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Ne reste pas à ta place

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Il y’a des livres qui tombent dans vos mains à des moments charnières de votre vie. Qui répondent à des questions que vous n’osiez pas formuler à voix hautes. Qui sont des témoignages universels, alors que très personnels. C’est l’effet que m’a fait cet ouvrage de Rokhaya Diallo. L’impression d’une discussion avec une grande sœur, une amie qui répondait à mes interrogations du moment. Et quelles interrogations ? La question de ma place dans la société, dans la cité, qui est politique au plus haut point. Surtout pour nous, les enfants d’immigré.es, les Français.es à qui l’on demande toujours d’où nous venons et d’une certaine manière qui nous sommes vraiment. Une question qui nous demande sans cesse de nous positionner entre plusieurs mondes, de justifier notre légitimité à être français.e.

 

J’ai eu la chance de lire ce livre dans une période où être française, arabe, africaine, musulmane en France était une source de malaise intense pour moi. Je ne doute d’aucune de mes identités. C’est par moment mon pays qui semble douter de moi. Et c’est douloureux. J’en suis venue à un point où j’ai éliminé nombre de média de mon quotidien car je n’en pouvais plus d’entendre parler de moi sans que l’on parle vraiment de moi, dans ma singularité. J’en avais marre de ne plus me reconnaître dans les narrations publiques de ma soi-disant histoire. J’en ai eu marre de me sentir devenir une citoyenne de seconde zone, à qui l’on pouvait retirer sa nationalité. J’en ai eu marre d’avoir la même conversation à l’infini avec des gens qui étaient étonnés de mon parcours (ingénieure puis RH), de ma réussite professionnelle, de mon niveau de français, de mon ouverture d’esprit, et j’en passe des meilleurs. Et oui, je ne correspondais pas au « storytelling » qui inondait la toile et les médias depuis le 11 septembre 2001. J’avais 16 ans à l’époque et c’est le moment où j’ai senti le regard de mon pays changer sur moi.

 

J’ai grandi dans une banlieue « coco », au sein d’une classe moyenne culturellement privilégiée, avec des parents certes étrangers mais ayant fait toute leur scolarité en français et en arabe (dans un Maroc post protectorat) s’étant rencontrés à la fac en France. J’ai grandi au milieu des livres, des films et des documentaires sur la géopolitique. J’ai grandi dans un Islam qui m’a été transmis par des histoires, des contes et des métaphores. J’ai toujours su que j’étais musulmane. Ce n’est qu’après le 11 septembre 2001 que j’ai eu le sentiment de devoir justifier d’être une musulmane inoffensive. Jusque-là, on m’avait plutôt renvoyée à mon identité arabe pour alimenter les questions dérangeantes ou les remarques désobligeantes. On m’a d’ailleurs souvent demandé si je choisirais la France ou le Maroc en cas de guerre, ce à quoi je répondais qu’il me serait difficile de choisir entre mon père et ma mère. À force d’avoir le cul entre deux chaises, on finit par se retrouver le cul par terre.

 

Toujours là mais jamais vraiment à sa place. Ce sentiment a grandi avec les années devenant transfuge de classe, femme ingénieure, arabe et musulmane, dans des milieux majoritairement blancs et masculins. En lisant cet ouvrage, j’ai à la fois pu mettre des mots sur des sentiments et des sensations qui m’avaient traversée par le passé. J’ai enfin compris d’où venaient ces remarques sur ma soi-disant insolence. J’avais l’audace, l’impertinence de ne pas rester à ma place. Merci Rokhaya, de m’avoir fait comprendre que ma place, c’était à moi de me la créer, là où je le souhaitais. Merci de m’avoir aidée à ouvrir le champ des possibles. Ma place n’est pas figée dans le temps mais en évolution permanente. Je m’autorise dorénavant à me mouvoir au gré des vents et de mes envies, d’une place à l’autre. Car j’ai la chance d’avoir des identités multiples et d’être une boule à facette, où chaque miroir est le reflet d’une part de moi.

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Diffuse la bonne parole

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(Dé)construction

Lettre à mes ami.es non musulman.es : CESSEZ DE VOUS TAIRE. Vous avez le pouvoir d’être des justes.

