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[Communiqué] Lallab dénonce la chasse aux abayas du gouvernement

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Le 27 août dernier, à quelques jours de la rentrée scolaire, Gabriel Attal, nouveau ministre de l’Education Nationale, annonce sur TF1 : « Oui, j’ai décidé qu’on ne pourrait plus porter l’abaya à l’école », s’inscrivant ainsi dans les pas du Rassemblement National qui demandait quelques mois plus tôt au Sénat « l’interdiction des vêtements religieux par destination ».

 
Nous dénonçons une énième campagne de harcèlement à l’égard des jeunes filles musulmanes, qui sont une nouvelle fois les cibles de l’islamophobie au plus haut niveau de l’Etat. Après la loi de 2004, interdisant aux jeunes filles musulmanes de porter un foulard au sein des établissements publics, voilà maintenant qu’elles n’ont plus le droit de porter des robes longues (abayas), une dérive de la loi de 2004 attendue et dénoncée depuis vingt ans maintenant qui s’accélère sous la pression de l’extrême droite et l’extrême-droitisation des discours politiques.
 
Car ne nous y trompons pas : si aujourd’hui la question prend de l’ampleur, le harcèlement des femmes musulmanes à l’école vis-à-vis de leur tenue ne débute pas avec la déclaration de Monsieur Attal. La possibilité pour les mères accompagnatrices de porter le foulard ou même de rentrer dans certains établissements récupérer leurs enfants, et pour les élèves de porter bandeaux, jupes longues, “vêtements sombres” et aujourd’hui abayas : à chaque fois, c’est la même mécanique à l’œuvre, la même obsession pour le contrôle des corps des enfants, des filles et des femmes musulmanes.
 
Lallab dénonce un harcèlement islamophobe sexiste et raciste, qui donne libre champ au délit de faciès dans l’enceinte de l’école. En effet, Monsieur Attal déclare « qu’on ne doit pas être capable d’identifier la religion des élèves en les regardant », mais par contre nous devrions être capable d’identifier la religion d’un vêtement ? Car comment faire la différence entre une robe longue autorisée et une robe longue interdite si ce n’est en fonction de celle qui la porte, en fonction du faciès ou du patronyme des élèves ? Les jeunes filles musulmanes racisées seront donc en première ligne de ce profilage racial et de ce fichage religieux, ce qui est une bien plus grande atteinte à la laïcité que l’abaya ne le sera jamais.
 
Lallab dénonce donc une attaque grave contre cette laïcité, telle que posée dans la loi de 1905. Alors que le principe de laïcité garantit la liberté de conscience et de culte, et impose la séparation des Eglises et de l’Etat et la neutralité de ses agents, on va demander à des personnels de l’Education Nationale de déterminer quel vêtement est religieux et lequel ne l’est pas. Alors que l’école est un droit, et qu’elle doit être un espace d’apprentissage de la liberté et de l’égalité, Gabriel Attal entend y renforcer la discrimination, le harcèlement, le sentiment de rejet et d’insécurité et l’injustice à l’égard des jeunes filles musulmanes qui seraient les seules à ne plus avoir le droit à la liberté vestimentaire.
 
N’oublions pas non plus le caractère intrinsèquement sexiste d’une telle décision. Au delà du fait que les femmes musulmanes sont déjà celles qui subissent le plus l’islamophobie, dans la mesure où 70% des actes islamophobes sont à l’encontre des femmes, quelle autorisation une telle circulaire donne-t-elle aux garçons et aux hommes dans le contrôle du corps des femmes et de leurs comportements quand l’Etat lui-même organise le contrôle des vêtements de jeunes femmes ? Comment peut-on encore scander “mon corps, mes droits, mes choix” ensuite ? Et en cas de violences ou de harcèlements sexistes ou sexuels, comment faire confiance à des représentants de l’Etat (personnel scolaire, policiers,…) pour se confier et dénoncer ces violences quand eux-mêmes, pourtant censés vous protéger, vous ont humiliée, ont traqué les centimètres de vos vêtements de façon obscène au collège ou lycée, quand vous étiez encore une enfant ?
 
Force est de constater que les réactions des différents partis politiques et des principaux syndicats ne sont pas à la hauteur, certains applaudissent des deux mains à l’unisson de l’extrême droite, ayant depuis longtemps perdu leur boussole politique. D’autres dénoncent une manœuvre politicienne qui détournerait des « vrais » problèmes que rencontrent l’Education Nationale, comme si l’islamophobie, le racisme et le sexisme s’exprimant à toutes les échelles de l’institution n’était pas un vrai problème. Car ne nous leurrons pas, certains personnels au sein de l’Education Nationale seront ravis de sortir leur mètre-ruban pour dénoncer des robes trop longues, ils et elles n’avaient d’ailleurs pas attendu les annonces de Gabriel Attal pour le faire.
 
