Je suis musulmane et bon sang, ce que j’aime la période de Noël

par | 5/12/17 | Nos Voix

 

Nous sommes en décembre, et c’est officiellement le début de ma période préférée de l’année : Noël ! Oui, je sais, ça surprend beaucoup de monde à chaque fois que je dis ça. Revenons donc sur les raisons pour lesquelles j’aime autant cette période de l’année.

 

Commençons en musique, shall we ?  

 

Les souvenirs d’enfance

 

“Mais… Tu fêtes Noël, toi ?”

 

Et bien… Pas vraiment. Enfant, nous ne célébrions pas vraiment Noël. Ma mère nous offrait des cadeaux à cette occasion : elle nous expliquait que c’était à l’origine une fête chrétienne célébrant la naissance de Jésus, mais que c’était aussi une occasion pour les enfants sages que nous étions de recevoir des cadeaux. En réalité, elle avait surtout peur à l’idée qu’on soit les seuls enfants de l’école à ne pas avoir eu de cadeaux de Noël.

Une fois au collège, ma mère a cessé de nous offrir des cadeaux “parce que nous n’étions plus des enfants maintenant, ça y est”, mais je restais malgré tout attachée à cette période : on avait deux semaines de vacances, il y avait des dessins animés et des films de Noël à la télévision, rester sous un plaid en raison des températures froides devenait une activité socialement acceptable…

 

 

On allait voir avec ma soeur les vitrines des Galeries Lafayette, j’étais émerveillée par les lumières et tous les jouets qui prenaient vie derrière la vitre. J’avais des étoiles dans les yeux face à l’immense sapin à l’intérieur du magasin. Aujourd’hui, Noël est un jour férié comme un autre pour ma famille, mais on en profite quand même pour se réunir autour d’une belle table. Alors oui, j’ai bien conscience du matraquage commercial que l’on subit pendant les fêtes. Mais derrière les jolies lumières, les films de Noël, les pulls de Noël, les cadeaux, je pense qu’on peut y voir d’autres aspects positifs non liés à la consommation.

 

Un nuage d’amour

 

Vous allez me penser excessive mais Noël pour moi, c’est surtout la période où je ressens beaucoup plus d’amour dans l’air. Je m’explique.

Derrière toute cette frénésie dans les centres commerciaux à chercher le cadeau idéal, je vois une forme particulière de consommation des personnes désireuses de faire plaisir à leurs proches ou de leur témoigner leur amour.

Je vois le jour de Noël comme une trêve de l’année où tout le monde se met en pause et en profite pour passer du temps avec sa famille ou ses proches. On quitte le travail plus tôt pour les retrouver ou on prend des vacances pour rendre visite à sa famille… C’est aussi une période où il y a une hausse d’actes solidaires : de nombreuses personnes s’investissent pour la distribution de repas pour les sans-abris, il y a même un site qui vise à connecter les personnes seules pour Noël !

 

La plus belle manifestation d’amour à laquelle j’ai assisté était à l’église, lors d’une veillée de Noël.

 

Crédit photo : Davidson Luna – Unsplash

 

Alors oui, avant d’aller plus loin, on m’a déjà demandé – à ma grande surprise – si j’avais le droit de rentrer dans une église en tant que musulmane, et la réponse est oui. Ayant la chance d’avoir grandi dans une ville multiculturelle, cela a nourri une curiosité pour les différentes cultures et religions qui m’entouraient. J’ai pu assister à de nombreuses célébrations et autres rituels comme le nouvel an chinois ou encore le shabbat. Cette curiosité s’est accrue au fil des années et des voyages.

 

Ayant vécu un an aux États-Unis, j’étais évidemment surexcitée à l’idée de passer Noël “comme dans les films” : voir les petites maisons sur-décorées, assister à une “Ugly Christmas sweater Party”, c’est-à-dire une fête où chacun·e arbore son pull de Noël le plus moche… Mais cet excès de consommation me donnait envie d’en savoir plus sur l’origine même de Noël, et surtout de comprendre comment les catholiques célébraient cette fête. Le jour du réveillon, je voulais assister à une veillée de Noël mais je n’avais pas pensé à chercher un lieu dans un guide. Alors que je m’apprêtais à rentrer à mon hôtel, dépitée par mon manque de préparation, je suis passée devant une église et j’ai entendu des chants de Noël. Le miracle !

 

L’atmosphère était juste magique : l’odeur du sapin embaumait légèrement l’entrée, les bougies rendaient l’église plus chaleureuse. J’étais hypnotisée par les personnes qui chantaient et par l’amour qui se diffusait dans la pièce.

À la fin de la cérémonie, le prêtre a allumé une bougie et a fait passer une flamme à toute l’audience – y compris à nous, simples visiteur·euse·s inconnu·e·s de la paroisse. Ma voisine m’a fait passer la flamme en me souhaitant un joyeux Noël le plus sincèrement du monde. On avait beau ne pas parler la même langue, ça se lisait dans les yeux.

Assister à cette veillée fut très enrichissant : j’y ai été accueillie comme une des leurs et j’ai assisté à un témoignage d’amour pur envers les membres de la paroisse.

 

Ça m’a aussi fait beaucoup réfléchir à la manière dont je célébrais les fêtes religieuses musulmanes comme l’Aïd el-Fitr ou l’Aïd el-Kebir : est-ce que je prends le temps de célébrer ces fêtes autant que ces personnes à la veillée célèbrent Noël ? Quand je compare avec les fêtes de ma propre religion, je réalise que je ne prends pas assez le temps de les apprécier. Je suis souvent happée par mon quotidien et ne les célèbre pas souvent avec mes proches. Souhaitons-nous les uns les autres de joyeuses fêtes et n’oublions pas d’aimer et de célébrer les nôtres au passage !

 

Un moment de coexistence

 

Ces dernières années, il y a eu de nombreuses tensions avec la montée de l’islamophobie, de l’antisémitisme et d’autres actes racistes en France. Noël, Hannouka et le Mawlid (ndlr : la naissance du Prophète de l’islam) tombent dans le même mois depuis quelques années, j’y vois là un beau symbole : n’est-ce pas le signe qu’il est temps de s’aimer inconditionnellement les un·e·s les autres, quelque soit notre religion ou notre absence de religion ?

 

L’empathie me fait profondément aimer Noël même si je ne le célèbre pas comme on pourrait le croire. J’aime cette période car l’atmosphère est au cocooning, à prendre soin des êtres qu’on aime. Souhaitons de bonnes fêtes à nos ami·es juif·ve·s ou chrétien·ne·s et un merveilleux jour férié à nos ami·e·s athées. Puissiez-vous profiter de cette période pour passer du temps avec ceux que vous aimez ou en paix avec vous-même !

 

Pour en savoir un peu plus sur l’autrice de cet article vous pouvez écouter son témoignage dans le Podcast « De bonne foi » dans l’épisode #6 « Identité & altérité – témoignages et réflexions ».

Voici les plateformes pour retrouver l’épisode 😉

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Crédit photo à la une : Instagram @sanaakblog

 

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