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« Le Lallab Day a été une révélation pour moi » : Le LallabDay #13 raconté par une Lalla

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Le samedi 1er et le dimanche 2 octobre a eu lieu le LallabDay #13, notre grand weekend de rencontres et de formation entre Lallas, les bénévoles de Lallab. C’est avec beaucoup d’émotions qu’Assma, nouvelle Lalla, nous confie ses ressentis sur ce weekend. Après avoir secoué toute la salle avec son témoignage, Assma revient ici sur ses rencontres, ses échanges et ses prises de parole. Derrière son « je » se cache un « nous », un « nous » d’une centaine de bénévoles « différentes, spéciales et uniques » dont les chemins se sont croisés chez Lallab afin de faire entendre les voix des femmes musulmanes.

 

Je suis rentrée, on m’a dit : « Tu fais partie de la famille, que tu le veuilles ou non. »

Crédit photo : @dalal.tmr

Franchement, en tant que nouvelle… Moi, je n’aime pas la notion d’intégration. Je la trouve obsolète, dans tous les aspects, et c’est quelque chose de très dur aussi quand tu es une personne introvertie. Là, clairement je n’ai pas eu besoin de m’intégrer. J’avais l’impression que je connaissais les gens depuis très longtemps. Je suis rentrée, on m’a dit : « Tu fais partie de la famille, que tu le veuilles ou non. » C’était très fluide.

Dès que je suis rentrée, même s’il y avait des groupes qui s’étaient formés, une personne est venue vers moi pour me mettre à l’aise, pour essayer de m’intégrer. Et ça m’a grave touchée, parce que j’ai l’habitude du monde associatif, j’ai l’habitude de soirées, d’après-midis, d’évènements. Et à chaque fois, je reste à ma place et personne ne va m’intégrer, et ce n’est pas que moi d’ailleurs. Et là, j’ai trouvé ça tellement humain, vraiment je mets un point d’honneur, c’était tellement humain de sa part de venir pour me rassurer.

Et quand je vais au Lallab Day, « surprise, la sororité existe ! »

 

Mais s’il y a surtout une chose qui a ouvert mon coeur, c’est la sororité. Parce qu’en fait, mon cœur était un peu fermé, ou plutôt mon cœur se protégeait face à d’éventuelles mauvaises expériences de vie, face à la solidarité féminine, parce que j’ai eu de mauvaises expériences. Et je pensais au bout d’un moment que la solidarité féminine n’existait pas. Quand je vois des femmes dans la rue, qui sont contre le port du hijab, du foulard, ça me choque, parce que du coup elles sont anti-féministes. Et le fait de ne pas avoir de soutien de la part des femmes m’a beaucoup blessée. Et quand je vais chez Lallab, quand je vais au Lallab Day, « surprise, la sororité existe ! ». Et ce n’est pas un monde bisounours, ça se travaille. Il y a de la confiance, il y a de l’amour, il y a de la bienveillance, il y a beaucoup d’écoute. Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’écoute autant, parce que déjà en tant que femme tu es peu écoutée, en tant que française musulmane tu es peu écoutée sur des sujets qui te concernent. Du coup, avoir un espace d’écoute, c’était top, c’était incroyable. Franchement, c’était une révélation pour moi le Lallab Day.

 

Crédit photo : @dalal.tmr

 

J’ai senti un espace tellement bienveillant, un espace tellement empli d’amour et de compréhension.

 

Chez Lallab, je m’attendais à un truc très pro mais pas avec autant d’amour, un truc très rationnel, très détaché de l’humain. Je m’attendais à ce que l’on travaille ensemble sur des projets, mais sans énormément d’amour entre nous. Que l’on soit juste des co-équipières, pas une famille. Du coup, je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant d’émotions. Me dire que je vais venir pour pleurer, je ne pensais pas !

 

Ça a été très fort en émotions, parce que j’ai partagé, durant l’atelier de Hanane Karimi, mon témoignage face à ma santé mentale concernant les discriminations liées à l’islamophobie, liées au port de mon foulard, au fait qu’on rabaisse ma religion sans cesse. C’était un peu dur, ce n’est pas que c’était dur à partager, parce que j’ai déjà eu l’habitude de partager mon vécu. J’ai même été interviewée par AJ+, par d’autres journaux de presse, et je n’ai pas pleuré. Mais en fait, j’ai senti un espace tellement bienveillant, un espace tellement empli d’amour et de compréhension. Je ne pensais pas pleurer et me dire que je me suis lâchée comme si je parlais à une amie proche… Et c’est une journée vraiment que je n’oublierai pas !

 

Crédit photo : @dalal.tmr

 

J’ai grave aimé parce qu’on est toutes différentes.

Sur le plan inclusif, j’ai grave aimé parce qu’on est toutes différentes, ne serait-ce que pour celles qui portent le foulard, on est déjà toutes différentes. Ce n’est pas une femme, c’est les femmes, et toutes les femmes sont différentes, et ça tu le ressens direct. Dès que tu rentres chez Lallab, tu sens que ce n’est pas un truc homogène. On est toutes spéciales, on est toutes uniques. Et ça forme ensuite un groupe homogène par rapport à notre vision humaine des choses. Nos principes, nos valeurs sont les mêmes. Et malgré ça, on apprend beaucoup l’une de l’autre. Moi, j’ai beaucoup appris dans les échanges que j’ai eus avec toutes les Lallas. Ça m’a juste renforcée dans ma vision du monde. Ça m’a donné confiance en moi : « Ah ouais t’es pas seule quoi ! Il n’y a pas que toi qui penses comme ça. Donc aie confiance en tes projets aussi. » Bizarrement, ça m’a donné confiance en moi-même et en mes projets futurs, que j’ai envie de partager aussi avec Lallab.

 

Les ateliers, ça se voit qu’ils étaient pensés. Moi, je pensais à des ateliers type brise-glaces pour qu’on apprenne à se connaître. Mais non, c’étaient vraiment des ateliers limite pro. Et ces ateliers m’ont enrichie spirituellement, m’ont enrichie citoyennement parlant. Je me sens encore plus comme une citoyenne française. Et ça, c’est très important de le soulever, parce que Lallab ce n’est pas une association qui est là et qui ne parle que de spiritualité et qui essaye de créer une identité spirituelle à l’encontre d’une identité française et républicaine. C’est vraiment un mélange des deux. Et ça, ça m’a beaucoup plu et je suis ressortie française et musulmane.

 

Je suis dans le Lallab Agora (Le Lallab Agora est un atelier mensuel unique en son genre pour démocratiser l’accessibilité, la transmission et la production des savoirs en rendant la parole aux principales concernées). Et en tout cas, on me l’a bien vendu, donc j’ai trop hâte, j’ai trop hâte de donner cette énergie à une bonne cause.

 

Crédit photo : @dalal.tmr

 

Chez Lallab, tu vis tellement ton identité. Et ça, c’est très rare, être dans un endroit où on te dit que tu peux être toi-même.

 

J’étais à fond dans une identité étudiante, et j’oubliais que j’étais une femme. Du coup, j’ai voulu un peu plus me ré-approprier ou m’approprier, ça dépend du cours de mon histoire, cette identité de femme, et je pense qu’il n’y a pas mieux que Lallab pour ça.

 

Chez Lallab, tu vis tellement ton identité. Même si je faisais partie d’une association étudiante avant, il y avait des choses qu’on ne faisait pas, parce qu’on était une association étudiante, donc en contrat avec l’État, avec la France. Donc on ne pouvait pas se permettre de faire un truc spirituel, sinon on nous taclait de prosélytisme. Alors qu’avec Lallab, tu peux dire « inchaallah » tranquille. Tu peux enrichir ta spiritualité, sans qu’on te tague de prosélytisme. Et en fait, tu es toi-même. Et ça, c’est très rare, d’être dans un endroit où on te dit que tu peux être toi-même. Et je pense que si Lallab est si populaire aussi aujourd’hui, et si elle est respectée et aimée, je pense c’est parce que c’est un endroit où il y a un environnement safe, qui te dit : « Tu peux être toi-même. » Et quand tu es toi-même, et bien en fait tu as un panel de motivations, d’idées de projets, d’ambitions, qui naissent en toi, parce que tu peux être toi-même, et du coup tu donnes encore plus à fond.

 

Crédit photo image à la une : @dalal.tmr
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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Un bel élan de sororité – De Guerre et d’Espoir – Collectif Nuée de plumes

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« Recréer de la beauté et de la compassion dans un univers qui en est privé » Préface par Faïza Guène – De Guerre et d’Espoir

Beaucoup soulignent l’aspect négatif des réseaux sociaux, mais aujourd’hui, laissez-moi vous présenter ce qu’Instagram permet de réaliser quand les chemins des belles âmes se croisent.
De Guerre et d’Espoir est un projet né d’une rencontre sur Instagram, un recueil écrit par des femmes incroyables. Ces artistes nous entraînent, nouvelle après nouvelle, poème après poème, horreur après horreur, dans un voyage teinté d’une note d’espoir.

 

« Un livre. Un don » Collectif Nuée de Plumes

 

Elles sont dix-huit femmes à écrire et à dessiner bénévolement. Leur but ? Reverser 80% des bénéfices, à parts égales, à deux associations : « Au Cœur de la Précarité » et « Solidarité migrants Wilson », les 20% restants étant réservés pour l’autofinancement du recueil.

Publié en mai 2020, en indépendant, De Guerre et d’Espoir porte « la voix des oubliés, des invisibles », et dénonce « l’absurdité humaine ». Ce recueil constitue, également, des éclats d’espoir. Le Collectif Nuée de plumes souhaite, non seulement, « délivrer un message d’espoir, mais aussi une prise de conscience ».

