C’était la première fois que je devais rester dans la rue, j’étais choquée. »

Pour demander l’asile, il faut commencer par prendre un rendez-vous à la préfecture dans une SPADA (Structure de Premier Accueil des Demandeurs d’Asile). Saraya s’y rend avec son neveu. On leur dit qu’il n’a pas le droit de rester avec elle parce qu’elle n’est pas sa mère. Abdulmunib se met à pleurer, elle aussi. A partir de ce jour-là, tous les soirs avant de dormir, le neveu demande : « Est-ce que tu me promets de rester avec moi ? » Sa tante lui répond : « Bien sûr qu’on est ensemble, moi je resterai toute ma vie avec toi ! »

Un jour, la Croix-Rouge passe au métro Jaurès. Des bénévoles proposent à Saraya et son neveu un hébergement en attendant le rendez-vous à la préfecture. Pendant dix jours, ils peuvent dormir dans un hôtel. Dormir seulement : il faut libérer la chambre à 9 heures et ne pas revenir avant 18 heures. Puis le 115 leur propose un logement au bout de la ligne D. « Quand on est arrivés on était contents, parce que c’était une chambre, avec une salle de bain. » Il y a même une cuisine, Saraya a le droit de cuisiner deux fois par semaine.

Arrive la date du rendez-vous à la préfecture. « C’est vrai ça, que je vais être séparée de mon neveu ? » On l’informe que ce n’est pas le rôle de la police de décider : Abdulmunib restera avec sa tante sauf si le juge en décide autrement. Saraya décide de faire une demande pour devenir la responsable légale de son neveu. Abdulmunib est systématiquement terrifié et en pleurs devant les juges. Pour la dernière audience on l’autorise à ne pas venir.

 

Aujourd’hui, Saraya vit toujours avec son neveu dont elle est la responsable légale. Elle a obtenu le statut de réfugiée et a appris le français. Elle fait des études pour devenir aide-soignante, avec le rêve d’intégrer un jour Médecins sans frontières.

 

Où Saraya trouve-t-elle son courage ? « Il y a des choses qu’on dit et des choses qu’on vit. Il y a eu des moments difficiles, des choses horribles. Mais ici j’ai la liberté. Ici je peux décider pour moi-même. Ici il y a une sécurité, il y a une loi. J’ai perdu beaucoup de choses mais j’ai gagné la liberté et la sécurité. »

 

Crédits : Jessica Wright, @jessicawright_____

 

Depuis notre rencontre, une question me hante : et si j’avais vécu ça, moi ? Comment serais-je aujourd’hui ? Comment mon corps, mon esprit auraient réagi ? À quoi ressemblerais-je ? Quelle serait ma personnalité ? Serais-je plus fragile ou plus forte qu’aujourd’hui ?

Vous aussi, posez-vous la question : et si j’étais né.e en Afghanistan ?

 

 

 

Crédit image à la Une : Jessica Wright, @jessicawright_____

*Les prénoms ont été modifiés.

 

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(Dé)construction

Femmes musulmanes et savoir religieux : à chacune sa quête et ses obstacles

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Œuvre de Hind Ben Jabeur « J’ai appris à tomber dans les profondeurs de mon propre puit, car c’est au fond de nous que l’eau est clairvoyante. » Jassem el Sahih

 

Il y a autant de rapports au savoir religieux qu’il y a d’êtres sur Terre. Ce rapport au savoir religieux, propre à chacun.e.s d’entre nous qu’on le questionne ou pas, est au cœur du Lallab Agora de cette année qui se penche ce semestre sur l’œuvre de Fatima Mernissi, Le harem politique : le prophète et ses femmes. La volonté de déconstruire en vue de se réapproprier le savoir religieux a motivé le travail de cette sociologue, musulmane et féministe marocaine aujourd’hui décédée, qui a lutté en toute bienveillance pour une autre version de l’Histoire dans une société patriarcale qui, en vue d’assujettir et d’assigner la femme à des rôles spécifiques, va faire mine de puiser dans la religion pour asseoir sa domination. Cet article s’intéresse à la quête du savoir religieux de femmes musulmanes, qu’elles soient Lallas ou non, que leurs cheminements soient conscientisés ou non.

