Identité, résilience et poésie : rencontre avec l’auteure Perside Mata

par | 13 juin 2025 | Actualités

Partie 1 : Qui es-tu, Perside ?

« Depuis toute petite, je suis une grande amoureuse des mots. Leur richesse, leur variété et leur précision m’ont toujours fascinée. »

Perside, avant tout, c’est juste une enfant comme les autres. Elle est la plus petite d’une famille de 4 enfants. Ses parents sont originaires de la République Démocratique du Congo, ils ont immigré en France dans l’espoir de construire une vie meilleure.

Lors de notre échange, Perside m’a raconté la naissance de son amour pour la création d’histoires. Quand elle était petite, elle aimait jouer avec sa sœur, de seulement 1 an son aînée, en inventant des scénarios. Tout comme les enfants s’imaginent jouer à la dînette, elles s’imaginaient et mettaient en scène des récits. Puis, sa sœur a développé d’autres passions, et Perside a retranscrit sa créativité à travers l’écriture.

Depuis l’école primaire, elle s’est toujours décrite comme une amoureuse des mots. Intéressée par leur diversité, la linguistique, les cours de français et les livres, elle s’est passionnée pour l’écriture. Et c’est comme ça qu’elle a commencé à rassembler des feuilles doubles pour donner vie à ses histoires et continuer à inventer des récits.

 

“J’ai commencé à écrire des poèmes sans réaliser que je faisais de la poésie.”

À environ 13 ans, Perside tombe en dépression après l’accumulation de plusieurs éléments familiaux qui vont avoir un impact direct sur elle et sa famille (crise économique de 2008, témoin de violences conjugales, communautarisme, difficultés financières, enfants issus de l’immigration, frère autiste, etc.). Durant cette période, elle écrit de plus en plus. 

En classe, elle ruminait et se perdait souvent dans ses pensées. Elle utilisait la partie “Notes” de ses agendas pour écrire ses pensées sous forme de textes. Pour la structure, elle aimait s’inspirer du rap français, et plus précisément des paroles de rappeurs en qui elle se reconnaissait comme  SNIPER, SINIK, IAM ou encore La Fouine.

Elle m’a raconté avoir eu son premier cours d’initiation à la poésie en 4ème, lors d’un cours de français. Ce cours l’a particulièrement inspirée, et elle a fini par se mettre à écrire ses propres textes sans conscientiser qu’il s’agissait de poèmes. C’est de cette façon qu’elle a fait ses premiers pas dans la poésie.

Elle m’a confié avoir commencé à écrire à un âge si précoce et avec une fréquence si élevée que désormais, l’écriture s’est imprégnée dans sa personnalité et dans son mode de fonctionnement. Lorsqu’elle vit des émotions, elle ressent d’abord le besoin de les poser par écrit pour réussir à conscientiser et à apprivoiser les émotions qui l’anime. Elle en fait des poèmes ou des textes, et c’est en les verbalisant qu’elle arrive à se comprendre. 

Aujourd’hui, Perside considère la poésie comme étant une partie d’elle-même qu’elle chérit profondément.

 “La poésie, l’écriture, c’est ma meilleure amie, mon alliée, peut-être même l’amour de ma vie. Elle me voit dans tous mes états, elle m’accepte telle que je suis et m’aide à grandir.”

Les Aurores de mon coeur – L’évasion de mon âme”, page 31 “Écrire”, Perside Mata.

“Je voulais tourner cette sombre page de ma vie. Publier ce recueil poétique était un moyen symbolique d’y parvenir.”

Pendant ses années difficiles, Perside n’avait pas conscience qu’il s’agissait d’une dépression. Elle ne comprenait pas pourquoi elle ressentait toutes ces émotions. Pour essayer de se comprendre, elle ressentait le besoin de mettre des mots sur ses maux. Pendant environ 10 ans, elle a écrit sur sa quête identitaire, ses pensées suicidaires, sa dépression, son rapport à la famille, l’amitié, l’amour ou la religion.

Après avoir cumulé assez de poèmes et souhaitant tourner une page de sa vie, elle décide finalement d’en faire un recueil poétique en 2023. Elle le publie en auto-édition avant de signer chez Hello Editions. En juin 2024, son recueil poétique est officiellement publié.

 

“Je suis convaincue que chaque personne a une mission.”

Son but est de porter la voix de ceux qui se reconnaîtront en elle, transmettre un message de résilience et encourager chaque personne à poursuivre ses rêves.

 

“Je pense que je n’arrêterai jamais d’écrire.”

 

“Je me suis demandée plusieurs fois si j’envisageais d’arrêter d’écrire” m’a-t-elle avoué. Il lui arrive d’avoir des périodes où elle ne rédige pas de poèmes. Mais puisqu’elle se comprend en écrivant, Perside pense toujours écrire. De plus, en dehors de la poésie, elle m’a dit être intéressée par d’autres formes d’écriture qu’elle souhaite explorer et expérimenter dans les années à venir.

Les Aurores de mon coeur – L’évasion de mon âme”, page 11 “Il était une fois”, Perside Mata.

 

“Je tire mon inspiration de tout ce qui m’entoure.”

Que ce soit une vidéo, une peinture, une image, une musique, son entourage, une interview, un événement ou bien un lampadaire, Perside prend le temps d’observer, de ralentir et de ressentir pour créer. À travers les questions qu’elle se pose, l’émotion qu’elle veut véhiculer, le souvenir qui l’anime, elle veut que chacune de ses créations transmettent des messages qui lui tiennent à cœur.

