En quête des Récits d’Algérie

par | 17/10/21 | Nos Voix

Aujourd’hui, nous sommes le 17 Octobre. Il y a 60 ans jour pour jour, cette date sonnait une répression meurtrière à Paris, celle de la police française sur des manifestants Algériens. A l’heure où les faits de cette nuit d’horreur peinent à être officiellement qualifiés et où le sujet de l’héritage de la guerre d’Algérie ravive tensions et récupérations politiques, je souhaitais partir d’un autre angle pour aborder le sujet, celui de l’humain.  Cela à travers l’histoire d’une jeune femme qui initie une quête, qui devient celle de jeunes qui se saisissent d’un devoir fondamental : celui de la mémoire. Un réel enjeu quand on est issu d’une diaspora outre-mer qui a une histoire commune particulière avec la France, et que les récits de nos aîné·es émergent difficilement du silence. 
« L’histoire n’est jamais mieux racontée que par celles et ceux qui l’ont vécue. » Ecrire l’histoire depuis les voix, briser le silence pour se défaire de sa lourdeur. Cela semble être le crédo du projet ambitieux qui porte le nom, humble mais fort de sens, de « Récits d’Algérie ». Un projet qui voit le jour en 2020, qui naît d’un choc, de longs moments de réflexion et d’auto-formation, et qui devient une mission : celle de Farah, une étudiante de 23 ans, maintenant entourée d’une équipe qui chaque jour l’aide à prendre la relève là où l’éducation nationale s’est peut-être arrêtée. Entretien avec la fondatrice de Récits d’Algérie, la quête des mémoires qu’il fallait oser entreprendre. 

 

Récits d’Algérie est une plateforme collaborative, intergénérationnelle, qui vise à recueillir les mémoires de la guerre d’Algérie, des deux côtés de la Méditerranée. L’équipe va à la rencontre de personnes qui ont vécu cette guerre pour récolter des récits de vie, des fragments, les histoires de ces aîné·es que l’on entend trop peu, et publie et accueille en parallèle de nombreux articles sur diverses thématiques. 

 

 « Je me disais que ça touchait à mon histoire personnelle. La prof avait dit que l’on n’allait pas l’aborder. Je n’avais aucune connaissance du sujet car chez moi, on n’en parle pas. »

 

Mémoires. Guerre d’Algérie. Pour une grande partie d’entre nous, le lieu du premier contact avec ces thématiques est souvent l’école. Je me remémore mes années collège, lycée, des années où cette guerre, sous différents angles, est parfois présente dans les programmes. Je me rends compte que ma scolarité a été l’illustration concrète d’un fait : en fonction de la contingence des choix des professeur·es d’histoire d’une année à l’autre, il est possible de ne  jamais évoquer ne serait-ce qu’une fois le thème de la guerre d’Algérie sur 6 ans d’enseignement secondaire. Farah m’explique que ce fut la même chose de son côté. En 2015 ou en 2019, durant nos années de Terminale, nos professeur·es ont fait le choix de traiter les mémoires de la Seconde Guerre Mondiale. C’est d’ailleurs l’objet des premières publications du compte instagram de Récits d’Algérie : l’on entend les témoignages de Axel, Wafâa, Clément et Fatna, qui nous expliquent avoir vu cela de manière très succincte en cours, parfois « floue », parfois « rapide », on parlait d’« évènements » algériens tout au plus, quand l’évocation de cette guerre n’est pas tout simplement inexistante. Pour Farah, c’était encore autre chose. Une de ses  professeurs déclara un jour en cours que, ce qu’il fallait retenir, c’est qu’il y avait eu entre l’Algérie et la France une ‘’ histoire d’amour qui n’avait pas marché ’’.  

 

« Ce qui m’a marqué, c’est le côté romantique et doux de cette expression. » commente Farah. « Je me souviens être rentrée chez moi et en avoir parlé à ma mère, elle m’a dit que ce n’était pas le cas, et avait commencé à m’expliquer certaines choses, mais c’était toujours un peu vague pour moi. ». Étudiante en droit, elle explique avoir abordé la question de l’Algérie en droit constitutionnel, dans l’étude de l’histoire des constitutions. « La France administrait tout un territoire, elle en a fait un département français. C’est évident qu’il y ait des répercussions sur la politique française et sur la vie en métropole. C’est pour ça que c’est juste essentiel de l’étudier ». 

