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TheArabicNovel et son univers : portrait (Partie III)

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« Je crois que chaque personne sur terre a un mode d’expression, un don. Je suis très croyante, je pense que Dieu nous a donné une voix qui nous permet de nous exprimer avec excellence. »

Dans les articles précédents (que vous pourrez lire ici et ) je vous évoquais la sensibilité de TheArabicNovel. Sarah est une écrivaine qui ne sait bien écrire que sur le coup de l’émotion. L’écriture est un art que Sarah maîtrise bel et bien, vous l’aurez remarqué sur sa page Instagram. Les phrases et les mots portent en eux la sensibilité et la poésie de Sarah.  
Elle souhaite toucher l’émotion de l’autre et que ce dernier capte l’émotion qu’elle transmet.Pour cela, elle doit écrire avec émotion. Si elle ne met pas ce qui la travaille dans ses textes alors ça ne touchera pas les lecteurs.rices.

« TheArabicNovel c’est vraiment moi, comme je suis vraiment, dans la vie. »

Vous l’aurez compris, Sarah partage avec vous un bout de son cœur et de son âme. Malgré le fait que TheArabicNovel aurait pu ne pas exister du fait de certaines craintes d’être présente sur les réseaux sociaux, aujourd’hui, Sarah est reconnaissante, car elle a fait de belles rencontres via ce compte.

Pour certain.e.s, un réseau social n’a aucun intérêt, pour d’autres, un compte Instagram peut changer leur vie.

Le contenu que Sarah propose sur ses médias sociaux est bénéfique pour de nombreuses personnes. Sarah inspire de nombreuses jeunes filles, et transmet cette passion pour la lecture à un grand public.

« Je le fais pour que ça touche quelqu’un. Je suis vraiment dans l’émotion et dans le partage de cette dernière. »

Comment ça marche sur TheArabicNovel ?

« On pourrait croire que je suis organisée mais pas du tout.

Je fonctionne vraiment au feeling, je refuse de recevoir des livres des maisons d’édition, je ne veux pas qu’on m’impose ce que je vais lire.

C’est moi qui vais chercher, c’est moi qui vais les solliciter lorsque j’en ai envie. Choisir les livres que je veux lire fait que je suis rarement déçu. J’optimise la sélection.

Je lis cent pages par jour parce que j’estime que pour bien écrire, il faut bien lire, et lire fréquemment. C’est comme les sportifs de haut niveau. Il faut s’entraîner.

Pour YouTube, je ne suis plus très à l’aise avec les vidéos face caméra où je parle toute seule, je préfère les vidéos où je mets en lumière quelqu’un, c’est pour cela que je m’axe désormais uniquement sur des interviews. Je trouve que c’est un format plus noble, j’aime le fait de mettre en avant le travail de quelqu’un à travers ma sensibilité et mon regard.»

Nous avons tendance à oublier que derrière un compte, il y a un être humain. Tout comme vous, comme moi, comme nous. Nous avons des hauts et des bas, des forces et des faiblesses. Nos journées, parfois, sont ensoleillées, d’autres fois, pluvieuses. Parfois, nos vies sont en plein tempêtes, parfois on se retrouve à naviguer dans un océan calme, sans jamais voir le bout de terre.

Comment TheArabicNovel se motive et garde la pêche ?

« Le fait de rester en mouvement, de faire des interviews, et de travailler sur du beau, ça te rend heureux.

Je n’étais pas dans un bon mood cette semaine mais hier j’avais une interview, je devais travailler les questions et chercher un endroit pour que la vidéo soit belle, chercher les musiques…Me préparer, préparer l’auteure, la mettre sous un bon angle, poser les questions.

Je suis ressortie de l’interview, j’étais boosté par le fait de la mettre en avant et puis elle me l’a bien rendue, elle m’a donné plein d’astuces d’écriture et, elle s’est livrée à moi.  

Tu te rends compte qu’on est tou.te.s pareil. Finalement, ce qui est écrit est écrit, et si Dieu m’a destiné quelque chose ça arrivera et il ne faut pas que j’angoisse. C’est ça qui me motive. Je me dis reste en mouvement, fait du kheir (du bien), fait du beau, fait des causes, ce que tu appréhendes et ce que tu attends, ça arrivera si Dieu te l’a destiné. Et ça me permet d’apaiser mes angoisses. »

 « J’ai une peur dans ma vie, c’est d’arriver à un âge très avancé et de me dire que je n’ai pas couru derrière ce que j’ai voulu faire. Je n’ai qu’une seule crainte et c’est ça. »

L’amour de la littérature est venu à Sarah par la rencontre de la langue française en Algérie lorsqu’elle était enfant. Quelques mots sur un journal et cette passion l’a poursuivie tout au long de sa vie. Le second déclic a eu lieu avec J.London, puis avec Faïza Guène à l’adolescence,où elle a eu l’impression qu’elle devait lire ce qui lui ressemblait et ce qui la travaillait. Les thématiques dans la littérature arabe sont la mélancolie, l’exil et la pudeur ; c’est la littérature qui ressemble à Sarah.