 

« J’ai peur d’approcher les textes sacrés, j’ai peur de ne pas y trouver les réponses, peur de ne pas m’y retrouver. J’ai peur de ne pas comprendre, de me méprendre. » Anonyme.

 

« Je suis dans une phase depuis sept ans de méditation dans le sens où je me pose des questions là où je ne m’en posais pas. […] Depuis mon divorce, je suis dans un cheminement personnel. Ça a été un obstacle qui a renforcé ma foi. » Asna, 37 ans

 

En réalisant ces interviews, j’ai peu à peu réalisé à quel point le rapport au savoir religieux relevait de l’intime des femmes interrogées. Mes questions que je pensais lisses venaient toucher à l’intimité de leur éducation, de leur vie familiale, de leur corps, de leur cœur, de leur être et de leur quête. De ce fait, le témoignage livré en toute sincérité par ces femmes sera publié brut, sans volonté de le dénaturer ou de l’analyser. Afin de respecter l’anonymat de certaines d’entre elles, seuls des extraits sont ici partagés, de manière entremêlée.

 

 

 

« Je me sens seule face aux savoirs religieux. »

 

« Je choisis le mot « face » parce que mon éducation religieuse se fait essentiellement sur YouTube. Mais je me sens aussi sereine et légitime quand je questionne, pense, contemple, m’approprie des savoirs religieux. J’ai reçu ma religion en héritage. Je crois qu’en grandissant, j’ai compris la religion comme un ensemble de règles et de limites qui venaient entraver ma liberté. J’observais ces limites avec crainte. À ne surtout pas franchir ! Quand je posais des questions à des proches sur ce sujet, je sentais des crispations et une peur. Je suis la première génération née en France dans ma famille et je pense que quand je questionnais la religion, eux le vivaient comme si je questionnais leur culture. Mon point d’interrogation traçait soudain une frontière entre eux et moi, du moins, c’est ainsi que je l’interprète. Questionner le religieux revenait et revient toujours pour moi à questionner beaucoup plus que le religieux. Se trouve au tribunal de mon intellect et de mon cœur, mes identités culturelles, mon éducation, ma perception du temps, de l’amour, de la mort, de la vie, bref ma grille de lecture sur l’Univers. […] J’ai toujours intuitivement senti que se poser des questions était peut-être plus signifiant que les réponses que je pourrais trouver. » Lydia, 24 ans.

 

« Je ne sais pas où chercher et du coup, je demande à ma sœur. Je ne vais pas avoir la jugeote de chercher  parce que j’ai peur, c’est sacré, c’est important, ce n’est pas comme quand je regarde les trucs sur les people, ce n’est pas important, on s’en fou si c’est du fake news. » Inès, 28 ans.

 

« Aujourd’hui avec du recul, j’aurais aimé avoir des endroits où apprendre la science de la religion sans être taxée d’extrémiste. » Lamia, 34 ans.

 

« N’étant pas vraiment dans les normes de ce que devait représenter la bonne petite musulmane, j’avais du mal à m’identifier en tant que musulmane parce que j’ai tout le temps eu l’impression d’être une pécheresse. Je suis bi et je l’ai toujours su et ça a toujours été difficile en tant que musulmane. Ensuite, les premiers amoureux que j’ai eus étaient non-musulmans et on m’a toujours dit que je ne pouvais pas me marier avec un non-musulman. Ma nature profonde ne correspondait pas à ce qu’on pouvait attendre d’une bonne musulmane. Plus tard, c’est le fait de ne pas être pratiquante et d’être féministe aussi qui a été un obstacle à ma quête du savoir religieux. […] C’est le féminisme islamique qui m’a réconciliée avec le religieux. » Anonyme.

