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Le fléau du flambeau, ou comment une lutte se fait récupérer par des personnes non-concernées

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Quand des humain·e·s se rassemblent pour lutter contre une discrimination qui les touche collectivement, ça a plutôt tendance à mettre une pétoche monstre à celles et ceux qui ne sont pas impacté·e·s directement par cette discrimination. Et si crier au loup (oui, on a beaucoup de loups en France sur lesquelles nos blanches brebis crient très fort : les personnes racisées, musulmanes, LGBTI+, grosses, en situation de handicap…) semble une pratique qui s’essouffle doucement, quoi de plus ingénieux alors, pour étouffer un mouvement, que d’en confisquer le flambeau ? Voyons ici comment le détournement de haut-parleur est un trafic qui ne dit pas son nom, mais se déroule pourtant sans vergogne, et à la vue de tou·te·s.

 

Eh oui ! Car sur la scène de l’Occident, the star of the stars, ce n’est pas la personne qui travaille en coulisses, mais bien le chanteur ou la chanteuse du groupe. En tant que personne privilégiée, il est souvent difficile de ne pas surgir de derrière le rideau rouge, d’une glissade sur les genoux, ou bien de ne pas faire un pas en avant au moment des saluts, à la fin d’un spectacle dans lequel on ne faisait pourtant pas partie des personnages principaux[1]. C’est que le capitalisme et ses success stories ne nous ont pas franchement appris à nous satisfaire d’être un humble maillon de la chaine ! Tandis que, rappelons-le, le militantisme demeure une nécessité pour une multitude d’individu·e·s opprimé·e·s, on ne compte plus les militant·e·s en recherche de passeport social, ou de carrière professionnelle individuelle. Parmi ces histoires, celle de SOS Racisme constitue un véritable cas d’école.

 

SOS Racisme ou le sauvetage de carrières en péril

 

Selon le politiste Philippe Juhem, la fondation de SOS Racisme correspond à la « résultante [de] contraintes à la fois politiques, organisationnelles et professionnelles ».

 


Crédit photo : Campagne de communication SOS Racisme

 

Cette association antiraciste est créée en 1984, suite aux premiers succès électoraux du Front national. Toujours selon Ph. Juhem, ses membres fondateurs·trices ne bénéficient d’aucune formation théorique. Ni démarche intellectuelle exigeante, ni expérience personnelle, donc, mais une bille en tête pour toute conviction politique et matière première à la création d’un mouvement censé traiter d’une des plus grandes problématiques du monde.

C’est que la fondation de SOS Racisme répond en réalité à une toute autre urgence : pallier aux difficultés d’existence de ses fondateurs·trices au sein du Parti socialiste. A leur grande déception, nos protagonistes y occupent en effet une position marginale. Trop agé·e·s pour rester militant·e·s étudiant·e·s, mais trop jeunes pour accéder à des responsabilités d’envergure, la création d’une telle association leur fournira la légitimité de personnalités mises sur le devant de la scène médiatique et politique. Cette notoriété organisationnelle et individuelle pourra par la suite être valorisée au sein du parti. Ce sera notamment le cas pour Harlem Désir, président de SOS Racisme durant huit ans, devenu député européen sur la liste du PS en 1999.

 


Manifestation en 1989. Crédit photo : SOS Racisme

 

Laurence Rossignol, qui a participé à la fondation de l’association, affirmait d’ailleurs : « On a la certitude qu’on n’arrivera pas à s’imposer et à exister dans le Parti socialiste uniquement par l’intérieur, donc qu’il faut passer par un rapport de force qui est créé sur l’extérieur… et donc oui, qu’il faut créer son appareil. » En l’occurrence, c’est la cause antiraciste qui s’est retrouvée récupérée, en raison de son caractère « inattaquable » — plusieurs mobilisations de gauche contre cette oppression avaient déjà eu lieu, depuis la guerre d’Algérie. De plus, par la négation du caractère systémique du racisme (le racisme qui émane des institutions), le gouvernement n’est pas perçu comme coupable, ce qui permet à SOS Racisme de bénéficier de son aide matérielle. Tout cela contribue fortement à la marginalisation des militant·e·s de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Dans son documentaire Les Marcheurs, Samia Chala montre la déception de nombreux·ses marcheurs·euses, pour qui leur lutte a été détournée, notamment par la création de SOS Racisme, dont la posture est morale et non politique.