Une belle initiative, remplie d’amour et d’espérance, réalisée par des artistes qui rêvent d’un monde meilleur.

« Parfum d’enfance » De Guerre et D’Espoir

De Guerre et D’Espoir livre la triste réalité de la guerre. Des adultes qui provoquent l’horreur, et des enfants qui en récoltent les conséquences, victimes d’ atrocités inimaginables. Ils sont des anges qui ne voient plus la lumière.

Le livre nous dépeint les pensées et les émotions des enfants de la guerre : la peur, l’anxiété, l’angoisse, la terreur, l’espoir avec un léger brin de naïveté… Il ne s’agit pas de fiction, mais de l’histoire d’un millier d’enfants à travers le monde. « Grandir sous les bombes » ce n’est pas beau. Après tout, « la guerre éteint la lumière dans les yeux des enfants ».

« Petit enfant solitaire, qui dort en enfer » p28 – De Guerre et D’Espoir

Le recueil souligne la misère des orphelins qui essaient de survivre à la guerre. Jeune, je pense qu’on s’est tous, à un moment ou un autre, égarés dans les rayons des grands magasins, perdant de vue nos parents. On a déjà ressenti ce stress et cette peur qui nous agressent et nouent notre ventre,sentant parfois même les larmes qui commencent à monter. Alors, imaginez-vous enfant, errant dans un champ de guerre,dans le chaos le plus total, sans vos protecteurs à vos côtés. Que ressentiriez-vous ?

« Je suis devenue aveugle un jour de guerre » p25 – De Guerre et D’Espoir

Les enfants de la guerre sont condamnés à vivre isolés du monde extérieur, sans boussole, livrés à eux-mêmes, à essayer de survivre aux bombardements, aux prédateurs (humains), et au désespoir.

Les autrices nous offrent plusieurs paysages fictifs qui décrivent la détresse de ces enfants, mais elles ne s’arrêtent pas là : derrière ce malheur, il y a un espoir futur, qui pourrait illuminer ce sombre tableau.

De l’empathie, de la bienveillance naissent pour tous ces anges.

Le cœur serré et lourd à la lecture, il m’est difficile de lire et d’enchaîner toutes les histoires, mais il le faut. Ces réalités que je fuis, que je n’aime pas voir ni entendre, pourraient être les miennes. 

« Cendres de guerre » De Guerre et D’Espoir

Ce livre est une sorte de voyage intérieur. Les mots sont des vagues, les poèmes sont des berceuses de guerre et les rimes sont des malheureuses qui espèrent et prient pour l’harmonie. Je finis par détester la Guerre. Une lumière au bout du tunnel ? Je finis par y croire, elle existe. La sincérité de toutes ces femmes me frappe. Ce livre est un espoir, ces textes sont un bout de cette lumière, ces plumes ouvrent un chemin vers l’avenir.

« Pourquoi nos ancêtres n’ont-ils pas pensé à nous, pauvres enfants prisonniers de la guerre qui concerne l’Humanité entière ? » p52 – De Guerre et D’Espoir

Le recueil pousse à réfléchir et à se remettre en question. C’est un rappel :  chaque être humain est responsable de la Terre et de ses habitants, actuels et futurs. Quel monde vais-je laisser après mon départ  ? Si je ne change pas, qu’en sera-t-il de notre monde ? Au-delà des guerres, les autrices évoquent l’impact environnemental et les conséquences des catastrophes naturelles sur notre planète.

« Dans mon cœur, c’est la guérilla. Dans ma tête, c’est Fukushima » p48 – De Guerre et D’Espoir

La guerre n’est pas un choix, mais certains enfants quittent leur lit douillet, leur famille aimante, leur havre de paix pour cet enfer :  ce sont les enfants endoctrinés. Ceux qui creusent leur propre malheur, et qui se jettent « dans un brasier de haine » pour se sentir exister.  

De Guerre et D’espoir insiste sur l’importance du dialogue, au sein du foyer familial, pour ne pas laisser les enfants – et les adultes –  tomber dans le piège des terroristes et ainsi pouvoir les sauver du fanatisme religieux. Parler et échanger sur les sujets les plus sensibles, et spécialement les sujets considérés comme « hchouma », est primordial.

 « Tuer l’humanité au nom de Dieu ? » Quelle calamité ! Les enfants qui quittent leurs foyers bienveillants pour se lancer sur le champ de la bataille, les adultes qui sacrifient leurs familles pour une guerre qu’ils pensent être légitime – alors qu’en réalité, la guerre est une « absurdité humaine », orchestrée par la haine et le côté sombre de l’être humain.  

La guerre change l’humain : soit elle ressort ce qu’il y a de bien en lui, soit elle expose ce qu’il comporte de pire.  Les autrices s’arment de leur plume, et me lancent en pleine face la noirceur des hommes.

Des personnages, j’en ai aimés, des personnages, j’en ai détestés. Au fil de ma lecture, mon cœur et mon âme étaient une sorte d’Hiroshima et Nagasaki. Un ouvrage difficile à lire, difficile à digérer. Les nouvelles mettent en lumière les violences, les viols, et les témoins qui ne font rien pour arrêter ce tableau macabre et qui au contraire, comme des fous, profitent du spectacle.

« Le problème n’est pas dans la tête, mais dans le cœur »

La guerre est un cercle vicieux, le meurtre engendre la vengeance, et ainsi de suite. Certaines personnes se condamnent par leurs propres mains. En réalité, la guerre est bien plus noire que nous ne le pensons. Pire que la guerre ? Perdre son intégrité et son humanité. Les Hommes qui provoquent la guerre, qui tuent ou violent, ne sont pas des êtres humains stupides, ils ne manquent pas d’intelligence, mais d’humanité. La perte de l’humanité mène aux pires atrocités.

« Ma seule option était la mer » p89 – De Guerre et D’Espoir

Comment peut-on décrire des êtres humains qui ont les moyens de sauver des milliers de vies, mais laissent des enfants, des femmes et des hommes mourir, noyés parfois dans des conditions indescriptibles ? 

C’est complètement humain de vouloir fuir un lieu dangereux, où tu ne peux ni dormir ni manger, où tu peux mourir n’importe quand, de la pire manière. En ayant envie de sauver leur famille et leur propre vie, de nombreuses familles prennent la mer, et tentent d’arriver à bon port, avec l’espoir d’être aidées. De Guerre et D’espoir soulève de nombreuses questions liées à l’immigration,et décrit les naufrages comme des « crimes de sang-froid ».

Les conséquences de la guerre sont nombreuses et à différentes échelles. Il existe des guerres bruyantes, silencieuses, cachées ou encore déguisées. Même les guerres portent des masques – notamment avec la situation des Ouïghours.

Puis, il y a les guerres anciennes, qui ont laissé derrière elles des âmes blessées et des cœurs meurtris – vives encore dans les mémoires. L’impact de la colonisation n’est pas terminé. Les déchirures, que beaucoup essaient de combler, sont présentes, encore vivantes, sous la peau, dans les veines, au plus profond de l’âme… Les fissures des âmes ne sont pas des légendes.

Ce livre met l’accent sur les sujets d’actualité, qui brisent le cœur, provoquent le malaise et les larmes. Ces actualités que j’essaie d’oublier, ces informations que je fais semblant de ne pas voir… Les mots me parlent, me chuchotent, et me questionnent : quel est mon rôle dans ce tourbillon d’horreur? Quand, et où ai-je perdu mon humanité ?

Les enfants de la guerre sont « des victimes de la bêtise humaine et du silence du monde ». Ils symbolisent l’innocence, l’amour, la paix et l’espoir. Quel monde vais-je leur laisser ?

Les adultes vont encore plus loin, non contents de perdre leur humanité, ils volent aussi l’innocence des enfants, parfois celle des leurs. Ces adultes-là, ne sont pas des imbéciles, des fous ou des malades. Ce sont des êtres humains qui ont abandonné leur cœur et se sont jetés à bras ouverts dans la haine. Ils n’ont pas d’excuses, ils sont de ceux qui embrasent et embrassent le mal avec leur corps, leur cœur, et leur âme.

« Douce espérance » De Guerre et D’Espoir

Même au fin fond de l’enfer, tant qu’on est sur Terre, il y a de la lumière. La dernière partie du recueil porte sur l’espoir. Il ne faut pas succomber à la haine mais s’armer de patience, car Justice sera faite tôt ou tard.

Les autrices sont « des mères, des filles, des sœurs et n’ont qu’une arme face à l’injustice : leur plume. »Ces femmes dessinent des mots d’amour, de paix et d’espoir. Leurs plumes s’unissent dans un élan de sororité et nous livrent un bel exemple d’humanité.

En changeant le monde à notre échelle, pierre par pierre, nous finirons par construire une pyramide ; peu importe le temps que cela prendra. Rectifions nos cœurs et nos âmes. Remplaçons l’égoïsme et la jalousie par l’amour et la bienveillance. Revenons à l’essentiel : notre humanité.

« Comment peut-on changer un mal par notre main ? » p102 – De Guerre et D’Espoir

Ne jamais sous-estimer la force d’une plume. Peu importe la forme dans laquelle on prend part dans la lutte contre l’injustice, même avec une simple plume, une prière, une pensée pour les victimes de TOUTE injustice, c’est un pas vers l’espoir.

Merci aux autrices qui m’ont fait lire des mots aussi déchirants et troublants, qui m’ont fait sortir de ma zone de confort, merci à vous. Merci d’avoir partagé un bout de vos cœurs, de vos sentiments et de vos émotions, d’avoir laissé une partie de votre âme sur ces pages.

 

 

Que ce recueil puisse éveiller ma conscience… Ainsi, que la paix soit sur vous.