 

« Mon ex-mari m’a fait sentir que j’étais illégitime dans ma quête de savoir. En fait, c’est dû à son caractère, c’est quelqu’un de très fier.  Il ne connaissait pas trop la religion et il n’acceptait pas le fait que moi, qui suis française et plus jeune que lui, connaisse plus de choses que lui. Donc très souvent, il rejetait ce que je disais, en me disant : « Mais toi, qu’est-ce que tu connais… » » Nathalie, 34 ans.

 

« J’ai un rapport un peu ambivalent à ma solitude dans cette quête du savoir. De cette solitude naît une confiance en Dieu, en son attribut de Guide, d’Educateur, en mon habilité à réfléchir, à choisir, mais de cette solitude, naît aussi la peur de ne pas avoir les bons outils pour étudier.» Lydia, 24 ans.

 

 

 

« L’obstacle est dû à mon sexe. »

 

« Aujourd’hui, l’accent est plus mis sur les cours des hommes, donc les hommes ont une multitude de cours qui sont répartis dans la semaine, ils peuvent avoir cours en pleine semaine, le mercredi, le week-end et en soirée. Le deuxième public qui est visé, c’est celui des enfants. […] Donc pour les femmes, je trouve, pour avoir contacté différents instituts, qu’on a une offre qui est plus pauvre et c’est très dommage. Par exemple, j’ai dû quitter mon institut parce qu’ils proposent des cours de Coran le mardi matin et moi, ça m’a révoltée parce que le mardi matin entre les sœurs qui travaillent, qui sont étudiantes ou qui sont mamans, c’est juste impossible. Les hommes et les enfants sont prioritaires alors que nous aussi, on est en droit de vouloir apprendre notre religion et puis de la transmettre aussi selon notre capacité. » Fanny, 34 ans.

 

 « Je suis plus dans l’écoute, je ne cherche pas, j’écoute ce que dit ma mère, ma grand-mère. Pendant le ramadan, j’ai lu 40 pages du Coran. Parfois, je ne comprends pas les mots de la traduction. Ou des fois, je lis bêtement du coup, ça me saoule et j’arrête. Je n’aime pas lire, donc je préfère plus qu’on m’explique. Je comprends mieux les choses. Maintenant, je me pose des questions. J’ai remarqué que c’était toujours l’homme qui avait le droit à tout et pas la femme. Et à partir de là, je me suis dit pourquoi moi, j’aurais moins. Je suis sûre que si un jour je lis le Coran, je comprendrais autre chose parce qu’en fait, ce sont les hommes qui disent ce qu’ils ont compris et même pour ma mère, je me dis que ce sont aussi des hommes qui lui ont enseignés ce qu’elle sait. » Anonyme.

 

« Le savoir religieux me sert dans le sens où j’arrive à trouver les mots et les raisons de faire les choses. Je me sens moins musulmane par héritage. Je médite beaucoup, je me remets beaucoup en question. […] J’aime beaucoup l’ijtihad[effort de réflexion] dans le savoir. Le savoir est dominé par les hommes. Les hommes te soumettent directement, tu dois t’écraser. Mais si tu es une femme et que tu es prête, tu peux t’y mettre aussi.» Asna, 37 ans.

 

 

 

« Je ne lis pas l’arabe. »

 

« Mon rapport au savoir religieux a évolué d’un savoir traditionnel et culturel à un savoir plus approfondi parce que je me suis mise à chercher. […] Dans ma quête, il y a la barrière de la langue. J’ai appris l’arabe, mais je n’ai pas les armes pour décrypter le Coran. Même s’il y a la traduction, j’ai toujours le sentiment que je passe peut-être à côté d’une interprétation et il y a toujours cette petite chose en toi qui a peur de mal interpréter vu que le Coran est en langue arabe. », Lamia, 34 ans.

 

« Je ne lis pas et je ne comprends pas l’arabe littéraire. Je sens que je ne peux pas saisir la profondeur des mots dans le texte sacré, de leurs sens, de leurs réalités. Pendant longtemps, je me suis sentie loin du Coran. J’avais le sentiment de passer à côté du sens. Le Coran ne se lit pas comme un roman. Néanmoins, je crois profondément que le sens et les effets du texte sacré sur le cœur, l’intellect, l’âme, le corps ne peuvent pas être voilés par une traduction. » Lydia, 24 ans.