 


Départ de la marche pour l’égalité et contre le racisme, 1983. Crédit photo : AFP Photo/Marcel Mochet

 

La fondation de SOS Racisme aura donc permis à ses fondateurs·trices « d’accéder à des positions inespérées, » selon Ph. Juhem. Julien Dray a ainsi pu être député, mais aussi membre du Bureau national du Parti socialiste. Laurence Rossignol est également devenue ministre, au sein des gouvernements dont le chef était Manuel Valls. Ces deux piliers de SOS Racisme ont pour point commun d’avoir évolué dans leur carrière politique, mais également de tenir des propos très loin de l’antiracisme porté en étendard… En 2016, Laurence Rossignol avait assimilé les femmes musulmanes portant un foulard à des « nègres américains qui étaient pour l’esclavage ». Quant à Julien Dray, il affirmait en mai 2018 : « Le voile, quoi qu’en disent ses défenseurs, n’est pas un signe religieux. Il est d’abord un signe politique qui construit un statut particulier pour la femme. » Il s’opposait alors au fait que Maryam Pougetoux, présidente du syndicat étudiant UNEF à l’université Paris-Sorbonne, puisse porter un foulard tout en exerçant ses responsabilités.

 


Crédit photo : Affiche de l’université d’automne 2017 de la LICRA

 

L’appropriation du flambeau, cet incendie – ou la nécessité de redistribuer les micros de manière globale

 

S’emparer du flambeau d’une lutte dont on ne peut expérimenter les répercussions directes est une pratique encore aujourd’hui majoritaire. Cette année par exemple, la Pride de Toulouse a instauré l’élection d’un·e représentant·e, ouverte aux personnes non-concernées par les questions LGBTI+, sous prétexte d’un « nous, on ne met pas d’étiquette ». Or, la Marche des Fiertés est en elle-même une étiquette, qui indique qu’une masse de personnes, souffrant du fardeau de la honte qui leur est posé sur le dos, dresse des pancartes aux couleurs de l’arc-en-ciel pour tout bouclier. Se rassembler autour d’une fierté est une réaction, une force qui se décuple pour se défendre ensemble. Comme dirait le personnage de June dans la série The Handmaid Tale : « Il s’est constitué un « nous », parce qu’il existe un « eux ». »

Quand les collectifs de tous bords cesseront d’invisibiliser les personnes minorisées, alors oui, on pourra peut-être discuter du fait d’intégrer des porte-paroles non-concerné·e·s en formant une ronde d’humain·e·s tou·te·s égaux·ales autour de la Terre. Pour le moment, les discriminations font encore des ravages, le manque de diversité dans les représentations médiatiques alimente les imaginaires collectifs, et provoque un impact cinglant dans les réalités des personnes concernées. On pourra toujours dire, par exemple, que « mais oh c’est bon, un acteur cisgenre [dont l’identité de genre correspond au genre assigné à la naissance] a bien le droit de jouer une femme transgenre ! Et puis hein, le casting était ouvert à tou·te·s ». Et voilà comment, sous couvert de Liberté chérie, on ferme les yeux sur le pouvoir inconscient des mécaniques de représentations, qui nous poussent forcément à choisir, au bout d’un moment, les personnes les plus privilégiées.

Et oui, parce que pour représenter tout un mouvement, il faut en avoir les épaules. Et une personne qui a porté, toute sa vie, le poids des stigmates et des discriminations a bien moins de chances de développer la confiance en soi nécessaire à ce genre de poste. Choisir un·e représentant·e qui s’exprime avec aisance et dont l’apparence inspire spontanément confiance (comprendre : conforme aux normes esthétiques, physiques et vestimentaires), c’est très tentant pour bien faire passer un message. Et nous voilà reparti·e·s pour un tour de manège dans lequel ces personnes privilégiées serviront de modèles, qui inspireront et donneront confiance à d’autres personnes privilégiées et complexeront le reste de la population. Un cercle vicieux qui fait office de case de départ, et gare à vous si vous refusez de reprendre un ticket.

