Catégories
(Dé)construction

10 anecdotes qui prouvent qu’enlever mon hijab ne me débarrasserait pas des préjugés

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

On me dit régulièrement que si j’en ai marre des discriminations, je « n’ai qu’à » enlever mon foulard. Ah ben oui, c’est une super solution, d’ailleurs les Noirs n’ont qu’à devenir blancs et les homos n’ont qu’à devenir hétéros. Au-delà de cette aberration, même si je pourrais techniquement enlever mon hijab, il est naïf de penser que cela suffirait pour être débarrassée des préjugés.
Le jour où j’ai commencé à porter le hijab n’a en effet pas été le début de mes déboires. En témoignent ces anecdotes, qui sont loin d’être exhaustives, mais ont toutes le point commun de m’être arrivées avant que je porte le hijab. Bref, bienvenue dans la vie d’une jeune femme maghrébine en France.

 

1. Les questions pour savoir si mon père était « sympa »

Dis, Emnus… J’ai récemment lu « Mariée de force » et « Brûlée vive ». Du coup je me posais une question … Ton père, il est sympa quand même ?

Lui, il est très sympa. Moi par contre, je risque de l’être un peu moins.
 
angry
 

2. Mes profs ou collègues qui confondaient mon prénom avec celui de l’autre fille maghrébine

Vous savez, celle qui ne me ressemblait pas du tout, avait une personnalité et un comportement aux antipodes des miens, et un prénom totalement différent.

C’est quand même fou de réussir à différencier des centaines de lycéen.ne.s aux noms et aux looks similaires, mais de ne pas distinguer les DEUX filles avec des cheveux noirs bouclés et un prénom qui a tout au plus le A final en commun.

 

3. L’impression de venir du pays d’Aladdin

Alors, tu viens d’où, en fait ? D’Arabie ?

[Là je me rends compte qu’elle ne se fout pas de moi et qu’elle est sérieuse.]

« Mmh en fait, « l’Arabie », ça n’existe pas. Au mieux tu as l’Arabie Saoudite, mais c’est UN pays parmi plein d’autres. Moi, je viens de Tunisie.

– Ah … Alors, euh… Vous parlez quelle langue, là-bas ? Le tu…ni…sien ? »

La réponse, c’est l’arabe, mais franchement, j’ai peur que ça t’embrouille encore plus.

« Excuse-moi, je voudrais envoyer une photo de cette calligraphie arabe à mes amis. Tu peux me montrer le drapeau du pays où on parle arabe ? »

 

a2df2e4

 
Ben c’est pas compliqué, c’est l’Arabie. C’est un immense et merveilleux désert, où la danse du ventre vous hypnotise, où on achète les femmes contre des chameaux, et où on se déplace en tapis volant. C’était un peu trop compliqué de distinguer la quinzaine de pays arabes, alors ils ont décidé de se réunir en un pays unique. Ils font des vols directs vers Agrabah, tu devrais y aller, c’est une ville sympa.

 

4. La fille à la fac qui m’a demandé de quel pays je venais pour mon semestre d’échange

« Alors, t’es en échange universitaire ? Tu viens d’où ?

– Euh… Non, je suis pas en échange, je suis française.

– Ah bon, t’es pas une étudiante internationale ? Je croyais… T’es née en France alors ? [Vas-y, cache ta déception.]

– Non plus.

– Ah ! [Elle retrouve son intérêt et réfléchit.] Donc … tu t’appelles Emnus, t’es pas née en France, mais tu te définis comme Française ? C’est intéressant, ça !»

Seriously ? C’est plutôt moi qui devrais t’emmener dans mon labo pour étudier un cas pareil.

 

5. Ma correspondante mythomane qui disait que je la forçais à jeûner pendant Ramadan

Et mon lycée qui ne s’est pas senti obligé de vérifier sa version, ni même de me prévenir que j’étais désormais exclue de tous les échanges futurs. Bande de navets atrophiés (ouais, je suis comme ça, moi, faut pas me chauffer).

 

6. Certains mecs avec des conceptions pour le moins… intéressantes

« Jasmine », « princesse orientale », « gazelle du désert »… Il paraît que ça se veut flatteur. Sauf que quand le reste du discours révèle surtout une envie de rajouter une conquête exotique à leur tableau de chasse, merci mais non merci.

« Tiens, j’ai jamais eu de copine arabe ! »

 

challengeaccepted

 
Cool ta vie, mais je ne suis pas une case à cocher sur une liste d’ethnicités pour dire « une Arabe : check », donc va chercher ailleurs.

