Malahayati, première femme amirale

par | 28/05/20 | Femmes musulmanes dans l'histoire, Portraits

[Publié initialement le 21 mai 2019]
Après 15 jours passés à vous présenter des femmes musulmanes du monde entier, il n’est plus à prouver que l’histoire de l’islam regorge de femmes musulmanes inspirantes, fascinantes, conquérantes et profondément intelligentes. Elles, si nombreuses à avoir accompli un travail remarquable, un travail inoubliable, un travail mémorable au cours des siècles, nous rappellent l’importance de s’engager pour avancer, l’importance de célébrer pour ne jamais oublier.
De la science aux beaux-arts en passant par les sciences islamiques, chaque discipline devrait nous dévoiler ses héroïnes oubliées. Celle que nous allons rencontrer ce soir fut la première de son temps, la première des premières !
C’est le titre d’amirale que Malahayati fut la première femme au monde à porter. Son histoire et ses réalisations sont plus qu’impressionnantes : courage, audace, réussite et passion les résumeront.
Celle qui deviendra la terreur du Golfe de Bengale est en somme une inspiration pour les femmes musulmanes mais également pour le monde tout entier.

Keumalahayati, également connue sous le nom de Malahayati, naquit au XVIème siècle dans le sultanat d’Aceh, royaume musulman ayant pris la succession de Pasai, plus ancien royaume musulman attesté du monde insulindien. Aceh, appelé aussi « le porche de Makkah », en raison de son positionnement stratégique permettant la propagation de l’islam en Asie du Sud-Est, devint très vite un centre politique et religieux. En effet, l’un des plus grands centres d’études religieuses de la région s’y trouvait. Le sultanat d’Aceh contrôlait le stratégique détroit de Malacca, détroit où transitait le commerce entre l’Extrême-Orient et le reste du monde. Déjà à cette époque, le détroit de Malacca suscitait la convoitise des royaumes frontaliers ou plus lointains.

Malahayati, fille de l’amiral Machmud Syah, était également l’arrière-petite-fille du fondateur du sultanat, Ibrahim Ali Mughayat Syah. Son père comme son grand-père étaient tous deux des amiraux très respectés. Admirative et fascinée par les actions qu’ils menaient, Malahayati s’y intéressa très tôt.

Après avoir obtenu son diplôme d’études islamiques à Pesantren, un pensionnat islamique, elle décida de s’inscrire à l’Académie militaire Ma’had Baitul Maqdis. L’Académie lui offrit un enseignement dans les départements de la Marine et des forces terrestres. Son diplôme en poche et éperdument amoureuse, elle épousa l’un des commandants de la marine royale. Mais Malahayati ne pouvait s’imaginer que dans les années qui suivraient son destin basculerait.

L’époque était marquée par de rudes affrontements entre les armées du sultanat d’Aceh et celles des Portugais. Alors que les Portugais s’étaient infiltrés dans le détroit de Malacca et en avaient profité pour le détruire, ils tentèrent par la suite d’envahir Aceh. C’était sans compter sur la ferveur des troupes d’Aceh qui, au détriment de nombreuses vies, les repoussèrent lors de la bataille de la baie de Haru. Lors de cette bataille, des milliers de soldats et marins du sultanat tombèrent. Le mari de Malahayati en faisait partie.

C’est ainsi que Malahayati se promit de venger la mort de son mari, et de combattre aussi longtemps que son Créateur ne l’aurait pas rappelée auprès de lui.

Déterminée à continuer le combat porté jusqu’alors par son époux, elle demanda au sultan de lui octroyer la permission de créer sa propre armada composée des veuves de l’armée d’Aceh. Après approbation, Malahayati bénéficia d’une base navale, d’une forteresse et d’une flotte de plusieurs navires. Ainsi, elle créa son armada et la baptisa «Inong Bale Armada». Le sultan lui-même la nomma amirale, elle devint ainsi la première amirale de l’histoire.

Accompagnée par son armée, durant de longues années, Malahayati se donna pour mission de protéger les frontières et les routes commerciales du sultanat sans relâche. Elle lutta quotidiennement contre les visées coloniales des Portugais et des Hollandais.

En 1599, dans l’optique d’établir des relations commerciales plus stables et plus durables, Cornelis de Houtman et son frère Frederik, tous deux commandants hollandais se rendirent auprès du sultan qui les accueillit pacifiquement. Cela ne dura qu’un court instant. En effet, Cornelis, en choisissant un traducteur portugais, commit une grave erreur diplomatique. Son choix fut considéré par le sultan comme un affront et un réel manque de considération. Furieux, ce dernier ordonna alors l’assaut. S’ensuivit une série de batailles navales opposant les deux camps. C’est l’amirale Malahayati qui parvint alors à tuer le commandant hollandais Cornelis de Houtman et à emprisonner son frère.

Cette victoire et son exploit lui valurent d’être respectée par l’ensemble des armées et ce au-delà des frontières de Aceh. Elle fut alors nommée Commandante de la Garde Royale du palais et Ministre des affaires étrangères du sultanat, négociant notamment à présent des traités commerciaux. Ce nouveau poste lui valut en 1600, lorsque l’Angleterre entra dans le détroit de Malacca, de négocier directement avec la reine Elizabeth Ière. Cette dernière demanda alors à discuter directement avec Malahayati pour qui elle éprouvait un profond respect. Ensemble, elles trouvèrent un accord pacifique. L’accord ouvrit la voie anglaise vers Java et permit rapidement de construire des bureaux de commerce à Banten.

Cependant, comme une prophétie, Malahayati décéda quelques années plus tard lors d’un nouvel assaut contre les Portugais et ce, dans la baie du détroit de Malacca.

Quelle fascinante histoire que celle de Malahayati, pourtant encore trop méconnue ! Cette première femme amirale est sans conteste l’une des grandes figures féminines ayant marquée l’histoire islamique. Reconnue et célébrée en Asie, l’on peut notamment trouver aujourd’hui à Sumatra, des universités, hôpitaux, routes et villes portant son nom. Il ne fait aucun doute que le nom de Malahayati est à retenir et à diffuser.

Crédit image à la une : Sist’art. Les 3 soeurs du collectif Sist’art nous font une fois de plus l’honneur de collaborer ! Pour découvrir leur univers, rendez vous sur instagram : @taekanddoart et @sistart.comics

Diffuse la bonne parole