Lallab est une toute jeune association fondée par deux jeunes femmes qui ont un rêve commun : vivre dans une société qui n’a pas peur de l’altérité et qui permet à chaque femme de s’épanouir non pas malgré ses identités multiples mais grâce à elles ! Oui, mais voilà. Notre jeune association se heurte déjà à l’objet même de sa création : les discriminations.
Un voyage pour lutter contre les préjugés sur les femmes musulmanes
Nous nous sommes rencontrées sur les bancs de l’école lors de notre Master en Relations Internationales à Paris. Notre amitié s’est construite sur des passions communes et essentielles à nos yeux : l’humour pourri, les chorégraphies frénétiques sur Beyonce et le féminisme (❤). Nous, c’est Sarah Zouak (26 ans), française, marocaine et musulmane; et Justine Devillaine (25 ans), française et athée.
Sarah a trop souvent eu l’impression que pour avoir une place légitime au sein de sa société en France, elle devait nier une partie d’elle-même. Les gens se sont souvent étonnés de la voir épanouie et bien intégrée, comme si la religion était un obstacle à son émancipation. A croire que les femmes musulmanes sont par essence soumises et oppressées.
En 2014, face à ce constat, elle fonde le Women SenseTour — in Muslim countries, un projet qui prend la forme d’un voyage de 5 mois dans 5 pays (Maroc, Tunisie, Turquie, Iran et Indonésie) pour aller à la rencontre de 25 femmes musulmanes actrices du changement et agissant toutes pour l’émancipation des femmes. Le but de ce voyage ? Déconstruire les préjugés et changer l’image des femmes musulmanes à travers la réalisation d’une série documentaire.
Justine décide de l’accompagner en Iran et en Indonésie. Et ensemble, lors de ce long voyage du WST, nous rencontrons des femmes que l’on n’a pas l’habitude de voir dans les médias : des musulmanes qui font bouger les lignes; des femmes qui allient sereinement leur foi et leur engagement pour l’égalité.
Retour en France pour transformer la société
De retour en France en juin 2015, face à l’ampleur des problématiques soulevées par la thématique des femmes musulmanes, mais surtout face au manque de contrepoids pour apporter un éclairage différent, nous décidons de continuer notre travail et d’aller encore plus loin !
Nous nous mettons donc à plein temps sur la réalisation de la série documentaire et nous co-fondons une association qui a pour mission de lutter contre les préjugés subis par les femmes musulmanes — liés au genre, à la race et à la religion — et susciter l’inspiration pour permettre aux femmes de devenir pleinement les actrices de leur propre vie.
Alors chaque jour, nous mettons toute notre énergie, notre détermination et notre optimisme pour façonner un monde dans lequel les femmes choisissent en toute liberté les armes de leur émancipation.
De nombreux obstacles
Ironie du sort, notre association de lutte contre les discriminations est victime de … discrimination.
L’une des premières actions quand l’on crée une association, après le dépôt des statuts et la déclaration au Journal Officiel, c’est l’ouverture d’un compte bancaire. Ce qui, dans notre cas, s’est avéré plus facile à dire qu’à faire.
Nous choisissons le Crédit Agricole et nous rendons à l’agence d’Ivry-sur-Seine (94) le 17 février pour ouvrir un compte.Tout se passe bien jusqu’à ce que la banquière lise l’article 2 de nos statuts, à savoir l’objet social de l’association. On vous laisse les lire également, pour que vous compreniez l’ampleur du “problème”.
Le fait que l’on ne travaille que sur les “femmes musulmanes” gêne. Nous repartons sans ouvrir de compte ce jour-là, mais on se dit qu’ils veulent juste un délai supplémentaire, qu’ils sont un peu méfiants mais qu’ils vont nous ouvrir le compte assez rapidement. Optimisme, c’est notre deuxième prénom 😀
Le 15 mars, nous recevons un mail qui nous demande “les flux attendus sur cette association” ce qui, après éclaircissements, signifie “d’où va venir l’argent exactement”. Nous répondons mais, trois jours plus tard, recevons ce mail :
Le Crédit Agricole a donc refusé d’ouvrir un compte courant pour notre association. Quand nous leur demandons avec insistance les raisons de ce refus, nous n’obtenons aucune réponse.
Pourquoi c’est grave et pourquoi nous vous racontons cette histoire ?
Vous pensez peut-être : “C’est vraiment pas sympa de la part du Crédit Agricole, mais vous pouvez aller ouvrir un compte dans un autre banque”. C’est vrai, et c’est bien entendu ce que nous allons faire. Mais cet événement n’est certainement pas anodin et doit absolument être dénoncé !