 

Jou RH

Crédit photo à la une : Kaoutar RH

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Nos Voix

Au harem du deuil

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Espace de non-mixité, tantôt subi, tantôt choisi, l’assemblée de femmes en période de deuil grouille de vulnérabilité, de sororité et de transcendance. Récit au cœur du harem du deuil, où les femmes puisent inconsciemment une force collective pour faire face à la douleur et surmonter tant bien que mal la perte d’un proche.

Adolescente, ces scènes de femmes en pleurs, agglutinées les unes contre les autres, m’embarrassaient, voire m’effrayaient. Aujourd’hui, je ne sais pas comment vivre ces scènes qui se répètent en cette période tourmentée de crise sanitaire. J’hésite entre observer et analyser le spectacle qui s’offre à moi, ne pas flancher et rester solide comme un rocher sur lequel les autres femmes peuvent s’appuyer ou m’autoriser à me joindre à cette catharsis collective et profiter de ses bienfaits.

 

« On préfère ne pas être seules, se sentir soutenues »

 

Le barnum est monté à l’extérieur pour les hommes ; jusqu’à présent, aucune âme ne peuple cet espace. Le salon sera celui dédié aux femmes, mais Covid oblige, nous ne sommes que cinq à attendre l’arrivée du corps. Ma tante l’appelle el sandoq [la boîte], en référence au cercueil. Assise sur un lit, les jambes pendantes, elle se griffe, s’arrache la peau, se flagelle, s’infligeant une douleur physique qui dissipe difficilement la douleur de la perte de son fils.

C’est le deuxième fils dont elle accueille « la boîte » en Tunisie. Le premier s’est noyé à Deauville en 1983, et c’est accompagnée des femmes de tout le quartier sous le choc qu’elle recevait  son corps inerte. L’arrivée de cette nouvelle « boîte », elle la craint. Elle s’apprête à la vivre en comité réduit et elle a en horreur sa potentielle réaction. Elle appréhende l’idée de ne pas supporter le choc, de tomber, de s’arracher la peau, de se lamenter, d’hurler. Dès qu’elle mentionne la future arrivée de son fils inanimé, chaque larme versée est une invitation à des pleurs plus bruyants et à des cris incontrôlés. Elle tient difficilement debout, elle a été hospitalisée le mois dernier et est restée alitée.

Mère d’une fille et de huit garçons, vingt-deux fois grand-mère et six fois arrière-grand-mère, cette femme de 85 ans montre du plus profond de sa peine, une force que je n’ai jamais vue auparavant. Armée de son chapelet, elle affronte ses émotions avec un semblant de sérénité. Elle ordonne aux femmes de ne pas crier et de prononcer des louanges à Dieu. Et au moment où on entend ses fils venus de l’aéroport, qui transportent leur frère défunt, pousser la porte d’entrée, elle s’appuie sur son déambulateur et se lève avec fermeté. Sa fille la tient dans ses bras et je me fais difficilement garante du fragile équilibre de ces deux corps endeuillés qui reposent entre mes épaules menues, ignorant toutes les mesures sanitaires qu’on s’était promis de respecter. Le corps entre dans le salon, la masse féminine que nous formons perd l’équilibre et la meneuse, qui n’est autre que ma tante, crie “Allahou Akbar” [Dieu est grand], suivie par les autres femmes et bientôt par les hommes qui portent le cercueil.

 


Crédit : « El sandoq », Sara H.

 

Guérison collective

 

Elle passera la nuit au côté du corps de son fils. Mais le lendemain, le départ pour l’enterrement où les femmes ne se rendent pas, est difficile. Notre Kahina, notre guerrière, notre Mama qui a remplacé nos grands-mères décédées, cette meneuse qui a fait preuve d’une force inégalée la nuit dernière, s’abat sur son déambulateur et hurle le nom de son fils en jetant ses bras en avant. Sa fille, elle, est déjà dehors et suit, démunie, le corps de son frère qui s’éloigne. Mes épaules et mes mains soutenantes de la veille ne sont près d’aucune d’entre elles pour les envelopper, elles ont préféré se retirer dans un coin, face à la foule qui, prenant le relais, s’occupe maintenant de notre aînée. Une foule féminine en sanglots dont je ne perçois que les ombres et les « blancs » des yeux qui ont viré au rouge.

En soutien à cette mère endeuillée, famille, amies et voisines ont fait le déplacement pour l’accompagner dans la plus grande désobéissance civile au protocole sanitaire et pour certaines, malgré l’interdiction de leurs maris. Parmi elles, ma tante paternelle, que j’aperçois près du barnum déserté par les hommes, qui se sont rendus avec le corps à la mosquée pour la prière mortuaire, puis au cimetière. Telle une conférencière, cette tante, que je connais réservée, s’engage dans un récit, face aux regards ébahis des petites-filles de notre Kahina, qu’elle ne connaissait pas quelques heures plus tôt. Je la regarde au loin et n’ose pas interrompre cette prise de parole inattendue. Cette femme porte le deuil de son fils noyé en Méditerranée depuis plus de vingt ans. Elle a un jour confié que lors des enterrements, elle pleurait la mort du nouveau défunt, mais aussi celle de son fils car c’est le seul espace où elle pouvait pleurer. Aujourd’hui, elle raconte à ces jeunes femmes de vingt ans qui ont fait le déplacement depuis la France, les circonstances de la mort de son fils, les deux semaines de désarroi avant que son corps ne soit retrouvé et son deuil inachevé. Pour la première fois, je vois ma tante placer des mots sur ses pleurs, sur ses maux, sans autre accompagnement que ces cercles de femmes qu’elle a continué d’occuper quand son mari avait le dos tourné.

Les femmes ne sont pas les seules à s’autoriser à sangloter dans le harem du deuil. Au retour des hommes du cimetière, les fils se précipitent dans les bras de leur mère et de leur sœur et laissent leurs larmes couler. Quelques heures plus tard, ces larmes vont peu à peu sécher, des sourires amers vont apparaître dans l’assemblée avant que des rires sincères se fassent entendre. La foule disparaîtra les jours suivants et avec elle, la catharsis émotionnelle. Seule la ghossa [boule dans la gorge, chagrin] continuera d’accompagner les trois nuits de veillée mortuaire, subitement écourtées par le décès de la petite sœur de notre aînée.

Permettez-moi de faire l’impasse sur les règles journalistiques et de boucler cet article par une invocation. Ya Wadûd [Ô le Bien-Aimant, le Bien-Aimé], Ya Latîf [Ô le Compatissant, le Bienveillant], que chaque larme versée seule ou en assemblée, que chaque sourire esquissé sur nos visages endeuillés, que chaque rire relâché dans la gêne et en toute humilité apaise cette lame qui laisse nos cœurs se compresser et permette à nos âmes de rayonner. Amine.

Adolescente, ces scènes de femmes en pleurs, agglutinées les unes contre les autres, m’embarrassaient, voire m’effrayaient. Aujourd’hui, elles me rappellent l’importance de la communauté et la puissance des cercles de femmes fermés quand les maîtres-mots sont bienveillance et sororité.

 

Crédit : Cercle de Kahina, Sara H.

 

Crédit photo à la Une : Alaa Satir

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Portraits

The Pakistani Martha Stewart, la digne représentante de la sororité desi

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Saher Sohail est illustratrice. Par le biais de ses dessins, elle lutte à la fois contre le racisme, le sexisme, les préjugés à l’égard des Pakistanais·e·s aux Etats-Unis, mais également contre les oppressions vécues au sein de la communauté Desi (renvoyant à tous les pays d’Asie du Sud, tels que le Bangladesh, l’Inde ou le Pakistan).

 

Martha Stewart est sûrement la décoratrice d’intérieur la plus connue des Etats-Unis. Le surnom de Saher a d’ailleurs été inventé par ses amies. Depuis son plus jeune âge, elle s’occupe des décorations, notamment pour les soirées à thème. Le but de son art est de faire en sorte que les femmes de la communauté Desi puissent se reconnaître dans ses dessins. Saher s’inspire à la fois de ses propres expériences et de celles de ses amies. Elle utilise également certaines figures connues du paysage bollywoodien. Bien qu’il existe plusieurs dessins dont les écrits sont en urdu ou en pendjabi, il est tout à fait possible de se reconnaître dans les illustrations de Saher, en tant que femmes de culture musulmane, quels que soient nos pays d’origine.

 

La lutte contre le sexisme, y compris au sein de la diaspora

 

Image de gauche : une tata faisant mine de ne rien entendre lorsqu’on lui dit : “il trompe sa femme”, “il est rentré à la maison à 4 heures du matin”, “tata, ton fils a une copine”, “il boit et il fume”, “il n’est pas vierge”. Image de droite : une tata ne supportant pas qu’une femme dise : “j’aimerais vivre dans une chambre universitaire pendant mes études”, “j’aimerais me marier après 30 ans”, “je ne sais pas cuisiner”, “je ne veux pas me marier”, “deux mots : sans manches”, “j’ai un copain”, “je veux faire une école d’art”. Crédit : The Pakistani Martha Stewart

 

Saher tente de changer les mentalités, notamment concernant le sexisme encore très ancré dans notre rapport à l’éducation. Elle lutte ainsi pour une tolérance à l’égard des femmes et des hommes. L’illustratrice critique notamment le contraste entre l’indulgence infinie à l’égard des hommes et le slut-shaming très facile concernant les femmes. Il s’agit du fait de stigmatiser des femmes parce que leur comportement serait jugé trop provocant d’un point de vue sexuel. “Honnêtement, je m’en fiche de ce qu’il fait, de ce qu’il ne fait pas, de ce qu’il cache ou de ce qu’il ne cache pas. Mais je m’inquiète de voir que sa soeur peut être crucifiée pour les mêmes actions que celles de son frère”, explique-t-elle. Saher évoque notamment le fait de scruter chaque détail de la vie des femmes. Elle prend également l’exemple des nombreuses critiques à l’égard de celles ayant une vie amoureuse hors-mariage, qui se maquillent, qui sortent le soir ou qui fument, par exemple. “Lorsqu’un homme fait la même chose, tout le monde devient soudainement aveugle et sourd alors que les femmes sont punies, il est temps de cesser cette misogynie endémique, à commencer par nos propres foyers”. Elle utilise ainsi très souvent la figure de la tata, à savoir les soeurs de ses parents mais également toutes les femmes âgées de la diaspora, afin de passer des messages. Cela est assez récurrent dans l’art desi. L’artiste de Hatecopy, Maria Qamar, également pakistanaise mais aussi canadienne, a d’ailleurs écrit un ouvrage intitulé Trust No Aunty (Ne fais confiance à aucune tata). Saher dessine également beaucoup sur le colorisme, les femmes dont la peau est foncée connaissant beaucoup de critiques au sein de sa communauté. Elle lutte aussi contre la grossophobie. “C’est la seule culture dans le monde dans laquelle on utilise l’expression “t’as l’air en forme” avec une connotation négative pour te dire que tu es grosse ou joufflue”, déplore-t-elle. Saher lutte également activement contre le revenge porn ou la pornodivulgation, ayant déjà fait face à des femmes songeant à se suicider, victimes de chantage de la part de leurs agresseurs.