Nous, femmes musulmanes, sommes épuisées face à cet acharnement politique et médiatique sans fin qui a des conséquences sur notre santé physique et notre santé mentale, sur nos parcours scolaires, notre droit à l’éducation, nos futurs possibles. Combien de jeunes filles vont se présenter chaque jour devant leur établissement, la boule au ventre, à se demander si aujourd’hui elles pourront accéder à l’enseignement, ou si pour cela elles devront être déshabillées de force en place publique par les agents de l’Etat. Combien renonceront à ce qui est un droit fondamental pour ne plus avoir à subir ce harcèlement quotidien ? Nous sommes épuisées de ce recul de nos droits, de ces milliers d’heures de débats publics sur nos corps, nos vêtements, nos pratiques, notre droit à la sécurité, à la dignité, à l’auto-détermination, face à des règles qui visent tout simplement à annihiler notre existence en tant que citoyennes françaises ou vivant en France. Éducation, travail, loisirs, combien de droits et de libertés nous seront encore arrachés ?
 
Nous envoyons toute notre force, notre amour et notre soutien à nos soeurs, nous lutterons à vos côtés pour que vous puissiez étudier, apprendre et grandir dans un environnement où toutes les femmes seraient libres de faire ce qu’elles souhaitent faire, de disposer de leur corps comme elles l’entendent et d’être qui elles veulent être, car chez Lallab nous défendons ce féminisme qui ne met à l’écart aucune femme en raison de ses choix vestimentaires.
 
Nous envoyons également toute notre force, notre amour et notre soutien aux personnels de l’Education nationale maltraités depuis des années, et particulièrement aux musulmane.s racisée.s qui devront encore une fois faire face aux suspicions et discours racistes et islamophobes de leurs collègues et supérieure.s hiérarchiques s’ils ou elles refusent de jouer ce rôle de flicage permanent et de délation des élèves que l’on cherche à leur imposer.
 

Et pour finir, que faire ?

 
➤ Soutenir les collectifs et associations qui agissent pour les droits des enfants, des femmes musulmanes et/ou racisées, des personnes musulmanes
➤ Créer du contenu et relayer les témoignages des premières concernées face aux violences sexistes, raciste et islamophobes au sein de l’Education Nationale (comme Lallab le fait depuis des années, et notamment dès l’édition 2019 du Muslim Women’s Day)
➤ Connaître ses droits, notamment en lisant cette fiche pratique réalisée par le CCIE, en se faisant accompagner par eux, par le Défenseur des Droits ou par un.e avocat.e
➤ Suivre le formidable collectif Féministes contre le cyberharcèlement, qui a compilé et qui relaie sur son compte Instagram une liste d’actions possibles pour lutter contre cette interdiction de l’abaya
➤ Lire également ce post de Queer Parlons Travail qui est un guide d’autodéfense et d’anti-islamophobie à l’école, réalisé suite à un atelier de Sud Education 93, lors de la journée antiracisme organisée par Queer Education.
➤ S’organiser collectivement
 
 
Crédit image à la une : Ichraq Bouzidi (@ichraq.bouzidi)

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(Dé)construction Nos Voix

« Maman, tu peux m’accompagner en sortie scolaire ? »

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À l’occasion du Muslim Women’s Day, il est important d’aborder la relation ambiguë que l’on peut entretenir avec l’institution scolaire et notamment en tant que mère. Cette relation est constituée d’une grande part d’appréhension face au comportement que pourraient avoir les professeur.e.s face à mon voile.

 
Elle prononce à peine les consonnes et ses phrases ne contiennent que quelque mots… Ma fille vient d’avoir deux ans. Elle n’est pas encore scolarisée. Je ne suis donc pas encore concernée mais j’appréhende déjà. Je vis en banlieue parisienne, à 10 minutes d’une grande mosquée. J’ose espérer qu’avec la population musulmane représentée dans ma ville, les enseignant.e.s sont plus ouvert.e.s (ou moins ouvertement islamophobes…).

En tant que femme voilée en France, j’ai énormément de craintes quant à mon avenir et mes perspectives dans mon pays. J’ai le sentiment que la situation de la France et la mienne ne font qu’empirer de jour en jour. Les médias et les politiques usent de beaucoup d’imagination pour inventer des polémiques liées à l’Islam et en particulier à mon voile. Dans le seul but d’enfouir sous le tapis les vrais sujets de notre société comme le chômage ou le mal logement.

Après avoir polémiqué autour du voile d’une présidente de syndicat étudiant, puis sur celui d’une star de téléréalité, on nous parle désormais du voile que l’on porte pour faire du sport… Pitoyable !
 

Hier, j’avais beaucoup d’appréhensions quant à mon avenir en France en tant que femme voilée. Aujourd’hui, j’en ai encore plus en tant que femme voilée et mère.

 

Tout parent est inquiet pour son enfant et surtout pour l’environnement dans lequel il va grandir et vivre. On veut la/le voir grandir dans des espaces les plus sereins, apaisants et les plus bienveillants possible.

Et ce tant dans la sphère familiale que scolaire. On veut les meilleures écoles, les meilleur.e.s professeur.e.s, la meilleure éducation pour nos enfants, pour qu’ils et elles s’épanouissent pendant leur scolarité.
 
Mais comment s’épanouir dans une institution qui rejette leur mère ?
 
C’est une question que ma fille me posera bientôt et cette question me fait peur. Pour la plupart des parents, c’est une question banale et la réponse est simple. Elle dépend seulement du temps et de l’envie du parent. Pour moi, c’est différent. Mon voile et mon choix de le porter pourra être la raison pour laquelle on me refusera d’accompagner ma fille à l’école.

