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Lettre à mes ami.es non musulman.es : CESSEZ DE VOUS TAIRE. Vous avez le pouvoir d’être des justes.

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Depuis que je suis petite, je me suis souvent demandée si j’aurais été dans le camp des collabos ou celui des justes pendant la Seconde Guerre mondiale. Je me suis souvent demandé comment on en arrivait à collaborer avec un gouvernement raciste, à dénoncer ses voisin.es. Je me suis souvent demandé si j’aurais eu le courage, la force, la clairvoyance d’être du côté des justes. Et puis je me suis souvent dit que si la vie de mes proches étaient en jeu, je ne suis pas sûre que j’aurais été prête à mourir pour mes valeurs.
Vendredi 15 mars 2019, je me suis levée pour prendre un train. Je venais d’apprendre que quasi 50 musulman.es venaient d’être assassiné.es par un terroriste suprémaciste blanc d’extrême droite uniquement parce qu’ils.elles étaient musulman.es. Je n’étais même pas surprise. Choquée, mais pas surprise. Mon pire cauchemar se réalisait.

 

Je m’étais souvent demandé si j’aurais été collabo ou juste. Bizarrement, je n’avais pas envisagé le cas où j’étais la potentielle déportée. La petite fille en moi ne comprenait pas pourquoi on s’en était pris aux Juifs.ves, aux Tziganes, aux homosexuel.les. J’étais donc rassurée qu’une partie de mon pays ait alors résisté et vaincu cette idéologie raciste. Et surtout, la petite voix au fond de moi me disait que mon pays ne pourrait plus jamais refaire ça. Je me disais que mon pays ne ME ferait jamais ça.

Pourtant, dès le 15 mars, même pas 24 heures après cette terrible attaque contre la communauté musulmane, MA communauté continue d’être salie, insultée, non-respectée dans son deuil. Nous serions en plus RESPONSABLES de ce drame de par notre existence même.

Pour mes ami.es non musulman.es qui prendront le temps de lire cette lettre, pour celles et ceux qui m’aiment, m’apprécient, ou juste me respectent, je vais vous demander une chose. CESSEZ DE VOUS TAIRE. Vous avez le pouvoir d’être des justes. Lorsque vous entendrez dans une phrase le mot « musulman.e » prononcé par certain.es politiques, journalistes, collègues ou membres de votre famille, remplacez le par « Nawal » et répétez-vous la même phrase dans la tête. Souvenez-vous que lorsqu’ils.elles disent « musulman.e », je suis directement visée. Si ma vie, mes droits et ma sécurité vous importent : intervenez, contredisez ou quittez simplement la table.

Si vous ne vous vous sentez pas concerné.e par ce que je viens de vous écrire, si ma vie, mes droits et ma sécurité ne vous importent pas, je ne vous en voudrais pas de ne plus vouloir me fréquenter. Je vous envoie tout mon amour et je vous souhaite une vie heureuse. Je ne suis pas sûre d’avoir besoin d’ami.es ou de « potes » qui sont complices, par leur silence, de la violence envers ma communauté. Je vous promets cependant, le jour où vous vous réveillerez, que la porte de mon cœur vous sera grande ouverte.

Pour les autres, souvenez-vous du choc psychologique du 13 novembre, souvenez-vous des émotions qui nous ont envahies. Alors que comme tant d’autres, je n’ai pas encore complètement digéré le 13 novembre, je dois de nouveaux faire face à ces mêmes émotions. Je vais continuer à vivre, à rire, à danser, à exister. Mais pendant un temps, chaque vendredi, j’aurai la boule au ventre quand mon père se rendra à la mosquée pour la prière collective. Et chaque vendredi soir, j’espère pouvoir fêter avec vous que j’ai eu tort de m’inquiéter car il sera rentré sain et sauf.

Soyez indulgent.es avec moi : je risque de tourner en boucle sur le sujet, ou par moments, de déprimer face à la bêtise de ce que j’entends, de ce que je vois, de ce que je vis. Rappelez-moi que vous êtes mes allié.es. Taisez-vous, ne répliquez pas, laissez le flot sortir. Prêtez-moi une épaule sur laquelle pleurer. Divertissez-moi. Acceptez le fait que vous ne me reconnaissiez pas ou que vous ne me compreniez pas complètement. Ma colère, même si elle s’exprime DEVANT vous, n’est pas dirigée CONTRE vous. Rappelez-vous que vous êtes les seul.es auprès desquel.les je m’autorise à l’exprimer. Car ailleurs, je n’ai socialement pas le droit de me mettre en colère, sans en subir les conséquences. Soyez mon espace de bienveillance dans ce monde qui en manque cruellement.

