Catégories
Femmes musulmanes dans l'histoire Portraits

Fatima Al Fihria : fondatrice de la plus ancienne université au monde

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

« Lis, lis au nom de ton Seigneur », telle fut la première révélation faite au prophète de l’islam par son Créateur, telle fut la première révélation qui vint alimenter le célèbre livre sacré consulté quotidiennement par les musulman.e.s. Face à cette révélation, il va de soit que la recherche du savoir est centrale et fondamentale. Ce premier verset en est un rappel, destiné à l’ensemble des croyant.e.s, femmes, hommes et enfants confondu.e.s.
La femme dont nous allons parler aujourd’hui l’avait semble-t-il très bien compris. Elle fut de ceux et celles qui consacrèrent leur vie, leur temps et leur fortune pour l’acquisition de cette finalité. La femme dont nous allons parler, bien plus que de rechercher le savoir à son échelle, fit le choix de créer les outils qui permirent à un grand nombre de personnes, musulman.e.s comme non-musulman.e.s, croyant.e.s comme non croyant.e.s d’accéder au savoir dans sa globalité.
Fondatrice de la première université du monde, Fatima Al Fihria dédia tout ce qu’elle avait à ce projet qu’elle voulut penser comme un cadeau, une offrande au nom du divin. Marchons ensemble sur ses pas et découvrons son incroyable impact qui perdura bien après la date de son décès.

Issue du célèbre clan de la famille des Fihrides, c’est à Kairouan en l’an 800 que Fatima vit le jour. Elle fut la fille de Mohamed al-Fihri, un riche marchand connu dans toute la ville de Kairouan. C’est dans cette ville commerçante que Fatima et sa sœur Maryam grandirent et évoluèrent. Elles y nourrirent leur curiosité, et flânèrent ensemble à travers les allées du souk faites de marchands d’épices, de parfums, de bijoux et de métaux précieux en tout genre.

Issues d’une famille pieuse et pratiquante, les deux sœurs reçurent très tôt une éducation religieuse portée sur l’apprentissage des textes sacrés et des histoires relatives à la vie du prophète et à ceux et celles l’ayant accompagné.e.s.

A l’âge de 19 ans, Fatima se maria avec l’un de ses voisins. Ensemble, ils eurent deux fils. Leur éducation devint alors sa priorité et partout où elle allait, les deux jeunes garçons l’accompagnaient, ce qui lui valut le surnom de Oum Al Banine, « la mère des deux enfants ». Alors qu’ils vivaient paisiblement en famille, plusieurs événements tragiques vinrent bousculer leur quotidien.

Aux alentours des années 820, la mère de Fatima et de Miryam décéda, laissant place à un immense chagrin familial, car la figure maternelle occupait une place centrale. Encore endeuillée, la famille dut faire face aux violentes émeutes qui éclatèrent à Kairouan, la conduisant à fuir l’insécurité pour s’exiler au Maroc. C’est dans la ville de Fès, où déjà plus de 800 familles musulmanes et juives venues d’Andalousie s’étaient réfugiées, qu’ils décidèrent de poser bagage en 825.

Quelques années après leur arrivée, l’époux et le père de Fatima décédèrent. Les deux sœurs devinrent donc les héritières d’une fortune conséquente. Après réflexion, elles décidèrent toutes deux de dépenser leur héritage au service de la communauté pour honorer la mémoire de celui qui leur avait tout donné. Souhaitant vivre dans la dévotion et l’extrême simplicité, elles consacrèrent l’ensemble de leur richesse à la construction d’œuvres pieuses.

Fatima, bien que n’ayant aucune compétence en architecture, souhaita commencer avec la construction d’une mosquée dans le quartier d’Al Quaraouiyine. Elle acheta donc à proximité un terrain nu. Entourée de personnes pour la conseiller, elle commença à creuser les premières fondations le premier jour du mois de Ramadan de l’an 859.

Pendant que Fatima entreprit le chantier de la mosquée Al Quaraouiyine, sa sœur Maryam dirigea la construction d’une mosquée dans le quartier Al-Andalous. Fatima fit le choix d’extraire tous les matériaux de construction d’un terrain voisin et s’engagea à jeûner tous les jours jusqu’à la fin des travaux. Elle jeûna donc trois années durant et fonda la mosquée Al Quaraouiyine ainsi qu’une université accolée. Elle construisit donc la plus ancienne université du monde encore en activité aujourd’hui.

