« Maman, tu peux m’accompagner en sortie scolaire ? »

par | 29/03/19 | (Dé)construction, Nos Voix

À l’occasion du Muslim Women’s Day, il est important d’aborder la relation ambiguë que l’on peut entretenir avec l’institution scolaire et notamment en tant que mère. Cette relation est constituée d’une grande part d’appréhension face au comportement que pourraient avoir les professeur.e.s face à mon voile.

 
Elle prononce à peine les consonnes et ses phrases ne contiennent que quelque mots… Ma fille vient d’avoir deux ans. Elle n’est pas encore scolarisée. Je ne suis donc pas encore concernée mais j’appréhende déjà. Je vis en banlieue parisienne, à 10 minutes d’une grande mosquée. J’ose espérer qu’avec la population musulmane représentée dans ma ville, les enseignant.e.s sont plus ouvert.e.s (ou moins ouvertement islamophobes…).

En tant que femme voilée en France, j’ai énormément de craintes quant à mon avenir et mes perspectives dans mon pays. J’ai le sentiment que la situation de la France et la mienne ne font qu’empirer de jour en jour. Les médias et les politiques usent de beaucoup d’imagination pour inventer des polémiques liées à l’Islam et en particulier à mon voile. Dans le seul but d’enfouir sous le tapis les vrais sujets de notre société comme le chômage ou le mal logement.

Après avoir polémiqué autour du voile d’une présidente de syndicat étudiant, puis sur celui d’une star de téléréalité, on nous parle désormais du voile que l’on porte pour faire du sport… Pitoyable !
 

Hier, j’avais beaucoup d’appréhensions quant à mon avenir en France en tant que femme voilée. Aujourd’hui, j’en ai encore plus en tant que femme voilée et mère.

 

Tout parent est inquiet pour son enfant et surtout pour l’environnement dans lequel il va grandir et vivre. On veut la/le voir grandir dans des espaces les plus sereins, apaisants et les plus bienveillants possible.

Et ce tant dans la sphère familiale que scolaire. On veut les meilleures écoles, les meilleur.e.s professeur.e.s, la meilleure éducation pour nos enfants, pour qu’ils et elles s’épanouissent pendant leur scolarité.
 
Mais comment s’épanouir dans une institution qui rejette leur mère ?
 
C’est une question que ma fille me posera bientôt et cette question me fait peur. Pour la plupart des parents, c’est une question banale et la réponse est simple. Elle dépend seulement du temps et de l’envie du parent. Pour moi, c’est différent. Mon voile et mon choix de le porter pourra être la raison pour laquelle on me refusera d’accompagner ma fille à l’école.

Un de mes meilleurs souvenirs de sorties scolaires était un parc médiéval en Seine-et-Marne. C’est la seule sortie que ma mère a pu faire avec moi car elle ne travaillait pas ce jour-là. Je me souviens encore de la fierté que ce soit ma mère qui nous accompagne, de mon enthousiasme à l’idée de lui faire découvrir mon environnement scolaire, dont elle ne faisait pas vraiment partie.

J’ai peur de ne pas pouvoir accorder cela à ma fille.

J’ai peur de devoir me battre contre les professeur.e.s, contre la direction, contre l’école. Alors que l’on devrait marcher ensemble vers le même but : l’avenir de nos enfants.
 
L’accompagnement en sortie scolaire me questionne. Et je sais que d’autres points de discorde m’attendent : les menus végétariens, mon voile et mon implication en tant que parent d’élève.

Vous me direz que je suis peut-être très, voire trop, pessimiste ; que la plupart du temps tout se passe bien. Je suis d’accord. Cependant, je préfère me préparer au pire. D’autant plus que ce pire est de plus en plus probable. Lorsque je dis « préparer », je parle d’anticiper les problèmes et rechercher des solutions possibles. Car il n’est plus question que je laisse faire, que j’attende, que je me taise. Il n’est plus question que j’attende un miracle. Le miracle, j’irai le chercher moi-même.
 
Cette bataille a déjà commencé et est loin de se terminer.
 
Je pense à ma fille qui, si elle choisit un jour porter le voile, sera peut-être obligée de le retirer à la grille, obligée de laisser de côté une partie de son identité, une partie de ce qu’elle aura choisi d’être. Je pense à toutes ces questions et remarques idiotes que lui feront le corps enseignant et la suivront aussi dans la sphère professionnelle.

Je pense surtout à l’autocensure qu’elle pourra choisir inconsciemment face à la difficulté de trouver un stage ou un emploi dans certaines filières, justement à cause de son voile ou seulement de son apparence présupposée à l’Islam.

Je pense à tout cela et plus encore. Et je me dis que ma solution n’est pas le repli. Pour l’instant (et pour longtemps j’espère), je me bats pour mes droits et pour ceux de ma fille.
 
Que les futures lois mises en place respectent nos droits en tant que femme musulmane et/ou voilée.
Que les actuelles lois qui bafouent nos droits (comme la loi de 2004) soient abrogées.
 

Pour ma fille, Nour.

 

Crédit Photo Image à la Une : Nike

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