 

Les femmes musulmanes, au centre de ses préoccupations

 

Image de gauche : “Femme au foyer durant mon temps libre”. Image de droite : La femme : “J’ai besoin de préparer le ftour (repas de rupture du jeûne) pour ce soir, prier, nettoyer, prier la nuit et dormir trois heures avant de préparer le shor (repas avant l’aube et le début d’une journée de jeûne). Que peux-tu faire pour aider ?”. L’homme : “Je peux le snaper” (mettre sur Snapchat). Crédit : The Pakistani Martha Stewart

 

Saher s’attaque également à certains problèmes communs à de nombreux pays de culture musulmane, y compris certains ayant lieu durant le Ramadan. Elle évoque ainsi la gêne d’avoir ses règles durant ce mois béni. “Je me demande pourquoi je devais mentir à mon père et aux hommes de ma famille en disant que je jeûnais. N’ont-ils pas des femmes et des soeurs ? Les raisons pour lesquelles je ne jeûne pas ne sont-elles pas évidentes ?”. Tout en critiquant certains hommes insistant pour connaître les raisons pour lesquelles une femme ne jeûne pas durant le Ramadan, elle déplore le rôle des femmes dans ce sentiment de honte. “Allah m’a accordé une excuse parfaitement légitime pour ne pas jeûner donc pourquoi se censurer comme s’il s’agissait d’un péché ? C’est à cause de cette censure que beaucoup d’hommes ne connaissent rien à cela”. De plus, elle insiste sur l’importance de la participation aux tâches ménagères, notamment durant le Ramadan, les hommes ayant souvent le luxe de passer leur soirée en prière tandis que les femmes se retrouvent coincées à devoir tout ranger. “Aidez votre mère, vos soeurs, vos femmes, vos tantes, etc. à préparer l’iftar. Elles jeûnent et doivent aussi prier, il est injuste de les laisser s’occuper de tout”. Saher défend également beaucoup les femmes au foyer. “Je n’ai aucun respect pour les personnes qui dénigrent les femmes au foyer. Elles n’ont aucun bénéfice, pas de vacances, elles ne sont pas payées, elles travaillent tout le temps sans être valorisées. Notre travail se termine à 17 heures, le sien continue”.

 

Saher, l’exemple parfait d’une fille d’immigré·e·s faisant honneur à ses racines pakistanaises

 

De gauche à droite : “Parle en anglais !”, “Est-ce que tu parles l’islam ?” et “Est-ce que tu parles pakistanais ?”. Crédit : The Pakistani Martha Stewart

 

Saher exprime également toutes les difficultés liées au racisme, notamment pour les enfants d’immigré·e·s. “Si tu es bilingue, tu as forcément vu à quel point certaines personnes étaient dégoûtées de t’entendre parler une langue différente en public”. L’illustratrice incite donc tout·e·s les descendant·e·s d’immigré·e·s qui ont la possibilité d’apprendre la langue de leurs ancêtres à le faire. “Aujourd’hui, je vois de plus en plus de jeunes dont la famille vient d’Asie du Sud qui ne parlent pas leur langue maternelle parce que leurs parents ont peur qu’ils ne sachent plus parler anglais mais il n’y a jamais d’inconvénient à apprendre une autre langue, les bénéfices d’apprentissage d’une langue à un jeune âge sont infinis”. Elle prend d’ailleurs l’exemple de son frère autiste, capable de comprendre l’anglais, l’urdu et le pendjabi, bien qu’il parle uniquement anglais. “Je pense sincèrement que les parents se concentrant uniquement sur l’anglais pénalisent leurs enfants, surtout à l’ère du mondialisme”. Saher déplore également l’islamophobie aux Etats-Unis, qu’elle considère “immense”. Bien qu’elle estime vivre moins de racisme que la plupart des Desis qu’elle connaît, elle a souvent été choquée par le racisme de certain·e·s proches. “Les remarques racistes peuvent être dites par n’importe qui, comme les ami·e·s n’étant pas desis ou encore les collègues”. Elle défend d’ailleurs les femmes qui portent le foulard, à la fois victimes de racisme et de sexisme. L’illustratrice insiste également sur le fait que ces femmes peuvent facilement être critiquées au sein de la communauté musulmane, lorsqu’elles ne semblent pas parfaites d’un point de vue religieux, ce qui les marginalise encore plus, étant les principales victimes de l’islamophobie.

 

En attendant un monde plus inclusif, Saher nous permet de nous consoler avec ses belles illustrations sur des T-shirts, des trousses ou encore des masques pour les yeux. Ses produits sont disponibles sur ce site. Nous ne lui souhaitons que du succès, inshAllah.

 

Image à la une: Saher Sohail. Crédit : Saher.

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Portraits

Hanane Karimi, une autre définition de soi est possible

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Lors d’une fin d’après-midi, j’écoute son histoire, je la regarde et j’ai du mal à imaginer que cette femme si engagée, Hanane Karimi, put être un temps, chez elle, à ne pas partager ses riches idées. « Morte socialement », comme elle le dit.
Actuellement doctorante en sociologie, cette féministe musulmane nous montre qu’une autre réalité, une autre définition de soi-même est possible. A tout moment. Comment a-t-elle pris sa vie en main ? Comment est-elle devenue une des figures médiatiques de la lutte contre le sexisme, l’islamophobie, et de nombreuses autres injustices ?
C’est l’histoire d’une Femme plus que d’une militante que j’ai envie de partager. Bien que l’un n’aille pas sans l’autre. Je veux essayer de comprendre ce qui se passe dans une vie pour que tout change…

 

Premier évènement

 

Le premier évènement marquant dans la vie d’Hanane se produit à ses 19 ans. Elle est en BTS à Nancy. Son voile ne plaît pas. Les tensions montent au sein de son établissement avec cette islamophobie latente. Plutôt que de se faire virer, c’est elle qui quitte son lycée. Nous sommes en 1998, bien loin encore de la loi du 15 mars 2004.

Elle finit son BTS dans un autre établissement, puis se retrouve femme au foyer. Par ses propres mots, elle dit « jouer son rôle assigné d’épouse, de mère » pendant 10 ans. Son expérience familiale, maritale, va être chargée de sexisme. Au départ, cela concerne essentiellement son environnement familial. Mais pas que… Elle commence à le vivre, à le voir, de plus en plus dans d’autres sphères. Rebelle et revendicatrice, c’est à la naissance de son troisième enfant que les choses changent.

 

L’épreuve

 

A 27 ans, elle se sent morte socialement. Pour elle, c’est « la mort, la fin ». Puis naît son troisième enfant, malade. Tout est chamboulé. Cette épreuve remet en question toutes ses certitudes. Rien ne sera plus comme avant. Elle ne rentre plus dans le « moule de la structure familiale, religieuse, communautaire ». Elle ressent l’envie « de reprendre [s]a vie en main, d’agir ».

Première étape : reprendre des études, contre l’avis de sa famille. C’est son premier pas vers SA définition d’elle-même. Elle ose un voyage aux Etats-Unis et part suivre une université d’été de bioéthique. Une nouvelle Hanane renaît.

Le plus dur au départ est de dépasser la peur. Elle parle de cette « peur de l’émancipation, peur de l’inconnu et peur de changer la personne que je suis ». Elle parle de cette nécessité de cependant « dépasser les structures limitantes sans se nier ».

C’est le premier pas de ce changement : « Accepter que je ne sois plus la même ».

Elle se lance dans la sociologie, avec une préférence pour la bioéthique. Son choix de l’éthique rentre en total accord avec sa quête de justice au sein de la société. Un brin de philosophie s’y mêle. De spiritualité aussi…

 

Les premières rencontres féministes

 

Ses plus belles rencontres ont eu lieu dans des livres, dans des romans historiques. Ce sont, comme elle le dit si joliment, « des fenêtres ouvertes sur le monde ».

Elle est inspirée en premier lieu par des femmes musulmanes telles que Khadija et Aïcha, deux des femmes du prophète Mohammed (que la Paix et le Salut soient sur lui).

 

« Ces femmes sont, à leur époque, déjà émancipées. Il y a un tel décalage avec le rôle, la fonction qu’on veut nous donner par rapport à ce qu’étaient ces femmes-là. Elles avaient des fonctions sociales, politiques, économiques reconnues. »

 

Sa vie change. Les rencontres se multiplient. Pendant deux ans, une fois par mois à Paris, elle rejoint le collectif Musulmanes en mouvement. C’est un lieu où d’autres femmes musulmanes partagent les mêmes questionnements sur le sexisme. C’est également un lieu de ressourcement, de sororité, d’unité.

