Joëlle Najar, la voix humaine au service des animaux

par | 28/10/19 | Portraits

Joëlle Najar est à la fois antispéciste et musulmane. D’origine suisse, elle vit en Tunisie depuis sept ans. Elle y fonde en 2017 l’association Alvia la voix des animaux, afin de sensibiliser la population aux droits de ces êtres vivants.

 

“Je suis née avec les animaux, il y en a toujours eu dans ma famille”, ce qui explique le fait qu’elle ait toujours été sensible à leur cause. “Au grand désespoir de ma mère, je suis toujours venue en aide aux animaux que je trouvais blessés, qu’il s’agisse de chats, de pigeons ou d’oisillons”. Son association se veut apolitique. Cependant, elle aurait apprécié rejoindre un parti animaliste, ce qui n’existe pas encore en Tunisie. Joëlle insiste néanmoins sur l’importance de la maltraitance dans le monde entier, malgré la présence de lois visant à protéger les animaux dans certains pays. La présidente de l’organisation antispéciste était très touchée en voyant de nombreux animaux souffrir dans les rues. “Je ne pouvais pas être confrontée chaque jour à cette souffrance, malheureusement nous ne pouvons pas tous les sauver mais rester sans rien faire m’était impossible”. Elle est très triste de voir plusieurs personnes considérer les animaux comme “de vulgaires marchandises”.

 

Islam et antispécisme

 

Cette lutte est liée à sa foi musulmane. “Les musulman·e·s  se doivent de comprendre que les animaux seront entendus par Dieu, comment pouvons-nous donc les traiter de la sorte ?”. Elle affirme ainsi que ces êtres sont très importants en islam. En effet, bien que le végétarisme paraisse nouveau, Joëlle tient à rappeler que ce mouvement n’est pas récent. La norme consistait à manger de la viande assez occasionnellement, notamment par manque de moyens. Cela est d’ailleurs défendu par Mohamed Houbaida, auteur de l’ouvrage Le Maroc végétarien, XVème – XVIIIème siècles, dans lequel il explique que la colonisation a renforcé la consommation de viande au Maroc. “Malheureusement, à cause du lobby de la viande, on ne voit plus l’animal mais uniquement le steak”, déplore Joëlle. Elle espère que les êtres humains puissent de plus en plus prendre conscience du fait que “les animaux forment des communautés comme nous, tout en étant doués de sens comme les êtres humains”. Cela rappelle le verset 38 de la sourate 6 du Coran, intitulée Al An’am, Les Bestiaux.

Nulle bête marchant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne soit comme vous en communautés.

 

Se rendant régulièrement en Tunisie depuis vingt ans et vivant dans ce pays depuis sept ans, Joëlle se rend compte d’une véritable évolution concernant la sensibilisation aux droits des animaux. “C’est un grand pas en avant”, se réjouit-elle. Néanmoins, elle déplore encore le manque de lois visant à protéger les animaux. “Les gen·te·s ne portent pas plainte et lorsqu’iels le font, iels ne sont généralement pas entendu·e·s”. Ainsi, son organisation permet une aide juridique. De plus, Alvia la voix des animaux est en contact avec plusieurs autres associations animalistes dans le monde entier, à l’instar des Musulmans végétariens et véganes, publiant régulièrement des portraits de musulmans prônant les droits des animaux, bien que cet aspect de leur vie soit souvent inconnu. C’est par exemple le cas du grand poète syrien Al Ma’arri ou encore de l’amazigh Moulay Bouazza. Cette association publie aussi plusieurs hadiths (ensemble des traditions relatives aux paroles et actions du prophète Muhammad) et versets du Coran en faveur des animaux.

 

L’antispécisme en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

 

Joëlle est d’ailleurs heureuse de l’existence d’un festival vegan en Afrique du Nord, qui aura cette année lieu à Casablanca, la capitale économique du Maroc. “Je pense que c’est une très belle initiative et que cela peut aider la cause animale en prouvant qu’il existe plusieurs alternatives à la viande”. L’alimentation est effectivement très importante pour de nombreux·ses antispécistes. “Le lobby de la viande est vraiment terrible, je pense qu’une personne qui en a vraiment conscience ne peut cautionner que cela se trouve dans son assiette”, estime-t-elle. La militante insiste cependant sur l’importance de la sensibilisation dans le respect, sans agressivité et sans accusation. L’écologie constitue également une lutte très importante pour Joëlle, qu’elle considère liée à la cause animale. Elle avait en effet lancé une entreprise cosmétique en 2009, n’utilisant que des matières premières bio afin de constituer des produits de beauté sans produit chimique.

 

Affiche du festival vegan du MarocVegFest 2019. Crédit : VegFest.

 

Alvia la voix des animaux n’est cependant pas l’unique association antispéciste du monde arabe. En effet, la Palestinian Animal League a été créée en 2011 en Palestine, tout en prônant la libération du peuple palestinien. Simohammed Bouhakkaoui est également le vegan le plus connu du Maroc, expliquant en darija la cause animale, comme nous pouvons le voir sur sa chaîne Youtube. C’est lui qui est d’ailleurs à l’origine du Vegfest, premier festival vegan d’Afrique du Nord, créé en 2018. Ayant eu lieu à Fès l’année dernière, il se tiendra cette année à Casablanca.

 

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