Sarah a besoin de lire des choses qui lui ressemblent, elle a besoin de poésie. Pour elle, rien n’est plus poétique qu’un.e auteur/trice de la langue arabe, qu’il soit arabophone ou francophone.

Une de ses grandes sources d’inspiration et qui l’a poussé à ouvrir son compte Instagram, c’est Bookapax. Sarah souligne que « c’est une personne extraordinaire. ».

Quelle est l’atmosphère de lecture de TheArabicNovel ?

« Je lis souvent quand j’ai une émotion forte, quand j’ai besoin de me couper de la réalité, je vais lire. Je sais que je vais être dans une bulle.

Maintenant que je fais du contenu, j’écris des articles, je suis obligé de lire tous les jours sinon je ne tiens pas le rythme. Je suis venue à lire cent pages par jour car je n’ai pas le choix sinon je n’avance pas dans mon travail.

La vraie lectrice que je suis, elle lit quand elle a une émotion forte lorsque j’ai besoin de me ressourcer et de me retrouver, mais là, je suis une lectrice du quotidien. »

 

 

« Je pense que l’intention est au cœur de tout. »

J’aimerais conclure cette série d’articles, sur cette notion qu’on connaît tous, la notion de l’intention. Je pense qu’avoir un cœur et une âme pur.e.s lorsqu’on réalise quelque chose est important. Sarah est sincère dans ce qu’elle fait, lorsque j’ai discuté avec elle, je sentais sa bienveillance, sa sensibilité et sa passion envers la littérature. Je lui souhaite le meilleur.

« Tout ce que je fais c’est pour les échanges, les rencontres, on se construit à travers l’autre. »

Lorsque j’ai contacté Sarah pour écrire cet article, à aucun moment, je ne pensais écrire une série d’articles, je n’en avais prévu qu’un seul. Mais après notre échange, j’ai eu envie de partager avec vous le maximum de notre conversation et surtout je voulais partager avec vous la sincérité de Sarah.

Cet échange était énorme.  Je ne la remercierais jamais assez de ce moment agréable où j’ai eu l’occasion de discuter avec elle. Mille mercis Sarah pour ta sincérité et ta gentillesse.

Sincèrement.

« Un roman a le pouvoir de te faire vivre toutes les vies que tu ne vivras pas. »

 

Crédit photos : Pixabay, Pexels, Canva 

 

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TheArabicNovel et son univers : les cendres du passé (Partie II)

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Il serait vulgaire de ma part de vous écrire une unique partie sur Sarah, alors qu’il y a tant de choses à dire et à partager avec vous. Si vous n’avez pas lu la première partie, je vous invite à la lire en cliquant sur ce lien.

« Je pense que je fais une fixette sur le passé. »

Sarah est petite fille de révolutionnaires algériens, est-ce la raison qui explique son obsession sur ce qui s’est passé durant la guerre d’Algérie ?

Sarah m’explique que ses grands-parents (que la miséricorde de Dieu soit sur eux), ne parlaient pas du passé avec leurs enfants. Cependant, depuis toute petite, elle posait des questions à sa grand-mère, elle voulait savoir et comprendre. Néanmoins, elle pense qu’elle a réouvert les blessures du passé de sa grand-mère. 

« Ma grand-mère m’a un jour dit, mais Sarah pourquoi tu t’intéresses à ça, toi, tu es française, tu es française. »

Lorsque nous évoquons les histoires de nos ancêtres, de nos pays d’origine, et de la colonisation, il y a toujours cette question de légitimité qui revient. « Nous jouissons des fruits de leur combat, et pourtant nous cultivons en nous une tristesse et une mélancolie d’un passé que nous n’avons pas vécu. »

Sarah me confie, à cette époque où elle discutait avec sa grand-mère, qu’elle ne se sentait pas française. Elle en voulait au monde entier pour ce qui s’était passé en Algérie.