Un de mes meilleurs souvenirs de sorties scolaires était un parc médiéval en Seine-et-Marne. C’est la seule sortie que ma mère a pu faire avec moi car elle ne travaillait pas ce jour-là. Je me souviens encore de la fierté que ce soit ma mère qui nous accompagne, de mon enthousiasme à l’idée de lui faire découvrir mon environnement scolaire, dont elle ne faisait pas vraiment partie.

J’ai peur de ne pas pouvoir accorder cela à ma fille.

J’ai peur de devoir me battre contre les professeur.e.s, contre la direction, contre l’école. Alors que l’on devrait marcher ensemble vers le même but : l’avenir de nos enfants.
 
L’accompagnement en sortie scolaire me questionne. Et je sais que d’autres points de discorde m’attendent : les menus végétariens, mon voile et mon implication en tant que parent d’élève.

Vous me direz que je suis peut-être très, voire trop, pessimiste ; que la plupart du temps tout se passe bien. Je suis d’accord. Cependant, je préfère me préparer au pire. D’autant plus que ce pire est de plus en plus probable. Lorsque je dis « préparer », je parle d’anticiper les problèmes et rechercher des solutions possibles. Car il n’est plus question que je laisse faire, que j’attende, que je me taise. Il n’est plus question que j’attende un miracle. Le miracle, j’irai le chercher moi-même.
 
Cette bataille a déjà commencé et est loin de se terminer.
 
Je pense à ma fille qui, si elle choisit un jour porter le voile, sera peut-être obligée de le retirer à la grille, obligée de laisser de côté une partie de son identité, une partie de ce qu’elle aura choisi d’être. Je pense à toutes ces questions et remarques idiotes que lui feront le corps enseignant et la suivront aussi dans la sphère professionnelle.

Je pense surtout à l’autocensure qu’elle pourra choisir inconsciemment face à la difficulté de trouver un stage ou un emploi dans certaines filières, justement à cause de son voile ou seulement de son apparence présupposée à l’Islam.

Je pense à tout cela et plus encore. Et je me dis que ma solution n’est pas le repli. Pour l’instant (et pour longtemps j’espère), je me bats pour mes droits et pour ceux de ma fille.
 
Que les futures lois mises en place respectent nos droits en tant que femme musulmane et/ou voilée.
Que les actuelles lois qui bafouent nos droits (comme la loi de 2004) soient abrogées.
 

Pour ma fille, Nour.

 

Crédit Photo Image à la Une : Nike

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#MuslimWomensDay : vos témoignages 3/3

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A l’occasion du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes de 27 mars, Lallab a lancé un appel à témoignages afin de récolter vos histoires de femmes musulmanes sur vos expériences, sur les discriminations et les violences vécues en relation avec le système éducatif en France.

 

Fatima : « Malgré d’excellents résultats et un master obtenu avec une mention très bien, j’ai lutté pour pouvoir faire un doctorat »

 
Durant mes études supérieures, j’ai été discriminée à de nombreuses occasions à cause de mon foulard notamment durant mes recherches de stages en laboratoire de recherche – souvent les laboratoires étaient localisés en milieu hospitalier. Malgré d’excellents résultats et un master obtenu avec une mention très bien, j’ai lutté pour pouvoir faire un doctorat. J’ai eu la chance de rencontrer un chef de labo qui m’a acceptée telle que je suis – ce chef de labo était anglais d’où peut-être sa plus grande ouverture d’esprit. Mon chef de labo a été à différentes reprises questionné sur le fait d’accepter une voilée dans une institution publique. J’ai réalisé mon doctorat sans bourse de thèse malgré ma mention. Au concours pour la bourse de thèse, j’ai ressenti l’hostilité du jury et mes professeur.e.s d’université m’ont dit qu’il aurait fallu que j’y aille sans mon voile. Mes camarades de promo ont tous obtenu une bourse pour poursuivre en doctorat même ceux ayant eu une mention assez bien et bien.
Malgré le fait que ce n’était pas dans les conditions idéales, j’ai persévéré et continué en doctorat après une longue bataille avec l’université. Tout au long du parcours, j’ai subi des remarques ou des rumeurs de couloir qu’avec l’habitude j’ai appris à ignorer. J’ai montré et fait reconnaître mes compétences à ceux qui voulaient prendre la peine de m’entendre.
A la fin de mon parcours, et après une longue réflexion face à la difficulté évidente d’obtenir un poste à l’université ou dans un centre de recherche CNRS ou INSERM en raison de la partie présentation orale du concours où je devrais faire face à un jury, j’ai décidé de ne plus me présenter à aucun concours et de m’expatrier – depuis 4 ans j’ai quitté la France – pour vivre de façon plus épanouie malgré la distance et l’éloignement des proches et ami.e.s.
 

 Oskar : « En tant que musulmane, tu n’as rien à dire ? »

 
Les micro violences et les réflexions sont quotidiennes.

Ce qui m’a le plus blessée, c’était lors de la semaine après les attentats de Charlie Hebdo. J’étais en Master en communication graphique, les professeur.e.s voulaient discuter avec nous de l’impact que les événements avaient sur nous.