 

Farah et Nouha à la table Ronde « Raconter l’Algérie aujourd’hui » — au festival des Chichas de la pensée de 2021

Crédit photo: Farah

 

Suite à une sorte d’errance scolaire face au sujet de la guerre d’Algérie, c’est de manière brutale que Farah fait face à ce que cela a pu être. Farah a 19 ans quand elle entame une discussion à ce sujet avec sa mère. Elle lui pose des questions sur les membres de sa famille, ses tantes, ses oncles. « Elle commence à m’expliquer que son oncle a été porté disparu, et que l’on sait juste qu’il a été enterré dans une fosse commune. Mon grand-père n’a jamais pu faire son deuil. Et voilà, ça s’arrête là. De là, tu te poses plein de questions. »

 

Farah réalise le silence de son grand-père à ce sujet. Elle réalise que sa famille algérienne a directement vécu la guerre. « Là tu te prends une claque parce que tu réalises que la guerre a existé. C’est bizarre mais en fait je réalise la proximité temporelle et personnelle que j’ai moi-même avec ces évènements. ». Ce mot revient : tout cela devient une réalité pour elle, alors que c’était si évasif pendant sa scolarité et sa jeunesse. Pourtant, c’est bien tout autant de l’histoire de France dont il est question, quand on parle de la guerre d’Algérie.

 

Si Farah met un point d’honneur à relater son expérience scolaire face à un élément déclencheur surtout familial, c’est parce que c’est aussi par son biais qu’elle a découvert l’importance des mémoires dans la connaissance de l’histoire. Ce qu’elle découvre en existence, en matière historique et mémorielle, la mène à constater en parallèle le vide qui entourait ce sujet dans son parcours scolaire et personnel. Un vide qu’elle ressent, et un vide qu’elle conscientise. « Et ce vide-là, je l’ai très vite comparé à mon étude de la Seconde Guerre Mondiale en histoire. Dès que ma mère m’a parlé de son oncle, je me suis rappelée mon seul lien avec la guerre d’Algérie qui était mes profs de terminale, je repense à cette « histoire d’amour… » là ça a résonné en moi. Tu résumes 132 ans de colonisation en une demie heure de cours, tu résumes des massacres à une histoire d’amour… » La jeune étudiante qualifie cela de « honteux » : « c’est invisibiliser ce qu’ont vécu les algérien·es, tout simplement ».

 

En effet, elle se souvient de toutes les ressources mobilisées dans l’étude de cet autre chapitre d’histoire. Des documentaires sur les massacres visionnés, de l’évocation des discriminations en France, de la lecture de Si c’est un homme de Primo Levi en cours de français. Tout un travail d’humanisation des victimes de la guerre, c’est le mot que Farah met en évidence. « C’est ce qui manque avec la guerre d’Algérie : on n’a jamais humanisé les Algérien·es. Pourtant les civil·es algérien·es sont ceux·celles qui ont subi de plein fouet la guerre, et jamais on ne s’est intéressé à leurs histoires, à leurs récits. ». Là est toute l’importance du rôle de l’école. « Si je n’avais pas eu cette introduction à la Seconde guerre mondiale avec des récits directs, je n’aurais peut-être pas réalisé la nécessité d’en collecter concernant la guerre d’indépendance algérienne.»

 

Une soif de connaissance va désormais guider la future fondatrice de Récits d’Algérie, qui face au silence de son grand-père, a besoin de savoir. D’apprendre. De connaître. 

 

« J’avais besoin de récits directs. De là je me dis, ok. Ces personnes, elles ont l’âge de mon grand-père, elles sont encore vivantes. Donc je vais leur demander moi-même. » 

 

Crédit photo: Farah

Récits d’Algérie, c’est avant tout une entreprise très intime et personnelle. Il s’agissait de répondre à un besoin qui venait de naître, celui de « rendre justice à l’histoire de [son] grand père », et à toutes les personnes dont les récits de vie ont été empreints ou bouleversés par la guerre, « qu’on a toujours invisibilisé ». C’est le moment de se lancer. « J’avais commencé simplement par taper ‘’guerre d’Algérie témoignage’’ sur internet. J’en cherche, mais je tombe essentiellement sur des récits de pieds noirs et de soldats français. J’explore des podcasts, films, articles, blogs, livres. Je trouve quelques témoignages de civils algériens, seulement sur des sites et chaînes algériennes. »

Trouver des témoignages. En rencontrant celles et ceux qui les portent. Les retranscrire. Les diffuser dès que possible. « Au début c’était pour moi-même, pour en apprendre plus. Progressivement, plus j’en apprenais, plus j’avais des témoins, plus je disais que j’allais récolter ces mémoires, les diffuser et créer un projet autour de ça, car c’est les dernières années pour collecter leurs mémoires, donc c’est vraiment nécessaire. »