« Je ne l’avais pas vécu cette guerre, mais je la porte en moi. »

Comment peut-on porter une guerre qu’on n’a pas vécue, comment peut-on ressentir autant d’émotions face à une histoire qui n’est pas directement la nôtre ? Héritons-nous des traumatismes de nos ancêtres ?

Certains.es diront pourquoi ressasser un passé qui n’existe plus. Pourquoi vivre dans le passé, qui, en plus, est un passé sombre et rempli de douleur ?

Aujourd’hui, nous constatons que ce passé est en train de s’éteindre avec les aïeux qui partent. Nous avons besoin du travail de mémoire, nous avons besoin de ces histoires, nous avons besoin de les comprendre. Nous devons saisir ces récits pour les transmettre avant que cela ne soit trop tard.  

 

« Moi, j’ai envie de raconter ça à ma fille. Il faut donc saisir ces histoires. »

Une fracture au niveau de la langue, due à la colonisation, est la raison pour laquelle on ne transmet pas ces histoires, ni à l’écrit, ni à l’oral. Une sorte de coup de hache donné par le colonisateur qui a brisé l’Algérie et qui a laissé les générations suivantes chamboulées. Les histoires se perdent entre deux langues, deux cultures, deux façons de faire et de vivre. Que faire pour transmettre nos histoires et ne pas les perdre ?

Le pont qui nous lie à nos ancêtres est fissuré, fragile et il suffit d’un léger souffle pour perdre ce lien. 

Tout au long de mon échange avec Sarah, j’ai senti cette mélancolie qu’elle possède envers le passé et envers l’Algérie. Naturellement, son premier manuscrit traite du passé, de l’Algérie et de la colonisation.

 

« J’ai du mal à trouver un éditeur, on me répond, « c’est bon, mais ce n’est pas pour nous ». C’est ça qui me fait mal. »*

Son premier manuscrit parle de cette obsession du passé, de la guerre d’Algérie, de tout ce qu’elle porte en elle et qu’elle n’a pas vécu. Cependant, elle a du mal à trouver une maison d’édition qui accepte son roman tel qu’il est. Elle ajoute qu’elle ne l’a pas écrit pour la maison d’édition mais pour les lecteurs qui en ont besoin.

J’évoquais un peu plus haut le besoin de transmettre les histoires de nos ancêtres. Il est important que l’on ait ces histoires sous différents formats (films, séries, œuvres d’art ou encore livres et romans).

Sarah a écrit ce livre parce que ça lui fait mal, et que quelqu’un d’autre pourra se reconnaître dans son histoire, dans sa souffrance. Elle n’est certes pas détentrice de cette histoire, mais cette histoire est commune à plusieurs personnes. Elle n’est qu’une plume.

« Je ne suis qu’une plume. »

Une plume qui souhaite que le nom de ses parents figure sur un livre édité par une maison d’édition française. C’est son challenge à elle, sa contribution à cette lutte.

Je pense que chaque personne qui se reconnaît dans cette série d’articles porte en elle une sorte de revanche qu’elle souhaite mener à terme : publier un livre, réaliser un film, bâtir un empire, peu importe la forme, dont le message est sur le sol français, je vous souhaite du fond du cœur, de prendre votre revanche dans les règles de l’art.

Une autre raison importante qui joue sur la publication du livre de Sarah – que j’ai hâte de lire – est qu’elle fonctionne au feeling et à l’affect. Elle souhaite trouver un.e éditeur/trice qui comprend sa sensibilité, son univers et qui ne tente pas de réécrire son récit.

Son premier manuscrit constitue un récit personnel, écrit avec les fragments de vie de ses grands-parents, elle ne désire pas le réécrire pour plaire à l’éditeur/trice.

« Il y a quelque chose de trop personnel. Je veux le meilleur pour ce livre. »

Pourquoi avoir écrit ce livre ? « Quand, j’ai commencé à comprendre que ma grand-mère était une femme combattante qui a pris les armes, j’étais captivée à l’adolescence, et j’avais dit à mes parents, il faut qu’on raconte cette histoire, j’avais trouvé ça fascinant.

Je pense que dans toutes les familles algériennes, on est fier de ce qui s’est passé, on a envie de raconter ces histoires et de les partager. »

« Ce roman, il fait 300 pages. Ce roman, je l’ai écrit pour moi. Je me demande d’ailleurs si ce récit n’est pas trop intime pour être partagé, c’est pour cela aussi que quand j’ai un refus d’édition, je le prends personnellement. »

En combien de temps tu as écrit ce livre ? « J’avais toutes les bribes, tous les textes et toutes les archives. Ma grand-mère est décédée lors du premier confinement, le 6 avril 202. Et là, j’ai tout écrit, pendant tout le confinement. Tout est sorti. J’avais besoin de faire mon deuil. Tout est sorti à ce moment-là.

