« C’est un mur ! » : Le vaginisme

par | 6/01/21 | Nos Voix

Ceci est mon humble témoignage sur la manière dont j’ai vécu mon vaginisme, comment j’en ai pris conscience et comment j’ai réussi ce combat contre moi-même – contre mon propre corps et mon propre esprit, en quelque sorte.

 

D’abord, le vaginisme c’est la contraction des muscles du plancher pelvien qui entourent l’ouverture du vagin. Concrètement, pour moi au début, rien ne passait. Tous mes muscles se contractaient. Mon corps se crispait sans que je ne parvienne à me détendre. C’était une réaction épidermique. Je n’arrivais  pas à contrôler mon corps.

Hamdoulilah, cette période est terminée.

Mais ça en a mis du temps…

 

Commençons.

J’ai eu ma première relation sexuelle avec l’homme que je venais d’épouser quelques jours après mon mariage. La journée du mariage a été tellement épuisante que la seule chose qu’on a fait en rentrant, c’est prendre une douche et ronfler. La nuit de noces ne s’est pas exactement passée comme dans les films.

Après quelques jours de repos, première tentative : clairement, on se rend compte que ce n’est pas non plus comme dans les films. J’en ai envie mais je me crispe très fort. Je suis presque tétanisée. Je demande à mon mari de forcer. Je me dis tant pis si ça fait mal. Il tente et là, sa phrase : « C’est un mur ». Avant même qu’il me le dise, je l’avais senti.

 

On réessaye quelques fois et c’est la même chose, voire pire.

 

C’est bien pire en fait. 

Parce que je développe une grosse appréhension des relations sexuelles, la peur d’un autre échec, encore plus de frustrations, plus de culpabilité de mon côté vis-à-vis de mon mari, même s’il n’a jamais été dans le reproche et qu’il a fait preuve d’une rare patience.

 

Bref, on n’y arrive pas. Plutôt, je n’arrive pas à me détendre. On stagne. Et je me complais dans cette situation. Je me dis que c’est pas si grave, que ça va passer avec le temps et que même si ça ne passe pas, on a développé une sexualité un peu différente des autres. 

 

On se renseigne quand même tous les deux, chacun de son côté. Je vais voir une première gynécologue qui me conseille de me détendre, que c’est normal d’être crispée et qu’il faudrait que je boive «  un peu d’alcool pour arrêter de trop réfléchir ». Cette gynécologue était incompétente.

 

J’en parle à ma mère qui me confie qu’elle a eu le même problème. Elle me raconte que c’est l’hymen qui bloque. Encore une des nombreuses légendes à démystifier sur la sexualité ! Elle me conseille d’aller voir une autre gynécologue. Je prends rendez-vous. Je choisis une gynécologue avec un nom à consonance arabe en espérant que celle-ci me comprenne davantage que la précédente. 

 

Arrivée au cabinet, je lui explique ce qui ne va pas. Elle est très compréhensive. Elle m’écoute. Elle me regarde sans me toucher. Mon hymen est normal. Elle me demande si elle peut m’ausculter. Je suis rassurée donc j’accepte. Elle me dit que je peux l’interrompre dès que je le souhaite. Je me crispe, c’est douloureux, mais je suis en confiance. Elle m’explique que je n’ai pas de pathologie, mon périnée est très tonique, c’est lui qui bloque. Mon problème est psychologique, il faut que je fasse un travail sur moi-même. 

 

Le nom du vaginisme n’est pas encore posé.

 

C’est mon mari qui m’envoie un article parlant de vaginisme. Et je me reconnais totalement dans ce qui est expliqué : le mur !

 

Le diagnostic étant posé, il s’avère qu’il n’y a pas de médicament. Ce serait trop facile. 

 

Il faut surtout que je fasse un travail d’introspection, que je comprenne pourquoi mon corps fait ce blocage. Et à vrai dire, au début, je ne comprenais vraiment pas pourquoi. Lorsque je lisais les très rares témoignages sur Internet, j’avais l’impression que les personnes concernées avaient intégré dans leur cercle familial le gros tabou autour de la sexualité et de la virginité de la femme, très importante dans beaucoup de familles maghrébines. Le problème était que ce n’était pas mon cas. Nous sommes une famille nombreuse mais pas vraiment traditionaliste. J’ai grandi dans un cercle de femmes avec ma mère et mes sœurs. Pas d’hommes à la maison. Et même dans le cercle élargi de la famille qui comprenait des hommes – mes oncles surtout –, ils n’étaient pas dans le contrôle avec nous. 