Je ne disais rien, je m’étais assise au fond de la pièce, car je ne voulais pas entrer dans une polémique, je ne soutiens pas les publications de Charlie Hebdo, qui m’ont souvent heurtée.

Et soudainement, le professeur demande si personne ne veut encore rajouter quelque chose. Tout le monde se retourne sur moi. Tou.te.s attendaient que je prenne la parole. J’étais crispée et je ne savais pas quoi dire.

Le professeur me regarde et me dit : « En tant que musulmane tu n’as rien à dire ? »

Je lui ai dit que non et il a continué à insister. Devant plus de 50 personnes, il voulait me forcer à dire que je soutenais Charlie Hebdo et ses publications.

Personne ne m’a aidé, tou.te.s le soutenaient, se disant que j’avais « l’obligation morale » de les soutenir.

Je mordais l’intérieure de ma joue pour ne pas craquer. J’étais au bord des larmes.

Quand finalement, une de mes professeur.e.s est rentrée et a demandé ce qu’il se passait. Elle avait observé la scène par les portes vitrées (elle me l’a dit après). Elle a fait alors comprendre au professeur que je n’avais pas à prendre position publiquement et qu’il ferait mieux d’arrêter.

Si elle n’était pas intervenue, je ne sais pas ce qu’il se serait passé, car les étudiant.e.s entrainé.e.s par le professeur se mettaient à dire la même chose.

Et moi je répétais sans cesse que je ne voulais pas entrer dans le débat.

Je n’ai pas réussi à aller en cours pendant deux semaines, j’étais terrorisée.

J’ai failli rater ma dernière année de Master à cause de ça. Tellement cela m’avait traumatisée. Je pense que si ça n’avait pas été ma dernière année, je n’aurais pas réussi à recommencer une année scolaire.
 

Soolef : « J’ai 21 ans mais je ne veux pas passer ma vie dans un contexte comme celui-ci »

 
Bonjour, hello, Buenos dias, السلام عليكم جميعا
Je n’écris que ces quatre langues.

Je suis actuellement étudiante en Master didactique des langues et cultures, dans le domaine de l’enseignement du Français langue étrangère et de l’arabe langue étrangère.
Je témoigne aujourd’hui pour dénoncer les stéréotypes et les représentations idéologiques faites sur nous, comme sur d’autres personnes discriminées. J’ai dû postuler pour de nombreux stages cette année dans le cadre de mes études. Les réponses que j’ai essuyées étaient des refus, si vraiment les organismes faisaient le « geste » de me répondre. Ces réponses étaient un méli-mélo de manque de respect, d’orgueil et de haine. On me le faisait clairement sentir pour : mes origines, mes croyances, mon voile. En effet, je vais du plus général au plus spécifique. Je ne manque pas de bonne volonté, ni d’ambition, ni d’enthousiasme. C’est ce qu’on me disait. Pourtant les réponses en disaient autrement. Et ceci ne concerne que mon stage.

Quand à mes demandes d’emploi ou au moins job étudiant, les réponses et retours étaient d’autant plus négatifs. Oui, nous femmes musulmanes nous étudions, travaillons, faisons du sport, chantons, et bien d’autres choses. Il en est de même pour ma scolarité et mes études mais j’ai persévéré. Demandez-moi où j’ai postulé pour mes stages. J’ai certes postulé dans des organismes institutionnels et non-institutionnels. Un peu partout en effet. Il est temps de rendre à la laïcité son véritable sens. Son sens premier. Son essence.

La laïcité n’est pas de supprimer toutes les religions et d’imposer l’athéisme. Mais plutôt que toutes les religions, et tous les cultes coexistent, cohabitent, vivent ensemble. Merci de m’avoir lue. Il est vrai que cela fait énormément de bien de parler de ce que j’accumule maintenant depuis le début de ma scolarité. J’ai 21 ans mais je ne veux pas passer ma vie dans un contexte comme celui-ci. C’est bien trop usant, bien trop éreintant, bien trop hostile. Je m’inquiète aussi pour les générations futures.

Je témoigne aussi au nom de nombreuses femmes de mon entourage : mères de familles mises à l’écart de la scolarité de leurs enfants, ou étudiantes comme moi, ainsi que les travailleuses obligées de retirer leur voile inutilement. Alors que le voile ne les prive pas de leur compétences professionnelles, intellectuelles, etc.

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#MuslimWomensDay : vos témoignages 2/3

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A l’occasion du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes de 27 mars, Lallab a lancé un appel à témoignages afin de récolter vos histoires de femmes musulmanes sur vos expériences, sur les discriminations et les violences vécues en relation avec le système éducatif en France.

