[Communiqué] La France criminalise la lutte contre l’islamophobie

par | 5/12/20 | Communiqués

Nous, femmes musulmanes, militant.e.s, féministes et antiracistes qui œuvrons pour la justice sociale, dénonçons la décision arbitraire et scénarisée du Conseil des Ministres concernant la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Nous exprimons notre consternation et notre colère suite à cet acte autoritaire et immotivé, qui menace la liberté d’association et d’expression.

 

En réalité, le CCIF n’existait déjà plus lorsque le gouvernement, par effet d’annonce, a proclamé sa dissolution en Conseil des Ministres.

Cette dissolution est un signal d’intimidation clair envoyé à large échelle à toute personne qui dénonce la réalité raciste et sexiste dans laquelle vivent les musulman.e.s en France. Elle porte une atteinte dangereuse et sans précedent à la défense des droits d’une partie de la population touchée par la haine islamophobe et s’inscrit dans la volonté d’annihiler toute voix critique et dissidente qui oserait dénoncer son discours islamophobe.

Nous avons le droit et la responsabilité de ne jamais légitimer les injustices, de ne jamais laisser croire qu’elles sont la norme. Porter nos voix, dissidentes et critiques de la France, ne constitue pas un « projet de haine ».

La décision acharnée de notre gouvernement vis-à-vis du CCIF est contraire à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à valeur constitutionnelle, qui dispose que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »

Cet objectif était celui du CCIF : se battre pour que les musulman.e.s puissent bénéficier des mêmes droits que n’importe quel autre citoyen.ne.s français.e.s ; et donc se battre pour les valeurs de la République – que nos institutions renient aujourd’hui.

Au regard de l’obstination acharnée avec laquelle le gouvernement réprime une organisation qui le met face à ses responsabilités, nous ne pouvons détourner le regard de ce rappel à la déférence, de ces attaques à notre liberté d’association, d’expression pour silencer des revendications légitimes.

Cette dissolution pour donner l’exemple, est très inquiétante, car elle donne à voir une partie d’un projet plus large orchestré par le gouvernement : un projet de répression, de silenciation des masses manifestantes et de mises à mal des libertés individuelles et collectives, constamment éprouvées.

Le CCIF, en tant qu’acteur majeur de la lutte contre l’islamophobie, depuis ses débuts, a su porter, dans les médias, la voix des musulman.e.s contre les stigmatisations qui les visent et apporter une aide juridique de taille aux personnes victimes de l’islamophobie, en particulier aux femmes musulmanes qui sont en première ligne des nombreuses agressions islamophobes – 70% des agressions islamophobes en France visent des femmes selon leur dernier rapport.

Au niveau européen, le collectif contre l’islamophobie est un acteur majeur de la lutte contre les discriminations qui œuvre pour la reconnaissance de l’islamophobie comme discrimination spécifique qui touche les musulman.e.s. Son engagement pour la justice représente un apport considérable dans la lutte pour le respect des droits fondamentaux.

Dissoudre un tel collectif constitue un danger inouï pour les droits humains et la preuve irréfutable que le droit à la défense et l’accès à la justice sont déniés aux personnes musulmanes.

Cette criminalisation de la dénonciation de l’islamophobie viendrait se graver dans le marbre avec la loi anti-républicaine, ironiquement qualifiée de loi « confortant les principes républicains », qui permettrait la dissolution immédiate de toute association et groupement luttant pour les droits des minorisé.e.s.

Nous faisons face à une politique du déni islamophobe, raciste ; à l’orchestration d’un projet de société et d’un décret liberticide qui réduit en silence la souffrance de milliers de musulman.e.s et qui criminalise stricto sensu l’auto-organisation des concerné.e.s.

Nous dénonçons par ailleurs une violation de notre liberté de culte avec la fermeture arbitraire de lieux de culte et la mise en place d’une action massive contre 76 mosquées en France.

Vers quelle société tendons-nous ? Celle où nos libertés d’association, d’expression et de culte sont bafouées ? Celle où les droits de milliers de français.es de confession musulmane seraient inexistants et piétinés ?

Nous écrivons car nous ne saurions nous résigner à cela !

Chez Lallab, et avec nos camarades de lutte, nous ne cesserons de travailler pour défendre la dignité des femmes musulmanes et faire appliquer les lois leur assurant des droits fondamentaux.

 

Signataires :

Lallab

Women’s March Paris

Widad Ketfi
Women Who Do Stuff

Center for Intersectional Justice (CIJ)
Emilia Roig
Faïza Guène

Nesrine Slaoui

Collectif Nta Rajel?

Latifa Oulkhouir

Nadia Bouchenni

Le STRASS

Collectif Perspective

Fatima Khemilat

Inès Belgacem

Maria Ait Ouariane
Cléo Bertet

Clara Monnoyeur

Caroline Varon

Ndella Paye
Omar Slaouti, militant antiraciste, enseignant

 

Crédit image à la une : Nesrine Slaoui

Diffuse la bonne parole