 

Je fais partie d’une famille où l’on s’habille comme on veut. Le voile ou la jupe, chacun son choix. Très peu de jugement et une diversité de pratiques religieuses. Le prétexte de la « hchouma » ou du « hebb » propres aux sociétés maghrébines, n’a pas été beaucoup évoqué durant mon enfance et mon adolescence. J’ai pu parler plutôt librement de mes règles, de mes seins qui poussaient, de copains (ou petits copains) avec mes tantes et mes cousines (j’ai même regardé l’Île de la tentation avec ma jeune tante. On était fan et je ne suis pas fière…).

 

Bref, tout ça pour dire que lorsque j’ai commencé à grandir, je savais que spirituellement la virginité était importante aux yeux d’Allah. D’ailleurs, je me rendais déjà compte de l’hypocrisie de notre société quant à la différence de traitement à propos de la virginité des hommes et des femmes. Mais je n’avais pas cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête où l’honneur et la réputation de toute ma famille, des générations passées et futures dépendait de ma virginité. C’est ridicule ! Et dans ma famille, personne ne m’a jamais fait sentir que c’était le cas. 

 

Par conséquent, je suis partie à ma nuit de noces plutôt sereine, plutôt tranquillou. J’ai vite compris que ça n’allait pas être aussi simple.

 

Lorsque j’ai éliminé la thèse de la hchouma qui s’était ancrée en moi, je me suis vraiment demandé ce qui créait ce blocage. Je ne m’étais jamais dit que la sexualité était sale. Pour moi, il ne devait pas y avoir de tabou entre mariés. La question du plaisir réciproque était très importante. Et avec mon mari, qui était à l’époque mon petit copain, on parlait sexualité aussi. Donc j’ai eu du mal à comprendre.

 

Et c’est au fur et à mesure de vivre au quotidien avec mon mari, que je me suis rendue compte que mon problème n’était pas une « socialisation de la hchouma ». Je me suis rendue compte que je ne connaissais pas mon corps, que la partie de l’adolescence où l’on se découvre physiquement et surtout où on n’apprend à aimer son corps, cette partie-là je l’avais complètement mise de côté. Dommage pour moi, c’est important de connaître un minimum son corps lorsqu’on découvre la sexualité. Et ce n’était pas mon cas. Bizarrement, je n’avais pas de complexe physique. Je ne me trouvais pas sublime mais je trouvais que mon corps était en fait plutôt neutre. Donc je me mettais en bikini et en jupe sans aucun problème. Mais par contre, je ne supportais pas d’être nue et surtout de me voir nue. Lorsque j’allais pour me laver, je me dépêchais d’enlever mes habits pour vite passer sous l’eau, la douche étant l’endroit où je pouvais être nue sans que cela me dérange. Puis, lorsqu’on découvre la sexualité, c’est important aussi de savoir ce qui se passe à l’intérieur, comment on est constituée. Je savais à quoi ressemblait un pénis, mais pas une vulve. J’avais encore du mal à faire la différence entre un vagin et un utérus. J’étais très mal à l’aise lorsque je m’épilais le maillot. Pour moi, toutes ces choses étaient normales. Je pensais que j’avais un rapport à mon corps un peu compliqué mais pas plus que la plupart des personnes. C’est lorsque j’ai vécu avec mon mari, qui était très à l’aise avec son corps, que je me suis rendue compte que ce n’était pas normal. Même si c’est très différent puisque c’est un homme. C’est lui qui m’a fait remarquer toutes ces petites choses, qui ne sont presque rien mais qui, accumulées, ont créé un gros blocage : mon vaginisme.

 

Lorsque j’ai réussi à identifier la cause du problème, il a fallu mettre en place  tout un travail de changement d’habitudes et d’introspection sur mon rapport à mon corps pour en finir avec mon vaginisme. Ce travail ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais à travers plein de petites actions qui m’ont permis de mieux connaître mon corps et surtout d’être plus à l’aise avec lui. Toutes ces petites actions se sont traduites progressivement par une sexualité de plus en plus libre et de plus en plus facile. Pour arriver finalement à passer outre mon vaginisme. Hamdoulilah.  

 

Aujourd’hui j’ai des enfants, hamdoulilah, et je sais que mon éducation sera très importante pour qu’ils apprennent à connaître leurs corps et qu’ils soient à l’aise avec. Cette éducation se fait avant tout  en éliminant toute mention à la hchouma, ce mot qui sert de prétexte à toute interdiction et lorsqu’on demande des précisions sur le pourquoi, on nous répond « Parce que c’est hchouma, POINT ». Mais elle se fonde aussi sur l’importance de pouvoir parler de tout avec mes enfants, de sexualité, de porno, de masturbation, de règles, de désir… Il faut que mes enfants sachent que je suis présente pour la moindre question, même les sujets les plus gênants. 

 

 

Crédit photo image à la une: @annemarielea_geburtsfotografin

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