Je vous aime,

Nawal
#lavieestunefete #levieestunefeta

 

Crédit Photo Image à la une : Rakidd

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Mon expérience en tant qu’alliée non musulmane chez Lallab

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Bien que s’étant donné pour mission de faire entendre les voix plurielles des femmes musulmanes, Lallab est une association areligieuse et ouverte à tou·te·s. Addéli et Marine sont des « alliées » : elles ne sont pas musulmanes et nous livrent aujourd’hui leur expérience chez Lallab, jalonnée de remises en question et de découvertes.

 

Addéli : « Depuis, j’ai repris espoir. »

 
C’est un clic hasardeux sur une collecte de dons pour le Women SenseTour in Muslim countries qui m’a fait croiser pour la première fois le sourire de Sarah Zouak. Son projet m’est immédiatement apparu comme une réponse aux nombreuses confrontations, avec mon entourage ou avec des inconnu·e·s, au sujet du voile et de celles qui le portent. En effet, je clôturais de plus en plus rapidement ces discussions par un constat sans appel : nous étions des Blanc·he·s qui débattions entre Blanc·he·s, et les opinions assommantes que nous portions sur des individus majoritairement racisés jamais rencontrés par « amour du débat » devaient peser bien lourd sur la réalité des personnes concernées. Avec les témoignages que Sarah allait ramener, j’allais pouvoir apporter un support de récits de vies réelles contre ces insupportables ramassis d’avis intellectuels.
 
J’avais commencé de mon côté un projet visant à démanteler les stéréotypes sur les travailleur·se·s du sexe par eux·elles-mêmes, et constatais à quel point un témoignage peut détruire en moins de deux toute une architecture de pensée de fin de soirée. C’était il y a un peu plus de 3 ans, et je peinais tant à trouver un collectif qui ne soit pas plus putophobe qu’islamophobe que j’avais pris la décision de m’installer au Canada. Et puis le Women SenseTour est passé dans ma ville un vendredi soir… et j’ai rencontré Lallab. J’avais face à moi un militantisme ferme aux initiatives bienveillantes. Et pompon du pompon, il était mené par d’adorables personnes, profondes et accessibles. Je me suis dit : « Donc, c’est possible ». Et j’ai décidé de rester en France.
 
Depuis, pas un jour ne se passe sans que Lallab n’y laisse une trace.

Depuis, quand je me retrouve face à un « débat d’opinion », je peux piocher dans le magazine pour diffuser une parole de personne concernée.

Depuis, je communique régulièrement avec des Lallas dont j’ignore si elles portent un foulard, un col Claudine ou les cheveux bleus, mais que je pourrais reconnaître à la manière dont elles placent une virgule.

Depuis, j’ai découvert Asma Lamrabet, Nadia El Bouga, Amandine Gay, Angela Davis, Edward Saïd, Robin Diangelo… et tant d’autres auteur·e·s dont l’école ne m’a rien transmis.

Depuis, j’ai découvert une religion magnifique, robuste et délicate.

Depuis, je ne suis pas plus monothéiste, mais j’ai pris foi en la foi.

Depuis, j’ai compris que l’interprétation par l’Église catholique en France de la pudeur comme honte amputait la digne connotation que lui offre l’Islam, et combien taire ce genre de nuances peut détourner tout un beau concept de son sens premier.

Depuis, j’ai constaté qu’une laïcité, quand elle est galvaudée, détourne par contamination de nombreux principes fondamentaux comme la reconnaissance de la racialisation, du racisme d’Etat, la communauté, le féminisme anti-colonial, la liberté de culte, …

Depuis, j’ai vécu non pas le besoin personnel, mais la nécessité collective de ne pas participer à certaines réunions.

Depuis, j’ai le bonheur de célébrer à travers mes objectifs de caméra, d’appareil photo, de vie, une multitude de visages superbes.