Une amie m’a dit que c’est « cathartique », on sent ta peine, on la sent.

Je suis très sensible comme personne. Je ne sais pas si ça se ressent, mais quand j’écris c’est que ça vient vraiment du cœur et là c’était le summum du summum de mon émotion. »

« Le livre est dur, très dur. »

Avec Sarah, j’ai beaucoup parlé de ce passé, elle m’a partagé une partie de son histoire, et je ne la remercierais jamais assez pour ça.

J’ai compris une chose, en discutant avec Sarah et en écrivant cet article: son livre n’est pas simplement une sorte de revanche, à mes yeux, c’est un hommage à son pays d’origine, un hommage à ses parents, mais surtout un hommage à sa grand-mère (que la miséricorde soit sur elle).

J’ai senti un amour profond et sincère envers sa grand-mère, lorsqu’elle l’évoquait. Je lui souhaite le meilleur pour ce livre, et j’espère du plus profond de mon cœur que ce manuscrit soit un étendard d’espoir pour la prochaine génération. Merci Sarah pour ta sincérité et ta bienveillance.

* Les propos susmentionnés sont datés

 

Pour lire la dernière partie du portrait (III), cliquez ici !

 

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TheArabicNovel et son univers : Sarah (Partie I)

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Aujourd’hui, je vais vous présenter Sarah et son univers rempli de poésie. Certain.e.s d’entre vous la connaissent à travers son compte Instagram TheArabicNovel, et/ou à travers ses vidéos sur sa chaîne YouTube. Pour d’autres, vous venez tout juste de la découvrir. Dans tous les cas, j’aimerais vous parler de cette femme qui inspire, à travers son univers, de nombreuses personnes.

Le début d’une aventure – Pourquoi TheArabicNovel ?

Lors de notre échange, Sarah m’a expliqué les raisons pour lesquelles elle a créé ce compte Instagram au sujet de ses lectures autour de la culture et de la littérature arabe.

« Paradoxalement, je pense que je suis plus TheArabicNovel que Sarah »

Au moment où Sarah a créé TheArabicNovel, elle voulait être elle, pouvoir s’exprimer, dans un espace, sans chercher la conformité ou l’approbation de l’autre. Elle avait envie de se laisser porter artistiquement et de laisser parler toute sa créativité.

« Nous vivons à une époque mondialisée, où la conformité est la norme, mais cette uniformité entrave notre créativité, pour plaire on en vient alors à se taire. »

Après une école de commerce, Sarah s’est retrouvée dans le monde professionnel et est devenue cadre. Schéma classique. Cependant, Sarah sentait que quelque chose n’allait pas, quelque chose lui manquait, elle avait l’impression de ne pas être alignée avec ses aspirations. Elle fit alors un burn-out il y a deux ans.

« Je suis tombée malade : j’avais des membres de mon corps qui se figeaient, comme pour refuser d’avancer »

Elle a rencontré un médecin qui lui a dit « Ce que vous avez ne relève pas de la médecine, si vous souffrez, c’est que vous n’êtes pas en phase avec vous-même. Vous faites quelque chose quotidiennement, mais cela vous déplaît. ». Ce médecin lui a conseillé de retourner aux bases et de se construire un refuge intérieur dans lequel elle puisse s’épanouir.

Elle décide alors de reprendre des études de littérature arabe. Sarah a toujours aimé les langues, c’est ce qui l’anime. Elle lit énormément et depuis toujours. C’est son passe-temps premier.  Elle a donc fait le choix de se consacrer à ce qu’elle aime, et de cette façon, elle a retrouvé la santé, car elle a décidé d’être pleinement elle-même. Ainsi, elle s’est épanouie, elle s’est sentie alignée avec elle-même. Elle avait l’impression d’être au bon endroit.

“Ce n’est pas évident pour tout le monde de se trouver dans la vie mais une fois que tu te trouves, tu ne peux que faire quelque chose de bien car tu es au bon endroit, tu suis le bon chemin” – me confie-t-elle.

« Quand je travaille sur les espaces TheArabicNovel, je suis moi et je me fiche du regard des autres. Cet espace est le mien, et je dis ce que j’ai envie de dire, que ça plaise ou pas. »

 L’histoire de Sarah me fait penser au phénix qui renaît de ses cendres. Je vois TheArabicNovel comme une renaissance et une sorte de réponse à la conformité de la société dans laquelle nous vivons. 