 

Basma : « Entrer dans le musée dévoilée ou rester dehors voilée et ne pas prendre part à l’exposition »

 
J’étais élève en terminale, déléguée de classe et j’entretenais d’excellentes relations avec le corps administratif de mon lycée. Mais, tout cela a basculé lors d’une sortie au musée. En sortant du lycée sur le chemin de l’exposition, je me suis couverte la tête comme à mon habitude. Mes camarades me savaient voilée et n’y voyaient aucune chose à redire. Cependant, arrivée devant le musée, l’une de mes professeur.e.s encadrant la sortie m’a stoppée net en me posant un ultimatum : entrer dans le musée dévoilée ou rester dehors voilée et ne pas prendre part à l’exposition. Elle invoquait la fameuse loi de 2004. Tout le monde était stupéfait et malgré les interventions calmes et bienveillantes de mon autre professeur et mes camarades, la professeure en question a tenu bon et m’ayant mise au pied du mur, elle a fait entrer le reste de la classe dans le musée. J’ai donc attendu deux heures sur un banc à l’entrée du parc, seule. Nous étions en mars 2012, j’étais encore mineure.

Depuis cet incident, le corps administratif et la hiérarchie de mon lycée ont changé d’attitude à mon égard, le proviseur veillait tous les matins à ce que j’enlève mon voile avant d’entrer au lycée, on a convoqué mes parents (chose impensable au vu de mon dossier scolaire excellent) pour s’assurer que mon voile n’était pas le fruit d’une oppression familiale et surtout, s’assurer que je ne viendrais pas « perturber » le voyage de fin d’année à Chinon. Je n’ai pas pu participer à ce voyage et ce souvenir a malheureusement entaché le précieux souvenir de mes années lycée.
 

« Il se faisait un plaisir d’expliquer à ses élèves ô combien l’islam est « une religion violente et misogyne » »

 
Au Lycée, un de mes professeur.e.s d’histoire avait l’habitude, en cours d’instruction religieuse (catholique), de nous distribuer des fiches sur lesquelles il avait copié-collé des traductions françaises de versets coraniques. Plusieurs fois de suite, j’ai vu qu’il se faisait un plaisir d’expliquer à ses élèves ô combien l’islam est « une religion violente et misogyne ».

En ECJS, il nous avait demandé de débattre sur le sujet suivant : « L’islam est-il soluble dans la démocratie ? ». Après avoir écouté seulement un cinquième de mon intervention, il nous avait expliqué que le Coran « infantilisait voire animalisait les musulman.e.s »; sous-entendu, qu’iels ne seraient « pas capable de vivre dans un système ou iels peuvent choisir par eux/elles-mêmes. »

En tant que bon professeur d’histoire, il légitimait la colonisation de l’Algérie. Après tout, « ils l’avaient bien cherché et on leur a beaucoup apporté, n’est-ce pas ? ». Il te donnait des bonnes notes si tu recrachais tout ça.

J’étais une des seules à réagir. La plupart des élèves, majoritairement blanc.he.s, étaient in love face à lui. À côté, je vomissais.

Mais…qui aurait cru que son comportement allait en partie me pousser vers le Juste, vers la Vérité, qui aurait cru que ses propos allaient en partie me pousser à devenir la personne que je suis aujourd’hui, une femme musulmane, convertie, et fière de son cheminement féministe ? Sorry but not sorry !
 

Wassila : « On m’a interdit l’entrée car voilée quand bien même je n’étais plus étudiante là-bas. »

 
En terminale, j’ai décidé de porter le voile. J’étais dans un lycée privé catholique d’une petite ville. Malgré le fait que le CCIF m’avait garanti que la loi de 2004 ne s’appliquait pas dans une école privée, on m’interdisait de le porter. Je le retirais alors à l’entrée après avoir passé la porte et le remettais le soir avant de sortir dans la rue principale. Il faut savoir que le principal avait une haine viscérale envers moi depuis que je m’étais voilée et ne reculait devant rien pour m’humilier régulièrement. Le dernier jour de ma vie lycéenne, comme d’habitude je remets mon voile en quittant le bâtiment et là la CPE me hurle dessus devant tout le monde car je le remets avant la porte et non pas dans la rue. Je lui dis que j’avais toujours fait comme ça et que ça n’a jamais posé problème. On m’a hurlé dessus devant tout le monde dans la rue. J’étais choquée. Quelques mois plus tard, j’ai voulu retourner au lycée pour saluer mes ancien.ne.s professeur.e.s. On m’a interdit l’entrée car voilée quand bien même je n’étais plus étudiante là-bas.

Quelques mois plus tard, je commence ma vie d’étudiante dans une grande ville dynamique. Je rentre en école de commerce, par précaution j’avais averti l’école du fait que je portais le foulard et on m’avait dit que la loi me l’interdisait et que je devais le retirer. N’étant pas informée, je n’ai pas trop cherché à comprendre donc je l’enlevais le matin et le remettais le soir. Un de mes professeur.e.s en droit le remarque et me dit que je suis dans mon droit de le porter dans l’école car je dépends maintenant du ministère de l’enseignement supérieur et non plus de l’éducation nationale. Je vérifie auprès du CCIF qui me confirme cela. Je décide donc de le porter. Le doyen me voit avec mon voile et décide de me suspendre jusque nouvel ordre, avec consignes à mes professeur.e.s de ne pas m’accepter en cours. Ce même doyen avait contacté mon principal du lycée qui m’a diffamé disant que j’avais voulu faire ma loi et créer des problèmes. Grâce au soutien du CCIF, j’ai pu avoir gain de cause et finir ma licence dans cette école avec mon voile al hamdouLillah.