Farah est ainsi engagée dans une réelle course contre la montre, c’est ici l’un des grands enjeux de ces récoltes de témoignages ; l’heure qui tourne, car une grande partie de cette génération qui peut raconter et témoigner est en fin de vie. « Je me suis dit ensuite que le meilleur moyen de les diffuser c’est de faire une plateforme numérique, et de faire ce projet à plusieurs, car ça n’a pas de sens de le faire seule. Tout cela naît du constat que ça ne servait à rien de récolter et juste archiver. Il faut réussir à vraiment transmettre les mémoires et c’est ça notre travail avec Récits d’Algérie : pouvoir les transmettre et s’assurer qu’un vrai travail soit fait dessus. C’est ça, je pense, qui fait la beauté du projet. »

 

« Je me suis rendue compte qu’après la discussion avec ma mère, j’aurais aimé tomber sur un site comme Récits d’Algérie. »

 

Farah et Nouha à la table Ronde « Raconter l’Algérie aujourd’hui » aux côtés de Mathieu Rigouste et Lina Soualem, animée par Ouafae Mamaeche – festival des Chichas de la pensée de 2021

Crédit photo: Farah

 

D’un besoin naît cette mission, donc, que Farah qualifie de « responsabilité ». Quand je lui pose la question, il est évident pour elle qu’il incombe à la communauté franco-algérienne de récolter ces récits, notamment les plus jeunes. Un travail essentiel, car cette jeunesse a la chance pour beaucoup de côtoyer encore ces personnes, grands-parents, grandes tantes, oncles. Il est clairement question du devoir de mémoire envers les aîné·es, de rendre hommage à ces récits que le site de Récits d’Algérie nous invite à prendre comme un héritage, dans tout son caractère précieux.  « On est cette génération qui a grandi en France et qui a ses racines ailleurs, de l’autre côté de la Méditerranée,  et c’est à nous se réapproprier cette histoire qui a toujours été occultée. » Cette volonté de conjuguer la parole des jeunes et des aîné·es est un aspect important de Récits d’Algérie. Chaque portrait publié est accompagné du travail d’un jeune : une lecture, un poème, un dessin, une vidéo, un article…

 

Se faire un lieu d’expression, de centralisation, et surtout de recueil. Un objectif directeur de la plateforme. C’est ainsi plus d’une vingtaine de récits que l’on peut retrouver sur le site à l’heure actuelle. Mais l’équipe de Récits d’Algérie ne s’arrête pas là : l’objectif est également de donner des clés de compréhension à des jeunes ou moins jeunes qui se retrouveraient dans les mêmes questionnements que ceux que Farah a pu traverser suite à la discussion avec sa mère, précise-t-elle. L’on peut ainsi retrouver de nombreux articles qui éclairent cette période à travers des recommandations culturelles, mais aussi des points historiques introduits par des portraits ou des études. Des lexiques et des points chronologiques sont également publiés sur la page instagram, rendant ainsi pédagogique l’introduction à cette période. Dans tout cela, on constate un réel ancrage de l’équipe dans l’actualité, et un traitement réfléchi des récentes questions de reconnaissance autour de la guerre d’Algérie. Il est important de le noter, ce projet « ne se réclame d’aucun bord politique » rappelle Farah, après avoir mentionné que tout soit politique malgré tout. 

 

Par ailleurs, vue l’envergure du travail de Récits d’Algérie, résumer le projet à un lieu de recueil des mémoires uniquement algéro-algériennes serait encore incomplet. Car c’est la première information que l’on a dès que l’on tombe sur cette plateforme : “mémoires de la guerre d’indépendance, des deux côtés de la Méditerranée”. Celle-ci est d’ailleurs présente dès le logo du site, symbolisée par une vague. On le constate rapidement : la diversité dans récits recueillis est de mise. Votre curseur se baladera entre le témoignage de Boualem Boashash, qui se réfugie en 1959 à Marseille avec sa famille, celui de Louis Defranchi, appelé français en Algérie, ou encore celui de la grand-mère de Yasmin, et de ses souvenirs de sa ferme en Kabylie. Une diversité de points de vue, de formes, d’histoires, d’époques. Tous les récits, toutes les mémoires, quelles qu’elles soient, sont les bienvenus chez récits d’Algérie. 

 

« Les mémoires sont tellement plurielles que, pour atteindre une certaine vérité, nous sommes obligés de toutes les prendre en compte. Ça ne nous viendrait jamais à l’esprit de refuser un témoignage. Même quelqu’un avec qui on ne serait pas d’accord par exemple sur des sujets politiques ou quoi que ce soit. Ce serait faux et même malhonnête de notre part de se dire ‘’on n’est pas d’accord avec lui donc on n’accepte pas ce qu’il nous raconte’’, ça n’a aucun sens. » Car il est bien des récits qui peuvent déranger, un peu plus ostensiblement que d’autres. « Notre but, c’est d’être le plus sincère possible » explique-t-elle.