 

 

Choisir des personnes cisgenres pour représenter des causes trans (que ce soit à la Pride ou dans 99,9% des films), des personnes abolitionnistes (comme le Mouvement du Nid) pour parler du travail du sexe, ou des personnes blanches pour parler de racisme, des personnes valides grimées pour interpréter des personnes en situation de handicap… voilà autant d’exemples tristement banals d’une « ouverture d’esprit » prônée par des personnes dominantes alarmées par ces « communautarismes », et qui constituent un rouage majeur de l’écrasement de la parole des personnes concernées par un sujet tendance. Et nous voilà avec une Laurence Rossignol blanche comme une colombe qui vient parler à la place des femmes racisées et/ou musulmanes, ou un Saïd Bouamama qui se fait défenseur de réformes anti-prostitution.


Crédit photo : blog.payoneer.com

 

Les saccages du flambeau — ou les impacts des stéréotypes véhiculés par des personnes dominantes sur des individus concernés

 

En attendant, la plupart des personnes ouvrent des yeux comme des soucoupes quand elles rencontrent un individu qui ne ressemble pas à ceux qu’elles voient à la télé ou à qui la société ne confie pas ses postes de pouvoir, et se permettent de reproduire questions intrusives ou agressions franches diffusées par les émissions racoleuses.

En attendant, les comédien·ne·s trans ne trouvent pas d’emploi, sans cesse renvoyé·e·s à leur genre par des personnes qui, elles, gagnent de l’argent à filmer des personnes cisgenres déguisées, socialement valorisées pour leur « ouverture d’esprit ».

Les personnes non travailleuses du sexe, pour peu qu’elles soient allées rencontrer trois personnes concernées pour en parler sur les antennes pendant des mois, passent pour des grand·e·s aventurier·e·s qui ont osé se jeter dans une fange opaque, stigmatisant par là même l’ensemble de la communauté.

Les personnes blanches ont un si grand cœur en prenant le micro pour expliquer que le racisme, c’est pas bien, parce qu’après tout, on est tou·te·s humain·e·s (et que les personnes racisées qui parlent avec la mâchoire serrée desservent leur cause en étant agressives). Et qu’est-ce qu’il est rigolo, notre Jean Dujardin national, dans le film Un homme à la hauteur, rétréci numériquement pour qu’on se demande pendant 1h37 s’il va réussir, malgré son handicap, à séduire une femme conforme aux normes de beauté ! Quant aux personnes non-musulmanes, elles font preuve d’une empathie inconditionnelle à vouloir sauver de leur propre choix les femmes portant le voile.

 


Crédit photo : Atmanco

 

Les triomphes du flambeau – ou les impacts positifs des paroles et images de personnes concernées véhiculées par elles-mêmes

 

Laisser paroles et images publiques aux personnes concernées permet de faire comprendre qu’il n’y a pas UNE position et UN visage interchangeable de personnes concernées, mais l’expression d’analyses de la réalité multiples.

Laisser un pouvoir décisionnel aux personnes concernées ne garantit pas la pertinence de leurs actions, mais assure un ancrage dans une réalité.

Proposer une multitude de modèles aux jeunes générations leur offre la possibilité de s’identifier à des personnes qui leur ressemblent davantage et peuvent leur inspirer l’espoir d’incarner un jour une place de modèle.

Laisser les personnes concernées se débrouiller pour trouver leurs propres mécanismes de lutte et de résilience, c’est comprendre que, suivant ses privilèges, on ne parle pas du même endroit, et que la parole que l’on porte ne peut résonner sur le monde de la même manière. Par exemple, les mots « beur » et « beurette », comme « pédé » et « gouine », utilisés dans un contexte intra-communautaire, n’ont pas la même résonance quand ils sortent d’un cadre de personnes concernées, et se retrouvent par exemple comme catégorie de pornographie, ou insulte dans une cour de récréation…

S’en tenir à un poste de soutien quand on n’est pas concerné·e, c’est aussi faire partie de l’Histoire qui s’écrit. En comprenant que dans la balance de départ, chacun·e n’a pas le même poids, même si tout le monde peut y avoir une place. Parce qu’on peut aussi choisir de faire partie d’une équipe merveilleuse qui travaille à établir un équilibre salvateur.