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#MuslimWomensDay : vos témoignages 1/3

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A l’occasion du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes de 27 mars, Lallab a lancé un appel à témoignages afin de récolter vos histoires de femmes musulmanes sur vos expériences, sur les discriminations et les violences vécues en relation avec le système éducatif en France.

 

Argelina : « Vous êtes trop intelligente pour porter ça »

 
L’année dernière, alors que je passais mes examens de licence, j’ai eu un oral avec une professeure que je considérais énormément depuis ma première année de licence.
Elle m’a toujours encouragée, je n’ai jamais eu de mésentente avec elle, bien au contraire, nous avions une très bonne relation.
Voilà pourquoi cette expérience a été encore plus difficile à vivre pour moi.
J’ai passé un examen oral avec elle. A peine me suis-je installée, elle me dit directement “bon M…. il faut que je sois honnête avec vous. Je ne comprends pas pourquoi vous portez le voile. Je vous ai toujours bien aimé, vous êtes une femme remarquable, l’une des meilleures de la promo, mais je trouve ça tellement dommage que vous portiez ce bout de tissu. Vous êtes trop intelligente pour porter ça, je garde espoir en me disant qu’un jour vous aurez assez de courage pour le retirer car ça ne va pas avec ce que vous représentez en tant que femme intelligente, indépendante, ouverte d’esprit… » et j’en passe. Je suis tombée d’au moins dix étages. Moi qui suis voilée depuis maintenant 5 ans, je n’ai jamais été « victime » de racisme, et recevoir toutes ces paroles d’une enseignante, une femme pour laquelle j’avais beaucoup d’estime de par son parcours scolaire.
Sur le coup je n’ai pas su réagir, j’ai juste pleuré, j’ai été blesseé d’un côté par ses fortes paroles et d’un autre côté car cela venait d’elle.
Bien évidemment je n’ai pas terminé mon oral, et je vous laisse imaginer la note que j’ai eue.
En sortant j’avais deux choix : aller me plaindre et faire remonter les conditions de l’épreuve orale que je venais de passer car ceci a beaucoup joué sur mon examen étant donné que ma seule envie était de quitter la salle. L’autre option était de me taire car en raison de son importance au sein du département, j’aurais pu avoir des répercussions sur les années d’études qu’il me restait. Je me suis tue. J’ai eu peur que ça puisse jouer sur mes études. Et honnêtement je ne savais pas vers qui me tourner, porter plainte ? Je ne voulais pas entrer en procédure judiciaire surtout que ça aurait été sa parole contre la mienne.
J’en ai parlé seulement à une enseignante, qui m’a énormément soutenue, elle m’a aidée à ne pas baisser les bras. J’étais à deux doigts de ne plus remettre un pied à la fac… Mais j’ai décidé de ne pas me laisser abattre car après tout ce n’est pas moi la victime mais plutôt cette enseignante. Victime de son manque d’ouverture d’esprit, qui refuse d’entendre qu’une femme est libre de porter le voile, et que ce « bout de tissu » n’est pas la définition d’une femme soumise, fermée aux autres, dépourvue de toutes formes de libertés. Bien au contraire.
 

Leila : « On vous tolère dans les couloirs de la fac »

 
L’histoire se déroule il y a maintenant 3 ans, dans une faculté de médecine parisienne où je terminais mon internat. Un examen national a lieu en fin d’année afin de déterminer notre spécialité pour l’internat. Le jour de mon récit, nous étions censé.e.s passer une épreuve blanche dans les mêmes conditions que l’examen officiel.
Une fois les portes fermées, les étudiant.e.s tou.te.s installé.e.s, la cheffe du service d’hématologie de l’époque lit le règlement, et en cours de lecture nous dit :  » rien sur la tête alors retirez vos foulards maintenant ». Silence assourdissant. Je lui fais savoir que le règlement a été revu avec les instances AVANT cet examen blanc et que nous avons le droit de garder notre voile. Le chef de service de cardiologie, à ses côtés, nous assure que non, c’est comme ça et qu’il faut le retirer. J’insiste, terriblement seule (dans une promotion où il y a un nombre conséquent de musulmans et de musulmanes par ailleurs), et je suis, Dieu merci, rejointe par une amie. Elle leur explique également que nous avons demandé avis à un avocat, que nous sommes dans l’enseignement supérieur et que nous avons le droit de le garder. Pendant l’échange qui suit, assez violent psychologiquement et verbalement, la cheffe d’hématologie nous dit « déjà que vous nous enquiquinez avec vos charlottes à l’hôpital, on vous tolère dans les couloirs de la fac, vous n’allez pas nous faire le coup encore maintenant donc maintenant ça suffit et vous les retirez ! ». Je lui rétorque qu’elle ne tolère rien du tout, et que c’est tout simplement LA LOI !

Voyant que nous ne lâcherons pas, et l’épreuve devant se lancer (puisque toutes les autres facs nous attendent, l’épreuve étant simultanée en ligne), ils abandonnent.

