4 moments où la grossophobie nous pourrit la vie

par , , | 13/12/17 | Nos Voix

Pour des personnes qui ne sont pas grosses, les situations dont nous allons parler dans cet article paraîtront banales. Mais elles sont infernales pour nous qui subissons régulièrement la grossophobie. La grossophobie, c’est la peur mais aussi le rejet, l’hostilité envers les personnes grosses. Il s’agit d’une oppression systémique, c’est-à-dire qu’elle fait système : elle est perpétuée par des individus, certes, mais aussi et surtout par des institutions – politiques, médicales… – et par l’ensemble de la société elle-même, en reniant l’individualité des personnes concernées. Voyons comment 4 moments de vie peuvent devenir un enfer pour les personnes grosses.

 

Nous sommes discriminé·e·s à l’embauche

 

Il faut savoir que lorsqu’on est gros·se, on subit de la discrimination à l’embauche. On peut se voir refuser un job ou un entretien d’embauche à cause de son poids, à tel point que l’Organisation Mondiale du Travail (OIT) et le Défenseur des droits ont décidé de se pencher sur le cas en 2016 avec une étude. Il a été révélé qu’un tiers des demandeur·euse·s d’emploi subissent de la discrimination à l’embauche en raison de leur surpoids. Il est aussi montré que les femmes subissent quatre fois plus cette discrimination que les hommes.

Gabrielle Deydier, auteure du livre On ne naît pas grosse, précise dans une interview pour le magazine Psychologies :

On justifie habituellement cela par le fait qu’on ne souhaite pas que les gens en surpoids soient en contact avec le public, pour éviter de donner une mauvaise image de l’entreprise, mais il se trouve que cette discrimination concerne également les postes ne nécessitant aucun contact avec l’extérieur.

Être gros·se renvoie à une mauvaise image… Mais pourquoi ?
Parce qu’on fait toutes et tous – pour ne pas changer – des amalgames. Nous avons les mêmes stéréotypes en tête : fainéant·e, mou·molle, malade, accro à la malbouffe, et j’en passe… Penser que notre cerveau et nos compétences dépendent de la taille de notre jean est une croyance que la société entretient avec la télévision, les pubs… Et je ne vous laisse même pas imaginer quand on est grosse et voilée !

Il incombe à chacun·e d’entre nous, employeur·e·s et employé·e·s, de changer notre vision des choses. Chacun·e d’entre nous a sa place dans le monde du travail et nos compétences ne dépendent pas de notre poids.

 

Une simple visite médicale peut être un véritable calvaire

 

Si vous êtes gros·se, il y a de grandes chances que vous ayez déjà été confronté·e à de la grossophobie médicale. Certain·es médecins se seront peut-être permis de vous juger sur votre poids et de vous infantiliser en vous ordonnant de faire du sport ou de faire attention à ce que vous mangez. Ils ou elles vous ont donc culpabilisé·e alors que vous veniez vous faire soigner pour un simple rhume.

 

Crédit photo : ma-grande-taille.com

 

Subir ces injonctions peut avoir des conséquences importantes sur votre santé psychique. Une étude américaine a mis en évidence un risque de dépression s’élevant à 25 % chez les femmes obèses, contre 14 % chez les autres femmes.

Si vous êtes une femme grosse et voilée, un rendez-vous médical pourra devenir un véritable calvaire si vous vous retrouvez face à un·e médecin qui, non content·e de vous infantiliser à cause de votre poids, vous fera subir des agressions racistes ou islamophobes. Dans son dernier rapport, le CCIF a ainsi noté 30 refus de soin visant des personnes musulmanes en 2016.

La grossophobie médicale entraîne souvent des sous-diagnostics chez les personnes grosses. Une étude a ainsi montré que « les patient·e·s obèses étaient 1,65 fois plus susceptibles que les autres patient·e·s d’avoir des affections médicales significatives non diagnostiquées ». Certain·e·s médecins préféreront expliquer tous vos soucis de santé par votre poids. Ils·elles ne vous prescriront pas d’examens par imagerie médicale, de prises de sang, de tests, etc. Prenons un cas au hasard : vous êtes gros·se et vous avez des douleurs articulaires et musculaires ? Faites du sport, voyons ! Inutile de faire une prise sang pour voir si vous n’avez pas un problème hormonal qui provoquerait ces douleurs, par exemple. Et vous vous retrouvez avec des symptômes qui perdurent, voire s’aggravent. Donc vous finissez par chercher des explications tout·e seul·e, quitte à vous inquiéter pour rien en lisant des messages alarmistes sur Doctissimo.

Et ce n’est pas parce qu’on finit par vous écouter que tous vos problèmes seront réglés. La recherche médicale n’inclut pas toujours des personnes grosses dans ses tests et les posologies ne seront donc pas forcément adaptées pour bien vous soigner. Le matériel médical ou les machines seront peut-être trop petits ou trop serrés pour vous, vous faisant ressentir un certain malaise face au personnel médical et vous amenant à freiner vos soins.

Donc la prochaine fois que vous verrez une étude affirmant que les personnes gros·se·s sont en mauvaise santé à cause de leur poids, demandez-vous si ce n’est pas parce que ces personnes n’ont pas été bien prises en charge. Et dites-vous aussi qu’une personne n’est pas forcément en mauvaise santé parce qu’elle est grosse, c’est bien souvent l’inverse.

Le collectif Gras Politique a réalisé un très bon dépliant qui donne quelques conseils pour affronter les consultations médicales lorsqu’on est gros·se, et indique ce qu’on peut faire si on a été victime de grossophobie médicale. N’hésitez pas à le télécharger ici ! Le site du collectif propose d’ailleurs une liste de médecins « safe », et une de médecins « non safe » pour les personnes grosses, à laquelle vous pouvez contribuer.