Sa première action visible sera sa place de porte-parole au sein du mouvement Les femmes dans la mosquée en 2013. Elle ira y défendre, avec d’autres sœurs, une prise en considération des besoins des femmes au sein de la communauté musulmane, luttant contre l’invisibilisation dont elles souffrent déjà socialement du fait de l’islamophobie.

 

Crédit photo : Citizende/Michel Stoupak

 

Puis s’enchaînent de nombreuses autres actions et une médiatisation importante d’Hanane. Son but est de défendre les droits des femmes musulmanes, avec en particulier la Marche de la dignité et contre le racisme, organisée en 2015 et à laquelle elle participe activement.

Depuis, elle poursuit sa thèse. Son engagement a pris le pas sur tout le reste. Elle cherche à comprendre l’impact de la loi du 15 mars 2004, interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements d’enseignement publics, sur la vie des femmes musulmanes.

 

Crédit photo : 7 sur 7.be

 

Pour cela, elle interviewe nombre d’entre elles. Elle cherche à savoir ce que sont leurs réalités sociales, économiques, familiales, religieuses. A comprendre leurs trajectoires de vie et les stratégies qu’elles ont adoptées.

Elle croit en la force de l’exemple, en l’identification qui permettra à un plus grand nombre de femmes de trouver les outils pour se construire et avancer malgré les difficultés.

Son rêve, son souhait est « que chaque être soit considéré comme un être humain à part entière. Une vie respectée comme sa propre vie. Que les catégories de couleur de peau, de religion, d’origine, de sexe, de handicap ne soient plus des critères de sélection ».

 

Quelques conseils

 

Je lui demande quelques conseils inspirants pour les femmes qui, comme elle, souhaitent trouver LEUR place :

  1. S’auto-définir : on ne doit pas accepter que l’autre nous définisse et s’en contenter.
  2. L’affirmation de soi. Dire oui à SA vie. Ne pas accepter une projection du pouvoir de quelqu’un d’autre que soi.
  3. Oser faire le premier pas vers ses objectifs, aussi irréalisables semblent-ils. Juste le premier pas, se projeter. Faire les causes. Rêver.
  4. Ne pas rester seule, être entourée de personnes inspirantes, bienveillantes et motivantes.

 

Ses forces et ses ressources pour lutter

 

La lutte qu’elle mène est source d’attaques permanentes. Il y a eu des moments de grandes difficultés : « Ce n’est pas possible de lutter sans souffrir, ce n’est pas une ballade ». Je me demande où elle trouve sa force. Elle parle de la sororité, de ses sœurs avec qui elle partage une solidarité, une empathie qu’elle ne trouve nulle part ailleurs.

Puis elle me parle de Dieu, de sa foi. « L’islam, c’est LE refuge qui me permet de tenir. »

Elle récite ces versets de la sourate Ad-Duha, « Le jour montant » : « Ne t’a-t-Il pas trouvé orphelin ? Alors Il t’a accueilli. Ne t’a-t-Il pas trouvé égaré ? Alors Il t’a guidé. » (sourate 93, versets 6-7).

 

 

Crédit photo : Pexels

 

C’est dans l’épreuve que Hanane a compris que la cause pour laquelle elle se bat est très grande. Elle comprend alors que les attaques personnelles et les menaces qu’elle reçoit sont destinées à ce qu’elle représente et ce qu’elle porte comme message.

 

Une source d’inspiration pour les sien·ne·s

 

Et autour d’elle, auprès de sa propre famille, les lignes aussi ont bougé. Sa plus grande fille la remercie : « Merci. Merci d’avoir fait le travail que tu as pu faire ». Hanane refuse que sa propre fille ait à subir ça. Une fille qui rêve de devenir avocate…

Sa sœur, boostée par son parcours, a elle aussi repris le chemin du travail.

Et cette phrase sublime de sa propre mère : Ma fille, je t’ai longtemps enfermée dans mes propres convictions. Ce sont les femmes qui doivent s’affirmer. Je n’ai pas entendu. C’est toi qui as raison ».

Elle est la preuve vivante qu’on peut se réaliser en tant que femme avec sa propre définition, qu’un autre possible existe et est réalisable. Dix ans après, elle a dépassé ses projets.

 

Et maintenant ?

 

Je me demande si on ne pourrait pas la retrouver en politique un jour. Elle me répond : « J’ai déjà été sollicitée deux fois, mais j’ai refusé, car je ne suis plus en accord avec le système ». Elle croit en un changement du système de l’extérieur, même s’il faut un peu plus de temps.

 

« Regardez les luttes de décolonisation en Algérie, et d’émancipation aux USA. Il faut une grande détermination collective pour ébranler un système. Un contre-pouvoir qui serait le peuple. La force est dans le collectif. Il ne faut pas s’isoler. Quand on voit les obstacles, il faut continuer à y croire. »

 

Crédit Photo : Hassan Kodak

 

Elle poursuit sa route, en passant peu à peu le relais à d’autres. Elle finit sa thèse puis espère écrire un roman. Elle continuera ainsi à inspirer d’autres femmes par ses écrits et nous partagera sa propre « fenêtre ouverte sur le monde ».

Merci Hanane.

 

 

Pour continuer à suivre cette femme inspirante :

Sur twitter : @7Lou_Anne

Sur Facebook : Hanane Karimi

Elle a participé à l’écriture de Voiles et préjugés aux éditions Melting Book

 

 

Prochaine actualité : 

Une performance artistique le 13 mars à Rennes : « Est-ce que tu crois que je doiVe m’excuser pour les attentats ? »

Sa soutenance de thèse à la rentrée, si Dieu le veut.

 

Crédit photo à la une : Laurent de Martini

 

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(Dé)construction

Comment être un·e meilleur·e allié·e pendant le Ramadan

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Voilà déjà quelques jours que le mois béni du Ramadan a débuté pour nos ami·e·s musulman·e·s, un mois placé sous le signe du jeûne bien sûr, mais surtout un mois de spiritualité, qui rassemble les musulman·e·s à travers le monde. Alors,  il est temps pour nous, non-musulman·e·s, de dresser un petit bilan et de nous interroger : avons-nous été de bon·ne·s allié·e·s pour nos ami·e·s, collègues, partenaires musulman·e·s – et surtout, comment pouvons-nous mieux faire ?
Voici 7 conseils pour devenir un·e meilleur·e allié·e pendant le mois de Ramadan !

 

1. Que les célébrations commencent !

 
En bon·ne petit·e Français·e, avouez que croyant·e, pratiquant·e ou non, nous aimons la période des fêtes de fin d’année. On n’a de cesse de se souhaiter des « Joyeux Noël » et des « Bonne année » à tire-larigot. C’est un peu pompeux, mais finalement c’est l’intention qui compte, et surtout la bienveillance qu’elle suggère. Pourquoi cela serait-il différent pour nos ami·e·s musulman·e·s ?

Alors répétez après moi : « Ramadan moubarak ! », en d’autres termes « je vous souhaite un mois de Ramadan béni ». Ne soyez pas gêné·e et accompagnez la formule de votre plus beau sourire. En ces périodes de grande confusion où les médias et les politiques n’ont de cesse de faire des amalgames entre Islam et terrorisme, il est de notre devoir d’allié·e de faire preuve de bienveillance et de se réjouir ensemble de ce mois si cher au cœur des musulman·e·s.

 

2. Allons-y mollo sur les questions

 

Si une saine curiosité à propos du mois de Ramadan et des pratiques spécifiques qu’il implique vous anime, c’est bien et c’est tout à votre honneur ! Néanmoins, au delà de l’intérêt sincère dont nous pouvons faire preuve, posons-nous quelques questions : est-ce que ce n’est pas redondant et finalement lourd pour un·e musulman·e de répondre sans cesse aux questions que nous pouvons nous poser ? Ne pourrions-nous pas trouver certaines des informations en question par nos propres moyens ? D’autant plus qu’un aspect de taille est en jeu : quelle quantité de salive la personne en face de nous va devoir dépenser pour répondre à nos questions ? Salive qui se révèle cruciale en cette période, car « non, on ne peut pas boire non plus » …
 

Crédit photo : Muslim Girl X @moosleemargh#MGRamadan series
 
Blague à part, les musulman·e·s ne sont pas là pour faire notre éducation. Alors soyons cool et humbles et faisons nos recherches, cultivons-nous sur la question et si, vraiment, des aspects plus spécifiques nous interrogent, alors mettons-y les formes et assurons-nous que la personne en face de nous soit disposée à répondre à nos questions.
 

3. N’en faisons pas tout un plat

 
« Ah donc tu n’as pas le droit de manger ? Rien du tout ? Comment ça, même de boire ? Et avaler ta salive, t’as le droit ? » Pendant le mois de Ramadan, les remarques relatives au jeûne fleurissent dans la bouche des non-concerné·e·s telles des fleurs des champs au printemps. Si ces remarques peuvent paraître innocentes voire même touchantes de part leur caractère simplet (c’était la façon douce pour ne pas dire parfois carrément stupides), elles auraient tendance à induire deux idées qu’il convient de déconstruire.

Tout d’abord, le jeûne n’est pas tant à propos de ce que les musulman·e·s peuvent ou ne peuvent pas manger / boire / quand / quoi / comment, mais plutôt de faire l’expérience, du lever au coucher du soleil, de l’absence de nourriture pour se mettre à la place de celles et ceux qui ont moins, et pour permettre au corps, débarrassé de ces apports matériels, de se détacher et de s’élever spirituellement.