Depuis, je bave sur le programme culturel et culinaire interne de l’association, que mon éloignement géographique ne me permet pas de suivre.

Depuis, j’ai envisagé avec plus de justesse les impacts qu’a sur le quotidien de tant de gen·te·s une loi française ou européenne qui passe entre deux vidéos de chatons sur mon fil d’actualité.

Depuis, je discerne bien mieux les clichés des médias dominants qui ressortent par la bouche de mes proches ou d’inconnu·e·s.

Depuis, je discerne bien mieux les clichés des médias dominants qui ont échappé au filtre de ma raison et qui tentent d’influencer mes repères.

Depuis, j’ai appris à demander dans des situations d’oppressions de quoi les personnes concernées ont besoin, y répondre et m’en tenir à ça.

Depuis, mes faiblesses y ont été dédramatisées, mes forces honorées… mes singularités accueillies, en somme.

Depuis, j’ai appris que la sororité est à l’image de ce qu’était pour moi, enfant, le prisme lunaire de Sailor Moon : une arme lumineuse contre les attaques monstrueuses – qu’elles viennent de cyber-amphibiens de tout bord sur la toile ou des chimères qui nous gouvernent.
 

Crédit : Naoko Takeuchi/PNP, Toei Animation
 

Depuis, j’ai repris espoir.

 
 

Marine : « J’ai révolutionné ma vision des femmes musulmanes et j’ai appris à lutter avec elles. »

 
« Se définir par soi-même, pour soi-même » : je pense que cette citation résume très bien les raisons de mon engagement chez Lallab. Être chez Lallab, c’est lutter pour que chaque femme puisse vivre dans une société dans laquelle tous ses choix seront respectés. Être chez Lallab, c’est ne plus craindre d’être soi-même. C’est apprendre à s’exprimer pour soi-même, par soi-même, sans redouter d’être violentée, discriminée ou encore jugée.
 
Je suis devenue bénévole chez Lallab après avoir rencontré Sarah Zouak lors d’une conférence. Cette femme m’a tout simplement inspirée, du haut de mes seize ans. Il y avait une telle force et un tel courage dans sa voix, que c’était une évidence pour moi de la rejoindre dans son combat, de lui apporter mon soutien en tant qu’alliée. Je me suis engagée dans son association par curiosité, mais aussi et surtout pour déconstruire cette vision incohérente des femmes musulmanes que j’avais en moi. Je suis née dans une famille blanche et de confession catholique, et dans mon entourage, aucun·e de mes ami·e·s n’était de confession musulmane. C’est avec ce manque de rencontres que j’ai grandi – la tête remplie de préjugés et de méfiance, je ne vais pas vous le cacher. Toutefois, lors des débats – sur le voile, par exemple – au sein de ma famille, beaucoup de propos me choquaient. Je les trouvais injustes, mauvais, pleins de généralités, et cela m’a motivée à vouloir rencontrer ces femmes pour connaitre leurs vérités, leurs points de vue.
 
L’association Lallab, qui a pour but de faire entendre les voix des femmes musulmanes dans notre société, répondait à mes attentes. Elle m’a permis d’entendre ces femmes que je n’avais jamais réellement rencontrées auparavant. Dans cette association, nous partons tou·te·s du même constat : on parle toujours des femmes musulmanes sans jamais leur donner la parole. Ma place, en tant qu’alliée, est donc avant tout de laisser les femmes musulmanes s’exprimer, et de les écouter. C’est la première chose que nous faisons en tant qu’allié·e·s chez Lallab. Nous dénonçons cette confiscation de la parole au sein de la société, et il est donc très important de ne pas reproduire ces mêmes schémas au sein de l’association, afin de mettre en lumière la pluralité des femmes musulmanes et de leurs discours. J’ai donc appris à écouter les autres, car lorsque nous menons une lutte et que nous ne sommes pas directement concerné·e·s par celle-ci, il est important de ne pas prendre toute la place. Lutter contre les discriminations, c’est aussi savoir laisser un espace d’expression et d’action aux personnes à qui la société n’en donne pas, c’est savoir rester en retrait, et travailler à ce que ces personnes puissent s’exprimer et agir directement, sans intermédiaire. Mais ce n’est pas pour autant que les allié·e·s n’ont aucun rôle à jouer. On peut tout faire chez Lallab en tant qu’allié·e, en accompagnant les concernées.
 

