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(Dé)construction

Si tu veux que je t’éduque, il faudra me payer !

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Depuis toute petite, j’ai toujours aimé argumenter et débattre. Je n’ai jamais supporté de m’entendre asséner des vérités supposément absolues avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Cela a persisté avec ma conscientisation et mon intérêt pour la politique, les institutions, l’antiracisme et le féminisme.

 
Ne pouvant supporter d’entendre affirmés mensonges, contre-vérités ou atteintes à la logique sans réagir, je me suis retrouvée au cœur de bien des débats, dans la vie comme sur internet.

En voyant des pages de commentaires stupides, haineux et niant la dignité d’êtres humains approuvées par des dizaines de likes, je ne peux m’empêcher de riposter, ne serait-ce que pour que pointe une lueur d’espoir dans cette obscurité.

Cet article raconte comment les personnes racisées se voient contraintes de faire de la pédagogie aux dominant·e·s pour que ceux et celles-ci les respectent, et en quoi il est temps de se rendre compte que le droit à la dignité est sans condition.
 

To educate or not to educate? That is the question

 
En tant que femme racisée, j’ai souvent – constamment, en fait – à faire face à des questions et remarques déplacées, racistes. S’ajoute à cela un manque d’empathie envers les agressions psychologiques et humiliations quotidiennes.

En effet, depuis l’enfance, on nous enseigne que le racisme proviendrait de l’ignorance ; la solution logique serait donc l’éducation. Mais c’est une lutte sans fin et épuisante que de devoir expliquer que :

  • oui, le blackface, c’est raciste – « oh ! t’as pas d’humour » étant alors la réponse que l’on m’oppose la plupart de temps;
  • oui, parler avec un accent imitant supposément les Asiatiques et les Africain·e·s, c’est raciste. Ne serait-ce que parce-qu’il existe une grande différence entre un·e Togolais·e et un·e Marocain·e, ou un·e Laotien·ne et un·e Vietnamien·ne ;
  • une femme qui porte un voile le fait le plus souvent par choix, et que les femmes racisées subissent des discriminations quotidiennes et ce, sous des formes très variées ;
  • lier des faits divers à une religion ou à une origine est profondément raciste.

 

Cette liste n’est pas exhaustive et pourrait en réalité être sans fin.

Avoir à répéter perpétuellement de telles vérités, élémentaires, est usant pour celles et ceux dont l’identité et l’essence font par ailleurs, chaque jour, l’objet d’attaques.

 

Justifier son humanité ?

 

Quand nous nous efforçons tous les jours de faire ce travail de pédagogie, ce que l’on sous-entend, c’est : « Respectez moi s’il vous plaît, car je suis un être humain comme vous ».

Mais est-ce mon rôle de faire comprendre à ces personnes que tous les êtres humains ont droit à la dignité ? Que j’ai moi-même droit à cette dignité ?

Cet article ne s’adresse pas aux ignorant·e·s ou à celles et ceux qui viennent lire afin de décider si, oui ou non, les femmes musulmanes ou racisées sont dignes de leur respect. Cet article s’adresse aux personnes subissant de multiples oppressions et qui, depuis leur enfance, ont cru avoir pour fardeau d’éduquer tout un chacun·e par l’exemple, ou par des débats interminables, pensant ainsi (comme je l’ai pensé un jour) devoir déconstruire les préjugés de toute une population.

 

http://gph.is/28PE1ZU

 

Pourquoi croyons-nous que c’est à nous, inlassablement, de faire des efforts, quand nous subissons déjà autant ? Je ne saurais l’expliquer, mais il faut que cela cesse.

Plusieurs mois de débats sans aboutissement – mes interlocuteur·rices n’étant pas personnellement touché·e·s par mes propres problématiques, il leur est égal d’aboutir à quoi que ce soit – m’ont amenée à questionner l’utilité de la pratique du « faux débat ».

J’ai mis fin définitivement à cette pratique grâce à une interview et un workshop de Marie Dasylva, créatrice de l’agence NKALI WORKS, dont l’objet est d’aider les femmes racisées en entreprise.

Marie Dasylva déclare en effet : « Je pars du principe qu’expliquer son humanité, c’est entrer dans ce que j’appelle « l’Everest de l’inutile », où l’on va gravir des obstacles, se battre, pour que la personne en face de nous dise finalement qu’elle n’est pas d’accord avec nous alors que l’on vient de poser ses tripes sur la table à expliquer qu’on est un être humain […] C’est comme si notre humanité était une épreuve qu’on devait à chaque fois passer. L’humanité ce n’est pas le bac, normalement tout le monde l’a ! ».

 

La pédagogie par l’exemple

 

J’ai longtemps pensé que c’était mon devoir d’éduquer, de montrer la meilleure image possible de moi-même, pour que tout le monde voie qu’on peut être arabe, musulmane et bien élevée, avoir de bons résultats à l’école, être cultivée et bien s’exprimer. Que mon exemple parmi tant d’autres ferait reculer le racisme. Mais est-ce vraiment utile ?

Lorsqu’un adolescent est tué par la police en France ou ailleurs, on entend parfois, comme pour le défendre post mortem, qu’il était bon à l’école. A l’inverse, on reprochera par exemple à Adama Traoré de ne pas avoir un casier judiciaire vierge.

Nos vies sont-elles si peu estimables que nous soyons obligé·e·s d’avoir des comportements exemplaires pour être respecté·e·s ?

Nos parents nous ont appris à travailler deux fois plus et, dans notre société, une personne racisée devra toujours être meilleure, plus performante. Ou pouvoir escalader un immeuble à mains nues, à l’image de Mamoudou Gassama, et ainsi effleurer la chance d’obtenir la nationalité française. Les Français·e·s blanc·he·s se sont juste donné la peine de naître.