 

Le coup de foudre – La lecture

Imaginez une petite fille en train de lire un vieux journal français, sous le ciel d’Algérie, et qui tombe éperdument amoureuse de la littérature. Un vrai coup de foudre. Sarah m’explique comment elle a découvert son amour pour la littérature.

« La convergence n’exclut pas la divergence ». C’est avec cette phrase extraite d’un vieux journal algérien que la passion de Sarah débute. A cette époque, elle venait tout juste d’apprendre à lire, et puis, elle tombe sur ces mots, qui sont bien compliqués pour une enfant. Sarah me confie alors qu’elle n’avait rien compris au sens de cette phrase mais que la rime lui plaisait.

« Cela ne faisait pas sens pour moi mais cela résonnait en moi »

 À la suite de ce coup de foudre, Sarah a demandé à son père de lui acheter des livres. Le premier livre que son père lui a procuré était un Coran, acheté au hanout du coin. Elle a passé son été à le lire, sans rien y comprendre non plus, mais les titres des sourates la faisaient rêver : « La Lumière, Les Poètes, La Lune ».

Puis, de retour en France, Sarah découvre l’univers de Jack London, et en est devenue une grande fan, notamment grâce à « L’appel de la forêt » qui parle de la recherche de la liberté.

Et vous, quels sont les mots qui vous ont poussé dans la lecture ?

« J’ai cette quête de liberté en moi. »

Sarah est d’origine algérienne, petite fille de révolutionnaires; elle considère que l’amour de la liberté coule dans ses veines.

Vous est-il déjà arrivé de lire une centaine de livres de manière mécanique, sans vous y reconnaître ? Vous êtes là, en train de bouquiner, la plume de l’auteur est magnifique, elle vous plaît, mais pour une raison ou une autre, vous n’êtes pas réellement présents… Vous n’accrochez pas, l’histoire ne vous parle pas, ne vous ressemble pas. Vous n’êtes pas seul.e; de nombreuses personnes ont ce sentiment.

Durant ses années collège, Sarah découvre Faïza Guène et se dit que oui, il y a des livres qui parlent de nous, « qui parlent de moi », « qui me ressemblent ». Elle ajoute à propos de l’autrice, avec qui elle a pu échanger avec : « je te serais toujours reconnaissante, tu as changé ma vie, tu nous as fait comprendre que c’était possible, que nos plumes, un jour pouvaient être éditées et nos voix entendues ».

« S’il y a un auteur à qui j’aimerais ressembler un jour, mais à qui je ne ressemblerais jamais c’est Amin Maalouf. »

Sarah aime beaucoup les romans historiques et son auteur phare est le célèbre Amin Maalouf, qu’elle considère comme un génie de la littérature. L’un de ses livres préférés est « Samarcande ».

Grande fan de ses œuvres, le jour où Sarah a pu rencontrer A. Maalouf, elle a été incapable de lui témoigner son admiration tant elle était impressionnée. Les mots ne sortaient pas. La seule chose qu’elle ait pu faire a été de tendre son roman pour obtenir une dédicace.

Pourquoi cet amour pour les romans historiques :  

« Ces types de romans portent en eux un poids du passé. Pour moi, ils sont faits contre l’oubli et nous rappellent les fragments de ce que nous sommes. Ces histoires qui nous habitent en quelque sorte, avec lesquelles nous cohabitons sans les considérer. Ces livres nous offrent un miroir sur toutes ces histoires qui nous façonnent.

Je suis un peu guidée dans la vie par un trait de caractère : la mélancolie. Je fais une fixette sur le passé, donc forcément le roman historique est le genre qui me parle le plus. »

Et vous, aimez-vous les romans historiques ?

« J’ai l’impression de basculer dans un autre monde qui vit en moi. »

J’ai l’impression que c’est la littérature qui est venue à elle, l’amour des mots et de la lecture étaient inscrits sur son cœur et son âme depuis la nuit des temps.

Sarah est passionnée, le mot est faible, mais elle est amoureuse de la littérature, et durant notre échange j’ai senti cette passion, cet amour, cette folie qui anime les personnes qui ont cette soif de la lecture.

Aujourd’hui, Sarah est journaliste et écrit pour plusieurs magazines tels que Gazelle où elle fait des interviews d’auteurs/trices et des chroniques de livres afin de donner aux gens le goût de lire.