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Depuis que je suis petite, je me suis souvent demandée si j’aurais été dans le camp des collabos ou celui des justes pendant la Seconde Guerre mondiale. Je me suis souvent demandé comment on en arrivait à collaborer avec un gouvernement raciste, à dénoncer ses voisin.es. Je me suis souvent demandé si j’aurais eu le courage, la force, la clairvoyance d’être du côté des justes. Et puis je me suis souvent dit que si la vie de mes proches étaient en jeu, je ne suis pas sûre que j’aurais été prête à mourir pour mes valeurs.
Vendredi 15 mars 2019, je me suis levée pour prendre un train. Je venais d’apprendre que quasi 50 musulman.es venaient d’être assassiné.es par un terroriste suprémaciste blanc d’extrême droite uniquement parce qu’ils.elles étaient musulman.es. Je n’étais même pas surprise. Choquée, mais pas surprise. Mon pire cauchemar se réalisait.

 

Je m’étais souvent demandé si j’aurais été collabo ou juste. Bizarrement, je n’avais pas envisagé le cas où j’étais la potentielle déportée. La petite fille en moi ne comprenait pas pourquoi on s’en était pris aux Juifs.ves, aux Tziganes, aux homosexuel.les. J’étais donc rassurée qu’une partie de mon pays ait alors résisté et vaincu cette idéologie raciste. Et surtout, la petite voix au fond de moi me disait que mon pays ne pourrait plus jamais refaire ça. Je me disais que mon pays ne ME ferait jamais ça.

Pourtant, dès le 15 mars, même pas 24 heures après cette terrible attaque contre la communauté musulmane, MA communauté continue d’être salie, insultée, non-respectée dans son deuil. Nous serions en plus RESPONSABLES de ce drame de par notre existence même.

Pour mes ami.es non musulman.es qui prendront le temps de lire cette lettre, pour celles et ceux qui m’aiment, m’apprécient, ou juste me respectent, je vais vous demander une chose. CESSEZ DE VOUS TAIRE. Vous avez le pouvoir d’être des justes. Lorsque vous entendrez dans une phrase le mot « musulman.e » prononcé par certain.es politiques, journalistes, collègues ou membres de votre famille, remplacez le par « Nawal » et répétez-vous la même phrase dans la tête. Souvenez-vous que lorsqu’ils.elles disent « musulman.e », je suis directement visée. Si ma vie, mes droits et ma sécurité vous importent : intervenez, contredisez ou quittez simplement la table.

Si vous ne vous vous sentez pas concerné.e par ce que je viens de vous écrire, si ma vie, mes droits et ma sécurité ne vous importent pas, je ne vous en voudrais pas de ne plus vouloir me fréquenter. Je vous envoie tout mon amour et je vous souhaite une vie heureuse. Je ne suis pas sûre d’avoir besoin d’ami.es ou de « potes » qui sont complices, par leur silence, de la violence envers ma communauté. Je vous promets cependant, le jour où vous vous réveillerez, que la porte de mon cœur vous sera grande ouverte.

Pour les autres, souvenez-vous du choc psychologique du 13 novembre, souvenez-vous des émotions qui nous ont envahies. Alors que comme tant d’autres, je n’ai pas encore complètement digéré le 13 novembre, je dois de nouveaux faire face à ces mêmes émotions. Je vais continuer à vivre, à rire, à danser, à exister. Mais pendant un temps, chaque vendredi, j’aurai la boule au ventre quand mon père se rendra à la mosquée pour la prière collective. Et chaque vendredi soir, j’espère pouvoir fêter avec vous que j’ai eu tort de m’inquiéter car il sera rentré sain et sauf.

Soyez indulgent.es avec moi : je risque de tourner en boucle sur le sujet, ou par moments, de déprimer face à la bêtise de ce que j’entends, de ce que je vois, de ce que je vis. Rappelez-moi que vous êtes mes allié.es. Taisez-vous, ne répliquez pas, laissez le flot sortir. Prêtez-moi une épaule sur laquelle pleurer. Divertissez-moi. Acceptez le fait que vous ne me reconnaissiez pas ou que vous ne me compreniez pas complètement. Ma colère, même si elle s’exprime DEVANT vous, n’est pas dirigée CONTRE vous. Rappelez-vous que vous êtes les seul.es auprès desquel.les je m’autorise à l’exprimer. Car ailleurs, je n’ai socialement pas le droit de me mettre en colère, sans en subir les conséquences. Soyez mon espace de bienveillance dans ce monde qui en manque cruellement.

Je vous aime,

Nawal
#lavieestunefete #levieestunefeta

 

Crédit Photo Image à la une : Rakidd

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Diffuse la bonne parole

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