10 phrases qu’on ne veut plus entendre en tant que femme noire ou arabe

par , , | 11/01/17 | (Dé)construction

« Tu vois le mal partout », « C’est pas raciste », « T’as vraiment pas d’humour » … En tant que femmes, respectivement noire, d’origine brésilienne, et arabe, d’origine tunisienne, on commence à connaître ce genre de justifications, et surtout les phrases qui les précèdent. Voici une liste (non-exhaustive) de petites phrases ou clichés que nous sommes lasses d’entendre …

 

1) Laure : « Tu viens d’où ? »

 
Je viens d’ici, je suis née ici, plus précisément dans le Gard, département du sud de la France, donc pour l’exotisme, il faudra repasser. Nul besoin d’être blanc pour être un enfant de la République : j’ai grandi ici, j’ai fait mes études ici, la plupart de mes repères sont ici.
D’apparence anodine et partant généralement d’un bon sentiment, cette question, a priori banale, ne l’est pas tant que ça. Elle suggère que puisque non blanche, je ne suis pas Française ; or qu’est-ce qu’être Français.es ? Le pays est multiculturel, multiconfessionnel et pluriel, nul besoin de me balader avec un béret sur la tête et une baguette sous le bras. Vous avez dit cliché ?
 

Emnus : « Tu viens d’où ? »

 
Personnellement, je ne sais jamais si la personne veut dire « Tu viens de quelle région française ? » ou « De quelle origine sont tes parents, que je puisse comprendre ta tête et ton prénom ? ». Parfois, je fais exprès de répondre par mes origines du côté maternel (en l’occurrence polonaises), et j’attends la réaction, généralement un éclat de rire et/ou un commentaire du type « Non mais allez, en vrai… ».
A l’étranger, ça perturbe aussi beaucoup les gens que je rencontre. En plus de l’habituelle moue incrédule (« J’ai bien entendu ce qu’elle a dit ? »), on m’a déjà demandé s’il y avait des H&M « dans mon pays », expliqué ce qu’était Noël, affirmé qu’on ne connaissait pas le pays dont je disais venir, et j’en passe et des meilleures …
 

2) Laure : « Je suis jamais sorti avec une Brésilienne, vous êtes chaudes, à ce qu’il paraît… »

 

Crédit photo : Tumblr

 
Messieurs, qu’est-ce qui vous passe par la tête pour prononcer de telles paroles ? Alors d’une part, je ne suis pas Brésilienne, je suis Française, et d’autre part, comme la majorité des femmes de ce monde, je suis constituée d’un cœur et dotée de sentiments. Me balancer cette phrase à la figure, sans aucun tact ni délicatesse, m’objectifie sexuellement ; je ne suis pas là pour assouvir vos fantasmes, merci !
Tout au long de ma vie sentimentale, j’ai connu des hommes d’origines diverses, ils ont tous pour point commun d’appartenir à la grande famille de l’humanité, seuls leurs caractères diffèrent. Eh bien breaking news : c’est pareil pour les femmes, non mais !
 

Emnus : « Je suis jamais sorti avec une Arabe, c’est génial parce que j’imagine que tu t’es réservée tout ce temps… Mais avec moi, tu vas pouvoir te lâcher ! »

 
Mais dis donc, tu lis en moi comme dans un livre ouvert ! En même temps, c’est vrai que les femmes arabes sont assez prévisibles : elles vivent toutes dans le déni total de leur sexualité, en espérant qu’un beau jour, un homme (pas arabe, bien sûr) vienne les libérer et leur fasse découvrir leur corps. Admirons le côté bien malsain d’aimer que la femme en question se préserve, mais uniquement à condition qu’elle change d’avis pour lui (en mode « rien que pour moi »).
 