Mais le fait que nos parents et nous-mêmes ayons toujours travaillé bien plus ne nous a jamais évité le racisme ; au mieux, nous sommes considéré·e·s comme l’exception au milieu des autres Africain·e·s fainéant·e·s.

En clair, il faut apprendre à nous ménager pour notre propre santé mentale et physique, plutôt que de se tuer pour finalement ne pas être reconnu·e·s pour nos qualités.

Les seul·e·s qui méritent que l’on vise l’excellence pour elles·eux, c’est nous-mêmes.

http://gph.is/2c45h41

 

 

Etre allié·e, qu’est-ce que ça veut dire ?

 

L’allié·e est une personne non concernée par un type d’oppression donné (racisme, sexisme etc.). Cette personne peut t’être d’une grande aide quand, en tant que concernée, tu en as juste marre d’entendre les mêmes rengaines et les mêmes mensonges. Ou que tu es épuisé·e par l’absence souvent totale de compassion.

En temps de grosse fatigue, l’allié·e peut relayer la personne concernée, partager son opinion, faire résonner sa voix, être actif·ve. Parce que avouons-le, il y a des jours où l’on ne peut pas, et où l’on ne veut pas.

L’expérience m’a montré que les personnes ouvertes d’esprit n’avaient pas besoin de voir des noir·e·s excellent·e·s pour reconnaître que ceux et celles-ci avaient droit au respect et à la dignité. Quant aux autres, on pourrait leur montrer tous les exemples de minorités excellentes, cela ne changerait rien à leur point-de-vue.

Car parmi celles et ceux que nous éduquons tous les jours, il y a au mieux des allié·e·s potentiel·le·s, qui ont au moins le mérite de ne pas trop nous faire perdre notre temps – ces allié·e·s potentiel·le·s pourraient toutefois rechercher leurs informations ailleurs. Il y a aussi, au pire, des cyniques qui sont juste là pour poser des questions non pertinentes, ne voyant là que l’occasion d’un énième débat, quand nous défendons littéralement notre survie ! Et entre ces deux extrêmes, il reste les indécis·e·s, qui « ne voient pas en quoi [insérer ici : le blackface, les caricatures islamophobes et autres joyeusetés] est raciste ». Ou qui nous rétorquent que « franchement, on exagère, il y a des choses plus graves ». Ou nous assènent que « si la situation était inversée, personne ne crierait au scandale ».

 

http://gph.is/2dolyCE

 
Si vous vous considérez vraiment comme un·e allié·e, alors prenez part à ces débats non pour questionner les concerné·e·s, mais pour les soulager de ce poids que constitue la pédagogie.

 

Il est donc important pour les privilégié·e·s d’entretenir une saine curiosité, de faire des recherches et de se positionner en tant qu’allié·e.

Nous sommes deux à écrire cet article – une femme noire et une femme maghrébine voilée – et, bien que subissant des oppressions communes, nous avons l’occasion d’être des alliées l’une pour l’autre face à d’autres oppressions.

Par exemple, dans le cas du blackface notamment, ce n’est pas aux noir·e·s de démontrer que cette pratique est raciste. Ils et elles l’ont déjà suffisamment fait dans des articles et vidéos, par exemple.

Même chose pour le voile : le magazine Lallab, entre autres, propose nombre d’articles pédagogiques permettant d’assouvir la curiosité, saine ou déplacée, de chacun·e, en répondant par exemple à l’éternelle question : « Mais POURQUOI est-ce que tu portes le voile ?!! ». Donc si tu assistes à ce type de débats… diffuse la bonne parole !

Evidemment, nous rappelons que l’allié·e ne doit pas parler à la place des concerné·e·s, mais bien se mettre à leur écoute, et être reconnaissant·e·s de l’énergie dépensée pour leur éducation.

 

Ce que cela nous coûte

 

Vous rendez-vous compte de la violence que représente pour un·e individu·e le fait de devoir expliquer qu’il·elle mérite de vivre ?

Je n’ai plus le temps d’expliquer que ce n’est pas aux personnes non-concernées de définir ce qui est raciste ou non. Ni en quoi les atteintes « plus graves » sont en réalité rendues possibles notamment par la multiplication des micro-agressions. Ces micro-agressions – regards agressifs, blagues racistes, amalgames répétés etc. – en déshumanisant les personnes, participent à légitimer les agressions physiques et verbales.

Avoir à « prouver son humanité » encore et encore est non seulement chronophage, mais aussi extrêmement violent.

Je me souviens d’un débat avec une « féministe » se déclarant « contre le voile ». Après plusieurs heures de commentaires interposés, j’ai réussi, par mes arguments, à lui faire admettre qu’il était possible que le port du voile résulte d’un choix personnel. Sur le moment, j’ai pensé que c’était une victoire et que petit à petit, j’arriverais à convaincre plus de monde.

Après réflexion, je me demande si cela valait le coup.

J’aurais pu utiliser ce temps pour aider les personnes racisé·e·s à mieux s’accepter, ou pour prendre soin de moi. Ou bien encore l’employer à écrire des articles sur ces sujets, qui pourront être lus non seulement par des allié·e·s pour s’informer, mais également par des personnes concernées pour qu’elles se sentent moins seules et s’instruisent.

Voilà comment j’en suis venue à écrire pour Lallab. Aujourd’hui, si quelqu’un veut que je lui explique en quoi [insérer ici : le blackface, es caricatures islamophobes et autres joyeusetés] est raciste, je lui indique un article de ce site ou d’autres qui sont très bien faits, ce qui nous permet de gagner un temps fou.

Maintenant, si tu veux absolument qu’on te l’enseigne personnellement, il va falloir nous payer.
 