A la fin de l’épreuve, le chef de service de cardiologie prend la parole en disant « effectivement nous avons appelé les instances et il n’y a pas de souci ». Exaspérée, stressée par la fin d’une épreuve que j’ai totalement bâclée, je lui rétorque : « SANS BLAGUE. »

Ce que je retiens de ce jour, ce n’est pas l’agression en elle-même. C’est le silence assourdissant de tous nos frères présents à ce moment-là (15). Aucun n’a pris la parole pour nous défendre, même si ma voix tremblait de rage et d’humiliation, aucun cœur. Les mêmes qui feront une réflexion rabaissante si une fille retire son foulard à cause de la pression sociale….
 

Amina : « Je vais faire une petite liste des micro-agressions par rapport au hijab. Ce n’est pas pour me plaindre mais c’est pour m’en souvenir parce que, à force, j’en oublie beaucoup. »

 
– Agressions par la concierge du collège parce que parfois j’oubliais ou bien j’attendais d’être à l’abri de la pluie pour me découvrir.
– Stage de Troisième où j’ai dû l’enlever dans mon endroit préféré de ma ville : la bibliothèque municipale.
– Années lycée : j’ai arrêté le badminton à l’AS parce que je ne voulais plus me prendre la tête à l’enlever.
J’ai voulu faire du théâtre mais je suis freinée à cause de ça aussi.
– J’ai eu une convocation chez le proviseur une fois pour me rappeler les règles de la laïcité.
– Je suis passée de la seule hijabi à une parmi d’autres donc ils ont commencé à nous soûler par rapport aux jupes etc. J’avais de nombreuses stratégies de contournement pour éviter de passer devant les bureaux du CPE quand j’en portais une.
– Ah oui, j’avais oublié… durant les portes ouvertes du lycée, il y avait ce fameux prof d’histoire et section euro qui allait me suivre durant tout le lycée et même à la fac. Première rencontre : il m’avait carrément ignorée (pas encore élève, je portais mon voile) par la suite il a été plus cordial.
– Année de Première : voyage à Londres. On me dit que je ne peux pas le garder. Bref je décide de ne pas y aller.
– En Première, ce fut aussi l’année du bac français. On me dit que je peux le garder pour les épreuves étant donné qu’elles ne se déroulent pas dans mon lycée. FAIL
– Concours général de français dans un lycée où je ne suis pas élève : Un CPE à l’allure vallsienne sort de son bureau en courant pour me rattraper et me crier dessus.
– Terminale. Année du bac, des concours, APB etc.. Dans le cadre d’une prépa aux IEP (Instituts d’Etudes Politiques) que je faisais depuis la Première sans souci avec le hijab, je me rends une semaine à Sciences Po Lille. Problème : l’internat était au lycée Faidherbe cette année-là alors que l’année d’avant, nous dormions dans un internat de lycée privé. La CPE me suit donc dans le self alors que je me servais à manger et me met la pression pour retirer mon hijab. Une autre hijabi était là mais elle venait de la banlieue de Lille. Elle est donc rentrée chez elle le soir même… Je me suis faite discrète mais me suis retrouvée le lendemain convoquée dans le bureau de l’ex-directeur de Sciences Po Lille. Je pensais que j’allais devoir prendre mon billet retour… c’était un peu tendu mais il était compréhensif. Il a fait en sorte que je puisse rester.
– L’université : pas d’interdictions mais ils ont le don de confondre le nom des filles voilées… parfois même les filles arabes. Et puis quand tu vas présenter le projet d’une association étudiante et qu’on te dit : « faut pas organiser des prières hein… on a déjà eu des soucis comme ça… »
– La carte étudiante : quand on te ment en te disant que la photo avec le voile n’est pas acceptée. Alors que ni dans la loi ni dans le règlement intérieur, il n’y a d’interdiction à ce sujet… D’ailleurs en L3, j’ai pu refaire ma carte avec ma photo en hijab par une jeune en emploi étudiant.
– Le sport à la fac : quand le prof vient te voir pour te dire qu’il a pas de problèmes avec le voile mais attention faut des vêtements adaptés. Non ? Sans blague…
– En stage dans une entreprise (maghrébine qui plus est) : au bout de deux semaines une fille qui avait retiré son voile pour son stage revient de congé et le soir même on m’envoie un sms pour voir si je ne peux pas le retirer ou au moins le mettre en turban.
– Pour mon dernier stage (d’une semaine) dans un grand média, la photo en hijab pour le badge ne leur convenait pas pour je cite « des motifs de sécurité » LOL. Bref j’en ai envoyé une en turban. Puis plus de réponses… je n’avais toujours pas reçu ma convention. La semaine avant le stage on me dit que ce ne sera pas possible avec le hijab malheureusement car l’entreprise fait une mission de service public. Mais, ô miracle ! Lorsqu’on connait des personnes bien placées dans l’entreprise, on parvient à négocier le turban. L’affaire est remontée jusqu’à la directrice du média. Finalement, j’ai pu faire mon stage. Et surprise : qu’est-ce que je découvre ? Plusieurs employées en turban mais dans la restauration et le ménage et pas dans les rédactions.