 

 

[1] On exclut ici les cas, bien spécifiques, d’une demande expresse émanant des personnes concernées, ou d’une stratégie politique pensée collectivement en amont.

Article co-écrit par Addéli et Shehrazad

Crédit image à la une : Alisson Demetrio

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Diffuse la bonne parole

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Virginie : une main tendue aux femmes à la rue

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C’est au détour d’un repas solidaire pour son association que je croise Virginie, présidente de Baytouna. Elle nous parle avec amour de son projet. Virginie est une philanthrope. C’est une femme qui a décidé de s’investir pour d’autres femmes : celles qui vivent à la rue. Baytouna signifie « notre maison ». Grâce à la location d’un logement situé en banlieue parisienne, 12 femmes en situation de grande précarité peuvent être hébergées et accompagnées vers une réinsertion socio-professionnelle. C’est une nouvelle chance, un nouveau départ qui s’offre à elles après de lourdes épreuves. Pour mieux appréhender ce projet, nous allons faire un petit tour sur le terrain…

Le froid est saisissant en ce moment. Ce n’est pas un temps à traîner dehors. Nous rentrons vite dans notre chez nous, emmitouflé.e.s dans un bon lit douillet. Malheureusement, tout le monde n’a pas cette chance. Les personnes sans domicile fixe doivent se contenter d’un bout de carton posé à même le sol, dur, froid et humide. Des personnes qui  ne sont jamais sûres de se réveiller le lendemain. Parmi elles, des femmes.

 

Le collectif des morts de la rue a comptabilisé 497 décès en 2015. Leur espérance de vie est de 48 ans, contre 80 ans lorsqu’on a la chance de vivre dans un logement. Les femmes représentent 38% des SDF. Il existe peu de foyers qui leur sont destinés. Elles sont confrontées au manque de nourriture, de confort et d’hygiène, auquel s’ajoutent certaines problématiques bien féminines. Virginie me pose une question toute simple : « A ton avis, comment font-elles lorsqu’elles ont leurs règles ? » Je suis une femme et pourtant, je n’y avais pas pensé. Il est vrai que les gens ne pensent pas à donner des produits hygiéniques. 

 

Mais être une femme à la rue, c’est aussi être une proie, comme l’explique très bien l’article de Rue89. Elles doivent se protéger des violences, des agressions sexuelles, de leurs voisins ou de personnes un peu trop alcoolisées, pouvant se produire la nuit. Un double risque pour elles.

C’est au travers de ces constats sur le terrain que le projet a pris forme. Virginie nous explique :

Baytouna est le fruit de la réflexion de plusieurs acteurs du milieu associatif (Sanabil, Qassama, Au-delà des maux, Qibla, Muslim help, Abi association) qui se retrouvaient confrontés à la réalité des femmes : précarité, perte ou bannissement du domicile, structure non adaptée ou n’acceptant pas leur pratique religieuse notamment le hijab (sous prétexte de laïcité). »

Une fois entrées dans cette maison, une équipe dévouée les épaule jusqu’à ce qu’elles retrouvent un travail et LEUR propre home sweet home. Enfin un peu de douceur après tant d’épreuves. Virginie dégage et partage une valeur qui n’a pas de prix :

L’amour, c’est mon côté « bisounours » mais je pense sincèrement qu’on peut tout changer avec l’amour et en étant uni.e.s. On est plus forts ensemble.

Et c’est grâce à cette union d’associations qu’elle trouve de l’aide pour payer une petite partie du loyer, fournir des colis alimentaires et faciliter la logistique.

 

Et si j’étais elles…

 

Virginie manque de temps pour gérer son travail, son fils et l’association. Un choix courageux s’impose : sacrifier son propre emploi pour s’occuper à temps plein de ces femmes. Elle en fait sa priorité et tente d’améliorer leur sort par tous les moyens. Mais pourquoi un tel engagement ? « Je pourrais être elles ». Elle se reconnaît dans ces femmes. Nous pourrions toutes être elles…

Peut-être encore plus que pour les hommes, les raisons qui amènent une femme à devoir vivre dans la rue restent difficilement compréhensibles, floues, voire taboues. Et que dire des femmes musulmanes à la rue ? Elle nous explique :

On est confronté à un problème de prise de conscience et d’idées préconçues. En effet, les gens ne s’imaginent pas que des femmes puissent dormir dehors, notamment des musulmanes. Beaucoup de gens gardent une image de l’homme protecteur envers sa femme ou sa famille, donc il est inconcevable pour eux de se dire qu’un homme, musulman de surcroît, puisse mettre sa mère, sa femme ou sa fille dehors. Pourtant, il y en a énormément.