A ne parler que de nourriture, nous aurions tendance à réduire le Ramadan à son expression la plus matérielle : le jeûne. Or nous sommes bien loin du compte ! Si chaque année les musulman·e·s se réjouissent à ce point de l’arrivée du mois béni, ce n’est pas tant pour la perspective de ne rien avaler, mais plutôt pour le caractère hautement spirituel qu’il revêt. Pendant 30 jours et 30 nuits, c’est l’occasion de se détacher un peu des considérations matérielles pour mieux se rapprocher de son Créateur et des attitudes qu’il convient d’adopter pour s’en approcher. En effet, le jeûne ne concerne pas seulement la nourriture, la boisson et les relations sexuelles, mais consiste également à s’abstenir de toute mauvaise action ou parole.
 

4. Halte là, toi l’inquisiteur·trice indiscret·e !

 
Alors que la journée au bureau s’annonçait sereine, voilà que vous apercevez votre collègue musulmane boire pendant la journée… Mais avant de vous exclamer à gorge déployée « Comment, tu ne jeûnes pas ?! », pourquoi ne pas boire une petite tasse de considération et de prudence ?
 

Crédit photo : moosleemargh
 
D’une part, il est possible que la femme en face de vous soit en période de menstruation, autrement dit qu’elle ait ses règles, autrement dit qu’elle soit dispensée de jeûne, autrement dit qu’elle devra rattraper ses « days off » après le Ramadan (ouais ça fait partie de mon point 2 : va chercher tes infos !). Dans ce cas, il est possible qu’elle n’ait pas spécialement envie d’exposer son cycle menstruel à tout l’open space.

D’autre part, il est aussi possible que la personne en face de vous souffre de troubles du comportement alimentaire (TCA), qu’elle soit malade ou enceinte, et puisse ne pas pratiquer le jeûne pour ne pas mettre sa santé en péril. Enfin, cela peut être aussi un choix pour certain·e·s de ne pas jeûner pendant Ramadan et finalement, quelle qu’en soit la raison, et que l’on soit en mesure de le comprendre (ou pas !), personne ne devrait épier les gens dans leur pratique – et cela particulièrement en tant que non concerné·e.

Mais voilà ce qui est grandiose avec l’Islam et le mois du Ramadan, c’est l’adaptabilité bienveillante de ces pratiques. Le but n’est pas de se mettre en danger, bien au contraire. Alors inutile de jouer aux gendarmes des bonnes mœurs, et avant de vous engager dans des conversations qui peuvent vite devenir extrêmement intimes et surtout non désirées, dites-vous que la personne en face de vous sait pertinemment ce qu’elle fait !
 

5. Diffusez les bonnes pratiques en milieu professionnel

 
En tant qu’assistant·e / collègue / manager / chef·fe de musulman·e·s, à vous d’instiller un peu de bienveillance et d’attention dans le cadre de vos relations professionnelles. Même si cela devrait être d’usage tout au long de l’année, pendant le mois de Ramadan, n’hésitez pas à mettre à disposition dans vos locaux une salle destinée à la prière et/ou au repos pour permettre à vos collaborateurs·trices musulman·e·s de se reposer ou prier pendant leurs heures de travail.

Soyez aussi proactif·ve·s sur les bonnes pratiques et adaptez-vous aux besoins spécifiques de vos collaborateurs·trices musulman·e·s : manager, soyez flexibles sur les horaires de travail et proposez par exemple quand c’est possible des horaires décalés pour permettre aux musulman·e·s d’arriver un peu plus tard et donc de bénéficier d’un plus grand repos. Facilitez la prise de congés pour celles et ceux qui le souhaitent. Enfin, si la personne ne déjeune pas, cela ne signifie pas qu’elle doit poursuivre le travail pendant sa pause déjeuner (sauf si cela implique qu’il·elle pourra quitter le travail plus tôt).

Au delà de l’aspect éthique et tout simplement humain, quand on sait tous les bienfaits qu’apportent le bien-être au travail (y compris sur la productivité), on aurait tort de ne pas améliorer les pratiques managériales pendant le mois de Ramadan.
 

6. Surtout, n’exigez PAS des pâtisseries orientales !

 
Alors oui, les pâtisseries orientales sont aussi bonnes qu’elles sont sucrées, oui on aime se lécher les doigts après les avoir dégustées mais non, non, non, ne demandez pas à vos ami·e·s, collègues, partenaires musulman·e·s de vous rapporter des pâtisseries orientales pendant ou après le mois de Ramadan !
 

 
En plus d’être sans gêne et franchement limite sur le rapport de force et la domination que cette « demande » peut induire (vos collègues insistent-ils lourdement pour que vous rameniez de la tarte normande ?), cela sous-entend aussi que l’Islam et les musulman·e·s sont uniquement arabes. Cela contredit toute la diversité et la richesse de leurs cultures respectives à travers le monde, mais renforce aussi l’idée que la culture musulmane ne se limite qu’au folklore que les gens veulent lui accorder.

Au contraire, pourquoi ne pas préparer une spécialité qui vous est chère et l’offrir à votre ami·e·, collègue, partenaire musulman·e pour sa rupture du jeûne ? Admettez que ça change un peu la donne, non ?
 

7. Mais surtout, demandez aux principaux·ales concerné·e·s !

 
Avec bienveillance et tact, interrogeons nos ami·e·s, collègues, partenaires musulman·e·s : comment pouvons-nous être de bon·ne·s allié·e·s pendant le mois béni de Ramadan ? Ensuite, il ne tient qu’à nous d’être suffisamment humble et attentionné·e pour écouter leurs recommandations et surtout les mettre en pratique !

Et enfin, cela va sans dire, ne tentez pas de niaiser en proposant de partager vos meilleurs bonbons pendant le jeûne, ou encore de tenter votre ami·e·, collègue, partenaire musulman·e, car n’ayez aucun doute là-dessus, après le mois béni… il sera temps de régler les comptes…
 

 

Allez, Ramadan moubarak la famille <3

 

Article co-écrit par Emnus & Clodhiste, la plus blonde des alliées en construction

 

Photo de couverture : Crédit @moosleemargh

 

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Lallab Birthday : un festival féministe pour célèbrer la sororité !

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En Mai 2017, Lallab soufflera sa première bougie !
Un anniversaire sur le thème de la sororité, ce lien universel et immuable que les femmes peuvent tisser dans le respect, l’écoute, le partage et surtout l’amour…

 

Le 6 mai 2017, Lallab soufflera sa première bougie à la Bellevilloise, à Paris !

Pour l’occasion, Lallab t’embarque dans son univers pétillant et puissant de 13h30 à 23h, au sein du Loft de la Bellevilloise et te réserve un festival de F.O.L.I.E :

Des talks de féministes musulmanes plurielles et inspirantes avec entre autres l’entrepreneure Marieme Tighanimine, les militantes Wissale Achargui et Coumba Samake des Féministes contre le cyberharcèlement, l’universitaire Diane Sophie Girin…
Une table ronde sur l’art et la culture comme moyen de réappropriation de son récit en tant que femmes avec notamment l’écrivaine Rachel Khan, l’illustratrice de BD Maeril, la graffiti artist Pearl, la street artist Lilyluciole, l’instagrameuse Yousra Essati, la réalisatrice Grace Ly (« ça reste entre nous »)…
Les concerts de Haydar Hamdi et de Tina Mweni, car l’art militant est éblouissant !
Une librairie collective et féministe
Une boutique pour mettre en lumière de super femmes entrepreneures
Des ateliers, des temps d’échanges et de partage
Un espace dédié aux #Lallababies et plein de surprises !

Et comme une merveilleuse nouvelle n’arrive jamais seule, nous avons l’immense honneur de célébrer cet anniversaire, placé sous le thème de la sororité, sous le marrainage d’ Asma Lamrabet, féministe et directrice du Centre d’Etudes et de Recherches sur la question des Femmes dans l’Islam à Rabat (Maroc).

Célébrons la sororité : cet amour révolutionnaire

La sororité est l’essence même du combat de Lallab. C’est la solidarité féminine, celle qui rassemble car elle célèbre les femmes venues de tous les horizons et nous fait nous tenir en bloc commun pour mieux faire entendre nos voix et être plus fortes. C’est ce réseau de femmes fortes et fières qui célèbrent leurs différences, c’est ce féminisme que l’on veut intersectionnel.

IN-TER-SEC-TION-NA-LI-TÉ : nous levons notre poing pour les soeurs qui subissent le sexisme, le racisme et pour celles aux identités plurielles.

La sororité est un combat à mener sur tous les fronts car si notre féminisme n’est pas inclusif, antiraciste, body-positif, pour les personnes de toutes orientations sexuelles, identités de genre, ou en situation de handicap, s’il ne dépasse pas les différences sociales, alors pour qui est-il ?

Lallab : soyons créatrices de nos récits !

Lallab c’est une association féministe et antiraciste qui compte près de 200 bénévoles et qui depuis un an, bouscule les préjugés sur les femmes musulmanes en France (et même au-delà) !

Nous faisons entendre les voix plurielles des femmes musulmanes et nous nous battons avec amour et bienveillance pour que chaque femme puisse s’épanouir et célébrer toutes ses identités.

Et notre combat va bien au-delà des droits des femmes musulmanes, puisque nous considérons que chaque femme est la plus à même de décider des conditions de son émancipation. Personne, pas même une autre femme, aussi bienveillante soit-elle, ne doit décider pour elle !

Lallab c’est aussi un magazine en ligne où les plus jolies plumes écrivent leurs histoires pour déconstruire les mythes qui y sont attachés. C’est encore une boite de production où nous célébrons et rendons hommage à ces femmes musulmanes inspirantes. C’est dans toute la France que nous avons ainsi présenté notre série documentaire Women SenseTour – in Muslim Countries. Lallab c’est surtout beaucoup de bruit dans les médias et des prises de parole puissantes (allez ça te revient la flamboyante Attika qui a confronté Manuel Valls en prime time sur France 2). C’est enfin des événements et des ateliers de sensibilisation en milieu scolaire, pour préparer la prochaine génération de féministes badass. Le tout avec des tonnes de bienveillance et d’énergie brutes !