 

Récits d’Algérie, c’est le lieu où par la mémoire, on découvre l’autre dans toute sa complexité et toute son humanité. Une autre porte d’entrée vers cette période de l’histoire : celle de l’humain, et non plus des chiffres et de la politique.   

 

« Il y a le moment où on a un témoin qui se manifeste, le moment où on récolte le témoignage, et le moment où on le diffuse. »

 

Rencontre avec Georges Garié, ancien appelé en Algérie

Crédit photo: Farah

 

Une question évidente apparaît quand j’imagine le travail de Farah et de son équipe. Un groupe de jeunes, étudiants, comme moi, qui consacrent une partie de leur temps à Récits d’Algérie. Je me demande comment gère-t-on un tel projet. Comment gère-t-on l’impact sur la santé mentale que ça pourrait avoir ?

Dans une story instagram, l’équipe dévoilait les coulisses de la transcription d’un récit, montrant tout le temps pris avant de publier un témoignage, toutes les relectures, toutes les concertations avec le témoin ou sa famille. Un travail long et minutieux pour ne pas contrevenir à la volonté des aîné·es qui ont voulu témoigner. Quand je lui demande de me parler des difficultés que l’équipe peut rencontrer, Farah évoque avant tout ces trois grandes étapes qui mènent à la publication des récits. A chacune d’entre elles, des difficultés peuvent apparaître. 

 

« Quand on rencontre un témoin potentiel, on peut déjà avoir des difficultés qui se profilent. Parfois, des témoins ne veulent pas livrer de récits pour des raisons qui leur sont propres. D’autres fois, ils acceptent de témoigner mais ne se livrent que très peu. Puis souvent, c’est aussi davantage une question de bienveillance. Nos ancien·es tiennent à nous préserver, on m’a déjà dit ‘’ma fille arrête de parler de la guerre, et concentre-toi sur tes études’’ ». « Il y a aussi beaucoup de pudeur » observe-t-elle, « Ce sont des barrières liées à l’intimité du sujet.  Il y a des choses qui ne se disent pas. Parler des viols pendant la guerre par exemple, ça ne se fait pas trop dans nos cultures. »

 

Et faire face à un tel témoignage en restant concentré, ça ne semble pas inné. C’est l’une des raisons pour lesquelles Farah a attendu avant de se lancer dans ce projet, dont ces moments requièrent d’avoir les épaules solides. « Il faut aussi prendre en compte l’impact émotionnel de ce témoignage. Tu n’es jamais vraiment préparé à ce qu’un témoin peut te raconter. A ce qu’il te décrive les violences qu’il a subies ou dont il a été témoin. Par exemple, le jour où une femme racontait des scènes de viols dans son village, j’ai eu un énorme besoin de justice en l’écoutant. C’était difficile à encaisser, c’était il y a deux ans. Maintenant je ne vais pas te dire que ça ne me touche pas ; ça me touche forcément. Mais au moins dorénavant je suis armée. »

 

Farah me décrit ces deux années pendant lesquelles, autodidacte, elle se formait à la prise de vidéo et à la réalisation par le biais d’autres projets vidéos. « Je savais qu’à la fin mon objectif était de réussir à filmer des personnes plus âgées et réussir à les mettre en confiance, et moi à me sentir légitime pour réaliser ce travail. Il y a 3 ans, tu me dis ‘’tu vas prendre ta caméra tu vas filmer quelqu’un près de chez toi une dame de 87 ans, tu vas l’installer, poser ta caméra, acheter un micro l’enregistrer, elle va te parler de comment elle a perdu son mari pendant la guerre d’Algérie et elle va pleurer devant ta caméra’’… Comment tu gères des situations comme ça ? Et bien tout ça, ça se travaille. » 

 

« C’est triste mais en réalité, une fois que tu intériorises le fait que tu n’auras jamais fini d’explorer la barbarie humaine – on parle d’une guerre – bah tu te prépares à tout entendre. Il n’y a plus rien qui devient surprenant, plus rien qui ne peut te mettre plus mal que les premières fois. Ça forge. »

 

Crédit photo: Farah

 

Se sentir « légitime », avoir assez « d’aplomb et d’assurance », des capacités qu’elle a pu acquérir grâce à ses projets Double ID et Gurlhood, qu’elle a réalisé pour des médias Plume Banlieue et Vraies Meufs, dont on parlera dans le portrait de Farah dans notre magazine. Des projets pour lesquels elle a filmé une vingtaine de personnes pour chacun, qu’elle qualifie de vraiment formateurs pour la suite. « Les discussions étaient hyper profondes, et du coup moi ça m’a permis de me préparer à poser des questions hyper personnelles, à des discussions intimes au point d’avoir les larmes devant la caméra : comment tu montres tout ça, comment tu diffuses etc… Tout ça a impliqué beaucoup de travail ». Forte de ces expériences, Farah s’est sentie armée et a pu dépasser ses questionnements. 