Et puis, parfois, par honte de la situation, certaines de ces femmes n’osent pas parler, n’osent pas prévenir les membres de leurs familles qui pourraient les loger. Virginie et Baytouna sont là pour elles !

Nous leur apportons soutien et amour, écoute et présence, hébergement et aide à la réinsertion socio-professionnelle. Véritable tremplin vers le retour à la « normalité », bouée de secours avant ou suite à la rue et ses atrocités, nous essayons au quotidien et grâce à vous de protéger et d’aider ces femmes qui n’ont plus rien.

La parole de Sofia, que vous pouvez retrouver sur la page Facebook de l’association, témoigne de cela.

 

Un grand besoin de bénévoles

 
Crédit : Baytouna

Crédit photo : Baytouna

 

Virginie aimerait avoir plus de temps pour rester avec ces femmes mais, actuellement, elle est occupée par les bilans de fin d’année, les recherches de subventions, de partenariats… Elle peut s’appuyer sur un petit réseau de bénévoles pour compléter les actions nécessaires à la bonne marche de l’association : « On a une dizaine de bénévoles, la plupart sont éducatrices ou assistantes sociales. Elles s’occupent d’encadrer les hébergées et de les aider dans leur projet de réinsertion». D’ailleurs, elle lance un appel :

Nous avons besoin de bénévoles issu.e.s du social. On a besoin de dons pour financer le loyer et les charges ou au moins que l’on parle de l’association, en particulier sur les réseaux sociaux (partage de publications, retweets…). Les filles aimeraient qu’on passe plus de temps avec elles. Malheureusement, nous sommes toutes bénévoles. Nos activités professionnelles ne nous laissent pas forcément autant de temps qu’on aimerait pour être à leurs côtés.

Si vous aussi, vous pensez pouvoir apporter quelque chose à cette association et que vous avez du temps, contactez-les pour proposer vos idées ou devenir bénévoles à leurs cotés !

 

Quand l’état d’urgence vient mettre à mal ce beau projet…

 

Comme toute association, celle-ci est confrontée à un manque d’argent… Mais pas que !

On a eu des difficultés, mais Dieu merci, on s’en sort toujours. La première a été de trouver un logement pour pouvoir héberger les femmes. Il est compliqué, quand on est une nouvelle association, de trouver un propriétaire qui accepte de louer son bien. Et puis il y a le coté financier qui est difficile. Tous les mois, c’est la course au loyer.

Être porteur d’un tel projet en étant une organisation musulmane, ce n’est pas qu’une partie de plaisir. Il y a le loyer, certes, et… l’état d’urgence ! Oui, oui, une maison qui loge des femmes peut être une menace à la sécurité nationale ! On aura tout vu ! Le 8 décembre 2015, la maison est perquisitionnée : intérieur cassé, portes défoncées, … Faute de moyens, tous les dégâts n’ont toujours pas pu être réparés, un an après. Virginie, l’optimiste, balaie cela d’un regard. L’essentiel : s’occuper de ces femmes ! Passons…

 

Et nous, que pouvons-nous faire pour elles ?

 

L’argent reste le nerf de la guerre. En septembre, par manque de dons, le paiement du loyer n’était pas assuré. Virginie a fait un appel sur les réseaux sociaux. Les filles de la maison ayant vu le message, elles ont elles-mêmes proposé de financer une partie avec leurs faibles revenus, de vendre des gâteaux, etc… La mobilisation sur les réseaux sociaux a permis de trouver les fonds nécessaires. Pour cette fois… Mais pas d’illusions, l’association a besoin de vos dons ! Elle est depuis peu reconnue d’intérêt général, et les dons sont à présent déductibles des impôts. Alors n’hésitez pas ! Leur rêve est de devenir un jour propriétaire. Peut-être pouvons-nous, à nous tous, les y aider ?

