Présomption de non-consentement avant 15 ans : pourquoi ça ne change (presque) rien

par | 15/12/17 | (Dé)construction

Samedi 25 novembre, le Président Emmanuel Macron a annoncé : « J’ai une conviction personnelle que je veux vous partager, nous devons aligner l’âge de consentement sur celui de la majorité sexuelle, à 15 ans, par souci de cohérence et de protection des mineur·e·s ». Nous sommes bien curieux·ses de voir ce qu’apportera de neuf cette législation en matière de consentement sexuel, qui semble avoir pour projet de ne rien changer à notre état de droit.

Oui, les deux affaires où des hommes ont été acquittés après avoir violé des filles de 11 ans sont incompréhensibles et scandaleuses. Oui, même si cela ne parait guère évident pour tou·te·s, un·e enfant n’a pas les ressources nécessaires pour exprimer un consentement libre, et s’opposer clairement à un·e adulte, détenteur·trice de l’autorité. Nous approuvons toutes les mesures légales et judiciaires qui viendront réaffirmer ce principe. Oui, ces affaires appellent une réaction de la société, pour que de telles injustices ne se reproduisent plus.

Malheureusement, ce n’est pas aussi simple… car le droit pénal français ne cherche pas à savoir s’il y a une victime, mais uniquement s’il y a un coupable. Et c’est bien là où se niche la difficulté. Par exemple, si vous blessez une personne, cela ne signifie pas pour autant que vous êtes un·e dangereux·se criminel·le qui mérite d’être condamné·e, et de finir en prison car vous représentez un danger pour la société. Encore faut-il prouver que vous aviez l’intention de la blesser. Volontairement.

Ainsi, si vous blessez accidentellement une personne en lui rentrant dedans après avoir trébuché dans la rue, votre responsabilité pénale ne pourra pas être engagée, mais votre responsabilité civile, oui ! Vous devrez tout de même l’indemniser pour le préjudice subi.
En revanche, si vous blessez intentionnellement une personne en la rouant de coups, vous êtes un·e criminel·le, et il est normal que vous soyez condamné·e sur ce fondement.
Souvent, cette intention découle des faits : si vous sortez d’une banque les poches remplies de billets, la tête encagoulée, et les mains armées… on pourra logiquement en déduire que vos intentions sont criminelles.

Ce n’est pas aussi simple en matière de viol : nous savons qu’il y a eu un rapport sexuel, encore faut-il prouver qu’il n’était pas consenti. Et malheureusement, si la victime n’a pas de trace de coups et blessures (et encore, le violeur pourra toujours arguer que cela faisait partie de leur sexualité), il lui sera très compliqué de prouver que le violeur savait qu’elle n’était pas consentante. Car oui, c’est à elle de le prouver.

Pour l’âge de la victime, la logique est la même : peu importe son âge réel, il faudra prouver que le violeur savait qu’elle avait moins de 15 ans. Dans l’affaire de Justine par exemple, le violeur a en plus profité des stéréotypes racistes des jurés en mettant en doute la validité du passeport de la victime : « Elle donnait l’impression d’un âge plus élevé que celui émanant de son acte de naissance congolais sur lequel pèse un sérieux doute d’authenticité ». Vous l’aurez compris, le législateur aura beau rajouter une ligne à notre législation existante, tant que le violeur affirmera haut et fort qu’il n’avait pas l’intention de violer, qu’il ne connaissait pas l’âge de la victime et tant qu’aucun élément matériel ne viendra contredire sa version, il sera compliqué, voire impossible, de le condamner pour viol.

Alors que faire ?

Chez Lallab, nous pensons que le meilleur moyen de lutter contre la culture du viol est de lutter activement contre les croyances néfastes qui lui permettent de prospérer.
En matière sexuelle, le seul consentement valable est un consentement libre, éclairé, spécifique et explicite.

Libre : il ne doit exister aucun rapport hiérarchique ou d’autorité entre les partenaires sexuel·le·s. Une jeune personne n’a pas toujours la force de défier l’autorité. Dans le doute, il est à la personne la plus âgée de ne pas lui imposer un rapport qu’elle ne saurait refuser.

Spécifique : un consentement n’est valable qu’une seule fois et que pour un seul type d’acte. Une personne a le droit de se rétracter, changer d’avis quand elle le désire.

Eclairé : votre partenaire sexuel·le doit être au courant de vos MST et de votre prise de contraception. Retirer le préservatif en cours d’acte est une agression.

Explicite : si votre partenaire n’est pas en état d’exprimer clairement son consentement (fatigue, détresse émotionnelle, prise de stupéfiant), il ne faut pas en profiter pour penser pouvoir s’en priver. Un consentement valide est un consentement clairement exprimé. Qui ne dit mot ne consent pas.

Nous sommes favorables à une éducation sexuelle obligatoire dès le collège, qui prenne en considération l’apprentissage du consentement, et pas uniquement l’apprentissage des moyens de contraception et de protection. La sexualité ne doit pas être un tabou, il faut engager le dialogue avec nos filles mais surtout avec nos fils, pour leur apprendre une sexualité respectueuse des limites et des envies de tout·e un·e chacun·e.

Crédit photo à la une : Diglee