 

« Forcément, en étant convertie, j’ai dû apprendre ma religion, je n’ai pas grandi avec des modèles, avec des paroles rapportées qui peuvent être vraies comme fausses. […] J’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup appris dans les livres. Dans les premiers temps, j’ai lu et j’ai cheminé avec une autre sœur qui venait de se convertir, qui avait beaucoup de savoirs. Et par la suite, je suis devenue une petite étudiante. Je me suis inscrite en cours d’arabe pour pouvoir lire et écrire, puis en cours de sciences religieuses. [L’Islam] est une religion de science et Allah nous demande de rechercher la science, de la comprendre, de l’appliquer, de la transmettre. En fait, c’est vaste, plus tu vas en cours, plus tu te rends compte que tu ne sais rien et qu’Allah sait tout. […] Ce savoir-là fait du bien au cœur, ça fait du bien à l’âme. Ça t’aide à te réformer. C’est quelque chose dont j’ai besoin, qui me fait le plus grand bien. » Fanny, 34 ans.

 

 

 

« Soif de savoir »

 

« Allah nous a ordonné « Iqra » qui veut dire « Lis“, alors j’étudie. » Lamia, 35 ans.

 

« Depuis quelques années, je suis toujours en soif de savoir. », Sabrina, 38 ans.

 

« Je suis née dans la religion musulmane, j’ai vu mes parents pratiquants, j’ai suivi cette méthode jusqu’à maintenant. Je ne découvre pas l’Islam. Depuis petite, je lis le Coran, même si ma compréhension a changé. Petite, je ne comprenais pas, je lisais, c’est tout. On apprend sans raisonner et en grandissant, on lit en comprenant les choses et en mettant les circonstances de chaque verset, ça aide de mettre les versets dans leur contexte. Et parfois, maintenant, je trouve des différences par rapport à nos coutumes que je ne retrouve pas dans le Coran. », Hayet, 61 ans.

 

« J’ai appris le savoir religieux de la vie, on m’a dit de ne pas voler, de ne pas mentir, de ne pas faire le haram [l’interdit], de prier, de jeûner. J’ai appris par moi-même. La religion, c’est dire bonjour, s’assurer que les gens autour de toi vont bien, donner l’aumône, ma mère donnait même des pommes de terre. Ce qu’elle trouvait, elle le donnait. Le savoir religieux, ce n’est pas que la prière, c’est le bon comportement, le bon rapport avec les voisins, prendre soin des gens âgés, c’est ce que j’ai appris. », Manoubiya, 78 ans.

 

« J’ai besoin d’aller vers le savoir religieux en groupe, en sororité, de manière accompagnée, portée par le collectif. J’ai choisi d’y entrer avec et par les femmes, en lisant, en étudiant des femmes et leurs analyses. J’aime aborder ce travail à la fois spirituel et historique dans la joie. […] Je retrouve ça chez Lallab, le Lallab Agora me donne un outil pour accéder au savoir religieux avec sororité et de manière plus sereine. Je n’ose pas encore aller à la source qui est le Coran, j’y vais à travers des femmes qui ont fait un travail de recontextualisation. Elles ont eu à faire aux mêmes interrogations que moi et j’espère qu’à terme, ça me fera aller vers la source suprême, le Coran. » Nawal, 35 ans.

 

 

Sara

 

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(Dé)construction

Interdiction des certificats de virginité et de la non mixité dans les piscines: Contresens, le gouvernement est à contresens

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[ Article écrit par une bénévole de Lallab. Il ne s’agit pas d’un communiqué officiel de Lallab. Pour lire le communiqué au sujet de la loi, cliquez ici. ]
Voilà plusieurs mois que nous entendons parler de ce projet de loi.
D’abord dirigé contre le communautarisme, il s’oriente à présent vers la lutte contre le séparatisme. Le séparatisme renverrait à une tendance, une pratique de certain.e.s concitoyen.ne.s qui vivraient avec des lois et des valeurs qui leur seraient propres, faisant ainsi abstraction des lois de la République. 