Fès, qui faisait déjà partie des villes les plus influentes du monde musulman, joua un rôle encore plus central avec la fondation de cette mosquée et université. Des grand.e.s penseur.se.s du monde entier s’y rendaient afin d’étudier. Parmi ceux et celles-ci l’on peut notamment citer Abou Al-Abbas al-Zwawi, Abou Madhab al-Fâsi, un grand théoricien de l’école malékite, ou encore Léon l’Africain, le célèbre voyageur et écrivain. Des sommités y auraient notamment enseigné, l’on peut citer, le grand Ibn al-‘Arabi, l’historien Ibn al-Khaldoun ou l’astronome andalous Al Bitruji.

L’université joua un rôle de premier plan dans les relations culturelles et universitaires entre le monde islamique et l’Europe. En effet, l’université ne dispensa pas seulement un savoir religieux, mais un savoir profane et scientifique y étaient rendu accessibles. Ainsi des cours de grammaire, de médecine, de mathématiques, d’astronomie, de chimie, d’histoire, de géographie, et même de musique étaient proposés !

Cette polyvalence en fit une institution de savoir à part entière. Grâce à Fatima, Al Quaraouiyine attira ainsi des érudit.e.s et des étudiant.e.s du monde entier, et de toutes confessions. Un célèbre philosophe et théologien juif, Ibn Maimoun ou encore Gerbert d’Aurillac, qui devint le pape Sylvestre II furent également des élèves assidus.

Aujourd’hui, la mosquée comprend l’une des plus grandes bibliothèques du Maroc et contient notamment des milliers d’ouvrages et manuscrits rares, comme le Muwatta de l’imam Malik et la Sirah d’Ibn Ishaq.

Fatima el Fihriya mourut en 880 à l’âge de 80 ans. Nul ne sait où elle est enterrée, ni ne connaît sa descendance. Cependant, son œuvre, la Quaraouiyine, est reconnue dans le monde entier. Le Livre Guinness des records et l’Unesco la présente notamment comme l’université la plus ancienne au monde, bien avant ¬Bologne, Oxford, Salamanque ou La Sorbonne.

Aujourd’hui, il est attesté que la générosité, la bonté et l’intelligence de Fatima permirent l’émergence d’un des plus grands centres architectural et intellectuel. Œuvrer dans ce bas-monde pour satisfaire Dieu et construire son au-delà fut la devise de Fatima, si bien qu’elle la traduisit quotidiennement en actions.

Pour la construction de cette mosquée et le don de temps et de moyens qu’elle consacra pour la réaliser, Fatima est très respectée au Maroc et notamment à Fès où un musée lui est dédié. Plusieurs prix en son honneur nous rappelle le fascinant travail qu’elle a effectué.

Un prix portant son nom fut créé en 2017 par le Programme MED21, un réseau de Prix meditéerranien, afin de récompenser les initiatives pour l’accès des femmes à la formation et aux responsabilités professionnelles ainsi qu’un programme universitaire et une bourse « Erasmus Mundus Fatima al-Fihri », destinée aux étudiant.e.s universitaires d’Europe et d’Afrique du Nord.

Alors si un jour vous vous rendez dans la ville de Fès, n’oubliez surtout pas d’aller marcher sur ses pas en entrant visiter l’université et prier en sa mémoire dans la célèbre mosquée.

Crédit image à la une : Imène. Imène est graphiste, illustratrice et rédactrice. Pour découvrir ses projets et travaux, je vous invite à visiter ses différentes pages :
➡️ benhimene.wixsite.com/nomfeminin
➡️ www.raconte-editions.fr
➡️ Et page Instagram @raconte_editions

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
Portraits

Fatima El Fihriya : fondatrice de la plus vieille université encore active du monde

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

Il était une fois, il y a plus de mille ans, l’histoire d’une petite fille, Fatima El Fihriya. Fatima vivait dans une ville, Kairouan, bordée par le désert dans l’actuelle Tunisie. On affirme qu’elle est issue du clan des Banu Fihr de la tribu de Quraych, envoyée à Kairouan par Muawiya Ier, calife omeyyade de Damas, pour propager l’Islam en Afrique du Nord. Découvrez son œuvre, la richesse de son cœur et de son âme à travers son histoire.

