[Atelier d’écriture] Comment j’ai su que j’étais femme et musulmane

par | 12/05/20 | Ateliers d'écriture, Nos Voix

Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
Les ateliers d’écriture ont pour but de créer un espace bienveillant afin de rendre l’écriture accessible à toutes et permettre à chacune de reprendre la narration de son histoire.
C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.

Lallab publie les textes des participantes qui le souhaitent.

 

 

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été musulmane.

Enfant, j’avais conscience de cela, car je voyais mon père, mes frères et mes sœurs prier et nous croyions en Allah contrairement à nos voisins. Nous ne fêtions pas Noël et je moquais mes camarades de croire qu’un vieux monsieur barbu viendrait leur déposer des cadeaux dans une cheminée qu’ils/elles n’avaient pas. Je n’avais pas besoin de lui puisque j’avais Dieu partout avec moi et il m’offrait tout ce que j’avais, comme mon père me le répétait.

Je savais que j’étais une petite fille musulmane grâce aux affiches rose que mon frère m’achetait et qui devait m’apprendre à faire mes ablutions, ou ma prière… en rose ! J’avais également un tapis de prière, et un voile prêt-à-enfiler made in Indonesia que je m’amusais à porter et retirer au grès de mes envies.

Ma position de femme musulmane en France fut beaucoup moins confortable, que celle de petite fille. Les affiches roses disparurent laissant place aux jugements incessants. Cet inconfort s’est traduit par un évènement important dans ma vie de musulmane : le jour où j’ai fait le choix de porter le hijab.

Je suis sortie de l’anonymat, une veille de rentrée scolaire : désormais ma spiritualité se verrait.

Et j’avais peur. Peur du regard des autres, peur des conséquences, peur de ne pas être acceptée, peur de n’être acceptée que pour cela. J’avais confiance en Dieu, mais pas en nous.

Ma peur s’est avérée justifiée. Une semaine après cette décision, que j’avais prise du haut de mes quinze ans, un homme musulman m’a arrêté dans la rue, pour me rappeler que mon jean slim n’était pas compatible avec le hijab. Lui, mon frère en Dieu qui oubliait sûrement qu’il avait pour obligation de baisser le regard. C’était donc cela, la vie de femme musulmane ?

Quelques mois après, le lendemain des attentats de Charlie Hebdo, une femme m’a interpellée pour me rappeler que d’autres avant nous, se sont battues pour avoir le droit de porter une mini-jupe, et que mon voile était moche. C’était donc cela, la vie de femme musulmane ?

 

Être musulmane, aujourd’hui, ou hier, en France, c’est une lutte permanente. Pour moi, à quinze ans, à 7 ans, ou aujourd’hui, ce n’est ni plus ni moins que croire en Dieu, et en Ses messagers. C’est recevoir des conseils de mes sœurs, emplis de bienveillance et de douceur.

Être musulmane, aujourd’hui, ou hier, et sûrement demain, en France, c’est une lutte permanente, que je suis prête à mener par amour pour Dieu.

 

 

Ecrit par Myriam

Crédit photo : Lallab

 

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