Dans ce projet, le gouvernement prétend défendre les femmes, les aider à travers des mesures liberticides et contre productives. L’hypocrisie de ce projet se retrouve principalement à travers deux mesures : l’interdiction du certificat de virginité et la renonciation aux horaires non-mixtes dans les piscines municipales.

 

L’interdiction du certificat de virginité, une mesure qui sauvera les femmes en danger ?

 

L’article 16 de ce projet de loi contre le séparatisme punit d’un an de prison l’établissement de virginité. Cette mesure a été présentée comme une défense des femmes, favorable à leur émancipation. Est-ce véritablement le cas ? 

Il convient tout d’abord de souligner que la demande de certificat de virginité est une pratique minoritaire en France. Fort heureusement. Mais ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une pratique minoritaire qu’il faut nier sa réalité, son existence. Certaines familles conservatrices imposent la virginité à leurs filles. Elles demandent, pour cela, un certificat de virginité pensant qu’un hymen intact est gage de virginité. Le médecin, agissant selon sa conscience, protège sa patiente en déclarant qu’elle est vierge alors qu’elle ne l’est plus. Il préserve ainsi son intimité dans laquelle sa famille souhaite s’immiscer. 

Une amie travaillait dans un centre social dans le Val de Marne. Elle m’a raconté, qu’un jour, une jeune fille âgée de 18 ans, est venue la voir en pleurs. Son père lui a dit que sans certificat de virginité, elle ne rentrerait plus chez lui (et donc chez elle). Mon amie a conduit la jeune fille chez un médecin, alerte de ce genre de pratiques conservatrices. La jeune fille n’était pas vierge, mais le médecin, convoquant sa conscience, a rédigé un certificat qui lui a permis de rentrer chez elle et qui l’a sauvée. La parole d’un médecin est très précieuse.

Le gouvernement agit dans la précipitation. Ce genre de pratiques doit être dénoncé, nous n’affirmerons jamais l’inverse. Mais il faut un véritable travail de fond pour transformer les mentalités extrêmement conservatrices et misogynes. Le gouvernement pense-t-il sincèrement qu’en mettant fin aux certificats de virginité, il protégera ces jeunes filles ? Pense-t-il qu’il mettra un terme à ce genre d’immixtion dans l’intimité sexuelle de ces femmes ?

L’interdiction de ces certificats n’est qu’un coup de communication. Un coup de communication pouvant être fatal pour les jeunes filles concernées. Là où elles pouvaient espérer être sauvées par un simple certificat, elles devront désormais (car il ne faut pas se leurrer, l’interdiction des certificats ne mettra aucun terme à ces pratiques) affronter de vieilles pratiques qui ne les sauveront pas (contrairement au certificat médical). 

Dans l’imaginaire collectif, cette demande de certificat de virginité émane des familles maghrébines et gitanes. En interdisant les certificats médicaux, le gouvernement ressuscite le « savoir-faire » des grand-mères gitanes et arabes et laisse les jeunes filles entre leurs mains. Il les met en danger, en se contentant d’agir sur les médecins par l’interdiction de délivrer ces certificats au lieu de lutter contre les mentalités conservatrices et misogynes encore répandues. Si être séparatiste, c’est créer des normes liberticides ne respectant ni la liberté ni la République, le gouvernement actuel en est le complice et ne fait qu’aggraver la situation !

 

Interdire la non-mixité dans les piscines municipales pour lutter contre le séparatisme ?

 

On se souvient des nombreuses polémiques liées aux piscines municipales : non mixité, burkini etc. On se souvient aussi de la chronique humoristique de Marina Rollman, qui conclut : « Les gens à la piscine, c’est pareil. Au lieu de vous agiter “ La République” , “ la laïcité” , “ on a pris la Bastille pour que j’ai le droit de voir vos cuisses” , concentrez-vous sur ce qui vous rassemble. Sur cette belle communauté de tordus, vous les gens qui aimez la piscine (…) Bref, laissons ces gens bizarres vivre peu importe ce qu’ils portent. ».