 

Article co-écrit par Thafath’n’Idh et Laura Palmer

Crédit photo image à la une : Jeeitd

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Diffuse la bonne parole

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10 conseils pour parler d’islam avec des musulman·e·s

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Lorsque je parle d’islam avec une personne qui n’est pas musulmane, la conclusion est souvent la même : elle est contente d’avoir pu discuter (je suis plus sympa dans la vraie vie que dans mes articles 😉 ), car ces moments d’échange et de dialogue sont rares. Or, malheureusement, ce sont souvent les personnes les mieux intentionnées qui osent le moins aborder le sujet. Pourtant, la majorité des musulman·e·s seraient heureux·ses de parler de leur foi – du moment, bien sûr, que c’est bien un échange, et non pas un réquisitoire où nous devons nous justifier. Voici donc dix conseils pour nous apprivoiser avec tact et engager une conversation constructive.

 

Jauger la situation et ce que vous pouvez vous permettre de demander

 
En tant que musulmane, je suis souvent désarçonnée par l’indiscrétion des questions qui me sont posées par des personnes que je ne connais pas ou presque. Mon premier conseil serait donc de vous demander si les liens que vous avez avec cette personne vous permettent vraiment de lui poser cette question sans la mettre mal à l’aise. Un bon moyen peut être de retourner la situation : si cette personne vous posait une question similaire, comment est-ce que vous vous sentiriez ? Bien sûr, ça ne veut pas dire qu’il faut avoir fait trois soirées pyjama avec la personne concernée pour lui poser la moindre question. Mais aborder la fille qu’on a vue au service du 3ème étage pour lui demander de but en blanc pourquoi elle « ne boit pas d’alcool aux soirées du personnel alors qu’aux infos ils ont dit qu’un verre c’était bon pour la santé », ça peut être lééégèrement intrusif.

 

Accepter que la personne en face de vous n’ait pas forcément envie de répondre

 
Il y a une différence entre poser une question et exiger une réponse. Et il peut y avoir une multitude de raisons pour lesquelles votre interlocuteur·trice n’a pas envie de vous en fournir une. Tout d’abord, peut-être que c’est un sujet intime, et qu’il·elle n’a pas forcément envie d’en parler, ou d’en parler avec vous (… désolée). Il se peut aussi que le sujet soit complexe, et qu’il requière plus que les 2 minutes que vous avez devant vous. Personnellement, c’est ce que je ressens quand on me pose par exemple LA question – « Pourquoi tu portes le foulard ? » – et que la personne en face de moi s’attend à une réponse en 47 secondes, alors que ça représente deux années de cheminement et un tas de raisons entremêlées. Une dernière raison possible, c’est tout simplement la lassitude : quand on nous pose encore et toujours les mêmes questions (et pas toujours subtilement), oui, il y a des moments où on a la flemme de répondre. Je ne vous cache pas que j’ai déjà rêvé d’un fascicule que je pourrais distribuer pour répondre à la fameuse question sur mon foulard…

 

Accepter que votre interlocuteur·trice ne connaisse pas la réponse

 
Parfois, on nous pose des questions extrêmement pointues, comme si nous étions tou·te·s théologien·ne·s. Nous ne décidons pas d’être musulman·e après avoir étudié le droit musulman et la jurisprudence, mais parce que nous ressentons un amour pour Dieu et pour toutes les valeurs que notre Prophète (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui) nous a transmises. Vous ne savez pas non plus à quel stade la personne en face de vous en est de son cheminement. Il est donc possible qu’elle ait peu de connaissances, surtout sur des points qui vous intéressent mais qui ne la concernent absolument pas. Par exemple, je me suis renseignée sur la question de la polygamie pour répondre à des questions qu’on me posait, mais ça ne m’avait jamais particulièrement intéressée, puisque je ne l’avais jamais vue pratiquée et que cela me paraissait bien loin des questions liées à ma réalité et à ma foi au quotidien. Ca ne veut pas dire que votre interlocuteur·trice est stupide, ou qu’il·elle suit une religion aveuglément, mais qu’il·elle y a trouvé des bénéfices spirituels et éthiques, et qu’il·elle chemine à son rythme pour approfondir ses connaissances. En lui permettant de dire « Je ne sais pas » sans prendre le risque d’être agressé·e, vous éviterez qu’il·elle réponde n’importe quoi juste pour garder la face.
 

Des étudiant·e·s américain·e·s tiennent un stand pour encourager leurs camarades à venir leur poser leurs questions sur l’islam / Crédit : Oona Goodin-Smith / USA Today

 

Ne pas chercher à juger et/ou à convaincre

 
Ce que vous obtiendrez de la conversation dépendra très fortement de l’intention avec laquelle vous vous y engagez. Si, même inconsciemment, vous prenez la position d’un·e juge et placez votre interlocteur·trice dans celle d’un·e avocat·e dont le rôle est de défendre l’islam et l’ensemble des musulman·e·s, il·elle le ressentira forcément et vous pourrez dire adieu à toute discussion constructive. L’intention doit être de comprendre, pas de juger ou de déterminer, en fonction de la réponse de la personne en face de vous, si sa pratique et ses croyances sont légitimes ou non à vos yeux. Soyons d’accord pour ne pas être d’accord…

 

Montrer et expliciter l’intention qui vous anime

 
Si votre intention est sincèrement d’assouvir votre curiosité et de mieux comprendre la foi et la pratique de votre interlocuteur·trice, n’hésitez pas à le lui faire savoir pour poser les bases d’un rapport apaisé. En tant que musulman·e·s, nous sommes constamment sommé·e·s de nous justifier ; pour ne pas être mis·es encore une fois sur le banc des accusé·e·s. nous pouvons parfois éviter toute conversation sur l’islam. Ce n’est donc pas un détail de nous faire savoir – et sentir – que nous ne sommes pas face à quelqu’un qui attend le moindre mot de travers pour nous piéger et nous condamner. Personnellement, je suis toujours touchée par le tact de celles et ceux qui cherchent sincèrement à trouver les bons mots, qui ont un vrai souci de ne pas me blesser. Lorsque j’entends « Désolé·e, je vais peut-être être maladroit·e, mais je cherche vraiment à comprendre », mes épaules se détendent et je suis prête à parler avec mon cœur.