Retrouvez la suite du portrait ici (partie II),  et là pour la partie III.

 

 

 

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(Dé)construction

La petite dernière

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« Je m’appelle Fatima. Je porte le nom d’un personnage symbolique en islam. »

Française d’origine algérienne, elle porte« un nom qu’il ne faut pas salir ». Musulmanes pratiquantes et lesbiennes, l’auteure et la narratrice se confondent dans cette autofiction

 

À 24 ans, Fatima Daas, féministe intersectionnelle, signe son premier roman. Un premier texte sur son rapport à l’islam, écrit pendant son master de Création littéraire à Saint-Denis Paris 8, la mènera à La petite dernière. Chaque chapitre débute par « Je m’appelle Fatima » et marque sa quête identitaire. Française d’origine algérienne, musulmane, lesbienne et « banlieusarde qui observe les comportements parisiens », Fatima lutte pour faire coexister toutes ses identités. Des identités qui semblent contradictoires.

 

« Je m’appelle Fatima.

Je suis musulmane, alors j’ai peur :

Que Dieu ne m’aime pas. »

 

Des phrases courtes et des fragments de vie, qui racontent des conflits intérieurs et extérieurs. La narratrice questionne sa place à l’école, dans sa famille, dans la société… On l’accompagne de l’enfance à l’âge adulte et lors de ses trajets de Clichy à Paris. On se joint à elle dans la cuisine avec sa mère ou encore à l’hôpital, où elle se rend pour soigner son asthme. On la découvre dans sa relation compliquée avec Nina. En est-elle amoureuse ou fait-elle le choix d’une histoire impossible ? On ne sait jamais avec Fatima. Rien n’est acquis dans le roman, tout est mouvement. La possibilité d’accepter que nous sommes sans cesse en cheminement, se ressent aussi dans les interviews données par l’auteure.

« Je m’appelle Fatima Daas.

Je suis une menteuse.

Je suis une pécheresse. »

 

Fatima découvre son homosexualité à 12 ans. Un sentiment de honte la pousse à taire tout désir et la rend parfois violente. Tiraillement et honte d’être lesbienne mais aussi d’être musulmane dans le milieu lesbien… Et le sentiment d’être incomprise car « c’est difficile d’être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque ». Silencieuse dans ses relations amoureuses, elle est souvent tentée de fuir. Elle pense que « c’est terrible de dire « Je t’aime » […] c’est aussi terrible de ne pas le dire ». Mais « L’amour, c’était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi. »

 

« Ma mère dit qu’on naît musulman.

Je crois pourtant que je me suis convertie. »

 

Sans réel enseignement religieux, elle pratique d’abord par mimétisme. Puis, elle ressent une foi immense et se met à prier, avec conviction. Au journal Le Monde, l’auteure confie : « ce que je voulais livrer d’intime, c’est surtout les moments de prière où je sens la présence réelle de Dieu en moi, parce que la relation avec Lui est beaucoup plus forte que celle que je peux avoir avec une fille. C’est au-delà de tout. » Cependant, la culpabilité envahit Fatima, qui va à la rencontre de plusieurs imams dans l’espoir d’obtenir des réponses. « Dieu a créé Adam et Ève et non pas Ève et Ève » tranche l’imam. Ses prières s’intensifient, son amour pour Dieu ne faillit pas, elle « jure de ne plus recommencer ». Mais elle jure « sans promettre ». Elle ne renoncera pas.

 

« J’ai la sensation que ma vie commence tout juste à avoir un semblant de stabilité. »

 

Malgré quatre années de psychothérapie, elle continue « d’écrire des histoires pour ne pas vivre la sienne ». On se demande où est la vérité et où est la fiction. La jeune auteure a le courage de ne pas renier des parts d’elle-même, de ne pas choisir entre pratiquer sa religion et aimer les femmes. Elle lève surtout des tabous et parle à une génération en manque de représentation. Fatima Daas ne veut pas « réformer l’islam » et résiste également à la pression de la société, qui voudrait qu’elle choisisse. Si elle craint les récupérations de toute part, elle réaffirme à chaque fois, que son « désir profond est de discuter de littérature ».

 

Ce monologue ne donne pas de solutions mais nous permet de découvrir le parcours de Fatima Daas, en chemin vers l’acceptation de soi.