 

Une enfant curieuse, et pleine de ressources

 

Kairouan est une ville commerçante, c’est le carrefour des caravanes du monde entier. Cette ville permet à Fatima de nourrir sa grande curiosité naturelle. Là, au milieu des marchands d’épices, d’étoffes, de parfums, de bijoux, de métaux précieux, d’animaux, de fruits et légumes, Fatima s’abreuve des histoires que chacun raconte, des récits d’aventures des voyageurs, elle en apprend chaque jour un peu plus sur le monde. Là, à Kairouan, c’est comme si elle explore le monde et ses contrées lointaines.

Fatima est orpheline de mère, et vit avec son père et sa soeur aînée, Maryam. Mohamed El Fihriya, marchand à Kairouan, prend grand soin de ses filles. Fatima est très marquée par la mort de sa mère, tandis que sa sœur Maryam est confrontée à la réalité et tâche de s’occuper de la maison de son mieux. Fatima suit beaucoup son père dans son travail, et l’interroge sans cesse sur ses activités. Elle pose mille et une questions, et trouve un père patient et bienveillant, qui lui donne une bonne instruction au fil des années. On dit que Mohamed El Fihriya agit ainsi car il se souvient des paroles du prophète de l’Islam, Muhammad, sur l’éducation des enfants.

Crédit photo : Samia Errazouki/AP Images

Crédit photo : Samia Errazouki/AP Images

Une enfance qui s’interrompt soudain

 

Une nuit, de violentes émeutes éclatent à Kairouan. De nombreux habitants décident de fuir la ville et prennent le chemin du désert. Fatima, son père et sa sœur se mettent ainsi en route, rassemblant le peu d’affaires qu’ils peuvent emmener. Ils voyagent ainsi durant des mois, traversant l’Afrique du Nord, loin des villes qui à cette époque sont à feu et à sang. Ils traversent ensemble les déserts, les montagnes. Le père de Fatima craint pour ses filles. Quel avenir auront-elles à présent ? C’est alors qu’après de longs mois de marche, ils arrivent aux abords d’une ville frontalière dont ils avaient entendu parler. Épuisés, ils décident de s’y installer. Les voici à Fès en 825. Après les réfugiés andalous, ce sont donc les réfugiés de Kairouan qui sont accueillis dans l’enceinte de cette ville prospère et généreuse.

Les années passent, Fatima devient une femme. Elle est toujours aussi curieuse, enthousiaste, pleine de vie en plus d’être très pieuse. En effet, son père Mohamed leur donna à elle et son aînée une éducation religieuse stricte, leur transmettant des valeurs comme l’humilité, la générosité, l’amour de son prochain. Fès est une ville commerçante, et surtout le quartier des Kairouanais qui s’y sont réfugiés. Comme à Kairouan, Fatima se plaît au milieu de toutes ces cultures qui se croisent, de tous ces trésors du monde. Son père reprend les affaires et leur famille redevient aisée, tandis que Maryam s’occupe toujours de la maison. C’est alors que quelque chose sort Fatima de son quotidien, elle qui n’a que faire des bijoux et autres objets de parure. En effet, des érudits du monde entier se retrouvent à Fès pour discuter, échanger, construire des savoirs ensemble. Comme lorsqu’elle était enfant, elle se remet à rêver de connaissances, de sciences, d’histoire, d’astronomie, des langues du monde et de poésie…

 

Un père aimant qui disparaît, une mosquée qui s’érige

 

Un drame arrachera encore une fois Fatima de ses rêves de connaissances. Son père tombe gravement malade, et Fatima reste à son chevet sans cesse. La jeune femme ne sort plus, préférant parler à son père, lui raconter ses découvertes… Mais sa mission sur terre étant achevée, Mohamed El Fihriya quitte ce monde entouré de ses deux filles. Fatima, qui avait souffert enfant de la mort de sa mère, est de nouveau très affectée par la mort de son père. Elle ne mange plus, ne dort plus, n’ouvre plus un livre. Sa période de deuil fut longue. Sa sœur Maryam s’occupe d’elle durant de longs mois, à tenter de lui redonner goût à la vie.