 

Formuler une VRAIE question

 
Souvent, lorsqu’on me pose des questions au sujet de l’islam, ce sont en fait des opinions déjà toutes faites qu’on me présente en attendant que je les confirme ou les démente, arguments à l’appui. A l’inverse, poser une question ouverte, comme « Pourquoi ? » ou « Que penses-tu de », ouvre plus de portes que « Est-ce que » ou « C’est vrai que… ? ». Ces dernières formulations impliquent tout de suite une idée déjà conçue, et amènent votre interlocuteur·trice à se positionner par rapport à elle. Cela s’applique aussi au sujet : si vous demandez à un·e musulman·e ce que lui apporte sa spiritualité, ce qui est important dans sa religion, etc., il y a peu de chances qu’il·elle aborde les sujets que vous auriez peut-être choisis vous-mêmes, et qui sont souvent largement influencés par les médias et les polémiques ambiantes. Eh oui, car nous avons un scoop : être musulman·e ne se résume pas à jeûner pendant Ramadan, à porter un voile ou une barbe, et à se prononcer pour ou contre le terrorisme mené au nom de l’islam…

 

Bien choisir les mots employés

 
Certains mots ont le pouvoir de déclencher une alarme dans notre tête, ou de nous faire nous mettre sur nos gardes sans même que vous réalisiez que vous avez dit quelque chose de problématique.

 

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Cela peut être des mots connotés négativement, ou exprimant un jugement. Honnêtement, lorsque quelqu’un me demande si le jeûne de Ramadan, ce n’est pas « débile » ou « cruel », et qu’on me dit que c’était de la simple curiosité, sans préjugé, je me demande si on parle bien la même langue. Mais mon exemple préféré reste tout de même les phrases « je-pas-mais » : si quelqu’un me dit « Je suis pas raciste, mais… », c’est comme s’il me donnait un énorme warning disant : « ATTENTION JE VAIS TE SORTIR UN TRUC SUPER RACISTE ». Du coup, évitez d’amorcer la conversation par un délicat « J’ai rien contre les musulmans, mais »

 

Accepter le ressenti de la personne concernée sans le remettre en cause

 
Et ce, même si sa réaction vous semble « exagérée », « parano », etc. Qui que vous soyez, vous ne partagez pas sa situation, que ce soit sa religion, ses origines, son apparence physique, sa sensibilité, son histoire personnelle – bref, toutes ces choses qui font que son vécu lui est propre et qu’elle est la plus légitime à déterminer ce qui est la réaction la plus appropriée.  Elle a fait l’effort de s’ouvrir à vous et de vous confier des choses qui sont sans doute intimes, votre rôle n’est pas de la juger ou de lui infliger une violence supplémentaire en niant son droit à ressentir certaines émotions. Sincèrement, je suis toujours effarée de voir la condescendance avec laquelle des personnes qui ne partagent pas mon vécu balaient d’un revers de la main ma légitimité à définir ce qui me pose problème, me révolte ou me blesse.

 

Ne pas forcément se sentir visé·e

 
Il est possible qu’au cours de votre conversation, la personne en face de vous critique des comportements dans lesquels vous vous reconnaissez. Ne voyez pas ça comme une attaque (il·elle n’en sait d’ailleurs peut-être rien), mais comme une opportunité de comprendre ce qui est blessant pour les personnes concernées, et savoir comment être plus attentif·ve à l’avenir. Ce n’est donc pas nécessaire de chercher à vous justifier, cela donnerait seulement l’impression que vous cherchez à légitimer un comportement problématique. Au pire, ne dites rien, prenez note et corrigez le tir les prochaines fois.

 

Garder à l’esprit qu’il s’agit d’UN avis parmi tant d’autres

 
Un piège peut être de se dire que l’on a parlé avec des musulman·e·s, et que l’on connaît donc « leur » opinion. Rappelez-vous que nous sommes presque 2 milliards sur Terre, plusieurs millions en France, et qu’il existe une palette extrêmement diverse d’interprétations et de manières de vivre notre foi, y compris entre des personnes qui peuvent vous sembler similaires. Il faut être vigilant·e pour ne pas généraliser le vécu ou les opinions de quelques personnes avec qui on aurait échangé – surtout dans le contexte actuel, où l’on essaie de faire croire que nous sommes un bloc monolithique. Gardez également un esprit critique, car même avec les meilleures intentions, nous pouvons dire des choses erronées – car nous aussi, nous avons encore beaucoup de choses à apprendre sur l’islam…

 

Image à la une : pour lutter contre les préjugés, la chanteuse Mona Haydar offre aux passant·e·s des donuts, du café, des fleurs, et une occasion de discuter avec des musulman·e·s / Crédit : Allison Michael Orenstein

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Diffuse la bonne parole

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Comment être un·e meilleur·e allié·e pendant le Ramadan

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Voilà déjà quelques jours que le mois béni du Ramadan a débuté pour nos ami·e·s musulman·e·s, un mois placé sous le signe du jeûne bien sûr, mais surtout un mois de spiritualité, qui rassemble les musulman·e·s à travers le monde. Alors,  il est temps pour nous, non-musulman·e·s, de dresser un petit bilan et de nous interroger : avons-nous été de bon·ne·s allié·e·s pour nos ami·e·s, collègues, partenaires musulman·e·s – et surtout, comment pouvons-nous mieux faire ?
Voici 7 conseils pour devenir un·e meilleur·e allié·e pendant le mois de Ramadan !

 

1. Que les célébrations commencent !

 
En bon·ne petit·e Français·e, avouez que croyant·e, pratiquant·e ou non, nous aimons la période des fêtes de fin d’année. On n’a de cesse de se souhaiter des « Joyeux Noël » et des « Bonne année » à tire-larigot. C’est un peu pompeux, mais finalement c’est l’intention qui compte, et surtout la bienveillance qu’elle suggère. Pourquoi cela serait-il différent pour nos ami·e·s musulman·e·s ?