Illustration du 1er Lallab Birthday, sur le thème de la sororité / Crédit : Samah fait rire pour Lallab
 

Je suis arrivée chez Lallab sans savoir où je mettais les pieds, mais la chaleur, la bienveillance, l’amour qu’il y avait autour de moi m’ont fait me sentir pour la première fois comme si j’étais au bon endroit. Oui, pour la première fois, j’étais entièrement moi-même, sans avoir différents discours à adapter pour me justifier auprès des un·e·s et des autres. En tant que femmes, peu importent nos convictions ou nos cultures, nous désirons toutes être créatrices de notre propre histoire. Pour moi, il est temps de vivre sans avoir à nous justifier de qui l’on est, et de faire taire les préjugés et les discriminations envers des femmes simplement parce qu’elles sont musulmanes. En tant qu’alliée, je suis honorée de faire partie de celles et ceux qui relèvent ces défis pour changer la société et renforcer la cohésion et le lien social pour unir nos forces, plutôt que de les gaspiller dans des débats dépourvus de contenu. Chaque femme mérite de porter haut et fort sa parole et d’être fière de qui elle est.
 
A chaque activité à laquelle je participe, je découvre des personnes débordant d’amour, construisant des projets magnifiques pour la société, et unies par la force et la bienveillance. En rejoignant Lallab, j’ai arrêté de juger, et je me laisse inspirer. Je suis inspirée par la richesse et l’amour qu’il y a en chacune de ces femmes. Les accompagner pour qu’elles fassent entendre leurs voix, laisser la parole aux concernées est ce qui m’inspire le plus. Être leur alliée, c’est apprendre le respect envers chacun·e, c’est écouter et comprendre ; c’est aussi défendre les concernées quand elles ne sont pas présentes, et porter leurs voix auprès de ma famille ou de mes ami·e·s pour les amener à remettre en question leurs préjugés.
 
Je ne suis pas musulmane et je suis honorée de faire partie de l’aventure Lallab. Ici, j’ai révolutionné ma vision des femmes musulmanes, et j’ai appris à lutter avec elles.
 
 

Crédit image à la une : Elodie Sempere pour Lallab

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Non-musulmane, pourquoi je suis engagée chez Lallab

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Chez Lallab, nous parlons souvent de nos allié·e·s : ce sont les personnes qui ne sont pas musulmanes et qui s’engagent à nos côtés pour construire une société plus juste et plus inclusive, notamment vis-à-vis des femmes musulmanes. Qu’est-ce qui les amène à devenir bénévoles chez Lallab ? Réponse avec Marina et Sophie.

 

Marina : « Si mon féminisme n’est pas pour toutes les femmes, alors il ne sert à rien. »

 
Je ne suis pas musulmane, mais je suis profondément féministe. Le but du féminisme est pour moi qu’absolument chaque femme puisse faire ses choix de vie – professionnels, familiaux, et tout le reste – sans avoir peur d’être jugée, discriminée ou violentée. Or, dans la société française d’aujourd’hui, cela est plus simple à réaliser pour certaines femmes que pour d’autres.
 
Je suis une jeune femme blanche, issue d’une famille chrétienne de classe moyenne, j’ai eu accès à une très bonne éducation, j’ai un physique qui correspond aux standards de beauté actuels et j’ai choisi de m’investir dans un domaine professionnel typiquement féminin.
 
Je fais donc partie des femmes les plus privilégiés et de celles qui dérangent le moins. En général, on me respecte, on m’écoute, les gens sont plutôt d’accord avec ma façon de vivre ma vie (les gens ont toujours une opinion, voyons). J’ai, de ma vie entière, seulement fait face à un type de discrimination : le sexisme. En cela, mon expérience de vie diffère énormément des femmes qui font face à d’autres discriminations en plus : le racisme, l’islamophobie, l’antisémitisme, la grossophobie, la lesbophobie, la transphobie, des discriminations du fait de leur handicap, de leur classe sociale, et malheureusement encore plus.
 