 

Crédit photo : @mynameisjessamyn

 

Nous sommes constamment jugé·e·s

 

En plus du jugement du personnel médical, s’ajoute celui de la société en général.

En effet, certaines personnes peuvent obtenir instantanément un doctorat en nutrition dès qu’elles nous voient, et cela seulement parce qu’elles sont plus minces. Certain·e·s fument, boivent et n’ont pas fait de sport depuis les 2h de gym du lycée  – choix qu’ils ou elles ont totalement le droit de faire – et se permettent de nous regarder de haut et de nous donner des conseils en matière de santé.

Il y a également les regards de travers quand on a le malheur de manger quoi que ce soit qui ne soit pas une salade sans vinaigrette. Cela renvoie l’idée que quelqu’un·e qui est plus gros·se que la moyenne doit tout faire à chaque moment de sa vie pour maigrir et qu’aucun problème, aussi grave soit-il, ne peut passer avant. Sans compter qu’un burger est aussi mauvais pour la santé d’une personne ronde qu’une personne mince, ce qui montre bien que ce n’est pas forcément « pour notre bien ».

Ce « chantage à la santé » va même jusqu’à nous interdire d’aimer notre corps. On le voit bien sur les réseaux sociaux où, à chaque fois qu’une personne grosse (généralement une femme) montre qu’elle est fière de son physique, un débat est lancé sur le fait que cela « promeut l’obésité et des comportements dangereux ».

Cette impossibilité de s’accepter et de montrer au monde que l’on ne se déteste pas conduit à des comportements beaucoup plus dangereux, tels que des régimes restrictifs qui mènent à une aggravation de la prise de poids ou à des troubles du comportement alimentaire.

Dans ce contexte, il est important de rappeler que dans une société qui profite de votre manque de confiance en vous, s’aimer est un acte de rébellion.

 

Crédit photo : @thaaks.i en collaboration avec @the_illustrator_of_curves

 

 

C’est un véritable parcours du combattant pour se vêtir

 

Si vous faites une taille supérieure au 42, vous savez sûrement que cela peut être très compliqué de s’habiller dans les boutiques traditionnelles.

Si vous êtes voilée, vous savez que trouver des marques de « modest fashion » (vêtements pudiques), notamment en France, devient souvent d’un des douze travaux d’Hercule.

Si vous combinez les deux, vous faites partie des chanceuses qui doivent choisir entre hypothéquer leurs organes vitaux ou se lancer dans un parcours semé d’embûches. Mais vous parvenez malgré tout à rester classe et élégante – et ça c’est cool !

 

Crédit photo : @nazirahashari

 

Si en plus de tout ça, vous voulez vraiment faire la difficile et vous habiller de manière plus éthique pour limiter votre empreinte sur la pollution et l’esclavage moderne, autant tenter d’escalader l’Everest pieds nus avec pour unique victuaille une boîte de Tic-Tac. Niveau difficulté, ça se vaut, et au moins vous auriez la chance de devenir riche et célèbre en entrant dans le Guinness Book des records.

 

Dans ce périple, vous aurez tout de même quelques personnes pour vous aider et pour vous inspirer, j’ai nommé les influenceur·se·s. Et oui, Instagram peut être un aimant à complexes, mais quand on sait où chercher, on peut y trouver la représentativité qui manque cruellement dans d’autres médias, notamment la TV et les magazines.

Comme blogueuse musulmane, nous avons tout d’abord Leah Vernon qui illustre notre article, une femme noire américaine forte qui n’en a rien à faire du regard des autres et dont le compte Instagram est une mine d’or en terme de body positivity et d’inspiration en général. Elle est également mannequin, écrivaine et féministe (oui je sais, cela commence à se voir que j’aime beaucoup trop cette femme, d’ailleurs vous êtes dans l’obligation de checker sa page ici).

On peut aussi citer @nazirahashari, dont le style chic et épuré est illustré juste au-dessus , ou encore @lamusu, qui a également une chaîne YouTube (en espagnol).

Comme femmes rondes non voilées/non musulmanes, il y a des francophones comme Stéphanie Zwicky et Sihem Sawsan. De l’autre côté de l’Atlantique, une des influenceuses plus-size les plus connues est  Tess Holliday qui, en parlant de record, est le mannequin qui a la plus grande taille au monde. Il y a aussi Marlena Stell, PDG de la célèbre marque de maquillage Makeup Geek. Au début, vous avez également pu voir une photo de @mynameisjessamyn, qui fait du yoga et sait allier rondeurs et performances sportives à la perfection.

 

On ne connaît jamais assez de femmes inspirantes comme elles, donc n’hésitez pas à partager vos coups de cœur en commentaire !

Nous en profitons aussi pour lancer un appel à celles et ceux qui s’apprêtent à entreprendre dans le domaine du textile : PENSEZ À NOUS !

 

Si vous n’êtes pas concerné·e, sachez que toutes les discriminations grossophobes sont systémiques. Les personnes grosses que vous connaissez les ont sûrement déjà subies et les subiront encore, dans n’importe quelle sphère de la société. Heureusement, les langues se délient et le mouvement body positive se développe. De plus en plus de militant·e·s luttent contre la grossophobie et encouragent chacun·e à déconstruire les normes de « beauté » . À vous de poursuivre ce travail !

 

Crédit image à la une : @ivernon2000

 

Article écrit par Lamia, Mathilde L. et Thafath’n’Idh

 

 

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