Alors répétez après moi : « Ramadan moubarak ! », en d’autres termes « je vous souhaite un mois de Ramadan béni ». Ne soyez pas gêné·e et accompagnez la formule de votre plus beau sourire. En ces périodes de grande confusion où les médias et les politiques n’ont de cesse de faire des amalgames entre Islam et terrorisme, il est de notre devoir d’allié·e de faire preuve de bienveillance et de se réjouir ensemble de ce mois si cher au cœur des musulman·e·s.

 

2. Allons-y mollo sur les questions

 

Si une saine curiosité à propos du mois de Ramadan et des pratiques spécifiques qu’il implique vous anime, c’est bien et c’est tout à votre honneur ! Néanmoins, au delà de l’intérêt sincère dont nous pouvons faire preuve, posons-nous quelques questions : est-ce que ce n’est pas redondant et finalement lourd pour un·e musulman·e de répondre sans cesse aux questions que nous pouvons nous poser ? Ne pourrions-nous pas trouver certaines des informations en question par nos propres moyens ? D’autant plus qu’un aspect de taille est en jeu : quelle quantité de salive la personne en face de nous va devoir dépenser pour répondre à nos questions ? Salive qui se révèle cruciale en cette période, car « non, on ne peut pas boire non plus » …
 

Crédit photo : Muslim Girl X @moosleemargh#MGRamadan series
 
Blague à part, les musulman·e·s ne sont pas là pour faire notre éducation. Alors soyons cool et humbles et faisons nos recherches, cultivons-nous sur la question et si, vraiment, des aspects plus spécifiques nous interrogent, alors mettons-y les formes et assurons-nous que la personne en face de nous soit disposée à répondre à nos questions.
 

3. N’en faisons pas tout un plat

 
« Ah donc tu n’as pas le droit de manger ? Rien du tout ? Comment ça, même de boire ? Et avaler ta salive, t’as le droit ? » Pendant le mois de Ramadan, les remarques relatives au jeûne fleurissent dans la bouche des non-concerné·e·s telles des fleurs des champs au printemps. Si ces remarques peuvent paraître innocentes voire même touchantes de part leur caractère simplet (c’était la façon douce pour ne pas dire parfois carrément stupides), elles auraient tendance à induire deux idées qu’il convient de déconstruire.

Tout d’abord, le jeûne n’est pas tant à propos de ce que les musulman·e·s peuvent ou ne peuvent pas manger / boire / quand / quoi / comment, mais plutôt de faire l’expérience, du lever au coucher du soleil, de l’absence de nourriture pour se mettre à la place de celles et ceux qui ont moins, et pour permettre au corps, débarrassé de ces apports matériels, de se détacher et de s’élever spirituellement.

A ne parler que de nourriture, nous aurions tendance à réduire le Ramadan à son expression la plus matérielle : le jeûne. Or nous sommes bien loin du compte ! Si chaque année les musulman·e·s se réjouissent à ce point de l’arrivée du mois béni, ce n’est pas tant pour la perspective de ne rien avaler, mais plutôt pour le caractère hautement spirituel qu’il revêt. Pendant 30 jours et 30 nuits, c’est l’occasion de se détacher un peu des considérations matérielles pour mieux se rapprocher de son Créateur et des attitudes qu’il convient d’adopter pour s’en approcher. En effet, le jeûne ne concerne pas seulement la nourriture, la boisson et les relations sexuelles, mais consiste également à s’abstenir de toute mauvaise action ou parole.
 

4. Halte là, toi l’inquisiteur·trice indiscret·e !

 
Alors que la journée au bureau s’annonçait sereine, voilà que vous apercevez votre collègue musulmane boire pendant la journée… Mais avant de vous exclamer à gorge déployée « Comment, tu ne jeûnes pas ?! », pourquoi ne pas boire une petite tasse de considération et de prudence ?
 

Crédit photo : moosleemargh
 
D’une part, il est possible que la femme en face de vous soit en période de menstruation, autrement dit qu’elle ait ses règles, autrement dit qu’elle soit dispensée de jeûne, autrement dit qu’elle devra rattraper ses « days off » après le Ramadan (ouais ça fait partie de mon point 2 : va chercher tes infos !). Dans ce cas, il est possible qu’elle n’ait pas spécialement envie d’exposer son cycle menstruel à tout l’open space.

D’autre part, il est aussi possible que la personne en face de vous souffre de troubles du comportement alimentaire (TCA), qu’elle soit malade ou enceinte, et puisse ne pas pratiquer le jeûne pour ne pas mettre sa santé en péril. Enfin, cela peut être aussi un choix pour certain·e·s de ne pas jeûner pendant Ramadan et finalement, quelle qu’en soit la raison, et que l’on soit en mesure de le comprendre (ou pas !), personne ne devrait épier les gens dans leur pratique – et cela particulièrement en tant que non concerné·e.

Mais voilà ce qui est grandiose avec l’Islam et le mois du Ramadan, c’est l’adaptabilité bienveillante de ces pratiques. Le but n’est pas de se mettre en danger, bien au contraire. Alors inutile de jouer aux gendarmes des bonnes mœurs, et avant de vous engager dans des conversations qui peuvent vite devenir extrêmement intimes et surtout non désirées, dites-vous que la personne en face de vous sait pertinemment ce qu’elle fait !
 

5. Diffusez les bonnes pratiques en milieu professionnel

 
En tant qu’assistant·e / collègue / manager / chef·fe de musulman·e·s, à vous d’instiller un peu de bienveillance et d’attention dans le cadre de vos relations professionnelles. Même si cela devrait être d’usage tout au long de l’année, pendant le mois de Ramadan, n’hésitez pas à mettre à disposition dans vos locaux une salle destinée à la prière et/ou au repos pour permettre à vos collaborateurs·trices musulman·e·s de se reposer ou prier pendant leurs heures de travail.