TU PARTAGES NOTRE ENTHOUSIASME ?

ALORS VIENS FÊTER LA SORORITÉ AVEC NOUS LE 6 MAI !

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11 conseils pour être un.e bon.ne allié.e

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Quand on présente l’association Lallab, c’est « drôle » mais on ne reçoit pas du tout les mêmes retours ! « On », c’est Sarah, musulmane, et Justine, athée, toutes deux cofondatrices de Lallab, réalisatrices de la série documentaire Women SenseTour in Muslim Countries et féministes !
C’est simple, lorsque c’est Justine qui présente l’association, on lui dit généralement que « c’est génial ce qu’elle fait », que c’est même « très altruiste de sa part d’aider les femmes musulmanes ». Alors que lorsque c’est Sarah, on lui rétorque plutôt que « c’est quand même un projet super communautaire, il faudrait aussi parler des discriminations vécues par d’autres femmes ». Certain.e.s rajoutent même qu’elle est « trop concernée par le sujet, trop passionnée » et qu’elle « n’a pas le recul nécessaire pour être très objective ». Clairement, dans notre société, la parole d’une femme blanche et athée a plus de poids que celle d’une femme musulmane, même pour parler de son propre vécu.

 
Rappelons-le : la mission de Lallab est centrée sur les femmes musulmanes et l’une des valeurs centrales de l’association est la parole aux concernées. Mais à l’image de notre duo, les membres de Lallab – majoritairement des femmes – sont également très plurielles ! Puisque nous ne souhaitons surtout pas reproduire les rapports de domination de la société en notre sein, se pose donc la question de la place de chacun.e dans l’association et notamment des membres qui ne sont pas des femmes musulmanes, c’est à dire les « allié.e.s » !
 

Nous sommes tou.te.s les privilégié.e.s de quelqu’un

 
Le mot « privilège » à tendance à faire peur et à braquer les gens – « comment pourrais-je être privilégié.e alors que je n’ai plus rien à manger à la fin du mois ? ». Le mot privilège est souvent associé à la richesse, alors que le concept tel qu’employé ici est beaucoup plus large.
Un privilège, c’est un pouvoir ou une immunité particulière que l’on détient sans avoir fait d’effort pour l’obtenir, et qui nous facilite la vie sans qu’on en ait nécessairement conscience, et sans qu’on l’ait demandé. Ce n’est ni bien ni mal en soi, mais c’est important d’en avoir conscience.
Être valide, par exemple, c’est être en position de privilège face à une personne en situation de handicap, pour qui le simple fait de se déplacer peut être un combat de chaque instant, ou qui met parfois des années à faire reconnaître sa pathologie…
Dans le vocabulaire militant, on insiste sur le fait qu’il est important de « checker ses privilèges », c’est-à-dire de faire un travail personnel pour savoir où sont nos privilèges pour éviter de participer, consciemment ou non, à un système oppresseur.
 
Check tes privilèges
Crédits : Buzzfeed
 
Chez Lallab, nous cherchons à créer une société plus juste et égale pour toutes les femmes sans porter de jugement sur les identités ou les choix de celles-ci. Nous sommes donc tou.te.s des allié.e.s. Mais comment être un.e bon.ne allié.e ?
 

1) Ecouter & apprendre à se taire

 
L’une des règles les plus importantes du rôle d’allié.e est de ne pas prendre tout l’espace en monopolisant la parole. Vous pouvez certes participer si votre contribution est enrichissante, ou en posant des questions pertinentes ou qui peuvent faire avancer le débat, mais sachez garder une place marginale. Etre l’allié.e d’une personne, c’est savoir rester à sa place de « non concerné.e » par une oppression : il faut savoir être à l’écoute du ressenti, du témoignage, des analyses, des solutions proposées. Il faut savoir être une oreille bienveillante.
Si un sujet vous met mal à l’aise, vous êtes parfaitement libre de ne pas vous y engager et de laisser les personnes concerné.e.s débattre.
 

2) Lire & se renseigner

 
Un.e allié.e s’éduque constamment et n’attend pas des concerné.e.s qu’ils/elles fassent le travail à sa place. Il est important de faire ses recherches et de ne pas épuiser les concerné.e.s avec ses questions. Lisez et apprenez des expériences des personnes concernées. Google – ou Lilo – est votre ami.
 

3) Accepter les critiques

 
Face à la critique, il est important de ne pas se mettre sur la défensive, mais plutôt d’écouter, de s’excuser, de prendre ses responsabilités et de faire en sorte de modifier son comportement. N’attendez pas que le respect de vos sentiments soient la priorité des personnes blessées par vos actes ou vos propos, et concentrez-vous sur le fond plutôt que la forme. Le tone policing est une arme de silenciation en ce qu’elle permet de mettre un terme à une discussion en poussant ses participant.e.s à la colère pour mieux délégitimer leur discours.
 

4) Ne pas prendre toute la place

 
Quand on est allié.e d’une cause, l’idée n’est pas de tout ramener à soi et de se mettre en avant. L’idée est justement de mettre en avant les personnes concernées et de les aider de la manière qu’elles jugent la plus pertinente.
Ne pas en faire une question d’ego : il est important de ne pas s’engager juste pour briller en société ou se faire passer pour une personne géniale et tellement ouverte d’esprit, mais par réelle conviction, par envie de faire bouger la société.
Tant mieux si cela vous permet de vous enrichir, pour votre propre développement personnel, et c’est même essentiel, mais gardez en tête que vous êtes ici pour l’intérêt général et pas uniquement pour le vôtre.
 
Par exemple, en janvier dernier, lors de la participation de Lallab à l’Emission Politique, France 2 a insisté pour que l’invitée, face à Manuel Valls, soit Sarah, cofondatrice de Lallab. Nous nous sommes battues pendant plusieurs jours auprès de la chaîne télévisée pour que l’invitée soit Attika, trésorière de Lallab. Pourquoi ? Tout simplement parce que le sujet portait sur la question du voile en France, et Sarah est certes musulmane mais ne porte pas le foulard. Chez Lallab, nous avons une règle simple : toujours donner la parole aux principales concernées ! Sarah n’ayant pas la légitimité de s’exprimer au nom de celles qui portent le foulard, elle a tout simplement « passé le micro » à Attika !
 


Pas besoin d’être la voix des sans voix. Passe simplement le micro
 

5) Se concentrer sur le dialogue avec les personnes qui ont la même identité

 
Votre rôle d’allié.e est également de combattre les oppressions, d’éduquer vos proches x-phobes x-cistes, dans le but que ces personnes ne diffusent pas leurs propos nauséabonds auprès des personnes concernées. Et oui, cela signifie que vous allez vraiment avoir une conversation avec votre tata qui n’est pas raciste mais qui trouve qu’il y a quand même beaucoup de femmes voilées en France 😉
 

6) Ne pas prendre de pause

 
Les personnes racisées doivent faire face au racisme tous les jours, sans jamais pouvoir y échapper, les femmes subissent la misogynie perpétuellement, dans leur travail et au sein même de leur foyer.
De la même manière, en tant qu’allié.e.s vous ne pouvez pas vous taire quand « cela vous arrange », ou juste quand vous avez la flemme. Se montrer solidaire, c’est aussi partager ce fardeau de la déconstruction, et ne pas le laisser uniquement aux personnes concernées.
 
Neutral in the face of injustice
Crédits : whothafuckisalice. Si tu restes neutre face à une situation d’injustice, alors tu as choisi le camp de l’oppresseur
 

7) Etre allié.e n’est pas une identité, mais un processus

 
Etre allié.e est un but jamais vraiment atteint, il y a toujours des choses à apprendre, à mieux faire, c’est un processus qui ne finit jamais. Ce n’est pas non plus un titre que l’on peut se donner à soi-même. Ce n’est qu’au regard de vos actes et de votre attitude que le groupe, et surtout les personnes concernées, pourront déterminer si vous pouvez rester dans un espace safe ou si au contraire vous le polluez par vos interventions, par votre manque de remise en question. Ce n’est pas une identité parce que « être allié.e » n’absout pas de toutes les choses dites et faites dans le passé, ni ne protège d’erreurs dans le futur.
 

8) Ne pas se servir d’une caution « oppressée »

 
Il ne suffit pas d’avoir un.e ami.e dans une situation d’oppression (la fameuse amie noire de Nadine ♥) pour prétendre avoir une connaissance générale du vécu de toutes les personnes vivant cette même oppression. Pire, vous ne pouvez utiliser cet.te ami.e ou même sa parole afin de conforter, légitimer un discours raciste.
Par exemple : je connais une fille, c’est son père qui l’oblige à porter le voile, cela signifie donc que toutes les femmes voilées sont obligées de le faire.
 
not protectors but allies
Crédits : Ambivalently Yours. Nous n’avons pas besoin de protecteurs. Nous voulons des allié.e.s
 

9) Ne pas jouer pas aux jeux Olympiques de l’oppression

 
Vous êtes au milieu d’une conversation sur le racisme ? Donc non, ce n’est pas le moment pour parler d’une autre discrimination que vous vivez. Être oppressé.e sur certains sujets ne vous octroie pas un « free pass » pour ne pas rester dans votre rôle d’allié.e sur des sujets qui ne vous concernent pas. Ne faites pas dérailler la conversation. Il n’est pas toujours question de vous.
 