Fatima décide de se rappeler de ce que son père lui a enseigné, c’est-à-dire regarder l’avenir et avancer. À sa mort, surprise : il leur a légué une grande fortune. Cet argent, considéré comme une épreuve, oblige Fatima à se retirer, à méditer. Fatima décide de le dépenser au service de la connaissance, de la foi. Elle décide de faire construire une mosquée, avec les matériaux du pays de son père. La mosquée Al-Qarawiyyin. Les travaux de la mosquée débutent le premier jour d’un mois de Ramadan, et se terminent en 245 de l’hégire, c’est-à-dire en 859 du calendrier grégorien.

 

Crédit: Samia Errazouki/AP Images

Crédit photo : Samia Errazouki/AP Images

 

De la mosquée à l’université

 

Le travail effectué par Fatima El Fihriya est titanesque. Sa position en tant que femme ne lui facilite pas la vie, alors qu’à l’époque, dans toutes ces sociétés patriarcales, il est dur d’être entendue et écoutée sans être « la femme de… » ou « la fille de… », Fatima est seule, riche, et surtout n’est pas intéressée par un rôle particulier au sein de la société. Elle met au contraire toute son énergie et toute son âme à aider son prochain, à accueillir dignement les nouveaux réfugiés. Elle continue de rechercher la science, la sagesse et se recueille beaucoup. Elle ne cherche même pas à construire sa place au Paradis, elle est détachée et sincère. Elle voue sa vie à son Créateur sans intérêt personnel aucun.

En quelques années, la mosquée qu’elle a financée est très respectée, et attire de grands savants. Des conversations dans la cour de la mosquée aux leçons données par de grands érudits, la mosquée devient une école très renommée, l’une des meilleures de la région. Aujourd’hui, c’est toujours l’université de Fès, et il s’agit de l’université encore en activité la plus ancienne au monde !

 

Fatima El Fihriya, femme ou personnage légendaire ?

 

Des historiens démentent aujourd’hui le fait que Fatima Al Fihryia ait vraiment fait construire la mosquée Al-Qarawiyyin. Certains débattent également sur l’existence même de cette femme. En effet, aucune source historique ne mentionnerait son existence entre le IXème siècle et le XIIIème siècle. Mais alors pourquoi aucune source maghrébine ni andalouse ne cite son nom durant ces siècles ? Pourquoi aucune source historique n’apporte d’autres explications ? Pourquoi ces auteurs masculins ne la mentionnent à aucun moment, même s’ils ont étudié au sein de la mosquée Al-Qarawiyyin ? Son souhait de rester discrète et humble aurait-il suffit à empêcher tout un peuple de la mentionner dans les témoignages ? Pourquoi tant de mystères autour de la construction de cette mosquée ?

« Pourquoi, alors que ce lieu est vraiment l’épicentre à la fois du pouvoir, de l’intellect et de l’islam, là où les oulemas, les docteurs de la foi et les juristes sont formés, là où la jurisprudence se fait, un lieu éminemment masculin, pourquoi on aurait, si elle n’avait pas existé, choisi (dans les écrits) une femme pour fonder ce lieu éminemment masculin ? » se questionne Frédéric Calmes, anthropologue et journaliste.

Pour Mohamed Mezzine, historien de la ville de Fès, un personnage fictif féminin à cette époque est un symbole : « Il s’agit là d’une preuve symbolique attestant que la femme jouait un très grand rôle pendant cette époque. C’est ainsi qu’Ibnou Abi Zaree (auteur d’Al-Qirtass) a insisté sur le rôle joué par la femme au XIVème siècle dont il est issu. » Ibnou Abi Zaree est l’écrivain qui mentionne pour la première fois Fatima El Fihriya.

 

Le diplôme original de Fatima El Fihriya, préservé dans l'université Al-Qarawiyyin Crédit: Samia Errazouki/AP Images

Le diplôme original de Fatima El Fihriya, préservé dans l’université Al-Qarawiyyin
Crédit photo : Samia Errazouki/AP Images

 

Légende fabuleuse, ou femme discrète restée dans l’ombre pendant plusieurs siècles, son histoire n’en reste pas moins inspirante et positive pour les femmes du monde musulman et au-delà ! Fatima El Fihriya vivra toujours dans nos cœurs, et son histoire portera encore très longtemps ce message optimiste qu’est la place des femmes dans la société.

 

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_row_inner][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]