Une sagesse qui n’est malheureusement pas partagée par tou.te.s, à commencer par le gouvernement … 

Cette fois, ce n’est pas le port du burkini que le gouvernement vise, mais la non-mixité dans les piscines municipales. Ce projet de loi donne la possibilité au préfet de faire un recours suspensif contre l’élu.e qui aurait pris une décision « gravement » contraire au principe de neutralité du service public. La concession d’horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales serait donc une décision « gravement » contraire au principe de neutralité du service public. Cette disposition figure dans le projet de loi contre le séparatisme, donc les femmes qui souhaiteraient se baigner à l’abri des hommes seraient des séparatistes et l’élu.e qui accorderait cette demande de non-mixité, complice, promouvrait le séparatisme. 

Vraiment ? Est-ce que nous pourrions envisager une seconde que d’autres éléments motivent une telle demande de non-mixité ? Que les femmes aient envie d’être entre elles. Les femmes sont constamment soumises à des codes sexistes : ne pas être trop grosses, ne pas être trop fines, être comme ci, être comme ça… Pouvons-nous envisager une seconde qu’elles ne les supportent pas et qu’elles n’aient pas envie d’être dévisagées par des hommes qui scrutent chaque élément de leur corps ? 

J’ai été dans une salle de sport mixte et je peux vous dire combien c’est insupportable de courir sur un tapis et de voir un vieux mec derrière vous scruter votre postérieur. Vous n’avez plus envie d’y remettre les pieds, à la fin… Et une salle de sport non mixte m’aurait fait le plus grand bien… De nombreuses femmes, quelle que soit leur couleur de peau ou leur religion, partagent cette pensée. Pouvons-nous encore exprimer ces mots — ces maux — sans être taxées de séparatistes ?

 

Nihed

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Femmes exilées Portraits

Femme exilée #1 : Haneen

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Cet article est le premier de la série Femmes exilées. J’y raconte de façon bienveillante les récits de femmes ayant dû fuir leur pays, avec qui j’ai échangé le temps d’un café. Je retranscris dans ce portrait la façon dont Haneen a réussi surmonter les difficultés liées à la guerre en Irak et à l’exil en France, pour être heureuse.

 

J’étais bénévole dans une association, elle était demandeuse d’asile. Elle souhaitait que je l’aide à effectuer les démarches nécessaires pour exercer sa profession de pharmacienne en France. C’est ainsi que Haneen et moi nous sommes rencontrées.

Inconsciemment, j’avais collé une étiquette à Haneen : elle n’était pas Haneen, elle était une demandeuse d’asile irakienne, arabe, musulmane. J’étais partie du principe que mes portraits seraient nécessairement politiques, que les femmes que j’interrogerais se confieraient sur les raisons qui les avaient poussées à fuir leur pays d’origine, sur les discriminations qu’elles subissaient en tant que femmes étrangères en France, sur leur précarité.

Lorsque j’ai demandé à Haneen si elle accepterait d’être interrogée pour mon projet d’articles sur la situation des femmes musulmanes exilées en France, elle m’a répondu : « Oui avec plaisir, mais je ne souffre pas de problèmes à cause d’être musulmane ici. Je ne sais pas s’il va enrichir ton article ou pas. » Étonnamment, Haneen a raconté son histoire sans s’exprimer sur les sujets que j’attendais. Elle a vaguement évoqué ses difficultés de logement, le fait qu’elle attendait depuis deux ans la décision de l’Ofpra (Office de protection des réfugiés et des apatrides) concernant sa demande d’asile. Mais c’est avant tout sa philosophie du bonheur, sa façon de surmonter les difficultés qu’elle voulait me partager.

 

Le long chemin vers le bonheur

A 18 ans, après le décès de sa mère, Haneen a décidé de s’occuper de son petit frère et de sa sœur handicapée mentale. A 28 ans, elle a quitté l’Irak pour la Jordanie après avoir été menacée à plusieurs reprises. A 32 ans, elle est arrivée en France.