C’est pour décrire ce croisement de discriminations que Kimberlé Crenshaw, une juriste américaine, a créé la notion d’intersectionnalité. Le féminisme intersectionnel désigne un type de féminisme qui prend en compte les différents types de discriminations et leurs croisements, et qui exige qu’ils soient pris en compte dans la lutte féministe. Car ce n’est pas tout de viser l’égalité femmes – hommes : il faut également l’égalité femmes – femmes.
 
Je pense sincèrement et de tout mon cœur que si mon féminisme n’est pas pour toutes les femmes – s’il n’est pas intersectionnel – alors il ne sert à rien.
 

Rachel Cargle (à droite) et son amie à la Women’s March de Washington, en 2017. / Crédit : Kennedy Carroll
« Protégez les FEMMES : noires, asiatiques, musulmanes, latina, en situation de handicap, trans, grosses, pauvres. Si vous ne vous battez pas pour toutes les femmes, vous ne vous battez pour aucune femme. »

 
 
Quand des femmes qui font face à plusieurs discriminations me racontent ce qu’elles affrontent au quotidien, j’hallucine. Elles me font part de propos d’une violence inouïe et d’une ignorance absolue, de propos que je pensais impossibles en – quand même – 2018, les gars. Je suis profondément révoltée qu’elles aient à vivre cela, et incroyablement admirative qu’elles continuent à se battre pour leurs choix de vie.
 
J’ai découvert Lallab à travers une sociologue dont je suis les travaux, et j’ai tout de suite été admirative du travail merveilleux qu’elles font. Leur approche intersectionnelle de l’anti-racisme et du féminisme, leur principe de parole aux concernées pour qu’elles soient les créatrices de leurs récits, les valeurs de respect et de bienveillance qui sont fondamentales m’inspirent énormément de respect et m’ont instantanément donné envie de les rejoindre et de les soutenir dans leur lutte.
 
 

Sophie : « J’ai fini par comprendre que droits des femmes et religion n’étaient pas incompatibles. »

 
Être alliée chez Lallab, c’est donner du sens à un long voyage, personnel, sensible et politique.
 
Ce voyage, il commence en 2010. Le lycée fût une belle période de questionnements sur les rapports de genre. Les enjeux de domination et d’emprise font partie du lot des premières relations amoureuses. La honte et le secret accompagnent les premières attirances homosexuelles. Le plaisir et le consentement sont, eux, les grands absents. Dans un premier cours sur le sujet dans mon cursus d’étudiante en sciences politiques, j’ai eu la chance de mettre des mots sur ces expériences. Puis, j’ai surtout eu la chance de partir étudier à Montréal, au Canada.
 
Tout n’est pas parfait outre-Atlantique pour les femmes et les minorités sexuelles ou raciales. Mais contrairement à la France, leur existence même n’est pas un tabou. Personne ne se questionne sur la possibilité d’Être de ces minorités. Cela laisse un espace de réflexion pour penser les discriminations de genre, de race et de religion, et leurs solutions. Là-bas, j’ai pu me questionner à nouveau. A l’Université de Montréal, une professeure a organisé une rencontre avec un imam dans une mosquée. Une amie m’a montré des youtubeuses féministes, catholiques et lesbiennes qui tentent d’apporter un soutien aux jeunes de leur communauté. Une jeune Française de mon âge, musulmane, m’a expliqué pourquoi elle avait décidé de partir à Montréal pour continuer ses études. Elle en avait « marre de cette ambiance en France, d’entendre tous les jours des préjugés sur [s]a religion et donc sur une part de [s]on identité ».
 
J’ai alors pris conscience que mes réflexions – toutes féministes furent-elles – étaient très centrées sur moi-même et sur qui j’étais. Où j’ai grandi, l’athéisme se confond parfois avec l’anti-religiosité et le bonheur de l’entre soi avec la peur des autres. J’avais moi-même des ressentiments envers la religion que j’avais perçue, et abusivement généralisée, comme une menace pour les droits LGBTQA+ après avoir pris connaissance de la composition sociale de la Manif pour tous. Plongée dans la pluralité montréalaise, j’ai fini par comprendre que droits des femmes et religion n’étaient pas incompatibles. J’ai fini par comprendre que lutter pour les droits des minorités sexuelles et ne pas reconnaître les discriminations subies par les minorités religieuses et raciales était incohérent. Je ne pouvais pas me prononcer pour la liberté et l’égalité des femmes, en France ou au Canada, sans me prononcer pour la liberté des femmes qui choisissent de porter le voile.
 