 

Dernière étape : celle de la diffusion et donc de la réception. « Je dirais qu’on n’a eu aucun problème si ce n‘est des commentaires sur nos réseaux , se souvient la réalisatrice. Je crois qu’on n’a pas eu de mauvais retours sur un récit. Par contre on en a sur des posts de commémoration, ou sur les massacres du 17 octobre ou du 8 mai 45, fêter l’indépendance algérienne, là les commentaires racistes pleuvent. Certains commentaires sont clairement négationnistes. Sauf que quand c’est des témoignages directs, tu ne peux pas dire aux gens que c’est faux et que ça n’a pas existé. C’est pour ça aussi qu’il faut récolter des mémoires directes ; pour que personne ne puisse se les approprier, nier, mentir librement. »

 

Si Farah et son équipe de Récits d’Algérie retiennent surtout le positif et le très bon accueil de leur travail, elle note tout de même que ces comportements ressortent tout particulièrement sur Twitter, réseau social où ils sont donc moins présents. Tout cela met en évidence la grande importance du travail mené. « C’est un peu naïf de dire ça mais je le pense, c’est seulement en s’intéressant à l’Autre qu’on peut avancer dans une société. Aujourd’hui on nage dans des discours politiques et médiatiques de division. On devrait chercher tous à se comprendre, et ça passe par connaître nos histoires. »

 

« Récits d’Algérie, c’est une aventure humaine » 

Nous l’avons vu, récolter des récits était d’abord une quête personnelle de Farah, ce qui en fait la fondatrice du projet, qui en était la seule membre pendant un moment. Mais rapidement, un noyau se forme autour du projet. « J’étais quand même beaucoup aidée par des rencontres, qui sont devenues des amies aussi ». Un groupe qui partage les mêmes questionnements, la même passion et quête de savoir que la jeune réalisatrice. 

 

« Oui j’ai tout de suite été soutenue ! J’ai un entourage qui me porte par son amour, par son soutien et son énergie. Ils m’ont tout de suite soutenue dans ma quête de témoignages, de savoirs aussi, on échange toujours des références, on se fournit du matériel ». Farah affirme que la plupart des membres de l’équipe sont des personnes qu’elle a pu rencontrer sur des projets précédents ou celui-ci. Dans l’émouvante publication qui célèbre la première année de récits d’Algérie, on peut retrouver les témoignages de Mélissa, Nouha, Ahmed, et tous les autres membres de l’équipe. 

 

La rencontre. Un point clé de cette aventure, basée sur l’échange et l’humain. Celle-ci a permis à la fondatrice de faire connaissance avec de nombreuses personnes qui l’ont particulièrement touchées, et qui ont tout de suite tenu à prendre la parole pour Récits d’Algérie, à contribuer à leur quête. Farah cite plusieurs exemples, dont celui de Georges Garié, ancien appelé, qui a partagé de nombreux poèmes et archives qu’il avait gardés de cette époque.

 

La rencontre. Le lieu de concrétisation, essentiel à l’évolution de récits d’Algérie. La rencontre, quelle qu’elle soit. Nous avons commencé à retracer le parcours de Farah à partir de ses années lycée, ses moments de flottement et d’incompréhension. Comme de manière naturelle, c’est au lycée que Récits d’Algérie retourne pour transmettre ce qui a été connu, ce qui a été retranscrit. En décembre 2020, Farah et Wafâa se rendent au lycée Paul Lapie à Courbevoie, et diffusent des vidéos de témoignages et de poèmes illustrés. L’occasion d’ouvrir le dialogue avec les élèves, intéressés, et de commencer à mettre en lumière ce qui a pu manquer durant nos années dans le secondaire. 

 

 

Crédit photo: Farah

 

Merci Farah. Merci à l’équipe de Récits d’Algérie. Et rendez-vous vite sur leur site pour découvrir tous ces écrits passionnants : https://recitsdalgerie.com/ , en n’hésitant pas à les contacter, si vous pensez pouvoir contribuer d’une manière ou d’une autre à ce grand recueil. 

 

Diffuse la bonne parole