 

La petite dernière, Fatima Daas – éditions Notabilia, août 2020 – 192 pages – 16€

 

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Portraits

« J’en veux à la France de faire de nous l’Ennemi Public Numéro Un »

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Dans Confidences à mon voile, Nargesse Bibimoune, déjà auteure du roman à succès Dans la peau d’un thug, revient sur son parcours de femme voilée en France. Sans fioritures, avec une simplicité transperçante, Nargesse raconte des bribes de vie qui ne seront que trop familières à plus d’une femme voilée/enturbannée/couvre-cheffée. Voilée ou non, femme ou homme, c’est un livre à lire absolument.

 

Ce journal intime, je l’ai lu d’une traite, en ne m’arrêtant que lorsque je devais attraper un mouchoir pour essuyer mes larmes. Je parle de journal intime car c’est la forme qu’a donnée Nargesse Bibimoune à son second livre. Elle y revient sur toutes les étapes marquantes de sa vie de femme voilée en France : de sa décision de se voiler à l’été 2002, à sa vie actuelle de femme épanouie, en passant par la loi de mars 2004 (interdisant le port de signes religieux à l’école) et les débats sur le voile qui n’ont cessé depuis. Munie de mon petit crayon, j’ai souligné tous les passages révélateurs du climat français, criants de vérité, émouvants… avant de me rendre compte que l’ensemble du livre l’était. Je me suis naturellement mise à écrire tant ses mots faisaient écho à ma vie et mes maux. Il est temps que nos pensées, nos combats, nos vies soient mis en lumière.

 

« Je suis à bout mon hijab »

 

Nargesse ne veut pas incarner les femmes voilées mais son texte peut faire écho à chacune d’entre nous. Même si les scènes vécues ne sont pas exactement les mêmes, les ressentis sont similaires. En premier lieu le sentiment d’injustice. A juste titre, elle écrit :

Nous n’avons même pas le temps de découvrir la justice que nous sommes déjà confrontées à l’injustice.

L’injustice prend différentes formes comme les discriminations, les inégalités, le racisme de nouveau décomplexé… Mais la première strate de l’injustice, la plus pernicieuse, est la violence symbolique. Les regards désapprobateurs, les remarques marmonnées de façon à n’être audibles que par nous, la boule au ventre en se rendant dans un nouvel endroit, la peur d’être refusée à cause de notre voile… La violence symbolique fait des ravages et ne nous aide pas à nous construire. Nargesse décrit parfaitement son parcours de fille devenue femme non sans difficultés. Son témoignage se lit avec émotion et illustre le développement psychologique accéléré. Nous grandissons trop vite, surtout celles qui ont décidé de le porter en pleine adolescence. Dans cette période où l’on cherche l’approbation des autres, il est extrêmement dur de se construire dans l’adversité. Les humiliations sont autant de poignards plantés dans nos jeunes cœurs. Avec résignation, nous nous devons de panser ces plaies béantes.

Ce livre est précieux pour comprendre le processus qui mène de l’incompréhension à la souffrance, et de la souffrance à la révolte. Après les temps de l’humiliation, du désarroi, du ras-le-bol, de la dépression, de la douleur et bien d’autres, vient celui de la colère et de la révolte. En effet, les solutions d’avenir qui se proposent aux femmes voilées ne sont pas illimitées : la dépression ; le repli sur soi et communautaire pour être enfin tranquille ; la révolte. La première n’est pas viable et la deuxième se révèle souvent décevante.

Nous sommes donc programmées à être révoltées pour exister dans cette société qui nous rejette. Je me joins complètement au cri du cœur de Nargesse : « J’en veux à la France de faire de nous l’Ennemi Public Numéro Un ». Le côté positif est que cette adversité a insufflé en moi la hargne pour maîtriser la langue, l’envie de connaître mes droits, le besoin de me battre pour changer ma situation. Mais à quel prix ? Ce combat imposé peut nous rendre fortes, mais surtout très fragiles. Lorsque Nargesse confie « Je suis à bout mon hijab », les mots se suffisent à eux-mêmes.

 

Cachez cette faiblesse que je ne saurais voir

 

Choisir de mettre le foulard en France, c’est accepter que « la moindre des activités devien[ne] un combat » comme l’explique si justement Nargesse. Ecole, plage, magasin, entreprise… On apprend à vivre sur la défensive, au point de friser la paranoïa. Mais à notre niveau, c’est franchement justifié. Pour s’accorder un peu de répit, on se surprend à rêver comme Nargesse : « Des fois, j’aimerais que tu sois transparent, que tu sois si petit que personne ne te voie, et que l’on arrête enfin de me parler de toi ». Par là même, on entre dans le cycle d’adaptation aux attentes de la société. Dans mon cas, cela a revêtu la forme d’un engagement personnel à ne plus mettre de foulard noir, « parce que ça fait trop peur », me disais-je il y a cinq ans. En réalité, noir ou coloré, foulard ou turban, mon voile fera toujours peur et ne sera accepté que lorsqu’il disparaîtra.