Crédit : @Pollynor
 

Je suis rentrée en France et ça n’a pas été facile. Le sexisme, le racisme et l’homophobie m’ont mis une belle claque. Revenir en France donne l’impression de retourner en arrière. Certain·e·s argumenteront qu’il faut garder la « spécificité française » et laisser les études de genre et les études raciales dans les pays anglo-saxons. Je réponds qu’il faut avancer, progresser et s’inspirer. J’ai cherché à m’engager et j’ai découvert une France mobilisée. Le monde associatif regorge d’initiatives porteuses de sens et d’espoir. Parmi elles, j’ai trouvé Lallab. J’ai tout de suite pensé que cette association, en France, est révolutionnaire. Les Lallas se battent pour leurs droits mais elles ont aussi la force de faire passer un message pour toutes et tous : la pluralité et le respect sont des valeurs fondamentales pour la vitalité de la société. Je suis rassurée que cette association existe, et que malgré toutes les embûches, elle continue à évoluer et à s’affirmer. Aujourd’hui, en 2018, je pense sincèrement que la France a besoin de Lallab.
 
Être une alliée, c’est donc leur donner ma voix pour porter ce message. C’est leur offrir mon soutien pour qu’elles continuent à prendre la parole sur leurs histoires et qu’elles parviennent à donner à leurs récits toute la place qu’ils méritent. C’est pour qu’en France aussi, elles et d’autres puissent exister comme elles et ils sont, entièrement, et sans se casser, se cacher, se renier. Enfin, être alliée, c’est continuer le voyage entrepris en écoutant. Je peux parler de moi-même dans d’autres lieux mais à Lallab, je parle avec elles et je parle d’elles. Et je sais qu’il n’y a pas besoin d’être musulmane pour que leur combat résonne en soi.
 
 

Crédit image à la une : Elodie Sempere pour Lallab

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Je ne suis pas musulmane et je suis bénévole chez Lallab

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Sarah est ce qu’on appelle une « alliée » chez Lallab : elle n’est pas musulmane et elle s’engage en tant que bénévole, comme des dizaines de femmes aux identités diverses, pour construire en France une société inclusive, y compris pour les femmes musulmanes. De la découverte du féminisme intersectionnel pendant un cours en Afrique du Sud au dernier LallabDay, elle nous explique son parcours et son engagement.

 

Je découvre le féminisme assez tard à l’Université, puis sur des groupes Facebook. Ce mouvement, dont le but est normalement d’encourager les femmes à prendre le pouvoir et à ne pas se laisser marcher sur les pieds, ne semblait en fait proposer qu’une seule façon d’être féministe, prônant des valeurs ressemblant davantage à des injonctions : comment être une bonne féministe ? Il faut faire ça, ça et ça … et attention ! Il ne faut surtout pas faire ceci et cela ! Drôle de façon que d’encourager les femmes à prendre leur destin en main !
 

« Certaines femmes ne savent tout simplement pas ce qui est bon pour elles ! » / Crédit : Alexandra Dal

 

De quel féminisme s’agit-il ?

Certainement pas d’un féminisme inclusif, regroupant toutes les femmes, qu’elles soient cheffes ou mères de famille, poilues ou non poilues, maquillées ou non maquillées, voilées ou non voilées.

Quelques temps après, je me rends en Afrique du Sud pour une année d’études. Lors d’un cours de “Race and Gender Studies”, je découvre un tout nouvel univers, que l’on appelle aussi “féminisme”. Étrange ! S’agirait-il d’un monde parallèle ? La professeure nous fait prendre conscience, à moi et aux quelques autres étudiant·e·s blanc·he·s, de notre privilège. Je me suis aperçue de la place privilégiée que j’occupais en Afrique du Sud. Mais ce choc a été d’autant plus fort quand je me suis rendu compte que ce constat pouvait être partagé pour la France. En effet, avec ma peau blanche, mes cheveux blonds et mon environnement familial catholique, je suis loin de constituer une minorité dans mon pays.

Dans ce cours, nous avons adopté à la fois un féminisme déconstruisant les catégories de sexe et de « race », catégories socialement et culturellement construites pour dominer, et un féminisme pro-choix, inclusif, non jugeant et conscient de la multitude des oppressions qu’une même personne peut vivre.