 

Si vous voulez en savoir plus sur Virginie et l’association, n’hésitez pas à aller consulter leur page Facebook ou leur site. Si vous connaissez des femmes seules, à la rue ou risquant de l’être et en situation régulière, la maison a encore des places. Vous pouvez contacter l’association au 06 35 79 05 65.

Virginie conclut sur cette petite touche d’espoir :

Notre bonheur, c’est lorsqu’une fille part de la maison après toutes ces épreuves. On est heureux et ému. Certaines sont restées un mois, d’autres jusqu’à un an. C’est comme si nous laissions partir un enfant à chaque fois.

Aucun être humain ne devrait vivre dans la rue. Aucun.e de nos semblables ne devrait être confronté.e à une telle situation de précarité. En attendant que ce souhait se réalise, souhaitons longue vie à Virginie et à Baytouna !

Que cette main tendue aux femmes à la rue ne se referme jamais…
 
 
Crédit photo image à la une : Teresa Suarez

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Diffuse la bonne parole

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Nora Belahcen Fitzgerald : porteuse d’espoir au quotidien

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C’est à Marrakech, la ville rouge du Maroc, que je rencontre Nora Belahcen Fitzgerald, fondatrice de l’association Amal pour les arts culinaires. Nora m’accueille dans son restaurant solidaire aux couleurs ocres, décoré avec soin par des tableaux de sa mère et des citations calligraphiées sur les murs. On retrouve ainsi l’une de ses phrases préférées de l’auteur soufie Hazrat Inayat Khan: « Il y a des gens qui cherchent des beaux endroits et d’autres qui cherchent à rendre les endroits beaux ». C’est exactement ce que fait Nora avec son restaurant : rendre cet endroit beau pour les femmes issues de milieux défavorisés.

 

Nora Belahcen Fitzgerald. Ses deux noms de famille représentent à eux seuls la diversité de sa culture. Nora est née et a grandi au Maroc mais est d’origine américaine, plus précisément de Californie. C’est dans les années 1970 que ses parents se sont installés au Maroc, après s’être convertis à l’Islam. Ils souhaitaient vivre dans un pays à la fois musulman et ouvert où ils pouvaient élever sereinement leurs enfants. Aujourd’hui, Nora se définit comme une « traductrice culturelle », qui maîtrise aussi bien l’arabe, l’anglais que le français. Nora passe facilement d’une culture à une autre et aime expliquer aux américains la situation économique et culturelle du Maroc. Elle tient d’ailleurs un blog à ce sujet depuis plusieurs années.

 

Mendier 10h par jour pour gagner 20, peut-être 30 dirhams

 

Nora a grandi dans une société dans laquelle la pauvreté a toujours été visible. Au quotidien, elle observait autour d’elle des femmes mendier assises au coin des rues ou devant les feux, pour obtenir quelques pièces de la part des automobilistes. Des images qui ne choquent plus vraiment les marocains, habitués à voir cette misère. Les rumeurs sur ces femmes sont d’ailleurs nombreuses : elles gagneraient beaucoup d’argent en faisant la manche, louraient leurs enfants ou encore leur donneraint des sirops pour les endormir afin d’attirer la pitié des passants.
C’est en 2006, lors de la visite de l’une de ses amies américaines que Nora réalise véritablement la souffrance de ces femmes. Choquée de voir autant de femmes mendiantes avec des bébés sur le dos, son amie supplie Nora de venir l’aider à secourir l’une d’entre elles. Nora, qui devait ce jour-là simplement servir d’interprète, fait l’une des rencontres les plus bouleversantes de sa vie : celle d’une femme, mendiante, célibataire et avec deux enfants à charges, qui vit dans une chambre de la taille d’une armoire, qu’elle loue 300 dirhams par mois.

 

Cette femme gagnait environ 20 à 30 dirhams par jour, soit 2 ou 3 euros. Le prix d’un café, que l’on ne va même pas finir

 

C’est alors le déclic pour Nora. Elle compare sa vie et celle de ses enfants qui ne manquent de rien, avec la vie de cette femme qui n’a même pas de quoi acheter des couches ou nourrir correctement les siens. Ces deux réalités lui sont insoutenables à observer. Alors, rapidement, elle mobilise son réseau d’amis et sa famille pour venir en aide à cette femme.