Soyez aussi proactif·ve·s sur les bonnes pratiques et adaptez-vous aux besoins spécifiques de vos collaborateurs·trices musulman·e·s : manager, soyez flexibles sur les horaires de travail et proposez par exemple quand c’est possible des horaires décalés pour permettre aux musulman·e·s d’arriver un peu plus tard et donc de bénéficier d’un plus grand repos. Facilitez la prise de congés pour celles et ceux qui le souhaitent. Enfin, si la personne ne déjeune pas, cela ne signifie pas qu’elle doit poursuivre le travail pendant sa pause déjeuner (sauf si cela implique qu’il·elle pourra quitter le travail plus tôt).

Au delà de l’aspect éthique et tout simplement humain, quand on sait tous les bienfaits qu’apportent le bien-être au travail (y compris sur la productivité), on aurait tort de ne pas améliorer les pratiques managériales pendant le mois de Ramadan.
 

6. Surtout, n’exigez PAS des pâtisseries orientales !

 
Alors oui, les pâtisseries orientales sont aussi bonnes qu’elles sont sucrées, oui on aime se lécher les doigts après les avoir dégustées mais non, non, non, ne demandez pas à vos ami·e·s, collègues, partenaires musulman·e·s de vous rapporter des pâtisseries orientales pendant ou après le mois de Ramadan !
 

 
En plus d’être sans gêne et franchement limite sur le rapport de force et la domination que cette « demande » peut induire (vos collègues insistent-ils lourdement pour que vous rameniez de la tarte normande ?), cela sous-entend aussi que l’Islam et les musulman·e·s sont uniquement arabes. Cela contredit toute la diversité et la richesse de leurs cultures respectives à travers le monde, mais renforce aussi l’idée que la culture musulmane ne se limite qu’au folklore que les gens veulent lui accorder.

Au contraire, pourquoi ne pas préparer une spécialité qui vous est chère et l’offrir à votre ami·e·, collègue, partenaire musulman·e pour sa rupture du jeûne ? Admettez que ça change un peu la donne, non ?
 

7. Mais surtout, demandez aux principaux·ales concerné·e·s !

 
Avec bienveillance et tact, interrogeons nos ami·e·s, collègues, partenaires musulman·e·s : comment pouvons-nous être de bon·ne·s allié·e·s pendant le mois béni de Ramadan ? Ensuite, il ne tient qu’à nous d’être suffisamment humble et attentionné·e pour écouter leurs recommandations et surtout les mettre en pratique !

Et enfin, cela va sans dire, ne tentez pas de niaiser en proposant de partager vos meilleurs bonbons pendant le jeûne, ou encore de tenter votre ami·e·, collègue, partenaire musulman·e, car n’ayez aucun doute là-dessus, après le mois béni… il sera temps de régler les comptes…
 

 

Allez, Ramadan moubarak la famille <3

 

Article co-écrit par Emnus & Clodhiste, la plus blonde des alliées en construction

 

Photo de couverture : Crédit @moosleemargh

 

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

5 choses à ne pas faire pour être un·e bon·ne allié·e des femmes musulmanes

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Chez Lallab, on reçoit des bêtises, mais aussi des messages de soutien… et parfois des messages qui allient les deux à la fois. En atteste ce message reçu sur notre page Facebook, sûrement bien intentionné mais au minimum maladroit. C’est sympa quand même de sa part, ça nous fait un cas pratique idéal pour découvrir 5 choses à ne surtout pas faire quand on se dit allié·e des femmes musulmanes.

 

1. Montrer qu’on est à côté de la plaque

 

 

Quoi ? Des collectifs ? Des associations ? Des initiatives ? Bof, toi tu n’as absolument rien vu, de la grotte où tu as passé les 30 dernières années.

En même temps, nos mères étaient bien trop occupées à préparer le couscous/thiep/curry, et à obéir à leurs maris pour avoir le temps de défendre leurs droits… Peut-être attendaient-elles que des femmes comme toi leur disent qu’elles en avaient ?

 

2. Prendre de haut les concernées

 

 
Ah, veinarde, toi tu sais ce que c’est d’être libre, et tu peux nous dire que c’est génial. Ohlala, j’ai trop hâte de découvrir ce que je vais pouvoir faire ! Et ça tombe bien, je sens que tu as quelques idées à nous proposer…
 

3. Renforcer les préjugés sur les femmes musulmanes

 


 

Décidément, Lallab est une association merveilleuse : grâce à elle, les femmes musulmanes pourront faire plein de nouvelles choses, comme faire des études, apprendre à conduire, ou même choisir leur partenaire… C’est-y pas beau ? Je dois admettre que tu as vu clair en moi : parfois, je me laisse aller à rêver, un jour, d’apprendre à lire, et même, qui sait, de sortir au restaurant avec un homme qui ne m’aura pas interdit de sortir de la maison…

Pour le reste, perso ça ne m’intéresse pas spécialement d’avoir plusieurs maris ou de devenir mannequin lingerie, mais sur presque un milliard de femmes musulmanes sur Terre, il doit bien y en avoir quelques-unes que ça tentait, et qui n’ont sûrement pas attendu ton autorisation pour se lancer.

 

4. Définir nos combats et nos priorités à notre place

 

 

Ah ! Un conseil d’une personne qui n’a absolument rien compris à ma situation et qui s’imagine que je vis sous la loi des talibans, ça va sûrement être super intéressant, et surtout très adapté.

 

 

Hum, effectivement, je ne suis pas déçue. C’est marrant, dans les histoires que j’entends à répétition autour de moi, le problème soulevé n’est pas un homme de la famille qui ne laisserait pas une femme travailler, par exemple, mais plutôt un employeur qui serait rebuté par un nom à consonance trop « exotique » ou une tenue trop couvrante.