 

La découverte d’un féminisme intersectionnel et décolonial

 
Dans les cours auxquels j’ai assisté, je me suis rendu compte qu’il existait une faille dans le féminisme mainstream concernant la compréhension des autres cultures et races – encore une fois, nous parlons ici des races non pas en tant que réalité biologique, mais en tant que construction sociale. Il est important pour nous, femmes blanches, majoritaires, de prendre conscience de nos propres privilèges.

La découverte des féminismes dits multiracial, multicultural ou Black feminism, utilisant l’approche intersectionnelle, m’a permis de reconnaître mon privilège ainsi que de me donner les outils pour combattre les inégalités. En effet, ces féminismes sont apparus comme une réponse à cette faille du féminisme dominant. Maintenant, j’ai moins l’impression d’être une missionnaire sortie tout droit des temps obscurs, venant imposer ses normes et valeurs aux femmes n’ayant pas connu la douce lumière de la raison occidentale. L’intersectionnalité qui a fait résonance en moi vient des mouvements féministes d’Amérique du Nord, avec entre autres le “Black Feminist movement” des années 1990. Kimberley Crenshaw a créé ce terme pour désigner le croisement entre différentes catégories – classe, genre, race, etc. – et donc démontrer que cette intersection peut déterminer la position sociale, économique et politique des individus, qu’elle peut donner du pouvoir ou laisser pour compte. Les discriminations intersectionnelles concernent des personnes qui sont sujettes à des discriminations du fait d’une combinaison de plusieurs fondements qui sont inséparables tels que la “race”, le genre, la sexualité, la classe, l’âge, et tant d’autres catégories.

Il s’agit ici de se rendre compte de son privilège. En effet, une personne qui a un privilège pense qu’elle mérite sa chance et la personne sans privilège se rend responsable de sa position.

 

De retour en France…

 
Je rentre en France et je me rends compte de façon fulgurante qu’il existe dans ce pays un racisme qui n’a plus tant de teneur biologique (quoique…), mais plutôt une caractéristique culturelle. Au nom du féminisme, de la laïcité, des valeurs de la République, les femmes musulmanes sont discriminées. Et ça, je ne pouvais pas l’accepter.
 

« Tenez le coup ! Nous allons vous libérer ! » / Crédit : Tuffix

 

Ce féminisme m’avait apporté certaines réponses et me permettait de lutter au quotidien. Comment celui-ci pouvait discriminer une autre femme ? Comment et pourquoi une femme est amenée à juger une autre femme ? Pourquoi tout le temps vouloir contrôler notre corps ?

J’ai donc décidé de travailler sur un projet de mémoire sur ces questions : Martine fait l’expérience des discriminations. Je m’intéresse à l’expérience des discriminations des femmes musulmanes qui portent le foulard, et étudie le discours social altérisant une certaine partie des femmes en France. Il s’agit de s’intéresser au contexte à la fois socio-historique, médiatique et juridico-politique.

 

J’ai ensuite découvert Lallab. Je suis arrivée ici en tant qu’alliée. J’écoute.

 
« White woman, listen » conseillait Hazel Carby : selon elle, il est important pour les femmes minoritaires de prendre la parole, de créer des espaces où elles peuvent partager leurs expériences sans avoir à subir les jugements universalistes des femmes majoritaires. C’est en s’écoutant et en se comprenant mutuellement que nous arriverons à nous battre ensemble.

Je suis là. Je les soutiens, je nous soutiens. Je ne peux rien faire d’autre qu’être présente et ne pas empiéter sur la parole des femmes concernées par une oppression.

J’apprends ce que les femmes de Lallab vivent pour pouvoir mieux lutter avec elles au quotidien. Quand elles sont trop fatiguées de faire de la pédagogie et de répéter en vain les mêmes choses, un·e allié·e peut intervenir.
De quel féminisme s’agit-il ?

Le sien, le mien, le nôtre. Se soutenir tou·te·s ensemble pour créer une société plus juste. Se rebeller contre les préjugés. S’affranchir des oppressions. Être ce que l’on souhaite être et non pas ce que l’on attend de nous.

 

Article écrit par Sarah R.