Parfois, le fait d’être issue de parents mixtes me réservait aussi de jolies surprises. Comme ce mec qui m’a abordée en pensant que j’étais Italienne. Quand je lui ai révélé l’effroyable vérité, il m’a dit avec le sourire du capitaine Crochet : « Ah ouais, okay… J’ai voté FN, tu sais ».

Cool, on peut être Roméo et Juliette, alors ?

 

7. Les gens qui débattaient sans cesse pour savoir si j’avais l’air arabe ou non

Non mais ça va, toi t’es pas trop typée !

Euh… Pourquoi tu le dis sur le ton d’un compliment ?

 

8. Les gens qui croyaient déjà toutes les bêtises que je racontais

Mon grand classique, c’est de dire que j’ai égorgé un mouton dans ma baignoire. Et si je suis vraiment en forme et que mon interlocuteur.trice est crédule, j’ajoute que je me suis fait un gilet avec la peau. C’est un bon baromètre pour savoir si la personne en face de moi a déjà rencontré des musulman.e.s ou si sa seule source d’informations est BFM. Depuis que je porte le hijab, autant vous dire que je m’en donne à cœur joie avec mes histoires de Cosette.

 

9. Les gens (et oui, encore eux) qui imaginaient un destin assez linéaire pour moi

Alors toi, à la fois ch’ti et arabe, tu vas te marier avec un cousin, c’est sûr ! 

Attends, je dois reprendre mon souffle tellement j’ai rigolé. Mais je t’assure, Ryan Gosling et moi n’avons aucun lien de parenté.
 
nargue
 

10. Les vigiles qui me tenaient compagnie dans les magasins

Il y a l’énième fois où les vendeuses dans un magasin de cosmétiques étaient trop occupées à me suivre pour voir la blonde bourgeoise en train de glisser du mascara dans sa poche. La fois où, dans une grande librairie, le sentiment d’être regardée m’a brusquement fait relever la tête du livre que je feuilletais, pour rencontrer le regard du vigile qui m’observait tranquillement, accoudé sur la rampe d’escalier. La fois où j’ai été incroyablement soulagée de découvrir que l’homme qui me fixait dans les miroirs du magasin et se cachait entre les rayons pour me suivre n’était pas un psychopathe qui allait me violer dans une cabine d’essayage, mais un agent de sécurité en civil (sécurité, c’est exactement le mot qui reflétait mon sentiment).
 
A l’époque, je crois que je me disais : « De toute façon, même si je décide de porter le foulard, j’ai déjà droit à ce genre de bêtises, et toutes les autres. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de plus ? »

Eh bien maintenant, je peux le dire : il peut y avoir beaucoup, beaucoup plus !

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_column_text][/vc_column_text][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]

Catégories
(Dé)construction

L’islamophobie, ou la mode de revendiquer ses névroses

[vc_row][vc_column width= »2/3″][vc_column_text]

L’islamophobie est aujourd’hui tellement décomplexée que n’importe qui peut afficher la sienne lors d’un dîner de famille ou pendant une émission de grande audience.

 

En fait, on peut même s’en vanter. C’est un peu comme les gens qui te disent d’un ton fier « Bah ouais, j’suis comme ça, moi, faut pas me chercher, sinon je m’énerve direct ! » … Attends, t’es en train de te vanter de tes défauts et de ton incapacité à te maîtriser, ou il y a quelque chose que je n’ai pas suivi ?

De la même manière, en France en 2016, on peut clamer haut et fort qu’on est « islamophobe, et ouais, qu’est-ce que t’as, j’ai le droit de dire ce que je veux, on est dans un pays libre ! » Hum, on pourrait déjà commencer par faire un petit rappel à la loi, sur le mode du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) : « L’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit ». Mais bon, l’incitation à la haine, la discrimination, tout ça, ce sont sûrement des inventions d’islamo-gauchistes.

Personnellement, je préfère le « rappel à la santé psychologique ». En effet, une phobie est définie comme une « peur démesurée et irrationnelle d’un objet ou d’une situation précise ». Ah tiens, pour une société qui a érigé la Raison en nouvelle déesse, dont la générosité a privilégié notre peuple par rapport au reste de la planète, de la galaxie et de l’univers, ça fait un peu tâche.

 

Une peur irrationnelle

 

Effectivement, pour le côté irrationnel, il n’y a qu’à voir la frénésie qui emporte les islamophobes décomplexé.e.s quand ils parlent de l’islam, ou pire encore… à des musulman.e.s (petit tressaillement dans l’assemblée).