Alors tant pis si on répète que les hommes dans nos familles sont majoritairement nos soutiens (même imparfaits), et que ce sont les discriminations à l’extérieur qui nous pourrissent la vie. Décrète que les politiques n’ont rien à voir avec l’exclusion dont nous sommes victimes, et dis-nous de nous concentrer sur le niveau intra-familial, parce que toi tu le sais, c’est CA le vrai problème. Rien à voir avec des lois et des décrets liberticides et stigmatisants. Moi qui pensais que si la liste des endroits où je ne peux pas aller s’allongeait, c’était à cause de discriminations et d’interdictions basées sur une vision instrumentalisée de la laïcité… C’est peut-être nos pères et nos maris qui se cachent derrière un vaste complot pour nous empêcher de trouver du travail et d’aller à la piscine, en fait ?

 

5. Instaurer une relation entre maître et disciples

 

 

Pendant que nous découvrons à tâtons les études supérieures et le permis B, il est toujours de bon ton de nous rappeler que tu es dans le game depuis bien plus longtemps.

Pour ma part, je salue notre courage avec des « alliées » pareilles.

Une femme diplômée, libre, féministe, et qui ne se sent pas obligée de le rappeler comme si ça la distinguait des autres.

 
 
 
Image à la une : Jan McDonald, Marg Edwards, Marg Wallin et Helen Dunlop portent le hijab en solidarité pour les femmes musulmanes. Crédit Photo : The Maitland Mercury
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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

11 conseils pour être un.e bon.ne allié.e

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Quand on présente l’association Lallab, c’est « drôle » mais on ne reçoit pas du tout les mêmes retours ! « On », c’est Sarah, musulmane, et Justine, athée, toutes deux cofondatrices de Lallab, réalisatrices de la série documentaire Women SenseTour in Muslim Countries et féministes !
C’est simple, lorsque c’est Justine qui présente l’association, on lui dit généralement que « c’est génial ce qu’elle fait », que c’est même « très altruiste de sa part d’aider les femmes musulmanes ». Alors que lorsque c’est Sarah, on lui rétorque plutôt que « c’est quand même un projet super communautaire, il faudrait aussi parler des discriminations vécues par d’autres femmes ». Certain.e.s rajoutent même qu’elle est « trop concernée par le sujet, trop passionnée » et qu’elle « n’a pas le recul nécessaire pour être très objective ». Clairement, dans notre société, la parole d’une femme blanche et athée a plus de poids que celle d’une femme musulmane, même pour parler de son propre vécu.

 
Rappelons-le : la mission de Lallab est centrée sur les femmes musulmanes et l’une des valeurs centrales de l’association est la parole aux concernées. Mais à l’image de notre duo, les membres de Lallab – majoritairement des femmes – sont également très plurielles ! Puisque nous ne souhaitons surtout pas reproduire les rapports de domination de la société en notre sein, se pose donc la question de la place de chacun.e dans l’association et notamment des membres qui ne sont pas des femmes musulmanes, c’est à dire les « allié.e.s » !
 

Nous sommes tou.te.s les privilégié.e.s de quelqu’un

 
Le mot « privilège » à tendance à faire peur et à braquer les gens – « comment pourrais-je être privilégié.e alors que je n’ai plus rien à manger à la fin du mois ? ». Le mot privilège est souvent associé à la richesse, alors que le concept tel qu’employé ici est beaucoup plus large.
Un privilège, c’est un pouvoir ou une immunité particulière que l’on détient sans avoir fait d’effort pour l’obtenir, et qui nous facilite la vie sans qu’on en ait nécessairement conscience, et sans qu’on l’ait demandé. Ce n’est ni bien ni mal en soi, mais c’est important d’en avoir conscience.
Être valide, par exemple, c’est être en position de privilège face à une personne en situation de handicap, pour qui le simple fait de se déplacer peut être un combat de chaque instant, ou qui met parfois des années à faire reconnaître sa pathologie…
Dans le vocabulaire militant, on insiste sur le fait qu’il est important de « checker ses privilèges », c’est-à-dire de faire un travail personnel pour savoir où sont nos privilèges pour éviter de participer, consciemment ou non, à un système oppresseur.
 
Check tes privilèges
Crédits : Buzzfeed
 
Chez Lallab, nous cherchons à créer une société plus juste et égale pour toutes les femmes sans porter de jugement sur les identités ou les choix de celles-ci. Nous sommes donc tou.te.s des allié.e.s. Mais comment être un.e bon.ne allié.e ?
 

1) Ecouter & apprendre à se taire

 
L’une des règles les plus importantes du rôle d’allié.e est de ne pas prendre tout l’espace en monopolisant la parole. Vous pouvez certes participer si votre contribution est enrichissante, ou en posant des questions pertinentes ou qui peuvent faire avancer le débat, mais sachez garder une place marginale. Etre l’allié.e d’une personne, c’est savoir rester à sa place de « non concerné.e » par une oppression : il faut savoir être à l’écoute du ressenti, du témoignage, des analyses, des solutions proposées. Il faut savoir être une oreille bienveillante.
Si un sujet vous met mal à l’aise, vous êtes parfaitement libre de ne pas vous y engager et de laisser les personnes concerné.e.s débattre.
 

2) Lire & se renseigner

 
Un.e allié.e s’éduque constamment et n’attend pas des concerné.e.s qu’ils/elles fassent le travail à sa place. Il est important de faire ses recherches et de ne pas épuiser les concerné.e.s avec ses questions. Lisez et apprenez des expériences des personnes concernées. Google – ou Lilo – est votre ami.
 