 

« L’ art me permet de m’exprimer et de partager. C’est un monde dans un autre monde : il y a la société et nos obligations ; et il y a l’art, un autre monde que l’on se crée et où l’on crée. »

Pourquoi l’avoir appelé Les Aurores de mon cœur ? Et pourquoi L’évasion de mon âme ?

Les aurores c’est en référence aux aurores boréales. Symboliquement, je ne “connaissais” pas mon cœur. Il était enchaîné, j’avais l’impression de ne rien ressentir, d’être vide. Lorsque ses chaînes se sont déliées, j’ai pu ressentir et connaître mes émotions. Je me suis enfin sentie vivre..

Quand je vois des feux d’artifice, par exemple, j’ai l’impression de vivre. C’est pareil pour les phénomènes naturels, devant les étoiles, la lune : je sens que je vis. Les aurores boréales, on ne les voit pas souvent ; et puisque j’avais l’impression que me sentir vivre ne m’arriverait jamais, j’ai rebaptisé ce renouveau “Les aurores de mon cœur”. Parce que je considère avoir eu la chance d’expérimenter ce phénomène-là pour mon cœur.

« J’aurai pu rester dans l’état dans lequel j’étais. En soit, ce n’est pas que je n’étais pas destinée à être heureuse mais j’allais vers le bas plutôt que vers le haut. Si je l’ai appelé les Aurores de mon cœur, c’est parce que pour moi, l’ouverture de mon cœur était un phénomène rare, inespéré. Mais c’était surtout beau et unique.”

L’évasion de mon âme, c’est une référence à ma conversion à l’Islam. Dans mon livre, je ne parle pas énormément de religion, ça reste un minimum subtil et universel. Mais c’est mon parcours, ma conversion m’a sauvé la vie.

Même si ce n’est pas dit explicitement dans le livre, il y a une vraie quête spirituelle : je suis née chrétienne, j’ai cessé de l’être, j’ai cherché puis trouvé mes réponses, puis je me suis convertie…

Ça m’a pris des années.

 « Mon âme était en cage, s’est évadée pour rechercher et se retrouver là où j’étais censée être. »

Le message que j’aimerais que l’on retienne de mon livre, c’est un message d’espoir. La personne qui lit n’a pas besoin d’être passée par une dépression ou des pensées suicidaires. La tristesse et le désespoir sont des émotions universelles ; et voir une personne dans ces états qui, hamdoulilah, se relève, c’est un beau message d’espoir.

Toi, même si tu n’es pas au plus bas, peu importe ce que tu traverses, ça peut aller mieux.

 

J’aimerais également que l’on retienne un message de pardon.

La première fois que j’ai sorti ce livre, c’était en autoédition ; la plupart des lecteurices étaient mes proches. Parmi eux, il y avait une amie à moi. Elle m’a fait un retour positif sur le poème “Si” qui raconte ma relation avec mon père.

“Si tu avais été un papa et non un père …”. Ça l’a touchée alors elle l’a partagé à sa mère pour qu’elle le lise. Sa mère l’a lu et a aussi été touchée. Elle voulait échanger là-dessus de vive voix ; on est allé manger ensemble, on a discuté toutes les trois du livre. Sa mère m’a dit avoir été touchée par les thèmes évoqués, notamment le rapport aux parents.

“Au final, on reste des êtres humains.” : en tant que parent, tu ne veux pas faire du mal à ton enfant ; mais parfois, impuissant.e, certaines choses te surprennent et te dépassent, tu deviens spectateur de leur souffrance, sans savoir comment l’aider. Quand tu n’aides pas, et que tu fais du mal, et que tu es démuni.e, et sans repère à donner à son enfant, c’est compliqué.”

“Mon enfant est ma responsabilité”, avait dit sa mère.

Moi, c’était la première fois que je parlais d’égal à égal avec un parent / adulte, encore plus d’un sujet si sérieux et si profond. C’était la première fois que je voyais un parent si touché et vulnérable dans son rôle de parent : est-ce que je suis un bon parent ? qu’est-ce que je dois faire ? Est-ce que j’échoue ?

J’ai compris que l’écriture avait de multiples formes. Je l’ai écrit en tant qu’enfant ; ici, une personne l’a lu en tant que parent. Mon écriture était intergénérationnelle.

C’est un moment qui m’a marqué et que je n’oublierai jamais.

Je la remercie.

 

 

Le mot de la fin !

En tant que lectrice et co-autrice de cet article, je tiens à remercier sincèrement Perside d’être parmi nous, dans cette vie. La remercier sincèrement de s’être battue pour rester là, dans ce monde si complexe et difficile à vivre, enfant comme adulte.

Perside, ton vécu a beaucoup résonné en moi et j’ai été vraiment honorée que tu me confies ce travail d’exploration, de lecture, de discussions intenses, longues et enrichissantes sur ton parcours, sur les aléas de la vie, sur tes combats qui demeurent aujourd’hui.

Et je sais que maintenant, tu es armée pour continuer. Tu es forte et vulnérable. Je le répète, c’était un véritable honneur de le constater.

Alors, merci pour ta sincérité. Merci pour ta confiance. Merci pour ton temps et ton énergie. Merci pour ta patience et ta bonne humeur. Merci pour ton esprit riche. Merci pour ton courage. Merci pour tes rires et tes analyses. Merci pour ton pragmatisme et ta persévérance.

 

Un grand merci également à la Team Magazine et ses soutiens au sein de l’association pour leur travail et leur collaboration.

De la part de la Team Magazine, nous te soutenons dans tes projets, Perside, et nous te souhaitons tout le bonheur du monde.

 

Où retrouver Perside et son livre ?

Instagram : @persidemata

Livre : Site Hello Éditions  (également disponible sur Amazon, Cultura, la FNAC et en librairies.)

Autres ressources : Article Écho Républicain

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