3) Laure : « Tu dois bien danser la samba … »

 
Donc pour résumer, Brésil = samba… Voilà, voilà … Ce géant d’Amérique du Sud regorge de musicien.ne.s et de danseurs.ses qui proposent autre chose que les rythmes entendus au carnaval de Rio, du funk au rock en passant par le hip-hop, et ils le font bien. Le Brésil ne se résume pas à ses danseuses cariocas emplumées, qu’on se le dise ! Donc non, je ne danse pas la samba tous les soirs dans des clubs qui sentent la sueur, en sirotant une Caïpirinha.
 

Emnus : « Quand est-ce que tu me fais une petite démo de danse orientale ? »

Bah écoute, ma petite corne de gazelle, on peut déjà prendre rendez-vous. Je mettrai une lumière tamisée, te servirai du thé à la menthe et mettrai ma tenue pailletée pour remuer lascivement mes hanches devant toi.
 
Crédit photo : elitedaily.com
 
Ou pas.
 

4) Laure : me toucher les cheveux

 
Non mais ça va pas la tête ?! Mes cheveux sont ma propriété et un espace privé, réservés aux intimes et à ma coiffeuse. Au-delà de ce cercle restreint et si vous n’y avez pas été invité.e.s, c’est niet ! Je ne suis pas une bête curieuse, ni un alien, donc merci de garder vos mains dans vos poches.
 

Emnus : faire des commentaires sur mes cheveux

 
« Caniche », « la touffe », « Chewbacca »… Visiblement, certaines personnes ont un peu de mal à gérer les cheveux bouclés et volumineux dans leur champ de vision. Résultat : pour mon cadeau de brevet des collèges, j’ai demandé un fer à lisser … A l’opposé de l’échiquier, il y a certaines personnes qui te font des compliments d’une manière particulière : en soi, c’est sympa de me dire que j’ai « trop de chance d’avoir du volume … Et des boucles … », mais le côté Gollum qui regarde son précieux, ça me met un peu mal à l’aise.
 

5) Laure : chanter Samba de Janeiro

 
Mais si, vous connaissez tous ce tube de 1997, un air entraînant, un clip où se déhanchent des danseuses … de samba. Pourquoi, oui pourquoi chanter cette mélodie dès que j’évoque le Brésil ? Réducteur au possible, cela implique que ce pays n’est que fête, danse, chant et carnaval … Comme dit précédemment, le Brésil fourmille d’artistes, et Samba de Janeiro n’est certainement pas le meilleur exemple musical pour illustrer ce beau pays. Au passage, le groupe à l’origine de ce tube est allemand … On n’arrête pas le progrès.
 

Emnus : chanter l’hymne du club en all inclusive de leurs vacances

 
Et me raconter leurs souvenirs de Tunisie … à moins que ça soit ailleurs, puisqu’ils.elles ne sont pas sorti.e.s de l’hôtel. Parfois, j’ai envie de répondre ça :
 

 
Mais en fait, ce n’est pas tant que je m’en fiche, mais plutôt que je suis fatiguée d’entendre souvent les mêmes histoires : 1) de gens qui ne savent même pas dans quelle ville ils étaient; et 2) de princesses persuadées qu’elles étaient le centre de l’attention de tous les hommes qu’elles ont croisés, puisqu’une Européenne représente bien sûr le rêve ultime de tout homme dans « ces pays ».
 
Voilà, ce n’est pas joli-joli, et nous avons toutes entendu des petites réflexions sur notre couleur de peau, nos origines, notre poids, notre religion, etc. Ces phrases sont souvent dites avec de bonnes intentions, mais ça n’empêche pas qu’elles peuvent devenir très lourdes, un peu comme si on vous parlait constamment de la Tour Eiffel, de K-Maro et des supposés « ménages à trois » à la Française quand vous êtes à l’étranger (remarque, c’est peut-être déjà le cas). Le tout est donc de pouvoir répondre avec élégance et humour… YES WE CAN !
 

Image à la une : Sanaa K.

 

Article co-écrit par Laure Haon/Laura Palmer et Emnus

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