3) Accepter les critiques

 
Face à la critique, il est important de ne pas se mettre sur la défensive, mais plutôt d’écouter, de s’excuser, de prendre ses responsabilités et de faire en sorte de modifier son comportement. N’attendez pas que le respect de vos sentiments soient la priorité des personnes blessées par vos actes ou vos propos, et concentrez-vous sur le fond plutôt que la forme. Le tone policing est une arme de silenciation en ce qu’elle permet de mettre un terme à une discussion en poussant ses participant.e.s à la colère pour mieux délégitimer leur discours.
 

4) Ne pas prendre toute la place

 
Quand on est allié.e d’une cause, l’idée n’est pas de tout ramener à soi et de se mettre en avant. L’idée est justement de mettre en avant les personnes concernées et de les aider de la manière qu’elles jugent la plus pertinente.
Ne pas en faire une question d’ego : il est important de ne pas s’engager juste pour briller en société ou se faire passer pour une personne géniale et tellement ouverte d’esprit, mais par réelle conviction, par envie de faire bouger la société.
Tant mieux si cela vous permet de vous enrichir, pour votre propre développement personnel, et c’est même essentiel, mais gardez en tête que vous êtes ici pour l’intérêt général et pas uniquement pour le vôtre.
 
Par exemple, en janvier dernier, lors de la participation de Lallab à l’Emission Politique, France 2 a insisté pour que l’invitée, face à Manuel Valls, soit Sarah, cofondatrice de Lallab. Nous nous sommes battues pendant plusieurs jours auprès de la chaîne télévisée pour que l’invitée soit Attika, trésorière de Lallab. Pourquoi ? Tout simplement parce que le sujet portait sur la question du voile en France, et Sarah est certes musulmane mais ne porte pas le foulard. Chez Lallab, nous avons une règle simple : toujours donner la parole aux principales concernées ! Sarah n’ayant pas la légitimité de s’exprimer au nom de celles qui portent le foulard, elle a tout simplement « passé le micro » à Attika !
 


Pas besoin d’être la voix des sans voix. Passe simplement le micro
 

5) Se concentrer sur le dialogue avec les personnes qui ont la même identité

 
Votre rôle d’allié.e est également de combattre les oppressions, d’éduquer vos proches x-phobes x-cistes, dans le but que ces personnes ne diffusent pas leurs propos nauséabonds auprès des personnes concernées. Et oui, cela signifie que vous allez vraiment avoir une conversation avec votre tata qui n’est pas raciste mais qui trouve qu’il y a quand même beaucoup de femmes voilées en France 😉
 

6) Ne pas prendre de pause

 
Les personnes racisées doivent faire face au racisme tous les jours, sans jamais pouvoir y échapper, les femmes subissent la misogynie perpétuellement, dans leur travail et au sein même de leur foyer.
De la même manière, en tant qu’allié.e.s vous ne pouvez pas vous taire quand « cela vous arrange », ou juste quand vous avez la flemme. Se montrer solidaire, c’est aussi partager ce fardeau de la déconstruction, et ne pas le laisser uniquement aux personnes concernées.
 
Neutral in the face of injustice
Crédits : whothafuckisalice. Si tu restes neutre face à une situation d’injustice, alors tu as choisi le camp de l’oppresseur
 

7) Etre allié.e n’est pas une identité, mais un processus

 
Etre allié.e est un but jamais vraiment atteint, il y a toujours des choses à apprendre, à mieux faire, c’est un processus qui ne finit jamais. Ce n’est pas non plus un titre que l’on peut se donner à soi-même. Ce n’est qu’au regard de vos actes et de votre attitude que le groupe, et surtout les personnes concernées, pourront déterminer si vous pouvez rester dans un espace safe ou si au contraire vous le polluez par vos interventions, par votre manque de remise en question. Ce n’est pas une identité parce que « être allié.e » n’absout pas de toutes les choses dites et faites dans le passé, ni ne protège d’erreurs dans le futur.
 

8) Ne pas se servir d’une caution « oppressée »

 
Il ne suffit pas d’avoir un.e ami.e dans une situation d’oppression (la fameuse amie noire de Nadine ♥) pour prétendre avoir une connaissance générale du vécu de toutes les personnes vivant cette même oppression. Pire, vous ne pouvez utiliser cet.te ami.e ou même sa parole afin de conforter, légitimer un discours raciste.
Par exemple : je connais une fille, c’est son père qui l’oblige à porter le voile, cela signifie donc que toutes les femmes voilées sont obligées de le faire.
 
not protectors but allies
Crédits : Ambivalently Yours. Nous n’avons pas besoin de protecteurs. Nous voulons des allié.e.s
 

9) Ne pas jouer pas aux jeux Olympiques de l’oppression

 
Vous êtes au milieu d’une conversation sur le racisme ? Donc non, ce n’est pas le moment pour parler d’une autre discrimination que vous vivez. Être oppressé.e sur certains sujets ne vous octroie pas un « free pass » pour ne pas rester dans votre rôle d’allié.e sur des sujets qui ne vous concernent pas. Ne faites pas dérailler la conversation. Il n’est pas toujours question de vous.
 

10) Ne pas monopoliser l’énergie et la force mentale

 
Les allié.e.s ne peuvent demander aux personnes en situation d’oppression d’essuyer leur larmes parce que cette situation les attriste profondément ; ils/elles ne peuvent pas non plus épuiser ces personnes en leur racontant toutes les situations d’oppression dont ils/elles ont été témoins. Ces oppressions, votre interlocuteur/trice les connaît, les vit au quotidien et n’a pas nécessairement envie que vous les lui rappeliez constamment.
 

11) Ne pas baisser les bras !

 
Le chemin de la déconstruction est long et parfois douloureux. Parfois, vous serez épuisé.e.s. Alors n’oubliez pas de prendre soin de vous. Et rappelez-vous, ça en vaut vraiment la peine : on change le monde !
 
 
 
Article coécrit par Lysandra, Sarah Zouak et Justine Devillaine
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Diffuse la bonne parole

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