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

4 raisons pour lesquelles la loi de 2004 est antiféministe

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Nous sommes en 1989 quand la première affaire sur le port du foulard à l’école est évoquée dans les médias. S’en suivront de nombreux cas similaires, dont la célèbre affaire « Alma et Lila Lévy » exclues en octobre 2003 du lycée Henri-Wallon à Aubervilliers pour port du voile. Interrogées sur leur refus d’ôter leur foulard à l’école, les deux jeunes filles répondent qu’elles en ont le droit puisque aucune loi ne s’y oppose. Commence alors un grand débat national sur cette question : doit-on interdire le port de signes religieux au sein des établissements scolaires ?

En s’intéressant au contexte dans lequel la Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 a été votée, il était surprenant de voir à quel point l’avis des féministes médiatisées de l’époque s’est imposé de façon presque évidente. On lira dans le journal Libération : « Tolérer le foulard islamique […], c’est ouvrir la porte à ceux qui ont décidé, une fois pour toutes et sans discussion, de lui [la femme musulmane] faire plier l’échine […]. En autorisant de facto, le foulard islamique, symbole de la soumission féminine, vous donnez un blanc-seing aux pères et aux frères, c’est-à-dire au patriarcat le plus dur de toute la planète » – signé de Gaye Petek et Alain Seksig [1]. L’idée que le voile oppresse la femme musulmane, et que, de ce fait, il doit être combattu, l’emporte dans le débat et la loi est votée.

Pourtant, cette loi ne s’inscrit en aucun cas dans une dynamique féministe, bien au contraire ! En voici l’explication en quelques points :

 

1) Une loi qui nie la liberté de choix

 

La liberté des femmes à disposer de leurs corps comme elles l’entendent, sans contrainte, a été une des luttes principales des mouvements féministes historiques. Nous partageons ce combat : chacune devrait pouvoir choisir la manière dont elle s’habille et dont elle souhaite se présenter à autrui. Que ce soit un pantalon, une jupe, des cheveux bleus, ou un foulard, porter les vêtements de nos choix, c’est exercer sa liberté, s’affirmer et mettre en avant sa personnalité ; ce qu’on est. Retirer ce droit aux individus, c’est nier leur identité profonde et aller à l’encontre d’un fondement du combat féministe. Aujourd’hui, ce principe ne s’applique plus pour une partie de la population française.

Comment accepter que ce droit soit devenu illégitime pour les femmes musulmanes ?

 

Crédit photo : lappartementliving.com
 

2) Une loi paternaliste

 

Les jeunes filles portant le foulard à l’école ont été toutes représentées de manière unanime comme n’ayant pas le choix. Il fallait alors les sauver de leur père / frère / oncle / boulanger… Toute figure masculine l’entourant, oppressive et obscure. Ces femmes seraient ainsi particulièrement sujettes au sexisme et au patriarcat archaïque et violent de leurs pairs.

La République avait alors pour devoir de les protéger de cette menace en… leur interdisant le prétendu symbole de cette oppression : le foulard. Ainsi, sous un prétexte puant le paternalisme, l’État français a reproduit le schéma qu’il sous-entendait dénoncer. Tout ceci, en ne donnant que très peu la parole aux principales concernées bien sûr.

Quand on souhaite protéger quelqu’un, on a plutôt tendance à l’écouter et trouver des solutions qui ne lui restreignent pas ses libertés, non ? Cette privation de parole et l’invisibilisation de ces femmes est la preuve que cette loi n’était pas faite pour elles, loin de là.

Ce qui est fait pour nous, mais sans nous, est fait contre nous
Nelson Mandela

3) Une loi contre-productive

 

Si tant est que certaines jeunes filles soient bien obligées de porter le foulard, leur restreindre l’accès à l’école n’était pas l’idée la plus brillante du siècle.

En effet, si les seules options données sont : a) la liberté ou b) l’école ; certaines choisiront (ou se feront imposer ;)) d’autres options, comme les cours à domicile par exemple. L’école représentant tout de même un socle commun de connaissances et un lieu de sociabilisation, il est tragique d’imposer de tels obstacles à l’épanouissement scolaire.

 

Crédit photo : Newsnetz

 

4) Une loi aux lourdes conséquences

 

Aujourd’hui, enlever son foulard à l’entrée du collège ou du lycée peut sembler banal pour certain.e.s. Mais quelles sont les conséquences à long terme ? Au-delà de la blessure infligée à ces femmes, c’est l’insertion dans la société française qui devient difficile ensuite. Le voile étant tantôt perçu comme une provocation, tantôt comme un acte de soumission, le rejet se fait ressentir dès l’accès à l’emploi, et même aux loisirs.

Cette Loi est venue légaliser une discrimination absolument scandaleuse, excluant totalement certaines femmes de la société, sous de faux prétextes remplis de racisme, de sexisme et de conformisme.

Bien sûr, nous n’omettons pas l’idée également forte selon laquelle, au nom de la Laïcité – grande valeur salvatrice française – aucun signe religieux « ostentatoire » (nous reviendrons sur cette subtilité juridique) ne devait être présent dans l’enceinte scolaire. En attendant un prochain article sur le sujet, nous vous suggérons de regarder la vidéo de l’association Coexister, qui explique ce qu’est la Laïcité en 3 minutes.

 

 

[1] Delphy Christine, « Anti-sexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme », Nouvelles Questions féministes, n°25, 2006, p59-83

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Diffuse la bonne parole

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