 

Crédit image à la une : Elodie Sempere pour Lallab

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5 choses à ne pas faire pour être un·e bon·ne allié·e des femmes musulmanes

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Chez Lallab, on reçoit des bêtises, mais aussi des messages de soutien… et parfois des messages qui allient les deux à la fois. En atteste ce message reçu sur notre page Facebook, sûrement bien intentionné mais au minimum maladroit. C’est sympa quand même de sa part, ça nous fait un cas pratique idéal pour découvrir 5 choses à ne surtout pas faire quand on se dit allié·e des femmes musulmanes.

 

1. Montrer qu’on est à côté de la plaque

 

 

Quoi ? Des collectifs ? Des associations ? Des initiatives ? Bof, toi tu n’as absolument rien vu, de la grotte où tu as passé les 30 dernières années.

En même temps, nos mères étaient bien trop occupées à préparer le couscous/thiep/curry, et à obéir à leurs maris pour avoir le temps de défendre leurs droits… Peut-être attendaient-elles que des femmes comme toi leur disent qu’elles en avaient ?

 

2. Prendre de haut les concernées

 

 
Ah, veinarde, toi tu sais ce que c’est d’être libre, et tu peux nous dire que c’est génial. Ohlala, j’ai trop hâte de découvrir ce que je vais pouvoir faire ! Et ça tombe bien, je sens que tu as quelques idées à nous proposer…
 

3. Renforcer les préjugés sur les femmes musulmanes

 


 

Décidément, Lallab est une association merveilleuse : grâce à elle, les femmes musulmanes pourront faire plein de nouvelles choses, comme faire des études, apprendre à conduire, ou même choisir leur partenaire… C’est-y pas beau ? Je dois admettre que tu as vu clair en moi : parfois, je me laisse aller à rêver, un jour, d’apprendre à lire, et même, qui sait, de sortir au restaurant avec un homme qui ne m’aura pas interdit de sortir de la maison…

Pour le reste, perso ça ne m’intéresse pas spécialement d’avoir plusieurs maris ou de devenir mannequin lingerie, mais sur presque un milliard de femmes musulmanes sur Terre, il doit bien y en avoir quelques-unes que ça tentait, et qui n’ont sûrement pas attendu ton autorisation pour se lancer.

 

4. Définir nos combats et nos priorités à notre place

 

 

Ah ! Un conseil d’une personne qui n’a absolument rien compris à ma situation et qui s’imagine que je vis sous la loi des talibans, ça va sûrement être super intéressant, et surtout très adapté.

 

 

Hum, effectivement, je ne suis pas déçue. C’est marrant, dans les histoires que j’entends à répétition autour de moi, le problème soulevé n’est pas un homme de la famille qui ne laisserait pas une femme travailler, par exemple, mais plutôt un employeur qui serait rebuté par un nom à consonance trop « exotique » ou une tenue trop couvrante.

Alors tant pis si on répète que les hommes dans nos familles sont majoritairement nos soutiens (même imparfaits), et que ce sont les discriminations à l’extérieur qui nous pourrissent la vie. Décrète que les politiques n’ont rien à voir avec l’exclusion dont nous sommes victimes, et dis-nous de nous concentrer sur le niveau intra-familial, parce que toi tu le sais, c’est CA le vrai problème. Rien à voir avec des lois et des décrets liberticides et stigmatisants. Moi qui pensais que si la liste des endroits où je ne peux pas aller s’allongeait, c’était à cause de discriminations et d’interdictions basées sur une vision instrumentalisée de la laïcité… C’est peut-être nos pères et nos maris qui se cachent derrière un vaste complot pour nous empêcher de trouver du travail et d’aller à la piscine, en fait ?

 

5. Instaurer une relation entre maître et disciples

 

 

Pendant que nous découvrons à tâtons les études supérieures et le permis B, il est toujours de bon ton de nous rappeler que tu es dans le game depuis bien plus longtemps.

Pour ma part, je salue notre courage avec des « alliées » pareilles.

Une femme diplômée, libre, féministe, et qui ne se sent pas obligée de le rappeler comme si ça la distinguait des autres.

 
 
 
Image à la une : Jan McDonald, Marg Edwards, Marg Wallin et Helen Dunlop portent le hijab en solidarité pour les femmes musulmanes. Crédit Photo : The Maitland Mercury
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