 

Après des années de servitude, elles sont devenues leur propre chef !

 

Nora fait par la suite la connaissance de deux autres mères célibataires issues de milieux défavorisés et qui, dès leur plus jeune âge, étaient devenues des « petites bonnes ». L’une d’elles a d’ailleurs confié à Nora qu’à l’âge de 6 ans, alors qu’elle pensait que ses parents l’emmenaient en vacances, elle a brusquement réalisé la triste réalité de ce voyage. Alors que la plupart des enfants rentraient à l’école primaire, elle était de corvée de ménage tous les jours de la semaine. A six ans !
Nora s’inspire du projet associatif de Aicha Ech-Chenna qui vient en aide aux mères célibataires et à leurs enfants dans la ville de Casablanca. En effet, l’association Solidarité Féminine comprend entre autres, en parallèle d’un hammam et d’une pâtisserie, un restaurant solidaire. Nora cherche donc un espace de travail pour ces deux femmes et leur obtient un poste dans une école où elles réalisent des pâtisseries. A leur projet, Nora apporte ses compétences en gestion et les femmes – elles –  font de « la magie avec leurs mains« . Ce premier projet rencontre beaucoup de succès et permet aux femmes de gagner plus d’argent que lorsqu’elles étaient « petites bonnes ». Elles sortent de l’état de servitude pour gagner dignement leur vie. Et pour la première fois de leur existence, elles deviennent leurs propres patrons. Une transformation qui encourage Nora à imaginer un projet plus grand.

 

L’association Amal

 

Chef Cuisinier – Association Amal pour les arts culinaires – Crédit photo : Women SenseTour in Muslim Countries
Chef Cuisinier – Association Amal pour les arts culinaires – Crédit photo : Women SenseTour in Muslim Countries

 

Suite au succès de ce premier projet pilote, Nora met toute son énergie dans la recherche d’un local plus grand afin de stabiliser son projet et maximiser son impact social. L’association Amal, organisation à but non lucratif, voit ainsi le jour en novembre 2012 et le restaurant ouvre véritablement ses portes quelques mois plus tard en avril 2013. Son objectif est d’améliorer le statut socio-économique des femmes issues de milieux défavorisés à travers l’apprentissage d’un métier valorisant dans le domaine des arts culinaires.
Cette association prend donc la forme d’un centre de formation pour ces femmes et d’un restaurant solidaire ouvert au grand public. L’ensemble des fonds récoltés grâce au restaurant sont donc reversés à la formation des bénéficiaires.
Grâce au soutien de la fondation Drosos, Nora peut professionnaliser sa structure, former une véritable équipe administrative composée d’une dizaine de personnes ainsi qu’un staff permanent en cuisine avec deux chefs cuisiniers, l’un spécialisé dans la cuisine française et l’autre dans la cuisine marocaine traditionnelle. D’ailleurs, l’une des chefs est une ancienne bénéficiaire de l’association. Nora a pu observer son évolution fulgurante: il y a quelques années cette femme était mendiante, aujourd’hui c’est elle qui enseigne fièrement aux femmes comment cuisiner les meilleurs mets de la gastronomie marocaine.
Chaque jour, Amal accueille entre 60 et 100 personnes  pour le déjeuner.

 

Amal, un espoir

 

Préparation plats marocains – Association Amal pour les arts culinaires – Crédit photo : Women SenseTour - in Muslim countries
Préparation plats marocains – Association Amal pour les arts culinaires – Crédit photo : Women SenseTour in Muslim Countries

 

