6 faits sur l’Islam en Asie du Sud-Est qui bousculent les préjugés

par | 14/07/17 | (Dé)construction

Contrairement à ce que beaucoup pensent, être musulman·e ne signifie pas automatiquement être arabe. 40 % de la population libanaise est ainsi chrétienne… et les pays arabes représentent seulement 20 % de la population musulmane mondiale. En réalité, la majorité des musulman·e·s sont asiatiques ! Eh oui, ça surprend – comme en témoigne cet article d’une Américaine d’origine indonésienne. Tant qu’on y est, continuons à bousculer un peu nos stéréotypes…

 

1) La majorité des musulman·e·s ne sont pas arabes

Ça ne fait jamais de mal de se répéter quand il s’agit de fausses idées profondément ancrées dans nos esprits. Les quatre premiers pays musulmans (en chiffres absolus et donc en nombre d’habitant·e·s) sont asiatiques : il s’agit de l’Indonésie, du Pakistan, de l’Inde et du Bangladesh. Selon le Pew Research Center, en 2011, ces 4 pays concentraient 44% de la population musulmane mondiale, soit plus de 700 millions d’individus. En Asie du Sud-Est, la Malaisie se distingue également par son nombre d’habitant·e·s de confession musulmane, et surtout par sa reconnaissance de l’Islam en tant que religion d’Etat.


Crédit photo : Le dessous des cartes
Une carte interactive est également visualisable sur le site de France Culture.

2) L’islam ne s’y est pas répandu « à la pointe de l’épée »

Par exemple, l’introduction de l’islam en Indonésie remonterait au VIIème siècle, pour une réelle propagation entre les XIIème et XIIIème siècles. Les sources s’accordent pour dire que l’Islam y puise ses origines dans le commerce mondial, au travers des échanges que le pays a réalisés avec des marchands musulmans arabes, persans, indiens, mais aussi chinois. La conversion des populations n’est donc pas le fruit d’une contrainte exercée par des envahisseurs extérieurs. Au contraire, l’Islam s’est progressivement intégré dans une société où bouddhisme et hindouisme cohabitaient déjà.

3) Il existe des mouvements féministes menés par des femmes musulmanes

En Malaisie, par exemple, des ONG telles que Sisters in Islam (SIS) cherchent à faire valoir les droits des femmes musulmanes : pédagogie et service d’assistance juridique pour les concernées, rédaction de mémorandums en faveur de réformes légales, etc… Malgré l’opposition de certaines autorités religieuses, elles ont par exemple milité et obtenu la présence de femmes juges dans les tribunaux islamiques. La particularité de ces organisations féministes est qu’elles ne prônent pas un éloignement de la religion pour faire valoir leurs droits, comme c’est le cas d’autres mouvements, mais les puisent au contraire dans les sources islamiques, à travers une relecture se libérant des interprétations patriarcales.

4) Etre un pays à majorité musulmane n’empêche pas de protéger les autres cultes

L’Indonésie, par exemple, s’est toujours revendiquée comme un État séculier et non fondé sur la foi. D’ailleurs, la Constitution ne fait aucune mention de l’Islam. En revanche, l’État reconnaît officiellement six religions : l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme et le confucianisme.


Femmes hindoues en prière à Bali, l’une des 13 466 îles indonésiennes – Source : Thinglink

Divers articles (ici, ou encore ) laissent penser que le gouvernement indonésien prône l’identité plurielle de sa nation, le vivre-ensemble pacifique et une grande tolérance. En témoignent les cinq principes fondateurs (Pancasila) de l’Etat indonésien, qui sont la croyance en un Dieu unique, une humanité juste et civilisée, l’unité de l’Indonésie, une démocratie guidée par la sagesse à travers la délibération et la représentation, et la justice sociale pour tout le peuple indonésien.

5) Des non-musulman·e·s vivant dans un Etat musulman ne sont pas forcément soumis·es à la loi islamique

En Malaisie, l’Islam est la religion d’Etat. L’article 3, paragraphe 1 de la Constitution malaisienne stipule que : « L’islam est la religion de la Fédération ; mais les autres religions peuvent être pratiquées en sécurité et en paix dans toutes les parties de la Fédération ». Entre la théorie et la pratique, il y a parfois un écart à combler : certain·e·s musulman·e·s se sont vu refuser leur conversion au christianisme, en raison de lois sur l’apostasie qui les concernaient exclusivement. Cela est dû à la décision de l’État, en 1988, de se doter d’un double système juridique : l’un relève du droit commun, tandis que l’autre relève de la loi islamique. Ce dernier concerne uniquement les musulman·e·s (environ 60 % de la population), et seulement sur certaines questions (mariage, héritage, mais aussi conversion et apostasie). Ce qui donne parfois lieu à des contradictions… ou des verdicts plus cléments pour les non-musulman·e·s.

6) Les sociétés musulmanes ne sont pas monolithiques

Comme partout, il existe dans ces pays musulmans des groupements religieux plus conservateurs, tout comme des initiatives progressistes. La région de Yogyakarta, sur l’île de Java, en est un exemple : elle est à la fois le théâtre d’actes d’intolérance religieuse en augmentation, selon une étude initiée par l’ONG indonésienne Setara (Institut pour la démocratie et pour la paix), et le lieu qui a accueilli l’école Al Fatah, seule institution islamique au monde pour transgenres (fermée depuis février 2017). Difficile, de notre point de vue extérieur, de saisir toutes les nuances de ces sociétés…

Article écrit par Sylvie, avec l’aide d’Emnus

 

Image à la une : Voice of Baceprot, groupe de métal indonésien – Crédit Rony Zakaria

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