Malgré toutes les souffrances qu’elle a vécues, Haneen est une optimiste, une amoureuse de la vie, qui s’émerveille devant une musique qu’elle entend pour la première fois ou devant le goût d’un gâteau. Ses phrases, retranscrites à l’écrit, perdent en profondeur. Plus trace de l’accent chantant, des fautes de français, du sourire lumineux de Haneen. Il faut être face à elle pour profiter pleinement de sa sagesse.

 

Crédits : Léa Trividic, @lea_trivi

 

C’est sans doute sa conception du bonheur qui m’a le plus marquée. « Le bonheur, ce n’est pas un état à atteindre, ce n’est pas un niveau, ce n’est pas quelque chose de concret comme une grande maison ou de l’argent. Toutes ces choses viendront, mais elles seront les conséquences d’une manière de penser. » Alors qu’elle ne sait pas encore où elle étudiera cette année, qu’elle attend toujours d’obtenir le statut de réfugiée, Haneen est heureuse, sa foi l’aide à être confiante. Elle fait ce qu’elle doit faire, accomplit les démarches logiques, puis laisse « la vie faire son travail ».

Haneen ne se raccroche pas aux catégories dans lesquelles on aurait tendance à la placer : elle est humaine avant tout. « Je sens que j’appartiens à toutes les religions, je trouve toutes les religions dans ma personnalité. » « Le karma », « Dieu », « le ciel », sont pour elle des mots différents qui désignent la même chose.

 

Une identité « orientale et occidentale »

Aujourd’hui, séparée pour la première fois de son frère et de sa sœur, Haneen se sent enfin libre. Elle prend le temps de façonner sa nouvelle identité, orientale et occidentale à la fois, en retenant le meilleur de chaque culture. De sa culture irakienne, Haneen conserve sa timidité. En France, elle apprécie le fait de pouvoir s’habiller comme elle le souhaite et sortir sans maquillage sans subir de jugement.

« La dignité, c’était le bonheur manquant dans mon pays. » C’est moi qui insiste pour qu’elle explique. Son front se plisse lorsqu’elle évoque la corruption, les meurtres de journalistes et de manifestants, les mères endeuillées, les ouvriers qui travaillent malgré le confinement pour ne pas mourir de faim. « Ce qui est considéré ici comme un droit c’est quelque chose qu’il fallait arracher là-bas : l’eau, l’éducation, la santé, le travail. »

Haneen dénonce plusieurs travers de la société irakienne concernant la situation des femmes : l’éducation des filles à être avant tout des mères et des épouses, la stigmatisation de la femme divorcée, l’obligation de porter le voile dans certains lieux. Gênée de critiquer son pays, elle nuance toujours, et insiste sur le fait que chaque société a ses défauts.

Elle me raconte ce qui lui manque de l’Irak. Là-bas, on finit de travailler à 14h, ce qui laisse le temps de faire la sieste, de regarder la télévision, de boire le thé. Elle et ses amies avaient l’habitude de boire le café ensemble, puis de lire l’avenir dans le fond de la tasse. En Irak, on peut voir le ciel car les rues sont larges, bordées de maisons, sans hauts bâtiments. On accorde beaucoup de valeur aux relations entre voisins : les nouveaux arrivants sont accueillis par un grand repas, on toque sans cesse les uns chez les autres, pour discuter ou apporter un plat.

 


Crédits : Léa Trividic, @lea_trivi

 

L’après-midi qui suit notre rendez-vous, Haneen reçoit la réponse de l’Ofpra : on lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire, qui lui donne droit à une carte de séjour de quatre ans. Elle espère obtenir à l’issue de ces quatre ans la nationalité française. Elle a finalement abandonné l’idée d’être pharmacienne, pour se consacrer à ce qui l’anime vraiment : l’humanitaire. Elle étudiera cette année en master de santé publique, tout en suivant une formation sur les migrations contemporaines. Sa carte de séjour lui permettra de travailler en parallèle de ses études pour payer son loyer. « C’est grâce à mon Dieu » m’écrit-elle.

 

Crédit image à la Une : Léa Trividic, @lea_trivi

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