1/ Mettre en lumières les préjugées dont sont victimes les femmes musulmanes
Ironiquement, ce genre d’opposition ne sert qu’à légitimer notre travail et à illustrer ce que nous dénonçons au quotidien. Régulièrement, quand nous expliquons que nous voulons déconstruire les préjugés dont sont victimes les femmes musulmanes, parce que ceux-ci sont vecteurs de discriminations et de violences, certaines personnes sont sincèrement étonnées et nous demandent “mais de quelles discriminations parle-t-on, exactement ? Il y a vraiment des discriminations envers les femmes musulmanes aujourd’hui en France ?”.
La réponse, évidemment, est oui. Un chiffre ? Les femmes musulmanes représentent plus de 80% des agressions islamophobes (source CCIF). Elles sont au cœur d’oppressions racistes et sexistes !
2/ Dénoncer les discriminations systémiques
Les femmes musulmanes sont régulièrement discriminées, ce qui signifie qu’on leur refuse l’accès à un service, à un logement, à des soins ou encore à un travail à cause de leur identité. Pour une banque, refuser d’ouvrir un compte bancaire à un.e client.e, c’est lui refuser l’indépendance économique, c’est le.la rejeter d’un système qui impose aux personnes d’avoir un compte pour les actions les plus basiques de la vie. C’est une véritable violence. Et celle-ci ne vient pas uniquement d’une décision individuelle, mais s’inscrit dans une logique plus globale et systémique. Et nous ne pouvons pas nous permettre de taire la volonté de rejet derrière une telle décision. Parce que se taire, quand on a les moyens et la possibilité de s’exprimer, c’est accepter et normaliser.
3/ Saisir les institutions compétentes
La discrimination pour motif religieux est un délit en France ! Et qui dit délit dit potentielle condamnation.
Cette semaine, nous avons donc contacté de nombreuses institutions pour vérifier le caractère illégal du refus du Crédit Agricole de nous ouvrir un compte bancaire. Nous avons ouvert un dossier auprès du Défenseur des droits — institution de l’Etat complètement indépendante et qui a pour mission de lutter contre les discriminations, et favoriser un égal accès de tous et toutes aux droits.
4/ Alerter l’opinion publique
Nous avons souhaité vous raconter cette mésaventure, parce que nous ne pouvons pas nous laisser faire et rester sans réaction face à une telle injustice. Nous ne cherchons pas la confrontation, mais souhaitons simplement que ce genre d’injustices ne se reproduise plus.
Alors n’hésitez pas à partager cette histoire et à la raconter autour de vous. Aidez-nous à mobiliser le plus grand nombre de personnes pour que ce genre d’actions discriminantes cessent.
Pour cela, vous avez TROIS possibilités (les 3 en même temps si possible) :
1/ MAIL : Envoyer un mail au service client du Crédit Agricole Ile de France : service.client@ca-paris.fr et à l’agence d’Ivry-sur-Seine : ivry.sur.seine@ca-paris.fr
OBJET : Discrédit agricole : nous exigeons des excuses ! Dites-leur ce que vous pensez de leur attitude ou juste un court message tel que “Bonjour, j’exige des explications et des excuses publiques suite au refus d’ouverture d’un compte en banque à l’association Lallab”
2/ FACEBOOK : Contacter le Crédit Agricole directement sur leur page Facebook : Crédit Agricole d’Ile de France avec le même message
3/ TWITTER: Continuer la mobilisation sur Twitter avec @AssoLallab
Exemple de message : “Le bon sens a de l’avenir @CA_IDF ? Le sexisme & le racisme aussi ! Soutien à @AssoLallab ! #DiscreditAgricole bit.ly/1Tf6vf6”
MISE A JOUR du 08/04/2016 : Le Crédit Agricole a finalement répondu à notre mobilisation sur Twitter :
Nous estimons que ce retour n’est pas du tout satisfaisant. Il ne suffit pas de dire “ce n’est pas de la discrimination, ce serait contraire à nos valeurs” pour que
1/ La structure toute entière et ses salarié.e.s soient exemptes de pratiques discriminatoires
2/ Cela efface le préjudice que nous avons subi
Nous voulons donc des explications réelles ET des excuses publiques !
La mobilisation continue ! 🙂
Quant à nous, nous sommes déçues de constater que nos valeurs d’égalité ne soient pas partagées par le Crédit Agricole. Nous continuerons donc à changer le monde sans eux !
Sarah ZOUAK et Justine DEVILLAINE
Co-fondatrices de Lallab
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