Il faut savoir qu’avec mon foulard sur la tête, mon quotidien se transforme en arène de débat, où je suis sans cesse sommée de m’expliquer, de prendre position sur des choses qui sont complètement éloignées de ma réalité, et d’apporter la preuve que je ne suis pas une menace pour le vivre-ensemble, l’identité française, la laïcité, les droits des femmes, la République et la sauvegarde des orangs-outans en Indonésie. Je connais donc bien cette fougue (pour le dire gentiment) qui les anime, les faisant parler beaucoup trop fort, gesticuler dans tous les sens et me postillonner dessus. Il faudra qu’on m’explique où se trouve la raison là-dedans.

 

Bien sûr, il y a aussi ceux et celles qui gardent parfaitement leur calme, le genre de pseudo-intellectuel.le.s avec une petite faiblesse pour les mots compliqués et la condescendance. Mais si la forme est épargnée, le fond ne l’est pas, et leurs propos sont tout aussi peu rationnels. Cette fameuse raison est généralement mise en opposition avec la passion, que je viens d’évoquer, mais aussi avec l’émotion. Or, dans ces débats imposés, la façade des phrases bien articulées se fissure bien rapidement laissant entrevoir la peur, le dégoût, la haine, le mépris… et autres petits bouquets printaniers cueillis à mon intention.

Malgré tout cela, il ne faut surtout pas contrarier ces personnes dans leur sentiment de supériorité par rapport à la sauvage que je suis. Car ce sentiment est largement fondé sur une illusion d’être les seul.e.s détenteurs.trices de la sacro-sainte raison, alors que je suis embourbée dans des superstitions illogiques et irrationnelles.

Pour être honnête, je reconnais ce genre de personnes à des kilomètres, et la simple perspective du débat qui m’attend me vide de toute mon énergie, d’autant plus que la répétition des mêmes arguments devient vite lassante. Or, je refuse que ma vie soit un mauvais film où je suis condamnée à revivre encore et encore la même scène douteuse.

 

Par conséquent, quand ce genre de personne se chauffe (souvent toute seule), je reste généralement en retrait, écoutant avec un sourire en coin. Et, si je n’ai pas le choix, je réponds en réduisant mon investissement personnel autant que possible. Je fais ça pour me protéger car je sais que je vais prendre des coups au passage mais d’un point de vue extérieur, je donne l’impression que je suis calme, posée et que je garde le contrôle de moi-même. Ce qui ne manque pas de provoquer des réactions pour le moins intéressantes.

Lors d’une émission sur une radio locale, par exemple, l’un des deux autres invités en a oublié ma présence : alors que les langues se déliaient hors antenne, il a commencé à parler des femmes voilées comme si je n’étais pas là. Je suis alors intervenue pour dire que je me sentais insultée par ses propos – il a sursauté en se retournant vers moi, bouche bée.

 

Mon Dieu, mais elle parle ?! Et en plus, elle s’oppose à un homme ?!

 

Une autre fois, me promenant en bord de mer et prenant le parti de garder le sourire malgré les regards assassins qui me suivaient, deux femmes ont explosé : « Mais regarde-la, c’est qu’elle nous insulte, en plus ! »

Alors il paraît qu’il faut les comprendre, que les gens ont peur, qu’il y a eu les attentats… Et c’est là qu’intervient l’autre aspect de la notion : une phobie est une peur démesurée.

 

Une peur démesurée

 

Lallab Femme musulmane #Lallab

Par exemple, l’arachnophobie paraît un peu démesurée quand on connaît leur taille et l’infime proportion d’araignées véritablement venimeuses (sauf si vous habitez en Australie, bien sûr). Ça ne me paraît pas beaucoup plus justifié d’avoir peur de tous les musulmans quand les experts estiment le nombre de membres de l’Etat Islamique à tout au plus 200 000 personnes. Allez, même si on montait jusqu’à un million, ils représenteraient 0,0005% des 1,8 milliards de musulmans dans le monde.

Ça, ce sont les faits. Le reste, à savoir que tous les musulmans soutiendraient Daesh ou seraient des terroristes en puissance, ce sont des peurs, des fantasmes et des présomptions sur ce qui passe dans nos têtes, et non pas la réalité. Il suffit d’éteindre BFM et de côtoyer de vrai.e.s musulman.e.s pour s’en rendre compte. De la même manière, avec plus de 90% de personnes qui ne sont pas musulmanes en France, il y a encore de la marge avant d’être grands-remplacé.e.s.

Qu’on soit d’accord : les épisodes de délire paranoïaque, ce n’est donc pas sur des plateaux de télé ou dans la rue qu’il faut les extérioriser, mais bien sur le canapé de son psy. Ça me fera des vacances.

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/3″][vc_column_text]

Diffuse la bonne parole

[/vc_column_text][vc_facebook][vc_tweetmeme][vc_widget_sidebar sidebar_id= »home-one »][/vc_column][/vc_row]