Amal signifie « espoir » en arabe. Un espoir que Nora veut redonner à ces femmes aux parcours souvent semés d’embûches. Ces femmes sont pour la plupart veuves, mères célibataires ou victimes de violences mais parallèlement à leur précarité socio-économique, elles ont toutes pour point commun une réelle volonté de s’en sortir.
Au sein de l’association, ces femmes suivent des formations de 4 à 6 mois aux arts culinaires et à la pâtisserie marocaine traditionnelle. Cette formation est complétée par des cours d’alphabétisation et de langues étrangères, en anglais et en français. Chaque année, ce sont ainsi trois promotions d’une dizaine de bénéficiaires qui profitent des services de l’association. Elles s’ouvrent ainsi à un monde qui leur était souvent inconnu et cela commence en cuisine ; certaines n’avaient par exemple jamais goûté une simple tartelette aux fruits.
Grâce à Amal, elles se sentent valorisées et reprennent confiance en elles. L’un des meilleurs moments pour ces femmes est celui de l’atelier cuisine dans lequel elles enseignent aux clients étrangers à préparer le pain ou d’autres produits typiquement marocains. Ces moments sont uniques pour elles car en plus de l’échange de qualité avec les clients, elles sont fières de transmettre leur culture et leur savoir-faire.
Suite à leurs formations, ces femmes sont ensuite aidées par l’assistante sociale pour leur insertion professionnelle grâce notamment à des partenariats menés avec des ryads, des hôtels ou des restaurants dans la ville de Marrakech.
L’espoir, c’est aussi ce que Nora veut pour le Maroc. Elle observe que de plus en plus de jeunes de son pays s’engagent pour résoudre avec amour et intelligence les problématiques sociétales auxquelles font face les marocains.

 

Toujours se rappeler pourquoi on mène un projet

 

Licenciée en mathématiques, Nora ne se dirigeait pas véritablement vers les métiers de l’entrepreneuriat social. Sa famille a d’ailleurs été très surprise de la voir se lancer dans cette voix professionnelle ou ce qu’elle appelle plutôt son « projet de cœur« , puisque Nora effectue ce travail de façon bénévole.

 

Je voulais faire cela pour Allah, dans une intention pure. J’essaie au quotidien de toujours revenir à cette première intention, de ne pas oublier pourquoi je fais cela.

 

Selon elle, c’est grâce à cela que les portes se sont ouvertes et que ses actions ont été facilitées. Elle a ainsi pu trouver un magnifique local dans le quartier de Gueliz à Marrakech et a pu compter sur l’aide de ses proches pour former le capital d’investissement de son association, grâce notamment à la zakat récoltée (ndlr « purification » en arabe, il s’agit de l’un des cinq piliers de l’Islam et se définit comme un impôt sur l’avoir et la propriété obligatoire pour les musulmans).
Nora m’explique qu’Amal est un projet qui s’aligne sur les valeurs de l’Islam, sur cette volonté de promouvoir plus d’égalité au sein des sociétés.

 

Le prophète Mohamed disait « aucun de vous n’a complété sa foi jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ou sa sœur ce qu’il aime pour lui-même ». Ainsi, tout ce que je veux pour moi et pour mes enfants, je dois le vouloir, avec le même désir pour mes frères et mes sœurs. Il ne s’agit pas seulement d’un désir passif en se disant intérieurement qu’on aimerait cette égalité, mais il faut agir pour »

 

Le sort des mères célibataires dans les sociétés musulmanes

 

Nora se refuse de juger les mères célibataires et a au contraire beaucoup de tendresse pour elles. Certes, l’Islam interdit les relations sexuelles en dehors du mariage mais pour autant, si on les exclut de la société cela ne réglera en rien cette problématique. Nora m’explique que ces femmes sont pour la plupart analphabètes, elles n’ont reçu aucune éducation religieuse, spirituelle et ne connaissent même pas leurs corps. Ses femmes ont souvent vécu dans un état de servitude dans des familles qui n’étaient pas les leurs. Elles n’ont reçu que très peu d’amour et lorsqu’un homme les regarde seulement avec un peu de tendresse ou d’admiration, cela peut changer leur vie.

 

Agissez !

 

Nora raconte qu’elle a toujours dans son cœur une citation du prophète qui dit « lorsque vous voyez quelque chose qui ne vous plaît pas, changez-le avec vos mains. Si vous n’y arrivez pas, changez-le avec le stylo, écrivez. Si vous n’y arrivez toujours pas, détestez cette chose au fond de votre cœur ». L’action sociale se situerait donc à trois niveaux différents et on ne peut certes pas tout changer dans le monde, mais il faut au moins essayer ! Faites quelque chose ! Agissez ! Voilà son message.

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Diffuse la bonne parole

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