Malheureusement, le « ton voile fait trop peur » a un frère siamois. J’ai nommé « ton voile est trop occidentalisé ma sœur », prêché par les apôtres de la haram police (aujourd’hui utilisé à tort et à travers, haram signifie illicite en arabe et est un concept religieux à l’origine utilisé pour désigné ce qui a strictement été interdit par les textes sacrés et la pratique prophétique). « Ma sœur on voit ton cou », « tu mets du vernis », « tu t’épiles les sourcils ». Pour beaucoup, ce sont des signes de coquetterie, pour certain.e.s musulman.e.s, ce sont des signes d’impudeur. (Je tiens à préciser que je ne veux surtout pas lancer un énième débat sur l’épilation des sourcils ou le vernis. Ici, je déplore uniquement la focalisation qui est faite sur des détails physiques alors que nous nous devons de travailler notre spiritualité.) Donc en gros, on se doit de correspondre au modèle de la Marianne au sein nu (aux dernières nouvelles elle aurait le sein nu car elle est libre, elle, selon Valls !) et en même temps respecter une vision monolithique du modèle de la femme musulmane « respectable ». Nausée. L’infantilisation des femmes n’a aucune frontière. Mais chut, on ne se plaint pas ! Au risque d’être pointée du doigt comme « militante de l’islamisme politique qui ose se victimiser ». Face palm.

 
Sorority
La sororité selon Sanaa K.
 

Face à toute cette adversité, que nous reste-t-il ? La famille, lorsqu’elle est compréhensive, les ami.e.s les plus proches, ceux et celles qui nous aiment pour ce que nous sommes, et surtout la sororité. Vers la fin de son livre, le passage de Nargesse sur la sororité m’a mis du baume au cœur. La sororité, c’est ce groupe de personnes qui sont, comme nous, à l’intersection de plusieurs discriminations. Celles qui, non seulement nous écoutent, mais comprennent notre vécu car elles sont également passées par là. A chacune de construire sa propre sororité (un conseil : Lallab constitue un vivier de sœurs de lutte). La sororité, ce sont aussi ces inconnues, que nous ne connaissons pas mais auxquelles nous sommes reliées par ce voile commun, ce vécu commun.

Un sourire d’une sœur de lutte suffit à insuffler du courage et illuminer une journée pleine d’adversité. La sororité est essentielle à la survie en milieu hostile.

 

Quand la sœur de sang devient une sœur de lutte

 

J’ai versé les larmes les plus chaudes à la lecture de la lettre qu’elle a adressée à sa petite sœur lorsqu’elle a décidé de se voiler à son tour. Et pour cause, j’ai vécu exactement la même chose il y a de cela quelques semaines. J’ai été déstabilisée en surprenant ma sœur en train de tenter tant bien que mal d’attacher son foulard. Je ne m’y attendais pas, j’espérais que ça n’arriverait pas si tôt. Tout comme moi exactement six ans auparavant, elle n’avait prévenu personne, avait pris sa décision dans son coin.

Après la surprise, place à l’interrogatoire en bonne et due forme.

Tu es sûre ? Tu le fais à 100% pour Dieu ? Je t’ai expliqué combien c’était dur, tu penses être prête ?

Que des réponses affirmatives, je ne peux plus rien faire, je dois me résoudre à la laisser voler de ses propres ailes. Mon Dieu que c’est dur. Les bras s’enlacent, les visages se collent et les larmes s’entremêlent. Des larmes d’émotion, des larmes d’appréhension, des larmes de peur. Entre deux sanglots, j’arrive à lui dire « Tu entres dans un monde dans lequel je ne pourrai plus te protéger ».  

Ce monde nous détruit par à-coups vicieux, par petites piques en apparence inoffensives mais qui suffisent à nous ébranler. Ce monde ne nous laisse pas l’opportunité de nous développer normalement. Notre société crée une génération meurtrie mais se met des œillères pour ne pas constater les dégâts. Ce qu’il nous reste sont les quelques porte-voix qui portent nos histoires mais aussi nos espoirs. Nargesse Bibimoune en fait partie. Son livre est une des rares briques qui construisent le récit de nos vies. A nous de bâtir le reste.

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