10) Ne pas monopoliser l’énergie et la force mentale

 
Les allié.e.s ne peuvent demander aux personnes en situation d’oppression d’essuyer leur larmes parce que cette situation les attriste profondément ; ils/elles ne peuvent pas non plus épuiser ces personnes en leur racontant toutes les situations d’oppression dont ils/elles ont été témoins. Ces oppressions, votre interlocuteur/trice les connaît, les vit au quotidien et n’a pas nécessairement envie que vous les lui rappeliez constamment.
 

11) Ne pas baisser les bras !

 
Le chemin de la déconstruction est long et parfois douloureux. Parfois, vous serez épuisé.e.s. Alors n’oubliez pas de prendre soin de vous. Et rappelez-vous, ça en vaut vraiment la peine : on change le monde !
 
 
 
Article coécrit par Lysandra, Sarah Zouak et Justine Devillaine
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Diffuse la bonne parole

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Portraits

« J’en veux à la France de faire de nous l’Ennemi Public Numéro Un »

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Dans Confidences à mon voile, Nargesse Bibimoune, déjà auteure du roman à succès Dans la peau d’un thug, revient sur son parcours de femme voilée en France. Sans fioritures, avec une simplicité transperçante, Nargesse raconte des bribes de vie qui ne seront que trop familières à plus d’une femme voilée/enturbannée/couvre-cheffée. Voilée ou non, femme ou homme, c’est un livre à lire absolument.

 

Ce journal intime, je l’ai lu d’une traite, en ne m’arrêtant que lorsque je devais attraper un mouchoir pour essuyer mes larmes. Je parle de journal intime car c’est la forme qu’a donnée Nargesse Bibimoune à son second livre. Elle y revient sur toutes les étapes marquantes de sa vie de femme voilée en France : de sa décision de se voiler à l’été 2002, à sa vie actuelle de femme épanouie, en passant par la loi de mars 2004 (interdisant le port de signes religieux à l’école) et les débats sur le voile qui n’ont cessé depuis. Munie de mon petit crayon, j’ai souligné tous les passages révélateurs du climat français, criants de vérité, émouvants… avant de me rendre compte que l’ensemble du livre l’était. Je me suis naturellement mise à écrire tant ses mots faisaient écho à ma vie et mes maux. Il est temps que nos pensées, nos combats, nos vies soient mis en lumière.

 

« Je suis à bout mon hijab »

 

Nargesse ne veut pas incarner les femmes voilées mais son texte peut faire écho à chacune d’entre nous. Même si les scènes vécues ne sont pas exactement les mêmes, les ressentis sont similaires. En premier lieu le sentiment d’injustice. A juste titre, elle écrit :

Nous n’avons même pas le temps de découvrir la justice que nous sommes déjà confrontées à l’injustice.

L’injustice prend différentes formes comme les discriminations, les inégalités, le racisme de nouveau décomplexé… Mais la première strate de l’injustice, la plus pernicieuse, est la violence symbolique. Les regards désapprobateurs, les remarques marmonnées de façon à n’être audibles que par nous, la boule au ventre en se rendant dans un nouvel endroit, la peur d’être refusée à cause de notre voile… La violence symbolique fait des ravages et ne nous aide pas à nous construire. Nargesse décrit parfaitement son parcours de fille devenue femme non sans difficultés. Son témoignage se lit avec émotion et illustre le développement psychologique accéléré. Nous grandissons trop vite, surtout celles qui ont décidé de le porter en pleine adolescence. Dans cette période où l’on cherche l’approbation des autres, il est extrêmement dur de se construire dans l’adversité. Les humiliations sont autant de poignards plantés dans nos jeunes cœurs. Avec résignation, nous nous devons de panser ces plaies béantes.

Ce livre est précieux pour comprendre le processus qui mène de l’incompréhension à la souffrance, et de la souffrance à la révolte. Après les temps de l’humiliation, du désarroi, du ras-le-bol, de la dépression, de la douleur et bien d’autres, vient celui de la colère et de la révolte. En effet, les solutions d’avenir qui se proposent aux femmes voilées ne sont pas illimitées : la dépression ; le repli sur soi et communautaire pour être enfin tranquille ; la révolte. La première n’est pas viable et la deuxième se révèle souvent décevante.

Nous sommes donc programmées à être révoltées pour exister dans cette société qui nous rejette. Je me joins complètement au cri du cœur de Nargesse : « J’en veux à la France de faire de nous l’Ennemi Public Numéro Un ». Le côté positif est que cette adversité a insufflé en moi la hargne pour maîtriser la langue, l’envie de connaître mes droits, le besoin de me battre pour changer ma situation. Mais à quel prix ? Ce combat imposé peut nous rendre fortes, mais surtout très fragiles. Lorsque Nargesse confie « Je suis à bout mon hijab », les mots se suffisent à eux-mêmes.

 

Cachez cette faiblesse que je ne saurais voir

 

Choisir de mettre le foulard en France, c’est accepter que « la moindre des activités devien[ne] un combat » comme l’explique si justement Nargesse. Ecole, plage, magasin, entreprise… On apprend à vivre sur la défensive, au point de friser la paranoïa. Mais à notre niveau, c’est franchement justifié. Pour s’accorder un peu de répit, on se surprend à rêver comme Nargesse : « Des fois, j’aimerais que tu sois transparent, que tu sois si petit que personne ne te voie, et que l’on arrête enfin de me parler de toi ». Par là même, on entre dans le cycle d’adaptation aux attentes de la société. Dans mon cas, cela a revêtu la forme d’un engagement personnel à ne plus mettre de foulard noir, « parce que ça fait trop peur », me disais-je il y a cinq ans. En réalité, noir ou coloré, foulard ou turban, mon voile fera toujours peur et ne sera accepté que lorsqu’il disparaîtra.

Malheureusement, le « ton voile fait trop peur » a un frère siamois. J’ai nommé « ton voile est trop occidentalisé ma sœur », prêché par les apôtres de la haram police (aujourd’hui utilisé à tort et à travers, haram signifie illicite en arabe et est un concept religieux à l’origine utilisé pour désigné ce qui a strictement été interdit par les textes sacrés et la pratique prophétique). « Ma sœur on voit ton cou », « tu mets du vernis », « tu t’épiles les sourcils ». Pour beaucoup, ce sont des signes de coquetterie, pour certain.e.s musulman.e.s, ce sont des signes d’impudeur. (Je tiens à préciser que je ne veux surtout pas lancer un énième débat sur l’épilation des sourcils ou le vernis. Ici, je déplore uniquement la focalisation qui est faite sur des détails physiques alors que nous nous devons de travailler notre spiritualité.) Donc en gros, on se doit de correspondre au modèle de la Marianne au sein nu (aux dernières nouvelles elle aurait le sein nu car elle est libre, elle, selon Valls !) et en même temps respecter une vision monolithique du modèle de la femme musulmane « respectable ». Nausée. L’infantilisation des femmes n’a aucune frontière. Mais chut, on ne se plaint pas ! Au risque d’être pointée du doigt comme « militante de l’islamisme politique qui ose se victimiser ». Face palm.

 
Sorority
La sororité selon Sanaa K.
 

Face à toute cette adversité, que nous reste-t-il ? La famille, lorsqu’elle est compréhensive, les ami.e.s les plus proches, ceux et celles qui nous aiment pour ce que nous sommes, et surtout la sororité. Vers la fin de son livre, le passage de Nargesse sur la sororité m’a mis du baume au cœur. La sororité, c’est ce groupe de personnes qui sont, comme nous, à l’intersection de plusieurs discriminations. Celles qui, non seulement nous écoutent, mais comprennent notre vécu car elles sont également passées par là. A chacune de construire sa propre sororité (un conseil : Lallab constitue un vivier de sœurs de lutte). La sororité, ce sont aussi ces inconnues, que nous ne connaissons pas mais auxquelles nous sommes reliées par ce voile commun, ce vécu commun.

Un sourire d’une sœur de lutte suffit à insuffler du courage et illuminer une journée pleine d’adversité. La sororité est essentielle à la survie en milieu hostile.

 

Quand la sœur de sang devient une sœur de lutte

 

J’ai versé les larmes les plus chaudes à la lecture de la lettre qu’elle a adressée à sa petite sœur lorsqu’elle a décidé de se voiler à son tour. Et pour cause, j’ai vécu exactement la même chose il y a de cela quelques semaines. J’ai été déstabilisée en surprenant ma sœur en train de tenter tant bien que mal d’attacher son foulard. Je ne m’y attendais pas, j’espérais que ça n’arriverait pas si tôt. Tout comme moi exactement six ans auparavant, elle n’avait prévenu personne, avait pris sa décision dans son coin.

Après la surprise, place à l’interrogatoire en bonne et due forme.

Tu es sûre ? Tu le fais à 100% pour Dieu ? Je t’ai expliqué combien c’était dur, tu penses être prête ?

Que des réponses affirmatives, je ne peux plus rien faire, je dois me résoudre à la laisser voler de ses propres ailes. Mon Dieu que c’est dur. Les bras s’enlacent, les visages se collent et les larmes s’entremêlent. Des larmes d’émotion, des larmes d’appréhension, des larmes de peur. Entre deux sanglots, j’arrive à lui dire « Tu entres dans un monde dans lequel je ne pourrai plus te protéger ».  

Ce monde nous détruit par à-coups vicieux, par petites piques en apparence inoffensives mais qui suffisent à nous ébranler. Ce monde ne nous laisse pas l’opportunité de nous développer normalement. Notre société crée une génération meurtrie mais se met des œillères pour ne pas constater les dégâts. Ce qu’il nous reste sont les quelques porte-voix qui portent nos histoires mais aussi nos espoirs. Nargesse Bibimoune en fait partie. Son livre est une des rares briques qui construisent le récit de nos vies. A nous de bâtir le reste.

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Diffuse la bonne parole

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